M. David Assouline. Ça se voit !
Mme Éliane Assassi. Il n’y a que vous qui parlez !
M. Christophe Béchu. Monsieur Assouline, ne créez pas le délit de faciès dans cette assemblée !
M. David Assouline. Attention !
M. Christophe Béchu. C’est à vous de faire attention à vos propos ! Si vous voulez jouer au jeu des dérapages, cela peut mener loin ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Mme Éliane Assassi. Ne mélangez pas tout !
M. Christophe Béchu. Dans cet hémicycle, certains défendent le projet de loi en étant persuadés qu’il représente un progrès de civilisation. Souffrez que, pour notre part, nous ayons la conviction que non seulement ce n’est pas le cas, mais que ce texte menace l’équilibre de notre société.
Depuis le début de ce débat, on entend affirmer que s’opposer au mariage pour tous relèverait nécessairement d’une posture homophobe ou discriminatoire. Mes chers collègues, ce n’est pas vrai !
M. Philippe Marini. Vous devriez écouter les différents intervenants ! Souffrez que nous nous exprimions !
M. Christophe Béchu. Comme vient de le rappeler Jean-Pierre Raffarin, nous sommes des républicains, nous ne jetons nullement l’opprobre sur nos concitoyens homosexuels, nous ne nions pas leurs droits.
Mme Cécile Cukierman. C’est vous qui nous avez traités d’antirépublicains !
M. Christophe Béchu. Nous nous préoccupons des enfants, qui sont les grands absents de ce débat. N’accusez pas ceux qui ne partagent pas vos opinions de prendre une posture !
M. Jean-Louis Carrère. Bon allez, ça va !
M. Philippe Marini. Respectons nos différences !
M. Christophe Béchu. Les conséquences de l’application du dispositif de ce projet de loi iront au-delà de ce que vous dites. Vous ne pouvez pas, devant la force des manifestations populaires qui ont eu lieu ces dernières semaines, faire comme si le pays était rassemblé derrière vous et conquis par vos propositions ! (M. Bernard Piras s’exclame.) La vérité, c’est que de très nombreux Français doutent. En refusant de soumettre votre projet au référendum et de laisser ainsi nos compatriotes s’exprimer, vous prenez le risque de susciter de graves divisions. Rien, dans ce que nous avons entendu depuis deux jours, ne nous permet de considérer que vous avez répondu aux questions que se posent la majorité de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. L’article 1er est la colonne vertébrale de l’ensemble du texte, le cœur du réacteur. C’est la raison pour laquelle nous sommes nombreux à intervenir. Il est bien normal qu’il en soit ainsi : puisque vous voulez priver les Français de la possibilité de se prononcer, tolérez au moins que leurs représentants s’expriment !
M. Jean-Louis Carrère. On le tolère !
M. Bruno Retailleau. Vous avancez masqués.
M. Jean-Louis Carrère. On nous appelle Zorro !
M. Bruno Retailleau. À propos de ce texte, on a évoqué le cheval de Troie ; pour ma part, je parlerais plutôt de sophisme.
Dans le paradoxe d’Achille et de la tortue, on fractionne en petits segments le chemin à parcourir pour démontrer que jamais Achille ne rattrapera la tortue. Vous, vous fractionnez la difficulté pour masquer des conséquences dont nous ne cessons de vous parler depuis le début de l’examen de ce projet de loi.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Bruno Retailleau. Cela étant, cette technique des petits pas derrière laquelle vous vous cachez ne pourra rien contre l’effet domino qu’engendrera la mise en œuvre du mécanisme que vous êtes en train d’armer avec cet article : il emportera tout !
Mes chers collègues, vous allez créer une filiation sociale, sans rapport avec la biologie et, pour ce qui concerne l’adoption, sans rapport avec la vraisemblance biologique.
