M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d’emblée aborder la question du découpage départemental, qui est en fait la conséquence de la loi créant feu le conseiller territorial.
Pour élire la nouvelle assemblée départementale, ce n’est pas seulement le mode électoral qui est en cause, c’est aussi l’obligation de découpage.
Car nous sommes obligés, vous êtes obligé, monsieur le ministre, de procéder à un redécoupage, monsieur le ministre, sauf si le scrutin proportionnel départemental était instauré, position que certains ont défendue ici. Or, et je tiens à le dire haut et fort, je suis farouchement, oui, farouchement contre la proportionnelle à l’échelon départemental, car ce mode de scrutin est contraire à l’ancrage territorial, qui est l’un de nos objectifs.
Le département que j’ai l’honneur de représenter ressemble à beaucoup d’autres. Il est constitué d’une grande vallée, la vallée de la Durance, qui regroupe 60 % de la population, tout le reste étant un arrière-pays, en quelque sorte. Si la proportionnelle y était instaurée, il est évident – ce sera vrai également pour d’autres départements – que les candidats en tête de liste viendront de la partie la plus peuplée du département. Cela signifie qu’une grande partie du territoire de mon département ne serait pas représentée au sein de la nouvelle assemblée départementale.
Je suis un partisan de la proportionnelle pour d’autres scrutins, mais, à cet échelon, je le répète, j’y suis farouchement opposé. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)
J’en viens maintenant au sujet qui nous préoccupe. J’ai compris comme vous tous, mes chers collègues, qu’il fallait estomper les disparités démographiques trop criantes entre les futurs cantons. Cependant, la marge de 20 % prévue dans le projet de loi initial du Gouvernement nous paraît trop étriquée. C’est la raison pour laquelle je souscris à la proposition de la commission visant à ce que l’écart démographique entre chaque canton et la moyenne départementale soit inférieur à 30 %. Cet assouplissement permettrait d’obtenir un découpage un peu plus cohérent, sans susciter pour autant ni indignation ni remise en cause de la part du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État.
Sur les élections municipales, les avis des nombreux élus que j’ai rencontrés ces derniers temps sont partagés – même si les élections ne sont pas leur principale préoccupation, ils nous en parlent –, tant sur les effectifs des conseillers municipaux que sur le seuil démographique à partir duquel serait instauré le scrutin de liste à la proportionnelle.
Pour ma part, je considère que le maintien du nombre des conseillers actuellement en vigueur serait la solution posant le moins de difficultés. Je comprends les arguments de l’Assemblée nationale, mais pourquoi remettre en cause un dispositif qui, disons-le, donne satisfaction depuis longtemps et qui a l’avantage de faire participer le maximum de nos concitoyens à l’activité démocratique et à la vie sociale ou associative de notre pays, particulièrement dans les plus petites communes ?
Je désire cependant introduire une exception à ce statu quo : je propose de diviser en deux la strate de 500 à 1 500 habitants, par cohérence, pour tenir compte du seuil démographique pour l’application du scrutin à la proportionnelle que je souhaite voir fixé à 1 000 habitants.
Comme je l’ai indiqué en première lecture, l’effet de la proportionnelle en dessous du seuil de 1 000 habitants est quasi nul en termes de représentation de l’opposition, même s’il offre, bien sûr, l’avantage de la parité.
Aussi, je considère que le seuil de 1 000 habitants est la solution la plus raisonnable et un bon compromis entre les partisans du statu quo et ceux qui en appellent à la généralisation du scrutin proportionnel.
En conclusion, permettez-moi d’évoquer une question qui n’a pas encore été abordée, celle de l’information.
Je suis en effet persuadé, monsieur le ministre, que les élections locales ne peuvent se dérouler sainement sans une large information. Les candidats, qu’ils soient nouveaux ou expérimentés, c'est-à-dire en poste, mais aussi les électeurs, doivent connaître les nouvelles modalités des élections et leurs conséquences sur leur préparation des scrutins. Or vous avez pu constater comme moi combien les mécanismes du scrutin à la proportionnelle ou les obligations constitutionnelles relatives à la parité étaient parfois très superficiellement connus.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une bonne participation de nos concitoyens à l’expression démocratique est subordonnée à une bonne connaissance des règles de base. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Georges Labazée.
