M. Arnaud Montebourg, ministre. Pas des baisses, un gel !

M. Gérard Le Cam. … un allongement du temps de travail et une plus grande mobilité, on aimerait croire à une vaste blague !

Lorsque le patron de Goodyear, M. Maurice "Morry" Taylor Junior…

M. Jean-Jacques Mirassou. Ah oui ! celui-là, il est particulièrement gonflé !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Ça, c’est sûr !

M. Gérard Le Cam. … nous explique que les salaires des ouvriers en France sont trop élevés, que, ô scandale, les ouvriers disposent d’une heure pour leur pause et leur déjeuner, qu’ils discutent pendant trois heures et travaillent trois heures, alors l’indignation devient colère !

Selon le Bureau des statistiques du travail américain, une heure de travail dans le secteur manufacturier coûtait 40,60 dollars en moyenne en France en 2010, contre 40,40 dollars dans la zone euro et 43,80 dollars en Allemagne, soit un écart de 8 %.

Pour autant, le coût du travail français a nettement moins augmenté qu’en Espagne, en Italie, au Portugal, en Irlande et en Grèce, mais aussi qu’en Belgique, aux Pays-Bas ou encore au Danemark. Au sein de la zone euro, en dehors de l’Allemagne, il n’y a qu’en Autriche que ce coût a un peu moins progressé qu’en France.

En termes de productivité horaire du travail, c'est-à-dire la quantité de richesses produite pendant une heure de travail, sur la période 1999-2010, la. France a connu, dans le domaine industriel, une progression de 36 %, alors qu’elle n’était en Allemagne que de 28 %.

Dès lors, on ne peut que souscrire à l’idée que le premier problème de notre industrie est le coût du capital et sa financiarisation.

Comme beaucoup, nous pouvons légitimement nous interroger sur le 1,1 milliard d’euros de bénéfices réalisés par PSA en 2010, ou les 600 millions d’euros réalisés en 2011, ou encore sur la distribution de 275 millions d’euros de dividendes l’an dernier. Et ce n’est qu’un exemple !

La France était, selon l’OFCE la cinquième économie exportatrice et importatrice sur le marché industriel mondial en 2010. Il est nécessaire de penser l’industrie en lien avec la finance, car l’industrie reste un moteur de l’économie et le secteur des services aux entreprises – la logistique, les transports, les services d’administration, mais aussi le marketing et la recherche et développement –, qui représente plus de 16 % du PIB français, est largement lié à la conjoncture industrielle.

L’industrie a ainsi un rôle crucial dans notre économie. Il est temps de passer aux actes !

En matière agricole, les grands équilibres de l’industrie agroalimentaire sont largement remis en cause. L’actualité n’en offre malheureusement qu’une illustration. C’est pourquoi nous avions proposé, lors de la discussion du projet loi sur la modernisation de l’agriculture, de desserrer l’étau de la grande distribution sur les entreprises du secteur.

Les sénateurs du groupe CRC ont, en février 2012, déposé une proposition de loi portant sur des mesures urgentes de politique industrielle. Elle revenait sur les pratiques des groupes qui manipulent leur comptabilité de façon légale pour délocaliser des bénéfices et réaliser de substantielles économies d’impôt. Par ce texte, nous entendions permettre aux salariés de ne plus être « les spectateurs passifs et résignés » lorsque leur entreprise est engagée dans une procédure de sauvegarde. Nous avions évoqué l’intérêt de développer les circuits courts pour donner un nouveau souffle entrepreneurial dans l’agriculture.

Afin de sécuriser l’environnement des PME, essentielles à notre tissu industriel, nous avons rappelé que la BPI, dont nous avons voté la création, ne nous semblait pas en mesure de répondre complètement aux besoins de liquidités et de trésorerie immédiate des entreprises. Cet instrument est très loin du pôle financier public que nous proposons pour faire décoller le financement de l’activité économique, encourager l’innovation, l’export et la formation.

Nous avons déposé une proposition de loi sur l’interdiction des licenciements boursiers, qui a été rejetée à six voix près.

Enfin, les conclusions de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales ont mis en évidence l’impact de ces phénomènes sur les entreprises et présenté des pistes pour y remédier.

Toutes ces propositions s’inscrivent dans une véritable dynamique d’ensemble, et non dans une démarche par à-coups, en réponse à une actualité dramatique. Le véritable renouveau et la maîtrise des filières industrielles ne pourront devenir réalité sans politiques d’investissements orientées vers les innovations industrielles et la recherche-développement.