Cependant, vous n’allez pas au bout de votre logique. Il en résulte un bricolage juridique, et cette démarche est lourde de conséquences, notamment éthiques. En refusant de tirer toutes les implications juridiques de l’article 1er, en particulier de toucher à la présomption de paternité ou à la filiation, vous laissez une dizaine d’articles en suspens. Si vous le faisiez, cela susciterait un problème juridique et vous obligerait à dévoiler vos intentions.
Mais il y a beaucoup plus grave encore. Ce texte ne constituera finalement pas un progrès de civilisation, comme vous le voudriez, mais un recul, car il aboutira peut-être à la fabrique des enfants et au règne de la logique de marché. (Mlle Sophie Joissains applaudit.) En ouvrant aux couples de personnes de même sexe la possibilité d’adopter, vous exacerberez une demande d’adoption qu’il sera impossible de satisfaire, vous le savez très bien, sauf à régulariser la fraude, les « bébés Thalys ». C’est une atteinte à l’ordre public que vous êtes en train d’organiser. D’ailleurs, vous avez déjà régularisé un certain nombre de situations, madame la garde des sceaux. Ce n’est pas normal !
Ce texte est comparable à une valise à double fond : l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe cache le recours à la PMA et à la GPA. Le marché se trouve sur internet. Le 11 novembre dernier s’est tenue une sorte de foire aux techniques procréatives organisée par une clinique privée de l’Illinois !
Voilà le mécanisme que vous êtes sur le point d’enclencher. Ceux qui disent que l’on n’ira pas plus loin que ce que prévoit le présent texte sont les mêmes qui affirmaient hier que la création du PACS était l’étape ultime. Vous devez la vérité aux Français ! À l’heure où sévit une crise très dure, ils ont besoin de repères : ne touchez pas à la filiation, à la famille. Vous divisez profondément nos compatriotes au moment où ils ont besoin de se rassembler pour faire face à la crise.
M. Jean-Marc Todeschini. Le temps de parole est écoulé !
M. Bruno Retailleau. La gauche est de moins en moins sociale, elle n’est pas franchement libérale, mais elle est devenue passionnément libertaire !
MM. François Rebsamen et David Assouline. C’est terminé !
M. Bruno Retailleau. Les Français s’en rendront compte et vous le reprocheront ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet.
M. François-Noël Buffet. Les dispositions de l’article 36, alinéa 3, du règlement du Sénat permettent à chacun des membres de cette assemblée de demander à tout moment la parole pour un rappel au règlement, dans la mesure où l’auteur de cette demande fait référence à une disposition précise de ce dernier.
En l’occurrence, j’invoque l’article 29 bis de notre règlement pour vous poser une question, monsieur le président : nous siégeons sans discontinuer depuis 14 h 30 ; quand pensez-vous suspendre la séance ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Cela n’a aucun rapport avec l’article 29 bis !
M. le président. Monsieur le sénateur, je suspendrai la séance lorsque nous aurons achevé les explications de vote sur l’article 1er.
La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. À l’issue de ce débat sur l’article 1er, ma conviction se trouve renforcée : je voterai contre cet article et l’ensemble du texte.
Mme Cécile Cukierman. Heureusement que, dans votre groupe, la liberté de vote s’applique !
M. Gérard Cornu. Nous avons posé beaucoup de questions, nous avons fait des suggestions, mais, chaque fois, les réponses des ministres ont été floues, assorties d’une litanie de citations préparées par leurs collaborateurs. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Comme l’a dit quelqu’un que vous connaissez bien, quand c’est flou, il y a un loup. Nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à vouloir démasquer ce loup.
Mme Cécile Cukierman. Les loups sont entrés dans Paris !
M. Gérard Cornu. À l’occasion de chaque vote, vous demandez un scrutin public, car l’opposition est présente en nombre et vous craignez d’être battus.
Vous avez longuement évoqué la reconnaissance de l’amour homosexuel. Effectivement, en l’état actuel du droit, la demande des couples homosexuels de pouvoir bénéficier d’une plus grande reconnaissance sociale peut tout à fait se comprendre ; elle est légitime. Tout naturellement, l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe apparaît comme un moyen de répondre à cette demande.