M. Georges Labazée. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme d’un débat qui aura passionné un nombre très important d’entre nous, ce qui est normal lorsque l’on aborde une thématique majeure dans la composition de la démocratie territoriale.
L’une des questions que nous devons nous poser aujourd'hui est celle du rôle des futurs conseillers départementaux.
Certes, il a beaucoup été question du monde rural. S’il est une composante spatiale importante de nos départements, il doit néanmoins être considéré sous l’angle des différentes étapes qui ont permis la construction d’une France moderne. Il n’y a pas, d’un côté, une France rurale et, de l’autre, une France urbaine ; notre pays est fait de territoires très composites, qui se sont construits avec l’histoire.
Nous sommes d’ailleurs passés de la période des « équipements fondamentaux », entre 1960 et 1985 – l’eau, l’électrification rurale, le téléphone –, …
M. Éric Doligé. Le gaz !
M. Georges Labazée. … à celle, entre 1985 et 2000, de l’aménagement des espaces. C’était alors l’époque des zones d’activités économiques, des nouveaux documents d’urbanisme, des aménagements fonciers, des grandes infrastructures routières et ferroviaires.
Puis, il y a dix ans, est apparue la notion de « développement » : développement économique et de l’emploi, services à la population et aménagement du cadre de vie, habitat et logement. Et il n’y a pas de véritable développement sans sentiment d’appartenance des habitants à un territoire.
Tels sont les nouveaux défis auxquels seront confrontés les futurs conseillers départementaux, défis qu’ils devront relever, tout comme ils portent les grandes politiques départementales dans les domaines de la solidarité, de l’éducation, des infrastructures, de l’environnement, du développement durable, du patrimoine, de la culture et du sport.
Nous voyons là se dessiner un nouveau rôle, que les conseillers départementaux exerceront à des échelles démographiques et géographiques différentes de celles que connaissent depuis 1801 un très grand nombre de cantons, cantons dont chacun s’accorde à reconnaître que la construction ne correspond plus à la réalité des bassins de vie et des bassins d’emploi.
La loi de décentralisation de Gaston Defferre, votre prédécesseur à la tête de ce grand ministère qu’est le ministère de l’intérieur, monsieur le ministre, avait posé comme élément fondamental la non-tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre.
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Georges Labazée. Aussi me suis-je interrogé sur les interventions d’un certain nombre de parlementaires visant curieusement à maintenir une sorte de mainmise invisible sur les territoires ruraux, qui rappelle des formes d’assistanat, pour ne pas dire de dépendance politique.
M. Roland Courteau. De tutelle !
M. Georges Labazée. Mais, monsieur le ministre, vous comme moi, nous n’en croyons rien ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Enfin, je n’ai toujours pas compris, dans les débats sur le monde rural, à partir de quel seuil de population – je ne parle pas des plus ou moins 20 % ou 30 % – on devenait un citoyen libre et indépendant et en deçà de quel seuil on restait « vassalisé »…
Je vous remercie en tout cas de m’avoir permis cette expression sur un texte qui nous engage auprès de vous, monsieur le ministre, sur les voies de la modernité. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est évidemment avec beaucoup d’attention que j’ai écouté les propos des uns et des autres, même si M. Patriat me murmurait à l’oreille des choses tout à fait pertinentes intéressant ce débat. (Sourires.)
Je tiens à saluer le travail de la commission des lois, de son président et de son rapporteur, qui ont, l’un et l’autre, montré une nouvelle fois leur capacité d’écoute et de synthèse, leur hauteur de vues et la haute conception qu’ils ont du travail parlementaire. Le président Sueur n’a pas eu besoin de s’exprimer, la préparation de ce rendez-vous témoigne pour lui.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Bien vu ! (Sourires.)
M. Manuel Valls, ministre. Je répondrai bien entendu à certains des arguments évoqués par les différents orateurs, mais nous irons plus loin lors de la discussion des amendements.
