Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, sur l’article. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Mme Isabelle Debré. La réunion de la conférence des présidents a été demandée !
Mme la présidente. Elle n’est pas de droit.
M. Philippe Bas. Si !
M. François Zocchetto. Madame la présidente, je n’insisterais pas si nous n’avions pas organisé nos travaux de façon aussi détaillée lors des deux dernières réunions de la conférence des présidents.
Avec le président de la commission des lois, nous avons pris soin de mettre au point le calendrier le plus approprié, et nous n’avons pas souhaité prévoir une séance dans la nuit de mardi à mercredi.
M. Gérard Larcher. Absolument !
Mme la présidente. Je vais suspendre la séance…
Mme Catherine Troendle. Le groupe UMP demande également la réunion de la conférence des présidents. (La séance est suspendue ! sur les travées du groupe socialiste.) Elle est donc demandée par deux groupes !
Mme la présidente. Je suspends la séance pour cinq minutes, afin que nous puissions nous entendre sur l’organisation de la suite de nos travaux.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à deux heures dix, est reprise à deux heures quinze.)
M. François Rebsamen. Mes chers collègues, le temps passe, et il est deux heures quinze. Pour que nos débats se poursuivent demain et jusqu’à jeudi soir dans la sérénité qui sied à la Haute Assemblée, je propose que nous interrompions nos travaux à deux heures trente, comme je l’avais suggéré. D’ici là, madame la présidente, nous pourrions, si tout le monde en est d’accord, commencer les prises de parole sur l’article 1er bis.
Mme Isabelle Debré. Nous y consentons, pour vous être agréables !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La paix nocturne à deux heures dix-huit… (Sourires.)
Mme la présidente. Je consulte le Sénat sur cette proposition.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Article 1er bis (suite)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.
M. Philippe Bas. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, madame la ministre déléguée auprès de Mme la ministre des affaires sociales, chargée de la famille, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur le magistrat Michel, madame le rapporteur pour avis,…
M. Alain Néri. Vous le faites un peu longuet !
M. Philippe Bas. … mes chers collègues,…
M. Marc Daunis. Saluez Portalis aussi !
M. Philippe Bas. … je me résous, malgré l’heure matinale, à présenter les observations générales que m’inspire l’article 1er bis, qui est en réalité un ensemble d’articles.
Je le disais précédemment, de mon point de vue, que mon groupe partage, on est sans doute là au cœur du projet de loi. En effet, l’article que nous nous apprêtons à examiner décline, de manière explicite ou implicite, toutes les conséquences des dispositions figurant à l’article 1er, qui a été adopté à notre grand regret.
Contrairement à ce qu’on dit souvent, le mariage par lui-même n’est pas une simple cérémonie, pas plus qu’un ensemble d’engagements mutuels entre deux époux. C’est avant tout une institution qui n’existe dans le code civil que parce que la société y trouve intérêt, puisqu’elle fait de la famille sa cellule de base. Par conséquent, le plus important dans l’institution du mariage est bien sûr le cadre offert pour le développement de la vie familiale, c'est-à-dire pour les enfants.
De ce point de vue, nous l’avons dit et redit,…
M. Alain Néri. Redit, c’est vrai !
M. Charles Revet. À force, ça va rentrer !
M. Philippe Bas. … la différence fondamentale de situation qui existe, selon nous, entre couples de personnes de sexe opposé et couple de personnes de même sexe aurait dû nous conduire naturellement à rechercher d’autres solutions que le mariage pour régler les problèmes familiaux qui existent dans les familles, que nous reconnaissons également, constituées par deux personnes de même sexe.
Nous voyons se dérouler un certain nombre de dispositions ayant pour but de faire en sorte que deux adultes de même sexe, en quelque sorte des coparents, soient à égalité de droits et de devoirs vis-à-vis d’un enfant.
À nos yeux, la difficulté d’une telle structure, c’est qu’elle comporte soit deux mères soit deux pères. L’enfant, quelles que soient les qualités éducatives de ses deux parents, quels que soient les sentiments qu’ils se portent l’un à l’autre et quels que soient les sentiments qu’ils lui portent, ne pourra combler le manque qui est à la racine de sa vie familiale. Car un enfant qui a deux pères, c’est toujours un orphelin de mère. Et un enfant qui a deux mères, c’est toujours un orphelin de père. Nous savons bien que, si la vie permet à tout enfant grandissant dans une telle situation de s’épanouir, le manque qu’il ressent est irréparable. Ceux qui, parmi nous, l’ont ressenti dans leur enfance – il y en a, bien sûr – ne diront pas le contraire.
