Sommaire
Présidence de M. Jean-Léonce Dupont
Secrétaires :
MM. Marc Daunis, Gérard Le Cam.
2. Engagement de la procédure accélérée pour l’examen de deux propositions de loi
3. Candidature à un organisme extraparlementaire
4. Prorogation du mandat des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger. – Représentation des français établis hors de France. – Discussion en procédure accélérée de deux projets de loi dans les textes de la commission
Discussion générale commune : Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger ; M. Jean-Yves Leconte, rapporteur de la commission des lois.
Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Kalliopi Ango Ela, M. Christophe-André Frassa, Mmes Catherine Tasca, Claudine Lepage, MM. Robert del Picchia, Richard Yung.
Suspension et reprise de la séance
M. Jean-Pierre Cantegrit, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. André Ferrand.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée.
Clôture de la discussion générale.
Exception d’irrecevabilité sur le projet de loi n° 425
Motion no 1 de Mme Joëlle Garriaud-Maylam. – Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Catherine Tasca, M. le rapporteur, Mmes Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée ; Éliane Assassi, MM. Christophe-André Frassa, Pierre-Yves Collombat. – Rejet par scrutin public.
Suspension et reprise de la séance
5. Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire
6. Communication du Conseil constitutionnel
7. Prorogation du mandat des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger. – Représentation des français établis hors de France. – Suite de la discussion en procédure accélérée de deux projets de loi dans les textes de la commission et adoption du premier projet de loi
Exception d’irrecevabilité sur le projet de loi n° 426 rectifié
Motion n° 79 de Mme Joëlle Garriaud-Maylam. – Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Catherine Tasca, M. Jean-Yves Leconte, rapporteur de la commission des lois ; Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger ; M. Christophe-André Frassa. – Rejet par scrutin public.
projet de loi portant prorogation du mandat des membres de l’assemblée des français de l’étranger
MM. Christian Cointat, Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
projet de loi relatif à la représentation des français établis hors de france
Amendement n° 61 de Mme Catherine Tasca. – Mme Catherine Tasca, M. le rapporteur, Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée ; M. Christian Cointat. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Amendement n° 75 de Mme Joëlle Garriaud-Maylam. – Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. le rapporteur, Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. – Rejet.
Amendement n° 76 de Mme Joëlle Garriaud-Maylam. – Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. le rapporteur, Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. – Rejet.
Amendement n° 1 rectifié de M. Christian Cointat. – MM. Christian Cointat, le rapporteur, Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 2
Amendement n° 2 rectifié de M. Christian Cointat. – MM. Christian Cointat, le rapporteur, Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 48 de Mme Kalliopi Ango Ela. – Mme Kalliopi Ango Ela, M. le rapporteur, Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée ; MM. Christophe-André Frassa, Christian Cointat, Robert del Picchia. – Rejet.
Mmes Kalliopi Ango Ela, Joëlle Garriaud-Maylam, M. le rapporteur.
Amendement n° 56 de M. Robert del Picchia. – MM. Robert del Picchia, le rapporteur, Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée ; MM. Christian Cointat, Richard Yung, Mme Catherine Tasca, M. Christophe-André Frassa. – Rejet.
Amendement n° 83 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. – Adoption.
Amendement n° 3 rectifié de M. Christian Cointat. – M. Christian Cointat.
Amendement n° 101 du Gouvernement. – Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. – Rectification de l’amendement n° 101 ; retrait de l’amendement n° 3 rectifié
MM. le rapporteur, Richard Yung. – Adoption de l’amendement n° 101 rectifié.
Amendement n° 4 de M. Christian Cointat. – MM. Christophe-André Frassa, le rapporteur, Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels avant l’article 20 A
Amendement n° 5 rectifié de M. Christian Cointat. – MM. Christian Cointat, le rapporteur, Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée ; MM. Jean-Pierre Cantegrit, le président de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 20 A (nouveau). – Adoption
Amendement n° 57 de M. Robert del Picchia. – MM. Robert del Picchia, le rapporteur, Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. – Rejet.
Amendement n° 84 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée ; MM. Christophe-André Frassa, le président de la commission. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 6 rectifié de M. Christian Cointat. – MM. Christophe-André Frassa, le rapporteur, Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l’article 20 C
Amendement n° 7 rectifié de M. Christian Cointat et sous-amendement n° 34 de M. Robert del Picchia. – MM. Christian Cointat, Robert del Picchia. – Retrait du sous-amendement.
Amendement n° 72 rectifié de Mme Joëlle Garriaud-Maylam. – Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
M. le rapporteur, Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée ; MM. le président de la commission, Jean-Pierre Cantegrit, Christophe-André Frassa, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Christian Cointat, André Ferrand, Richard Yung, Mme Christiane Kammermann. – Rejet des amendements nos 7 rectifié et 72 rectifié.
Amendement n° 8 rectifié bis de M. Christian Cointat et sous-amendement n° 35 de M. Robert del Picchia. – MM. Christophe-André Frassa, Robert del Picchia, le rapporteur, Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée ; M. Christian Cointat, Mme Claudine Lepage. – Rejet du sous-amendement et de l’amendement.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
Secrétaires :
M. Marc Daunis,
M. Gérard Le Cam.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen de deux propositions de loi
M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi relative aux bas salaires outre-mer, déposée sur le bureau du Sénat le 1er mars 2013, et de la proposition de loi visant à proroger le dispositif ouvrant la possibilité du versement d’un bonus exceptionnel aux salariés d’une entreprise implantée dans une région ou un département d’outre-mer – à l’exception de Mayotte –, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Martin ou à Saint-Barthélemy, déposée sur le bureau du Sénat le 12 mars 2013.
3
Candidature à un organisme extraparlementaire
M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice, créé en application du décret n° 2009-1321 du 28 octobre 2009.
La commission des lois a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Jean-Patrick Courtois pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
4
Prorogation du mandat des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger. – Représentation des Français établis hors de France
Discussion en procédure accélérée de deux projets de loi dans les textes de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant prorogation du mandat des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger (projet n° 323, texte de la commission n° 425, rapport n° 424) et du projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France (projet n° 376, texte de la commission n° 426 rectifié, rapport n° 424).
La conférence des présidents a décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi relatif à la représentation des Français de l’étranger que j’ai l’honneur de vous présenter au nom du Gouvernement a pour ambition de réformer la représentation politique des Français de l’étranger.
Il s’inscrit dans un double mouvement.
Celui, d’une part, exprimé par Victor Hugo en 1868, selon lequel « la France n’est pas un empire, la France n’est pas une armée, la France n’est pas une circonscription géographique [...] ; la France est une âme. Où est-elle ? Partout. […] Il arrive quelquefois à une patrie d’être exilée. Une nation comme la France est un principe. »
C’est cette universalité que nos compatriotes expriment par leur émigration et qui crée, en retour, des devoirs pour la France.
Un mouvement, d’autre part, déjà imprimé par la gauche voilà trente ans, qui eut alors le souci « d’établir, de façon parfaite et démocratique, des règles qui permettent aux Français se trouvant à l’étranger de faire entendre leur voix sur les affaires les concernant ». Claude Cheysson, dont je salue ici la mémoire, ajoutait devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’occasion de l’examen de ce qui allait devenir la loi du 7 juin 1982 relative au Conseil supérieur des Français de l’étranger, qu’il importait de permettre à nos compatriotes qui vivent à l’étranger d’avoir une représentation à la hauteur de la richesse et de la force qu'ils nous apportent : « Leur présence à l’étranger constitue pour la France une richesse, une force dont nous ne saurions nous passer. Mais cela crée une obligation au Gouvernement. »
C’est cette obligation que ce projet de loi, après celui de 1982, achève de remplir.
Je suis heureuse, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement ait souhaité que la première lecture ait lieu au Sénat. Outre qu’il est de tradition que les textes concernant, directement ou indirectement, la composition du corps électoral d’une assemblée – ce qui est l’un des objets du texte relatif à la représentation des Français de l’étranger – lui soient soumis en première lecture, je sais aussi le rôle particulier de la Haute Assemblée à l’égard d’une communauté qu’elle a longtemps eu seule le privilège de représenter.
Je voudrais, dans un premier temps, vous exposer les raisons qui ont conduit le Gouvernement à vous proposer ce texte et vous en livrer la genèse. Il est le résultat d’un constat et le fruit d’une méthode.
Le constat est celui de la nécessité, reconnue par tous, de moderniser la représentation politique des Français de l’étranger du fait de l’évolution de cette communauté, ainsi que du désir permanent de cette dernière de continuer à exercer sa citoyenneté malgré son éloignement.
La méthode retenue est celle de la concertation. On peut être ambitieux tout en étant modeste dans la manière de procéder. Le Gouvernement n’a jamais sous-estimé l’importance de cette réforme, souhaitée depuis longtemps. Je constate, ainsi, que plus d’une dizaine de propositions de loi ont été déposées par plusieurs membres de la Haute Assemblée ces dernières années, sans que la majorité à laquelle ils appartenaient ait jugé utile d’en débattre. Ces propositions de loi étaient, à tout le moins, l’expression d’une insatisfaction, que le présent projet de loi a pour ambition de lever. J’imagine que les auteurs de ces propositions nous remercieront en votant ce dernier !
C’est donc dans un esprit de consensus, de dialogue et d’échange que le Gouvernement s’est attaché à la rédaction de ce texte.
Le Gouvernement a étudié, sans parti pris et quels que soient les bords politiques dont ils émanaient, les divers projets ou propositions émis, notamment par l’AFE, l’Assemblée des Français de l’étranger, et s’est attaché à les évaluer après en avoir discuté avec leurs auteurs.
Ainsi, un soin particulier a été apporté à l’examen de deux propositions. L’une, originale, tendait à créer – suivant le vœu souvent formulé par l’AFE – « une collectivité d’outre-frontières ». Elle ne pouvait cependant aboutir sans une lourde réforme de la Constitution. L’autre avait pour objet la création d’un établissement public sur le modèle de ce qu’étaient les régions avant 1972. C’était cependant s’engager sur une voie qui aurait abouti à une solution à l’inverse de celle qui était recherchée par ses promoteurs, à savoir une plus grande autonomie de la représentation des Français de l’étranger.
Sur ces deux points, les différents avis sollicités, tant par les parlementaires représentant les Français de l’étranger auprès des services juridiques des deux chambres que par le Gouvernement, se sont rejoints. Ces deux propositions ont donc été écartées.
En septembre 2012, la commission des lois et règlements de l’AFE a émis un avis, à l’unanimité de ses membres, qui définissait trois principes devant présider à la réforme de la représentation des Français de l’étranger. Ils ont été retenus comme base de départ dans l’élaboration du présent projet de loi.
La représentation des Français de l’étranger doit satisfaire à un double principe de proximité et de représentativité. Elle doit également pouvoir bénéficier d’un élargissement du corps électoral.
Sur cette base, le texte du Gouvernement a été longuement débattu et examiné par la commission des lois de du Sénat. J’en profite pour saluer ici l’importance du travail réalisé par son rapporteur, Jean-Yves Leconte. J’ai été sensible à son engagement et à sa disponibilité, qui n’a eu d’égale que celle de ses interlocuteurs. Sous l’autorité de son président Jean-Pierre Sueur et avec l’attention constructive et permanente de Catherine Tasca, la commission a procédé à un certain nombre d’ajustements, dont le Gouvernement reconnaît les qualités et sur lesquels j’aurai l’occasion de m’exprimer durant le débat.
Le Gouvernement est d’autant plus fier d’engager cette réforme que celle-ci peut sembler tardive. Il n’est pas de système représentatif qui résiste durablement à l’existence d’un décalage entre le corps social représenté et ses élus, constat qui est pourtant celui que fait le plus grand nombre.
Au-delà des clichés, les Français de l’étranger ne sont ni des exilés fiscaux ni de vieux expatriés aux retraites confortables.
L’expatriation n’est plus la trahison que voulait y voir Vergniaud en 1791 : une rupture du pacte social, pacte auquel celui qui part serait infidèle. L’expatriation ou l’émigration sont une chance pour la France, revendiquée comme telle par le chef de l’État durant la campagne présidentielle. S’exprimant à Londres devant nos compatriotes réunis, il indiquait alors que les Français de l’étranger révélaient la capacité et la générosité de notre pays, et que la France leur était redevable de son rayonnement dans le monde. Il ajoutait que ces Français donnent de la France l’image d’un pays curieux, dynamique et ouvert.
Ces expatriés, que vous rencontrez lors de vos déplacements à l’étranger, mesdames, messieurs les sénateurs, sont désormais jeunes, actifs et souvent binationaux. Ils étaient 1,611 million à être inscrits dans les consulats à la fin de l’année 2012. On estime cependant à plus de 2,5 millions le nombre de Français réellement installés à l’étranger, l’inscription étant facultative.
Ces Français, on le devine intuitivement, ne ressemblent plus aux émigrants du début du siècle. S’exprimant le 13 mars dernier devant la communauté française d’Ottawa, le Premier ministre avait peut-être devant lui certains des descendants des Français du Bas-Canada rencontrés par Tocqueville en 1830. Le nombre, le profil, les motifs de l’émigration des nouveaux expatriés ne sont cependant pas comparables.
Permettez-moi de dresser rapidement le portrait de cette communauté.
L’Europe en regroupe la moitié. Certains pays connaissent une croissance du nombre de Français inscrits supérieure à la moyenne mondiale. Si la Suisse, le Royaume-Uni et la Belgique concentrent, à eux trois, le quart des Français établis à l’étranger, la Turquie, la Suède, l’Autriche ou la Pologne ont une communauté française qui augmente de manière très importante. Hors d’Europe, les plus fortes croissances sont constatées aux États-Unis et, surtout, en Asie-Océanie, c’est-à-dire en Chine, en Indonésie ou en Australie.
La population française expatriée a presque doublé en quinze ans. Elle ne cesse de croître, avec une augmentation moyenne de 4 % sur les cinq dernières années. Elle est jeune et active : ainsi, 60 % des personnes concernées sont âgées de dix-huit à soixante ans, dont 10 % de dix-huit ans et vingt-cinq ans. Prenant goût à l’expatriation dans le cadre de leurs études, ces expatriés partent pour trois à cinq ans, mais sans objectif d’installation définitive.
La diversité des profils et des aventures individuelles que chaque expatriation exprime n’autorise cependant pas à penser qu’il y ait un groupe « Français de l’étranger » homogène recouvrant les mêmes réalités à travers le monde ; la démographie, la géographie, l’économie et la curiosité humaine l’interdisent. D’ailleurs, 40 % de nos expatriés sont des binationaux, établis de longue date à l’étranger, où ils ont fondé une famille. Rien de commun ici avec le chercheur rencontré en Californie, l’avocat croisé à Hong Kong ou le chef d’entreprise implanté en Chine !
Par sa vitalité même, une telle communauté est plurale. C’est ce qui en fait une richesse pour la nation. Le chef de l’État le constatait devant nos compatriotes à Malte, au mois d’octobre dernier : « Cela veut dire que chacun à sa place lorsqu’il est dans un pays qui n’est pas le sien, en l’occurrence ici à Malte, [et] doit participer à ce mouvement, à ces échanges, à cette influence que la France peut espérer à travers votre propre participation. » La diplomatie économique portée par le Président de la République trouve ainsi naturellement avec nos compatriotes qui vivent à l’étranger ses premiers ambassadeurs.
Cependant, le mode de représentation de la communauté n’est plus adapté.
Depuis les grandes réformes de la Libération, notre pays a accompli un effort considérable pour faire représenter son émigration au Parlement. Grâce à cette représentation, nos compatriotes ne sont pas demeurés des expatriés tournant le dos à la France. C’est une constante, mesdames, messieurs les sénateurs : nos compatriotes vivant à l’étranger veulent pouvoir exercer leur citoyenneté.
Le Premier ministre, lors de son déplacement au Canada, s’adressait à nos compatriotes en ces termes: « Avec la distance, vous avez bien souvent une conscience aiguë que la France […] représente des valeurs, qu’elle représente un modèle, […] qui est le modèle républicain. Il est vrai que loin de France on prend conscience de l’essentiel et on ressent une légitime fierté ».
Cette fierté s’exprime dans votre volonté de participer au débat national. M. le Premier ministre faisait ainsi écho à l’auteur de La Démocratie en Amérique, qui s’émerveillait de constater que, malgré le désintérêt de la France, nos expatriés au Canada conservaient une identité commune et le même désir de rester liés à la France.
Cet exercice de la citoyenneté, la République y a toujours été sensible. Je ne referai pas ici l’historique de cette représentation politique si particulière. Elle vous est familière, et les sénateurs Léon Jozeau-Marigné, Paul Pillet ou Jean-Jacques Hyest l’ont richement décrite dans les rapports qu’ils ont eu à rédiger sur l’un ou l’autre de ses aspects.
Des députés de la nation, instaurés par Colbert auprès des consuls de France, à l’Assemblée des Français de l’étranger, créée en 2004, en passant par le Conseil supérieur des Français de l’étranger, le CSFE, institué en 1948 par Vincent Auriol et Robert Schuman, votre souci a toujours été le même : permettre à ceux que la géographie éloigne de continuer à participer au débat national en instituant une représentation locale qui est graduellement devenue politique.
C’est le même souci qui vous a légitimement conduits, mesdames, messieurs les sénateurs, à rechercher les modes d’élection les plus conformes à la Constitution et aux principes républicains de notre pays. La réforme profonde, engagée par François Mitterrand en 1982, du Conseil supérieur des Français de l’étranger n’a ainsi guère été contestée, même par nostalgie, tant l’ancien système électoral était en réalité fondé sur la désignation et la cooptation.
La loi du 18 mai 1983, qui réservait l’élection des sénateurs aux seuls membres élus du CSFE, et la loi du 9 août 2004, qui remplaça le Conseil supérieur par une Assemblée des Français de l’étranger, composée de 180 membres, dont 155 sont élus au suffrage universel direct, ont contribué à cette meilleure représentation de nos compatriotes qui résident à l’étranger.
Il en va naturellement de même de l’élection de onze députés représentant spécifiquement les Français de l’étranger en juin 2012, réforme dont on peut cependant penser qu’elle n’aurait pas nécessairement vu le jour si les résultats auxquels elle a conduit avaient pu être escomptés. C’était effectivement une excellente réforme !
Malgré cela, et malgré un accès à l’information et un lien « virtuel » très actif, nous ne pouvons que constater, pour le regretter, que le taux de participation à l’ensemble de ces scrutins n’est pas satisfaisant.
En 2009, pour l’élection des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger, ce taux était à peine supérieur à 20 %. En 2012, pour les élections présidentielles, il était de 38 % au premier tour et de 42 % au deuxième tour, contre 81 % en métropole. Pour les élections législatives, il était de 20,6 % au deuxième tour, contre 57 % en moyenne en métropole.
Plusieurs explications sont régulièrement avancées, qu’il s’agisse d’un désintérêt apparent – c’est parfois davantage le signe d’une implication dans le pays dans lequel vivent nos compatriotes que d’un désintérêt de la chose publique et de leur rôle de citoyen – ou d’un décalage entre la réalité de nos communautés et le dispositif actuel.
L’on pourrait aussi incriminer le découpage des circonscriptions actuelles qui servent à l’élection des conseillers de l’Assemblée des Français de l’étranger et qui semblent à beaucoup artificielles tant les écarts démographiques et géographiques sont considérables. Un seul exemple suffira : le seuil de représentation pour avoir un conseiller est de 3 000 résidents inscrits en Andorre contre 19 000 à Bruxelles.
Par ailleurs, quatre-vingt-sept pays, soit près de la moitié des États du monde, n’ont pas de conseiller AFE résident.
En outre, tout en répondant enfin au principe d’égalité devant le suffrage et d’indivisibilité de la nation, l’élection de députés pour représenter nos compatriotes qui vivent à l’étranger a rendu plus urgente la nécessité de redéfinir le rôle des élus AFE. Elle nous impose en effet de trouver une complémentarité et une articulation entre ces conseillers et les parlementaires, similaire à celle que vous avez si utilement tissée avec les élus locaux des départements que vous représentez, mesdames, messieurs les sénateurs.
Enfin, et peut-être est-ce l’élément qui vous sera le plus familier, le collège électoral des sénateurs des Français de l’étranger demeure limité à 155 grands électeurs, fixant ainsi le quotient électoral à vingt-cinq, ce qui est incontestablement faible. Cela aussi, il convenait de le modifier, afin de faire entrer les membres de la Haute Assemblée représentant les Français établis hors de France dans une normalité plus acceptable.
Exercice d’une citoyenneté revendiquée, mobilisation des compétences et des énergies de nos compatriotes expatriés, modernisation et cohérence d’une représentation politique dont tous reconnaissent la nécessité, tels sont les objectifs du Gouvernement.
Sans revenir sur la structure et sur le contenu d’un texte que le M. le rapporteur vous exposera et sans anticiper sur un débat dans lequel le Gouvernement sera très impliqué, je désire vous présenter brièvement les éléments essentiels du projet de loi, éléments sur lesquels s’accordent d’ailleurs les élus de l’AFE et les parlementaires, votre commission des lois et le Gouvernement.
En premier lieu, nous avons considéré, en nous inspirant de ce que sont les conseils municipaux pour nos concitoyens métropolitains, que l’exercice de la citoyenneté lorsque l’on est Français et que l’on réside à l’étranger passe par la démocratie de proximité. Or, pour que celle-ci ait un sens, il faut que l’élection s’organise au plus près, géographiquement, des résidents.
C’est pourquoi le texte crée des conseillers consulaires, au nombre de 444, élus au suffrage universel direct, dans le cadre de circonscriptions consulaires. Inspirées de la structure de notre réseau diplomatique, les circonscriptions seront créées là où la France possède une activité consulaire parce que nous y avons une communauté importante.
Les conseillers formeront des conseils consulaires, au nombre de 132. Ils remplaceront ainsi les comités qui assistent aujourd’hui nos chefs de poste en matière sociale, d’attribution des bourses, de formation professionnelle ou d’emploi.
Lieux d’information et de participation des citoyens à la prise de décision, les conseils consulaires, par une extension des compétences matérielles des comités existants, participeront, par exemple, à la mise en place non seulement des politiques publiques en matière d’enseignement ou d’aides sociales, mais aussi de toutes les politiques relatives au travail, à l’emploi et la formation professionnelle, à la sécurité et à tout autre sujet d’ordre économique, éducatif ou culturel intéressant les Français de l’étranger. Ils assureront en outre un lien entre nos concitoyens et avec les autorités administratives tant françaises que locales.
Tirant leur force de leur légitimité électorale, les conseils seront obligatoirement consultés dans leur domaine de compétence. Ils pourront aussi donner leur avis sur toute question concernant les Français de l’étranger.
En outre, présidés par le chef de poste, ces conseils associeront des personnalités qualifiées et des experts. Il faudra en préciser la composition exacte par décret.
L’idée est de permettre à tous ceux qui font vivre à l’étranger le nouveau modèle français que nous portons et à tous ceux qui en incarnent les idéaux et les valeurs d’être sollicités afin d’enrichir la réflexion des services de l’État. Représentants d’entreprises, y compris de PME, présidents de chambre d’industrie et de commerce, parents d’élèves, représentants d’association, tous seront sollicités et invités à participer.
Afin de ne pas perdre la valeur ajoutée que représentent l’expertise et le conseil que peuvent apporter les conseillers auprès du Parlement et du Gouvernement français, quatre-vingts d’entre eux assureront par ailleurs le lien avec la France en venant siéger à Paris dans ce que sera la nouvelle Assemblée des Français de l’étranger, une assemblée dont les membres seront, certes, moins nombreux, mais dont les compétences seront élargies et l’autonomie renforcée, notamment par l’élection de son président.
En deuxième lieu, et ce n’est pas à vous que je l’apprendrai, mesdames, messieurs les sénateurs, il n’est pas d’élection sans loi électorale, sans le choix d’une loi électorale. Chaque loi doit alors s’adapter à son objet. Dans un souci de justice électorale et de simplicité du mode de scrutin, le Gouvernement a donc souhaité recourir à la proportionnelle à la plus forte moyenne dans le respect du principe de parité.
Les conseils consulaires seront ainsi formés d’un à neuf conseillers en fonction du nombre de nos compatriotes inscrits. Vingt-deux circonscriptions, malgré les efforts tant du Gouvernement que de votre rapporteur pour en diminuer le nombre, ne comprendront cependant qu’un seul conseiller.
Pour le reste, 55 % des circonscriptions compteront entre trois et cinq élus, et trois en compteront neuf, là où nos communautés sont les plus importantes : Bruxelles, Genève et Londres. Nous passerons ainsi de 52 à 132 circonscriptions électorales et de 155 à 444 conseillers.
Je crois utile d’ajouter que, les communautés françaises pouvant évoluer rapidement, il est apparu utile de reconnaître au ministre des affaires étrangères le pouvoir d’adapter la carte électorale par voie réglementaire d’un scrutin à l’autre.
Nul souci ici de découpage partisan ou ingénieux. On peut en effet raisonnablement concevoir que, pour des raisons politiques ou économiques, une communauté puisse subir une évolution démographique importante avant le renouvellement suivant. Il faut alors qu’avec la facilité du pouvoir réglementaire les circonscriptions puissent être modifiées, afin de ne pas aboutir à des résultats incohérents, avec des circonscriptions comportant un nombre important de conseillers mais pratiquement plus de Français, et d’autres où des communautés importantes n’éliraient au contraire que quelques élus.
Pour reprendre les propos d’Alain Richard, défenseur à l’Assemblée nationale en avril 1982 du projet qui allait permettre à nos compatriotes d’élire des représentants antérieurement cooptés par une majorité qui s’en satisfaisait trop naturellement, « le système que nous proposons n’a peut-être pas la vertu […] d’être ingénieux, mais il est simplement juste : le lieu de débat et d’expression des préoccupations quotidiennes des Français de l’étranger sera maintenant empli de leurs délégués élus directement ».
Ce gouvernement, aujourd’hui comme hier, n’a pas d’autres ambitions, je puis vous l’assurer.
Dernier point, la création des conseils consulaires permettra mécaniquement – oserais-je dire – d’élargir le collège électoral sénatorial. Il sera désormais constitué de l’ensemble des conseillers consulaires auxquels s’ajouteront les onze députés ainsi que 65 grands électeurs complémentaires. Leur nombre s’élèvera à 520.
Sur ce point également la représentation politique des Français de l’étranger tendra à la normalité. La commission des lois de la Haute Assemblée n’a pu que s’en féliciter.
Je dirai un mot, enfin, sur le projet de loi qui vous est soumis portant prorogation du mandat des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger, mandat renouvelable au mois de juin prochain.
Afin de permettre l’élection de l’ensemble des conseillers consulaires avant l’été 2014, il est proposé que le mandat des conseillers de la série B – Asie et Europe – soit prolongé d’une année. Cette prorogation répond à un motif d’intérêt général : ces élections n’auraient pas eu de sens dans la mesure où nous examinons aujourd’hui un projet portant réforme globale de la représentation des Français de l’étranger.
Monsieur le président, en conclusion, j’exprimerai un espoir au nom du Gouvernement, celui que tous les groupes de la Haute Assemblée puissent s’unir pour adopter ce texte. Deux éléments semblent le permettre.
En premier lieu, les consultations conduites à l’occasion de la préparation de ce projet de loi ont permis au Gouvernement de constater que tous, bien que avec discrétion pour certains, étaient favorables à cette réforme.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour avoir siégé au Conseil supérieur des Français de l’étranger, puis à l’AFE avant d’avoir l’honneur de rejoindre les travées de votre assemblée, je sais que vous avez toujours été les témoins bienveillants de la disponibilité et du dévouement des représentants des Français de l’étranger.
Vous les avez aidés, et sans vous rien n’aurait été possible. Vous leur permettrez, par le soutien que vous leur apporterez en votant ce texte, d’assurer différemment demain cette fonction à laquelle ils sont tant attachés.
En second lieu, et ainsi que les orateurs inscrits le rappelleront sans doute dans la discussion générale, nous devons cette unité de la représentation nationale à nos compatriotes. Nous la devons à ce qu’ils représentent, aux valeurs qu’ils incarnent, à leur désir, malgré l’éloignement, de demeurer inclus dans la communauté nationale.
Certains se plaisent à affirmer, à provoquer, la division de la société française. Pour ceux qui vivent à l’étranger, cette division apparaît comme artificielle. Ils sont persuadés – les voyages que je peux réaliser en attestent – que la France dispose – génie français aidant peut-être ? – de tous les atouts pour réussir dans le monde. Ils nous apportent souvent ce sens du monde un peu plus vaste, le vent du large... C’est également la conviction profonde du Gouvernement.
Cette confiance qu’ils ont en nous nous honore. Nous leur devons d’y être sensibles. Vous pourrez, par votre vote unanime et au souvenir de celui qui vous avait réuni lors de l’adoption de la loi du 26 avril 1983, le leur manifester. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées de l’UMP. – Mmes Éliane Assassi et Mme Kalliopi Ango Ela applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous allons aujourd’hui examiner deux textes : d’une part, un projet de loi réformant la représentation des Français établis hors de France et, d’autre part, son corollaire, puisque l’élection est aujourd’hui prévue par la loi en juin 2013, un projet de loi prorogeant le mandat des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger qui ont été élus en juin 2006 pour six ans, ce mandat ayant déjà été reporté une première fois pour un an.
Je salue la présence quasi complète dans l’hémicycle des sénateurs représentant les Français établis hors de France, ce qui n’a rien de surprenant quand on sait la passion que suscite dans cette enceinte tout débat sur les collectivités territoriales, la vie des départements et celle des mairies !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Sont également présents des sénateurs qui ne représentent pas les Français de l’étranger, car ce débat concerne l’ensemble de la République, monsieur le rapporteur !
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Absolument ! Je les remercie de leur présence.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il est normal qu’ils soient là !
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Ce débat est essentiel pour les Français de l’étranger, car il concerne leur capacité à vivre leur vie citoyenne.
Vous avez, madame la ministre, évoqué longuement la grande réforme de 1982 du gouvernement de Pierre Mauroy, parallèlement à la réforme de la décentralisation engagée par Gaston Defferre, mise en place par Claude Cheysson, ministre des relations extérieures. C’est l’étape fondatrice du fonctionnement de nos institutions représentatives des Français de l’étranger, c’est-à-dire aujourd’hui l’AFE et en 1982 le Conseil supérieur des Français de l’étranger.
Je rappelle que le Conseil supérieur des Français de l’étranger a été créé par décret en 1949 par Robert Schuman, ministre des affaires étrangères. Il est clair que cette décision, à la suite de la Deuxième Guerre mondiale, rendait hommage à la mobilisation des Français de l’étranger pour sortir le pays de la situation dans laquelle il était après la défaite de juin 1940. Le général de Gaulle lui-même n’avait-il pas souligné, dans l’appel du 18 juin, que des forces hors du pays étaient susceptibles de renverser la situation ?
Toutes choses égales par ailleurs, à chaque période de la vie d’une nation, il est important de conserver les liens qu’elle entretient avec ses ressortissants à l’étranger, car ces derniers, dans les périodes difficiles, sont ceux qui ont le meilleur aperçu de la situation. Il est donc essentiel de les écouter et de leur donner la capacité d’agir.
Bien entendu, et nous l’avons constaté lorsque nous les avons côtoyés quand nous vivions à l’étranger ou lorsque nous les rencontrons au cours de nos voyages, les modifications institutionnelles ne sont pas la première préoccupation des Français de l’étranger.
Toutefois, si ces questions ne sont pas une priorité, elles sont néanmoins indispensables, car les institutions permettent d’agir et de cadrer les politiques. Il importait donc – c’est l’Assemblée des Français de l’étranger qui a porté cette réforme – que les Français de l’étranger obtiennent une représentation complète au Parlement, non seulement au Sénat, mais aussi à l’Assemblée nationale.
Depuis une dizaine d’années, cela a été répété souvent à l’Assemblée des Français de l’étranger, à partir du moment où l’on commençait à envisager une représentation complète au Parlement, il est indispensable – l’Assemblée en est parfaitement consciente depuis juin 2012, de revoir la représentation des Français de l’étranger, la place de l’AFE ne pouvant plus être la même.
Voilà plus de dix ans, le Conseil supérieur des Français de l’étranger a travaillé à sa réforme. Entre 2000 et 2003, une commission de la réforme s’est réunie. Qu’il me soit permis de rendre un hommage commun à la fois à son président, Guy Penne, et à son rapporteur, Robert del Picchia, qui, ensemble, ont travaillé à l’élaboration d’un certain nombre d’outils ayant permis de faire progresser la représentation des Français de l’étranger.
Je pense non seulement à la dénomination de cette institution, mais, plus utile encore, à la fusion des listes électorales, qui a montré le poids politique des Français de l’étranger. De moins de 200 000 Français de l’étranger inscrits pour voter à l’élection présidentielle de 1995, nous sommes passés à plus de 1 million lors de l’élection présidentielle de mai dernier. C’est dire qu’un nombre croissant de Français vivant à l’étranger souhaitent participer à l’élection présidentielle. Il est donc important que les Français résidant à l’étranger, que l’on estime à quelque 2,5 millions et dont plus de 1,6 million sont inscrits au registre mondial des Français établis hors de France, soient représentés au Parlement, car les communautés françaises à l’étranger changent et ont besoin d’une représentation spécifique.
