Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 222.
M. Jean Desessard. Mme Rossignol et moi-même faisons la même analyse et, puisque ma collègue a brillamment présenté ses arguments, je me contenterai de faire un peu de pédagogie à l’adresse des deux millions de téléspectateurs qui suivent nos travaux. (Sourires.)
Plusieurs d’entre nous ici souhaitent que l'activité de banque traditionnelle soit séparée de l'activité de spéculation. Voilà l’objectif ! En réalité, on se tourne vers autre chose : il est question non plus de séparer ces activités, mais de créer une filiale dans laquelle les fonds investis seront limités. Ainsi, la banque sera responsable à hauteur du capital investi, mais pas au-delà. Les clients et les contribuables pourront dormir tranquilles, on ne fera pas appel à eux !
Cette filiale sera dédiée aux activités de « spéculation » que la banque mènera pour son propre compte. Mais puisque les hedge funds resteront dans la maison mère, seule une partie de ces activités sera filialisée. Cela signifie que la banque ne spéculera pas pour elle-même, mais elle permettra la spéculation sur d’importants fonds.
Pour notre part, nous tenons simplement le raisonnement suivant : puisqu’il y a spéculation, il y a risque. Comme cela a été souligné, les garanties n’en sont pas vraiment puisque tout cela est virtuel. Un moment donné, quand ça s'effondre, ça s'effondre ! Tant que les gens y croient, ça marche, mais dès qu’ils n’y croient plus et retirent leur argent, tout s’effondre. Puisque ces hedge funds sont des instruments spéculatifs, ils doivent être filialisés ! (M. Joël Labbé et Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudissent.)
Mme la présidente. L'amendement n° 138 rectifié, présenté par M. Caffet, Mme M. André, MM. Berson et Botrel, Mme Espagnac, MM. Frécon, Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Marc, Massion, Miquel, Patient, Patriat, Rebsamen, Todeschini, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 10, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, dont les caractéristiques, contrôlées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, satisfont à des exigences de quantité, de qualité et de disponibilité, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie
La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.
M. Jean-Pierre Caffet. La question de la relation des banques avec les hedge funds est complexe et doit être clarifiée.
Que dit le projet de loi ? Premièrement, les participations que les banques ont dans les hedge funds sont filialisées. Deuxièmement, sont autorisées les opérations de la maison mère – je dis bien de la maison mère – avec les hedge funds à la seule condition que ces derniers apportent dans cette opération une garantie de sûreté.
Les amendements qui ont été défendus précédemment visent purement et simplement à interdire toute relation entre la maison mère et les hedge funds, au nom d'une conception tout à fait respectable, mais que je conteste au moins en partie, selon laquelle les hedge funds sont des instruments spéculatifs.
Qu’ils soient des instruments spéculatifs ne fait aucun doute. En revanche, ils ne sont pas que cela : ils sont également utiles à l'économie réelle. Pour ne prendre que cet exemple, les hedge funds participent au financement de l'économie tout simplement parce que ce sont des acteurs importants dans le placement des titres des entreprises, notamment sur le marché obligataire, et que les entreprises ont parfois besoin de recourir à eux pour accéder à des financements.
Je reconnais en tout cas qu’il est très difficile de faire la part des choses entre les opérations spéculatives des hedge funds, qui sont absolument incontestables, et les opérations utiles à l'économie réelle.
Par ailleurs, il est exact que les hedge funds présentent cette particularité que j'évoquais à l'instant : ils ne sont pas régulés et, plus particulièrement, ils ne sont pas soumis aux normes prudentielles, comme le sont les établissements de crédit. C'est un vrai sujet !