Seulement, vous oubliez deux choses. Nous vous les avons certes déjà rappelées, mais la répétition étant la meilleure des pédagogies, je me permets d’y revenir.
L’union civile dont nous avons proposé la création aurait permis de répondre à la demande des couples homosexuels. En outre, la compréhension de la condition homosexuelle ne commence pas et ne s’arrête pas avec l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe. Je crois vraiment que vous vous trompez de réponse.
L’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe ne rendra pas leur fierté et leur confiance en soi aux homosexuels qui souffrent de discrimination à l’embauche. Elle ne permettra pas non plus de restaurer la confiance réciproque entre les membres d’une même famille où un enfant a été rejeté du fait de son homosexualité. Cela, vous le savez.
Vous avez donc conscience que le regard porté sur les homosexuels ne sera pas significativement modifié du fait de cette loi. En effet, l’œuvre du législateur, bien qu’influente, ne peut remédier à des années d’idées reçues et de peurs.
Mme Éliane Assassi. On obtient des changements par la loi !
M. Gérard Cornu. Parfois même, il arrive que l’entêtement du législateur à apporter une réponse, notamment lorsqu’elle est destinée à une minorité, soit à double tranchant pour les intéressés. Les bonnes intentions de certains peuvent nourrir le rejet des autres. Mais surtout, cela donne le sentiment, parfois justifié, que le fait minoritaire fait l’objet d’une plus grande attention de la part du législateur que l’élaboration de mesures économiques essentielles pour l’ensemble de la population.
L’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe n’améliorera donc pas significativement la condition des homosexuels, qu’ils vivent en couple ou pas.
Mais alors, pourquoi insister sur la mise en place d’une telle possibilité ? Les progrès dans l’acceptation de l’homosexualité ralentissant, de nouvelles réponses doivent être envisagées. Vous pensez à tort qu’il existe une proportionnalité entre le progrès d’une cause et l’œuvre législative y afférente. Ainsi, vous vous êtes lancés dans la surenchère que nous constatons aujourd’hui et que nous combattons. On le verra bientôt, cela ne sera pas suffisant, et il vous faudra de nouveau légiférer en trouvant un prétexte plus médiatique : une rupture d’égalité improbable, une insécurité juridique, des violences instrumentalisées, le non-respect de la mémoire. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Todeschini. Le temps de parole est écoulé !
M. François Rebsamen. C’est terminé !
M. Gérard Cornu. Bref, il y aura toujours quelque chose pour justifier l’élaboration d’une loi, y compris de bonnes raisons.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le sénateur !
M. Jean-Marc Todeschini. C’est terminé, monsieur le président !
M. Gérard Cornu. Nous refusons que vous instrumentalisiez le mariage comme un gadget au service d’une cause, aussi humaniste soit-elle.
M. le président. La parole est à Mlle Sophie Joissains, pour explication de vote.
Mlle Sophie Joissains. Quand ce projet de loi a été déposé, j’ai d’abord été très incertaine : j’étais favorable à l’ouverture d’une possibilité d’union pour les personnes de même sexe, mais fortement contrariée par les incidences de ce texte sur la filiation.
M. Jean-Louis Carrère. Ce texte ne concerne que le mariage !
Mlle Sophie Joissains. Les Français pensent de même. Le problème, c’est que, dans l’institution française du mariage, l’union et la filiation sont totalement imbriquées.
Ce qui m’inquiète plus encore, c’est que, derrière ce projet de loi, il y a un autre texte, caché, relatif à la PMA et à la GPA. Bien sûr, les défenseurs du projet de loi le nient, mais M. Revet a très bien rappelé, tout à l’heure, qu’une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne précise que toutes les personnes bénéficiant d’un même statut doivent être traitées de la même façon et bénéficier des mêmes droits, ce qui paraît tout à fait logique.