Après les travaux menés par la commission de la réforme et les nombreuses réflexions qui ont eu lieu au sein de l’Assemblée des Français de l’étranger, ainsi que des différentes associations et partis politiques, il paraît aujourd’hui logique de réformer la représentation des Français de l’étranger. Pour éviter les problèmes liés au calendrier électoral qui fixe actuellement un scrutin en juin 2013 et afin de mettre en place la réforme dont nous allons discuter maintenant, il est essentiel d’accepter le projet de loi de prorogation des mandats d’un an.
Madame la ministre, vous l’avez souligné, certains voulaient aller beaucoup plus loin dans cette réforme et souhaitaient donner à l’Assemblée des Français de l’étranger rénovée la capacité d’orienter l’ensemble des politiques publiques que notre pays mène à l’égard des Français vivant hors de France. Sans aller jusque-là, il importe de mettre en place une proximité avec les conseils consulaires et d’élargir le nombre de personnes ayant la légitimité, parce qu’elles seront élues, de parler et d’agir sur le terrain au nom des Français de l’étranger sur des questions qui intéressent plus particulièrement ces derniers.
Même si la réforme proposée n’est pas aussi ambitieuse que certains l’auraient souhaité, elle constitue un pas en avant non négligeable pour donner aux Français de l’étranger plus de capacité pour orienter les politiques publiques qui les concernent et peser davantage sur elles.
L’Assemblée des Français de l’étranger, qui a maintenant plus de soixante ans, est paritaire à 36 %. Elle fait donc figure de précurseur par rapport à d’autres assemblées. La fusion des listes électorales, que j’ai déjà évoquée, a mis en lumière le poids politique des Français de l’étranger. Elle a ainsi été le vecteur de la modification et de la réforme de la représentation des Français de l’étranger.
Enfin, le rôle de l’AFE pour la création des députés des Français de l’étranger n’est plus à démontrer ici. D’une certaine manière, cette réforme est le fruit des propositions faites par l’Assemblée des Français de l’étranger depuis plus de dix ans.
Bien entendu, d’autres points méritent d’être évoqués. Nous ne le ferons peut-être pas au cours de ce débat, mais nous les garderons en réserve pour l’avenir.
Certains s’interrogent. Au sein de l’Union européenne, quel est le sens d’une représentation des Français de l’étranger puisqu’il existe une citoyenneté européenne, qui ouvre des droits aux prestations à égalité avec les ressortissants du pays de résidence ? Ils ne comprennent pas pourquoi aujourd’hui on continue à parler de Français de l’étranger, même pour des Français vivant dans l’Union européenne.
Aujourd’hui, la coopération européenne en matière consulaire est difficile. Les consulats jouent un rôle essentiel dans les pays de l’Union européenne. Dans un certain nombre de pays, surtout dans une Europe en crise, il est important de défendre l’action sociale de nos consulats. Sans les écoles françaises, il serait difficile de transmettre le sentiment d’appartenance à la communauté nationale dans un certain nombre de pays. Oui, il est encore nécessaire de défendre la notion de représentation des Français à l’étranger, qu’ils résident ou non dans l’Union européenne.
C’est absolument indispensable, même si cela ne nous dispense pas de continuer à travailler à une meilleure implication des ressortissants communautaires dans leur pays de résidence, ainsi qu’au renforcement de la coopération consulaire entre les pays de l’Union européenne.
Cela étant, la situation aujourd'hui est telle qu’il est indispensable de conserver cette représentation de l’ensemble des Français de l’étranger, même de ceux qui vivent dans l’Union européenne.
Par ailleurs, ainsi que vous l’avez vous-même indiqué en partie, madame la ministre, la croissance importante de la population française à l’étranger ces dernières années mérite qu’on s’y attache.
Les raisons de cet accroissement sont multiples. Certains partent à l’étranger pour travailler, d’autres pour découvrir le monde, d’autres cultures, de nouveaux horizons. Pour d’autres encore, les motivations de départ sont plutôt négatives : leur recherche d’un emploi à l’étranger s’inscrit dans une lutte contre le « plafond de verre » des discriminations, contre la dictature du diplôme initial. Dans des pays où l’école de la vie est mieux considérée, ils parviennent plus facilement à faire leur place.
Par conséquent, un certain nombre de Français vont à l’étranger pour des motivations qui leur sont propres, mais nous devons, nous, législateur français, faire en sorte qu’ils puissent conserver un lien avec notre pays.
Pourquoi, me direz-vous, faut-il avoir des politiques publiques à l’égard des Français de l’étranger ?
Être Français, ce n’est ni le droit du sol ni le droit du sang, c’est l’appartenance à la communauté nationale. Cela oblige à un sentiment de solidarité. Bien entendu, il est plus facile d’éprouver ce sentiment entre personnes qui vivent sur un même territoire. Mais s’agissant de personnes qui vivent à l’étranger, il est indispensable d’avoir des outils pour permettre la préservation de ce sentiment d’appartenance. Bien entendu, il ne s’étiolera pas facilement, mais d’une génération à l’autre, ce sera beaucoup plus compliqué.
C'est la raison pour laquelle, afin de conserver le lien d’appartenance à la France, il est indispensable de maintenir des écoles, d’aider les personnes âgées de plus de soixante-cinq ans qui ont parfois des difficultés à vivre à l’étranger. Elles sont françaises, la France pense à elles. C’est le signe qu’elles appartiennent à la communauté nationale.
Parce qu’être Français, appartenir à la communauté nationale a une signification particulière, il est indispensable de mener des politiques spécifiques à l’égard des Français qui vivent à l’étranger. C’est dans notre définition, notre conception même de la nationalité et c'est pourquoi il est important de défendre ces politiques et d’avoir des institutions qui sont capables de les définir, de les orienter et de les adapter aux réalités du monde d’aujourd'hui.
Il est important aussi de trouver des institutions qui permettent de mieux mobiliser les compétences, les connaissances, les observations des Français de l’étranger, dans la situation de crise que connaît notre pays aujourd'hui. Cette mobilisation des compétences pourra ensuite être orientée, grâce aux élus, grâce aux institutions, vers le redressement de notre pays.
Après ces remarques préliminaires, je dirai du projet de loi de prorogation des mandats qu’il relève d’un bon pragmatisme. À partir du moment où l’on considère qu’il faut réformer la représentation des Français de l’étranger, compte tenu de la croissance importante du nombre des Français qui vivent à l’étranger, de la charge de travail des agents consulaires, auxquels je tiens d'ailleurs à rendre un hommage appuyé, il serait vain de faire travailler cette année les consulats si l’on doit refaire une élection l’année prochaine ou dans deux ans. Par conséquent, cette prorogation est évidente pour cette raison.
J’en viens maintenant aux principaux apports du projet de loi de représentation des Français établis hors de France.
D’abord, la création de conseils consulaires permettra une représentation de proximité. Elle permettra, dans la plupart des pays, d’avoir plus d’un élu qui ait comme fonction de représenter la communauté française vis-à-vis du poste diplomatique et consulaire et, en même temps, grâce à l’Assemblée des Français de l’étranger, de faire remonter jusqu’à Paris les observations, les critiques, les demandes.
Bien entendu, l’évolution du nombre de conseillers consulaires, qui s’élèverait à 440, a un corollaire : l’élargissement du collège électoral des sénateurs, qui serait multiplié par trois. C’est vrai que le ratio de douze sénateurs élus par 155 grands électeurs, même si c’est en deux fois, tous les trois ans, semble totalement en décalage par rapport à ce qui se fait dans les autres départements et territoires de France. Cet élargissement du collège électoral est donc tout à fait intéressant et je pense qu’il fait l’unanimité parmi nous.
Enfin, l’Assemblée des Français de l’étranger élira son président. Cette demande depuis longtemps formulée avait été portée par la commission de la réforme que j’ai évoquée tout à l’heure, et la disposition sera effective dès l’adoption de cette réforme.
Après les nombreuses auditions auxquelles nous avons procédé, nous avons souhaité faire évoluer le texte – comme un très grand nombre d’interlocuteurs nous l’ont demandé, mais aussi parce que cela s’inscrit dans une logique de respect des principes démocratiques – de manière à permettre l’élection des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger au suffrage universel direct, tout en assurant qu’ils procèdent des conseillers consulaires. C’est la proposition que la commission a adoptée la semaine dernière et qui figure donc dans le texte qui vous est présenté.
La commission a également indiqué une date pour les élections des conseillers à l’AFE concomitante des élections municipales en France. En effet, il nous apparaît nécessaire de souligner à quel point ces élections, qui sont locales, qui sont des élections de proximité, qui renouvellent le collège électoral pour les élections sénatoriales, peuvent être assimilées à des élections municipales pour les Français de l’étranger.
Beaucoup de Français à l’étranger ne sont pas inscrits en France, ne votent pas aux élections municipales. Par conséquent, si nous voulons leur montrer à quoi servent ces élections, au-delà des débats sur les conseils consulaires et sur leurs compétences, dont nous avons aussi parlé au sein de la commission et au cours des auditions, il est important, par un parallélisme des formes, par un phasage électoral, de montrer que ces élections sont de même nature : elles visent à élire des élus de proximité, qui, eux-mêmes, éliront leur représentation au Sénat.
Ensuite, il nous semblait important de souligner que ce travail sur les compétences pouvait être encore un peu amélioré.
Nous avons malheureusement constaté qu’un certain nombre de compétences de politiques publiques qui touchent les Français de l’étranger sont aujourd'hui définies par voie réglementaire et non par voie législative. C’est pourquoi il était difficile d’établir le contrôle de ces politiques par la voie législative. Une partie du débat parlementaire consistera précisément à voir comment nous pouvons, par un dialogue avec le Gouvernement, nous assurer que les conseils consulaires, que l’Assemblée des Français de l’étranger aient une compétence au moins partagée sur les orientations des politiques que la France mène à l’égard des Français de l’étranger. J’ai évoqué la question de l’aide sociale, je pourrais aussi parler des bourses.
Il est important, pour que cette réforme réussisse, d’abord, qu’elle soit comprise, qu’elle engendre une meilleure participation électorale, laquelle est liée à notre proposition de phasage avec les élections municipales. Même si, pour des raisons techniques – nous avons entendu les arguments qui ont été exprimés –, nous ne retenons pas cette disposition pour la première élection qui aurait lieu en 2014, cette concomitance permettrait une amélioration de la participation électorale.
De la même manière, il faudra faire en sorte que les élus au conseil consulaire et à l’Assemblée des Français de l’étranger soient le plus possible impliqués dans les réflexions, les dialogues de gestion, par exemple en ce qui concerne les politiques de bourses. Il faudra veiller à ce que, dans le débat démocratique qui aura lieu lors de ces élections consulaires, durant les campagnes électorales, personne ne soit mis de côté. Je pense en particulier à la fracture numérique, qui s’estompera avec le temps, mais qui existe encore aujourd'hui pour une partie de nos concitoyens âgés.
Une autre question importante est posée à laquelle il faudra aussi répondre : comment réussir une réforme à moyens constants lorsqu’on multiplie par trois le nombre d’élus ? C’est une gageure, madame la ministre. Nous serons tous mobilisés sur cette question. Nous connaissons la situation actuelle des finances de l’État, mais réussir une telle réforme à moyens constants est quand même une gageure. Nous reviendrons sur cette question lors du débat.
D’autres questions ont été posées, telles que la garantie de régularité des sessions, la participation des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger à titre consultatif au conseil consulaire de manière à s’enrichir des débats et à les enrichir de leurs expériences.
Nous avons évoqué beaucoup de questions qui reviendront au cours du débat. Je pense à la participation des membres des conseils consulaires aux conseils d’établissement des écoles, à la réforme des commissions administratives pour les listes électorales. Un certain nombre de questions, qui n’avaient pas été abordées jusqu’à présent, même à l’Assemblée des Français de l’étranger, nous semblent devoir être examinées dès lors que la représentation des Français de l’étranger est totalement modifiée.
Une question importante, même si elle n’a fait l’objet d’aucun amendement, concerne la manière d’orienter la politique de la caisse des Français de l’étranger et en particulier l’élection de son conseil d’administration qui est aujourd’hui élu par les membres de l’Assemblée des Français de l’étranger. Si, à l’issue de ce débat, le nombre de conseillers de l’AFE est élevé à 102 membres, une réflexion importante sur cette question devra être menée, comme sur les compétences et le fonctionnement de la Caisse des Français de l’étranger, sa capacité à être réellement universelle et à pouvoir remplir sa mission à l’égard de nos compatriotes les plus défavorisés dans les pays les plus reculés.
En conclusion, trouver le chemin d’une représentation proche des Français de l’étranger dans leur diversité est essentiel si l’on veut continuer à faire vivre les expériences des Français de l’étranger au travers d’institutions qui permettent de témoigner de leurs expériences, de leurs compétences, de leurs remarques à Paris.
Dans un contexte où les migrations, vous l’avez signalé, madame la ministre, sont de plus en plus importantes, il est essentiel, pour les Français de l’étranger et pour la France, de construire un système, des institutions qui permettent de tirer le meilleur profit possible des migrations des Français qui vivent à l’étranger. Il s’agit, en favorisant une bonne cohésion, d’assurer le meilleur lien possible entre eux-mêmes et la collectivité nationale. C’est l’enjeu de ce débat.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Après ces remarques, je ne crois pas m’avancer en indiquant que, sous réserve de l’adoption de quelques amendements que nous examinerons ultérieurement, nous adopterons ce projet de réforme de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Je conclurai cette intervention en remerciant à la fois les personnes auditionnées mais aussi les collaborateurs de la commission des lois pour le travail très sérieux qui a été accompli dans des conditions difficiles, notamment en termes de délais, lesquels étaient courts, et qui nous a permis d’aboutir à des conclusions importantes sur ce dossier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mmes Kalliopi Ango Ela et Christiane Kammermann ainsi que M. Jean-Pierre Cantegrit applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nos compatriotes expatriés bénéficient de longue date d’une représentation politique qui leur permet de défendre leurs intérêts et de faire valoir leurs droits auprès des pouvoirs publics.
Le premier texte qui nous est soumis, et qui fait l’objet d’une discussion commune avec le second, ne soulève pas à mes yeux de problème majeur.
Il s’agit en effet d’une question de calendrier juridique, en prolongeant le mandat des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger afin de rendre possible la mise en œuvre de la réforme du mode de représentation que nous allons examiner.
La représentation des Français établis à l’étranger est ancienne puisqu’elle existe depuis les années cinquante. C’est pourtant une originalité démocratique de notre pays qui est méconnue de nos concitoyens sur le territoire national, mais aussi, bien souvent, de nos compatriotes résidant hors du territoire national eux-mêmes.
Il est donc compréhensible et logique que des modifications sur la façon dont cette représentation était organisée aient été rendues nécessaires par des évolutions de toutes sortes.
Mais la modernisation de ce système de représentation était aussi une revendication ancienne des deux principales associations d’expatriés. Elle a fait l’objet d’un avis rendu par la commission des lois de l’Assemblée des Français de l’étranger, elle faisait aussi partie des promesses de campagne de candidats à l’élection présidentielle.
C’est dire combien cette réforme était attendue.
En outre, l’une des dispositions de la révision constitutionnelle de 2008, qui a créé de nouveaux députés chargés de représenter spécifiquement nos compatriotes expatriés, a encore renforcé la nécessité d’une réforme. Elle a en effet modifié l’équilibre et la cohérence du dispositif qui existait précédemment en superposant différents niveaux de représentation.
Enfin, il fallait assurément remédier à un abstentionnisme très développé à des élections qui sont peu connues des personnes concernées et dont l’intérêt leur paraît encore faible.
Il est vrai que s’attaquer à cette question n’était pas chose aisée tant elle soulève de problèmes de principe et tant elle appelle de réponses techniques et juridiques d’une assez grande complexité. J’en veux pour preuve ce long texte de 37 articles.
Avant de vous donner l’appréciation de mon groupe, je voudrais brièvement revenir sur une question de fond évoquée en juillet 2008 lors des débats sur la modernisation de la vie publique.
En effet, je continue de m’interroger sur le bien-fondé d’avoir maintenant 11 députés : je ne suis toujours pas convaincue que cela ait vraiment fait avancer l’égalité républicaine. Lors des débats susmentionnés, notre groupe s’était d’ailleurs opposé à cette disposition.
Au nom de quel principe républicain avoir ainsi accordé une représentation supplémentaire à une catégorie spécifique de citoyens en leur réservant des députés ?
Comme tout citoyen français, les Français résidant hors du territoire national disposent du droit de vote aux élections législatives. Ils avaient donc déjà la faculté d’être représentés en tant que tels à l’Assemblée nationale, et non en leur seule qualité de Français résidant dans un pays étranger.
De plus, l’Assemblée nationale n’ayant pas souhaité augmenter le nombre de députés, cette mesure a, pourrait-on dire, mécaniquement supprimé un nombre équivalent de circonscriptions sur le territoire national.
Pourquoi avoir voulu, à ce prix, créer un nouveau niveau de représentation ? J’en suis persuadée, la démocratie n’y a pas vraiment gagné ; sinon, cela se saurait !
Quoi qu’il en soit, la loi est votée, et il fallait procéder aux adaptations nécessaires. Vos projets de loi, madame la ministre, tiennent compte de cette réalité, et découlent aussi directement de la réflexion engagée par le Gouvernement pour moderniser la vie publique.
Le projet de loi sur la représentation des Français établis hors de France y répond de façon souvent pertinente.
Presque tout le monde, en tout cas les deux principales associations représentatives, est d’accord pour constater que le fonctionnement de ce dispositif de représentation de nos compatriotes expatriés n’est ni satisfaisant ni efficace. Et il est vrai qu’en juin dernier l’élection de députés spécifiques aux Français de l’étranger a fait apparaître au grand jour les graves défauts et la faiblesse de leur représentation au niveau local.
Je reconnais que votre tâche était difficile, madame la ministre, car procéder à des redécoupages ou à des créations de circonscriptions est un exercice pour le moins périlleux. Un gouvernement, quel qu’il soit, est toujours suspecté par ses adversaires de vouloir se livrer à des opérations douteuses.
La Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique vous a pourtant pratiquement décerné, dans son rapport intitulé « Pour un renouveau démocratique », un satisfecit. Elle a en effet constaté que le découpage actuel des 52 circonscriptions de l’Assemblée des Français de l’étranger, l’AFE, provoquait d’importants écarts démographiques auxquels il fallait bien sûr remédier.
C’est ce qui a conduit à ce nouveau découpage, avec un poids démographique plus homogène de 1 conseiller à l’AFE pour environ 20 000 électeurs inscrits.
De là résulte la création des conseils consulaires. C’est une innovation majeure qui peut permettre de redonner du sens à une vie démocratique – nous y sommes, vous le savez, comme d’autres, très attachés – si difficile à animer parmi nos compatriotes expatriés. Ceux-ci se sentent souvent isolés et délaissés lorsqu’ils vivent dans un pays étranger.
L’élection de ces conseils au suffrage universel direct est un gage de rapprochement des électeurs avec leurs élus. Ce mode de scrutin peut en faire de véritables élus de terrain, directement responsables auprès d’électeurs, quand bien même ceux-ci seraient éloignés géographiquement.
Cette nouvelle catégorie d’élus a ainsi toute la légitimité démocratique pour qu’ils deviennent des interlocuteurs de poids auprès de nos représentations diplomatiques et de nos chefs de postes consulaires.
Les compétences de ces conseils seront aussi plus étendues que celles qui ont été confiées aux comités consulaires actuels.
Toutes ces dispositions vont dans le bon sens, et j’ajouterai que j’apprécie fortement que l’égalité entre les hommes et les femmes soit assurée, puisque les listes de candidats seront établies à parité.
Les mesures que vous proposez pour réformer l’Assemblée des Français de l’étranger sont également les bienvenues et participent d’une réelle volonté d’en améliorer le fonctionnement dans un sens plus démocratique. Je pense notamment au fait qu’elle puisse désormais élire son président, ou sa présidente, ce qui, concrètement, peut la dégager d’une certaine forme de tutelle du ministère des affaires étrangères.
Enfin, l’élargissement du collège électoral des sénateurs devenait impératif pour mettre fin à une curiosité française. Passer de 155 conseillers de l’AFE à 520 grands électeurs est une étape, non négligeable, sur la voie d’une plus grande représentativité de chacun de nos douze sénatrices et sénateurs.
Certes, quelques points, comme le vote par remise en mains propres à l’ambassadeur ou au chef de poste consulaire, la dématérialisation de l’envoi de la propagande électorale ou bien encore la création du vote par anticipation, mériteraient, à mon avis, de faire l’objet d’un meilleur encadrement. On peut raisonnablement présager que le décret en Conseil d’État pris dans ce domaine y veillera.
Au total, votre texte, madame la ministre, comprend de nombreuses mesures qui, je le répète, vont dans le sens d’une représentation améliorée et plus démocratique de nos compatriotes expatriés. Je vous ferai néanmoins un léger reproche, celui d’être parfois restée au milieu du gué alors que vous auriez pu proposer des dispositions plus ambitieuses.
C’est pourquoi les travaux de notre commission des lois – et je veux ici saluer l’excellent rapport et les amendements de notre collègue Jean-Yves Leconte – ont permis d’apporter quelques améliorations substantielles.
La principale d’entre elles est la modification du mode de scrutin des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger. Elle consiste à mettre en place un mode de scrutin direct : les conseillers seront élus au suffrage universel direct et à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne pour les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages au niveau de la circonscription.
Vous le savez, c’est une disposition à laquelle nous sommes particulièrement attachés – nous l’avons évoquée récemment lors de la discussion d’un autre texte –, car elle conditionne grandement le pluralisme d’expression des diverses sensibilités politiques.
D’autres dispositions ont permis d’améliorer ce texte, de façon plus ou moins importante.
Ainsi, le nombre minimal de candidats pour les circonscriptions d’élection des conseillers consulaires qui doivent élire des délégués consulaires est augmenté. Cela contribue à donner une assise plus large au collège électoral : c'est donc un nouveau point positif.
Le droit à la formation pour les élus, élément qui manquait dans votre projet de loi, madame la ministre, est dorénavant explicitement prévu. C’est une mesure nécessaire pour apporter aux élus des compétences, qui leur permettront de mieux défendre les intérêts de leurs électeurs auprès des services des ambassades et des consulats.
La fixation de la durée du mandat des conseillers consulaires et des conseillers à l’AFE à six ans, ainsi que la concomitance de leur renouvellement avec celui des conseils municipaux sur le territoire national, donnera plus d’audience et de lisibilité à ce type d’élections.
Bien que rien ne soit jamais parfait, je regrette pourtant que le Gouvernement n’ait pas été plus ambitieux dans sa volonté de réforme en la matière.
Je persiste notamment à déplorer que, malgré un élargissement certain, le collège électoral des sénateurs représentant nos compatriotes établis à l’étranger reste aussi limité.
Pour un peu plus de 1,6 million d’électeurs inscrits, avec seulement 520 grands électeurs pour 12 sénateurs, admettez, madame la ministre, que l’on reste là dans un « entre-soi » de bon aloi, qui soulève quelques problèmes de représentation démocratique.
On pourrait même penser qu’il s’agit d’une véritable « maladie sénatoriale » puisque cela nous renvoie à des discussions très récentes que nous avons eues sur une question existentielle pour le Sénat, celle de la représentation des territoires ou des populations. Mes collègues qui ont participé à ces débats voient certainement de quoi je veux parler.
À cet égard, la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique avait aussi pris l’exemple des prochaines élections sénatoriales, en septembre 2014 : chacun des six sièges soumis à renouvellement au titre des sénateurs représentant les Français établis hors de France sera pourvu par à peine 28 grands électeurs ! Il n’y a pas de meilleure façon de montrer que cela pose un problème, non pas de légitimité des élus, bien sûr, mais d’équité et d’exigence démocratique à l’égard de nos concitoyens.
Certes, je le répète, la question est complexe à résoudre. Nonobstant le risque de modifier les équilibres entre les différents niveaux de représentation des Français de l’étranger, je considère que la multiplication par deux, ou même par trois – soyons gourmands ! –, du nombre de conseillers à l’AFE permettrait d’améliorer la représentation démocratique.
Madame la ministre, ce texte a été amélioré par les travaux de notre commission et permettra de moderniser substantiellement notre vie démocratique. C’est pourquoi, sauf si nos débats devaient bousculer ces avancées, ce que je ne souhaite pas, le groupe CRC le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et au banc des commissions. – Mme Kalliopi Ango Ela et M. Pierre-Yves Collombat applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour faire simple sur un texte plutôt complexe aux yeux d’un non-initié et, surtout, pour faire rapide afin de laisser le plus possible la parole à nos collègues représentant les Français établis hors de France, plus qualifiés que moi pour peaufiner les détails d’une réforme les concernant au premier chef, je dirai que le projet de loi qui nous est soumis, fortement amendé par notre commission des lois, ne peut que recevoir le soutien du RDSE, le mien en particulier.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !
M. Pierre-Yves Collombat. En effet, on ne peut que saluer l’élargissement du collège électoral des sénateurs représentant les Français de l’étranger, qui rompt avec une situation singulièrement particulière. Si pouvoir être élu avec 28 voix garantit une incontestable proximité avec l’électeur et fait rêver plus d’un sénateur, on ne peut le tenir, comme l’a dit Mme Assassi, pour un haut fait démocratique !
Porter le collège électoral des sénateurs de 166 membres à 520 représente donc un incontestable progrès. Je pense qu’il reste des marges. On pourrait par exemple se fixer sur ce qui se passe, s’agissant du nombre de grands électeurs, dans un département de 1,2 million d’habitants…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. On voit à quoi vous pensez, monsieur Collombat !
M. Pierre-Yves Collombat. Progrès démocratique et dynamisation de la représentation locale aussi que la création de « conseils consulaires », élus par nos compatriotes et vice-présidés par l’un de ses membres !
Tous ceux qui se déplacent un peu savent ce que le rayonnement de notre pays doit à ces communautés d’expatriés, à leur dynamisme, à leur engagement. Les doter d’un organe d’expression représentatif constitue, je l’ai dit, un incontestable progrès. Pour cette raison, et le principe de représentation démographique dût-il en souffrir, il ne me semble ni suffisant ni paradoxalement très démocratique que le conseil puisse être composé d’un seul membre.
Vous l’avez dit, madame la ministre, il y aura un unique conseiller dans 22 cas. Le conseiller ne pourra donc même pas se présider, il se vice-présidera (Sourires.), ce qui risque de provoquer des perturbations aux plus solides de nos compatriotes.
Il est dommage que la commission n’ait pas pu améliorer la situation sur ce point, comme elle l’a fait en étendant le champ des compétences des conseils et en les assimilant, par certains côtés, à des conseils municipaux – ce qu’ils ne sont évidemment pas, mais l’effort fait pour les en rapprocher me paraît tout à fait positif.
Tout en comprenant les raisons du choix qui a été fait, je suis en revanche moins enthousiaste s’agissant de la réforme de l’AFE, maintenue mais réduite de moitié, assemblée purement consultative avec une fonction d’expertise et de conseil.
En effet, j’ai personnellement un peu de mal à saisir l’articulation de cette assemblée avec les conseils consulaires. Je sais bien qu’il n’est pas très simple d’organiser l’expression de nos compatriotes du monde entier, mais un décalage semble exister entre les deux institutions, ce que je considère un peu problématique, bien que je ne voie pas pour l’instant comment y mettre un terme.
En tout cas, notre commission des lois a eu raison de modifier le mode de désignation des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger, l’AFE, en remplaçant le suffrage indirect prévu dans le projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France par une élection directe.
On nous a rappelé que cette réforme devait être faite à moyens et à coûts constants. Je regrette cette « obligation » car une modeste dotation supplémentaire aurait certainement permis de dynamiser la participation électorale de nos compatriotes expatriés, laquelle passe certainement par l’amélioration des moyens de nos postes consulaires.
Le taux de participation s’est élevé à 14,25 % seulement lors du renouvellement de la série B de l’AFE, en 2006, et à 20,44 % lors du renouvellement de la série A, en 2009. En 2012, l’élection des onze députés représentant les Français établis hors de France n’a pas suscité une meilleure mobilisation : la participation a été inférieure à 20 % dans toutes les circonscriptions, soit moitié moins que lors de l’élection présidentielle, comme Mme la ministre l’a rappelé tout à l'heure.
J’accueille avec faveur toute mesure susceptible de dynamiser cette participation et, au-delà de l’acte électoral, le sentiment que l’on est tous nécessaire à la communauté nationale, quel que soit le lieu où l’on vit. Pour ce faire, il faut certainement améliorer les moyens d’expression et de vote, alimenter la conviction que chacun peut peser sur les décisions qui le concernent au premier chef et donc également diffuser le maximum d’informations.
Je dirai pour conclure que, à ces microbémols près, le texte qui nous est proposé est un bon texte, un texte qui mérite d’être soutenu, y compris s’agissant de la modification du calendrier électoral. Comme je l’ai annoncé au début de mon intervention, le RDSE lui accordera ce soutien.
Je souhaite bonne chance à cette réforme, appelée à créer une dynamique à laquelle nous sommes tous attachés, que nous représentions ou non les Français établis hors de France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. André Ferrand applaudit également.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Kalliopi Ango Ela.
Mme Kalliopi Ango Ela. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la représentation des 2,5 millions de Français établis hors de France est un sujet important, bien que malheureusement peu connu des « Français de France », à l’exception, bien évidemment, d’un certain nombre d’entre eux, dont les parlementaires ici présents, qui ont su mettre leurs compétences au service de la réforme que porte le projet de loi. Je les en remercie et, d’ailleurs, je regrette que nous ne soyons pas un peu plus nombreux dans cet hémicycle aujourd'hui.
En tant que conseillère élue à l’Assemblée des Français de l’étranger – en 2009 –, puis en tant que sénatrice écologiste représentant les Français établis hors de France – depuis votre nomination au Gouvernement, madame la ministre –, j’ai bien sûr été extrêmement attentive aux réflexions qui ont conduit à la réforme qui nous réunit aujourd’hui. J’en profite pour remercier les membres de mon groupe de m’avoir désignée comme cheffe de file sur les deux projets de loi dont nous allons discuter lors de cette séance.
Nul ne peut contester la nécessité que la représentation des Français résidant à l’étranger soit enfin réformée en profondeur. Il est plus que nécessaire que le Gouvernement procède à cette réforme, a fortiori depuis l’élection de nos députés en juin 2012, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, comme cela a déjà été souligné, l’étroitesse du corps électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France constituait une anomalie, à laquelle le projet de loi relatif à la représentation de ces derniers remédie en élargissant – à juste titre – notre collège électoral, de 155 conseillers élus à l’AFE à 444 conseillers consulaires, augmentés des délégués consulaires.
Au sujet de ces derniers, dans l’avis qu’elle a rendu lors de sa dix-huitième session, qui s’est tenue en ce début de mois de mars, l’actuelle AFE a fait savoir que la terminologie de « délégués électoraux » lui semblait plus opportune, afin d’éviter toute ambiguïté sur leur rôle. Si je comprends les raisons qui ont conduit le Gouvernement, ainsi que le rapporteur, à conserver l’expression de « délégués consulaires », plus adaptée au regard du droit commun, il me semble que le dispositif du projet de loi reste peu clair à ce sujet.
C'est pourquoi les membres du groupe écologiste et moi-même avons souhaité déposer un amendement de clarification, dont l’objet est de faire écho aux souhaits de l’AFE et aux termes duquel les délégués consulaires sont « destinés à renforcer le corps électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France ». Nous débattrons tout à l'heure de cet amendement ; j’espère évidemment que le Sénat l’adoptera.
À cet égard, je me permets de rappeler que, dans son avis précité, l’Assemblée des Français de l’étranger a indiqué « fai[re] confiance aux parlementaires des Français de l’étranger pour défendre par voie d’amendements la position de l’AFE ». Cette confiance, je souhaite que nous la gardions toutes et tous à l’esprit durant l’ensemble de nos débats d’aujourd’hui et de demain.
Ensuite, cette réforme traduit la volonté du Gouvernement de favoriser le développement de la démocratie de proximité, par la création, au niveau local, de conseils consulaires composés de conseillers qui, comme le souligne notre collègue Jean-Yves Leconte dans son rapport, « ne sont pas sans rappeler les élus locaux pour les Français établis en France ». Je ne peux que saluer cette volonté.
Mes chers collègues, afin de renforcer cette démocratie de proximité, mais aussi pour développer une réelle démocratie participative et l’implication de la communauté française établie à l’étranger, je vous propose qu’un droit de pétition permette à nos concitoyens de demander la mise à l’ordre du jour des conseils consulaires de toute question ou affaire relevant de leurs compétences.
M. André Ferrand. Très bien !
Mme Kalliopi Ango Ela. Je défendrai un amendement en ce sens.
Cependant, la version initiale du projet de loi comportait une réelle régression : l’élection des conseillers de l’Assemblée des Français de l’étranger par leurs pairs conseillers consulaires, suivant un mode de scrutin indirect, en lieu et place du suffrage universel direct qui prévaut actuellement.