Si l'on ne s'intéresse qu'aux banques et que l’on se contente d’interdire à celles-ci un certain nombre d'opérations, nous faisons fausse route. La régulation dans l’objectif de maîtriser la finance internationale doit être beaucoup plus large. Par exemple, je suis entièrement d’accord pour que nous progressions dans la régulation des hedge funds au niveau européen, de manière qu'ils soient soumis à un certain nombre de normes prudentielles. Mais, je le répète, se concentrer sur les banques pour leur interdire un certain nombre d'opérations est, à mon avis, une erreur. Cela ne fera que déplacer le problème et, en réalité, cela favorisera nos concurrents internationaux, qui seront très contents de tirer profit des opérations que les banques françaises réalisent avec les hedge funds.
Si, véritablement, ce qui pose problème notamment à M. Desessard, ce sont les garanties de sûreté qu’apportent les hedge funds dans leurs relations avec la maison mère, faisons en sorte que le régulateur français et l’ACPR puissent contrôler la réalité et la qualité de ces garanties de sûreté.
Mme la présidente. L'amendement n° 113 rectifié bis, présenté par Mme Lienemann, MM. Chastan, Teulade et Dilain, Mmes Rossignol et Espagnac et M. Vandierendonck, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Toute opération conclue par l’établissement de crédit pour son compte propre avec une contrepartie située dans les États ou territoires non coopératifs au sens de l’article 238-0 A du code général des impôts ou dans les États ou territoires qui n’ont pas conclu avec la France de convention d’assistance administrative permettant l’échange automatique de tout renseignement nécessaire à l’application de la législation fiscale de la France.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Avec cet amendement, nous quittons les hedge funds pour aborder les opérations dans les territoires dits « non coopératifs », autrement dit les paradis fiscaux.
En cohérence avec les engagements de transparence bancaire pris par le Gouvernement, le présent amendement vise à cantonner dans la filiale les activités réalisées avec des contreparties situées dans des juridictions non coopératives.
Mme la présidente. L'amendement n° 38 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Une filiale mentionnée au I ne peut être détenue directement par un établissement de crédit. Elle doit obligatoirement l'être par une compagnie financière ou une compagnie financière holding mixte, qui ne peut alors compter un établissement de crédit à son capital.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Je défendrai en même temps l'amendement n° 40 rectifié.
Nous préférons que les activités de dépôts et de prêts à l’économie soient séparées des activités d’investissement des banques. Sachez que si vous coupez en deux BNP Paribas, d’un côté vous aurez de l’ordre de 1 200 milliards d'euros de bilan et, de l’autre, de 800 à 900 milliards d'euros pour la branche investissement. Ce n'est tout de même pas la petite banque du coin ! Chaque établissement sera parfaitement de taille à affronter la concurrence internationale.
La seule chose que nous demandons, c'est que, pour la part de leur activité d’investissement, les banques travaillent avec leurs fonds : elles gagnent quand elles doivent gagner et elles perdent si elles font de mauvais choix. Je croyais que c’était cela le libéralisme…
Si cette solution n’était pas retenue, je propose des amendements de repli visant à préciser la forme juridique – le statut des filiales, le rapport avec la maison mère – qui pourrait permettre de limiter la casse en cas de pépin.
L’amendement n° 38 rectifié tend à préciser que la filiale doit être détenue par une société financière, dont c’est la fonction, ou par une compagnie financière holding mixte. Cette disposition neutraliserait les effets en cas de faillite.
Pour mettre les points sur les i, l’amendement n° 40 rectifié vise à interdire aux sociétés de crédit et aux compagnies financières holdings mixtes qui contrôlent ces filiales de leur apporter quelque soutien financier que ce soit, ni sous la forme d’accord de garantie, ni sous la forme d’apport de liquidités, ni en souscrivant des titres de dettes. Si, par un biais ou un autre, la filiale se retrouve en difficulté, la maison mère connaîtra elle aussi des difficultés, ne serait-ce que parce que sa capitalisation sera mise en cause ou du fait d’une panique bancaire.
Plus la coupure juridique sera stricte et claire, mieux cela vaudra.