Aujourd’hui, les couples hétérosexuels peuvent recourir à la PMA. Demain, si un couple de femmes forme un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne pour accéder à ce droit, il est évident qu’il obtiendra satisfaction.
Mme Cécile Cukierman. Eh oui !
Mlle Sophie Joissains. Je ne remets pas en cause la capacité des couples homosexuels à élever des enfants. Ce qui me gêne, c’est que l’on va encore créer des inégalités entre les enfants.
Mlle Sophie Joissains. Les uns pourront engager une action en recherche de paternité, les autres n’auront pas le droit de connaître l’intégralité de leur patrimoine génétique.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Voilà !
Mlle Sophie Joissains. Cela amorce aussi une évolution vers l’enfant-objet.
Ce qu’il y a de plus terrible dans cette affaire, c’est que beaucoup de ceux qui vont voter le projet de loi entendent promouvoir une société de liberté, de droit, alors qu’ils sont en train de nous faire franchir la première étape vers une société de consommation à outrance, où l’objet de désir sera l’enfant.
Il en ira de même pour la GPA, puisque l’élaboration de ce texte a été motivée par le principe d’égalité. Dans la mesure où les couples de femmes auront droit à la PMA, la déclinaison logique du principe d’égalité conduira à la banalisation de la GPA, d’autant que celle-ci est légale dans certains pays.
Or la GPA, c’est l’exploitation de jeunes femmes des pays pauvres…
M. Jean-Louis Carrère. Qu’en savez-vous ?
Mlle Sophie Joissains. … par des réseaux. Elles loueront leur ventre, bien souvent à bas prix, car ce sont d’autres qui tireront les plus grands profits de ce marché.
Par respect pour les couples homosexuels, et surtout par respect pour l’enfant, pour la femme, son intégrité physique, sa dignité,…
M. Jean-Louis Carrère. Je me suis toujours méfié de ceux qui voulaient mon bien malgré moi !
Mlle Sophie Joissains. … par respect pour le corps humain et l’individu, par respect pour les droits que nous avons toujours prônés depuis 1789, je voterai résolument contre cet article et ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, moi qui suis sénateur depuis un certain nombre d’années, j’ai rarement vu une séance se prolonger aussi longtemps, hormis pour achever l’examen d’un texte.
M. Jean-Louis Carrère. Vous voulez débattre, alors on débat !
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur Carrère, vous ne cessez de hurler, cela vous tient lieu d’argumentation ! (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini. S’il allait dîner, il se sentirait mieux !
M. Jean-Jacques Hyest. Vous ne débattez pas, vous éructez en permanence ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean-Louis Carrère rit.) Cela étant, c’est votre nature, j’imagine que vous pouvez difficilement faire autrement…
M. Jean-Louis Carrère. Méfiez-vous de ma nature !
M. Jean-Jacques Hyest. Pour en revenir au débat, j’ai essayé d’assister à toutes les auditions. Je vous ai donné mon point de vue sur l’inconstitutionnalité du texte. Mais, quand il s’agit de questions de société, j’écoute tout le monde, et pas seulement les juristes.
Ainsi, divers philosophes se sont exprimés. M. le rapporteur, pour sa part, ne cite que Mme Héritier, qui semble être le nec plus ultra des philosophes,…
Mme Esther Benbassa. Elle est anthropologue !
M. Alain Gournac. Elle est socialiste, surtout !
M. Jean-Jacques Hyest. … mais quant à moi j’ai été extrêmement frappé par les raisonnements de Mme Agacinski ou de M. Thierry Colin, qui ne sont pas des philosophes « cathos » ! Selon eux, ce texte changera complètement la nature du mariage.
Or, dans notre droit, le mariage emporte l’accès à l’adoption. D’ailleurs, notre excellent collègue Alain Anziani, qui est un bon juriste, a tenu les propos suivants en commission des lois : « Je regrette que les articles 343 et 360 du code civil concernant l’adoption, ou 310 sur la filiation, n’aient pas été récrits. Le Conseil constitutionnel risque de considérer qu’il existe des contradictions entre ce texte et le code civil. »
En revanche, au Portugal, le mariage civil – je ne suis pas certain que le terme « mariage » soit utilisé – est ouvert aux couples homosexuels, mais pas l’adoption. De même, en Allemagne, il existe une union civile, qui n’ouvre pas de droits en matière de filiation.
Avec ce texte, il y aura des cas extrêmement différents. Le droit sera flou et on laissera le juge se débrouiller pour accorder ou non l’adoption. C’est tout de même la pire des choses !
Ne serait-ce que pour ces raisons, j’ai été convaincu par les arguments d’un certain nombre de philosophes, ainsi que par ceux des représentants des religions, quelles qu’elles soient. Il est d’ailleurs frappant qu’il existe, sur ce sujet, une unité de pensée parmi les représentants des grandes religions qui ont structuré nos civilisations au cours de deux millénaires. Cela devrait nous inciter à nous interroger.
En conclusion, je ne voterai pas l’article 1er, qui n’est pas détachable du reste du texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Giudicelli, pour explication de vote.
Mme Colette Giudicelli. Au regard des scrutins qui sont déjà intervenus au fil de l’examen de ce projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe, il ne fait malheureusement aucun doute que ce dernier devrait être adopté par notre assemblée.
Plusieurs sentiments me traversent l’esprit, qui peuvent se résumer d’une phrase : tant mieux si ce texte peut conduire à une plus grande acceptation de l’homosexualité et à davantage de tolérance en général – je n’en suis toutefois pas certaine –, mais deux phénomènes préoccupants auxquels renvoie ce projet de loi m’inquiètent.
D’abord, ce texte est sans doute un message de bienveillance à l’adresse des homosexuels, même si une grande partie d’entre eux y sont indifférents, pour ne pas dire hostiles.
Mon souhait le plus cher serait que ce texte permette de les rendre plus heureux. Je souhaite, à cet égard, que la vie sentimentale des personnes homosexuelles vivant en couple ne soit pas un obstacle à leur bonheur et à leur développement. Je souhaite qu’elles puissent avoir la vie la plus enrichissante et heureuse possible.
J’espère simplement que les homosexuels ne seront pas l’instrument de fausses politiques progressistes, et qu’ils ne seront pas les otages de guerres qui ne les concernent pas.
Je voudrais, à cet instant, évoquer le rapport à la science.
Il y a quelques années de cela, les progressistes se battaient encore contre l’obscurantisme qui prétendait nous faire vivre dans un monde enchanté : un monde où la science était aux ordres du sacré, un monde où la vérité biologique passait après les textes saints, un monde où le créationnisme primait sur le darwinisme.
Or, notre société s’étant depuis sécularisée, le sacré a été exclu de la sphère publique pour faire place à la science, à la raison et à la vérité biologique.
Aujourd’hui, nous assistons au retour d’un nouveau sacré, de nouvelles croyances : nous assistons à la renaissance d’un monde enchanté !
Il suffit, pour s’en convaincre, d’écouter les prêches de certains – je ne dis pas de tous –, qui affirment que les institutions humaines ne doivent pas être fondées sur des considérations biologiques, ravalant ainsi les vérités scientifiques au rang de simples considérations. Cette tutelle de la nature sur l’homme serait une nouvelle tyrannie, une nouvelle aliénation.
Ce qui est fâcheux, dans cette histoire, c’est que ceux qui prônaient hier un monde désenchanté sont les mêmes qui, aujourd’hui, veulent de nouveau nous faire entrer dans un monde sacré, enchanté. En effet, un monde où l’union de deux hommes ou de deux femmes peut créer la vie, c’est un monde enchanté !
Prenons garde à ce que cette nouvelle forme de progressisme, dont beaucoup témoignent ici, ne nous entraîne pas vers un monde où le fait scientifique serait de nouveau relégué au rôle de faire-valoir. Ne prenons pas la science à témoin quand cela est nécessaire pour ensuite nier le fait naturel.
L’homme moderne devrait être suffisamment sage pour ne plus vouloir affronter la nature, pour ne pas nier ce que la nature des choses lui indique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt, pour explication de vote.
M. Henri de Raincourt. Je voudrais d’abord exprimer la légitime fierté des membres de notre groupe, qui, inlassablement, avec beaucoup de courage et de conviction, développent leur point de vue. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
M. Henri de Raincourt. Il est heureux que nous fassions preuve d’une certaine constance, madame la ministre !
Nous sommes donc assez contents, je le dis franchement, du travail que nous avons accompli jusqu’à présent. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
La surdité du Gouvernement et de sa majorité nous amènera à poursuivre dans cette voie.
Il y a d’abord eu une surdité du Gouvernement à l’égard de l’opinion. Durant cette période, le Gouvernement a, me semble-t-il, quelque peu péché par excès de confiance : il croyait l’opinion totalement acquise à son projet…
M. Alain Gournac. Il y a eu un reflux !
M. Henri de Raincourt. Il ne pensait pas que celui-ci se heurterait à un mouvement très profond de l’opinion, qui non seulement ne s’épuise pas, mais prend au contraire davantage de force chaque jour.
Il y a eu aussi une surdité du Gouvernement à l’égard des manifestations populaires. Je l’ai dit hier après-midi et je le redis aujourd’hui : cette attitude extrêmement choquante témoigne du peu de cas que les plus hautes autorités de l’État font des millions de personnes qui, depuis plusieurs mois, expriment leur sentiment, affirment leurs valeurs, défendent dans la rue de la manière la plus pacifique et la plus sympathique possible les principes auxquels elles sont attachées.
Il y a eu une surdité du Gouvernement, enfin, envers les parlementaires de l’opposition. J’en suis vraiment désolé, d’autant que nous ne sommes pas entrés dans cette enceinte les mains vides. Depuis que le débat s’est engagé, nous avons présenté des propositions extrêmement construites, travaillées, judicieuses, sérieuses. Je crois sincèrement qu’elles n’ont pas fait l’objet de la considération et de l’attention qu’elles méritaient.
Notre mission est simple. Il nous faut satisfaire à une double exigence : répondre à la demande des couples de personnes de même sexe en matière de sécurité juridique, pour eux-mêmes et pour les enfants qu’ils élèvent, le cas échéant, et envoyer un signal de reconnaissance aux personnes homosexuelles, tout cela sans remettre en cause l’institution du mariage ni le fondement de la filiation.
Je le dis de la manière la plus calme, il est intolérable que M. Pierre Laurent ait pu, hier, nous traiter d’homophobes.
Un sénateur du groupe UMP. C’est lamentable !
M. Henri de Raincourt. S’il venait plus souvent au Sénat, il comprendrait que c’est une assemblée courtoise et démocratique.
Mme Cécile Cukierman. On l’a vu cet après-midi !
M. Henri de Raincourt. Nos propositions ont-elles été entendues ? La réponse est non. Étaient-elles irréalistes ou insuffisantes ? On ne peut pas le dire. La meilleure preuve en est, mes chers collègues, qu’elles trouvent un écho de plus en plus favorable dans la population. Si le dialogue avait pu se nouer, en particulier sur cet article, nous aurions connu un moment de concorde national, en une période où les Français ont bien besoin de se rassembler. Au lieu de cela, nous avons trouvé face à nous des interlocuteurs qui ne s’exprimaient pas et un Gouvernement qui n’a jamais voulu lâcher un pouce de terrain, pensant sans doute qu’il détient seul la vérité.