Cette régression a été regrettée à l’unanimité, tant par l’AFE – dans les deux derniers avis qu’elle a émis concernant cette réforme – que par l’ensemble de mes collègues sénateurs représentant les Français établis hors de France. Madame la ministre, vous avez su entendre nos demandes légitimes et vous avez fait savoir, lors de votre audition publique par notre commission des lois, que le Gouvernement était ouvert aux propositions sénatoriales tendant à rétablir un suffrage direct – fruits du travail de la commission et de M. le rapporteur, qu’il convient ici de saluer.
Malheureusement, cette avancée démocratique se voit freinée par le choix d’une liste unique comportant à la fois les candidats à l’AFE et l’ensemble des conseillers consulaires. Les écologistes regrettent que ne soient pas prévus deux bulletins distincts, évitant un vote bloqué et garantissant davantage liberté de candidature et liberté de vote. Au-delà, cette option permettrait également d’assurer une réelle représentativité des petits partis et des associations et, surtout, éviterait tout risque en cas de recours en annulation.
En effet, je m’interroge sur la constitutionnalité d’un vote à un seul bulletin et sur les conséquences budgétaires qu’entraînerait l’invalidation d’une liste de conseillers consulaires. Il serait peu concevable que les économies faites sur les frais de déplacement des conseillers à l’AFE – résultant de la réduction par deux du nombre de ces derniers – et sur les indemnités de nos élus soient gaspillées dans l’organisation de nouvelles élections pour tous les conseillers consulaires d’une même circonscription de l’AFE.
Il me semble donc préférable que, d’une part, les conseillers consulaires soient élus sur des listes déposées dans chaque circonscription consulaire, et que, d’autre part, les conseillers à l’AFE soient élus sur une liste distincte dans le cadre de circonscriptions plus larges définies au tableau annexe n° 2 du projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France.
Selon ces modalités, l’élection des conseillers consulaires répondrait parfaitement à l’objectif de proximité des auteurs du projet de loi, les citoyens établis à l’étranger votant pour de réels élus locaux et non pour des candidats résidant à des centaines de kilomètres de leur conseil consulaire, voire dans un autre État. Du reste, ce système s’articule parfaitement avec le fait qu’un conseiller à l’AFE doive simultanément être élu conseiller consulaire, comme nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen des amendements que j’ai déposés en ce sens avec mes collègues du groupe écologiste.
Autre élément cher aux écologistes : la lutte contre le cumul des mandats, permettant un renouvellement effectif de notre représentation politique et une véritable rotation des responsabilités. Ainsi, je défendrai encore deux séries d’amendements, destinées à ouvrir le débat, pour l’une, sur le non-cumul dans le temps des mandats des conseillers consulaires et, pour l’autre, sur l’incompatibilité des mandats parlementaires et de conseiller consulaire ou de conseiller à l’AFE. L’objet de ces amendements est de contribuer à faire place au renouvellement des conseillers consulaires, aux femmes, aux jeunes et à la diversité dans son ensemble.
Un renouvellement de nos élus à l’étranger évite tout risque de clientélisme et permet une représentation à l’image de la nouvelle sociologie des Français établis hors de France, que, madame la ministre, vous avez évoquée tout à l'heure.
D'ailleurs, je salue la volonté, affichée au travers de cette réforme, d’opter pour une parité femme-homme, en prévoyant, pour les circonscriptions électorales où plus d’un siège de conseiller consulaire est à pourvoir, que chaque liste soit composée alternativement d’un candidat de chaque sexe. Cette règle est également prévue pour l’élection des conseillers à l’AFE.
Je m’interroge néanmoins sur la parité effective qui pourra résulter de ces élections si rien de similaire n’est mis en place concernant, cette fois, les têtes de listes ou les candidats uniques présentés par un même parti ou une même association dans l’ensemble des circonscriptions.
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je souhaite en outre aborder avec vous l’importante question des compétences de nos conseillers consulaires et de nos conseillers élus à l’AFE. Vous n’êtes évidemment pas sans savoir que ce point était central dans les deux derniers avis rendus par l’actuelle Assemblée des Français de l’étranger, en septembre 2012 et en mars 2013. Dans ces avis, issus de sa commission des lois et votés à l’unanimité en assemblée plénière, l’AFE sollicitait non seulement un renforcement des compétences des élus, mais aussi l’élargissement des domaines sur lesquels porte le rapport annuel qui lui est présenté par le Gouvernement.
Sur ce dernier point, les conseillers actuels ont demandé que le rapport du Gouvernement fasse également état « des conventions internationales » en lien avec les problématiques concernant les Français établis hors de France.
Par conséquent, je m’étonne que, sur la proposition de notre rapporteur, aient été ajoutés à l’article 20 du texte issu de la commission des lois du Sénat les seuls accords internationaux dans le domaine fiscal et social. De la même façon, les contours de la notion de « régime fiscal applicable aux Français établis hors de France » me semblent trop flous pour que cette notion apparaisse dans la loi, au titre des domaines abordés dans ce rapport du Gouvernement. Au demeurant, mettre ainsi l’accent sur la fiscalité et l’imposition me paraît renforcer les poncifs et clichés à l’égard de nos compatriotes établis au-delà de nos frontières. En outre, l’AFE n’a pas formulé une demande aussi ciblée au cours de ses travaux.
Les Français de l’étranger, bien loin de s’intéresser uniquement à leur fiscalité, souhaitent avant tout conserver un lien avec le territoire français et être informés des questions qui les concernent. Ils sont donc fort attentifs à tout ce qui concerne les politiques menées par la France hors de ses frontières et, en particulier, à son rayonnement culturel. Dès lors, j’ai souhaité que cet élément figure également dans le rapport présenté par le Gouvernement à l’AFE. Cette dernière pourra ainsi être tenue informée de la politique culturelle extérieure de la France.
Autre revendication légitime : la présidence de l’Assemblée par un élu et non pas par le ministre des affaires étrangères. Madame la ministre, je suis évidemment ravie que vous ayez opté pour ce choix dans la réforme que vous avez engagée, témoignant ainsi de l’attention que vous avez bien voulu porter à cette demande de l’AFE.
Cependant, je m’interroge encore sur l’ajout du nouvel article 20 C, introduit par la commission des lois sur l’initiative de son rapporteur et aux termes duquel « l’Assemblée des Français de l’étranger se réunit à l’initiative conjointe du ministre des affaires étrangères et de son président ». Pour ce qui me concerne, il me semblait plus opportun que soit abrogé le décret du 6 avril 1984, qui dispose que l’AFE est convoquée « chaque fois que le ministre le juge nécessaire et au moins deux fois par an », puisqu’il est d’usage que les assemblées soient convoquées par les soins de leur président, comme l’a précisé Jean-Yves Leconte dans son rapport.
Monsieur le rapporteur, cher Jean-Yves, pourriez-vous m’éclairer sur les raisons, autres que budgétaires, qui ont présidé à ce choix ?
Je souhaite également, et surtout, aborder avec vous l'importance du rôle des associations représentatives au niveau national des Français établis hors de France, associations dont est issue jusqu'à présent l'écrasante majorité des conseillers à l'AFE.
Je tenais à féliciter la commission des lois du Sénat d’avoir prévu à l'article 29 duodecies que ces associations ne seraient pas exclues du financement des campagnes électorales. Je suis, à titre personnel, très attachée à la place des deux grandes associations concernées qui constituent un réel vivier de l'engagement citoyen et politique des Français à l'étranger. Si je promeus, avec les écologistes, davantage de transparence dans le financement des campagnes électorales, je ne peux concevoir que cela se fasse au détriment de ces associations qui structurent depuis des années la représentation des Français établis à l'étranger et créent le lien nécessaire au sein des communautés françaises.
Je m'opposerai donc à l'amendement déposé par notre collègue M. Gorce, qui revient sur l’avancée accomplie par la commission des lois du Sénat. Il me semble d'ailleurs que l'ensemble des sénatrices et des sénateurs représentant les Français établis hors de France, toutes orientations politiques confondues, feront de même.
Enfin, il me paraît important de souligner qu’à l’évidence le « hors de France » ne constitue pas un bloc homogène et que nos compatriotes, en fonction des zones géographiques où ils sont établis, ne sont pas soumis aux mêmes difficultés. Si la réforme doit tenir compte du nombre de Français inscrits sur les listes électorales consulaires dans le découpage des circonscriptions, cette démarche entraîne de facto une représentation accrue avec un plus grand nombre d'élus dans des pays où les Français en ressentent peut-être moins l'utilité.
Plus ils sont éloignés de notre territoire, plus les Français ont besoin de renforcer leur lien avec la France.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. C’est vrai !
Mme Kalliopi Ango Ela. Or c'est un peu le paradoxe de l'application, à l’occasion de cette réforme, des exigences du Conseil constitutionnel prévues pour les élections organisées sur le territoire national.
Autre réalité à prendre en compte, celle de certains de nos compatriotes – en particulier dans les pays du Sud – qui subissent la fracture numérique. C'est une réalité dont nous devons avoir conscience.
Si je me réjouis, en tant qu'écologiste, de l'impact positif sur l'environnement de la dématérialisation des circulaires électorales, je ne souhaite pas pour autant que certains Français puissent se trouver dans une situation de rupture d'égalité. Ayant résidé vingt-cinq ans au Cameroun, je mesure aisément l'impact d’une telle mesure. Au-delà, sur 1,6 million de personnes inscrites au registre mondial des Français établis hors de France, seules 600 000 ont communiqué à l'administration une adresse électronique. On rencontre donc des différences significatives selon les zones de résidence des Français à l'étranger.
D'ailleurs, comme le soulignait le rapport de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, les Français établis hors de France sont soumis à deux entités et deux réalités distinctes : l'Europe et le reste du monde ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Robert del Picchia et Christian Cointat applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa.
M. Christophe-André Frassa. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, hasard du calendrier – dont personne n'est dupe –, nous débutons la discussion d'un projet de loi portant prorogation du mandat des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger le jour même où le Gouvernement aurait dû publier l'arrêté convoquant les électeurs pour le renouvellement des élus dont le mandat vient à échéance le 18 juin prochain.
M. Richard Yung. C’est un hasard !
M. Christophe-André Frassa. Espérons que ce couac sera le seul dans le débat parlementaire qui commence. Il ne dépend que de vous, madame la ministre, qu’il en soit ainsi puisque, parallèlement à ce texte de conséquence, un autre projet de loi – beaucoup plus substantiel – nous est soumis, celui qui réforme la représentation des Français de l'étranger.
L’année 1946 a vu la création des sénateurs représentant les Français établis hors de France ; en 1948, le Conseil supérieur des Français de l'étranger, le CSFE, a été institué ; en 1982, les membres du CSFE ont été élus au suffrage universel direct ; en 2004, l'Assemblée des Français de l'étranger, l'AFE, a été créée.
Un point commun relie toutes ces réformes qui ont structuré la représentation politique des Français de l'étranger : elles ont été le fruit d'une large concertation.
En 2013, la réforme de la représentation des Français établis hors de France sera-t-elle la première – et la seule – qui soit conçue sans concertation ? Là aussi, madame la ministre, il n'appartient qu'à vous, dans la discussion du texte, qu'il en soit autrement.
Garantir une plus grande proximité entre les Français à travers le monde et les élus qui les représentent, nous y souscrivons tous ! Réformer le fonctionnement et le rôle de l'Assemblée des Français de l'étranger, nous y souscrivons tous ! Élargir le collège électoral des sénateurs des Français de l'étranger, nous y souscrivons tous !
Mme Claudine Lepage. Il n’y a pas longtemps !
M. Christophe-André Frassa. Mais pas à n'importe quel prix et pas n'importe comment !
Votre projet de loi a fait couler beaucoup d'encre et il continue à susciter de grandes réserves quant à la manière d'atteindre ces trois objectifs.
Les travaux de la commission des lois ont cependant permis d'obtenir un texte qui, encore très loin de nous satisfaire, permet déjà d'aborder le débat en séance, sinon avec sérénité, du moins avec clarté.
Concernant l'organisation des différentes instances, certains points doivent encore être précisés.
La vice-présidence d'un conseil consulaire, qui échoit à un élu, doit être effective et, en cas d'absence du président, c’est le vice-président qui doit assurer la présidence du conseil et non pas un représentant du chef de poste diplomatique ou consulaire.
Les conseillers consulaires doivent, pour un meilleur accomplissement de leur mandat, bénéficier des formations ouvertes aux agents du ministère des affaires étrangères.
Quant à l'AFE, elle doit pouvoir continuer à se réunir deux fois par an comme c'est actuellement le cas. C'est une demande forte des élus actuels.
Dans sa nouvelle structure, l'AFE sera plus que jamais le lieu unique de débat entre tous les élus des Français de l'étranger : conseillers, députés et sénateurs. Il est donc très important, madame la ministre, que les parlementaires des Français de l'étranger soient membres de droit de l'AFE, toutefois sans voix délibérative.
Par ailleurs, les grandes associations représentatives des Français de l'étranger au niveau national doivent pouvoir continuer à jouer bénévolement leur rôle d'expertise auprès de l'AFE.
Les conseillers à l'AFE doivent aussi avoir la possibilité de participer aux réunions des conseils consulaires de leur circonscription électorale.
Enfin, il est nécessaire que les décrets, prévus aux articles 19 et 29, établissent les prérogatives des conseillers consulaires et des conseillers à l'AFE dans leur circonscription électorale.
J’en viens aux dispositions électorales prévues par le texte. Concernant l'AFE, le découpage des circonscriptions me semble trop restrictif pour garantir la proximité entre les élus consulaires et les élus de l’AFE.
Nous souhaitons améliorer cette proximité et aussi garantir une meilleure représentativité en portant le nombre des conseillers à l'AFE à 102, répartis dans un plus grand nombre de circonscriptions.
Par ailleurs, que ce soit pour les élections consulaires ou les sénatoriales, nous ne pouvons accepter le système de vote par anticipation sans qu’il soit encadré plus étroitement par la loi et assure le respect des garanties constitutionnelles.
Enfin, le système proposé pour l'élection des sénateurs rétablit, sous une autre forme, le vote par correspondance – que j’ai déjà qualifié de vote « Canada dry » puisqu’il présente tous les attributs du vote par correspondance sans en avoir le nom. L'alinéa 3 de l’article 33 octies prévoit que « les membres du collège électoral peuvent également voter sous enveloppe fermée, remise en mains propres à un ambassadeur ou chef de poste consulaire de leur circonscription d'élection, au plus tard le deuxième jeudi qui précède le scrutin ».
On a du mal à suivre la logique suivant laquelle on supprime définitivement tout vote par correspondance pour les élections consulaires tout en le réintroduisant sous cette forme pour les élections sénatoriales.
On objectera que faire venir tous les grands électeurs à Paris a un coût – j'en conviens. Mais il existe un système pour lequel nous nous sommes tous battus ici, c'est le vote par voie électronique, pour lequel on n'a pas besoin de mettre en place un protocole aussi complexe et lourd – financièrement et technologiquement – que celui qui a été mis en place pour les élections législatives puisqu'il s'agit de ne faire voter que les 520 grands électeurs sénatoriaux, lesquels peuvent aussi voter par procuration ou en personne.
Les grands électeurs peuvent très bien voter par les voies sécurisées déjà existantes entre le ministère des affaires étrangères et les postes diplomatiques et consulaires à l'étranger.
Tant sur le plan technique que sur le plan constitutionnel, et malgré toutes les assurances que pourra nous donner le Conseil d'État, je doute fort que le dispositif proposé dans le projet de loi, qui rappelle la manœuvre de 1978 – on a parlé à l'époque d'« urnes baladeuses » –, soit validé en l'état par le Conseil constitutionnel.
Voilà, madame la ministre, quelques points sur lesquels nous devrons nous accorder pour que nous nous rallions à cette réforme.
Pour conclure, je vous dirai qu'au Sénat, contrairement à l’Assemblée nationale, tous les parlementaires des Français de l'étranger sont issus de l'Assemblée des Français de l'étranger. Pour autant, nous ne ferons pas de ce débat un baroud d'honneur. Mais nous nous battrons parce que, n'ayant rien à perdre, nous avons tout à gagner.
Forts de notre expérience d'élus de terrain, de notre expertise, du long cheminement de la représentation des Français de l'étranger, nous défendrons article après article et point par point, pour que cette belle histoire ne se termine pas aussi brutalement, l'idée que nous nous faisons de la démocratie représentative de proximité.
Nous abordons par conséquent ce débat non seulement avec gravité et détermination, mais aussi avec espoir et optimisme. Parce que, avec le soutien de l'ensemble des élus de l'AFE, nous voulons faire de cette réforme, au lieu d'un enterrement programmé, un pari pour l'avenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Kalliopi Ango Ela applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à saluer le travail accompli par notre rapporteur, qui a permis que nous avancions ensemble sur le texte présenté aujourd'hui.
Le projet de loi que nous examinons est bienvenu et rencontre un large accord quant à la nécessité absolue d’une réforme de la représentation des Français établis hors de France.
Sans m’y attarder, je rappelle les principales raisons qui ont conduit le Gouvernement à présenter ce projet de loi, raisons que nous partageons.
Plus de trente années après l’adoption de la loi du 7 juin 1982, qui a permis l’élection au suffrage universel direct des délégués au Conseil supérieur des Français de l’étranger – le CSFE – rebaptisé Assemblée des Français de l’étranger en 2004, force est de constater que la représentation politique des Français établis hors de France est insuffisante et en décalage avec la réalité de nos communautés.
En trente ans – vous l’avez souligné, madame la ministre – le nombre de Français expatriés a presque doublé, tandis que cette population connaissait des évolutions à la fois démographiques et sociologiques. C’est une population renouvelée et rajeunie, présente dans un nombre croissant de pays et au sein de laquelle le nombre de Français binationaux s’est accru. J’ajoute que les pays d’accueil ont, eux aussi, profondément évolué.
Il nous faut aussi tenir compte de la réforme constitutionnelle de 2008 qui a créé onze députés représentant les Français de l’étranger, donnant enfin à ceux-ci une pleine représentation parlementaire. Il était donc particulièrement nécessaire de dessiner une nouvelle architecture des différents niveaux de représentation.
En outre, le manque de représentativité et de visibilité dont souffre l’actuelle AFE, en raison d’un découpage anachronique des circonscriptions électorales conduisant à des écarts démographiques considérables, rendait également nécessaire une réforme allant dans le sens d’une meilleure représentativité et d’une proximité renforcée.
Enfin, il n’était plus conforme à notre conception de la représentation démocratique que les douze sénateurs représentant les Français établis hors de France soient élus par un collège électoral composé de seulement 155 grands électeurs.
C’est à ce contexte nouveau que veut répondre le projet de loi. De fait, il propose non pas un simple aménagement du système existant, mais bien une vision nouvelle de la représentation des Français vivant hors de France. C’est une vision progressiste, clairement tournée vers l’avenir, que nous saluons, madame la ministre.
J’espère que ce texte, pour l’examen duquel le Gouvernement a engagé la procédure accélérée, fera son chemin rapidement afin de permettre l’organisation des élections concernées en juin 2014 au plus tard.
Le texte répond à deux objectifs majeurs : la proximité et la démocratisation.
Proximité d’abord, avec la création d’un échelon local, les conseils consulaires, auprès de chaque ambassade ou de chaque poste consulaire, afin de permettre une représentation des Français de l’étranger au plus près de leurs territoires de vie. Ces conseils consulaires auront notamment pour rôle de participer aux décisions locales, et d’exprimer et de faire remonter à l’échelon central, à savoir une Assemblée des Français de l’étranger à la composition repensée, les points de vue de nos concitoyens établis hors de France.
Le Gouvernement a veillé à ce qu’un équilibre soit établi entre ces différents échelons, tant pour leur composition que pour leurs compétences respectives.
Ce sont 444 conseillers consulaires qui seront élus au suffrage universel direct dans 130 circonscriptions consulaires, constituant enfin un maillage plus serré de la représentation locale des Français établis hors de France. Quatre-vingt-un d’entre eux devraient siéger à l’Assemblée des Français de l’étranger dans sa nouvelle configuration, du moins suivant la rédaction initiale du texte.
L’AFE verra son rôle de conseil renforcé, et ses compétences élargies. Elle élira dorénavant son président, alors que ce rôle revenait au ministre des affaires étrangères. Ce changement se concrétisera par la présentation annuelle par le Gouvernement devant l’AFE d’un bilan de son action sur les matières intéressant directement les Français de l’étranger – article 20 –, notamment s’agissant de l’enseignement, de la protection sociale et de l’action sociale, de la formation professionnelle ou de la sécurité. De plus, l’AFE sera informée dès le dépôt du projet de loi de finances sur les dispositions concernant les Français établis hors de France – article 21 – et pourra enfin, de sa propre initiative, réaliser des études, renforçant son pouvoir d’expertise, émettre des vœux et adopter des avis et des motions – article 22. Bien loin de limiter les prérogatives de l’AFE, le texte ouvre donc de nombreuses facultés aux conseillers qui y siégeront, et il appartiendra aux futurs conseillers élus à l’AFE de se saisir de toutes ces prérogatives.
J’en viens au cœur de la réforme. L’innovation principale réside dans le renforcement de la démocratie de proximité avec la création des conseils consulaires. Instance consultative bien ancrée dans sa circonscription, le conseil consulaire se substituera aux différents comités consulaires existants pour traiter des questions consulaires ou d’intérêt général, notamment culturelles, économiques et sociales, concernant les Français établis dans la circonscription.
L’impératif de proximité voulu par la réforme a d’ailleurs rendu nécessaire la création, contestée, de conseils consulaires ne comportant qu’un élu, siégeant alors seul avec l’ambassadeur ou le chef de poste consulaire qui assure la présidence du conseil, sauf à leur adjoindre des personnalités extérieures lorsque le sujet le réclame, en particulier pour l’examen des demandes de bourses. Ce point des circonscriptions à un seul élu a fait l’objet de longs débats et réflexions. Il était néanmoins indispensable, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, de créer de tels conseils consulaires dans les circonscriptions qui n’étaient rattachables à aucune autre, ou dans lesquelles l’activité consulaire, notamment sur des sujets tels que les bourses scolaires ou l’aide sociale, nécessitait à l’évidence une représentation démocratique locale effective.
Enfin, ce nouveau système représentatif, avec son maillage local, sera le support d’un nouveau mode d’élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France, désormais plus conforme à notre idéal démocratique. Le collège électoral de ces douze sénateurs sera dorénavant composé de l’ensemble des conseillers consulaires, au nombre de 444, des onze députés représentant les Français établis hors de France, et de 65 délégués consulaires élus en même temps que les conseillers consulaires à raison d’un délégué par tranche de 10 000 inscrits, dans les circonscriptions comptant plus de 10 000 inscrits, ce qui concernera dix-neuf circonscriptions consulaires. Au total, c’est donc un collège électoral qui aura plus que triplé, avec un nombre de grands électeurs atteignant désormais 520.
Le travail effectué par la commission des lois a permis d’améliorer un texte déjà à la fois très complet et cohérent. En sus d’une réorganisation formelle judicieuse du texte opérée par le rapporteur afin de lui donner une meilleure lisibilité, le projet de loi a évolué sur plusieurs points, renforçant, madame la ministre, votre objectif de démocratisation de la représentation des Français établis hors de France.
Alors que le texte initial prévoyait à son article 23 une élection indirecte des conseillers à l’AFE par et au sein des conseillers consulaires, la principale évolution consiste, au nouvel article 29 unvicies, en l’élection au suffrage universel direct des conseillers qui siégeront à l’AFE, le même jour et dans les mêmes conditions que les conseillers consulaires. Cette avancée sur le plan démocratique répond à une attente unanime de l’AFE elle-même et des associations représentatives des Français de l’étranger.
Une clarification des attributions des conseils consulaires a été adoptée en commission à l’article 2, et prévoit que les conseillers consulaires seront « consultés sur toute question relative à la protection sociale et à l’action sociale, à l’emploi, à la formation professionnelle et à l’apprentissage, à l’enseignement français à l’étranger et à la sécurité, concernant les Français établis dans la circonscription ». De même, une amélioration de la situation matérielle de ces conseillers a été apportée à l’article 19, afin de leur permettre d’effectuer des déplacements au sein de leurs circonscriptions, qui, il faut le rappeler, sont souvent très vastes.
Les thématiques du rapport annuel présenté par le Gouvernement à l’AFE ont également été augmentées à l’article 20, afin d’informer les conseillers des engagements internationaux négociés et conclus par la France dans le domaine fiscal et social, mais aussi du régime fiscal applicable aux Français établis hors de France, et de tout autre projet les concernant. Je rappelle que cette énumération n’est pas close, puisqu’un alinéa a été ajouté précisant que tous les sujets intéressant les communautés françaises à l’étranger pourraient être abordés dans ce rapport. Sur l’initiative du groupe socialiste, un amendement a consacré à l’article 29 le droit à la formation des conseillers siégeant à l’AFE. Un amendement vous sera proposé pour étendre ce droit aux conseillers consulaires.
Grâce au travail de notre rapporteur et à un dialogue fructueux avec le Gouvernement, nous proposerons en séance des amendements aux tableaux annexes nos 1 et 2 fixant le découpage des circonscriptions. Les tableaux qui en résulteront établissent une carte qui n’est peut-être pas parfaite, mais qui est réaliste et répond à des critères objectifs. Si la Haute Assemblée adopte ces amendements, les conseillers à l’AFE seront élus au sein de vingt circonscriptions électorales et non plus seize, permettant notamment de porter leur nombre à 102 selon un ratio de 1 élu pour 16 000 inscrits, à quelques exceptions près. Nous sommes tous attachés, me semble-t-il, quelles que soient nos sensibilités politiques, à cette évolution du texte.
Enfin, faut-il le souligner, cette loi aura un mérite supplémentaire : elle fera progresser la parité grâce au scrutin de liste proportionnel.
Mes chers collègues, j’ai conscience que mon intervention est répétitive par rapport aux précédentes, mais il importe que, sur un sujet trop souvent considéré comme relevant exclusivement des sénateurs représentant les Français de l’étranger, nous puissions nous succéder à cette tribune pour engager l’ensemble de la représentation parlementaire sur une réforme qui est, je le répète, tout à fait bienvenue.
Pour tous ces mérites, ce projet de loi sera soutenu par le groupe socialiste. Je veux d’ailleurs souligner ici l’intérêt constant du Sénat pour les textes concernant la présence française à l’étranger. Je rappelle que nous avons débattu longuement et passionnément dans cet hémicycle en 2010 de la loi relative à l’action extérieure de la France. Au fond, avec la nouvelle loi que vous nous soumettez, madame la ministre, nous visons le même but : renforcer le rayonnement de la France et le lien de ces communautés françaises avec la nation. Les communautés des Français établis hors de France sont un atout majeur et des acteurs de ce rayonnement, d’autant qu’elles seront mieux représentées et mieux associées à la définition des politiques publiques grâce à cette loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Kalliopi Ango Ela ainsi que MM. Pierre-Yves Collombat, Robert del Picchia et Christian Cointat applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici donc arrivés au terme d’une longue réflexion sur la réforme de la représentation politique des Français établis hors de France que nous appelons de nos vœux depuis de nombreuses années.
Je tiens à saluer dès à présent le travail de notre rapporteur Jean-Yves Leconte, qui a permis d’enrichir le texte du Gouvernement de façon extrêmement positive.
Avant d’évoquer plus précisément ce projet, il m’importe de rappeler, au regard des longues années depuis lesquelles je représente nos concitoyens établis hors de nos frontières, d’abord avec un mandat local puis en qualité de sénatrice, qu’en termes d’inscription sur les listes électorales les Français de l’étranger représentent l’équivalent du dix-huitième département français.
Oui, les Français sont de plus en plus nombreux à tenter leur chance à l’étranger ou, tout simplement, à y être nés et à y poursuivre leur vie.
Non, cet éloignement géographique ne s’accompagne pas d’un désintérêt pour la vie politique française.
Oui, dans leur immense majorité, les expatriés ont gardé le lien avec leur patrie d’origine ; ils y demeurent très attachés et ont la possibilité, aujourd’hui davantage encore qu’hier, de se tenir informés de la vie politique, comme de la vie sociale ou culturelle, en France, qu’ils habitent à Lille, à Cotonou, à Madrid ou à New York.
Alors, oui, ces Français peuvent légitimement bénéficier de meilleures conditions d’expression de leur citoyenneté.
Très brièvement, il me semble important de rappeler les principales étapes de la représentation des Français de l’étranger.
En 1948 est créé, auprès du ministre des affaires étrangères, le Conseil supérieur des Français de l’étranger, le CSFE. Ses membres sont, à l’époque, désignés par l’ambassadeur, sur proposition d’organismes ou d’associations françaises.
En 1958, avec l’avènement de la Ve République, le Sénat compte six sénateurs représentant les Français de l’étranger, désormais élus par le Sénat sur présentation de listes par le CSFE.
Il faut attendre 1982 et l’arrivée de la gauche au pouvoir pour que l’élection des délégués au CSFE au suffrage universel soit instaurée.
Dans la foulée, dès 1983, les sénateurs des Français de l’étranger, passés au nombre de douze, sont élus par les délégués au CSFE.
En 2004, le CSFE est remplacé par l’Assemblée des Français de l’étranger, l’AFE, dont la compétence demeure consultative mais dont le fonctionnement se rapproche des assemblées parlementaires : composée de cinq commissions, elle se réunit deux fois par an, en mars et en septembre, en formation plénière et son bureau se réunit en mai et en décembre, assurant la continuité de ses travaux.
La réforme de la Constitution de 2008 va compléter positivement ce tableau et l’élection, en juin 2012, des onze députés constitue bel et bien une étape essentielle dans la démocratisation de la représentation des Français de l’étranger.
Aujourd’hui, madame la ministre, nous examinons, conjointement au projet de loi portant prorogation du mandat des membres de l’Assemble des Français de l’étranger, un projet de loi qui s’inscrit dans la poursuite de l’amélioration de la représentation des Français de l’étranger. Nous ne pouvons que nous en féliciter !
Dans notre souci constant d’œuvrer pour que les Français de l’étranger soient avant tout des Français à part entière, nous désirons cette réforme depuis de longues années. Enfin, elle est là !
Notre réforme idéale, notre réforme rêvée, sans doute, avait le visage de la « collectivité d’outre-frontière ». Dès 2006, l’AFE a ainsi adopté à l’unanimité le rapport de la commission temporaire de la décentralisation appliquée aux Français établis hors de France, qui propose la création de la collectivité publique des Français établis hors de France, dénommée collectivité d’outre-frontière.
Les sénateurs des Français de l’étranger, de la majorité actuelle comme de l’opposition, ont pour leur part déposé plusieurs propositions de loi reprenant ce schéma, la dernière tentative relevant du rapporteur des deux textes que nous examinons aujourd’hui, Jean-Yves Leconte. Cette proposition tend à ériger un établissement public dénommé « établissement public pour les Français de l’étranger ». Ce n’est pas l’option qui a été retenue par le Gouvernement. Mme la ministre nous en a expliqué les raisons, et je n’y reviendrai pas.
Il s’agit aujourd’hui, compte tenu des impératifs constitutionnels et des paramètres financiers qui obligent toutes les réformes engagées par notre majorité, de s’interroger sur ce que l’on attend de cette réforme et, ce faisant, de tout mettre en place afin d’atteindre le but que l’on s’est fixé.
Le projet de loi que vous nous avez présenté il y a quelques semaines, madame la ministre, affiche la volonté de favoriser le développement de la démocratie de proximité. Nous ne pouvons que souscrire à un tel objectif.
La création des conseillers consulaires élus au suffrage universel direct dans le cadre des circonscriptions consulaires va effectivement permettre de renforcer le maillage local et de rapprocher les élus des Français. Je salue ici le travail de la commission des lois qui a défini, sur l’initiative du rapporteur, les domaines de compétences du conseil consulaire. De la même façon, était-il indispensable de prévoir l’élection d’un vice-président par les membres élus du conseil consulaire en leur sein ?
Nous ne devons cependant pas perdre de vue que ces conseillers consulaires ne seront élus que pour donner un avis sur les politiques publiques en faveur des Français de l’étranger.
L’apport démocratique est bien réel, mais il demeure limité. Et je crains que ce sentiment ne soit partagé par nombre de nos concitoyens.
Il importera donc de mettre tout en œuvre afin d’encourager la participation électorale à une élection que beaucoup auront, malheureusement, tendance à considérer avec un faible intérêt parce que porteuse d’un faible enjeu.
À cet égard, je profite de ce sujet pour évoquer deux dispositions qui me semblent essentielles afin de lutter contre l’abstention.
Tout d’abord, l’amendement, adopté en commission, qui permet la participation des associations représentatives, au niveau national, des Français de l’étranger à la campagne. Nous parlons, bien sûr, des deux associations qui structurent la représentation des Français à l’étranger, dont le rôle historique est reconnu en matière d’animation de la vie citoyenne. Ce n’est pas le lieu de regretter ou de saluer ici cet état de fait ; je me contenterai de le constater et d’inviter à prendre les dispositions qui s’imposent pour le déroulement le plus efficace de l’ensemble du processus électoral, depuis la recherche des candidats et la composition des listes jusqu’aux élections.
Ensuite, la possibilité de transmettre les circulaires électorales sur support papier aux personnes qui, si elles sont bien inscrites sur les listes électorales consulaires, n’ont pas nécessairement fourni d’adresse électronique apparaît comme une simple mesure de bon sens pour éviter toute discrimination. C’est l’objet de l’un des amendements que j’ai déposé avec plusieurs de mes collègues.