Mme la présidente. L'amendement n° 221, présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« ... – Une filiale mentionnée au I ne peut être détenue directement par un établissement de crédit. Elle doit obligatoirement l’être par une compagnie financière ou une compagnie financière holding mixte, qui ne peut alors compter un établissement de crédit à son capital. La faillite d’une telle filiale ne doit pas avoir d’impact direct ou indirect sur une participation quelconque d’un établissement de crédit du même groupe.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Par cet amendement, nous proposons que les banques de dépôt ne puissent pas détenir directement les filiales, mais que ces dernières soient détenues par une compagnie financière ou une compagnie financière holding mixte.
L’objectif de cet amendement est d’empêcher qu’un établissement de crédit soit impacté par l’éventuelle faillite de l’une de ses filiales. Puisque les filiales regroupent les activités considérées comme nuisibles à l’économie, elles comportent, intrinsèquement, un risque de faillite. Il n’est alors pas concevable que l’établissement de dépôt, garant du financement de l’économie réelle, puisse subir les conséquences des pertes de sa filiale.
Créer une compagnie financière, maison mère des filiales, serait le meilleur rempart contre une contagion des risques entre les activités de marché et les activités de crédit.
Mme la présidente. L'amendement n° 40 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Il est interdit aux établissements de crédit et aux compagnies financières holding mixtes qui contrôlent ces filiales de leur apporter quelque soutien financier que ce soit, ni sous la forme d'accord de garantie, ni sous la forme d'apport de liquidités, ni en souscrivant à aucun titre de dette émis par ces filiales quelle qu’en soit la forme ou la nature.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 76, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 11 à 14
Supprimer ces alinéas.
L'amendement n° 77, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 16 à 21
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter ces deux amendements.
M. Thierry Foucaud. Ces deux amendements procèdent aux ajustements rédactionnels induits par les positions que nous avons précédemment exprimées.
Il s’agit ici de traiter l’équivoque qui demeure sur la question des seuils qui seront retenus pour caractériser le périmètre effectif de la filialisation de chaque établissement de crédit.
Dans cette affaire, nous sommes confrontés à un risque systémique particulièrement sérieux. L’arrêté ministériel fixant les différents seuils pourrait en effet finir par constituer une sorte de menu à la carte pour chacun de nos groupes bancaires en raison de leur histoire propre, de leurs habitudes ou de leur structure même.
Pour reprendre un exemple que nous avons déjà cité, François Pérol, P-DG de la BCPE, a d’ores et déjà procédé à une séparation étanche des activités de son groupe. Il a isolé les activités de détail des opérations de financement et d’investissement de sa filiale Natixis, délibérément transformée en bad bank, si l’on peut dire, et chargée de mener toutes les opérations à risques du groupe.
Cette judicieuse opération s’est également révélée assez rentable, notamment pour les actionnaires, qui ont perçu rien moins que 2 milliards d’euros de dividendes exceptionnels dans l’opération. Les cadres de Natixis allocataires de stock-options actuellement présents dans l’établissement auront sans doute, eux aussi, beaucoup apprécié l’affaire.
Au-delà du cas de ce groupe bancaire créé par la loi, les problèmes posés par l’arrêté ministériel, comme par les effets de seuil qui ne manqueront pas d’en découler, sont identifiés.
Dans sa rédaction actuelle, l’article 1er donne au Gouvernement une sorte de chèque en blanc pour négocier avec la Fédération bancaire française les contours effectifs de la filialisation et de la séparation des activités.
Que l’autorité de régulation soit éventuellement partie prenante de la définition des seuils ne change pas grand-chose à l’affaire. Le caractère endogamique de l’autorité, le fait que ses membres pourraient se recruter dans un petit entre-soi, n’apporte au fond aucune garantie supplémentaire. Dans l’absolu, on pourrait même presque craindre qu’un membre de l’autorité passé par tel établissement de crédit plutôt que par tel autre soit tenté de favoriser la position de son entreprise d’origine.