Aujourd’hui, les perspectives sont nombreuses dans les biotechnologies, les nanotechnologies, dans le domaine de l’industrie propre, dans le BTP, pour réduire la consommation d’énergie par l’isolation, dans le domaine des transports collectifs et de l’aménagement des espaces de vie.

Les textes sont là, il faut désormais les voter ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Martial Bourquin applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pas un jour ne passe sans que l’actualité vienne cruellement nous rappeler que le secteur industriel est en crise grave : les plans sociaux s’enchaînent les uns après les autres et pourraient sembler inéluctables…

Nous mesurons l’ampleur de la tâche devant laquelle vous vous trouvez, monsieur le ministre.

Pour le groupe écologiste, il est d’abord important de protéger et de maintenir l’emploi industriel en France et en Europe. Cela signifie qu’il faut penser dès aujourd’hui les enjeux et les secteurs porteurs de demain et qu’il faut amorcer la transition écologique de l’économie, en gardant d’abord à l’esprit que, derrière les chiffres, ce sont des êtres humains, des familles entières et des territoires qui sont concernés par l’échec d’une vision industrielle passéiste, purement comptable et « court-termiste ».

Élue de Seine-Saint-Denis, je prendrai l’exemple de PSA à Aulnay-sous-Bois. Les salariés nous disent : « Nous avons passé notre vie dans cette entreprise. Qu’allons-nous devenir ? » Cette angoisse est évidemment de plus en plus difficile à supporter et il nous revient de trouver des solutions.

Pour nous, écologistes, il est nécessaire de travailler à des solutions industrielles nouvelles, en impliquant tous les acteurs concernés : élus locaux, experts, mais aussi syndicats. Certains syndicats travaillent en effet sur des solutions et sont intéressés par la recherche de filières nouvelles. Je pense, par exemple, à un syndicat de Renault Sandouville, qui réfléchit à la filière de déconstruction automobile, dont beaucoup disent qu’elle pourrait être fortement porteuse d’emplois.

Mme Aline Archimbaud. Il faut en finir avec la stratégie industrielle que nous avons connue, imposée par les directions d’un certain nombre de groupes cherchant la rémunération maximale des actionnaires à court terme, faisant fi des répercussions sur les salariés, sur l’avenir de l’entreprise. Beaucoup le disent, cette stratégie est un échec total !

Mais, dans cette démarche de recherche de nouvelles filières, il est impératif de garantir les salaires des employés qui sont présents pendant toute la transition, sans aucun licenciement. Les pouvoirs publics doivent proclamer la nécessité de cette garantie parce que les salariés, menacés aujourd’hui par dizaines de milliers, ne doivent pas être victimes de la cécité stratégique des directions des groupes industriels qui n’ont pas anticipé la crise. Ce n’est pas à eux d’en faire les frais !

Par ailleurs, nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises, penser le long terme, c’est penser la reconversion et l’adaptation des secteurs qui déclinent parce que leur production est devenue obsolète. Mais ce n’est pas parce que l’on cherche à définir une stratégie à long terme qu’il faut sans cesse en reporter la mise en place. La reconversion, il faut la mettre en place tout de suite !

Par exemple, il faut moins d’automobiles de grosses cylindrées et plutôt des voitures consommant peu de pétrole. Il nous faut moins d’avions et davantage de bateaux, moins de pétrole et plus d’énergies renouvelables et d’éco-matériaux, moins de surconsommation individuelle standardisée et plus de services partagés à haute valeur ajoutée. Il nous faut moins de camions et d’autoroutes et plus de circuits courts, nous devons développer les énergies renouvelables, l’isolation thermique des bâtiments et la filière de traitement des déchets. Ce ne sont là que quelques exemples !

L’isolation thermique des bâtiments, si l’on met en place une véritable filière, avec les formations et tout l’investissement nécessaire, pourrait créer des centaines de milliers d’emplois. Ce n’est pas une fable !

Pourquoi, alors, toujours reporter ces perspectives ? Pourquoi ne pas s’y mettre tout de suite, massivement et résolument ?