Parallèlement à la création des conseillers consulaires, la nouvelle architecture mise en place par la réforme conserve l’Assemblée des Français de l’étranger. Ses membres, élus parmi les conseillers consulaires, auront un rôle de réflexion sur les grands sujets transversaux intéressant les Français de l’étranger.
Je salue la volonté du Gouvernement d’accroître le « capital démocratique » de l’AFE, qui ne se composera plus que de membres élus et qui élit elle-même son président. Ses nouvelles compétences, notamment budgétaires, seulement consultatives, certes, sont également à noter.
Je me réjouis, par ailleurs, de l’amendement du rapporteur, adopté à l’unanimité par la commission, qui vise à organiser l’élection concomitante, sur un bulletin de vote unique, des conseillers consulaires et, parmi eux, des conseillers à l’AFE au suffrage universel direct. À cet égard, je salue l’attitude de notre ministre qui, sur cette question, comme sur celle du nombre des conseillers à l’AFE porté à 102, a fait preuve d’une écoute extrêmement constructive.
Il reste que l’enjeu de la réforme de la représentation des Français de l’étranger est bien de développer la démocratie de proximité. Sur ce point, nous sommes parfaitement en phase avec vous, madame la ministre. Mais une véritable démocratie de proximité peut-elle s’entendre avec des élus, certes plus nombreux, certes élus au suffrage universel, mais pourvus, au sein des conseils consulaires, comme de l’AFE, d’une simple compétence consultative, sans aucun pouvoir décisionnel ? La question mérite d’être posée.
Je souhaite évoquer un dernier point qui m’interroge tout particulièrement. Il s’agit de la date de la prochaine élection. L’élection sénatoriale ayant lieu en septembre, une élection des conseillers et délégués consulaires en juin laissera assurément peu de temps aux candidats pour faire connaissance avec leurs grands électeurs.
Je terminerai en rappelant que, outre la très positive extension du collège électoral des sénateurs, porteuse d’une meilleure représentativité, l’intérêt primordial de la réforme doit résider dans son utilité pour les Français de l’étranger. La question à se poser est donc bien celle de la valeur ajoutée attendue pour des politiques toujours plus justes et pertinentes en faveur des Français expatriés.
Même s’il est encore imparfait, ce projet de loi représente néanmoins, grâce au travail de la commission et de son rapporteur, une amélioration de la représentation des Français de l’étranger. Il nous appartient de le perfectionner encore à l’occasion de son examen en séance. Et je ne doute pas que notre assemblée l’adoptera ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Kalliopi Ango Ela applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ne vous inquiétez pas, je ne vais pas refaire ici l’historique de la représentation des Français de l’étranger !
Mme Claudine Lepage. C’est dommage !
M. Robert del Picchia. Non, car je la connais trop bien, pour l’avoir pratiquée depuis très longtemps, comme vous le savez ! Mais je vous conseille de lire le rapport de notre collègue et ami Jean-Yves Leconte ; vous y trouverez tous les détails, et vous avez déjà entendu pas mal de choses à ce sujet.
Pour ma part, je dirai tout simplement : Passons sur le passé ! Madame la ministre, passons sur le passé, mais qu’en est-il de l’avenir et qu’en est-il des questions qui se posent aujourd'hui ? Où veut-on en venir ? Pourquoi et comment ? Surtout, ces propositions correspondent-elles aux attentes des Français de l’étranger ? Et enfin, question tout aussi importante, cette transformation est-elle réalisable et peut-elle fonctionner correctement à l’avenir ? Car tout le problème n’est pas encore là, mais il sera là très bientôt.
Première question : où veut-on en venir ? L’objectif affiché, c’est la démocratie de proximité. Il s’agit, en clair, de faire voter localement pour des élus locaux – si j’ai bien compris, c’est la philosophie de la loi –, une meilleure représentativité passant par la proximité. Nous sommes bien d’accord ! Le consulat, c’est, en quelque sorte, la mairie, à laquelle les Français de la circonscription s’adressent. On va donc élire nos représentants à cette mairie. À une différence près, c’est qu’il n’y a pas de territoire et, donc, pas de maire élu. Reste le chef de poste. Très bien !
Comment obtenir cette proximité entre l’élu et l’électeur ? Le projet de loi prévoit de créer ces 130 conseils consulaires à travers le monde, des conseils dont les membres, appelés conseillers consulaires, seront élus au suffrage universel direct à la proportionnelle, sauf dans une vingtaine de cas dans lesquels la population est très faible, où il n’y aura qu’un seul conseiller consulaire.
Est-ce que cela convient aux Français de l’étranger ? J’ai envie de répondre : on verra à l’usage. Sur le principe, je pense que oui. En l’état actuel, ce sont les conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger qui font, autant que possible, ce travail de proximité en participant aux réunions des différents comités qui traitent des domaines que nous connaissons et qui concernent la communauté française. Or, on le sait, la circonscription des conseillers à l’AFE est souvent trop grande, avec trop de consulats à couvrir, parfois de grandes distances à parcourir et très peu de moyens financiers pour effectuer les déplacements. Donc, pourquoi pas cette démocratie de proximité ?
Est-ce réalisable ? On peut, à mon sens, le penser. Les élus à l’AFE ont souhaité, rappelez-vous, mes chers collègues, une collectivité d’outre-frontière. Il nous a été affirmé que ce n’était pas possible. Cette démocratie de proximité ne pourra, certes, pas la remplacer, mais pourra-t-elle être vraiment réalisée ? Je crois, là aussi, que oui, mais sous réserve que le projet de loi soit adapté de façon que cette démocratie de proximité soit reconnue comme telle par les Français sur le terrain et non pas seulement ici, dans cette assemblée.
Un nombre important d’amendements allant dans ce sens ont été déposés par mes collègues. J’en ai moi-même signé quelques-uns. Nous défendrons, bien sûr, nos points de vue, avec, comme ligne de conduite – vous me connaissez – l’intérêt général.
Il me paraît absolument nécessaire que l’électeur, je dis bien « l’électeur », ait clairement conscience, avant de confier son vote à un conseiller consulaire, qu’il aura devant lui une élection locale pour des élus locaux dont la préoccupation première sera de défendre ses intérêts face aux problèmes de sa circonscription.
Si cette élection était détournée vers d’autres buts politiques, voire électoralistes, je crois que ce serait le fiasco de cette ambition démocratique.
M. Richard Yung. Oh !
M. Robert del Picchia. Si nous n’arrivons pas à faire en sorte que cette élection locale soit vraiment une élection de proximité, si elle apparaissait uniquement comme un tremplin pour d’autres élections – élections à l’AFE, voire au Sénat –, je crois qu’on risquerait fort de détourner – pour ne pas dire dégoûter ! – les bonnes volontés dont l’engagement ne veut pas être obligatoirement politique.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La politique n’est pas une maladie honteuse, monsieur del Picchia !
M. Robert del Picchia. Effectivement ! Mais on peut avoir une politique de proximité, c’est à elle que je pense, monsieur le président !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Même dans les communes, il y a de la politique ! C’est inexpugnable !
M. Robert del Picchia. Mais oui, après, on peut faire de la politique ! Encore faut-il tenir compte de la volonté de l’électeur local. Je vous remercie, monsieur le président de la commission, pour cette remarque, mais je ne serai pas favorable à un bulletin unique pour les deux élections, AFE et conseil consulaire. Je crois qu’il faut séparer les choses.
Je ne vois pas pourquoi on obligerait les candidats au conseil consulaire à être obligatoirement candidats sur des listes AFE. Je pense que ce serait carrément un détournement des votes.
Autre question, ces conseils consulaires pourront-ils fonctionner ? Je crois que oui, mais seulement si plusieurs conditions sont remplies. La première, c’est, madame la ministre, la prise de conscience du statut et la reconnaissance de l’élu par les services diplomatiques – pas seulement les vôtres, mais tous les services diplomatiques.
Cela paraît évident, et ce sera le cas après une élection au suffrage universel. Mais, madame la ministre, croyez ma longue expérience, ce n’est toujours pas le cas partout, même pour les élus AFE et parfois – peut-être plus rarement, il est vrai – pour les sénateurs. Les services diplomatiques ne reconnaissent pas toujours le travail des élus et leur statut d’élus. Ce n’est pas le cas partout, mais cela arrive, malheureusement.
On peut se poser la question : y aura-t-il des candidats ? Moi, je n’ai pas de souci ! Je pense qu’il y aura des candidats pour ces conseils consulaires.
Très familièrement, certains disent qu’autour des consulats il y a beaucoup de ce qu’on appelle, monsieur Frassa, « les grenouilles de consulat ».
M. Christophe-André Frassa. Effectivement !
M. Robert del Picchia. Ce sont toutes ces personnes bénévoles qui apportent leur concours aux consulats pour aider à leur fonctionnement. Ces personnes sont présentes dans beaucoup de consulats – pas partout, mais dans nombre d’entre eux. Peut-être seront-elles candidates.
Il ne faut surtout pas que ces conseillers consulaires apparaissent ou soient traités comme des « aides volontaires ponctuelles ». Ils sont élus au suffrage universel direct. Ils doivent donc être traités comme des élus !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !
M. Robert del Picchia. C’est la base du succès, monsieur le président !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Robert del Picchia. Autre condition : il faudra que non seulement les attributions, l’organisation et le fonctionnement, mais aussi et, surtout, les compétences des conseils consulaires soient bien déterminés, affirmés et précisés dans le décret en Conseil d’État prévu à l’article 19 du projet de loi. Et pour cela, je pense qu’il serait fort utile que l’actuelle AFE, voire les parlementaires représentant les Français de l’étranger, soient consultés et puissent donner leur avis, par exemple, en septembre à la prochaine AFE.
Je rappelle, mes chers collègues, – et on l’a entendu – que si la réforme du CSFE a bien fonctionné, c’est parce que tous les points avaient été longuement débattus par les élus et que l’on avait su dégager un consensus. J’espère que nous y arriverons cette fois encore.
La mise en route de ces conseils consulaires prendra certainement du temps. Des améliorations seront à apporter pour perfectionner le système. Je pense, par exemple, pourquoi pas, à des attributions élargies.
Je pense là aux circonscriptions particulièrement concernées par l’afflux du nombre d’expatriés jeunes, comme au Québec, en Australie ou, peut-être, en Asie, où les conseils pourraient être dotés de compétences particulières concernant cette nouvelle expatriation. Si ces conseils fonctionnent bien, ils pourront aider l’ambassadeur ou le chef de poste consulaire à prendre les bonnes décisions.
Deuxième objectif de cette loi : redéfinir l’Assemblée des Français de l’étranger.
Qu’on le veuille ou non, qu’on le critique ou le conteste, qu’on l’approuve ou le refuse, l’AFE telle qu’elle a existé va, sinon disparaître – certains y ont peut-être pensé –, en tout cas être profondément remaniée.
Après les protestations – légitimes – des élus de l’AFE, en particulier de ceux qui verront leur mandat raccourci, des évolutions sont proposées dans le domaine du fonctionnement de l’AFE. Celle-ci donnera, à mon avis, satisfaction si son organisation est clairement déterminée et si on lui donne les compétences et les moyens voulus.
Enfin, troisième objectif : augmenter sensiblement le collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France. Avec 520 grands électeurs, il est quasiment atteint, et les demandes formulées en ce sens de longue date devraient être satisfaites.
En revanche, la façon de procéder au vote ne nous convient pas et laisse planer des doutes. Nous aurions préféré un vote sur internet, sécurisé. Le coût, nous dit-on, en serait trop élevé. J’aurais aimé, pour ma part, prendre connaissance de diverses réponses de sociétés aux appels d’offre afin de voir si on ne pourrait pas regrouper ceux-ci pour les trois élections qui se dérouleront l’année prochaine. Cela nous aurait sans doute permis d’obtenir des prix moins élevés.
Je pense qu’il aurait fallu inclure la possibilité de vote par internet dans ce texte, en y inscrivant une disposition transitoire pour l’année prochaine. Nous aurions ainsi prévu la possibilité de recourir, à l’avenir, à un mode de scrutin moderne, tout en mettant en place pour l’élection de 2014 le système relativement sécurisé et perfectionné que vous proposez.
Telles sont, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les quelques réflexions que m’inspire ce projet de loi.
J’ajouterai, en conclusion, qu’il s’agit là d’un défi, mais aussi d’un pari sur l’avenir, et qu’il faudra désamorcer les risques de dysfonctionnements de la démocratie de proximité et de fonctionnement au ralenti de la nouvelle AFE.
De grâce, laissez aux élus au suffrage universel direct de ces assemblées, qui n’auront pas encore de vrais pouvoirs décisionnels, plus d’autonomie dans leurs travaux. Nous aboutirons alors à une réforme positive. Sans cela, nous risquons de connaître un échec et de redescendre la pente, au lieu de monter vers le progrès. Or la descente est toujours plus rapide que la montée ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer l’engagement de notre ministre déléguée chargée des Français de l’étranger, qui a immédiatement mis en chantier cette réforme de la représentation des Français de l’étranger. C’est le premier dossier qu’elle a ouvert, alors même que le Gouvernement est constitué depuis moins d’un an. Elle a eu raison de procéder ainsi car, pour ce type de réforme, c’est tout de suite ou jamais.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !
M. Richard Yung. Intervenir en huitième position présente un avantage : beaucoup a déjà été dit, comme l’a rappelé Catherine Tasca, même si l’on ne se lasse pas de répéter ce qui nous tient à cœur... Je vous épargnerai donc le passionnant historique du CSFE.
Mme Éliane Assassi. Dommage ! (Sourires.)
M. Richard Yung. Cette réforme tant attendue vise deux objectifs.
Il s’agit, en premier lieu, d’asseoir la représentation des Français de l’étranger, à la fois dans la vie des communautés françaises à l’étranger et en France.
Cette représentation souffre en effet, cela a été dit, d’un manque de notoriété qui s’est accentué avec la création des députés élus par nos concitoyens résidant à l’étranger, mais aussi des difficultés que rencontrent les Français établis hors de France pour s’engager et participer à la vie de leur communauté.
En France, c’est la vie de la commune qui assure l’exercice de la citoyenneté, au travers non pas seulement des séances du conseil municipal, mais aussi, notamment, des diverses animations et des associations. À l’étranger, les choses sont plus difficiles ; j’y reviendrai ultérieurement à propos des associations.
Il s’agit, en second lieu, de traiter un autre problème, celui de l’étroitesse du collège électoral pour l’élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France. En l’absence de réforme, un sénateur serait élu par à peine 28 grands électeurs.
Mme Bariza Khiari. Cela fait rêver !
Mme Éliane Assassi. Oh non !
M. Robert del Picchia. Et Saint-Pierre-et-Miquelon ?
M. Christophe-André Frassa. Et Saint-Barthélemy ?
M. Richard Yung. Même si certains peuvent en rêver, cela nous fragilise.
Je vous rappelle que, par comparaison, le collège chargé d’élire les sénateurs de Paris compte plus de 2 000 membres pour une population légèrement supérieure à 2 millions d’habitants, et donc assez comparable à l’effectif de nos concitoyens vivant à l’étranger. Et le nombre de sénateurs est le même.
Dans l’excellente proposition de loi que Monique Cerisier-ben Guiga, alors sénatrice, Claudine Lepage et moi-même avions déposée en 2009, nous proposions de reprendre le dispositif applicable à l’élection des sénateurs dans les villes de plus de 30 000 habitants, et le mécanisme des grands électeurs.
Le texte que nous examinons permet de relever plusieurs défis.
Cela a été dit, il renforce la démocratie de proximité grâce à la création de la nouvelle catégorie d’ « élus locaux » des Français de l’étranger, les conseillers consulaires. Ce faisant, la France s’inspire de dispositifs mis en place dans d’autres pays européens. Je vous renvoie ainsi à l’excellente étude de législation comparée, réalisée par le service juridique du Sénat, relative aux systèmes respectivement en vigueur en Italie, en Espagne et au Portugal. Il y a toujours profit à s’inspirer des mesures intelligentes prises ailleurs que chez nous.
Le Gouvernement propose de constituer un maillage d’élus de terrain en phase avec la réalité démographique des Français de l’étranger et en adéquation avec notre réseau diplomatique et consulaire. Nos compatriotes établis hors de France se voient ainsi offrir la possibilité de prendre part à la vie de la communauté et à la prise de décision.
Je ne partage pas la crainte exprimée par Robert del Picchia. Je pense au contraire que l’élection des conseillers consulaires ne peut avoir que des effets bénéfiques.
Qu’un conseiller consulaire engagé dans la vie de sa communauté souhaite se présenter à la députation, voire plus tard devenir sénateur, cela n’a rien de critiquable. Le même mécanisme est en jeu dans nos conseils municipaux et généraux, dont les élus peuvent obtenir ensuite des mandats nationaux.
Les 444 conseillers consulaires seront mieux à même de relayer les préoccupations des Français de l’étranger, mais aussi d’agir au niveau local, celui du conseil consulaire et du consulat.
Je me félicite de la suppression du vote par correspondance sous pli fermé. Cette pratique avait en effet donné lieu à de nombreuses dérives : ramassage des enveloppes d’identification ; achat de voix ; dépôt groupé d’enveloppes ; difficultés liées à la reconnaissance des signatures...
Les propositions du Gouvernement concernant la réforme de l’Assemblée des Français de l’étranger vont dans le bon sens. La suppression des membres de droit et des personnalités qualifiées ainsi que l’élection de son président sont des revendications de longue date des élus de nos compatriotes établis hors de France.
Je souhaite revenir sur un point important : l’attribution de nouvelles compétences aux conseillers à l’AFE.
Chaque année, l’AFE établira un bilan complet de l’action du Gouvernement dans les domaines intéressant les Français de l’étranger. Elle organisera aussi un débat sur les programmes du projet de loi de finances les concernant, qui se tiendra, je l’espère, avant le débat budgétaire devant le Parlement, afin que les représentants des Français de l’étranger au Sénat et à l’Assemblée nationale puissent relayer les propos tenus à cette occasion.
Autre motif de satisfaction : la réforme proposée par le Gouvernement répond à l’impérieuse nécessité d’élargir le collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France. Je n’y reviens pas.
J’en viens à présent aux dispositions résultant des travaux de la commission des lois. Je tiens ici à saluer, comme les orateurs qui m’ont précédé, le travail remarquable qui a été effectué par le rapporteur. Notre collègue Leconte a su tenir compte des remarques que l’AFE a formulées lors de sa dernière session et aboutir, presque sur la totalité des points, à un accord avec le Gouvernement.
L’attribution de la vice-présidence des conseils consulaires à un membre élu permet de contourner un obstacle juridique : l’impossibilité de confier à un conseiller consulaire la présidence d’une instance dont la gestion administrative et financière incombe légalement à un fonctionnaire.
L’élargissement de la liste des thèmes abordés dans le rapport que le Gouvernement devra présenter à l’AFE est également une bonne chose.
La mise en place d’un dispositif de vote anticipé sous pli fermé, sept jours maximum avant le jour du scrutin, système qui existe notamment en Suisse et aux États-Unis, est une excellente initiative. Les électeurs ne résidant pas à proximité du poste diplomatique ou consulaire, ce qui arrive souvent, pourront ainsi voter à l’occasion d’une démarche administrative.
Autre innovation très attendue par les élus : la modification du mode de scrutin des conseillers à l’AFE. La concomitance entre l’élection des conseillers consulaires et celle des conseillers à l’AFE permettra, à mon sens, de garantir à ces derniers une plus grande légitimité. Je ne crois pas qu’il faille disjoindre les deux, comme cela a été proposé ; je pense au contraire que leur intégration est une bonne mesure. Je vous rappelle d’ailleurs que ce mode de scrutin se rapproche de celui qui a été proposé par le Gouvernement pour l’élection des délégués communautaires. Il s’inspire également du dispositif en vigueur en Guyane et en Martinique.
Mme Claudine Lepage. Tout à fait !
M. Richard Yung. Par ailleurs, je me réjouis du maintien du droit à la formation des conseillers à l’AFE. Cette disposition fondamentale était prévue par la loi du 7 juin 1982. Je soutiendrai donc l’amendement de Mme Ango Ela relatif à la formation des conseillers consulaires.
Enfin, je me réjouis que le texte adopté par la commission des lois garantisse le rôle des associations représentatives des Français de l’étranger dans le financement des campagnes électorales des conseillers consulaires, des conseillers à I’AFE et des délégués consulaires. Le dispositif proposé par le Gouvernement ne se justifiait que pour des élections à des assemblées délibératives, et non pour des élections aux instances consultatives que sont les conseils consulaires et l’AFE. De plus, les comptes des associations de Français de l’étranger sont contrôlés par le ministère des affaires étrangères et par le ministère de l’intérieur, ce qui offre en la matière une transparence suffisante.
Je comprends l’argument avancé par nos collègues. Nous aurons d’ailleurs à discuter d’un amendement déposé notre ami Gaëtan Gorce qui tend à revenir sur ce dispositif. Si ces motifs sont légitimes en France métropolitaine, vues de l’étranger, les choses sont différentes. Tout d’abord, dans certains pays, il n’est possible ni d’avoir une représentation politique ni de mener une action politique. Ensuite, depuis 1981, la vie de nos communautés s’est structurée autour des deux grandes associations. S’en séparer revient donc à faire un choix cornélien et brutal. Nous y reviendrons lors de l’examen de l’amendement de M. Gorce.
S’agissant de la date des élections, l’idée de les coupler avec le premier tour de l’élection des conseils municipaux est bienvenue. Toutefois, pour ce qui concerne les échéances de 2014, il importera que l’élection des conseillers consulaires et des conseillers à l’AFE se déroule le plus rapidement possible.
On parle du mois de juin, ce qui suppose que les listes électorales soient closes au mois de mars. Il faudrait sans doute revoir ce calendrier. En France, les listes sont arrêtées au 31 décembre, mais deviennent « opérationnelles » à partir de la fin du mois de février. Il faut convenir qu’il est plus difficile de faire de même à l’étranger.
Madame la ministre, j’attire votre attention sur un point : selon toute vraisemblance, les 440 conseillers consulaires seront élus au milieu du mois de juin 2014 ; dans la mesure où nos compatriotes ont une fâcheuse tendance à partir en vacances aux mois de juillet et d’août, il ne restera donc aux candidats à l’élection sénatoriale que trois semaines, au mois de septembre de cette même année, pour se faire connaître auprès de leurs électeurs. C’est donc une campagne « assez contrainte » que l’on nous propose.
Évidemment, je parle pour les éventuels candidats…
M. Christophe-André Frassa. On se demande bien qui ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Richard Yung. Peut-être y en a-t-il dans cet hémicycle...
M. Christophe-André Frassa. Allez savoir ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)
M. Richard Yung. À mon sens, des améliorations sont nécessaires et il est encore possible d’apporter à ce texte quelques ajustements, comme on dit pudiquement. Je pense notamment à l’augmentation du nombre de conseillers siégeant à l’Assemblée des Français de l’étranger, pour l’instant fixé à 81. Nous examinerons un amendement présenté par Catherine Tasca visant à porter ce nombre à 102.
Nous proposons également d’encadrer le cumul des mandats dans le temps, en interdisant l’exercice de plus de trois mandats consécutifs pour les conseillers consulaires et les conseillers à l’AFE. La durée totale de mandat serait tout de même de trois fois six ans, soit dix-huit ans, ce qui me semble raisonnable ! (Sourires.) En outre, le Sénat ferait ainsi œuvre de pionnier et ce ne serait pas la première fois !
Nous avions pensé inclure dans ce projet de loi la réforme de l’élection des différents collèges du conseil d’administration de la Caisse des Français de l’étranger, puisqu’ils dépendent de l’AFE. Le renouvellement ayant lieu en 2014, il nous reste donc un peu de temps pour mener la concertation et les débats nécessaires. Il faut lancer ce chantier assez vite, si l’on veut qu’une réforme intervienne à une date utile pour la prochaine élection de l’AFE.
Enfin, je prends acte du refus du Gouvernement d’autoriser les conseillers à l’AFE à participer à tous les conseils consulaires de la zone géographique dans laquelle ils sont élus, ce qui leur aurait conféré une compétence régionale. Si les conseillers ne sont pas les représentants d’une zone, mais exercent bien une compétence générale, il est néanmoins important qu’ils disposent d’une expérience de terrain qui ne se limite pas à celle de leur propre « clocher ». De ce sujet aussi, il nous faudra discuter.
En conclusion, le projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France est un texte équilibré, fruit d’un important débat. Il marque l’aboutissement d’un long processus de démocratisation de la représentation institutionnelle des Français établis hors de France. À entendre mes collègues, j’ai l’impression qu’un accord assez large se dégage. Pour ma part, à l’instar du groupe socialiste, je soutiendrai et voterai les deux projets de loi soumis à notre examen. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – M. Jean-Pierre Cantegrit applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante.)
M. le président. La séance est reprise.
Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, voilà quelques mois, les Français ont élu un nouveau Président de la République et se sont dotés d’une nouvelle majorité. Il est bien normal que le nouveau gouvernement issu de cette majorité veuille modifier certaines institutions représentatives et, par voie de conséquence, les élections qui les caractérisent. Ainsi en est-il pour la représentation politique des Français de l’étranger.
Madame la ministre, le texte que vous nous soumettez aujourd’hui aura des conséquences importantes pour l’AFE, l’Assemblée des Français de l’étranger, assemblée représentative de plus de deux millions de nos compatriotes résidant à l’étranger, mais aussi pour les élections des sénateurs représentant les Français établis hors de France.
J’ai lu avec attention ce texte ainsi que le rappel historique sur ce qui était autrefois le Conseil supérieur des Français de l’étranger, le CSFE, proposé dans l’exposé des motifs et je m’étonne du raccourci auxquels vous procédez, madame la ministre. En effet, si vous citez à juste titre le texte fondateur de 1948 et la très importante réforme de 1982 qui a instauré le suffrage universel pour l’élection des délégués au CSFE, je ne vois en revanche rien sur la loi du 10 mai 1990. Issue d’une proposition de loi sénatoriale que j’ai cosignée avec Xavier de Villepin, dont le rapporteur était Daniel Hoeffel, sous le gouvernement de Michel Rocard, Roland Dumas étant ministre des affaires étrangères, elle avait fait l’objet d’une concertation exemplaire au sein du CSFE comme du Sénat.
La loi de 1990 est importante, puisque c’est elle qui a porté le mandat des conseillers au CSFE puis à l’AFE de trois ans à six ans, qui a institué le renouvellement par moitié tous les trois ans et a réparti les circonscriptions en deux zones renouvelables : Amérique-Afrique, d’une part, Europe-Asie-Levant, d’autre part. Madame la ministre, vous rappellerai-je que c’est ce texte qui a guidé toutes les élections à l’AFE et au Sénat depuis lors ? Il est donc étrange que vous n’en fassiez pas état. Jean-Yves Leconte consacre en revanche à cette réforme de 1990 un paragraphe important, ce dont je lui sais gré.
Mon propos n’est pas d’entrer dans les détails du projet de loi lui-même. De nombreux amendements dont je suis cosignataire ont été déposés et permettront de débattre des propositions du Gouvernement. Je préfère engager une réflexion générale sur la philosophie de ce texte.
Ce projet de loi prévoit, dans un souci de proximité, la création des conseillers consulaires, qui seront au nombre de 450 environ. L’idée n’est pas sans présenter des avantages, car elle permettra à ces derniers, en liaison avec nos représentations diplomatiques, d’aborder concrètement les questions qui intéressent localement nos compatriotes résidant dans ces circonscriptions consulaires.
Si l’ambition est généreuse, les moyens qui seront mis à la disposition des conseillers consulaires pour remplir leur mission me préoccupent néanmoins. Élus au suffrage universel, ils auront nécessairement de grandes aspirations et je pense que nos ambassadeurs, nos consuls, nos missions diplomatiques, devront s’armer de patience et de tact pour répondre aux innombrables questions qui leur seront soumises et pour faire taire les inévitables surenchères qui s’exprimeront.
Quant aux élus qui siégeront à Paris au sein de l’Assemblée des Français de l’étranger, dont le texte restreint fortement le nombre – actuellement 155, ils ne seraient plus que 81 –, si les faibles moyens financiers mis à leur disposition pour l’exercice de leur mandat sont réduits, ils seront inévitablement confrontés eux aussi à des problèmes matériels difficiles à résoudre.
Enfin, je note que, dans ce projet de loi, rien n’est prévu pour que les députés et sénateurs représentant les Français établis hors de France soient, comme actuellement, membres de droit de l’AFE sans voix délibérative. Pour certains esprits éclairés, les parlementaires élus des Français de l’étranger ne pourraient être entendus par l’AFE que sur invitation ponctuelle, sans y participer véritablement. Cette restriction me paraît tout autant inadmissible qu’inconvenante : c’est de l’antiparlementarisme primaire ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Marc Daunis. Le terme est un peu faible ! (Sourires sur les mêmes travées.)
M. Jean-Pierre Cantegrit. Des amendements visant à corriger cet oubli ont été déposés ; s’ils n’étaient pas votés, les juridictions compétentes pourraient être saisies. En effet, comment accepter que des sénateurs ne soient pas en contact avec certains de leurs électeurs, qu’ils souhaitent ou non renouveler leur mandat, alors que, dans le même temps, des candidats membres de l’AFE le seront, qui plus est à chaque réunion de cette assemblée ?
Je regrette aussi, contrairement à d’autres, que les personnalités qualifiées soient exclues de l’AFE. Je pense notamment aux représentants des grandes associations, telles l’Union des Français de l’étranger, l’UFE, Français du monde-Association démocratique des Français de l’étranger, l’ADFE, ou encore la Fédération nationale des anciens combattants résidant hors de France, la FACS. Reconnues d’utilité publique, fondatrices pour certaines du CSFE en 1948, relais importants de nos compatriotes expatriés, elles auraient apporté un éclairage indispensable en demeurant membres de l’AFE sans voix délibérative. La présence d’un représentant des chambres de commerce françaises à l’étranger et de conseillers du commerce extérieur serait tout aussi opportune, alors que ces questions sont vitales pour notre pays.
Tout cela me conduit à penser que votre texte recèle une grave ambiguïté : nous avons bien compris que, pour vous, l’AFE ne doit pas être une assemblée délibérative, mais une assemblée consultative. Ce choix est clair.
Cette assemblée qui, de façon minoritaire, élira les sénateurs représentant les Français de l’étranger par l’intermédiaire des conseillers consulaires, n’aura pas de moyens indépendants ; elle sera simplement consultée et vous serez libres de suivre ou non ses avis. Pourtant, vous acceptez qu’elle élise son président alors que, jusqu’à présent, celui-ci n’était autre que le ministre des affaires étrangères.
Soyons clairs, nous savons que vous aviez envisagé de supprimer cette assemblée. Vous avez finalement décidé de la maintenir en lui confiant des fonctions réduites qui jamais ne vous obligeront.
M. Richard Yung. Non !
Mme Catherine Tasca. Au contraire !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Vous aurez compris que, si je ne discute pas le bien-fondé d’une réforme de l’AFE, je ne m’en interroge pas moins : ce texte sera-t-il, comme ceux qui l’ont précédé, un texte réformateur, qui recueillera l’assentiment quasi unanime des Français de l’étranger et de leurs représentants ? Si vous voulez que cette hypothèse se réalise, il va vous falloir accepter les amendements présentés par les huit sénateurs de l’opposition représentant les Français de l’étranger et veiller à ce qu’ils soient également adoptés par l’Assemblée nationale.
Sinon, ce sera une réforme voulue et faite par la majorité actuelle, sans consensus, et vous n’empêcherez pas que l’on dise qu’elle a été faite dans l’objectif de dégager une majorité en faveur du Gouvernement. Vous imaginez bien que, si cette tendance l’emportait, ce texte ne serait pas le grand texte réformateur que vous aviez souhaité et qu’il n’aurait sans doute qu’une durée de vie limitée. En revanche, si nous aboutissions à un texte consensuel, auquel l’opposition apporterait son soutien, il marquerait certainement l’histoire des Français de l’étranger. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Robert del Picchia. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la réforme dont nous débattons aujourd’hui me paraît apporter, sous une apparence séduisante, une série de réponses hâtives et inadaptées à de vraies questions.
C’est à partir d’un diagnostic posé depuis de longues années par l’Assemblée des Français de l’étranger elle-même que le Gouvernement justifie cette réforme.
Oui, il faut renforcer la démocratie de proximité et accroître le rôle des élus de terrain ! Oui, il faut élargir le collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France – c’est une nécessité absolue ! Oui, il faut lutter contre l’abstention !
Mais, semble-t-il, le Gouvernement cherche moins à répondre à ces questions qu’à imposer, à la va-vite, des objectifs électoraux, quitte à aller à l’encontre des intentions officiellement énoncées. Comment expliquer, sinon, la précipitation actuelle ? Au lieu de se laisser un peu de temps pour organiser une réforme ambitieuse et concertée, le Gouvernement opte pour le passage en force, avec pour principal objectif de remodeler le collège des grands électeurs avant les sénatoriales de 2014.