De notre point de vue, il est donc crucial que toute équivoque soit levée. Tel est le sens des amendements nos 76 et 77.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur de la commission des finances. L’amendement n° 36 rectifié renvoie au débat général que nous avons eu sur la séparation des activités bancaires. Largement développés, tant ici qu’à l’Assemblée nationale, les grands thèmes évoqués portaient sur la séparation complète des activités – commerciales, d’investissements et d’affaires –, comme dans le système américain institué par le Glass-Steagall Act, voilà une quinzaine d’années, ou sur la suppression de la séparation des activités utiles à l’économie et des activités spéculatives.
Il est proposé par les différents amendements de supprimer tout ou partie des exceptions figurant à l’article 1er du projet de loi, que ces exceptions soient conçues largement, au sens de l’ensemble des activités, ou de façon plus restreinte, en particulier sur la tenue de marché.
Sur ce dernier point, plusieurs orateurs ont mentionné le rapport Liikanen, ce qui m’inspire deux observations.
En premier lieu, il ne s’agit que d’un rapport. Reste à savoir ce qui adviendra.
En second lieu, ce rapport n’a pas fait l’objet d’un avis unanime. Si les hautes personnalités compétentes qui l’ont rédigé ont soutenu la position de la filialisation générale de tenue de marché, ce soutien n’a été obtenu qu’à une courte majorité.
Vendredi dernier, a été publié en Angleterre le rapport de la commission parlementaire spéciale sur le secteur bancaire, présidée par Andrew Tyrie. Ce rapport, qui n’est pas très long – je vous invite à le consulter –, expose combien il est difficile de définir la tenue de marché.
Les banques affirment que cette activité a beaucoup baissé. Les auteurs du rapport ne remettent pas en cause cet état de fait, mais ils soutiennent qu’il faudra exercer une surveillance étroite de ces banques. Or, comme ils ne savent pas très bien le faire, il suggère d’observer ce que font les Américains et, accessoirement, les Français, afin de décider s’il convient d’adopter une législation spécifique. Les avis sont donc pour le moins divergents, comme vous pouvez le constater.
Je tiens à le rappeler, l’alinéa 19 de l’article 1er dispose que les activités pour compte propre, considérées comme spéculatives, sont bien cantonnées dans une filiale et surveillées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
J’ajoute que, à l’Assemblée nationale, a été adopté un amendement permettant au ministre de l’économie de modifier les limites en fonction de la situation. Si l’on peut débattre de la nature de ce seuil, l’important est qu’il existe.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à l’amendement n° 36 rectifié…
M. Pierre-Yves Collombat. Je suis étonné !
M. Richard Yung, rapporteur. … et aux amendements nos 70, 219, 71, 72, 78, 73, 37 rectifié, 220, 74, 80, 76 et 77.
L’amendement n° 69 vise à préciser que la filialisation a également pour but de garantir l’« absence de conflits d’intérêt » entre les banques et leurs clients.
À vrai dire, je ne vois pas très bien comment insérer cette disposition dans l’article 1er, qui a trait à la séparation des activités bancaires. Au demeurant, je ne suis vraiment pas persuadé que l’objet de l’article 1er soit d’empêcher les conflits d’intérêts.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est bien dommage !
M. Richard Yung, rapporteur. C’est ainsi ! C’est la raison pour laquelle la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
Aux termes de l’amendement n° 208, le ministre chargé de l’économie ne peut fixer qu’un seuil valable pour un établissement de crédit en particulier.
J’ai défendu un amendement analogue en commission la semaine dernière. Néanmoins, le ministre m’a répondu qu’il souhaitait conserver la possibilité soit d’avoir un seuil général, soit de fixer des seuils spécifiques ou particuliers par banque.
Compte tenu de cette explication, j’ai retiré mon amendement. Vous comprendrez, monsieur Marini, que je ne puisse que vous demander de faire de même.