Je rappelle les déclarations du Président de la République, qui s’exprimait ainsi le 14 septembre 2012, en ouverture de la Conférence environnementale : « La France, et j’en prends ici l’engagement, se mobilisera dans la transition énergétique, voilà le cap : la transition ! » Vous-même, monsieur le ministre, avez dit voilà quelques jours, à Saint-Nazaire, que « la transition énergétique » était « un point de passage pour la réindustrialisation ».

J’évoquerai à nouveau le cas de l’automobile, qui me touche puisque, comme élue en Seine-Saint-Denis, je l’ai dit, je suis évidemment avec beaucoup d’attention la situation du site de PSA à Aulnay-sous-Bois, en espérant qu’une dynamique va se mettre en place pour répondre à l’angoisse des salariés.

Je rappelle que le secteur de l’automobile représente 445 000 emplois directs et au moins autant dans la distribution et les services. On sait de quoi souffre aujourd’hui cette industrie. Sa situation résulte pour l’essentiel d’une saturation du marché dans les pays européens. Il faut vraiment penser dès maintenant la reconversion de l’appareil de production – ainsi, bien sûr, que celle des salariés de cette industrie –, son redéploiement : c’est le message que nous répétons, en ayant parfois l’impression de ne pas être vraiment pris au sérieux.

M. Gérard Longuet. Et c’est vrai !

Mme Aline Archimbaud. Il est impératif de poser la question dès maintenant. Sinon, l’automobile connaîtra le sort de la sidérurgie dans les années 1980 : une restructuration menée dans l’urgence, c'est-à-dire mal ! Plutôt que de subir la situation, nous proposons de nous y préparer pendant qu’il est encore temps.

Des étapes sont nécessaires pour ponctuer cette démarche. Nous sommes ainsi favorables à la mise en place d’un fonds national et de vingt-deux fonds régionaux de conversion, qui pourraient être financés par une taxe de 1 % sur les dividendes, afin d’accompagner ce travail de transition du secteur industriel et d’assurer son maintien sur notre territoire dans l’avenir.

Nous demeurons convaincus qu’une importante partie de la solution industrielle se trouve dans une stratégie nationale d’investissement public fort. De ce point de vue, j’espère que le séminaire industriel d’aujourd’hui, qui doit tracer des perspectives dans de nombreux secteurs économiques – numériques, haut débit, transport, logement, transition énergétique, santé – permettra de définir des politiques fortes, à mettre en œuvre dès maintenant ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’industrie est au cœur de nos préoccupations depuis longtemps. En témoigne le nombre de questions, de débats, de propositions de loi ou de rapports émanant de la Haute Assemblée qui concernent de près ou de loin cette question pour s’en convaincre.

Nous sommes face à un échec collectif et à une responsabilité collective, qu’il s’agisse des gouvernements successifs, toutes sensibilités confondues, du patronat ou des syndicats. D’ailleurs, depuis des décennies, notre relation au travail et à l’entreprise n’a pas été des plus performantes. Le problème tient certainement aussi à la sensibilité particulière que nous avons en la matière.

Même si les solutions proposées pour remédier aux faiblesses et aux difficultés que connaît notre secteur industriel peuvent faire débat, la conviction qu’il faut agir est aujourd'hui unanimement partagée, car il apparaît à tous que la réindustrialisation est la clé du retour à la croissance et de la baisse du chômage.

Je dois du reste dire au passage que je n’aime guère le terme « réindustrialisation » ; je pense que, pour l’avenir, monsieur le ministre, il conviendrait plutôt de penser à une nouvelle industrialisation, à une production centrée sur des productions innovantes, et cela va d’ailleurs bien au-delà de la seule transition énergétique. En effet, l’idéologie et l’entreprise ne font jamais bon ménage !

M. Jean-Claude Lenoir. C’est vrai !

M. Jacques Mézard. Néanmoins, entre les 23 mesures présentées à l’issue des états généraux de l’industrie lancés par la précédente majorité en 2009 et les 35 actions déclinées dans le fameux pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, la situation n’a pas encore beaucoup évolué. Il ne se passe pas une semaine sans que l’on apprenne la fermeture de telle usine ou les très grandes difficultés que connaît telle autre dans l’un de nos territoires ; vous êtes confronté chaque jour à ces graves préoccupations, monsieur le ministre.