Il est d’ailleurs intéressant de constater le flou avec lequel on essaie de dissimuler ce déni de démocratie, sans doute dans le vain espoir que les électeurs ne comprennent pas que leur vote a été trahi. S’il ne s’agissait que d’accélérer le rythme de mise en œuvre d’une réforme, certes électoraliste, mais par ailleurs utile, pourquoi pas ? Mais tel n’est pas le cas. Tentons donc d’évaluer cette réforme à l’aune des objectifs énoncés par le Gouvernement.
Le premier but affiché est de développer la démocratie de proximité et d’améliorer la représentativité des élus au niveau local, mais le Gouvernement ne fixe aucun objectif et ne prévoit nullement de renforcer les moyens accordés aux élus.
La multiplication par trois du nombre d’élus de terrain à budget constant se traduira mathématiquement par une importante diminution des moyens qui leur seront alloués, sans pour autant donner le gage d’une meilleure proximité. Les consulats à gestion simplifiée n’auront ainsi pas de conseiller consulaire. À l’inverse, on pourra compter jusqu’à neuf conseillers rattachés à un seul et même consulat, parfois là même où les Français ont le moins besoin d’aide.
Le silence assourdissant du projet de loi quant aux missions dévolues aux futurs conseillers consulaires est de mauvais augures : aucune compétence nouvelle ne leur est dévolue et la principale fonction qui leur est assignée consiste à participer aux réunions, forcément rares, d’un conseil consulaire dépourvu de pouvoir décisionnel réel, le tout sur fond d’isolement des élus.
En effet, la force des actuels conseillers à l’AFE réside dans leur capacité à travailler collectivement avec des élus d’autres zones géographiques et en interaction avec les ministères et les responsables des administrations à Paris. Les nouveaux conseillers consulaires, eux, seront cantonnés au face à face avec le consul de leur circonscription et auront bien du mal à jouer un rôle de contrepoids face à l’administration consulaire. C’est sans doute là l’un des objectifs à peine cachés du Gouvernement...
Le deuxième objectif était l’élargissement du collège électoral des sénateurs.
Sans cette réforme, en 2014, 166 grands électeurs éliraient 6 sénateurs, soit une moyenne de 28 voix par sénateur : c’est évidemment trop peu. Avec la réforme, environ 520 élus éliraient les 12 sénateurs, soit une quarantaine de voix par sénateur : c’est mieux, mais guère mieux ! Un résultat similaire, et même meilleur, aurait été obtenu si le Gouvernement avait suivi les préconisations de la commission des lois de l’AFE, afin que les suivants de liste des élus à l’AFE soient intégrés au collège électoral.
C’est même un véritable recul démocratique qui est proposé, avec la possibilité pour les grands électeurs de remettre leurs bulletins de vote directement aux ambassadeurs et consuls. L’Antiquité grecque a inventé les urnes ; la gauche française invente le vote de la main à la main ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Marc Daunis. C’est toujours mieux que la chaussette ! (Sourires.)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Enfin, la réforme prétend améliorer la cohérence de la représentation des Français de l’étranger et l’articulation entre parlementaires et élus locaux.
Le projet de loi entend « recentrer » l’AFE sur sa mission consultative auprès du Gouvernement. Il s’agit donc de retirer aux élus la plupart de leurs prérogatives actuelles, sous le prétexte fallacieux que les députés peuvent maintenant s’en occuper. Vous vouliez même revenir – un comble ! – sur l’élection au suffrage universel direct de l’AFE, acquise voilà trente ans.
Quant au recentrage sur le rôle de conseil du Gouvernement, il est clairement illusoire. Si un organisme aussi important que le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, avec un budget annuel de 38 millions d’euros, n’est saisi par le Gouvernement que trois fois par an en moyenne, quel niveau d’attentes peut-on raisonnablement satisfaire avec une AFE qui ne se réunirait qu’une semaine par an et dont le budget annuel plafonnerait à 235 000 euros, coût du voyage des élus à Paris inclus ? Les projections budgétaires de l’étude d’impact montrent d’ailleurs qu’il faudra effectuer des choix entre le financement des déplacements des élus dans leur circonscription et les études commandées par l’AFE.
En privant les élus à l’AFE de l’onction du suffrage universel, de missions et de budget, nul doute que l’objectif du Gouvernement est de faire la preuve de l’inutilité de cette assemblée, avant de la supprimer totalement, sans doute.
M. Richard Yung. Procès d’intention !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. L’histoire jugera de la pertinence de cette réforme à l’aune de la diminution du taux d’abstention, mais je doute que les mesures proposées aient un effet positif sur l’intérêt des Français de l’étranger pour des élus dépourvus de tout pouvoir.
Le millefeuille institutionnel s’épaissit encore un peu. C’est moins le mode d’élection des élus locaux des Français de l’étranger que le mode d’exercice de leur mandat qu’il aurait fallu revoir. L’accroissement des compétences des élus locaux et l’amélioration de la lisibilité du dispositif institutionnel auraient permis de mieux mobiliser les électeurs. La réforme reste également muette quant à la création d’un statut de l’élu local à l’étranger.
Dans la presse, madame le ministre, vous avez comparé les futurs conseillers à des élus municipaux, alors qu’ils seront dépourvus de toute compétence délibérative. Rapprocher le rôle des élus locaux des Français de l’étranger de celui de leurs homologues en France était pourtant possible. Des sénateurs des Français de l’étranger, de gauche comme de droite, avaient déposé des propositions en ce sens, que vous avez écartées d’un revers de main, sous le simple prétexte qu’elles auraient nécessité une réforme constitutionnelle. Sachant que quatre projets de loi constitutionnelle viennent d’être présentés mercredi dernier en conseil des ministres, une telle réforme était-elle vraiment impossible à réaliser ? Que signifie donc cette propension à vouloir détruire ce qui fonctionne, plutôt que de travailler à améliorer ce qui mérite de l’être ?
M. Christophe-André Frassa. Très bien !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Pour avoir beaucoup réfléchi à la question des liens entre les expatriés et leur État d’origine pendant ces vingt dernières années, notamment en tant qu’expert auprès du Conseil de l’Europe, je peux vous dire que notre système de représentation des expatriés suscitait une admiration générale, et que de nombreux conseils de ce type avaient été créés de par le monde en prenant l’AFE, ou son ancêtre, le CSFE, comme modèle.
Certes, l’AFE est perfectible, et il fallait absolument élargir le collège électoral des sénateurs. Les élus de l’AFE, tous conscients de cette nécessité, vous avaient expliqué comment faire. Or, plutôt que de les écouter, plutôt que de conforter le rôle pionnier de la France en matière de représentation de ses expatriés, on choisit d’édulcorer et de fragiliser un système de représentation pourtant montré en exemple par de nombreux pays.
De toute évidence, c’est le système italien de représentation qui sert aujourd’hui de modèle, avec des comités locaux élisant un conseil général et des parlementaires, alors que nous, membres du CSFE puis de l’AFE, leur servions précisément d’exemple. Or tout le monde s’accorde aujourd’hui à reconnaître que ce système des COMITES italiens, équivalent des futurs conseils consulaires, s’il était assez efficace à ses débuts, lorsque des moyens importants lui étaient attribués, fonctionne maintenant très mal dans la plupart des pays, du fait notamment du manque de crédits ; il doit d’ailleurs être réformé.
Il est vraiment dommage que nous adoptions un système sans avoir procédé à une véritable évaluation de ses failles, de ses insuffisances et des remèdes envisagés pour l’améliorer. Mais, là encore, il nous aurait fallu un peu plus de temps, ce que nous refuse notre gouvernement.
Nous disposions pourtant d’une occasion unique pour renforcer notre image de pionniers dans l’appréhension des nouveaux enjeux de notre présence à l’étranger, en proposant de vraies avancées constitutionnelles, comme celle de « collectivité d’outre-frontière », proposée par notre collègue Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Très bien ! (Sourires.)
M. Christophe-André Frassa. Excellent !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Mais, au lieu de parachever l’avance française en étendant les principes de la décentralisation à nos communautés consulaires, la réforme ne propose qu’un frileux repli en créant des élus quasi-fantoches, cantonnés au rôle d’assistants bénévoles des consuls. Nous aurions pu pourtant, avec un peu plus de temps, parvenir à une vraie et belle réforme, dans l’intérêt de nos concitoyens.
En conclusion, je ne peux que regretter, avec une certaine amertume, le manque d’ambition de la réforme, le manque de franchise du Gouvernement quant aux véritables objectifs visés et ce simulacre de concertation organisé pour légitimer ce passage en force. Soyez sûrs toutefois qu’il ne trompera personne, et surtout pas les électeurs ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Christophe-André Frassa. Bravo !
M. le président. La parole est à M. André Ferrand.
M. André Ferrand. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi est mal reçu par l’ensemble des élus à l’Assemblée des Français de l’étranger – je regrette de devoir commencer mon propos par ce constat.
Vous ne pouvez l’ignorer, madame la ministre, car ces élus, gauche et droite confondues, vous ont tous exprimé leur déception et leur inquiétude devant une architecture qui leur paraît compliquée, donc peu lisible et peu efficace.
M. Richard Yung. Vos propos n’engagent que vous !
M. André Ferrand. S’il paraissait en effet nécessaire de permettre à cette représentation de faire un nouveau progrès, il eût fallu, au contraire, faire en sorte de bâtir un système aussi simple et évident que possible, donc facilement compréhensible par l’ensemble des électeurs potentiels, les quelque 1,6 million de Français inscrits sur les listes électorales consulaires. Malheureusement, nous en sommes loin !
En effet, si l’élection du président de la future assemblée au sein de cette dernière représente certainement un progrès, et s’il est vrai aussi qu’il était souhaitable d’élargir le corps des grands électeurs des sénateurs, ce sont là, me semble-t-il, les seuls aspects positifs du texte que vous nous proposez.
En revanche, la création de trois niveaux d’élus, donc d’autant de titres correspondants, va semer la confusion dans l’esprit de nos compatriotes, déjà peu motivés par le sujet – et nous le regrettons !
La remise à plat, le rabougrissement de l’AFE que vous nous promettez, la réduction des moyens de ses membres et du nombre de ses réunions à Paris ne vont évidemment pas dans le bon sens. Son rôle sera aussi extrêmement flou puisque, dans sa nouvelle version, l’AFE devrait avoir pour unique vocation d’« améliorer la représentation politique des Français à l’étranger », de « participer au débat national » et de « faire valoir son expertise ».
Mais cela permet de justifier la réduction drastique de son effectif, puisque ses membres n’auraient plus la mission, fondamentale aujourd’hui, d’assurer l’interface entre nos communautés à l’étranger et les pouvoirs publics et politiques ainsi que le Parlement, à Paris. Il m’a d’ailleurs semblé, en l’écoutant, que notre collègue Pierre-Yves Collombat s’interrogeait lui aussi sur l’articulation entre le terrain et Paris.
Aussi entendons-nous souvent demander si cette réforme n’est pas qu’une étape vers la fin annoncée de l’AFE, que beaucoup redoutent. Croyez que j’aurais pourtant aimé établir un autre constat ! Comme vous le savez, madame la ministre, cette critique n’est inspirée par aucune arrière-pensée politique.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. Bien entendu ! (Sourires.)
M. André Ferrand. L’amélioration des conditions de vie de nos communautés à l’étranger et la promotion des intérêts de la France dans le monde, qui vont de pair, sont l’affaire de tous.
Nous ne pouvons que nous féliciter de constater, lors de nos travaux à l’Assemblée des Français de l’étranger, que l’intérêt général l’emporte régulièrement sur les autres considérations. La convergence des points de vue et les efforts consentis par tous ses membres, lorsque les sujets paraissent essentiels, pourraient d’ailleurs inspirer d’autres institutions, surtout durant la période critique que traverse notre pays.
Nous regrettons donc d’autant plus d’être tentés d’imaginer quelque sombre dessein politique se profilant derrière le projet de loi dont nous débattons.
Madame la ministre, il est encore temps, non pas, je le crains, de réécrire toute la copie, mais de largement l’améliorer et de nous convaincre que le Gouvernement, même s’il aurait dû s’y prendre autrement dès l’origine, a sincèrement l’intention aujourd’hui de nous faire progresser.
Nous allons vous proposer plusieurs pistes de réflexion, consensuelles pour la plupart. Il s’agira, en particulier, de l’augmentation du nombre de circonscriptions et d’élus à l’AFE et de l’élection au suffrage universel direct de ces derniers. La commission des lois et son rapporteur souhaitent également aller en ce sens.
Se pose aussi la question du vote par correspondance : beaucoup de nos électeurs, parmi les plus âgés, ne voteront pas s’ils sont privés de ce dispositif. Eu égard à la faiblesse des taux de participation que nous avons malheureusement coutume d’enregistrer, sommes-nous en mesure de nous priver de ces votes ? Pourquoi ne pas les conserver ?
Madame la ministre, acceptez nos amendements afin que, après nos travaux, vous puissiez partager avec le Sénat la conviction et la satisfaction d’avoir réellement amélioré ce projet de loi.
Notre pays a plus que jamais besoin de nos compatriotes et de nos communautés à l’étranger, du rôle déterminant qu’ils y jouent pour sa présence économique et culturelle. Alors que les moyens de l’État sont de plus en plus contraints, notre politique d’influence dépend toujours davantage de l’engagement de nos compatriotes de l’étranger dans un jeu collectif aux côtés des représentants de l’État. Ils jouent un rôle majeur grâce à leurs associations, à notre exceptionnel réseau scolaire, à nos Alliances françaises, à nos chambres de commerce, à nos clubs d’affaires et à nos conseillers du commerce extérieur. Il ne faudrait surtout pas que ce nouveau texte donne aux Français qui vivent hors de nos frontières le sentiment que nous nous livrons, à Paris, à des jeux secondaires et partisans !
Ces Français, observateurs privilégiés de l’état du monde, capables d’apprécier et de comparer la situation de notre pays, savent l’urgence d’un grand sursaut et sont impatients d’y participer. Ils ont déjà beaucoup apporté via leur représentation locale et nationale. Le bilan réel de l’Assemblée des Français de l’étranger, en particulier sur des sujets aussi importants que la protection sociale et l’enseignement, est beaucoup plus positif qu’il n’y paraît trop souvent. Nos compatriotes auraient mérité un dispositif plus adapté, plus simple et plus clair.
Madame la ministre, mes chers collègues, faisons ensemble tout notre possible pour progresser dans ce sens. Les Français de l’étranger nous en seront reconnaissants, la France aussi ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. Je voudrais tout d’abord remercier les orateurs pour leurs excellentes contributions. Je me réjouis du consensus qui s’est dégagé sur la nécessité de cette réforme et sur sa philosophie, à l’exception des bémols entendus dans les deux dernières interventions qui prêtent au Gouvernement des intentions qu’il n’a pas.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ai écoutés avec une grande attention et j’ai bien noté les points sur lesquels vous attendez des réponses. Nous aurons l’occasion d’en débattre au cours de l’examen des articles, puisqu’un grand nombre d’amendements ont été déposés sur ces sujets.
Je ne pense pas que nous ayons de leçons à recevoir en matière de démocratie ni de modernisation. L’opposition d’aujourd’hui a eu la possibilité, durant de nombreuses années, de réaliser ces réformes. Or il a fallu attendre 1982, puis 1990 – vous avez eu raison, monsieur le sénateur Cantegrit, de rappeler cette réforme importante – et enfin 2012, pour voir des gouvernements de gauche engager des réformes. La droite s’est contentée pendant longtemps d’un système qui l’a bien servie.
Je voudrais tout de même revenir sur un point : le débat d’aujourd’hui ne porte pas sur l’AFE. Nous ne discutons pas d’une réforme de l’AFE. Je crains que certains ne l’aient pas encore compris !
Nous parlons non pas de la réduction, mais de l’augmentation du nombre de conseillers, du nombre d’élus. L’Assemblée des Français de l’étranger se réunira à Paris une fois, deux fois ou trois fois par an. Cette question ne relève pas du projet de loi. Évitons d’alimenter les craintes ou les peurs, il en existe déjà suffisamment aujourd’hui dans notre pays pour ne pas en susciter de nouvelles !
Nous avons été particulièrement attentifs au respect du domaine législatif et du domaine réglementaire. Nous aurons l’occasion, dans les deux jours qui viennent, de distinguer ce qui relève de l’un ou de l’autre. Il ne sert à rien d’anticiper sur la présence ou non, dans ce texte, de dispositions auxquelles – je l’ai bien compris – vous tenez, mais qui ont vocation à figurer dans un acte réglementaire et non dans la loi.
Je voudrais apporter enfin quelques précisions sur la question du collège électoral des sénateurs.
Le Gouvernement se propose de faire des conseillers consulaires le corps électoral des sénateurs représentant les Français de l’étranger. Un mécanisme de correction démographique des conseillers consulaires a été introduit via l’élection de délégués consulaires, membres du collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France, pour les circonscriptions consulaires dont les registres comportent plus de 20 000 Français inscrits.
Il s’agit donc d’une amélioration substantielle du rapport de représentativité. En effet, pour les 155 conseillers à l’AFE, qui constituent aujourd’hui le corps électoral des douze sénateurs représentant les Français établis hors de France, l’écart de représentation électorale est de un à dix-neuf. En élargissant le collège électoral, nous réduisons cet écart de moitié, puisqu’il passe de un à huit. Cet écart se rapproche donc de l’écart existant, en France, pour l’élection des grands électeurs sénatoriaux, qui s’établit de un à quatre.
Dans les dix circonscriptions comprenant le plus d’inscrits, et dans les dix circonscriptions en comprenant le moins, le rapport est de un à six.
L’écart demeure certes important pour les sénateurs représentant les Français de l’étranger, mais le système proposé représente un très net progrès, même s’il demeure imparfait. En effet, le collège électoral est multiplié par trois et l’écart entre les grands électeurs est réduit de moitié.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?…
La discussion générale commune est close.
Nous passons à la discussion de deux motions tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Nous examinerons successivement la motion portant sur le projet de loi n° 425 portant prorogation du mandat des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger, puis la motion portant sur le projet de loi n° 426 rectifié relatif à la représentation des Français établis hors de France.
Exception d’irrecevabilité sur le projet de loi n° 425
M. le président. Je suis saisi, par Mme Garriaud-Maylam, d’une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi portant prorogation du mandat des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger (n° 425, 2012-2013).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, auteur de la motion.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l’article unique du projet de loi portant prorogation du mandat des membres de l’AFE enfreint plusieurs principes constitutionnels essentiels, fondements mêmes de la souveraineté nationale telle qu’elle est définie à l’article 3 de la Constitution.
Ce projet de loi vise en effet à proroger le mandat de la moitié des conseillers à l’AFE – ceux de la série B : Europe, Asie et Levant – d’une année supplémentaire. Ces conseillers, élus en 2006 pour six ans, avaient vu leur mandat prorogé d’un an, une première fois, par la loi n° 2011-663 du 15 juin 2011. Selon la législation en vigueur, leur mandat expire donc en juin 2013. Le présent projet de loi propose une seconde prorogation de ce mandat, pour une durée maximale d’une année supplémentaire.
Cet allongement, dont le rapport de la commission des lois souligne le caractère « sans précédent au regard des prorogations de mandat les plus récentes », soulève plusieurs difficultés d’ordre constitutionnel.
Premièrement, cette prorogation viole à la fois le droit des électeurs à exercer leur droit de suffrage selon une « périodicité raisonnable » et le principe de sincérité du scrutin. Ce dernier suppose que les électeurs soient informés, au moment de leur vote, des caractéristiques des mandats sur lesquels ils se prononcent, notamment de leur durée.
La jurisprudence constante du Conseil constitutionnel est de n’admettre qu’une prorogation de caractère exceptionnel, transitoire et limité dans le temps. Le Conseil, qui n’a admis jusqu’ici qu’une prorogation unique par catégorie d’élections, ne s’est jamais prononcé sur une succession de prorogations. Or c’est bien une telle succession que nous propose le projet de loi, puisqu’il s’agirait de la seconde prorogation consécutive du mandat des élus de la série B.
En portant à un total de deux ans la prolongation d’un mandat initialement confié par les électeurs pour seulement six ans – donc en l’allongeant d’un tiers –, le projet de loi outrepasserait largement les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel est susceptible d’accepter une prorogation.
Cette accumulation pourrait également jeter le trouble dans l’esprit des électeurs quant à la durée effective du mandat des candidats ou des listes de candidats pour lesquels ils sont appelés à voter.
Accréditant l’idée que le mandat des élus des Français de l’étranger serait de rang inférieur à celui des élus locaux français, pour lesquels une telle mesure ne saurait être envisagée, ce dispositif ne pourrait qu’aggraver la désaffection des Français de l’étranger pour les urnes, alors même que la lutte contre l’abstention est l’un des objectifs proclamés de la présente réforme de l’AFE.
Deuxièmement, ce projet de loi viole l’égalité des élus devant la loi. En effet, son intitulé laisse entendre que le mandat de l’ensemble des élus de l’AFE serait prorogé. En réalité, seule la moitié des élus – ceux de la série B évoquée tout à l’heure – sont concernés. Le mandat de l’autre moitié, au contraire, sera amputé aux termes de l’article 37 du projet de loi portant réforme de la représentation des Français établis hors de France : plutôt que d’achever leur mandat en juin 2016, comme prévu par la loi du 15 juin 2011, ces élus l’achèveront en juin 2014.
En raison de l’effet cumulé de ces deux projets de loi en discussion commune ainsi que de la loi du 15 juin 2011, les élus de la série A verraient leur mandat amputé de deux ans, tandis que la durée totale de celui des élus de la série B serait portée à huit ans, au lieu des six ans initialement prévus.
Cette combinaison de mesures de prorogation et d’amputation, pour des durées importantes, constitue bien une violation du principe d’égalité entre les élus.
Troisièmement, nous sommes face à un problème grave de respect du calendrier électoral : à la fin du mois de mars 2013, nous sommes appelés à débattre d’un projet de loi visant à ajourner une élection prévue dans moins de trois mois, au début du mois de juin 2013. Ce texte n’ayant pas encore été examiné par l’Assemblée nationale, son adoption définitive et sa promulgation ne pourront en aucun cas intervenir avant le début du délai de 90 jours précédant le scrutin. Notre excellent rapporteur en est d’ailleurs parfaitement conscient, puisqu’il écrit que « l’adoption définitive de cette prorogation pourrait [...] intervenir au cours du délai de 90 jours précédant le jour du scrutin. Or, en application de l’article 31-1 du décret n° 84-252 du 6 avril 1984, un arrêté du ministre des affaires étrangères aurait déjà dû, à cette date, convoquer les électeurs. »
Le projet de loi portant prorogation du mandat des membres de l’AFE validerait donc une illégalité commise sciemment par le pouvoir exécutif, qui a pourtant l’obligation d’appliquer le cadre juridique en vigueur.
Le Conseil constitutionnel, à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité du 23 septembre 2011, a précisé qu’une validation ne pouvait être décidée que dans la mesure où « aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle » ne sont méconnus, « sauf à ce que le but d’intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ». Ces conditions ne sont en l’espèce nullement remplies.
Comme je l’ai déjà expliqué précédemment, le projet de loi porte au contraire atteinte aux principes énoncés à l’article 3 de la Constitution. L’intérêt général ne saurait être invoqué sans immédiatement laisser penser à une erreur manifeste d’appréciation, étant donné le caractère disproportionné de l’atteinte portée à la durée des mandats en cours des élus à l’AFE.
De surcroît, la prorogation a un caractère arbitraire et abusif. La réforme de l’AFE aurait pu être menée sans avoir à jouer aux apprentis sorciers de la démocratie. Il aurait suffi au Gouvernement de proposer que le prochain renouvellement partiel de l’AFE, prévu au mois de juin 2013, permette à titre transitoire l’élection de conseillers à l’AFE pour un mandat de trois ans. En 2016, il aurait alors été possible d’organiser le renouvellement complet de l’AFE, selon les dispositions du projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France, texte qui aurait alors eu largement le temps d’être débattu, amélioré, voté et promulgué.
M. Christian Cointat. Très bien !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cette hasardeuse manipulation des mandats n’a aucune justification pratique ni juridique. La seule explication rationnelle à l’urgence prétendue d’une réforme de l’AFE semble être d’ordre politique. Le Gouvernement entend clairement renouveler l’ensemble des grands électeurs avant les élections sénatoriales de 2014 pour ne pas laisser perdurer une assemblée dont la majorité des élus vote encore à droite…
Je ne peux que regretter que la majorité sacrifie une réforme, qui aurait pu être bien plus ambitieuse et consensuelle, à de bas calculs politiciens, qui ne sont pas à la hauteur des enjeux.
Dans la mesure où d’autres solutions, plus respectueuses du suffrage universel, peuvent être mises en œuvre à la seule condition de retarder de quelques mois la réforme de l’AFE, il existe bien une disproportion manifeste entre l’objectif visé – la réforme de l’AFE – et les moyens employés – la prorogation de certains mandats et l’amputation des autres.
Je suis convaincue que le Conseil constitutionnel ne devrait pas valider une telle atteinte aux valeurs fondamentales de notre démocratie et vous appelle, mes chers collègues, à approuver cette analyse juridique en votant la présente motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, contre la motion.
Mme Catherine Tasca. La dramatisation avec laquelle vous venez de présenter la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, madame Garriaud-Maylam, n’a d’égale que la réelle passion avec laquelle vous exercez votre mandat ! Toutefois, les arguments que vous avez invoqués ne nous ont absolument pas convaincus. J’espère, quant à moi, persuader la Haute Assemblée que cette motion n’est nullement fondée.
D’abord, la prorogation porterait atteinte aux droits des électeurs, mais aucune démonstration n’étaie ce point de vue. La prorogation proposée est clairement encadrée et justifiée par la réforme d’ensemble de la représentation des Français établis hors de France. Si le projet de loi en cause procède à une seconde prorogation, après celle qui a été réalisée par la loi du 15 juin 2011, rien n’indique que cette mesure serait pour autant contraire à la Constitution.
Ensuite, cette prorogation créerait une discrimination entre les élus de la série A et ceux de la série B. Encore une fois, elle répond, comme l’exige le Conseil constitutionnel, à une nécessité d’intérêt général, en l’occurrence la mise en œuvre de la réforme précitée, dont nous sommes tous convenus qu’elle est non seulement nécessaire, mais aussi urgente. Nous ne comprenons donc pas votre appel à renvoyer cette réforme à plus tard et la présente motion nous paraît tout à fait dilatoire.
La prorogation s’impose d’elle-même, puisque l’AFE est renouvelée par moitié tous les trois ans, ses membres étant répartis en deux séries. Il fallait bien mettre fin à cette particularité pour passer au système proposé.
Enfin, votre troisième argument, madame Garriaud-Maylam, nous invite à légiférer le plus rapidement possible. En effet, si le calendrier est d’ores et déjà source de problèmes pour le fonctionnement durable d’une AFE renouvelée, plus nous allongerons les délais, plus nous mettrons tardivement en place la réforme, ce qui n’est guère sérieux.
Nous pensons, à l’inverse, que cette réforme de la représentation est absolument nécessaire, utile et attendue. Comme différents orateurs l’ont rappelé tout au long de la discussion générale, elle est demandée depuis longtemps tant par l’AFE que par les Français établis hors de France et il faut passer aux actes ! Le maintien pur et simple des mandats en cours ne conduirait qu’à la différer sine die. Nous espérons pouvoir bientôt en débattre sur le fond. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Madame Garriaud-Maylam, cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité permet de mettre les points sur les « i » à propos d’une question de droit qui mérite d’être précisée. Par conséquent, je vous remercie de l’avoir déposée ! Après l’avoir examinée avec attention, la commission des lois a émis un avis défavorable, ce qui ne vous surprendra pas.
Comme vous l’avez rappelé et comme je l’ai moi-même indiqué dans le rapport que j’ai établi au nom de la commission, la prorogation tout comme l’abréviation des mandats électifs sont encadrées par des règles constitutionnelles. En abrégeant ou en prorogeant un mandat, la loi en détermine « en creux » la durée ; cette faculté est donc réservée au législateur, en vertu de l’article 34 de la Constitution.
Selon une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, la prorogation ou l’abréviation des mandats doivent être exceptionnelles, transitoires et limitées, car est en jeu le respect de l’article 3 de la Constitution. Aussi doivent-elles être fondées sur un motif d’intérêt général.
Ma chère collègue, vous soulignez que la prorogation du mandat des conseillers à l’AFE de la série B intervient après celle de 2011 qui ne portait que sur une année. J’attire votre attention sur le fait que cette nouvelle prorogation ne fixe pas mécaniquement un délai d’un an : il s’agit d’une durée maximale ! Plus tôt ces élections interviendront, mieux la jurisprudence constitutionnelle sera respectée. Au lieu d’un mandat de six ans, les élus de la série B exerceront exceptionnellement un mandat de plus de sept ans, lequel ne pourra cependant pas excéder huit ans.
Par ailleurs, les débats que nous avons eus au sein de l’Assemblée des Français de l’étranger, voilà deux ou trois ans, sur le couplage entre les élections législatives et le renouvellement de l’AFE nous avaient conduits à nous interroger sur la date de ce renouvellement. Fallait-il simplement découpler les deux élections et reporter au mois de juin 2013 le renouvellement de l’AFE ou se donner le temps d’élaborer une réforme d’ampleur ? Votre majorité n’a pas choisi cette dernière option. Aujourd’hui, il est nécessaire de disposer de temps pour conduire cette réforme.
S’agissant de l’abréviation du mandat des conseillers à l’AFE de la série A, situation douloureuse pour certains d’entre eux, j’en conviens, je rappellerai que ce mandat avait été prorogé d’une année en 2011. De ce fait, le raccourcissement de deux ans proposé revient, in fine, à une réduction d’une seule année du mandat, ce que le Conseil constitutionnel a admis en 2007, par exemple, pour le mandat des membres de l’Assemblée de la Polynésie française.
Quant à la différence de traitement entre les deux séries, cette situation résulte mathématiquement du renouvellement partiel de l’AFE. Un tel cas de figure s’est déjà présenté en 2010, avec l’abréviation du mandat d’une seule série de conseillers généraux pour permettre le renouvellement intégral des conseils généraux, et il n’a pas donné lieu à une censure du Conseil constitutionnel.
Enfin, la prorogation de mandat qui nous est soumise doit, de manière pragmatique, être adoptée au plus vite – cela justifie l’engagement de la procédure accélérée sur le présent projet de loi – afin d’écarter l’échéance électorale qui devrait avoir lieu, mais qui conduirait à élire des élus dont le mandat prendrait fin quelques mois plus tard. C’est cette situation qui serait inconstitutionnelle, en plus d’être absurde, car elle serait illisible pour les électeurs et incompréhensible pour les candidats. De surcroît, elle alourdirait la charge de notre réseau consulaire.
Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, la commission vous demande de ne pas adopter cette motion. (M. le président de la commission des lois applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. Madame la sénatrice, si nous avions retenu la solution que vous avez évoquée, la réforme aurait été retardée non pas de quelques mois, mais de trois ans.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Mais non !
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. Le motif d’inconstitutionnalité que vous soulevez réside dans la prorogation du mandat des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger.
La réforme proposée par le Gouvernement vise à favoriser la participation électorale. Elle répond pleinement aux exigences du Conseil constitutionnel…
M. Christian Cointat. On verra !
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. Ainsi, dans sa décision n° 90-280 DC du 6 décembre 1990, ce dernier a admis la prolongation d’un mandat en cours, car celle-ci s’inscrivait dans le cadre d’une réforme visant à établir la concomitance du renouvellement intégral des conseillers régionaux et des conseillers généraux.
Le Conseil constitutionnel estime ainsi, dans son dix-septième considérant, que les distinctions en cause, dont la modification du calendrier électoral, « apparaissent comme la conséquence d’une réforme qui répond à la volonté du législateur d’assurer une participation accrue du corps électoral aux élections tant des conseils généraux que des conseils régionaux ; que les différences de traitement qui en résultent […] trouvent ainsi une justification dans des considérations d’intérêt général ».
Par ailleurs, il admet que les modifications apportées à la durée des mandats en cours « revêtent un caractère exceptionnel et transitoire ; que, dans cette mesure, [elles] n’apparaissent contraires ni au droit de suffrage garanti par l’article 3 de la Constitution ni au principe de la libre administration des collectivités territoriales ».
De plus, saisi de la loi du 16 février 2010, qui modifiait également la durée des mandats des conseillers régionaux et généraux, le Conseil a une nouvelle fois confirmé que « la concomitance des scrutins peut également trouver une justification dans l’objectif de favoriser une plus forte participation du corps électoral à chacune de ces consultations ».
La réforme proposée par le Gouvernement s’appuie donc sur une jurisprudence constante.
Cela étant, en prolongeant d’une durée raisonnable – un an – le mandat des conseillers à l’AFE, le Gouvernement n’a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de suffrage.
Enfin, il a entendu préserver l’intelligibilité du scrutin, car celui-ci aurait manifestement été faussé si une élection avait été organisée alors que le Parlement est saisi d’une réforme en profondeur des modalités de représentation des Français établis à l’étranger.
Quant à l’amputation du mandat des conseillers de la série A, la mise en place d’une nouvelle structure vous est présentée. Dès lors, tous les mandats des membres de l’AFE prendront fin lorsque seront élus les conseillers consulaires.
Pour l’ensemble de ces raisons, je vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, de voter contre la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. le président de la commission des lois applaudit également)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. La motion de procédure présentée par nos collègues de l’opposition est manifestement destinée à empêcher la mise en œuvre d’une réforme du mode de représentation politique de nos compatriotes expatriés, réforme certes limitée, mais qui a au moins le mérite d’exister.