L’amendement n° 223, qui vise à obliger le ministre à prendre un arrêté fixant des seuils à l’activité de tenue de marché, me paraît contraire à l’esprit du dispositif prévu à l’article 1er. En effet, le ministre doit utiliser son pouvoir lorsqu’il constatera que des activités spéculatives ou risquées se développent sous couvert de la tenue de marché. En outre, il doit conserver sa liberté d’action afin d’être à même de s’adapter aux différentes situations qui pourraient se présenter. La commission souhaite donc le retrait de cet amendement.
L’amendement n° 110 prévoit que l’arrêté du ministre relatif à la tenue de marché est pris, non pas après avis, mais sur proposition de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Je suis défavorable à cette disposition,…
M. Philippe Bas. J’en suis surpris ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Richard Yung, rapporteur. … qui est contraire à la volonté exprimée clairement par l’Assemblée nationale…
M. Philippe Bas. La volonté de l’Assemblée nationale ne s’impose pas à nous !
M. Jean-Claude Lenoir. Je dirai même au contraire !
M. Richard Yung, rapporteur. … et par notre commission des finances. Il est en effet prévu de donner un pouvoir nouveau au ministre de l’économie et non pas au régulateur. La primauté doit rester au politique !
M. François Marc. Très bien !
M. Richard Yung, rapporteur. L’amendement n° 225 tend à prévoir que le ministre peut fixer un seuil différent pour chaque établissement. Cette mesure étant déjà inscrite dans le texte, je sollicite le retrait de cet amendement.
L’amendement n° 224 impose au Gouvernement de remettre chaque année, en annexe au projet de loi de finances, un rapport justifiant les seuils en vigueur l’année écoulée.
Cette disposition ne me paraît pas s’imposer pour des raisons de fond et de forme.
Sur le fond, le ministre n’est pas obligé de prendre un arrêté sur les seuils. Dès lors, la valeur ajoutée d’un rapport annuel n’est guère évidente.
Sur la forme, on peut se demander si ce rapport a sa place en annexe du projet de loi de finances.
Par conséquent, je sollicite également le retrait de cet amendement.
J’en viens à l’amendement n° 75, qui a pour objet les hedge funds.
M. Caffet a très bien présenté la situation, et je n’ai aucun argument supplémentaire à ajouter. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement ainsi que sur les amendements nos 115 rectifié, 114 rectifié et les amendements identiques nos 164 rectifié bis et 222.
L’amendement n° 138 rectifié vise à prévoir que les contreparties apportées aux banques par les hedge funds satisfont à des exigences fixées par le ministre et seront contrôlées par l’ACPR.
Je ne vous surprendrai pas en vous disant que je suis favorable à cet amendement, qui permet de s’assurer que les garanties apportées par ces hedge funds sont solides.
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. Richard Yung, rapporteur. L’amendement n° 113 rectifié bis vise à ce que les relations d’affaires conduites avec une contrepartie installée dans l’un des huit paradis fiscaux inscrits sur la liste française soient traitées dans la filiale cantonnée.
Je comprends la philosophie de l’amendement. Cependant, je souhaiterais connaître l’avis du Gouvernement, car, comme je l’ai dit en commission, son adoption pourrait avoir conséquences sur les entreprises françaises établies dans ces territoires. Je pense en particulier aux Philippines dans la mesure où il s’agit d’un grand pays, avec une économie importante et où les investissements français sont significatifs. Le problème se pose moins pour les petites îles…
M. François Marc. Ou la Micronésie !
M. Richard Yung, rapporteur. Les amendements nos 38 rectifié, 221 et 40 rectifié prévoient que la filiale cantonnée est nécessairement détenue par une holding et ne peut pas l’être par un établissement de crédit ; en cas de difficulté, il est interdit à cette holding de lui apporter un quelconque soutien financier.
Je sollicite le retrait de ces amendements, car, dans l’esprit, ils sont satisfaits.