Comme le souligne le constat introductif de l’excellent rapport remis au Premier ministre par M. Gallois,…

M. Gérard Longuet. Très bien !

M. Ladislas Poniatowski. Très bon rapport !

M. Jacques Mézard. En effet, mon cher collègue !

Selon M. Gallois, disais-je, « la compétitivité de l’industrie française régresse depuis dix ans » – c’est pourquoi j’ai parlé de responsabilités collectives – « et le mouvement semble s’accélérer ». (M. Gérard Longuet opine.)

Mes chers collègues, on peut se demander si les Français aiment l’entreprise, s’ils ne confondent pas trop souvent finances, affairisme condamnable et monde de l’entreprise ou production industrielle.

M. Jean-Jacques Mirassou. Parfois, ils n’ont pas vraiment tort !

M. Jacques Mézard. J’ajoute que les réformes engagées ces dernières années et dont nos entreprises, notamment industrielles, étaient censées bénéficier, n’ont pas changé grand-chose à leur situation. Ainsi, la réforme de la taxe professionnelle, par exemple, n’a pas été, de toute évidence, le remède miracle tant attendu à l’hémorragie industrielle.

M. Gérard Longuet. On a allégé les charges de l’industrie capitalistique !

M. Jacques Mézard. Cette mesure a peut-être allégé les charges, monsieur Longuet, mais je ne suis pas sûr que toutes les économies réalisées par les entreprises aient été consacrées à l’investissement.

M. Yannick Vaugrenard. En tout cas à l’investissement productif !

M. Jacques Mézard. L’industrie française a perdu 1,9 million d’emplois entre 1980 et 2007. Sur la même période, sa part de la valeur ajoutée dans le PIB est passée de 24 % à 14 %. C’est un constat.

M. Yannick Vaugrenard. L’héritage !

M. Jacques Mézard. Cette part se situe aujourd’hui bien en dessous de la moyenne de l’Union européenne.

Une chose est sûre : la désindustrialisation est un fléau qu’il faut absolument combattre.

Ceux qui ont prêché un temps les mérites d’une économie postindustrielle fondée sur les services se sont gravement trompés. Nous nous accordons tous, me semble-t-il, à reconnaître qu’il y a urgence à promouvoir une nouvelle industrialisation, car l’industrie est essentielle à notre économie : elle est au cœur de l’innovation, qui, elle-même, est le moteur de la croissance. D’ailleurs, 85 % de l’effort de recherche des entreprises françaises est concentré dans le secteur industriel.

L’industrie est aussi, nous le savons tous, un élément majeur pour le commerce extérieur : on le voit aujourd’hui avec le déficit catastrophique de notre balance commerciale.

Dès lors, que faire pour remédier à cette situation ?

Le Gouvernement a déjà engagé un certain nombre d’actions, comme la création de la Banque publique d’investissement, qui devrait contribuer à rationaliser les dispositifs publics d’aide aux entreprises afin de les rendre enfin accessibles aux PME et aux TPE, ou encore le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui peut permettre de répondre au moins partiellement à la problématique compétitivité-coût. Voilà autant de mesures que nous avons, pour notre part, soutenues.

Au cours de ces dernières années, les entreprises françaises ont considérablement réduit leurs marges pour maintenir leur compétitivité. Toutefois, cela a conduit, en réalité, à l’effet inverse, à savoir une détérioration de la compétitivité à moyen et long terme du fait de la réduction des investissements.

Si le coût du travail, qui est souvent montré du doigt dans notre pays, joue un rôle dans notre déficit compétitif, il n’est certainement pas l’unique facteur de perte de notre compétitivité. Les comparaisons qui peuvent être faites avec d’autres pays européens montrent que le coût du travail joue certes un rôle à cet égard, mais qu’il n’est pas le facteur déterminant.

D’ailleurs, la politique de modération salariale conduite depuis une dizaine d’années par l’Allemagne n’est pas la principale source du succès de son industrie. Il existe une différence majeure entre les industries françaises et allemandes : le positionnement de gamme. C’est en montant en gamme que les entreprises françaises pourront véritablement renforcer leur compétitivité.

Le développement des PME à l’international est aussi l’un des points faibles du tissu industriel français et, a contrario, l’un des points forts du fameux Mittelstand allemand. Certes, nous avons de grandes entreprises, qui sont de véritables « championnes mondiales », par exemple, dans le secteur aéronautique, qui est un fleuron de notre industrie, mais nous n’avons que très peu de PME et d’ETI exportatrices.

C’est pourquoi il est nécessaire d’engager d’autres réformes pour renforcer la compétitivité de notre industrie sur le long terme, en mettant, notamment, l’accent sur les formations.