Les arguments invoqués sont un peu forts, si j’ose dire, et disproportionnés. Ce projet de loi porterait atteinte aux droits des électeurs tels qu’ils sont garantis par l’article 3 de la Constitution. La prorogation d’un mandat aurait un caractère discriminatoire en ce qu’elle violerait l’égalité des élus devant la loi. Enfin, elle conduirait purement et simplement à violer la législation en vigueur.
Comme cela a été dit, la jurisprudence constitutionnelle admet la prorogation des mandats lorsqu’elle est justifiée par un motif d’intérêt général et que l’allongement de la durée du mandat n’est pas manifestement inapproprié. Or il me semble que le dispositif qui nous est soumis répond à ces exigences.
Par conséquent, il n’est pas juridiquement sérieux ni intellectuellement honnête de reprocher au Gouvernement de ne pas laisser aux parlementaires le temps de discuter de cette réforme importante. À mon sens, c’est en raison de l’importance de cette réforme, que tout le monde a soulignée, que le Gouvernement a décidé de dissocier les deux projets de loi.
Enfin, notre commission ayant adopté un amendement limitant explicitement la prorogation aux mandats des conseillers de l’AFE de la série B et aux personnalités qualifiées nommés concomitamment, il n’y a plus lieu de contester la conformité à la Constitution du projet de loi portant prorogation du mandat des membres de l’AFE. Notre groupe ne souhaitant pas se prêter à une manœuvre fondée sur des arguties juridiques, il ne votera pas cette motion.
M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.
M. Christophe-André Frassa. Le suspense ne sera pas très long : je voterai cette motion. Je la voterai parce que, comme l’a expliqué Joëlle Garriaud-Maylam, ce projet de loi manque à trois exigences constitutionnelles qui nous semblent fondamentales : le texte remet en cause le droit des électeurs à exprimer leur suffrage selon une périodicité raisonnable ; la prorogation proposée revêt un caractère discriminatoire ; la discussion du texte risque d’entrer en contradiction avec la loi actuelle et de contraindre le pouvoir législatif à la violer, en supprimant le droit du suffrage universel par le cumul de mesures de prorogation.
Mes chers collègues, vous me direz que, en matière électorale, tout s’est toujours fait et de tout temps… Peut-être ! Il n’en reste pas moins que nos concitoyens vivant à l’étranger, que je représente dans cet hémicycle – comme la plupart de nos collègues présents aujourd’hui –, sont inquiets. Ils le sont à juste titre, dans la mesure où le Conseil constitutionnel a rappelé que la prorogation des mandats devait avoir un caractère exceptionnel et transitoire : elle doit être limitée dans le temps et strictement nécessaire à la réalisation de l’objectif de la loi. En outre, le Conseil constitutionnel ne s’est encore jamais prononcé sur une succession de prorogations accompagnée d’une amputation du mandat d’une partie des élus.
La situation inédite introduite par votre projet de loi, madame la ministre, sème le doute chez les électeurs, qui n’ont plus aucune certitude quant à la durée effective du mandat des candidats pour lesquels ils votent. Comme l’a souligné Joëlle Garriaud-Maylam, cette prorogation remet en cause le principe de sincérité du suffrage, par son caractère abusif, et le principe de l’égalité des élus devant la loi, du fait de son caractère discriminatoire. L’adoption de ce projet de loi en l’état aboutirait en effet à la prorogation du mandat des élus de la série B pour la deuxième fois, tandis que le mandat des élus de la série A serait amputé de près de deux ans. Vous comprendrez que nous ne puissions que dénoncer une telle différence de traitement.
Par ailleurs, comme notre rapporteur l’a remarqué dans l’excellent rapport qu’il a rédigé à l’issue d’un travail approfondi, « l’adoption définitive de cette prorogation pourrait même, malgré l’engagement de la procédure accélérée demandée par le Gouvernement sur ce projet de loi, » – nous savons tous pourquoi ! – « intervenir au cours du délai de 90 jours précédant le jour du scrutin ». En effet, nous sommes aujourd’hui précisément à 90 jours du scrutin, puisque le terme des mandats en cours est fixé au 18 juin à minuit. Cela signifie qu’il ne reste que quelques heures à M. Fabius pour publier l’arrêté de convocation des électeurs car, en application de l’article 31-1 du décret n° 84-252 du 6 avril 1984 – cette précision est également mentionnée dans le rapport –, l’arrêté du ministre des affaires étrangères doit convoquer les électeurs au moins 90 jours avant la date du scrutin.
Vous comprenez donc aisément notre inquiétude. L’adoption de ce projet de loi validerait une illégalité commise sciemment par le Gouvernement, alors même que celui-ci a l’obligation constitutionnelle d’appliquer la loi. Madame la ministre, comment pouvez-vous accepter de bafouer autant de principes constitutionnels en légalisant une situation aussi ubuesque ? Monsieur le rapporteur, vous avez souhaité citer Léon Jozeau-Marigné, qui a déclaré en 1982 au sujet de la réforme du Conseil supérieur des Français de l’étranger, le CSFE, qu’elle allait « dans le sens d’une plus grande démocratisation ». L’AFE a d’ailleurs adopté à l’unanimité, en septembre 2012, un avis dans lequel elle souhaitait « une évolution démocratique de son statut ». C’est véritablement dans cet esprit que nous avons abordé la discussion de ce projet de loi, mais nous ne pouvons rester insensibles aux inquiétudes légitimes de nos compatriotes quant au respect de la Constitution.
C’est pourquoi, comme je l’ai indiqué dès le début de mon intervention, je soutiens cette motion qui, je l’espère, permettra au Gouvernement d’envisager des modalités de démocratisation conformes à l’esprit de notre norme juridique supérieure. Le groupe UMP votera donc cette motion. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Puisque selon vous, chers collègues de l’UMP, il existe un doute quant à la constitutionnalité du projet de loi, le mieux serait que vous saisissiez le Conseil constitutionnel. Il vous répondra quand vous aurez déposé votre recours. Afin d’obtenir cette réponse que j’attends avec angoisse, je voterai contre la motion ! (M. Richard Yung applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe UMP et, l’autre, du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 110 :
Nombre de votants | 316 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 159 |
Pour l’adoption | 140 |
Contre | 176 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
5
Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que la commission des lois a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Patrick Courtois membre du conseil d’administration de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice, créé en application du décret n° 2009-1321 du 28 octobre 2009.
6
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 18 mars 2013, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions du V de l’article L. 224-1 du code de l’environnement (Mesures techniques nationales de prévention de la pollution atmosphérique et d’utilisation rationnelle de l’énergie) (2013-317 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
7
Prorogation du mandat des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger. – Représentation des Français établis hors de France
Suite de la discussion en procédure accélérée de deux projets de loi dans les textes de la commission et adoption du premier projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi portant prorogation du mandat des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger et du projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France.
Nous en sommes parvenus à la discussion de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité sur le projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France.
Exception d’irrecevabilité sur le projet de loi n° 426 rectifié
M. le président. Je suis saisi, par Mme Garriaud-Maylam, d’une motion n° 79.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France (n° 426 rectifié, 2012-2013).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, auteur de la motion.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, deux dispositions du projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France portent atteinte à des principes constitutionnels. Il s’agit, d’une part, de l’amputation du mandat des conseillers à l’AFE de la série A et, d’autre part, des nouvelles modalités de scrutin pour l’élection des sénateurs représentant les Français de l’étranger.
Concernant la question de la manipulation de la durée des mandats, j’ai exposé tout à l’heure les motifs pour lesquels la prorogation du mandat des élus de la série B me semblait inconstitutionnelle. J’ai notamment souligné la gravité d’une prolongation du mandat d’une moitié des élus d’une assemblée, dans le contexte spécifique où celui de l’autre moitié se trouvait amputé. Je n’y reviendrai donc pas maintenant.
Je voudrais seulement préciser quelques éléments concernant le raccourcissement du mandat des élus de la série A, tel qu’il est prévu à l’alinéa 2 de l’article 37 du projet de loi.
Je suis choquée par le flou entourant cette amputation du mandat de 79 conseillers élus au suffrage universel.
Alors qu’un projet de loi spécifique a été consacré à la prorogation du mandat des élus de la série B, aucune des deux études d’impact jointes aux deux projets de loi dont nous sommes en train de débattre ne prend la peine d’analyser les fondements ni les conséquences juridiques du raccourcissement du mandat des élus de la série A.
Ces silences traduisent la gêne bien compréhensible du Gouvernement sur cette question. De surcroît, les réponses apportées par M. le rapporteur qui, lui, semble bien conscient de l’existence d’un problème constitutionnel, me semblent bien rapides eu égard à l’importance des enjeux.
Lors de son audition par la commission des lois de l’AFE, le directeur de cabinet de Mme la ministre déléguée a éludé le problème en expliquant qu’aucun mandat ne serait amputé, puisque l’assemblée elle-même serait dissoute. Mais une telle dissolution est-elle vraiment constitutionnelle ?
En effet, cette possibilité n’est prévue ni dans la loi du 7 juin 1982 ni dans le décret n° 84-252 du 6 avril 1984 portant statut de l’Assemblée des Français de l’étranger.
En revanche, nous pouvons, par analogie, examiner l’article L. 3121-5 du code général des collectivités territoriales, applicable aux conseils généraux, selon lequel une dissolution n’est justifiée que « lorsque le fonctionnement d’un conseil général se révèle impossible ». Il y est même précisé que « la dissolution ne peut jamais être prononcée par voie de mesure générale ».
C’est d’ailleurs cette « impossibilité de fonctionner » qui a conduit le Conseil constitutionnel à valider la dissolution de l’Assemblée de Polynésie, en 2007, du fait de « l’instabilité chronique » y prévalant. Or il est difficile de diagnostiquer une situation semblable à l’AFE, où de nombreuses résolutions sont votées à l’unanimité. Mme la ministre déléguée aux Français de l’étranger a d’ailleurs, lors de chacune de ses interventions devant cette assemblée, tenu à rendre un hommage mérité au travail de ses élus.
La réforme n’est légitimée que par la volonté d’améliorer un certain nombre de dispositifs et ne revêt donc aucun caractère d’urgence susceptible de justifier une cessation anticipée des activités de l’assemblée, mesure assimilable à une dissolution de fait.
Comme je l’ai indiqué dans mon intervention précédente, il aurait été tout à fait possible d’éviter de manipuler les durées des mandats, en mettant en œuvre la réforme de l’AFE à partir de 2016, à l’expiration du mandat des élus de la série A.
Présentée dans l’urgence, sans concertation véritable, sans tenir compte de l’avis des personnes qui connaissent le mieux le système de représentation des Français de l’étranger, cette réforme est manifestement impropre à atteindre l’objectif affiché par le Gouvernement, à savoir renforcer la démocratie de proximité et la participation électorale.
Venons-en maintenant au second problème d’ordre constitutionnel soulevé par ce projet de loi. Il concerne une nouvelle modalité du scrutin pour les élections sénatoriales, présentée à l’alinéa 3 de l’article 33 octies.
Il s’agit d’autoriser le vote des électeurs français de l’étranger « sous enveloppe fermée, remise en mains propres, à un ambassadeur ou chef de poste consulaire de leur circonscription d’élection, au plus tard le deuxième jeudi qui précède le scrutin ».
Comme l’a très justement fait remarquer Christian Cointat, cette proposition nous ramène en 1977 ! Un pareil système de transfert des enveloppes de vote de l’étranger à Paris avait en effet été proposé pour les élections législatives. La commission des lois du Sénat avait alors estimé que ce système de transfert des bulletins de vote était dangereux, car il ne permettait pas d’assurer le respect du secret du vote. L’Assemblée nationale l’avait purement et simplement supprimé, le président de la commission des lois ironisant même sur ces urnes dotées d’ailes. Drôle de réforme de modernisation de l’AFE, qui nous ferait adopter aujourd’hui des dispositions déjà jugées archaïques et anticonstitutionnelles il y a près de quarante ans !
Notre commission des lois elle-même reconnaît ce risque puisqu’elle « formule les plus grandes réserves à l’égard du vote par remise en mains propres ». Mais, au lieu d’en tirer toutes les conséquences en demandant la suppression de ce mode de votation hasardeux, elle se contente d’indiquer qu’elle a souhaité « de manière pragmatique », conserver « la faculté du vote par correspondance, mais à titre de modalité subsidiaire ». Que de contorsions sémantiques, mes chers collègues ! Soit ce mode de vote est dangereux, et il faut donc le supprimer ; soit il ne l’est pas, auquel cas il doit être conservé au même titre que le vote à l’urne, et non à titre subsidiaire !
La commission prétend mieux encadrer cette modalité, mais se contente de prévoir la remise d’un récépissé à l’électeur et de renvoyer à un décret au Conseil d’État le soin de déterminer par décret les conditions d’enregistrement et de conservation des enveloppes de vote. La rédaction actuelle de cet alinéa, malgré les modifications marginales apportées en commission, ne me semble nullement en mesure de garantir le secret du vote ni la sincérité du scrutin.
Si les isoloirs et les urnes ont été inventés, c’est bien pour remédier aux lacunes du vote « de la main à la main ». Accepterait-on, en France, que les enveloppes de vote soient remises au préfet au lieu d’être glissées dans l’urne ?
Je ne doute pas une seconde de l’intégrité morale des ambassadeurs et chefs de poste consulaires auxquels ces enveloppes de vote seraient confiées.
M. Robert del Picchia. Quand même !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cependant, il ne me semble pas judicieux d’instituer un dispositif susceptible de créer la suspicion et de multiplier les recours. De même, je note qu’aucune garantie d’intégrité et de sauvegarde des enveloppes de vote n’est apportée en ce qui concerne leur transport jusqu’au bureau de vote central, à Paris.
Il est tout de même paradoxal que le projet de loi supprime la possibilité de vote par correspondance pour les élections des élus locaux des Français de l’étranger – ce dont le rapporteur de la commission des lois se félicite – et la rétablisse, sous une forme abâtardie, pour les élections sénatoriales !
Cette situation est d’autant plus absurde qu’une autre solution existe : celle d’un vote électronique ou sur machine à voter à partir des consulats. S’abriter derrière le surcoût que la mise en place d’un tel dispositif engendrerait est absurde, l’essentiel de l’investissement ayant déjà été réalisé à l’occasion de la préparation des législatives de juin 2012.
Une fois encore, au lieu de prendre le temps de mettre en place des mesures de bon sens garantissant la sincérité du scrutin, le Gouvernement opte pour le coup de force, au mépris de notre Constitution.
Au nom du respect dû au suffrage universel, auquel nous sommes tous également attachés sur ces travées, je vous demande, mes chers collègues, de voter en faveur de cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. (M. Christophe-André Frassa applaudit.)
M. Christophe-André Frassa. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, contre la motion.
Mme Catherine Tasca. Madame Garriaud-Maylam, nous récusons sur plusieurs points l’analyse qui vous pousse à présenter cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Vous contestez, avec beaucoup de constance, l’urgence de la réforme. Il a pourtant été établi de manière suffisamment claire que nos concitoyens établis hors de France, et l’AFE elle-même, attendent que nous procédions au plus vite à cette réforme.
Par ailleurs, vous considérez que le mode de scrutin pour les élections sénatoriales prévu par l’alinéa 3 de l’article 33 octies du présent projet de loi viole les principes constitutionnels de secret du vote et de sincérité du scrutin. Ces propos relèvent plus, ce me semble, d’un procès d’intention que d’une réelle démonstration.
En outre, vous avancez, madame la sénatrice, que le renvoi à un décret en Conseil d’État des conditions d’enregistrement et de conservation des enveloppes de vote ouvrirait la voie à de multiples possibilités de fraude. Cette allégation est sans fondement.
Nous estimons que vos propos, bien que vous veniez de vous en défendre, jettent le discrédit sur nos ambassadeurs, nos chefs de poste consulaire et le personnel de notre réseau diplomatique (Mme Garriaud-Maylam proteste.), qui sont parfaitement à même de garantir le secret du vote et la sincérité du scrutin.
M. Christophe-André Frassa. Mais ce n’est pas du tout le propos !
Mme Catherine Tasca. Je m’en étonne d’ailleurs, parce que je sais que vous connaissez très bien notre réseau diplomatique et que vous l’appréciez.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Absolument !
Mme Catherine Tasca. Vous utilisez donc un argument qui ne vous correspond pas !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. C’est une question de principe, pas de personnes !
Mme Catherine Tasca. Vous prétendez que ce mode de vote serait dangereux pour la sincérité du scrutin. Comme il est indiqué à l’article 33 octies du présent texte, le décret en Conseil d’État qui définira les conditions dans lesquelles l’enregistrement et la conservation de l’enveloppe devront se faire répondra, bien évidemment, aux principes constitutionnels de secret du vote et de sincérité du scrutin. Je ne doute pas, d’ailleurs, que le débat avec le Gouvernement, notamment au moment de la discussion de l’article 33 octies, permettra de dissiper bien des inquiétudes.
Nous considérons qu’il n’y a pas lieu de mettre en doute ni le secret du vote ni la sincérité du scrutin, de même qu’il n’y a pas lieu de revenir, comme vous le faites pourtant dans votre défense de la motion, sur la question de la cessation anticipée des mandats en cours des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Nous vous l’avons déjà dit, cette assemblée comprenant deux séries de membres renouvelées sur un rythme triennal, il n’y a pas d’autres solutions, pour sortir de ce système et mettre en œuvre la réforme, que de diminuer la durée du mandat d’une série et d’augmenter celle de l’autre.
Pour toutes ces raisons, nous estimons qu’il n’y a pas lieu d’opposer l’exception d’irrecevabilité à ce texte et, par conséquent, nous voterons contre cette deuxième motion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. La motion déposée par Mme Garriaud-Maylam reprend, tout d’abord, un certain nombre d’arguments relatifs à la durée des mandats déjà évoqués lors de la discussion de la précédente motion tendant à opposer la motion d’irrecevabilité. Je n’y reviendrai donc pas, bien que la pédagogie soit l’art de la répétition !
Je préfère en venir au second point de l’argumentation développée par Mme Garriaud-Maylam, qui pose la question de la constitutionnalité de certains modes de vote, tel que le vote par remise en mains propres sous enveloppe fermée.
Je pourrais entendre cette démonstration, si elle n’était pas exposée par une sénatrice qui, parallèlement, a déposé un amendement visant à rétablir le vote par correspondance ! En effet, le vote par remise en mains propres sous enveloppe fermée, tel qu’il est prévu dans le présent projet de loi, offre des garanties bien supérieures au vote par correspondance que vous proposez de rétablir, madame la sénatrice.
Pour faire face aux difficultés que vous avez évoquées, le projet de loi précise que le vote aux élections sénatoriales doit être personnel. La commission des lois a ajouté que ce vote donnerait lieu à la remise d’un récépissé. Enfin, s’inspirant d’un amendement de MM. Frassa et Cointat, la commission vous proposera d’adopter un amendement tendant à ce que chaque vote remis sous pli fermé fasse l’objet d’une inscription sur un registre spécial.
Ces garanties étant acquises, et sans préjuger de l’issue de nos travaux, les inquiétudes que vous manifestez, madame la sénatrice, devraient se dissiper. J’ajoute que la commission, pour que le vote sous pli fermé ne soit que l’un des modes de vote possibles pour l’élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France, a rétabli, d’une part, le vote à l’urne à Paris et, d’autre part, contrairement au texte initial du projet de loi, maintenu la possibilité de voter par procuration, cette dernière pouvant être donnée à un autre membre du collège électoral qui irait voter à Paris.
Tout électeur éprouvant des réticences à recourir au vote par remise en mains propres sous enveloppe fermée peut donc voter à l’urne. Dans tous les cas, un panel de plusieurs possibilités de vote est offert à l’électeur, ce qui devrait tempérer vos inquiétudes, madame la sénatrice !
Pour toutes ces raisons, la commission demande au Sénat de ne pas adopter cette motion.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l’étranger. Je ne vais pas reprendre les arguments que j’ai eu l’occasion d’exposer lors de la discussion sur la motion précédente ; ils n’ont pas changé depuis !
Je voudrais simplement vous dire, madame la sénatrice, que la ministre chargée des Français de l’étranger que je suis ne peut accepter que vous puissiez ainsi, de manière si légère, faire porter le soupçon sur les fonctionnaires du ministère,…
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Pas du tout !
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. … dont la probité ne peut pas être remise en cause.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Bien sûr !
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. J’en viens donc immédiatement au deuxième point que vous avez abordé.
Afin de permettre un taux de participation satisfaisant, le Gouvernement a choisi d’ouvrir deux modalités de vote : le vote à l’urne et le vote sous pli fermé. Il s’agit de prendre en compte les difficultés que l’on peut rencontrer à l’étranger et qui peuvent justifier des adaptations.
Vous soutenez que le vote sous pli fermé ne permet pas le respect des principes de secret et de sincérité du suffrage, puisque l’ensemble du dispositif n’est pas prévu dans les textes législatifs. Mais la définition des modalités pratiques d’exercice du vote sous pli fermé est de nature réglementaire ; il n’est donc pas nécessaire de l’inscrire dans la loi.
Enfin, comme vous avez pu le constater, de lourdes sanctions sont prévues en cas de violation du secret du suffrage. Le respect des principes de sincérité et de secret du suffrage peut donc être assuré par le vote sous pli fermé. D’ailleurs, les modalités de mise en œuvre feront l’objet d’un décret en Conseil d’État, institution qui sera extrêmement attentive à cet égard. (Très bien ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.
M. Christophe-André Frassa. Ma position se fonde sur des motifs certes différents, mais cohérents avec ceux que j’ai développés lors de l’examen de la première motion. Je ne ferai donc pas durer l’insoutenable suspense !
Ce texte, tout comme le projet de loi sur la prorogation du mandat des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger, porte atteinte aux droits des électeurs, garantis par l’article 3 de la Constitution, c’est pourquoi je souscris à l’analyse de ma collègue Joëlle Garriaud-Maylam. Je voterai en faveur de sa motion, à l’instar des membres du groupe UMP.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 79, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe socialiste et, l’autre, du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 111 :
Nombre de votants | 316 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 159 |
Pour l’adoption | 140 |
Contre | 176 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Nous allons donc examiner les articles des textes de la commission
projet de loi portant prorogation du mandat des membres de l’assemblée des français de l’étranger
M. le président. Nous passons à la discussion de l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi portant prorogation du mandat des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Article unique
Le mandat des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger élus, au titre du premier alinéa de l’article 1er de la loi n °82-471 du 7 juin 1982 relative à l’Assemblée des Français de l’étranger, au sein de la série B (Europe, Asie et Levant) dont le renouvellement est prévu en juin 2013 prendra fin, au plus tard, en juin 2014.
Le mandat des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger nommés en application du dernier alinéa du même article dont le renouvellement est prévu en juin 2013 prendra fin, au plus tard, en juin 2014.
M. le président. Je rappelle que le vote sur l’article unique a valeur de vote sur l’ensemble du projet de loi. Avant de le mettre aux voix, je donne la parole à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Nous ne pourrons pas voter cet article unique, pour des raisons qui ont déjà été exposées, notamment lors de l’examen de la première motion.
Quand on veut faire une réforme, on s’en donne le temps et les moyens. On le fait non pas en bousculant les règles et les usages, mais dans la sérénité, d’autant que le jeu en vaut la chandelle !
Je remercie Mme la ministre de s’être attelée à la tâche, mais je regrette les conditions dans lesquelles nous légiférons. La commission des lois a travaillé dans une précipitation insupportable, et nous avons dû voter sans prendre le temps de réfléchir aux conséquences des décisions que nous prenions. Ce n’est pas normal !
Il eût été tellement plus simple d’organiser les élections comme prévu, mais pour un mandat de trois ans seulement, en précisant que tous les conseillers seraient élus selon les nouvelles règles à compter de 2016. Nous aurions ainsi pu préparer cette loi tranquillement, peut-être avec deux lectures dans le cadre de la navette, ce qui aurait été beaucoup plus efficace !
M. Christophe-André Frassa. Mais il y avait les élections sénatoriales…
M. Christian Cointat. Certes, j’approuve le principe de la réforme. Après tout, ne rien faire, c’est reculer. Même si je cherche parfois à corriger le tir, j’applaudis quand on agit !
Le temps dont nous aurions eu besoin pour réfléchir et travailler sereinement nous est malheureusement refusé. On nous demande de réformer à la hâte, sans réfléchir aux conséquences de nos décisions. Je ne peux pas l’accepter.
Par conséquent, nous voterons contre ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre excellent collègue Christian Cointat indique que la commission des lois a travaillé dans des conditions de trop grande rapidité.
Certes, et je vous en donne acte, mon cher collègue, ce soir, nous avons hâté le pas pour les derniers amendements, qui étaient d’ailleurs quelque peu répétitifs ou qui étaient des amendements de conséquence. Mais, la semaine dernière, nous avons entendu Mme la ministre pendant deux heures. À la suite de quoi, la commission s’est réunie et a siégé durant deux heures trente. Aujourd’hui même, nous avons siégé pendant une heure trente l’après-midi et pendant une heure quinze lors de la suspension de séance.
Si mes calculs sont exacts, nous avons donc consacré sept heures quinze à l’examen de ce texte. Vous-même vous êtes d’ailleurs exprimé avec beaucoup de force de conviction, et nous aimons que vous participiez de cette manière ! On ne peut donc pas dire que la commission n’a pas procédé à un examen approfondi du texte.
M. Christian Cointat. Je n’ai pas dit cela ! J’ai dit que nous avions travaillé de manière approfondie en trop peu de temps !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je vous remercie de cet hommage, qui va droit au cœur de tous les membres de la commission des lois.
M. Christian Cointat. Dont je fais partie !
M. Robert del Picchia. Ce qui n’est pas mon cas !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Et nous le regrettons, monsieur del Picchia ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
projet de loi relatif à la représentation des français établis hors de france
M. le président. Nous passons à la discussion des articles du projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France.
Titre Ier
LES INSTANCES REPRÉSENTATIVES DES FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE
(Division et intitulé nouveaux)
Article 1er
Les instances représentatives des Français établis hors de France sont l’Assemblée des Français de l’étranger et les conseils consulaires.
M. le président. L’amendement n° 61, présenté par Mme Tasca et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après le mot :
sont
rédiger ainsi la fin de cet article :
les conseils consulaires et l’Assemblée des Français de l’étranger.
La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Cet amendement vise à revenir à la rédaction initiale, en mentionnant les « conseils consulaires » avant « l’Assemblée des Français de l’étranger ».
Ce point peut paraître mineur, mais la création des conseils consulaires constitue le véritable cœur de la réforme, telle qu’elle a été conçue et telle que nous la soutenons. C’est la principale innovation du projet de loi, dont le premier objectif est de renforcer la démocratie de proximité. Il nous paraît donc naturel et nécessaire de rétablir l’ordre initial.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Cet amendement, qui, formellement, semble revenir sur la position de la commission, est en réalité cohérent avec la structure du texte qu’elle a adopté.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. Le Gouvernement émet également un avis favorable sur cet amendement.
Comme l’a rappelé la sénatrice Catherine Tasca, la philosophie de la réforme réside dans l’élection d’élus locaux, les conseillers consulaires. Il est donc logique de les faire figurer en première position.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Cet amendement n’est pas fondamental, mais j’attire votre attention sur un élément que je trouve un peu cocasse.
L’article 1er définit les « instances représentatives des Français établis hors de France » et l’Assemblée des Français de l’étranger est citée en premier lieu. Or on nous propose de mentionner d’abord les conseils consulaires qui, je vous le rappelle, sont présidés et dirigés par le consul. Est-ce donc ainsi que vous définissez des « instances représentatives » ? En tout cas, telle n’est pas ma conception de la démocratie !
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Chapitre IER
Les conseils consulaires
Article 2
Auprès de chaque ambassade pourvue d’une circonscription consulaire et de chaque poste consulaire, un conseil consulaire est chargé de formuler des avis sur les questions consulaires ou d’intérêt général, notamment culturel, économique et social, concernant les Français établis dans la circonscription.
Les conseillers consulaires sont consultés sur toute question relative à la protection sociale et à l’action sociale, à l’emploi, à la formation professionnelle et à l’apprentissage, à l’enseignement français à l’étranger et à la sécurité, concernant les Français établis dans la circonscription.
L’ambassadeur ou le chef de poste consulaire assure la présidence du conseil consulaire ayant son siège dans sa circonscription consulaire. Il peut se faire représenter. Le vice-président du conseil consulaire est élu par les membres élus du conseil consulaire en leur sein.
Les conseillers consulaires sont membres de droit du ou des conseils consulaires constitués dans la circonscription électorale dans le ressort de laquelle ils ont été élus.
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, sur l’article.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cet article, le premier du chapitre dédié aux conseils consulaires, devrait clairement établir leur mission et leurs objectifs.
Or la seule indication qui est fournie est qu’ils sont chargés de « formuler des avis sur les questions consulaires ou d’intérêt général » concernant « les Français établis dans la circonscription ».
À quelle occasion ? Et à qui sera fourni l’avis ? Comment sera-t-il rendu public ? Quelle en sera la portée ?
L’article 19 nous apprendra ensuite que c’est un décret ultérieur qui fixera les attributions, l’organisation et le fonctionnement de ces conseils consulaires !
Ce manque de précisions quant au rôle des conseils consulaires, dès le tout premier article du chapitre, semblerait dénoter le peu d’intérêt que le Gouvernement porte à leur action réelle, comme s’il s’agissait davantage de justifier la multiplication des grands électeurs que de leur donner réellement les moyens d’accomplir un travail de terrain.
En assignant comme principal, voire unique rôle aux élus de terrain la participation aux conseils consulaires, le projet de loi témoigne d’une véritable méconnaissance du rôle des élus actuels qui, loin de se contenter de prendre part aux différentes commissions sur les bourses ou l’aide sociale, réalisent surtout un véritable travail d’animation des communautés françaises et de soutien individuel aux compatriotes en difficulté.
Par ailleurs, le dispositif des conseils consulaires est bancal. Renvoyer les modalités de fonctionnement à un futur décret permet d’éluder des problèmes « basiques » d’organisation.
Ainsi, dans les conseils consulaires ne comptant qu’un seul élu, en cas de vote, il n’y aura que deux voix : celle de l’élu et celle du chef de poste ! Même dans les conseils consulaires comptant davantage d’élus, le fait que le chef de poste consulaire ait le droit de vote maintient le conseil sous une forme de tutelle. Si les avis qui sont votés portent sur la conduite des services consulaires, le président du conseil sera alors juge et partie !
Il est primordial d’assurer la collégialité de ces instances. Il s’agit, en particulier, de permettre la présence des représentants des grandes associations historiques d’expatriés, qui continuent à jouer bénévolement un rôle essentiel.
J’émets également quelques doutes quant à l’opportunité de fusionner les comités actuels en un unique conseil consulaire. Au mieux, c’est un gadget, si des réunions séparées continuent d’avoir lieu sur des thèmes particuliers – bourses, aide sociale, sécurité – avec des intervenants spécifiques. Au pire, c’est une source de confusion si toutes les réunions abordent l’ensemble des thèmes et mobilisent la venue d’intervenants divers, dont le statut juridique au sein du conseil demeure flou.
Je note que nous avons aujourd’hui 205 comités consulaires pour la protection et l’action sociale, les CCPAS, mais que seuls 130 conseils consulaires sont prévus, ce qui signifie, en fait, un éloignement du terrain, en contradiction avec l’esprit de la réforme.
Je souligne aussi que seuls les consulats de plein exercice seront dotés d’un conseil consulaire : les consulats à gestion simplifiée ou les communautés n’ayant qu’un consul honoraire n’auront aucun conseiller consulaire.
Alors que, dans un contexte de restrictions budgétaires, la tendance est plutôt à la fermeture de consulats qu’à leur ouverture, le lien automatique entre conseiller consulaire et présence d’un consulat ne peut qu’accentuer le sentiment d’isolement de nombreuses communautés éloignées des consulats.
M. le président. L'amendement n° 75, présenté par Mme Garriaud-Maylam, MM. Cantegrit, Cointat, Duvernois, Ferrand et Frassa et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
notamment culturel, économique et social, concernant les Français établis dans la circonscription
par les mots :
et coopère avec les services consulaires pour améliorer le service public rendu aux Français établis dans la circonscription
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cet amendement tend à améliorer la rédaction du texte en supprimant une énumération de domaines qui pourrait être interprétée comme limitant les compétences des conseils aux trois champs mentionnés.
Surtout, il vise à énoncer la fonction première des conseils consulaires, qui n’est pas uniquement de « donner des avis » dont la portée juridique et pratique n’est nullement définie par le texte actuel. Il tend à introduire un principe de « cogestion » des Français de la circonscription, qui, sans aller aussi loin que le pouvoir dévolu aux conseillers municipaux, généraux ou régionaux en France, puisque le Gouvernement n’a malheureusement pas souhaité s’engager dans cette voie, permettrait au moins de doter les élus de terrain de certaines compétences réelles, qu’il faudrait ensuite préciser par décret.
Tant que les élus de proximité représentant les Français de l’étranger n’auront qu’un rôle consultatif et largement indéfini, ils ne seront pas plus écoutés ni considérés qu’ils ne le sont aujourd’hui par le réseau diplomatique et consulaire !