Aux termes de l’article 1er, les activités spéculatives peuvent être détachées de la maison mère sans conséquence pour celle-ci. L’application des règles prudentielles, y compris les règles d’exposition sur les contreparties, assure que la maison mère ne sera jamais exposée au-delà du raisonnable à sa filiale cantonnée. En revanche, il n’y a pas de raison d’interdire à la maison mère de renflouer sa filiale si cette opération est effectuée dans le respect de ses propres ratios prudentiels. J’ajoute que l’autorisation de l’ACPR sera exigée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur. Une première série d’amendements a trait au périmètre. D’autres portent sur les facultés d’appréciation laissées au ministre et certains font un sort spécial aux hedge funds. J’exposerai la position du Gouvernement sur les premiers avant de laisser la place à Pierre Moscovici, qui vient de nous rejoindre.
Je tiens avant tout à rappeler que l’objet du projet de loi est triple : cantonner strictement les activités à risques dépourvues de liens avec le financement de l’économie, renforcer le régime de contrôle des activités de marché et mettre en place un régime de résolution des crises bancaires permettant d’appeler d’abord les actionnaires et les créanciers avant de faire appel aux fonds publics, c’est-à-dire d’exclure la garantie implicite.
L’amendement n° 36 rectifié a pour objet de faire basculer au sein de la filiale cantonnée la quasi-totalité des activités de marché de la banque. Cette démarche se justifierait, selon son auteur, par la protection des déposants ; objectif noble s’il en est, que je partage, mais qui n’est pas rempli par l’amendement. Celui-ci porte au contraire atteinte à la capacité des banques à financer l’économie.
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas vrai !
Mme Nicole Bricq, ministre. Je vais expliquer pourquoi.
Un enseignement majeur de la crise est qu’il n’est nul besoin d’être une banque de dépôt pour avoir un caractère systémique. Des banques spécialisées, y compris des grandes banques d’investissement, peuvent tout à fait menacer la stabilité du système financier et bénéficier par conséquent de la garantie implicite de l’État. Les bons outils pour répondre à ce problème sont ceux proposés par le projet de loi, à savoir le cantonnement des activités spéculatives pour compte propre, l’encadrement des activités de marché, qu’elles soient ou non filialisées, et, enfin, la mise en place d’un régime de résolution bancaire.
Par ailleurs, même avec une filialisation plus large, que vous appelez de vos vœux, monsieur Collombat, et compte tenu du poids limité de ces activités dans le bilan des banques françaises aujourd’hui, aucune filiale de banque française n’atteindrait la taille critique nécessaire pour être viable. Votre amendement conduirait de fait à l’abandon de ces activités par les banques françaises pour le plus grand profit de leurs concurrents étrangers et au détriment de nos entreprises, qui ont intérêt à avoir des banques françaises capables de leur offrir ce type de services. Il faut aussi protéger nos banques !
En outre, la viabilité des banques d’investissement pures en tant que telles me semble pour le moins douteuse. La crise a en effet démontré que ces acteurs étaient très fragiles, en plus d’être dangereux. Il n’existe ainsi pratiquement plus aucune grande banque d’investissement indépendante.
Contrairement à l’objectif que nous visons tous, votre amendement aboutirait finalement à une interdiction de fait pour les banques françaises, universelles ou pas, d’exercer de telles activités, au détriment des intérêts de leurs clients, c’est-à-dire des entreprises, et du financement de l’économie.
Concernant l’amendement n° 69, je rejoindrai M. le rapporteur en m’en remettant également à la sagesse du Sénat, que je sais grande. En effet, il n’est pas absurde de chercher à prévenir les conflits d’intérêts avec les clients.
S’agissant de l’amendement n° 70, qui vise à généraliser l’obligation de filialiser, que le projet de loi n’impose que si les activités visées dépassent une certaine taille, je n’y suis pas favorable.