Je remercie Philippe Kaltenbach du soutien du groupe socialiste. Il a témoigné de la volonté de rassemblement, au-delà même de la majorité sénatoriale, autour des évolutions significatives du projet de loi, qu’il a clairement présentées.
MM. Hyest et Larcher en ont appelé au réalisme. Ils se prononceront sur le texte à l’issue de nos débats, en fonction de l’attitude du Gouvernement. Je vous confirme donc, messieurs les sénateurs, l’état d’esprit d’écoute et de dialogue qui est le mien au moment d’entamer la discussion.
Toutefois, je vous redis également que ce texte prévoit plusieurs dispositions fondamentales, dont le mode de scrutin départemental. S’il n’en contenait pas, quel sens cela aurait-il de présenter un projet de loi et de le défendre ? C’est au cours de cette deuxième lecture que va se décider son avenir.
À cet égard, je tiens à mettre les points sur les « i », si vous me permettez cette expression un peu familière : après la réunion de la commission mixte paritaire, il sera trop tard pour introduire des dispositions nouvelles, j’en ai la certitude. La majorité à l’Assemblée nationale tiendra compte des positions que nous pourrions arrêter ensemble avant sa deuxième lecture. Ensuite, il sera plus difficile d’inverser certaines dynamiques. N’y voyez là aucune menace, aucun conseil de ma part, mais telle est la réalité du bicaméralisme et du dialogue entre les assemblées sur cette question.
Le Gouvernement a fait le choix de présenter ce texte d’abord au Sénat,…
M. Jean-Jacques Hyest. Il en avait l’obligation !
M. Manuel Valls, ministre. … car la Haute Assemblée représente les collectivités territoriales, mais vous n’avez pas souhaité, mesdames, messieurs les sénateurs, pour des raisons tout à fait louables, légitimes pour certains, approuver ce texte. L’Assemblée nationale s’en est donc saisie et y a naturellement imprimé sa marque.
Si le Sénat devait de nouveau faire ce choix en deuxième lecture, l’Assemblée nationale, me semble-t-il, n’en considérerait qu’avec plus de force sa position.
M. Roland Courteau. Eh oui ! Une fois de plus !
M. Manuel Valls, ministre. Je veux maintenant apporter trois précisions.
Il a été question tout à l’heure d’une courte majorité. Or il y a une majorité. Nous n’allons pas nous plaindre des institutions de la Ve République et du mode de scrutin majoritaire.
M. Henri de Raincourt. Non !
M. Manuel Valls, ministre. C’est d’ailleurs grâce à ces institutions et à ce mode de scrutin que la gauche et les socialistes ont gouverné, je le reconnais. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Henri de Raincourt. C’est bien de le reconnaître !
M. Manuel Valls, ministre. François Mitterrand l’avait compris bien avant d’autres.
Je le dis donc à chacun : cela ne doit pas changer, et cela ne changera pas sous l’actuelle majorité.
Monsieur Larcher, vous vous êtes interrogé sur l’origine du scrutin binominal majoritaire. Jean-Jacques Hyest, d’ailleurs, a formulé la même question,…
M. Bruno Sido. Oui !
M. Manuel Valls, ministre. … tout en voulant attacher durablement mon nom à ce mode de scrutin ! (Sourires.)
Pourtant, monsieur Larcher, mais je compte sur vous pour me dire si je me trompe, il me semble bien que c’est sous votre présidence que le Sénat, par sa délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes, a proposé, en juin 2010, la création de ce mode de scrutin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Exact !
M. Gérard Larcher. On ne l’a pas votée !
M. Gérard Larcher. On s’exprime librement sous ma présidence !
M. Manuel Valls, ministre. Et je ne vous interdirai jamais cette liberté !
Monsieur Larcher, vous n’étiez sans doute pas membre de la délégation (Exclamations sur les travées de l'UMP.),…
Mme Catherine Procaccia. Cette délégation compte des hommes, également !