Le choix d’une formation technique est trop souvent dévalorisé dans notre pays, alors que l’une des forces de l’industrie allemande réside dans l’importance accordée à la formation en alternance. Les pays émergents ont également compris l’importance du « capital humain ». Ainsi, des pays comme la Chine investissent des sommes considérables dans la mise en place de systèmes éducatifs et de formation de qualité.

Enfin, l’intitulé de ce débat nous invite, à juste titre, à nous pencher sur la dimension européenne que revêt cette question.

C’est en effet à l’échelle européenne que nous devons agir aujourd’hui pour corriger les déséquilibres du libre-échange, en instaurant une nécessaire réciprocité notamment en matière d’ouverture des marchés publics. Nous avons besoin d’une véritable politique industrielle européenne, qui est indissociable de la mise en place d’une politique européenne en matière d’énergie.

Enfin, monsieur le ministre du redressement productif, permettez-moi de conclure en formulant ce qui est plus qu’un vœu, une conviction : développez la recherche et l’innovation, faites confiance à l’intelligence de notre pays, faites en sorte que nos cerveaux ne s’exportent plus pour que nos productions continuent à se développer et à s’exporter ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

5

Communication d'avis sur des projets de nomination

M. le président. Conformément aux dispositions des articles 13 et 56 de la Constitution ainsi que de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, la commission des lois, lors de sa réunion du mercredi 20 février 2013, a émis un vote favorable (17 voix pour et 6 voix contre sur 23 suffrages exprimés) sur le projet de nomination de Mme Nicole Maestracci aux fonctions de membre du Conseil constitutionnel en remplacement de M. Pierre Steinmetz.

Elle a également émis un vote favorable (13 voix pour et 11 voix contre sur 24 suffrages exprimés) sur le projet de nomination de Mme Nicole Belloubet aux fonctions de membre du Conseil constitutionnel en remplacement de Mme Jacqueline de Guillenchmidt.

MM. Jean-Jacques Mirassou et Didier Guillaume. Très bien !

M. Jean-Claude Lenoir. Le résultat est serré ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

6

Débat sur l'avenir de l'industrie en France et en europe (suite)

M. le président. Nous reprenons le débat sur l’avenir de l’industrie en France et en Europe.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Alain Chatillon.

M. Alain Chatillon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de vous livrer quelques chiffres.

La part de l’industrie dans le PIB était de 22 % en 1999, contre 16 % en 2009. Ce secteur représente maintenant 14 % du PIB en France, contre 28 % – le double ! – en Allemagne. Et n’oublions pas que l’industrie représente aussi 85 % de notre recherche.

Vaste sujet que la désindustrialisation de la France, avec 70 000 emplois perdus chaque année depuis trente ans. C’est donc un mouvement qui progresse à pas de géant et qui tend même à s’accélérer encore !

J’ai été rapporteur de la mission commune d’information sur ce sujet en 2011 et, après une année de travail, nous avons formulé pas moins de dix-sept propositions ; j’espère que certaines d’entre elles pourront être mises en œuvre.

Il est en tout cas urgent de mettre en place une nouvelle stratégie économique. Nous connaissons les causes de notre mal, mais les remèdes que nous propose actuellement le Gouvernement ne me semblent pas adéquats : ils manquent de cohérence stratégique et sont, à mon sens, mal ciblés.

Permettez-moi d’évoquer plus précisément certains points, en commençant par le coût du travail.

Un ouvrier qualifié percevant un salaire annuel brut de 40 000 euros en France coûte 59 000 euros à son employeur, contre 48 000 euros en Allemagne ; un cadre rémunéré 70 000 euros en France coûte 100 000 euros à son employeur, contre 81 000 euros outre-Rhin.

Autrement dit, l’allégement du coût du travail, ce n’est pas la baisse du salaire versé, c’est tout simplement un signal fort adressé aux entreprises par la diminution des charges. À cet égard, la TVA sociale ou « anti-délocalisation » nous semblait être la bonne solution. De surcroît, cette mesure permettait de récupérer 8 milliards à 12 milliards d’euros sur les importations, ce qui diminuait d’autant la fiscalité et améliorait sensiblement la compétitivité de nos entreprises.

Deuxième point : le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.