Je tiens à préciser, madame la ministre, que j’ai énormément d’admiration pour ce réseau. Je l’ai souligné à de très nombreuses reprises : si je me suis exprimée comme je l’ai fait lors de la présentation de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, ce n’est certainement pas contre nos postes consulaires et diplomatiques. Il s’agissait uniquement d’une question de principe.
Il est inadmissible d’insinuer que je serais opposée à ces personnels ou que je critiquerais leur honnêteté et leur intégrité intellectuelle !
M. Marc Daunis. Ce sont vos insinuations qui étaient inadmissibles !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Faute d’obtenir des compétences réelles, les élus dont nous parlons risquent de demeurer méconnus de leurs électeurs, ce qui ne fera qu’aggraver le cercle vicieux de l’abstention.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Comme vous l’avez indiqué, chère collègue, cet amendement prévoit un principe de cogestion entre les élus, d’une part, et l’administration, d’autre part. La commission est défavorable à cette idée.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les présidents des conseils consulaires sont les chefs de poste diplomatique et consulaire. Il n’y a pas de cogestion, il y a une enceinte de dialogue, ce qui n’est pas la même chose.
Un certain nombre de nos collègues de l’Assemblée des Français de l’étranger ont souligné qu’ils ne souhaitaient pas, compte tenu des contraintes d’effectifs dans les consulats, que les élus puissent devenir des collaborateurs des services consulaires. Or, d’une certaine manière, c’est ce que vous proposez au travers de cet amendement.
Dans la mesure où la commission refuse la cogestion et souhaite bien faire la séparation entre les élus et l’administration, elle émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. Madame la sénatrice, les conseils consulaires ne sont pas créés pour se substituer aux services de l’État.
On peut s’interroger sur le type de coopération que vous envisagez. En tout état de cause, les compétences seront déterminées par décret en Conseil d’État.
L’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je précise que le terme de « cogestion » n’est pas employé dans le corps de l’amendement. Ce principe est uniquement évoqué dans son objet, où il figure entre guillemets. La rédaction de l’amendement fait uniquement référence à une coopération dans l’intérêt de nos communautés.
M. le président. L'amendement n° 76, présenté par Mme Garriaud-Maylam, MM. Cointat, Duvernois, Ferrand et Frassa et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
L’ambassadeur ou le chef de poste consulaire présente annuellement au conseil consulaire un rapport sur les activités du poste consulaire pendant l’année écoulée et sur les projets pour l’année suivante. Le conseil consulaire en débat et formule des avis sur les questions qui y sont traitées.
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cet amendement prévoit que l’ambassadeur ou le chef de poste consulaire présente annuellement au conseil consulaire un rapport sur les activités du poste consulaire pendant l’année écoulée et sur les projets pour l’année suivante. La présentation de ce rapport serait suivie d’un débat et éventuellement du vote d’avis.
De même que le ministre des affaires étrangères présente un rapport devant l’AFE, il est important que, dans chaque conseil consulaire, le chef de poste puisse présenter un rapport d’activité.
C’est l’un des seuls moyens de garantir qu’un minimum d’information sera effectivement apporté aux conseillers consulaires, car le projet de loi demeure particulièrement muet sur les modalités concrètes de mise en œuvre de cet objectif.
En effet, pour qu’il soit légitime aux yeux des Français de la circonscription, il est essentiel que le conseil consulaire soit doté de compétences clairement identifiées, permettant de l’appréhender comme un canal de communication privilégié entre la communauté française de la circonscription et le poste consulaire.
Cet amendement tente de tirer parti des difficultés jusqu’ici rencontrées par certains élus de l’AFE pour être, sinon associés, au moins informés par leur ambassade ou leur consulat des mesures concernant les Français de leur circonscription.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Même si cette proposition n’est pas critiquable sur le fond – elle est d’ailleurs prévue dans le projet de loi pour l’AFE, qui se réunit rarement et comprend une centaine de personnes –, elle créerait une certaine rigidité pour les conseils consulaires, alors qu’il faudrait au contraire davantage de fluidité dans les échanges d’informations entre le poste consulaire et les membres élus du conseil consulaire.
Cela relève du pouvoir réglementaire mais aussi des bonnes pratiques entre les élus et l’administration.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. L’avis du Gouvernement est également défavorable.
Les compétences seront clairement définies et identifiées dans le décret. Les conseillers consulaires seront informés, selon les sujets traités, sur toutes les activités du poste au fur et à mesure que les réunions auront lieu. Il ne faudra pas attendre la fin de l’année ni le début de l’année suivante pour être informé sur l’ensemble des activités du poste.
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Cointat, Cantegrit, del Picchia, Duvernois, Ferrand et Frassa et Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann, est ainsi libellé :
Alinéa 3, dernière phrase
Compléter cette phrase par un membre de phrase ainsi rédigé :
; il assure la présidence du conseil en cas d'absence du président.
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Il s’agit d’un amendement de précision.
Puisque les conseils consulaires éliront un vice-président, il est normal que celui-ci préside la réunion en cas d’absence du président, même s’il ne se substitue pas à lui.
N’est-ce pas la moindre des choses pour un vice-président ?
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. L’amendement a été rectifié à la demande de la commission de telle sorte qu’il se borne à préciser que le vice-président élu du conseil consulaire préside la réunion du conseil consulaire en l’absence de l’ambassadeur ou du chef de poste consulaire, qui assure de droit la présidence, sans immixtion dans l’exercice des compétences de l’État.
Les réticences que la rédaction initiale pouvait susciter n’ont plus lieu d’être.
L’avis de la commission est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. L’avis du Gouvernement est également favorable.
M. Robert del Picchia. Bravo !
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
M. le président. Je constate que cet article a été adopté à l’unanimité des présents.
Articles additionnels après l'article 2
M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Cointat, Frassa, Cantegrit, del Picchia, Duvernois et Ferrand et Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première réunion de chaque conseil consulaire après un renouvellement général se tient au plus tard le deuxième vendredi suivant la date du scrutin.
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Une assemblée élue au suffrage universel direct, ce qui est le cas des conseils consulaires, doit se réunir. Sinon, pourquoi l’élire ? Il est important que les électeurs le sachent. Il doit également y avoir une règle claire sur la réunion de cette assemblée.
Voilà pourquoi, comme pour les autres assemblées élues au suffrage universel direct, il est prévu que « la première réunion de chaque conseil consulaire après un renouvellement général se tient au plus tard le deuxième vendredi suivant la date du scrutin ». C’est le jour de la semaine que nous avons choisi pour éviter tout télescopage avec les réunions de l’Assemblée des Français de l’étranger.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Cet amendement a également fait l’objet d’une rectification à la demande de la commission pour que la rédaction en soit clarifiée.
La commission a considéré que la précision était à la fois légitime et opérante pour un organe démocratiquement élu au suffrage universel direct, dès lors qu’elle ne posait pas de problèmes pratiques complémentaires.
La commission a donc émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. L’avis du Gouvernement est défavorable. Il s’agit d’une disposition d’ordre réglementaire.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Le tout est de savoir si une telle précision dépend du dispositif électoral ou pas, madame la ministre.
Aux termes de l’article 34 de la Constitution, le régime électoral relève du domaine de la loi.
Il semble très difficile de justifier que la loi prévoie une élection au suffrage universel direct, puis plus rien une fois que l’élection est terminée. Il paraîtrait logique de préciser au moins la date de la première réunion. Ce serait la moindre des choses. N’est-ce pas ce qui se pratique pour toutes les autres assemblées ? Je ne vois pas en quoi cela gênerait le Gouvernement.
Sans cette précision, les conseils consulaires, dont on veut qu’ils soient représentatifs, pourraient ne jamais se réunir. Or il faut bien qu’une réunion ait lieu, ne serait-ce que pour élire le vice-président.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.
Je constate en outre que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L'amendement n° 48, présenté par Mme Ango Ela et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans une circonscription consulaire, 10 % des électeurs inscrits sur les listes électorales peuvent demander à ce que soit inscrite à l’ordre du jour du conseil consulaire toute affaire relevant des domaines prévus au deuxième alinéa de l’article 2 de la présente loi.
Dans l'année, un électeur ne peut signer qu'une seule demande tendant à la mise à l’ordre du jour d’une affaire par un même conseil consulaire.
La décision d’inscrire à l’ordre du jour l’affaire faisant l’objet de la demande appartient au conseil consulaire.
La parole est à Mme Kalliopi Ango Ela.
Mme Kalliopi Ango Ela. Cet amendement vise à insérer un article additionnel après l’article 2 du projet de loi instaurant un droit de pétition au profit des Français établis hors de France.
L’objet est ici de renforcer la démocratie participative en impliquant dans la vie locale la communauté française inscrite sur les listes électorales consulaires d’une circonscription et en permettant à nos concitoyens de soumettre à leur conseil consulaire des questions ou affaires relevant des domaines de compétence de ce dernier.
Cette participation citoyenne est également propice en ce qu’elle permettrait aux Français résidant à l’étranger de s’intéresser davantage à la vie politique, ce qui semble pour certains moins aisé, du fait précisément de leur éloignement du territoire national.
Elle peut aussi renforcer le rôle des associations de Français établis hors de France, qui pourraient souhaiter organiser une telle demande.
Cette possibilité de s’adresser au conseil consulaire sur un point préoccupant particulièrement la communauté française permet d’opérer un rapprochement entre les citoyens français et leurs élus locaux que sont les conseillers consulaires.
Cet amendement procède d’une analogie avec le droit commun des collectivités territoriales, notamment l’article L.1112-16 du code général des collectivités territoriales, sans solliciter pour autant de consultation difficilement réalisable à l’étranger.
Il est prévu un seuil de 10 % particulièrement adapté aux circonscriptions où réside un petit nombre de Français.
C’est en effet pour ces petites communautés françaises que cet amendement pourrait être fort utile, en particulier lorsque les Français sont répartis sur une zone géographique assez vaste et que le lien entre eux peut être, de ce fait, délicat à opérer.
Ce droit de pétition permettra donc également de renforcer les liens au sein d’une communauté qui pourra ainsi faire remonter collectivement auprès de son conseil consulaire une question qui la concerne.
En permettant de solliciter l’inscription à l’ordre du jour du conseil consulaire d’une affaire préoccupant particulièrement les Français résidant dans cette circonscription, je m’inscris parfaitement, avec le groupe écologiste, dans la logique de la démocratie de proximité, fil conducteur du présent projet de loi.
La décision d’inscrire à l’ordre du jour l’affaire faisant l’objet de la demande appartient au conseil consulaire, qui n’est donc pas obligé d’y procéder. Par ailleurs, toute demande qui ne relèverait pas des domaines prévus à l’alinéa 2 de l’article 2 sera considérée comme irrecevable.
Enfin – c’est peut-être le point le plus saillant –, dans les situations « de crise », cela permettrait de canaliser les diverses sollicitations et courriers qui pourraient être adressés aux conseils consulaires tout en « désamorçant » les inquiétudes des Français établis dans la circonscription, avec l’effet d’apaisement des crises au niveau local que l’on doit en attendre.
Tel est le sens de cette proposition.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Cet amendement s’inspire de dispositions analogues existant pour les collectivités territoriales. Toutefois, l’application du mécanisme proposé, pour laquelle aucun renvoi vers des dispositions réglementaires n’est d'ailleurs prévu, pourrait se révéler tout à fait fastidieuse à l’étranger.
Je ne doute pas, d’expérience, qu’une question qui préoccupe 5 % ou plus de la communauté française serait tout de suite à l’ordre du jour des préoccupations de l’ensemble des conseillers consulaires, qu’elle ferait donc l’objet d’échanges entre ces derniers et le poste diplomatique et justifierait éventuellement la convocation d’un conseil consulaire.
Donc, compte tenu de ces observations et de la difficulté de mise en place réelle du dispositif que vous proposez, ma chère collègue, la commission demande le retrait de cet amendement et, à défaut, émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. Sur cette proposition intéressante pour l’exercice de la démocratie, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Madame Ango Ela, l'amendement n° 48 est-il maintenu ?
Mme Kalliopi Ango Ela. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.
M. Christophe-André Frassa. Je voudrais remercier Mme Kalliopi Ango Ela de cette excellente idée.
Avec cet amendement, nous sommes au cœur de ce que semble vouloir le Gouvernement, c'est-à-dire la proximité. Comment peut-on avoir une meilleure proximité qu’en demandant aux habitants du ressort de ce conseil consulaire d’inscrire les questions qui préoccupent au moins 10 % des inscrits, ce qui peut, dans certains cas, être assez important en termes de population ?
J’avoue que je suis assez séduit par cette idée et je voterai en faveur de cet amendement, qui répond à plusieurs impératifs de démocratie de proximité et d’échanges entre les élus qui siègent au conseil et la population qu’ils représentent.
M. Robert del Picchia. Très bien ! Je le voterai aussi !
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Je rejoins mon collègue : cet amendement est une très bonne idée.
Mme Bariza Khiari. Excellente !
M. Christian Cointat. C’est une excellente idée pour favoriser la démocratie de proximité. C’est un véritable moyen de donner enfin une représentativité aux conseils consulaires, bien que leurs présidents soient nommés. Voilà qui est utile !
Cela étant, je ne sais pas si une telle disposition sera facile à appliquer car, franchement, parvenir à mobiliser 10 % des électeurs pour que soit inscrite à l’ordre du jour du conseil consulaire une question d’intérêt général me paraît relever de l’exploit ! Mais, si l’on y arrive, nos problèmes de représentativité seront alors réglés et nous aurons gagné, car cela signifiera que les Français s’intéressent vraiment à leurs assemblées.
Je voterai donc moi aussi avec mes amis cet amendement que nous propose Mme Kalliopi Ango Ela, à qui je dis : bravo !
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. Tout ce qui a été dit va effectivement dans le sens de la proximité.
Je ferai néanmoins remarquer que 10 %, c’est énorme, au regard de la participation aux élections qui, dans certaines circonscriptions, n’excède que très rarement 20 % de l’électorat. On pourrait peut-être revenir à 5 % ; cela suffirait pour mobiliser nos conseils consulaires…
Mme Catherine Tasca. Qui dit mieux ?
M. Robert del Picchia. Dommage !
M. Christian Cointat. Oui, dommage !
Articles 3 à 18
(Supprimés)
Article 19
Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent chapitre, notamment :
1° Le montant, les conditions et les modalités de versement des indemnités forfaitaires dont les conseillers consulaires bénéficient au titre de leurs fonctions et les remboursements forfaitaires auxquels ils peuvent prétendre ;
2° Les conditions dans lesquelles ils sont indemnisés des dommages résultant des accidents subis dans l'exercice de leurs fonctions ;
3° Les attributions, l’organisation et le fonctionnement des conseils consulaires ainsi que les conditions dans lesquelles le ministre des affaires étrangères peut, par arrêté, créer des conseils consulaires compétents pour plusieurs circonscriptions consulaires.
M. le président. La parole est à Mme Kalliopi Ango Ela, sur l'article.
Mme Kalliopi Ango Ela. L’article 19 du projet de loi prévoit qu’un décret en conseil d’État fixera les modalités d’application du chapitre Ier du projet de loi, consacré aux conseillers consulaires.
Or, contrairement à l’article 29 du texte, qui indique, à son 4°, que le décret en Conseil d’État fixe « les conditions dans lesquelles » les conseillers à l’AFE « exercent leur droit à la formation dans le cadre de leurs fonctions », rien n’est prévu au présent article 19 concernant les conseillers consulaires.
J’avais d’ailleurs déposé un amendement à cet effet et, par coordination, proposé une suppression à l’article 29, mais la commission des finances l’a estimé irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, en ce qu’il créerait une charge publique pour une nouvelle catégorie d’élus.
Je regrette dès lors que seuls les conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger puissent disposer d’une telle formation, alors que les élus de terrain et de proximité que sont les conseillers consulaires n’y auront pas droit.
Je me permets, madame la ministre, de vous interroger à ce sujet : s’agit-il d’un oubli dans le texte ou l’absence de droit à la formation des conseillers consulaires était-elle déjà guidée par le souhait de réaliser des économies ?
Comment envisagez-vous de remédier à cette difficulté, qui risquerait d’être perçue comme une différence de traitement entre les conseillers consulaires et les conseillers à l’AFE ?
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, sur l'article.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. L’ayant déjà évoqué à l’article 2, je ne reviendrai pas ici sur le problème du flou entourant les objectifs et attributions des conseils consulaires. Je trouve cependant un peu étonnant que les parlementaires soient amenés à voter une loi sans être en mesure d’en apprécier réellement les conséquences pratiques.
L’étude d’impact n’apporte, en effet, aucune réponse satisfaisante à cette question fondamentale de la définition des missions et compétences des conseillers consulaires, qui sont pourtant présentés comme le pilier fondamental de la réforme. Et cet article 19 se contente de renvoyer à un décret en Conseil d’État pour ces informations essentielles.
Je regrette ainsi que les parlementaires n’aient pas été rendus destinataires du projet de décret, d’autant que l’on nous a dit que celui-ci était prêt depuis quelque temps déjà.
Outre la délimitation des attributions, l’organisation et le fonctionnement des conseils consulaires, l’article 19 renvoie à un décret en Conseil d’État la question des indemnités et remboursements forfaitaires auxquels peuvent prétendre les élus.
Est ainsi éludée la question cruciale des moyens mis à la disposition des élus de terrain. Des élus dépourvus de moyens suffisants seront incapables de se déplacer au sein de leur circonscription. En France, il n’en coûte à un conseiller municipal - ou un conseiller général - qu’un ticket de bus ou de métro pour aller à la rencontre des habitants de sa circonscription.
Dans la plupart des conseils consulaires, il faudra un billet de train, voire d’avion. Quelques exemples : Vancouver et Calgary, qui relèveront de la même circonscription consulaire, sont distants de près de 700 kilomètres. La situation est encore plus ubuesque pour la circonscription consulaire comprenant l’ensemble de l’Australie – plus de 4 000 kilomètres de Sydney à Perth –, mais aussi Fidji et la Papouasie – Nouvelle-Guinée !
Un remboursement suffisant des frais de mandat, loin d’être une question anecdotique, est la condition sine qua non du développement d’une réelle démocratie de proximité. Il ne sert à rien de multiplier les élus si, dans un même temps, on leur retire tout moyen d’action.
L’étude d’impact, qui apporte quelques éléments de réflexion complémentaire, n’est guère rassurante. On y prévoit une pondération de l’indemnité selon le niveau de vie des différents pays, sur la base de l’indice Mercer, dont la pertinence avait été très contestée au moment du débat sur la réforme des bourses scolaires.
Cette pondération est nécessaire mais loin d’être suffisante. Il est indispensable que l’indemnité soit également pondérée en fonction de la taille des circonscriptions, sinon les élus de circonscriptions vastes couvrant des pays à faible niveau de vie n’auront absolument pas les moyens de se déplacer. Or cette possibilité n’est mentionnée qu’à titre d’option dans l’étude d’impact.
Le projet de loi ne s’attaque pas non plus à l’enjeu, pourtant essentiel, de la définition d’un statut de l’élu local à l’étranger, non seulement en termes d’indemnités mais aussi d’assurances, de retraite ou de responsabilité juridique.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Je souhaite intervenir sur l’article 19, qui est crucial pour la réussite de cette réforme.
Plusieurs questions, entre l’article 2 et l’article 19, sont importantes.
D’abord, comme nous l’avons indiqué lors de la discussion générale, les conseils consulaires se substitueront en particulier, dans des formations différentes, aux commissions locales des bourses ou, au sein des consulats, aux comités pour la protection et l’action sociale et aux comités pour l’emploi et la formation professionnelle. Le décret devra donc préciser quels sont les membres qui viendront compléter ces conseils et quels seront leurs prérogatives et leurs droits, notamment s’ils auront voix délibérative ou non.
Le contenu du décret qui est prévu à l’article 19 sera donc essentiel pour définir l’ampleur et le cadre de cette réforme. Si la loi crée les conseils consulaires, il revient au pouvoir réglementaire, comme cela est prévu, de les compléter et de donner aux personnes qui seront ajoutées à ces conseils une voix délibérative.
D’autres questions mériteront probablement d’être évoquées dans ce décret en Conseil d’État, non seulement pour les conseils consulaires mais aussi pour les prérogatives des élus. Je pense en particulier à la possibilité, qui existe aujourd’hui pour les conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger, donnée aux élus au conseil consulaire d’être membres des conseils d’établissement des établissements scolaires français à l’étranger.
J’estime aussi qu’il faudra, à la suite de cette réforme, modifier le décret de 2005 sur les commissions administratives afin de donner aux conseillers consulaires une place pour, directement ou indirectement, superviser les listes électorales, sujet que nous aborderons peut-être aussi tout à l’heure.
Enfin, le décret devra également préciser la manière dont deux questions devront être traitées.
Premièrement, je pense aux conseils consulaires qui seront compétents sur plusieurs circonscriptions et sur plusieurs postes diplomatiques et consulaires : il faudra s’assurer que l’ensemble des problèmes traités le seront par les gens qui connaissent les dossiers et avec les personnes qui les auront suivis.
Deuxièmement, je pense aux commissions de bourse. Jusqu’à présent, la pratique consistait à mettre en place des commissions de bourse décentralisées proches des établissements scolaires. Un certain nombre de dispositions devront être prises à cet égard dans le cadre de ce décret, dont la rédaction sera complexe mais qui sera au cœur de la réussite de cette réforme.
On pourrait peut-être s'étonner que tant de responsabilités soient renvoyées au pouvoir réglementaire, mais les conseils consulaires sont une création. Reportez-vous à la loi de 1982 sur l'Assemblée des Français de l'étranger : vous verrez que tout ce que nous venons d’évoquer relevait non pas de la loi, mais du décret.
Le décret qui est évoqué à l’article 22 sera essentiel pour le bon fonctionnement des conseils consulaires. Je tenais à le dire d’emblée avant que nous ne commencions à examiner les amendements, afin de préciser nos attentes. C'est ce décret qui décidera de la réussite des conseils consulaires.
M. le président. L'amendement n° 56, présenté par M. del Picchia, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après les mots :
Un décret en Conseil d’État
insérer les mots :
pris après avis de l’Assemblée des Français de l’étranger
La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Monsieur le rapporteur, vous nous avez dit à l’instant que le décret en Conseil d'État sera essentiel. Raison de plus pour qu'il soit pris après avis de l'Assemblée des Français de l'étranger, comme je le propose ici !
Mon amendement tend à organiser, comme le souhaitent les membres de l’actuelle AFE, qui existe encore, la consultation des élus avant que le cadre des règles qui régiront la future assemblée soit établi.
Cette demande est légitime et pertinente dans la mesure où ces élus sont sans doute les mieux placés pour préciser le contexte et les tenants et aboutissants de ces règles dont certains aspects pourraient échapper à l’administration.
Pour la préparation d’un décret en Conseil d'État, il est bon de recueillir l'avis des personnes qui sont sur le terrain et qui connaissent la question.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. En pratique, cet amendement soulève un problème de chronologie. Nous avons adopté un amendement aux termes duquel les conseils consulaires se réuniront très rapidement après leur élection. Ils se réuniront et fonctionneront donc avant même que l'Assemblée des Français de l'étranger soit elle-même convoquée.
Pour autant, je souhaite apporter deux bémols.
D’abord, la nouvelle assemblée pourra se saisir de la question et formuler des propositions de modification du décret. (M. Robert del Picchia s’exclame.)
M. Christophe-André Frassa. C'est un argument spécieux !
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Ensuite, je ne doute pas que l'Assemblée des Français de l'étranger, qui pourra encore se réunir au mois de septembre, travaillera sur le sujet pour formuler un certain nombre de propositions.
Il est toutefois important que la réflexion s’engage dès l'élection des conseils consulaires, car l'ensemble de la réforme procède d’eux.
Compte tenu de ce problème de chronologie et sous la réserve des bémols que je viens d’apporter – l’actuelle assemblée et la nouvelle seront toutes les deux libres de se saisir de cette question et de faire des propositions –, il n’est pas possible d’émettre un avis favorable sur l’amendement tel qu'il est rédigé.
M. Robert del Picchia. Quelle rédaction proposez-vous, alors ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. Cet amendement pose problème : à quel titre les anciens conseillers de l’AFE, qui cessera bientôt d’exister, s'exprimeraient sur le mode de fonctionnement d'une nouvelle instance à laquelle certains d’entre eux risquent malheureusement de ne pas participer ?
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. Robert del Picchia. Demander leur avis aux gens ne coûte rien !
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Si j'ai bien compris le rapporteur, on ne peut pas demander l'avis de l'AFE pour des raisons de chronologie. Or l’assemblée nouvelle ne sera effectivement pas en mesure de donner son avis au moment de la mise en place des conseils consulaires, mais elle pourra tout à fait le faire par la suite.
On nous dit que l’assemblée aura des pouvoirs, et le projet de loi précise bien qu’elle pourra rendre des avis. Mais on ne va surtout pas recueillir son avis précisément quand il serait pertinent de le connaître sur un sujet qui l'intéressera très certainement !
En effet, s'il y a un texte sur lequel on doit demander l'avis de l'AFE, c'est bien celui-là ! Les élus connaissent le sujet et peuvent faire remonter auprès du Gouvernement des idées judicieuses et pertinentes sur le contenu du décret.
Je suis d'accord avec Mme la ministre, ce n'est pas l'assemblée actuelle qui peut donner son avis sur le décret à venir. Nous voudrions cependant obtenir un engagement du Gouvernement dans la mesure où les conseils consulaires commenceront à se réunir alors même que la nouvelle assemblée ne sera pas encore en mesure de donner son avis. Pour cela, il faudra d’abord que les conseillers consulaires soient élus.
Nous le verrons tout à l'heure, il y a un décalage entre les dates de réunion des différentes instances. Il est donc normal que la nouvelle assemblée ne puisse se prononcer immédiatement, mais on devrait lui demander son avis par la suite.
Voilà pourquoi il serait utile que cet amendement soit voté, étant entendu que, lorsque le texte sera réexaminé par l'Assemblée nationale, vous pourrez, madame la ministre, préciser que l’avis ne pourra être demandé qu’à la nouvelle assemblée pour des raisons évidentes de chronologie. En tout cas, cette disposition doit figurer dans la loi, sinon on peut vraiment s’interroger sur l’utilité de cette assemblée.
Madame la ministre, l’un de mes amendements a pour objet de remplacer « peut être » par « est ». J'espérais que vous me feriez cadeau de ce présent de l’indicatif du verbe être, mais mon amendement sera certainement rejeté tout à l'heure.
M. le président. Un présent est d'ailleurs souvent un cadeau ! (Sourires.)
M. Christian Cointat. Si l’on retire toute possibilité à l’AFE de prendre la moindre responsabilité, à quoi sert-elle ? Si mon amendement était adopté, vous pourriez recueillir un avis pertinent et autorisé.
M. Robert del Picchia. Et après, vous en ferez ce que vous voudrez !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Monsieur Cointat, aux termes de l'article 22, l’Assemblée des Français de l’étranger « peut également, de sa propre initiative, réaliser des études et adopter des avis, des résolutions et des motions. » La future assemblée sera libre de se saisir de cette question et de rendre un avis.
M. Christian Cointat. Un avis demandé a plus d’intérêt qu’un avis rendu motu proprio !
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Plutôt que d'écrire deux fois la même chose dans la loi, il est préférable que le Gouvernement apporte des assurances sur le fait que la question du fonctionnement des conseils consulaires sera bien au cœur du dialogue qu’il mettra en place avec l'Assemblée des Français de l'étranger.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. L'amendement est intéressant et paraît être de bon sens. Cependant, à bien lire l’alinéa 2 de l'article 19, on voit que l’un des points importants de ce décret, et donc de l’avis qui serait exprimé par l’AFE, concerne le montant, les conditions et les modalités de versement des indemnités forfaitaires des conseillers consulaires.
Personnellement, le fait qu’une assemblée délibère du niveau des indemnités dont bénéficient ses propres membres pose problème.
M. Robert del Picchia. Mais non !
M. Richard Yung. Je suis donc réservé sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. Vous en faites toute une histoire et vous ne voulez pas de mon amendement : soit !
Monsieur Yung, l'assemblée nouvelle ne va pas délibérer, elle va simplement donner un avis. Ce n'est pas elle qui prendra la décision, elle ne fera que donner sa position sur la question. Demander aux élus ce qu'ils pensent…
M. Richard Yung. De leurs indemnités ?
M. Robert del Picchia. Ils ne décideront pas, mais ils peuvent tout de même donner leur avis ! N'importe qui pourra prendre la parole sur la question des indemnités et dire ce qu'il en pense, y compris ici.
Cet amendement ne sera pas adopté, tant pis ! Il est très dommage de ne pas mettre les futurs élus devant leurs responsabilités. Comme l’indiquait Christian Cointat, cette disposition va dans le bon sens : au lieu de rester contemplatifs, les élus sont amenés à donner leur position sur des sujets qui s’y prêtent.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. J’aimerais que nous réussissions à rétablir un climat de confiance.
M. Robert del Picchia. Précisément !
Mme Catherine Tasca. En ce qui concerne ce décret en Conseil d'État, qui peut imaginer qu'un gouvernement ne fera pas précéder la mise en forme et la rédaction de son décret d'une consultation des intéressés, au premier rang desquels figurent tous les représentants des Français de l'étranger ? C'est une bien étrange vision du travail gouvernemental… (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. le rapporteur l’a rappelé, le projet de loi donne aux conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger la faculté d'attraire tous les sujets qui les préoccupent pour formuler des suggestions et des propositions. Sur les questions relevant du domaine réglementaire, il est à mes yeux évident que le Gouvernement procédera à des consultations. On n'a jamais vu – en tout cas, je l'espère ! – un décret sortir du néant,…
M. Robert del Picchia. Mais si !
Mme Catherine Tasca. … particulièrement lorsqu’il s’agit d'une réforme aussi importante pour nous.
Chers collègues de l'opposition, je ne sais pas comment nous pourrions vous rassurer. En tout cas, ne voyez aucune intention maligne derrière tout cela ! Il s’agit simplement de faire respecter les domaines respectifs de la loi et du règlement.
M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.
M. Christophe-André Frassa. Madame Tasca, si nous sommes prudents, et même méfiants, c'est parce que, quelle que fût la couleur des gouvernements successifs, nous n’avons jamais été consultés !
Mme Catherine Tasca. Il y a eu le changement !
M. Robert del Picchia. Sans doute…
M. Christophe-André Frassa. Ce n'est que lorsqu’on a fait figurer dans les textes réglementaires qu'il fallait recueillir l’avis de l'Assemblée des Français de l'étranger que les gouvernements nous ont saisis.
Si je comprends bien, madame la ministre, nous légiférons pour que cela dure. Il ne s’agit pas uniquement d’adopter des mesures qui doivent entrer immédiatement en vigueur. J'imagine qu’à l’occasion de ce décret en Conseil d'État le Gouvernement reverra sa position quant au montant des indemnités et des dédommagements. Il est donc nécessaire de prévoir que l'Assemblée des Français de l'étranger soit saisie pour avis à chaque fois que cette question sera abordée.
Nous sommes en train de perdre beaucoup de temps sur cette question qui, somme toute, « ne mange pas de pain ». Tout cela irait bien mieux en l’écrivant qu'en le disant !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, vous n'avez pas oublié le slogan : « Le changement, c'est maintenant ». La consultation que nous avons menée depuis six mois va se poursuivre, comme Mme Tasca en a émis le souhait.
L'article 22 précise que l'Assemblée des Français de l'étranger peut adopter des avis. Ils sont souhaités, seront entendus et, je l'espère, nombreux.
M. le président. L'amendement n° 83, présenté par M. Leconte, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
les remboursements
par les mots :
des remboursements
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Il s'agit d'un simple amendement de précision.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. Favorable.
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Cointat, Frassa, Cantegrit, del Picchia et Ferrand et Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Les conditions dans lesquelles ils peuvent bénéficier, dans le cadre de leur mandat, des formations offertes aux agents du ministère des affaires étrangères ;
L'amendement n° 101, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
... ° Les conditions dans lesquelles ils exercent leur droit à la formation dans le cadre de leurs fonctions ;
La parole est à M. Christian Cointat, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié.
M. Christian Cointat. Je souhaite retirer mon amendement au bénéfice de celui du Gouvernement, si celui-ci accepte de le rectifier pour remplacer « leurs fonctions » par « leur mandat ». En effet, les élus n'ont pas de fonctions, ils exercent un mandat, madame la ministre.
J'avais dû corriger mon amendement pour respecter les dispositions de l'article 40 de la Constitution, la commission des finances ayant rejeté le droit à la formation en tant que créateur d'une charge éventuelle. Comme le Gouvernement peut, lui, se permettre d’ajouter une telle charge, je préfère son amendement au mien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée, pour présenter l’amendement n° 101.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. Le droit à la formation réintroduit dans le projet de loi par la commission des lois mérite de ne pas être réservé aux seuls conseillers siégeant à l’Assemblée des Français de l’étranger. Cet amendement vise donc à accorder un droit à la formation à l’ensemble des conseillers consulaires.