Je constate ainsi que, contrairement à ce que vous avez prétendu en parlant de « mariage pour tous » – ce n’était qu’un slogan, bien vite abandonné, qui ne figure pas dans le projet de loi –, il y aura, du point de vue de l’enfant, plusieurs formes de mariage. Je laisse de côté, naturellement, le cas du foyer formé par un homme et une femme, dans lequel l’enfant devient l’enfant de son père par application de la présomption de paternité, qui ne nécessite aucun acte juridique particulier.
Pour ce qui concerne les foyers composés de deux femmes mariées, cas prévu par le texte…
M. Alain Néri. C’est fini !
M. Philippe Bas. Vous vous êtes suffisamment plaint tout à l’heure que je ne parle pas pour me laisser terminer mon raisonnement !
Dans les foyers composés de deux femmes, celle qui met au monde l’enfant sera sa mère, mais son épouse ne sera pas automatiquement sa deuxième mère : il faudra en effet un jugement d’adoption. Cela montre bien qu’il y a deux types de mariage : un mariage dans lequel l’enfant est, sans décision juridique particulière, l’enfant des deux membres du couple et un autre mariage, dans lequel l’enfant ne peut que devenir l’enfant des deux membres du couple.
Mme Laurence Cohen. Vous avez dépassé votre temps de parole de plus d’une minute !
M. Philippe Bas. Ne voulant pas, madame la présidente, que vous ayez à me rappeler à votre tour le temps de parole qui m’est imparti, je conclus.
Mme la présidente. Achevez votre raisonnement, cela en vaut la peine…
M. Philippe Bas. Je vous remercie, madame la présidente.
Nous aurons aussi des couples d’hommes, dans lesquels peut survenir l’enfant par le recours à l’étranger à la gestation pour autrui. Or notre droit, et à cet égard j’apprécie la fermeté du Président de la République, empêche radicalement la reconnaissance de la paternité et de la maternité de l’enfant conçu par une mère porteuse à l’étranger. Ce couple d’époux, à la différence du couple d’épouses que je viens d’évoquer, ne pourra même pas faire reconnaître sa coparenté à l’égard des enfants. (Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Trois mariages là où il n’y en avait qu’un : tel est le résultat de ce projet de loi, qui dissocie l’institution du mariage et qui créera de très nombreux problèmes vis-à-vis des enfants.
Mme Laurence Cohen. Et le temps de parole ?
M. Philippe Bas. J’aurai l’occasion, si vous le permettez, madame la présidente, de revenir tout à l’heure (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) sur les graves problèmes de conventionnalité que cela posera, puisque la Cour européenne des droits de l’homme, …
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Bas.
M. Philippe Bas. … sur la base d’un contentieux noué avec l’Autriche, a déjà affirmé qu’on peut choisir de ne pas permettre le mariage de couples de personnes de même sexe, mais que, dans le cas contraire, il faut respecter le principe d’égalité et ne pas créer des régimes différents. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Alain Néri. Comme le disait Boileau, « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement » ! On n’a rien compris !
M. Philippe Bas. Je vous réexpliquerai volontiers, mon cher collègue !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, sur l'article.
M. Daniel Raoul. Faites-nous une explication de texte, monsieur Longuet !
M. André Reichardt. C’était pourtant très clair !
M. Gérard Longuet. Le débat qui s’instaure est intéressant, continuez…
Mme la présidente. Monsieur Longuet !
M. Gérard Longuet. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, je prends la parole à cet instant, car, comme l’a dit Philippe Bas, l’adoption est au cœur du projet de loi. À quoi servirait-il d’autoriser le mariage homosexuel si l’on n’ouvrait pas la perspective aux couples stables et qui le souhaitent d’organiser une continuité grâce au bonheur d’éduquer un ou plusieurs enfants ?
