M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
En décembre 2011, nous débattions dans cet hémicycle d’une proposition de loi visant à accorder aux étrangers non communautaires le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales. J’en étais la rapporteure, sénatrice novice et d’autant plus émue. Le Sénat, lui, venait de changer de majorité.
Cette proposition de loi, nous l’avons votée dans un rare moment de communion républicaine,…
M. Alain Gournac. Ah ?
Mme Esther Benbassa. … après la longue décennie d’attente qui nous séparait de son adoption par l’Assemblée nationale, en mai 2000.
Une fois François Hollande élu Président de la République, nous avons espéré que, sans tarder, justice serait enfin rendue à ces hommes et à ces femmes qui vivent dans les mêmes quartiers que nous, envoient leurs enfants dans les mêmes écoles, paient leurs impôts et contribuent depuis des décennies à l’économie nationale. Ils ont gardé nos enfants, nettoyé nos domiciles et nos bureaux, travaillé dans nos usines, construit nos maisons, nos routes et nos ponts, et j’en passe. Ils n’ont pas fait moins pour la France que les étrangers communautaires, qui, eux, jouissent de ce droit de vote et d’éligibilité du simple fait d’être européens.
Disons-le clairement : si nos concitoyens communautaires partagent bien notre projet européen commun, les étrangers non communautaires, issus dans leur majorité de nos anciennes colonies,…
M. Joël Billard. Ah !
Mme Esther Benbassa. … ne sont pas moins parties prenantes d’une histoire qui nous est commune, à eux comme à nous.
Monsieur le ministre, nous savons que la tâche est complexe. Pourtant, n’oublions pas que, par le passé, plus d’un ténor de l’ancienne majorité s’est prononcé en faveur de cette réforme. De fait, cette lutte n’est pas une bataille entre la gauche et la droite. Son enjeu est tout autre, et il est supérieur. Une certaine conception de la démocratie, une même aspiration peuvent tous nous réunir : faire de notre pays un exemple d’ouverture aux étrangers qui respectent la légalité républicaine et qui ont le souci aussi bien de sa prospérité que de sa sécurité.
Monsieur le ministre, les promesses de M. Hollande nous engagent. (Pas nous ! sur les travées de l'UMP.) Nous ne pouvons reculer ni sur cet engagement ni sur les autres. Nous n’avons pas le droit de décevoir. Si nous ne parvenons pas à convaincre les trois cinquièmes des parlementaires de nous rejoindre, pourquoi ne pas envisager sérieusement, avec courage et avec toute la force de conviction dont nous sommes capables, la possibilité d’un référendum ?
M. Roger Karoutchi. Oh oui !
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Albéric de Montgolfier. Chiche !
Mme Esther Benbassa. Voilà la question que se posent nombre de nos concitoyens, militants associatifs en tête, et qu’à mon tour je vous soumets aujourd’hui. (Chiche ! sur les travées de l'UMP.)
Calmez-vous un peu, chers collègues de l’opposition, et souvenez-vous que, dans vos rangs, certains l’avaient demandé en 2005 ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, la majorité souhaite élargir le droit de vote aux élections locales aux étrangers extracommunautaires résidant de manière régulière sur notre territoire.
Vous venez de le rappeler, le Sénat a voté cette disposition en 2011. Au surplus, il s’agit d’un engagement du Président de la République et, à plusieurs reprises, le Gouvernement a manifesté sa volonté de faire aboutir cette réforme.
Du reste, les esprits peuvent évoluer : lorsque le traité de Maastricht a établi que les ressortissants de l’Union européenne pouvaient voter aux élections locales ou européennes, la nature du rapport entre le citoyen et la nation a, d’une certaine manière, été modifiée.
Au cours des dernières années, j’ai moi-même été rapporteur de différentes propositions de loi présentées sur ce sujet à l’Assemblée nationale, sur l’initiative du groupe socialiste, alors dans l’opposition. J’ai moi-même vu mes parents, de nationalité espagnole, voter pour la première fois en 2001.