M. Manuel Valls, ministre. … mais cette dernière s’est prononcée à l’unanimité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Plutôt que du « système Valls », monsieur Hyest, il faudrait donc parler en l’occurrence du mode de scrutin « Michèle André » !
Je tenais à le rappeler à chacun d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, et notamment à tous les élus de la majorité sénatoriale, afin que les choses soient bien claires.
M. Alain Fauconnier. Tout à fait !
M. Manuel Valls, ministre. Cette idée n’est donc pas de moi. Je ne dis pas que je n’aurais pas aimé en être l’inventeur, et déposer un brevet pour la protéger. Une fois essayée en France, je ne doute pas, d’ailleurs, qu’elle aurait prospéré ailleurs, dans d’autres pays ! (Sourires.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le rappelle, ce mode de scrutin a été proposé pour les conseils généraux dans le but précis de concilier ancrage local et parité.
En outre, monsieur Larcher, nous partageons l’idée que le département, c’est tout à la fois une population et un territoire. Lors de la première lecture du présent projet de loi à l’Assemblée nationale, j’ai d’ailleurs émis un avis favorable sur un amendement présenté par M. Sauvadet qui allait dans ce sens. Je le dis à Jean-Léonce Dupont et à Hervé Maurey, qui sont membres du même groupe politique que M. Sauvadet, nous pouvons au moins nous mettre d’accord sur ce point : c’est le conseil général qui permet le mieux cette représentation de la population et du territoire. Ce constat justifie, dès lors, le mode de scrutin qui lui est appliqué.
J’irai même plus loin : cela justifie que les différents échelons politiques du territoire ne connaissent pas le même mode de scrutin. Pas de faux débat entre nous : cette variété est la particularité de notre pays ! Et quoi ! On ne peut pas, d’un côté, en appeler à la diversité des territoires et, de l’autre, vouloir tout uniformiser ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Il s’agit, d’ailleurs, me semble-t-il, de l’un des problèmes qui auraient été posés par la création du conseiller territorial, qui tendait à confondre la région et le département.
Nos débats devront donc nous permettre d’avancer sur ce point.
J’apporte, enfin, une dernière – et aimable ! – précision par rapport aux propos que vous avez tenus tout à l’heure, monsieur Larcher. Vous avez affirmé que, du dernier conseil des ministres, il ressortait que le Gouvernement allait légiférer par ordonnances. Permettez-moi de vous dire que j’y étais, et vous non !
M. Gérard Larcher. Et pour cause !
M. Manuel Valls, ministre. Nous avons l’un et l’autre connu la situation inverse, monsieur le sénateur !
En tout état de cause, n’affirmez donc pas des choses inexactes, même si je conviens que la question du recours aux ordonnances peut se poser.
M. Gérard Larcher. Oui ! Et il est logique qu’un parlementaire réagisse !
M. Manuel Valls, ministre. Certes, mais il doit le faire sur la base de bonnes informations !
Dans un discours important, prononcé hier à Dijon, le Président de la République a évoqué les blocages dont souffrait la société française, ainsi que les différents moyens pour les lever : la loi en est un, bien sûr, mais les ordonnances aussi. Le Président de la République a notamment indiqué que des mesures relatives à la question du logement pourraient être prises par ce biais.
M. Gérard Larcher. Notamment !
M. Manuel Valls, ministre. D’autres sujets pourraient connaître le même traitement. Des gouvernements précédents, je le rappelle, ont déjà eu recours aux ordonnances pour légiférer. Ces dernières, vous le savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, sont une possibilité inscrite dans la Constitution.
M. Gérard Larcher. Oui, ainsi que le rôle du Parlement !
M. Manuel Valls, ministre. J’imagine que le débat aura lieu quand le problème se posera ! De grâce, mesdames, messieurs les sénateurs, ne le précipitons pas, alors que, je le répète, le conseil des ministres n’a absolument pas évoqué cette question.
M. Gérard Larcher. L’annonce a pourtant été faite à son issue, et par la porte-parole !
M. Manuel Valls, ministre. La porte-parole du Gouvernement s’est exprimée sur ce sujet car on lui avait posé la question. Monsieur Larcher, vous n’arriverez pas à me prendre en défaut sur ce sujet !
M. Gérard Larcher. Vous non plus ! (Sourires.)
M. Manuel Valls, ministre. Je remercie Philippe Adnot, qui a affirmé son soutien à l’idée du scrutin binominal, tout en posant, c’est vrai, un certain nombre de conditions. De manière tout à fait pertinente, il a rappelé que les conseillers généraux ne géraient pas les cantons – même s’ils les défendent, évidemment –, mais qu’ils participaient aux délibérations de l’assemblée départementale.
Rejoignant en cela Jean-Léonce Dupont, M. Adnot a également rappelé que les évolutions démographiques de nos territoires devaient entraîner un nouveau découpage, et que la loi créant le conseiller territorial l’avait elle-même prévu.
À ceux qui, évoquant notre projet de loi, parlent de « tripatouillage » ou qui nous soupçonnent de vouloir changer la donne électorale avant des scrutins, je réponds, en toute franchise, qu’il aurait été beaucoup plus prudent pour nous de ne toucher à rien et de laisser inchangés le mode de scrutin et le découpage actuel des cantons !
Si l’on avait voulu être prudent jusqu’au bout, il aurait même fallu ne pas s’attaquer au renouvellement par moitié des cantons. Cependant, nous avons fait le choix de la clarté, en instaurant le renouvellement des conseilleurs généraux en une seule série. Cela a été salué, d’ailleurs, et je crois que, sur ce point, nous pouvons nous entendre.
Nous avons également fait le choix de la parité.
Nous avons, enfin, fait le choix du redécoupage cantonal. Certains l’ont dit, ce redécoupage aurait été de toute façon nécessaire. Il aurait même été rendu incontournable par l’apparition du conseiller territorial, si l’élection d’un nouveau Président de la République et d’une nouvelle majorité politique en 2012 n’en avait décidé autrement.
Il est donc nécessaire de créer les conditions d’un redécoupage cantonal le plus juste possible. Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, une fois la loi promulguée, chaque département verra son découpage réglé par un décret, soumis à l’examen du Conseil d’État.
J’en profite pour répondre à M. Mézard.
Vous souhaitez, monsieur le sénateur, que le législateur procède lui-même au redécoupage cantonal. Pourtant, l’article 34 de la Constitution prévoit que la loi fixe seulement les règles concernant le régime électoral des assemblées locales. C’est bien ce que le présent texte permet. Les découpages cantonaux, j’y insiste, ont toujours été effectués par voie réglementaire.
Par ailleurs, vous vous inquiétez – et c’est légitime – du sort des sous-préfectures dans les territoires ruraux. Je tiens à rappeler en ces lieux les engagements que j’ai pris en la matière, visant à garantir la pérennité de ces structures dans les zones rurales ou les zones les plus isolées, là où elles sont, justement, le plus nécessaires.
J’ai bien compris que votre propos se référait plutôt au passé. Vous avez vous-même cité la révision générale des politiques publiques, la RGPP, pour étayer votre défense des territoires dont nous parlons. Je vous remercie donc de votre soutien personnel, monsieur le sénateur, et me flatte d’avoir la même conception de la République que vous.
Vous le savez bien, pourtant, il n’y a pas de roses sans épines ! ET que seraient ces belles fleurs, sans épines ? (Sourires.) Notre débat, c’est vrai, est parfois épineux, mais cela ne m’empêchera pas d’essayer de vous convaincre, monsieur le sénateur !
J’espère également convaincre Mme Assassi. J’ai compris qu’elle avait la même ambition à mon endroit. Nous aurons l’occasion, au cours de nos débats, de poursuivre notre dialogue sur les scrutins majoritaire et proportionnel. Même si notre désaccord est acté, je remercie Mme Assassi de reconnaître la clarté et l’honnêteté de mon propos depuis que nous discutons du présent texte.
Avec Mme Lipietz, nous avons, je le crois, le même engagement en faveur de la parité. Je vous assure, madame la sénatrice, que l’intention du Gouvernement est la même pour tous les groupes, a fortiori quand ils appartiennent à la majorité. Je vous encourage donc à être le premier soutien du Président de la République, de manière à lui permettre de tenir cet engagement.