Le CICE concerne très peu les PME puisque 85 % d’entre elles n’ont pas d’impôt à payer. Ainsi se trouvent exclus bon nombre de bénéficiaires potentiels.

À l’origine, le CICE visait à donner aux entreprises les moyens de redresser la compétitivité de la production française et à soutenir l’emploi. Qui plus est, il pouvait être de nature à créer un véritable choc de confiance. Or qu’en est-il réellement ?

Je l’ai dit, les PME sont très peu susceptibles d’utiliser ce dispositif. En outre, s’il a été mis en place en 2013, ce n’est qu’en 2014 qu’elles pourront le cas échéant en bénéficier.

Or nous savons que nos PME créent plus de richesses que leurs homologues allemandes, pourtant deux fois plus nombreuses.

Selon une étude conduite sur 500 entreprises non cotées dont le chiffre d’affaires est compris entre 2 millions et 50 millions d’euros, les PME ont réalisé en moyenne 1,737 million d’euros de valeur ajoutée l’an passé, contre 1,576 million d’euros pour les entreprises d’outre-Rhin. Globalement, les PME ont donc la capacité de développer l’emploi ; elles font mieux que la moyenne européenne. Accompagner leur développement m’apparaît dès lors comme une nécessité absolue !

Troisième point : l’innovation et l’accroissement de la valeur ajoutée grâce au crédit d’impôt recherche, ou CIR.

Le développement des ETI reste un objectif majeur pour la France, en vue de rattraper nos voisins allemands : il faut accompagner et faciliter la création de nouvelles ETI, en regroupant des entreprises dans chaque filière. Les pôles de compétitivité jouent un rôle essentiel en soutenant les entreprises et les filières en matière de recherche et développement. En effet, c’est par l’innovation dans tous les domaines que l’on créera de la valeur ajoutée.

Concernant le crédit d’impôt recherche, rappelons que 85 % des bénéficiaires, à hauteur de 50 % du montant global affiché, sont des PME. Est-il vraiment nécessaire que le fisc traque actuellement les PME pour vérifier qu’elles font bien un bon usage de ce dispositif ? À mon sens, il conviendrait plutôt de regarder si le CIR participe véritablement à l’innovation dans les grandes entreprises. C’est là que devrait s’exercer le contrôle !

Est-il nécessaire qu’une politique fiscale spécifique à l’endroit des classes moyennes et entrepreneuriales, plus particulièrement les dirigeants de TPE et de PME, soit mise en place ? Cela, loin de résoudre les problèmes, va les accentuer ! Ne l’oublions pas, la plupart de ces entreprises sont familiales.

Quatrième point : les exportations.

Gardons toujours à l’esprit que l’industrie représente 80 % de nos exportations.

Voilà dix ans, la France comptait 130 000 entreprises exportatrices ; elles ne sont plus que 117 000 aujourd'hui.

Quant aux PMI exportatrices, en 2005, on en dénombrait 100 000 en France, contre 219 244 en Allemagne. En 2009, nous n’en comptions plus que 91 000, contre 241 446 en Allemagne. En d’autres termes, nous avons assisté une diminution de 9 % en France et à une progression de plus de 10 % en Allemagne. Il conviendrait de savoir quelles sont les raisons d’une telle évolution.

Au moment où le marché mondial s’accroît, la France doit poursuivre la montée en qualité de ses produits. Cette stratégie est un facteur de différenciation très important ; j’en veux pour preuve le succès de nos marques à l’exportation dans certaines catégories de produits : vins et spiritueux, produits laitiers, produits à forte valeur ajoutée.

Les chiffres récents permettent d’affirmer que l’Europe reste une zone de prédilection pour 91 % des entreprises françaises présentes à l’export. Dans le secteur industriel, elles sont même 97 % à exporter en Europe. Cette situation est favorisée par la proximité et par l’existence d’une zone de monnaie unique.

Reste qu’il nous faut apporter des solutions aux problèmes qui se posent. En particulier, nous devons rendre la fiscalité plus incitative et mieux répondre aux besoins de financement des entreprises exportatrices, que ce soit par des prêts directs ou par des garanties.

À cet égard, monsieur le ministre, je m’interroge sur les raisons pour lesquelles la COFACE diminue actuellement les montants d’engagement. Ce problème est grave et je vous demande de l’examiner de près. Aujourd’hui, la COFACE finance très peu les entreprises du secteur agroalimentaire, notamment celles qui exportent vers l’Espagne.