L’adoption – c’est un aspect essentiel du projet de loi – est ouverte de droit aux personnes mariées. M. Gélard a rappelé dans son intervention générale que l’adoption était cependant, y compris et d’abord pour le mariage hétérosexuel qui est fondé sur l’altérité, une solution exceptionnelle dont le recours s’explique par des raisons particulières. L’adoption n’a jamais été conçue comme un mode de continuité familiale. L’adoption, le doyen Gélard le rappelait avec justesse, était possible pour les couples hétérosexuels qui avaient l’intention d’assurer la transmission d’un patrimoine ou d’un nom. Ils surmontaient ainsi l’obstacle que leur imposait la nature, car tous les couples hétérosexuels ne sont pas nécessairement procréatifs. C’est donc une adoption exceptionnelle, qui est à fois importante et utile, mais parfaitement minoritaire.
Vous ouvrez, nous en parlerons tout au long de la discussion de l’article 1er bis, une continuité de premier exercice, une sorte de droit à l’adoption. Je ne reviendrai pas en cet instant sur l’impossibilité matérielle d’apporter la probabilité d’une réponse positive à ces couples, qui seront nécessairement déçus puisque le nombre d’enfants à adopter a diminué. Je voudrais insister sur un point qui m’a choqué lors de la discussion générale. L’un de nos collègues du groupe socialiste nous a dit : « Vous refusez le mariage homosexuel, parce qu’il ne peut pas engendrer naturellement. Dès lors, vous devriez interdire tous les mariages hétérosexuels qui ne débouchent pas sur la procréation. »
Tous les mariages hétérosexuels ne débouchent pas nécessairement en effet sur la procréation, l’adoption n’étant qu’une suppléance à laquelle il est recouru de façon très minoritaire.
Selon moi, il y a une différence fondamentale entre un état de nature nécessaire mais non suffisant et une situation absolument impossible. Le mariage hétérosexuel ouvre la possibilité de la procréation, c’est une condition nécessaire. Nous sommes tous d’accord sur le fait que ce n’est pas une condition suffisante. L’âge, la fertilité font que la procréation n’est pas certaine. Nous avons cependant toujours autorisé le mariage, y compris lorsque la probabilité de la procréation n’était pas établie, pour une bonne raison qui s’articule autour de deux arguments.
La bonne raison, c’est que, dans le cas des couples hétérosexuels, la condition nécessaire est satisfaite. Dès lors, les deux conjoints ont tout loisir de prendre en compte d’autres possibilités. L’adoption possède alors un caractère parfaitement supplétif, d’autant que les progrès de la science, et notamment de la PMA, accessible aux couples hétérosexuels pour lesquels une insuffisante fertilité a été constatée, leur rendent une espérance.
Mme Cécile Cukierman. Plus de cinq minutes déjà !
M. Gérard Longuet. Avec le mariage homosexuel, que vous avez accepté en adoptant l’article 1er, vous ouvrez un droit à l’adoption, que vous ne pourrez pas satisfaire, et vous créez une injustice profonde entre deux types de couples : les couples hétérosexuels, qui ont la condition nécessaire pour accéder à la procréation, sachant par ailleurs que cette condition nécessaire n’est, hélas, pas toujours suffisante, et les couples homosexuels, pour lesquels vous autorisez l’accès à l’adoption, alors qu’ils ne répondent pas à l’obligation de nécessité et se placent hors du cadre des conditions suffisantes complémentaires, telles que l’âge ou la fertilité.
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Longuet : vous dépassez largement votre temps de parole !
M. Gérard Longuet. Je suis vraiment désolé ! Je vais donc interrompre mon propos. Ce n’est pas grave, puisque nous nous retrouverons demain ou, plus exactement, cet après-midi. J’aurai alors l’occasion de préciser ma pensée au cours de l’examen des amendements.
Vous me rappelez à l’ordre, madame la présidente, en me demandant de conclure. C’est une juste cause, puisqu’il vous faut lever la séance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
Mme la présidente. Sachez, mes chers collègues, qu’il reste 216 amendements à examiner.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
6
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 10 avril 2013, à quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (n° 349, 2012-2013) ;
Rapport de M. Jean-Pierre Michel, fait au nom de la commission des lois (n° 437, tomes I et II, 2012-2013) ;
Texte de la commission (n° 438, 2012-2013) ;
Avis de Mme Michelle Meunier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 435, 2012-2013).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 10 avril 2013, à deux heures trente.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART