M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais je tiens à souligner que la protection de l’enfance ne s’arrête pas à la porte du domicile privé ! Elle doit être garantie partout sur l’ensemble du territoire, que les lieux concernés soient publics ou privés. Je souhaitais donc savoir s’il était envisagé d’interdire de fumer en voiture, notamment dans l’intérêt de la protection des enfants.
Dans ma prime jeunesse, j’ai appris que ma liberté s’arrêtait là ou commençait celle des autres. Tel doit précisément être l’objet de notre préoccupation : les enfants ne peuvent pas se défendre directement et il appartient aux adultes de les protéger. J’insiste donc pour que votre ministère s’empare de ce dossier, dans le cadre de la protection de l’enfance, madame la ministre, afin de préserver effectivement la santé de nos enfants.
projet de décret relatif à la gestion de la qualité des baignades artificielles
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, auteur de la question n° 331, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai souhaité attirer l’attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la teneur du projet de décret relatif à la gestion de la qualité des baignades artificielles.
Ce projet de décret ajoute, dans le chapitre II du titre III du livre III de la première partie du code de la santé publique, une section 4 portant sur les règles sanitaires applicables aux baignades artificielles.
Afin d’éviter le confinement et la stagnation de la masse d’eau et d’assurer une hydraulique satisfaisante, le projet de texte prévoit, dans l’article D. 1332-50 portant sur les baignades artificielles en système ouvert, l’exigence de « renouveler la totalité du volume de la zone de baignade en moins de douze heures au moins pendant la période d’ouverture au public, ce renouvellement étant permanent, et assuré par un apport d’eau neuve ».
Si le bien-fondé de cette nouvelle réglementation, qui apportera une amélioration de la sécurité sanitaire des baigneurs, n’est pas contestable, il est en revanche possible d’émettre quelques réserves sur la faisabilité du comptage des baigneurs, qui vise à limiter le nombre de ces derniers.
Le plus grave est que les baignades aménagées « maritimes », dont l’alimentation est soumise à un régime de marées macrotidales, sont dans l’impossibilité – j’y insiste – de respecter les prescriptions sur le renouvellement en « eau neuve » relatives à un système ouvert.
En effet, ces bassins, en raison de l’éloignement de la ressource en eau à marée basse, n’assurent l’apport en eau de mer qu’en période de marée haute. Cette contrainte n’est pas toujours compatible avec la période d’ouverture au public et elle est difficilement réalisable en moins de douze heures. En l’état, l’application de cette nouvelle réglementation reviendrait à condamner l’existence des baignades artificielles dites « à marées ».
En conséquence, dans le respect de cette volonté d’assurer le meilleur niveau de sécurité, il serait souhaitable de nuancer cette contrainte, en substituant un objectif de résultat à l’actuelle obligation de moyens. Cette disposition pourrait alors ouvrir aux baignades aménagées « maritimes » dont l’alimentation est soumise à un régime de marées macrotidales la possibilité de trouver des solutions compatibles avec leur spécificité.
Dans ces circonstances, je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur cette approche. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, si ce projet de décret restera en l’état et quand il sera promulgué ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Madame la sénatrice, vous interrogez la ministre des affaires sociales et de la santé sur la teneur du projet de décret relatif à la gestion de la qualité des eaux de baignades artificielles. Votre question porte, notamment, sur le renouvellement de la totalité du volume des zones de baignade artificielles maritimes par un apport d’eau neuve. Ces zones de baignade, dites « à marée », sont en effet soumises au régime des marées.
Cette question fait ressortir deux enjeux importants : d’une part, il faut assurer à nos concitoyens l’accès à des lieux de loisirs tels que les baignades artificielles, et, d’autre part, il convient de répondre à des impératifs de sécurité sanitaire face aux risques identifiés pour les baignades artificielles.
Les baignades artificielles recevant du public ne correspondent ni à la définition d’une eau de baignade dite « naturelle » ni à celle qui est fixée pour une piscine par le code de la santé publique. Les règles techniques relatives aux eaux de baignades naturelles et celles qui sont relatives aux piscines ne s’appliquent donc pas à ce type d’installation.
Les ministères chargés de la santé et de l’écologie ont saisi l’Agence française de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail pour évaluer les risques sanitaires associés à ce type de baignades artificielles et définir les prescriptions techniques assurant la sécurité sanitaire des baigneurs.
L’expertise collective intitulée « Évaluation des risques sanitaires liés aux baignades artificielles », publiée en 2009, a identifié divers dangers sanitaires qui peuvent être préoccupants pour les baigneurs, si aucune mesure n’est mise en œuvre. Il en va ainsi des risques infectieux liés à la présence de micro-organismes apportés par les baigneurs et des risques liés à l’environnement, tels qu’une prolifération de micro-algues et de cyanobactéries, une contamination chimique ou des eaux souillées par l’intrusion d’animaux.
Sur la base du rapport, un projet de décret, dont vous soulignez le bien-fondé pour améliorer la sécurité sanitaire des baigneurs, a été élaboré par les services du ministère des affaires sociales et de la santé. L’exigence de renouvellement de la totalité du volume de la zone de baignade en moins de douze heures, pendant la période d’ouverture au public, figure dans le projet de texte soumis à consultation.
Compte tenu des contraintes liées au mode d’approvisionnement en eau de certaines baignades artificielles en façade maritime, les services du ministère modifieront le projet de décret afin de prévoir un système de dérogation pour le renouvellement de l’eau des bassins à marée, sous réserve du respect des limites de qualité de l’eau fixées dans le projet de texte.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je vous remercie de votre réponse très encourageante pour les collectivités locales, madame la ministre.
Nous comprenons tous qu’il faille respecter les exigences de sécurité en matière de santé. Toutefois, tel qu’il a été porté à notre connaissance, ce projet de décret est extrêmement contraignant.
Le bassin d’Arcachon comprend trois bassins de cette nature et ma ville envisage également d’en créer un. En ce qui me concerne, puisque je n’ai pas encore eu à définir les conditions de réalisation de ce bassin, je suis en mesure de prendre en compte les nouvelles contraintes. Il n’en reste pas moins que je m’intéresse aussi aux trois autres bassins qui, en l’état actuel du texte, seraient condamnés. En effet, respecter le niveau d’exigence que j’ai rappelé tout à l’heure suppose un travail de mise aux normes que les collectivités locales ne sont pas en mesure d’assumer.
Je peux vous parler de cette question en connaissance de cause, parce que j’ai demandé à un bureau d’études de réfléchir aux aménagements rendus nécessaires par cette nouvelle norme. Il ressort de ces travaux que, pour appliquer ce texte, il faudrait non pas un seul bassin, mais au moins deux : un véritable bassin de baignade et un bassin en alimentation d’eau, proche du premier !
Or, dans certains endroits, c’est absolument impossible. En ce qui concerne mon territoire, je sais pouvoir le faire, même si je n’ai pas encore choisi exactement le lieu ; je poursuis d'ailleurs ma réflexion avec les services de l’État, dans le cadre d’un comité de pilotage. Toutefois, les bassins de baignade qui existent aujourd’hui sont absolument incompatibles avec la nouvelle réglementation. Et je vous remercie, madame la ministre, de nous avoir ouvert, dans votre réponse, la porte de l’espérance.
Faute d’inflexion, en effet, il va falloir choisir : soit on cesse de demander aux collectivités ce type de dépenses inconsidérées, soit on prive les familles – nous sommes ici au cœur de votre compétence, madame la ministre, et je vous sais très attachée à ce sujet – et les enfants de bassins de baignades artificielles sur le littoral.
N’exagérons rien : il n'y a ni des morts ni des malades en nombre à déplorer dans ces bassins de baignade ! La presse n’en a pas encore parlé. Croyez-moi, s’il y avait eu le moindre problème à ce sujet, les médias s’en seraient emparés ! Il ne faut donc rien exagérer.
Pour ma part, je suis d’accord pour que l’on améliore encore les normes en matière de sécurité, mais il ne faut pas en demander trop aux collectivités, que la diminution des subventions et dotations met déjà aujourd'hui en difficulté.
avenir de la plate-forme de services de la cpam à saint-pol-sur-ternoise
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Leroy, auteur de la question n° 334, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille.
M. Jean-Claude Leroy. Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé. Elle porte sur l’avenir de la plate-forme de services de la caisse primaire d’assurance maladie, la CPAM, située à Saint-Pol-sur-Ternoise, dans le Pas-de-Calais.
Cette plate-forme téléphonique, inaugurée en février 2004, est à la disposition de l’ensemble des assurés du département, soit 1,5 million de personnes.
Pensé comme un atout de développement de la qualité du service auprès de l’assuré, le système de plate-forme de services saint-polois occupe une position majeure. Lors de la mise en place de ce dispositif, celui qui était alors le président de la CPAM d’Arras indiquait, d’ailleurs, que le site de Saint-Pol revêtait un enjeu important en raison de sa situation centrale dans le département et de la qualité du service rendu à l’assuré.
Pourtant, un projet de départ de cette plate-forme de Saint-Pol et le transfert de cette activité sur le site arrageois ont été annoncés ; ce transfert est prévu pour le dernier trimestre de cette année.
Selon le directeur de la CPAM de l’Artois, cette décision serait motivée par le fait que la plate-forme de services du Pas-de-Calais ne répondrait plus aux contraintes de l’assurance maladie, notamment en termes de distance par rapport aux sites principaux.
Autrement dit, le transfert du site ternésien serait motivé par son éloignement des sites principaux d’Arras et de Lens, ce qui semble contradictoire avec les propos tenus il y a dix ans, lors de l’installation du site.
Ce projet suscite, vous vous en doutez, de nombreuses inquiétudes chez les élus locaux et les différents acteurs du territoire. La plate-forme de Saint-Pol emploie actuellement une cinquantaine de salariés, dont la majorité habite dans le territoire saint-polois. Si ce projet devait se concrétiser, la durée du trajet entre le domicile et le travail de ce personnel s’en trouverait obligatoirement allongée dans des proportions considérables.
Par ailleurs, la disparition de cette activité à Saint-Pol constituerait un nouveau coup porté à ce territoire rural déjà touché par la suppression de certains services administratifs ; il a notamment été confronté au départ de la direction départementale de l’équipement, la DDE, de l’antenne de la préfecture, ainsi qu’à la fermeture du tribunal d’instance.
Cette décision, qui pénalise un secteur rural, va ainsi à l’encontre des politiques d’aménagement du territoire. On constate qu’il y a malheureusement toujours un fossé entre les discours et la réalité des faits. Aménager un territoire, c’est assurer le maillage de ce territoire.
Or, aujourd’hui, quoi qu’on en dise, on concentre les activités au moment où les nouvelles technologies permettent de mieux les diffuser sur les territoires et, surtout, de les mettre en réseaux. C’est cela une authentique politique d’aménagement du territoire !
Aussi, je souhaiterais, madame la ministre, que vous nous fassiez connaître les actions que compte entreprendre votre ministère afin de maintenir la plate-forme de la CPAM à Saint-Pol-sur-Ternoise.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Monsieur le sénateur, vous interrogez la ministre des affaires sociales et de la santé sur l’avenir de la plate-forme de services de la caisse primaire d’assurance maladie à Saint-Pol-sur-Ternoise, dans le Pas-de-Calais.
Le service de réponse téléphonique aux assurés de la CPAM de l’Artois est organisé sur deux sites : Saint-Pol-sur-Ternoise et Arras. Le conseil de la CPAM a délibéré en faveur du transfert de la plate-forme téléphonique de Saint-Pol vers Arras, qui est prévu pour le dernier trimestre de l’année 2013.
Cette évolution vise à permettre le maintien de la qualité de services aux assurés, ainsi qu’à répondre aux problèmes rencontrés sur le site de Saint-Pol en termes de conditions de travail.
En effet, l’augmentation du nombre de télé-conseillers, qui résulte de l’augmentation du nombre d’appels téléphoniques et de la prise en charge par les plates-formes des réponses aux courriels des assurés, a conduit à des difficultés sur le site de Saint-Pol. Ce transfert permettra aux salariés de la plate-forme de Saint-Pol de revenir à un espace par agent et à un niveau sonore conformes aux objectifs de la caisse.
Par ailleurs, compte tenu de la disponibilité de l’espace nécessaire sur le site d’Arras, ce transfert contribuera à une meilleure mobilisation de l’immobilier de la caisse.