Toutefois, au-delà des proclamations et des convictions de chacun, l’essentiel est d’aboutir. Or, vous le savez et il est inutile de s’en cacher, la réussite de ce projet est conditionnée. Toute réforme constitutionnelle présentée devant le Congrès nécessite de réunir les trois cinquièmes des suffrages exprimés.
M. Jean-Claude Gaudin. Eh oui !
M. Manuel Valls, ministre. Additionnées, les voix de la majorité au Sénat et à l’Assemblée nationale ne suffisent pas. Il faut donc écouter et convaincre. Le Premier ministre a consulté tous les groupes parlementaires de la majorité et de l’opposition sur les sujets nécessitant une révision constitutionnelle. Le Gouvernement recherche les conditions nécessaires pour atteindre la majorité des trois cinquièmes sur ce sujet comme sur les autres.
Madame la sénatrice, vous l’avez souligné, la question que vous avez soulevée suscite un fort clivage avec l’opposition, avec la droite,…
M. Jean-Claude Gaudin. Et surtout avec les Français !
M. Manuel Valls, ministre. … qui refuse cette avancée. La résistance vient de ce bord, et non de la majorité, même si, comme vous l’avez relevé, il y a quelques années seulement, MM. Nicolas Sarkozy, Jean-Louis Borloo, Yves Jégo…
Mme Catherine Tasca. Et Jean-Pierre Raffarin !
M. Manuel Valls, ministre. … et Jean-Pierre Raffarin, effectivement, ont manifesté leurs souhaits en la matière ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.) Mais chacun d’eux – cela peut arriver – a changé d’avis.
M. Alain Gournac. Pas vous !
M. Manuel Valls, ministre. Cela peut aussi m’arriver, monsieur le sénateur.
Le Premier ministre rendra prochainement compte des consultations qu’il a menées. Attendons ses conclusions ! Le choix du référendum relève de la prérogative exclusive du Président de la République.
Une fois le décor planté, je ne peux ajouter qu’un élément : sur ce sujet comme dans tous les domaines, le Président de la République et le Gouvernement souhaitent rassembler et apaiser. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. C’est mal parti !
M. Manuel Valls, ministre. Faisons tous attention : si ces réformes ne peuvent pas aboutir, il convient avant tout qu’elles ne divisent pas davantage.
Madame la sénatrice, le Gouvernement vous apportera prochainement une réponse sur le sujet, qui, quoi qu’il en soit, n’exclura nullement les initiatives parlementaires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
austérité et politique familiale
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé du budget.
Mes chers collègues, vous le savez, la situation économique de notre pays, comme celle de l’Europe, est très préoccupante. Alors que l’OCDE annonce que les pays membres de son organisation présentent une croissance de 1,5 % en 2012, la zone euro, elle, subit une récession globale de 0,6 %. C’est là le fruit amer des mesures d’austérité imposées aux peuples pour atteindre les objectifs de convergence des politiques économiques et notamment la règle des 3 % de déficit budgétaire à respecter coûte que coûte, et quoi qu’il en coûte.
En 2012, la croissance est à Washington et à Pékin, mais elle n’est ni à Berlin ni à Paris, et encore moins à Athènes !
M. Jean-Claude Gaudin. Et à Moscou ?
M. Thierry Foucaud. Après le vote d’une loi de finances pour 2013 marquée par la réduction des déficits publics, la hausse des impôts et le gel de la dépense publique, après le vote d’un collectif gageant, malheureusement, le crédit d’impôt pour les entreprises à hauteur de 20 milliards d’euros sur la hausse de la TVA, quelques esprits bien intentionnés viennent de lancer un concours d’idées pour « réduire les déficits ».
L’un demande à la France d’aller plus loin sur la voie de la flexibilité du marché du travail, comme si la solution résidait dans le développement de la précarité ; l’autre recommande de s’attaquer aux allocations familiales ; d’autres encore préconisent de geler la progression des retraites, quitte à imposer aux retraités une hausse de la CSG. C’est d’ailleurs un patron américain qui se permet d’insulter les travailleurs français.
D’ores et déjà, on annonce le doublement de la baisse des dotations aux collectivités locales en 2014 et 2015, montants pourtant fixés par une loi de programmation ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Rémy Pointereau. Voilà !
M. Thierry Foucaud. Mes chers collègues, si l’on souhaite réduire les déficits, il faut de la croissance,…
Mme Isabelle Debré. Eh oui !
M. Thierry Foucaud. … car seule la croissance dégagera les recettes fiscales et sociales nécessaires. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.) Même le FMI l’avoue !
Toutefois, une politique de croissance doit aller de pair avec un appareil industriel enfin soutenu par une politique publique audacieuse et cohérente, un système bancaire enfin mis en demeure de financer l’activité économique plutôt que la spéculation. Elle nécessite également une rupture avec les politiques européennes qui ont conduit, d’une part, la Grèce et l’Espagne au-delà des 25 % de chômeurs et, de l’autre, la France et l’Allemagne à la récession au dernier trimestre de 2012.
Avec l’austérité pratiquée aujourd’hui, l’Europe s’affaisse et décline quand le reste du monde connaît la croissance.
Monsieur le ministre, la France doit porter une autre parole lors du prochain Conseil européen des 14 et 15 mars prochain.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Thierry Foucaud. Nous devons concevoir, dès maintenant, en France, un collectif budgétaire rompant avec la stricte logique du traité de Lisbonne.
Face à ces situations,…
M. Alain Gournac. C’est fini !
M. Thierry Foucaud. … que va faire le Gouvernement pour sortir la France de l’ornière…
M. Alain Gournac. Montebourg !
M. Thierry Foucaud. … où l’ont poussée les politiques libérales de la zone euro ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Monsieur le sénateur, j’ai bien entendu l’hommage que vous avez rendu non seulement au FMI, mais aussi aux dirigeants nord-américains, puisque vous avez cité Washington, et aux dirigeants chinois, puisque vous avez cité Pékin.
Mme Éliane Assassi. Ça vous embête ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je n’ai pas de jugement à porter sur les politiques sociales menées au sein de ces pays, encore que, selon moi, il serait préjudiciable d’appliquer aux salariés français les conditions de travail observées en République populaire de Chine. (Rires et applaudissement sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Gaudin. Très bien !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Au-delà des appréciations que l’on peut porter sur des politiques menées par des pays avec lesquels nous entretenons des liens d’amitié indéfectibles, je vous indique simplement que le Gouvernement a déterminé une politique l’année dernière et qu’il est résolu à la poursuivre.
Cette politique est nécessaire, non parce qu’on nous l’a imposée, mais parce que nous l’avons décidée et que c’est celle dont le pays a besoin. Aucune institution, aucun pays ami, aussi proche de nous soit-il, ne peut imposer à la France une politique sans son consentement.
Cette politique, le Gouvernement l’a donc choisie librement et elle vise, permettez-moi cette expression, la restauration de la souveraineté nationale. Nous ne pouvons plus dépendre des marchés et des agences de notation, comme nous avons pu le constater ces dernières années, tant il est vrai que, en avançant dans l’année, c’est par l’emprunt que notre pays est contraint de financer ses politiques publiques.
C’est précisément avec cette dépendance à l’emprunt, avec cette aliénation de notre souveraineté nationale à des marchés et des agences de notation, que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a décidé de rompre.
Cette politique est en train de porter ses fruits,…
M. Alain Gournac. Ce sont des fruits verts !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … car, en 2013, comme en 2012, nous allons procéder à un ajustement de nos finances publiques en abaissant le déficit structurel de près de 3,1 % de PIB.
Il faut nous désendetter, tant il est vrai que, au-delà d’un certain point, ajouter de l’emprunt à l’emprunt n’a jamais créé de la croissance.
M. Thierry Foucaud. On ajoute du chômage au chômage !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je me permets d’ailleurs de rappeler que, ces cinq dernières années, le déficit structurel de notre pays s’est aggravé de près de 1 point de PIB. Mais grâce au vote du Parlement, grâce aux lois de finances initiale et rectificative s’appliquant en 2012 et en 2013, il vient de baisser de 3,1 % de PIB ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Cette politique, nous allons donc la poursuivre, mais je vous fais remarquer qu’il est particulièrement difficile de procéder à un ajustement budgétaire quand la conjoncture économique ne s’y prête pas. Pour autant, nous devons le faire sans que des politiques de réduction de la dépense ou de hausse de la fiscalité supplémentaires soient décidées en 2013, car il est exclu d’ajouter de l’austérité à je ne sais quelle rigueur ou de l’impossibilité à des difficultés déjà très importantes.
En 2014, lors de l’examen du projet de loi de finances initiale, nous aurons l’occasion, monsieur le sénateur, de débattre de la politique économique du pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Cela a été évoqué il y a quelques instants, l’Europe entière s’indigne, à juste titre, d’une fraude organisée, qui a permis de faire consommer quelque 750 tonnes de viande de cheval estampillée « pur bœuf ». Au-delà de ses conséquences sur les ventes de plats cuisinés, cette affaire a jeté un doute sur l’ensemble de la filière agroalimentaire française. C’est en tout cas ce qu’indiquent les derniers sondages.
Pour beaucoup de consommateurs, ce scandale n’est pas un accident isolé et interroge sur la composition et la provenance réelles des produits alimentaires, malgré les étiquetages. La plupart des produits laitiers et des fromages industriels seraient par exemple fabriqués avec du lait d’importation d’origine inconnue.
Cela est-il révélateur d’une détérioration de la qualité des produits alimentaires français ? Je ne le pense pas. Les producteurs français s’attachent à produire des produits de qualité, avec des critères définis – AOC, IGP, label rouge – et des contraintes de production. Il est dommage qu’un fraudeur jette la suspicion sur l’ensemble de la filière.
Ma question ne concerne pas la gestion de cette affaire par le Gouvernement, mais les suites qu’il entend y donner.
En premier lieu, les exigences fortes en matière de sécurité sanitaire nécessitent de conserver des moyens de contrôle adaptés aussi bien pour les services vétérinaires que pour l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation et la DGCCRF, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. La responsabilisation des entreprises, ou l’autocontrôle, est sans doute une bonne chose mais elle a des limites. C’est bien à ces organismes publics d’exercer une surveillance efficace sans attendre que les scandales éclatent.
En second lieu, cette malheureuse affaire rend plus évidente la nécessité de renforcer l’information des consommateurs. Ils ont droit à la transparence totale sur les produits qu’ils achètent !
Au niveau européen, monsieur le ministre, vous venez de nous dire que l’on réfléchit à un étiquetage pour les plats préparés, mais, face à la lenteur de Bruxelles, envisagez-vous de prendre les devants ?
À la veille du salon de l’agriculture, le monde agricole attend la reconnaissance de la qualité de ses produits et peut-être aussi des mesures favorisant le développement des circuits courts, gage de transparence pour le consommateur. Sur tous ces sujets, nous attendons des engagements et des résultats ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur Barbier, dans cette affaire, 4,5 millions de personnes ont acheté du bœuf et mangé du cheval, ou acheté du cheval au prix du bœuf, ce qui a permis à un intermédiaire, ou à plusieurs, de réaliser un joli bénéfice au passage.
Concernant les seules entreprises françaises, nous avons estimé que, sur une période de six mois, près de 550 000 euros de bénéfices indus avaient été réalisés, en vendant ainsi du cheval au prix du bœuf aux consommateurs français et européens.
Treize pays et vingt-huit entreprises ont été avertis par nos soins. Cela nous a permis de contrôler, à travers 3 000 interventions, la réalité des retraits et des rappels des produits concernés.
Dès le départ, nous avons voulu mesurer la nature du préjudice. Aujourd’hui, l’enquête judiciaire se concentre sur la responsabilité de l’établissement Spanghero. Je ne rappelle pas la réalité de changements d’étiquettes dans cet établissement, l’enquête continue sur l’étendue du préjudice.
D’autres filières d’approvisionnement, de transformation et de commercialisation de bœuf pourraient-elles laisser penser que l’on continue à manger dans nos plats préparés de la viande de cheval à la place de la viande de bœuf ? Il est utile de dire que cette viande n’est pas impropre à la consommation ; il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une tromperie économique, qui appelle réparation au profit du consommateur.
Avec mes collègues chargés de l’agriculture et de l’agroalimentaire, nous avons voulu rappeler l’excellence des filières bovine et agroalimentaire françaises. Nous avons également souhaité agir vite, au niveau européen, tout en respectant les rythmes des négociations européennes, notamment sur la modification du règlement européen concernant l’information des consommateurs, ou règlement INCO.
Nous désirons que les professionnels français anticipent l’évolution des règles européennes sur un point : le fait que figure l’origine des produits, notamment de la viande, sur l’étiquette des plats préparés. Concernant ces engagements, nous avons pu constater cet après-midi au ministère de l’agriculture la bonne volonté de l’ensemble des professionnels. C’est un point positif.
J’ajoute qu’il faut tirer d’autres leçons afin que notre système de protection soit aujourd’hui aussi efficace face à la tromperie économique qu’il l’est d’ores et déjà contre la menace sanitaire. Si vous volez une barquette surgelée dans un magasin, par exemple, vous encourez trois ans de prison et 45 000 euros d’amende. Quand vous trompez 4,5 millions de personnes pendant six mois, vous encourez 37 000 euros d’amende et deux ans d’emprisonnement. Il faudra sans doute examiner le caractère dissuasif de ces peines ; ce sera notamment l’objet du projet de loi sur la consommation.
Vous avez signalé l’importance du rôle de la DGCCRF. Ses agents ont effectivement agi avec beaucoup de célérité et d’efficacité. Je note tout de même que le nombre de ces agents a baissé de 16 % durant les cinq dernières années. Pour cette raison, grâce au Premier ministre, Jérôme Cahuzac et moi-même avons décidé de sanctuariser les effectifs pour cette année.
M. Christian Poncelet. Très bien !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous devons nous assurer que la puissance publique conserve les moyens d’exercer ses tâches de contrôle plus efficacement encore dans les années à venir. C’est là un engagement que nous prenons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
fiscalisation des allocations familiales
M. le président. La parole est à Mlle Sophie Joissains.
Mlle Sophie Joissains. Ma question s'adresse à Mme Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille.
Rééquilibrer les comptes publics n’est certes pas chose facile et, en la matière, les valeurs de l’État s’expriment aussi par la priorité qu’il donne aux mesures qu’il met en place.
Des actions dans certains domaines, comme les aides aux retraités ou la politique familiale, surtout dans les temps de crise que nous traversons, ne pourront manquer d’être interprétées sur un plan symbolique et idéologique. Les gouvernements précédents y ont été confrontés et, encore une fois, la crise ne fera qu’amplifier le sens de toute mesure prise dans ces secteurs.
L’image du couple riche, dénué de préoccupations matérielles, touchant des allocations, confrontée à celui qui peine à nourrir ses enfants, pourrait influer dans le sens de mesures sur les allocations familiales préconisées par le président de la Cour des comptes. Mais c’est une image d’Épinal…
M. Christian Poncelet. Une belle image !
M. Jean-Louis Carrère. C’est plutôt une image d’Aix !
Mlle Sophie Joissains. Seule la classe moyenne, celle-là même que nous devons conforter, mobiliser, revitaliser, subira réellement une diminution des allocations familiales.