Je veux le dire à chacun d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, le choix du Gouvernement est clair. Le projet de loi dont nous discutons, adopté au conseil des ministres, a certes été, en première lecture, rejeté par le Sénat, mais il a été voté par l’Assemblée nationale. Cela signifie, Jean-Jacques Hyest comme Gérard Larcher l’ont dit, que le scrutin binominal sera adopté in fine. C’est pourquoi j’aborde la deuxième lecture de ce texte devant le Sénat avec l’intention de faire en sorte que la Haute Assemblée s’empare pleinement de ce texte, ou, du moins, qu’elle tente de s’en accommoder et que nous construisions une majorité pour l’adopter.
Un certain nombre de propositions ont été formulées. M. Sido propose de relever à 40 % l’écart entre la population d’un canton et la population moyenne des cantons du département. Mais, monsieur le sénateur, nous n’avons pas encore discuté de la proposition de la commission, qui propose de relever ce seuil à 30 % !
M. Éric Doligé. Qui peut le plus peut le moins !
M. Manuel Valls, ministre. Certes, mais je ne suis pas sûr que ce soit le meilleur moyen d’y arriver !
En tout état de cause, je suis ouvert à de nouvelles discussions sur ce point. Je l’avais dit ici même, à l’occasion de la première lecture.
M. Albéric de Montgolfier. C’est vrai !
M. René Garrec. En effet !
M. Gérard Larcher. Très bien !
M. Manuel Valls, ministre. Cependant, la question est liée, bien évidemment, au scrutin binominal lui-même.
M. Bruno Sido. Oui, on a compris ! (Sourires.)
M. Didier Guillaume. Sinon, on est encore là dans dix ans !
M. Gérard Larcher. Sel et poivre !
M. Gérard Larcher. Voilà !
M. Manuel Valls, ministre. Je suis également ouvert au débat sur le seuil pour le maintien au second tour. Nous avons déjà eu cette discussion, et le sujet est compliqué. Je pense toutefois qu’il faut garantir la pluralité au second tour. C’est pour cela que nous ne cautionnons pas nécessairement l’idée selon laquelle seuls les deux binômes de candidats ayant recueilli le maximum de suffrages au premier tour pourraient se maintenir au second tour. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
M. Claude Domeizel a également évoqué ces questions. Il a eu raison de souligner la nécessité d’informer largement les électeurs sur ces nouvelles règles.
Je remercie M. Georges Labazée de son intervention, ainsi que tous ceux qui se sont exprimés cet après-midi.
Chacun d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, représente de manière égale la diversité de notre pays. Cette diversité est un fait, et je suis toujours gêné quand on oppose les territoires urbains aux territoires ruraux. C’est pour cette raison que l’idée du « scrutin mixte » ne me convient pas. Je trouverais assez étonnant que le scrutin proportionnel s’applique aux territoires urbains, et non aux territoires ruraux.
Ce mode de scrutin existe pour le Sénat, certes, mais cela tient à son histoire.
M. Gérard Larcher. Son histoire assez récente !
M. Manuel Valls, ministre. De plus, ce sont les élus qui désignent les sénateurs.
Avec le scrutin mixte, seuls les territoires urbains bénéficieraient à la fois du scrutin proportionnel et de la parité, alors que les territoires ruraux seraient privés de cette dernière. À mon sens, je le dis de manière très directe, cela revient à considérer les territoires ruraux comme incapables d’accompagner les évolutions de la société française, alors que ce n’est absolument pas le cas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Manuel Valls, ministre. Je crois plutôt à la cohérence promue par le présent texte, même si, je le répète, je suis conscient de la nécessité d’avancer sur la voie d’une représentation la plus large et la plus diverse possible, au sein de chaque territoire.
Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est inspiré d’une réelle volonté de dialogue et d’ouverture, pour élaborer, avec le Parlement, le meilleur texte possible, tout en préservant, cela va de soi, ses objectifs initiaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Claude Carle.)