En termes de temps de transport, une analyse a été réalisée par la CPAM afin d’évaluer l’impact sur les salariés de la plate-forme. Le site de Saint-Pol comprend aujourd’hui 56 agents et cadres. Il apparaît que seuls 25 % d’entre eux résident dans le canton de Saint-Pol, les trois quarts vivant en dehors de ce dernier, sur l’ensemble du territoire de l’Artois. Des mesures d’accompagnement de cette mobilité seront définies en concertation avec les représentants du personnel.
Ce changement de localisation ne remet pas en cause la présence de la CPAM de l’Artois auprès des assurés de Saint-Pol-sur-Ternoise. Un lieu d’accueil doit, en effet, être maintenu sur le territoire de la commune, en lien entre la CPAM de l’Artois et la municipalité.
Enfin, les locaux libérés par la CPAM ont d’ores et déjà fait l’objet d’une offre de reprise, ce qui témoigne de projets d’activités économiques sur le territoire de la commune.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Leroy.
M. Jean-Claude Leroy. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Je persiste néanmoins à déplorer cette décision, car elle concerne une plate-forme dont le degré avancé de déconcentration constituait, à mon sens, un véritable signal adressé il y a dix ans en termes d’aménagement du territoire. On ne peut que regretter qu’un territoire rural soit, une fois de plus, la victime de cette politique de concentration, qui ne se justifie pas au moment où se développent les nouvelles technologies, comme le télétravail.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants, dans l’attente de l’arrivée de Mme la garde des sceaux.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures vingt, est reprise à onze heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
pôle judiciaire spécialisé compétent pour les crimes contre l’humanté
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, auteur de la question n° 338, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Yves Détraigne. Madame la garde des sceaux, je souhaite vous interroger sur le pôle judiciaire spécialisé compétent pour les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, créé au sein du tribunal de grande instance de Paris à la suite de l’adoption de la loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles.
À l’époque des discussions autour de cette création, la commission des lois du Sénat avait, de manière tout à fait légitime, me semble-t-il, émis le souhait que ce nouveau pôle permette à la justice française de traiter avec la plus grande efficacité les dossiers relatifs à ce type de crimes et demandé aux ministères de la justice et de l’intérieur que lui soient attribués des moyens suffisants pour agir efficacement, qu’il s’agisse des effectifs de magistrats et d’enquêteurs ou des moyens matériels indispensables pour mener les enquêtes dans les pays où ces crimes ont été commis.
Plus d’un an après l’adoption et la promulgation de cette loi, les associations qui militent pour que les responsables de ces crimes, notamment ceux qui ont été perpétrés au Rwanda en 1994, soient déférés devant la justice, regrettent que la situation n’ait pas évolué et que les magistrats chargés d’intervenir et de poursuivre les auteurs de ces crimes manquent de moyens et de temps.
Je souhaite donc que vous nous indiquiez, madame la ministre, ce qui a été fait pour la mise en place de ce pôle, mais également ce que vous entendez faire pour qu’il trouve sa pleine efficacité et pour que les magistrats qui lui sont affectés puissent agir avec toute l’efficacité requise. Il y va, me semble-t-il, de la crédibilité de l’État français auprès des victimes de ces crimes et de leurs familles.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, il faudra que je m’habitue à la célérité du Sénat ; l’expérience montre qu’il prend souvent de l’avance lors des séances consacrées aux questions orales... (Sourires.)
Je vous remercie pour votre question, monsieur le sénateur, car elle renvoie à un sujet d’une extrême importance, et qui est cher au Sénat. Lors d’un débat récent organisé sur l’initiative du président de la commission des lois, M. Jean-Pierre Sueur, votre assemblée a en effet examiné et adopté sa proposition de loi visant à élargir la compétence territoriale des tribunaux français pour leur permettre de poursuivre et de juger des auteurs de génocides, crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis à l’étranger.
Vous savez, monsieur Détraigne, pour suivre ces travaux de près, que ladite proposition de loi visait à faire sauter quatre verrous limitant, dans le cadre du statut de la Cour pénale internationale, la compétence des juridictions françaises, et plus particulièrement trois d’entre eux : l’exigence de résidence habituelle sur le territoire français, la double incrimination, l’inversion du principe de complémentarité entre les juridictions nationales et la Cour pénale internationale.
Ces trois verrous ont été levés. Reste le quatrième : le monopole pour engager l’action publique dont dispose le ministère public qui, rappelons-le, peut toutefois être saisi par tout citoyen.
La compétence française était déjà établie par la loi du 9 août 2010. La loi du 13 décembre 2011, que vous avez citée, a créé un pôle judiciaire spécialisé en matière de crimes contre l’humanité, génocides, crimes et délits de guerre, mis en place le 1er janvier 2012 au sein du tribunal de grande instance de Paris.
Actuellement, quelque 33 procédures d’instruction sont suivies par le pôle spécialisé, dont 27 concernent le génocide commis au Rwanda en 1994. Enfin, s’ajoutent à ces procédures 9 enquêtes préliminaires concernant d’autres pays et confiées à la section de recherche de Paris.
Les procédures suivies pour crimes contre l’humanité et génocides commis à l’étranger, complexes et volumineuses, nécessitent du temps, ainsi que des effectifs et des moyens importants. Par exemple, les demandes d’entraide adressées au Rwanda imposent des déplacements d’une quinzaine de jours en moyenne, requérant une semaine de préparation.
Vous avez raison, monsieur le sénateur, il convient de veiller au niveau des effectifs et des moyens afin de garantir l’opérationnalité du pôle spécialisé.
Ce pôle, initialement composé d’un magistrat du parquet et d’un juge d’instruction, nous l’avons renforcé. Il comprend désormais deux magistrats du parquet, trois magistrats instructeurs, quatre assistants spécialisés issus des juridictions pénales internationales, dont un sociologue, étant précisé que deux autres assistants spécialisés devraient être recrutés au cours de l’année 2013.
Je vous propose que nous procédions à une évaluation de l’application de la proposition de loi de M. Jean-Pierre Sueur d’ici à la fin de l’année. Nous verrons bien si, en l’absence des trois verrous que je viens de citer, une masse de procédures vient s’ajouter, ou non, aux 33 informations judiciaires et aux 9 enquêtes préliminaires en cours.
Connaissant votre intérêt de longue date pour ces questions et votre compétence en la matière, je vous invite, monsieur le sénateur, à participer à cette évaluation.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Je vous remercie de ces précisions, madame la ministre.
Il ne vous a pas échappé que les événements du Rwanda se sont produits il y a près de vingt ans. Or plus le temps passe et plus les familles et les associations, souvent créées par des parents de victimes, désespèrent de connaître la vérité et de voir sanctionnés les responsables de ces crimes, qui continuent à vivre en toute impunité.
Vous l’avez dit, vous êtes consciente de la nécessité de renforcer les moyens de ce pôle. Il faut également veiller, me semble-t-il, à ce que les moyens qu’on lui affectera soient spécialement dédiés à ses missions. J’ai en effet entendu dire que certains des magistrats chargés de ces questions n’étaient pas entièrement déchargés de leurs autres dossiers, que je qualifierai de « métropolitains ».
Il est donc important, non seulement de mener à bien cette évaluation, mais aussi de donner à ce pôle les moyens de réussir et ainsi, parce que la justice française aura fait ce qu’elle devait faire, d’apaiser les familles.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à onze heures quarante-cinq.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, auteur de la question n° 242, adressée à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.
M. Alain Fouché. Madame la ministre, ma question concerne la présence de l’État et des services publics dans nos territoires.
Je précise pour commencer que j’ai toujours défendu les services publics en milieu rural, quels que soient les projets des différents gouvernements. Ainsi, je n’ai pas soutenu le gouvernement qui avait décidé de supprimer des tribunaux d’instance ou encore des classes dans les écoles. Je suis donc très à l’aise pour intervenir aujourd'hui.
Voilà quelques mois, le nouveau pouvoir a formulé des promesses sur le maintien des services publics. Malgré tout, nous nous trouvons dans une situation d’indécision, qui préoccupe tous les élus. La présence de l’État dans les territoires ruraux semble menacée. Je pense en particulier à l’avenir des sous-préfectures, à propos duquel j’ai lu, dans le journal Le Monde daté du 19 mars dernier, un article qui m’a rendu très inquiet.
Par exemple, en ce moment, dans mon département de la Vienne, les sous-préfectures de Montmorillon et de Châtellerault subissent une restructuration, voire un rabotage de leurs missions.
La sous-préfecture de Montmorillon vient d’être dépossédée de ses services dédiés au permis de conduire – commissions médicales, rétention de permis… –, sans concertation naturellement. Selon ce qui m’a été indiqué à la préfecture de région, il est même envisagé de lui retirer des compétences dans le domaine de la pêche. Toutes ces missions font l’objet d’une recentralisation au niveau de la préfecture.
Ce faisant, on fragilise un peu plus les territoires, et je crains que l’on ne revienne sans le dire à une logique comptable comparable à la révision générale des politiques publiques, la RGPP.
Madame la ministre, l’intérêt des sous-préfectures n’est plus à prouver : bien souvent, elles sont le dernier lieu de contact entre l’État, les élus et les citoyens.
Dès lors, quel est l’intérêt de tout recentraliser à l'échelon des préfectures et des capitales départementales ? D'ailleurs, je rappelle que c’est exactement la même logique qui a inspiré la réforme des tribunaux d’instance, que l’opposition d’alors avait critiquée… Je me souviens même que l’actuel Président de la République avait quitté la préfecture, où la ministre s’était déplacée pour évoquer cette question ! Du reste, je note que ces tribunaux n’ont toujours pas été rétablis.
Ne serait-il pas préférable de déconcentrer certaines missions essentielles pour le fonctionnement de la ruralité ? A-t-on oublié le rapport Patriat sur les sous-préfectures ?
Les élus ruraux, inquiets de la réforme des cantons, ont un sentiment d’abandon. Cette situation est difficilement acceptable pour des populations touchées par des difficultés importantes.
Madame la ministre, je sais l’intérêt que vous portez à la ruralité. Pouvez-vous rassurer les personnels, les élus et les habitants qui s’inquiètent et nous dire quels sont les projets du Gouvernement pour les sous-préfectures ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question.
Vous mettez l’accent sur un point qui continue de préoccuper tous les membres du Gouvernement, en particulier s’agissant des zones rurales. Comme vous, j’ai le sentiment que ces dernières se sentent abandonnées et ont l’impression d’être victimes une certaine indécision.
Au problème que vous évoquez, le Gouvernement essaie d’apporter deux types de solutions. Les premières concernent les sous-préfectures ; les secondes, les services publics de façon plus générale.
S’agissant des sous-préfectures, elles constituent un échelon indispensable : c’est un lieu de solidarité et de cohésion sociale. Nous sommes tous d’accord sur ce point.
C'est la raison pour laquelle le ministre de l’intérieur – au nom duquel je réponds sur ce point, les sous-préfets relevant de son autorité – a mis en place une commission d’évaluation qui, de façon tout à fait impartiale, s’est déplacée dans nos sous-préfectures pour se rendre compte des missions qui sont aujourd'hui les leurs et des améliorations devant être apportées aux conditions de travail de leurs agents.
Bien évidemment, il n’est pas question aujourd'hui de revenir à un dispositif « à la mode RGPP ». Il est question de mettre en place des structures qui répondent aux attentes de nos citoyens et leur apportent les meilleures réponses possibles.
Ce travail d’évaluation est en cours. Après restitution, il sera soumis aux élus pour négociation, conformément à la méthode du Gouvernement, qui privilégie l’écoute et la concertation.
Je peux vous assurer qu’il ne s’agit en rien de recentraliser pour recentraliser, à l'échelon régional. Notre volonté est d’apporter un meilleur service, tout en maîtrisant les dépenses.
S’agissant plus globalement de la réflexion sur les services que l’on doit aux citoyens et de la réforme de l’action publique, elles relèvent d’un domaine partagé entre le ministre de l’intérieur, M. Manuel Valls, et la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, Mme Marylise Lebranchu. Elles relèvent également de la compétence de Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. Ensemble, nous essayons d’étudier les modalités les plus à même d’apporter des services cohérents répondant aux besoins de nos concitoyens sur l’ensemble du territoire.
Monsieur le sénateur, soyez assuré que nous recherchons des solutions efficaces et durables et que nous mettons tout en œuvre pour que le meilleur service soit rendu aux concitoyens sur nos territoires fragilisés.