L’amendement n° 219 tend à mettre en œuvre une forme de Glass-Steagall Act. La réflexion qui a été menée par le Gouvernement l’a conduit à la conclusion qu’une telle réforme n’est pas la réponse adaptée.
Tout d’abord, elle ne permet pas de répondre efficacement à ses propres objectifs, notamment celui de casser la garantie implicite que l’État est contraint de donner à certaines banques et qui les pousse à prendre des risques excessifs.
Ensuite, elle ne tient pas compte du fait que les banques d’investissement pures ont montré leur grande fragilité pendant la crise et ont presque toutes disparu depuis lors.
Enfin, elle conduirait à faire disparaître une offre de services que les banques françaises peuvent aujourd’hui proposer aux entreprises pour leur fournir un accès aux marchés financiers ou aux produits sophistiqués dont elles ont besoin et qu’elles devront donc aller chercher ailleurs – on tuerait la place de Paris ! –, et ce alors même que les banques sont déjà de plus en plus contraintes dans leur capacité à leur apporter des financements par le crédit.
Pour toutes ces raisons, la séparation stricte conduirait surtout à favoriser, contrairement à ce que vous souhaitez, monsieur Desessard, le développement du « système bancaire parallèle », ou shadow banking, en dehors du périmètre réglementé des banques et, pour l’essentiel, en dehors de notre champ de réglementation et de supervision. Voilà pourquoi l’approche du projet de loi est de cantonner strictement les activités à risques dépourvues de liens avec le financement de l’économie.
L’amendement n° 71 vise à étendre l’obligation de filialisation aux activités de négociation conduites pour compte de tiers. Une telle mesure n’aurait aucun sens au regard des objectifs du projet de loi : par construction, lorsqu’une entité négocie pour compte de tiers, elle n’expose pas son bilan et donc n’affecte pas la sécurité des déposants ni la stabilité financière. En pratique, une telle disposition serait même extrêmement dommageable pour les sociétés de gestion de portefeuille, qui agissent pour le compte des investisseurs dont elles collectent les fonds. Je n’y suis donc pas favorable.
L’amendement n° 72 ne peut être accepté, car il vise à transférer à la filiale les activités de prestations de services d’investissement et de compensation. Compte tenu des contraintes fortes qui pèsent sur la filiale, qui sera privée de toute garantie de la maison mère, et du caractère modeste de ces activités dans le bilan des banques françaises, le cantonnement des activités de services d’investissement les condamne à ne plus être compétitives, voire tout simplement à ne plus être viables. Cet amendement porterait donc atteinte aux banques françaises. Or ce n’est pas ce que vous souhaitez, monsieur Foucaud.
L’amendement n° 78 vise à plafonner par arrêté le montant unitaire des services d’investissement qui peuvent être offerts en dehors de la filiale. Les services d’investissement qui sont conservés dans la maison mère correspondent aux activités pour lesquelles la banque agit en tant qu’intermédiaire entre investisseurs et émetteurs. La mesure proposée réduirait à néant la capacité des banques à accompagner les entreprises vers les marchés. J’y suis donc défavorable.
Je suis également défavorable à l’amendement n° 73.
Les amendements identiques nos 37 rectifié et 220 tendent à faire basculer au sein de la filiale cantonnée les activités de tenue de marché. Ces amendements ne peuvent pas être acceptés, pour des raisons que j’ai déjà exposées : leur adoption aboutirait à une interdiction de fait et porterait ainsi atteinte à la capacité des banques françaises à financer l’économie. Or le projet de loi a pour objet d’encadrer ces activités.
L’amendement n° 74 est de même nature. En conséquence, le Gouvernement y est défavorable, ainsi qu’à l’amendement n° 80, qui tend à faire basculer l’activité de tenue de marché dans le cantonnement, ce qui reviendrait à empêcher les banques françaises de soutenir l’activité économique.
Voilà pour la série d’amendements qui ont trait à la filialisation. Je passe maintenant le relais à M. Moscovici.