Nous sommes extrêmement déçus par ce débat. Certes, il est démocratique, courtois la plupart du temps, mais il est assez désolant que nous ne soyons pas parvenus à briser la glace, à comprendre les revendications des uns et des autres, tout en préservant les fondements de notre société. C’est une occasion ratée pour notre pays, ratée pour le Sénat, ratée pour les familles. C’est dommage, mais nous n’y sommes pour rien ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour explication de vote.
M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, conformément à l’article 51 de notre règlement, les sénateurs signataires du présent document (L’orateur brandit le document.) demandent la vérification du quorum.
M. le président. Monsieur le sénateur, nous vérifierons le quorum au moment du vote sur l’article 1er.
La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.
M. Michel Savin. Les membres du groupe UMP, majoritairement hostiles au présent projet de loi, n’ont pas été confrontés à de graves contradictions.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Obstruction !
M. Michel Savin. Notre position est toujours restée la même, quelles que soient les dispositions examinées : refus de l’adoption plénière et de la procréation médicalement assistée pour les couples homosexuels, refus de la gestation pour autrui lorsque nous étaient soumis des amendements issus de groupes de la majorité visant à la reconnaissance de cette méthode de procréation.
Les choses ont finalement été pour nous assez simples, car nous n’avons jamais douté. Cela ne veut pas dire que nous n’avons pas écouté Mme la garde des sceaux, Mme la ministre, M. le rapporteur, M. le président de la commission des lois, ainsi que tous les autres intervenants, quel que soit le groupe auquel ils appartiennent. Cela ne veut pas dire non plus que nous avons été insensibles à leurs arguments.
Cependant, l’addition du travail réalisé en commission, de celui que notre groupe parlementaire a mené de son côté et de l’expertise de certains membres de notre famille politique nous a conduits à envisager la question à l’aune de deux grilles de lecture ou préoccupations distinctes : la satisfaction des demandes légitimes de certains couples homosexuels en matière de sécurité juridique et de reconnaissance, d’une part, la conscience aiguë de la nécessité de sécuriser les cellules familiales, aujourd’hui menacées pour des raisons nombreuses et diverses, d’autre part.
Dans cet esprit, nous avons voulu satisfaire les demandes légitimes exprimées par les couples homosexuels en avançant des propositions concrètes. L’union civile, loin d’être le gadget que certains ont dénoncé, répondait à deux inquiétudes ou à deux besoins manifestés par les couples homosexuels : elle leur apportait une plus grande sécurité juridique, calquée sur celle dont bénéficient déjà les couples mariés, et une reconnaissance institutionnelle de leur relation.
De la même manière, nous avons tout fait pour que l’on n’enterre pas définitivement ce qui reste de la famille en créant de nouveaux modèles de filiation, alors même que cette dernière est la colonne vertébrale de la famille. Sans une filiation harmonieuse et transparente, il ne peut y avoir de construction de l’enfant.
Dans ce débat, nous avons souvent parlé de droit de l’enfant, par opposition au droit à l’enfant. Si parfois nous nous sommes égarés dans de vaines querelles sémantiques, il importe que soit préservée la cellule familiale, au sein de laquelle chacun se construit des repères durables. Ce sont ces repères qui permettent à l’enfant de se développer dans des conditions optimales.
L’adoption de ce texte ne conduira pas à un cataclysme facilement identifiable ; elle sera simplement, je le crois, une étape supplémentaire sur le chemin que certains veulent nous voir emprunter, et qui doit conduire à la destruction de toutes les institutions sociales. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Malgré toute notre bienveillance pour les personnes homosexuelles, malgré notre compréhension à l’égard de certaines situations d’insécurité juridique qu’elles peuvent rencontrer, malgré notre conscience du manque de considération dont elles pâtissent, nous ne pouvons accepter que l’on assène un coup supplémentaire à la famille.
Parce que je considère, en tant que parlementaire, que l’intérêt collectif n’est pas la somme des intérêts individuels, je voterai contre le projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Demande de vérification du quorum