Les allocations familiales ne sont pas un outil de répartition et de justice sociale. Il s’agit, à salaire égal, de favoriser les couples qui décident de faire des enfants. La jeunesse d’un État est un paramètre essentiel au développement et, en ce sens, les allocations familiales constituent un investissement sur l’avenir. De plus, l’État, en maintenant le principe d’universalité, préserve un lien politique incitatif et protecteur avec l’ensemble des familles françaises.
Toucher aux allocations familiales, c’est prendre le risque de modifier le contrat social, dont le partage par tous les Français est crucial dans la période que nous traversons. Accroître le clivage entre les Français paraît aujourd’hui bien dangereux, d’autant plus que nous pourrions, avant d’envisager ce type de mesure, revisiter certains postes de la dépense publique.
Pouvez-vous, madame le ministre, nous indiquer si le Gouvernement maintient cette piste de rééquilibrage budgétaire ? Si tel est le cas, quelle est la forme de diminution des allocations familiales qu’il privilégie ? Envisage-t-il l’intégration de leur montant à l’impôt, c'est-à-dire la hausse des prélèvements, ou leur attribution sous conditions de ressources, ce qui battrait évidemment en brèche le principe d’universalité de la politique familiale ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – MM. Gilbert Barbier et Vincent Capo-Canellas applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Madame la sénatrice, je voudrais rappeler quelques réalités qui témoignent de la pertinence du questionnement du Gouvernement à ce sujet.
Comment pourrait-on aujourd’hui refuser de se questionner alors que c’est sous le précédent gouvernement (Exclamations sur les travées de l'UMP.) que la branche famille,…
M. Alain Gournac. Vive la famille !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. … qui n’était pas déficitaire, l’est devenue au fur et à mesure des années, passant d’un déficit de 300 millions d’euros en 2008 à un déficit de 2,6 milliards d’euros en 2011 ? (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Yves Daudigny. Eh oui, plus de 2 milliards !
M. François Rebsamen. Absolument !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Comment ne pas se questionner alors que c’est vous qui avez désindexé des prestations familiales,…
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. … provoquant une perte de pouvoir d’achat de l’ordre de 600 millions d’euros pour l’ensemble de ces familles ?
M. Didier Guillaume. Eh oui !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Pourquoi s’interdirait-on le questionnement alors que, avec 3,7 % du produit intérieur brut affecté aux allocations familiales et aux allégements d’impôts, la France est certes en tête des pays européens en ce qui concerne les dépenses en faveur de la famille,…
M. Alain Gournac. Tant mieux !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. … mais bien loin d’être en tête en ce qui concerne la lutte contre la pauvreté des enfants, comme l’a rappelé très cruellement un rapport récent de l’UNICEF ?
Comment refuser ce questionnement alors que les attentes et les besoins des familles ont évolué ?
M. Roger Karoutchi. Questionnez-vous donc !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Une étude du CREDOC, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, le rappelle : 69 % des parents considèrent aujourd’hui préférable, pour aider les familles, de leur fournir des aides sous forme d’équipements et de services, contre 30 % qui préconisent des prestations financières.
Comment refuser de se questionner alors que les sondages récents montrent que les Français eux-mêmes sont prêts à envisager des évolutions de notre système ?
M. Jean-Pierre Raffarin. Au lieu de poser des questions, donnez des réponses !
M. Alain Gournac. Des réponses !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. C’est donc avec beaucoup de pertinence que le Premier ministre a décidé de saisir Bertrand Fragonard, président délégué du Haut Conseil de la famille, d’une mission globale sur les aides aux familles.
Il lui a été demandé, à partir des aides existantes, d’établir une cartographie. Cet exercice devra déboucher sur des propositions cohérentes d’évolution,…
M. Jean-Claude Gaudin. Faire payer les riches !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. … car il est légitime de se questionner sur l’économie générale du système d’aide aux familles,…
M. Jean-Pierre Raffarin. Nous voulons des réponses ! Vous n’êtes plus dans l’opposition !