Par ailleurs, le Gouvernement rectifie son amendement dans le sens suggéré à l’instant par M. Cointat.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 101 rectifié, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
... ° Les conditions dans lesquelles ils exercent leur droit à la formation dans le cadre de leur mandat ;
M. Christian Cointat. Dans ces conditions, je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 101 rectifié ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement, dans sa rédaction actuelle, mais, pour rester cohérent avec les dispositions du texte relatives aux conseillers consulaires et aux conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger, il faudra, par coordination, modifier une autre disposition figurant plus loin dans le texte.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote sur l'amendement n° 101 rectifié.
M. Richard Yung. C’est très volontiers que je voterai cet amendement, d’autant que, avec ma collègue Kalliopi Ango Ela, nous avions présenté un amendement qui allait dans le même sens, mais qui a été frappé « en plein vol » par l’article 40 de la Constitution.
M. Robert del Picchia. Vous êtes pourtant membre de la commission des finances !
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par MM. Cointat, Frassa, Cantegrit, del Picchia, Duvernois et Ferrand et Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Les prérogatives dont ils disposent dans leur circonscription électorale ;
La parole est à M. Christophe-André Frassa.
M. Christophe-André Frassa. Cet amendement tend tout simplement à reprendre les termes de l’article 1er bis de la loi de 1982, qui sera abrogée lors des prochaines élections.
Cet article prévoyait explicitement l’existence de prérogatives pour les élus dans leur circonscription. À notre sens, l’absence d’une telle disposition à l’article 19 du présent texte constituerait une régression par rapport à l’état actuel du droit en la matière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Cette précision permet de fonder l’existence de prérogatives des conseillers consulaires sans contraindre excessivement le pouvoir réglementaire.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement et vous invite, mes chers collègues, à le voter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. Monsieur Frassa, vous faites référence à l’article 1er bis de la loi de 1982.
L’objet de votre amendement nous paraît d'ores et déjà satisfait par le décret annoncé à l’article 19 et l’énumération des matières qu’il contient.
Cela étant, nous nous en remettons à la sagesse du Sénat.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l'article 19, modifié.
(L'article 19 est adopté.)
M. le président. Je constate que cet article a été adopté à l’unanimité des présents.
Chapitre II
L’Assemblée des Français de l’étranger
Articles additionnels avant l’article 20 A
M. le président. L'amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Cointat, Frassa, Cantegrit, del Picchia, Duvernois et Ferrand et Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann, est ainsi libellé :
Avant l’article 20 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première réunion de l’Assemblée des Français de l’étranger après un renouvellement général se tient dans les trois mois qui suivent la date du scrutin.
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Pour défendre cet amendement, je reprendrai l’argumentation développée tout à l'heure à propos des conseils consulaires : puisqu’il y a une élection au suffrage universel direct, il faut bien évidemment qu’il y ait une réunion de l’assemblée ainsi élue.
Cette fois, après un long débat en commission des lois – débat, du reste, très intéressant –, nous sommes arrivés à un consensus sur une période relativement longue, pour donner la souplesse nécessaire, mais tout de même raisonnable, afin de ne pas donner l’impression que l’assemblée a été élue pour rien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. L’amendement a été rectifié, à la demande de la commission, de manière à prévoir un délai suffisant pour organiser la réunion constitutive de l’Assemblée des Français de l’étranger, à savoir dans les trois mois de l’élection et non entre le troisième et le quatrième lundi suivant l’élection.
Sur le fond, et par cohérence avec l’avis favorable que la commission a émis sur l’amendement portant sur la première réunion des conseils consulaires, il n’est pas sans intérêt de prévoir cette réunion constitutive de l’instance élue au suffrage universel direct qu’est l’Assemblée des Français de l’étranger, réunion au cours de laquelle elle doit élire son président ainsi que son bureau et adopter son règlement intérieur.
Toutefois, l’avis favorable de la commission est subordonné à l’adoption, à l’article 37, d’une mesure transitoire relative à la première réunion. En effet, un délai de trois mois à partir de mai ou de juin, comme le prévoient les dispositions transitoires de l’article 37, obligerait à réunir l’AFE en septembre, ce qui pourrait poser problème, puisque la réunion interviendrait alors avant le débat budgétaire.
Sous réserve de cette modification, la commission est favorable à l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. L’avis du Gouvernement est favorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Je suis tout à fait favorable à cet amendement, d’autant plus qu’à titre personnel son adoption ne me posera pas de problème puisque, à l’instar de mes collègues parlementaires représentant les Français établis hors de France, je ne pourrai pas participer à la réunion constitutive de l’AFE !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Sans vouloir allonger ces intéressants débats, je tiens à dire à M. Cointat que son amendement me paraît souligner l’excellence du travail de la commission.
En effet, la commission a travaillé sur la base de son amendement initial, lequel visait à ce que la première réunion de l’AFE se tienne « au plus tôt le troisième lundi et au plus tard le quatrième lundi suivant la date du scrutin ».
Cet amendement était fondé sur un présupposé excellent, à savoir qu’il fallait bien prévoir qu’une assemblée élue au suffrage universel se réunisse dans un délai qui ne soit pas anormalement long. Après un débat fécond, et compte tenu de la difficulté de réunir une assemblée composée de personnes venant du monde entier, il nous est apparu raisonnable que l’Assemblée se réunisse dans les trois mois suivant son élection. Nous avons également tenu compte de la période estivale.
Par le dialogue, nous avons donc pu trouver une très bonne synthèse. J’ai vu que Mme la ministre y avait elle-même été sensible, et je l’en remercie.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 20 A.
Je constate en outre que l’amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Article 20 A (nouveau)
Lors de la première réunion suivant son renouvellement, l’Assemblée des Français de l’étranger élit en son sein son président et son bureau. – (Adopté.)
Article 20 B (nouveau)
Lors de la première réunion suivant son renouvellement, l’Assemblée des Français de l’étranger établit son règlement intérieur.
Dans le cadre déterminé par un décret en Conseil d’État, le règlement intérieur fixe les règles d’organisation et de fonctionnement de l’Assemblée des Français de l’étranger, en particulier les conditions dans lesquelles le bureau exerce les attributions de l’Assemblée des Français de l’étranger dans l’intervalle des sessions.
M. le président. L'amendement n° 57, présenté par M. del Picchia, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
Dans le cadre déterminé par un décret en Conseil d’État
insérer les mots :
pris après avis de l’Assemblée des Français de l’étranger
La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Le président de la commission des lois parlait à l’instant de dialogue fécond.
Mes chers collègues, avec cet amendement, je vous donne l’occasion d’engager un nouveau dialogue, si du moins cela vous semble nécessaire, car nous retrouvons ici un amendement dont nous avons déjà débattu s’agissant des conseillers consulaires : il s’agit de prévoir que le décret en Conseil d’État cette fois relatif au règlement intérieur de l’Assemblée des Français de l’étranger est pris après avis de cette dernière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Il sera difficile à la future AFE de rendre un avis sur le projet de décret qui fixera le cadre dans lequel elle pourra définir son premier règlement intérieur. On buterait là sur un problème de chronologie !
Comme il faut bien commencer par quelque chose, la commission a considéré qu’il fallait retenir l’ordre suivant : d'abord le décret en Conseil d’État, puis l’établissement par l’AFE de son règlement intérieur. Dans un troisième temps, l’AFE pourra éventuellement se saisir du décret.
Par conséquent, la commission demande le retrait de l’amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est le bon sens !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. L’avis du Gouvernement n’a pas changé : il demeure défavorable.
M. le président. Monsieur del Picchia, l'amendement n° 57 est-il maintenu ?
M. Robert del Picchia. Oui, monsieur le président.
Je rappelle à M. le rapporteur qu’il s’agit d’une disposition qui serait prise non pas pour l’assemblée concernée par la prochaine élection, mais pour l’avenir !
Comme mes collègues l’ont très bien dit tout à l'heure, il s'agit d’une décision permanente.
M. le président. L'amendement n° 84, présenté par M. Leconte, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le règlement intérieur peut être déféré au tribunal administratif de Paris.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Cet amendement ne vise qu’à préciser que le tribunal administratif auquel pourrait être déféré le règlement intérieur est celui de Paris.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. Favorable.
M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.
M. Christophe-André Frassa. Je comprends très bien l’amendement de M. Leconte et je le voterai. Je m’y suis d'ailleurs déjà déclaré favorable en commission
Cela étant, j’aurai besoin d’une explication parce que j’ai découvert dans le texte quelque chose qui m’avait échappé – nous avons pourtant passé un peu de temps sur le sujet…
J’ai ainsi constaté que, aux termes du premier alinéa de l’article 20 B, « lors de la première réunion suivant son renouvellement, l’Assemblée des Français de l’étranger établit son règlement intérieur ».
A-t-elle besoin de changer son règlement intérieur tous les six ans ? Rien ne l’y oblige ; elle peut le changer au cours du mandat !
J’avoue que je m’interroge quelque peu sur la pertinence de cet alinéa.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous sommes dans l’analogie avec le code général des collectivités territoriales : après une réélection, toutes les communes doivent adopter leur règlement intérieur !
Du reste, elles peuvent tout à fait adopter sans changement le règlement précédent.
M. Christophe-André Frassa. Merci de cet éclairage, monsieur le président de la commission !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Elles ne sont donc pas obligées de voter un nouveau règlement.
Cela étant, il est sage qu’une assemblée nouvellement élue se penche sur la question de son règlement intérieur…
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l'article 20 B, modifié.
(L'article 20 B est adopté.)
M. le président. Je constate que cet article a été adopté à l’unanimité des présents.
Article 20 C (nouveau)
L’Assemblée des Français de l’étranger se réunit à l’initiative conjointe du ministre des affaires étrangères et de son président.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par MM. Cointat, Frassa, Cantegrit, del Picchia et Ferrand et Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Elle siège au moins deux fois par an.
La parole est à M. Christophe-André Frassa.
M. Christophe-André Frassa. Avec cet amendement, nous revenons sur un débat qui dure maintenant depuis un certain temps : il vise à ce que l’AFE siège au moins deux fois par an.
Nous avions obtenu qu’il y ait deux sessions annuelles de l’Assemblée des Français de l’étranger ; nous avions modifié les textes en conséquence.
Nous souhaitons qu’il en aille de même pour la nouvelle assemblée et, surtout, que cela figure dans la loi, puisqu’elle sera désormais dotée de nouvelles prérogatives et se réunira à l’initiative du ministre des affaires étrangères et de son président, lequel sera élu par ses membres.
Il me semble qu’il conviendrait de prévoir également le rythme de ses réunions dans le corps de cet article, d’autant que les articles suivants impliquent la tenue de deux réunions : l’article 20 prévoit une réunion sur le rapport du Gouvernement relatif aux politiques publiques conduites à l’égard des Français de l’étranger sur plusieurs thèmes, tandis que l’article 21 prévoit une information du Gouvernement sur les dispositions de la loi de finances concernant les Français de l’étranger. Les deux sessions implicitement prévues par ces articles me semblent distinctes.
Pour ma part, je suis d’avis que ce qui va sans dire va encore mieux en le disant et que l’article 20 C pourrait être heureusement complété par un alinéa aux termes duquel l’AFE siège au moins deux fois par an.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. La commission a longuement débattu de ce point.
Compte tenu de l’importance de la question au regard du sens que l’on souhaite donner à l’Assemblée des Français de l’étranger, et bien qu’ayant commencé par observer qu’une telle disposition relevait du domaine réglementaire, la commission s’est déclarée favorable à l’amendement, sous réserve toutefois que la rédaction soit rectifiée, de manière que cette assemblée « se réunisse » – plutôt qu’elle ne « siège » au moins deux fois par an.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est mieux !
M. Christophe-André Frassa. Exact ! Je rectifie en ce sens mon amendement, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi de l’amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Cointat, Frassa, Cantegrit, del Picchia et Ferrand et Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann, et ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Elle se réunit au moins deux fois par an.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. Cet amendement relève du domaine réglementaire.
Toutefois, nous nous en remettons à la sagesse du Sénat.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l'article 20 C, modifié.
(L'article 20 C est adopté.)
M. le président. Je constate que cet article a été adopté à l’unanimité des présents.
Articles additionnels après l’article 20 C
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Cointat, Frassa, Cantegrit, Duvernois et Ferrand et Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann, est ainsi libellé :
Après l’article 20 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les députés élus par les Français établis hors de France et les sénateurs représentant les Français établis hors de France participent aux travaux de l’Assemblée des Français de l’étranger. Ils ont voix consultative.
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Ceux qui siègent dans cet hémicycle sans être membre de l’Assemblée des Français de l'étranger se rendent bien compte que la situation des Français établis hors de France est un peu différente de celle que l’on rencontre dans les départements métropolitains ou même d’outre-mer.
Compte tenu de l’immensité de notre circonscription - le monde entier, rien de moins ! -, il importe que les élus de toute nature puissent se rencontrer pour échanger leurs idées et leurs points de vue, leurs connaissances et leurs souhaits.
C’est pourquoi l’Assemblée des Français de l'étranger est d’une composition un peu particulière : elle comprend des élus au suffrage universel, un président, qui est actuellement le ministre des affaires étrangères, des membres de droit que sont les parlementaires et des personnalités qualifiées.
On s’est rendu compte que la notion d’instance représentative était difficilement compatible avec cet ensemble et qu’il fallait instaurer un président élu – le projet de loi le prévoit, et l’on s’en félicite – et des conseillers ayant seuls voix délibérative, tout en supprimant les personnalités qualifiées qui, déjà, n’ont plus voix délibérative.
Un problème demeure pour les parlementaires. Le projet de loi ne prévoit pas de maintenir leur présence au sein de l’AFE et le texte de la commission ne le prévoit pas non plus. Or il semble extrêmement important, dans l’intérêt de tous, que la pratique des contacts avec les parlementaires continue, et ce de manière institutionnelle.
D’où cet amendement, qui tend à permettre aux parlementaires de rester membres de droit de cette assemblée, mais avec voix consultative,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est la confusion !
M. Christian Cointat. … pour bien montrer que seuls les élus au suffrage universel direct peuvent délibérer – pour autant évidemment qu’on leur demande leur avis et qu’ils puissent s’exprimer…
M. le président. Le sous-amendement n° 34, présenté par M. del Picchia, est ainsi libellé :
Amendement n° 7 rectifié, alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Toutefois, s’ils sont également élus conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger, ils ont voix délibérative ès qualités.
La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Je retire le sous-amendement monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 34 est retiré.
L'amendement n° 72 rectifié, présenté par Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Après l’article 20 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les députés élus par les Français établis hors de France et les sénateurs représentant les Français établis hors de France sont membres de l’Assemblée des Français de l’étranger, sans voix délibérative.
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je propose une rédaction alternative par rapport à celle de l’amendement n° 7 rectifié de M. Christian Cointat, dont je suis également cosignataire, puisque nos deux amendements tendent à préciser dans la loi que les parlementaires représentant les Français de l’étranger sont associés aux travaux de l’AFE.
Ce lien étroit est en effet essentiel, tant pour les parlementaires, qui nourrissent leur réflexion de l’expérience des conseillers à l’Assemblée des Français de l'étranger, que pour cette assemblée elle-même, qui dispose, par la voix de ces députés et de ces sénateurs, d’un relais privilégié auprès du Parlement.
Une simple invitation, prévue par le règlement intérieur ou décidée de façon ad hoc, n’aura pas la même valeur et risque de créer des différences de traitement entre parlementaires, ce qui me paraîtrait inacceptable.
Conformément à la volonté déclarée de l’Assemblée des Français de l'étranger elle-même, nos deux amendements précisent que la participation à ses travaux des parlementaires représentant les Français établis hors de France ne s’accompagne pas d’un droit de vote. M. Christian Cointat utilise l’expression « avec voix consultative » ; j’avais, pour ma part, retenu la formulation « sans voix délibérative »,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est la même chose !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. … qui me semblait plus claire et avait été retenue par l’AFE dans un avis voté à l’unanimité en septembre 2012.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Les élus de l’Assemblée des Français de l'étranger ont vocation à exercer leur mandat au sein de cette assemblée. La participation de membres invités relève du règlement intérieur.
J’ai siégé très longtemps à l’Assemblée des Français de l'étranger et j’espère que je pourrai continuer à participer aux travaux de la nouvelle AFE. Mais il me semble qu’elle doit être libre d’inviter les parlementaires. Même une toute modeste invitation devrait suffire pour que nous puissions participer aux travaux de cette assemblée…
En revanche, au niveau législatif, il me semble important de définir cette assemblée comme étant uniquement constituée d’élus.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. Le rapporteur vient d’exprimer ce qui est aussi la position du Gouvernement. Il reviendra en effet à la nouvelle AFE de définir ce type de modalités dans le cadre de son règlement intérieur.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je tiens à intervenir, car ces amendements débouchent sur une véritable confusion des pouvoirs.
On instaure une assemblée des Français de l'étranger élue au suffrage universel. Comme toutes les assemblées élues dans notre République, elle fonctionne dans le cadre de ses prérogatives avec ses membres, qui sont élus.
Ce point est important car, si l’on raisonne par analogie, on pourrait imaginer, dans un conseil départemental, d’inviter les parlementaires du département pour s’y exprimer avec voix consultative ou, de même, dans un conseil régional, d’inviter les députés et les sénateurs de la région pour s’y exprimer à titre consultatif…
Chaque assemblée doit s’exprimer de façon autonome. C’est ainsi que députés et sénateurs sont élus pour s’exprimer à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Sans quoi l’on assisterait à une véritable confusion des genres. Imaginez une telle assemblée dont certains membres sont élus au suffrage universel et d’autres non : pour chaque vote, on demande quels membres s’expriment avec voix délibérative et quels membres s’expriment avec voix consultative, ces derniers pouvant évidemment influencer le vote définitif par leur propos et leur vote indicatif…
Je suis tout à fait opposé à ce mode de fonctionnement, qui m’apparaît contraire à nos principes, et il me semble très important de souligner que, si cette assemblée souhaite auditionner les sénateurs et les députés, elle a tout le loisir de le faire ; mais, quand elle vote, ce sont ses membres qui votent.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Je pense que vous devinez la tonalité de mon propos puisque, toute à l’heure, j’ai dit avec une certaine force à quel point j’étais choqué que députés et sénateurs ne puissent, même sans voix délibérative, être membres de l’Assemblée des Français de l'étranger.
Je l’ai fait spontanément et avec cœur car, étant le plus ancien des sénateurs des Français de l’étranger et siégeant à l’Assemblée des Français de l'étranger depuis 1975, je n’ai jamais connu une AFE – et elle a vu beaucoup d’évolutions, y compris celle de 1982, dont nous avons parlé toute à l’heure – où ne siègent pas les sénateurs représentant les Français établis hors de France.
Je viens d’entendre vos propos, monsieur le président de la commission des lois, et je les respecte. Mais vous avez comparé ce qui n’est au demeurant qu’une simple assemblée consultative, sans pouvoir délibératif, à des assemblées délibératives métropolitaines. Permettez-moi, monsieur Sueur, de souligner cette différence avec les assemblées dont vous parlez, qui votent souvent leur budget et prennent leurs décisions, ce qui n’est pas le cas de l’AFE : nous y sommes simplement consultés et nos avis n’engagent pas le Gouvernement, qui nous suit ou non.
Il ne me semble donc pas du tout choquant que députés et sénateurs siègent à cette assemblée, deux fois par an, puisque c’est ce qui a été décidé toute à l’heure. Chaque réunion est un moment de rencontre avec des personnes qui arrivent du monde entier. Même si les parlementaires voyagent, ce n’est pas la même chose que de les rencontrer deux fois par an, habituellement une semaine entière, pour dialoguer avec eux.
Je vais vous donner un exemple. Je préside la Caisse de sécurité sociale des Français de l’étranger et je siège à la Commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger.
Pendant les quelques journées où se réunit l’AFE et à l’occasion de ses délibérations, on m’interroge sur le fonctionnement et les perspectives de la Caisse de sécurité sociale des Français de l’étranger. Bien entendu, si je ne participe plus aux travaux de l’AFE, je ne pourrai plus le faire. Or j’ai entendu quelques-uns de ses membres dire qu’ils n’avaient pas assez d’informations sur un certain nombre d’organismes comme celui que je viens de citer et qu’ils avaient besoin de compléments.
À mon sens, comme je l’ai dit toute à l’heure, il serait tout à fait invraisemblable que les parlementaires ne puissent pas participer ès qualités aux travaux de l’Assemblée des Français de l'étranger, bien entendu sans voix délibérative, afin de conserver ce contact avec ceux qui les ont élus, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.
Je pense que tous les membres de l’AFE partageront mon point de vue.
M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.
M. Christophe-André Frassa. J’entends parfaitement les arguments du président Sueur sur les instances délibératives, mais, comme l’a très bien rappelé M. Jean-Pierre Cantegrit, l’Assemblée des Français de l'étranger n’est pas une assemblée qui délibère, c’est une assemblée qui est consultée.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est elle qui est, seule, consultée !
M. Christophe-André Frassa. Le seul lieu d’échange possible entre la centaine d’élus de la future AFE et les vingt-trois parlementaires, députés et sénateurs, qui représentent les Français établis hors de France, c’est l’Assemblée des Français de l'étranger elle-même. (M. le président de la commission s’exclame.)
Qui donc va porter dans une instance délibérative, et délibérante, la voix de ces élus des Français de l’étranger, si ce ne sont pas les parlementaires associés aux débats ?
Franchement, on ne demande pas la lune ! Il ne s’agit pas d’un conseil municipal où un député serait appelé à siéger, c’est une simple assemblée consultative – on nous le répète suffisamment ! C’est ma dix-neuvième année de mandat au sein de cette assemblée et je n’ai pas assisté à une seule réunion sans qu’on me rappelle que mon pouvoir n’était que consultatif, et non délibératif.
Associer les députés et les sénateurs permet au contraire, à mon sens, de donner aux membres de l’AFE un meilleur porte-voix et de garantir de meilleurs échanges. Le risque que nous prenons en interdisant aux parlementaires d’être membres de cette assemblée, c’est qu’à l’exception des sénateurs, qui ont un intérêt direct à participer aux travaux et qui viendront si on les invite, on ne verra pas beaucoup de députés aux réunions de l’Assemblée des Français de l'étranger, faute d’un lien que je qualifierai d’obligatoire. Je suis certain que si la loi ne le prévoit pas, ils n’iront jamais !
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je rejoins ce qui a été dit par mes collègues Jean-Pierre Cantegrit et Christophe-André Frassa.
Monsieur le président de la commission des lois, je comprends votre position, car votre raisonnement est bien sûr inspiré par ce que vous vivez au quotidien en France, aux termes des textes qui régissent les organisations et institutions locales : conseils régionaux, conseils généraux et autres. Mais nous avons vraiment une spécificité. L’Assemblée des Français de l'étranger, comme il a été dit, ne se réunira que deux fois par an, au maximum.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Au moins !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. C’est peut-être « au moins » dans le texte, mais nous ne nous faisons guère d’illusions, sur ces travées...
Quoi qu’il en soit, les membres de l’AFE ont besoin de travailler vite. Comment voulez-vous qu’en une semaine ils traitent les dossiers qui leur échoient sans cette interaction, sans contact avec des parlementaires qui ont l’expérience requise parce qu’ils vont aux quatre coins du monde et sont très au courant de toutes les réalités et spécificités de la présence française à l’étranger, où les problèmes sont totalement différents de ceux qui peuvent être rencontrés en France ?
Autant je suis moi-même opposée – nous y reviendrons – à l’idée que les parlementaires puissent se présenter comme conseillers consulaires, autant il me paraît indispensable que ces parlementaires puissent siéger dans cette assemblée, encore une fois, sans voix délibérative.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Cher président, cher Jean-Pierre Sueur, vous m’avez fait rêver un instant ! (Sourires.) J’ai passé un moment délicieux en vous écoutant, car j’avais l’impression que nous avions enfin obtenu ce que nous voulions, à savoir des instances représentatives comme les autres, des assemblées qui puissent faire en sorte que les Français de l’étranger soient des Français comme les autres, des Français normaux, des Français traités par la Constitution comme les autres, dans une France organisée de manière décentralisée et non pas totalement soumise à la décision de l’exécutif voire, la plupart du temps, des fonctionnaires, si éminents soient-ils !
Voilà ce que j’ai cru un instant ! Car vous avez raison…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Eh bien voilà !
M. Christian Cointat. … en théorie, mais pas en pratique, et c’est là le drame !
Je vais vous faire un aveu : pour ma part, je ne demande pas mieux que les parlementaires ne siègent pas à l’Assemblée des Français de l’étranger, car cela représente une lourde tâche ! S’ils sont capables de se débrouiller seuls, tant mieux ! Mais, pour cela, ils doivent détenir quelques responsabilités, quelques pouvoirs. Les conseillers de l’AFE vont déjà perdre leur président de droit et devront élire le leur ; c’est un pas en avant considérable.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très important !
M. Christian Cointat. Et vous voudriez leur retirer d’un seul coup l’aide des parlementaires ? Mais pourquoi pas, après tout ? De toute manière, ce sont eux qui décident.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ils s’en remettront !
M. Christian Cointat. Je vous le dis, vous faites une erreur : ce n’est pas encore mûr. Nous devons travailler tous ensemble. Comme nous nous en doutions, la greffe des députés a un peu de mal à prendre. C’est normal, cela va venir, mais il faut créer les conditions de l’émulation, de la compréhension, du partage, des échanges nécessaires, et nous n’y sommes pas encore parvenus !
Vous avez tout à fait raison, monsieur Sueur, et si je suis tout à fait prêt à ne plus siéger à l’AFE, ses membres ne sont peut-être pas encore prêts, eux, à nous voir partir.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Tout le monde n’est pas aussi progressiste que M. Cointat !
M. Christian Cointat. Il serait tout de même préférable que l’on nous oblige encore un peu à nous occuper de cette assemblée !
M. le président. La parole est à M. André Ferrand, pour explication de vote.
M. André Ferrand. Je n’ai pas d’argument à ajouter à ceux que mes collègues viennent de développer, avec beaucoup de conviction et de talent. Je veux simplement témoigner à mon tour ma conviction, cher président, cher Jean-Pierre Sueur : il est indispensable que les parlementaires participent aux travaux de l’Assemblée des Français de l’étranger. Ce serait véritablement une faute de ne pas le décider !
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Beaucoup d’entre vous ont indiqué partager la position du président Sueur, mais pas sa conclusion. Dans vos raisonnements, vous avez laissé de côté, me semble-t-il, l’un des objectifs de cette réforme, qui est de répondre à la demande exprimée maintes et maintes fois par l’Assemblée des Français de l’étranger de n’être composée que de ses propres élus,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !
M. Richard Yung. … donc sans parlementaires extérieurs ni membres désignés. C’est, je crois, le cœur du sujet.
Cela étant, j’en conviens, la présence des députés et des sénateurs peut être utile. Nous pouvons sans doute trouver une voie moyenne afin que les parlementaires puissent être présents sans pour autant être membres de l’AFE. Nous pourrions, par exemple, prévoir la possibilité pour l’AFE ou son bureau d’inviter les parlementaires à participer à ses travaux. Après tout, puisque l’AFE devient une assemblée pleinement souveraine, laissons-la décider si elle souhaite nous voir ou pas !
Je pense que nous pouvons travailler dans cette direction.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Kammermann, pour explication de vote.
Mme Christiane Kammermann. Je suis totalement d’accord avec mes collègues. Nous travaillons toute l’année avec les conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger et vous voudriez, madame la ministre, les priver de notre présence à leurs côtés ? Ce n’est pas possible !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. La discussion générale a fait ressortir de grandes ambitions pour l’Assemblée des Français de l’étranger. Désormais souveraine, exclusivement constituée de quatre-vingt-deux conseillers élus au suffrage universel, elle élira pour la première fois son président. C’est une avancée.
Compte tenu des ambitions affichées, et dans le respect de l’autonomie de cette assemblée, il serait inopportun de continuer à raisonner selon les schémas anciens.
Oui, on peut nourrir de grandes ambitions pour l’Assemblée des Français de l’étranger, mais, pour cela, il faudrait raisonner par l’exemple, c'est-à-dire accepter les évolutions. Les parlementaires, même s’ils sont élus par les Français de l’étranger, représentent l’ensemble de la nation, et nous ne saurions inscrire dans la loi qu’ils occupent une place exclusive au sein de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Je serais tout à fait heureux que les parlementaires représentant les Français établis hors de France soient invités, parce que nous avons effectivement matière à échanger sur maints sujets avec l’Assemblée des Français de l’étranger, mais, en tant que représentants de la nation tout entière et dans le respect total de la souveraineté de cette nouvelle assemblée.
Je ne vois pas comment nous pouvons accepter cet amendement et favoriser la consolidation d’une assemblée souveraine, qui trace sa voie de représentante de proximité des Français de l’étranger.
Pour toutes ces raisons, je le répète, l’avis de la commission est défavorable. (M. le président de la commission applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. Je serais tenté de revenir à l’avis de l’Assemblée des Français de l’étranger dans cette affaire. À cet égard, je rejoins en partie la position de notre collègue Yung. N’oublions pas que c’est l’Assemblée des Français de l’étranger qui est à l’initiative de ces amendements, et non le Sénat, mes collègues ne pourront pas me démentir.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Les avis sont partagés en la matière.
M. Robert del Picchia. Demandons donc à l’Assemblée des Français de l’étranger si elle le souhaite ou pas !
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Ce sera l’objet du règlement intérieur.
M. le président. L'amendement n° 8 rectifié bis, présenté par MM. Cointat, Frassa, Cantegrit, Duvernois et Ferrand et Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann, est ainsi libellé :
Après l’article 20 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les conditions prévues par son règlement intérieur, l’Assemblée des Français de l’étranger peut faire appel à un comité d’experts constitué avec le concours bénévole des associations représentatives au niveau national des Français établis hors de France.
La parole est à M. Christophe-André Frassa.
M. Christophe-André Frassa. Cet amendement tend à faire en sorte que l’Assemblée des Français de l’étranger, conformément à son règlement intérieur, puisse faire appel à un comité d’experts constitué avec le concours bénévole des associations représentatives des Français établis hors de France au niveau national.
Le texte prévoit déjà que les associations représentatives des Français de l’étranger reconnues au niveau national peuvent participer au processus électoral, aux côtés des partis et des groupements politiques. Nous formulons cette proposition par parallélisme des formes, parce que nous savons tous ce que doit la représentation politique des Français de l’étranger aux deux grandes associations que sont l’Union des Français de l’étranger et l’Association démocratique des Français à l’étranger, ainsi que l’expertise qu’elles apportent aux travaux de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Cet amendement prévoit donc que ces associations, pour tenir compte du rôle qu’elles ont joué depuis l’origine dans la création des instances représentatives des Français de l’étranger, pourront prendre part au comité d’experts que prévoira le règlement intérieur. Nous souhaitons que cette précision figure dans la loi, afin de nous assurer qu’elle ne sera pas oubliée en route…
M. le président. Le sous-amendement n° 35, présenté par M. del Picchia, est ainsi libellé :
Amendement n° 8 rectifié, alinéa 3
Remplacer les mots :
un comité d'experts constitué
par les mots :
des experts choisis
La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Je soutiens l’amendement n° 8 rectifié bis, qui ressemble beaucoup à celui que j’avais proposé moi-même en commission. La notion de « comité d’experts » me gêne cependant, dans la mesure où elle fait référence à une unité formée, fixe.
Il me paraît préférable de pouvoir faire appel à des experts, tout simplement, sans préciser lesquels. Ceux-ci peuvent très bien changer selon les domaines, qu’il s’agisse de l’enseignement, de l’économie etc. Les chambres de commerce, par exemple, et bien d’autres associations, assurent également des missions d’intérêt général.
Tel est l’objet de ce sous-amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Malgré tout le respect que nous devons à l’Union des Français de l’étranger, à l’Association démocratique des Français à l’étranger ou Français du Monde, ou encore à la Fédération nationale des anciens combattants résidant hors de France, la FACS, je ne vois pas pourquoi la loi encadrerait la liberté de la nouvelle assemblée de décider dans son règlement intérieur qui elle considère devoir inviter pour éclairer ses travaux ou y participer.
Par conséquent, compte tenu des arguments précédemment invoqués, notamment par les intervenants opposés à l’amendement précédent, la commission est défavorable au sous-amendement n° 35 comme à l'amendement n° 8 rectifié bis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. Ainsi que les auteurs de l’amendement le précisent, il s’agit d’une disposition réglementaire.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur l’amendement et sur le sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote sur l'amendement n° 8 rectifié bis.
M. Christian Cointat. Je comprends la position du rapporteur. Cette disposition relève effectivement du domaine réglementaire plutôt que du domaine législatif, reconnaissons-le, mais il faut savoir parfois faire un geste et je regrette qu’il ne soit pas fait ici. Après tout, nous, nous serons populaires auprès de l’ADFE ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour explication de vote.
Mme Claudine Lepage. Par analogie avec l’amendement précédent, ce sera en effet à l’Assemblée des Français de l’étranger de décider à quels experts elle souhaite s’adresser.
8
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 19 mars 2013, à quatorze heures trente et le soir :
- Suite du projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France (Procédure accélérée) (n° 376, 2012 2013) ;
Rapport de M. Jean-Yves Leconte, fait au nom de la commission des lois (n° 424, 2012 2013) ;
Texte de la commission (n° 426 rectifié, 2012-2013).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART