Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces quatre amendements, pour les raisons qu’a excellemment présentées M. le rapporteur.
Concernant les amendements nos 12, 3 et 27, présentés par M. Milon et un certain nombre de collègues de son groupe, et, au nom de leurs groupes respectifs, par M. Vanlerenberghe et par Mme Cohen, je souscris totalement aux propos de Jacky Le Menn : il s’agit de ne pas dissocier les différentes étapes de la phase pré-analytique. En réalité, que signifierait, pour un patient, le fait de disposer d’une sécurité pour l’acte de prélèvement si on ne peut lui garantir que l’ensemble de la chaîne présente les mêmes garanties de sécurité ? Il va de soi que la qualité de l’acte est en jeu dès la phase de prélèvement, et jusqu’au terme de la phase analytique.
M. Gilbert Barbier. Sans oublier la phase post-analytique.
Mme Marisol Touraine, ministre. Tout à fait, monsieur le sénateur ! Cela ne fait que renforcer ce constat : les garanties doivent être les mêmes du début jusqu’à la fin du processus. On ne peut pas tronçonner l’ensemble de cette chaîne et affirmer : « Nous allons garantir une sécurité pour un acte de prélèvement, sans nous préoccuper, notamment, de la phase de transport. »
Aux yeux des auteurs de ces trois amendements, il n’est pas souhaitable que la responsabilité ne pèse que sur un des acteurs et il faut donc que chacun d’eux soit responsabilisé. Toutefois, une identification est nécessaire : à cet égard, des conventions existent déjà entre celui qui prélève, éventuellement celui qui transporte, et le laboratoire qui réalise l’analyse du prélèvement. Ces conventions pourront être dénoncées si toutes les conditions de la garantie ne sont pas assurées. Aussi, j’émets un avis défavorable sur les amendements nos 12, 3 et 27.
Monsieur Barbier, l’amendement n° 37 rectifié, que vous avez présenté, tend également à permettre le prélèvement en pharmacie d’officine. Or ce souhait est de facto satisfait par le présent article : les pharmaciens pourront figurer au nombre des professionnels autorisés. Il faudra naturellement que les conditions de sécurité et de garantie soient satisfaites, vous ne le contestez pas.
Dès lors qu’un pharmacien sera habilité, il faudra que les procédures soient déterminées via une convention préétablie entre celui-ci et le laboratoire qui traitera, dans un second temps, l’échantillon prélevé dans ces conditions. Rien ne s’oppose à ce qu’une convention soit conclue entre le pharmacien d’officine et le laboratoire.
Ainsi, étant donné que la rédaction actuelle du présent texte permet déjà l’aménagement que vous suggérez, j’émets également un avis défavorable sur votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Madame le ministre, j’avoue ne pas saisir très bien votre raisonnement.
En effet, vous affirmez que les amendements déposés par mes collègues et moi-même reviendraient à extraire la totalité ou une partie de la phase pré-analytique de la responsabilité du biologiste médical. Mais c’est bien le texte actuel qui l’autorise ! Or cela pose un véritable problème, ne serait-ce que pour ce qui concerne la rémunération de ces actes : on le sait fort bien, c’est le biologiste médical qui encaissera le prix de l’acte et rétribuera ainsi le professionnel de santé qui aura concouru à cette phase pré-analytique.
Bref, le texte que vous nous proposez sort beaucoup plus que nous le souhaitons cette phase pré-analytique de la responsabilité du biologiste. Pour notre part, nous entendons restreindre l’étape extraite de la phase pré-analytique au prélèvement et – pour ce qui me concerne – au transport et à la conservation. Sur ce point, une ambiguïté demeure, et vous ne l’avez pas levée.
À mon sens, cette situation risque de se révéler très complexe sur le plan juridique. Elle placera sans nul doute le biologiste responsable dans une position très délicate.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je partage tout à fait les propos de M. Gilbert Barbier. Vous l’avez dit, madame la ministre, c’est un ensemble, on ne peut séparer la phase pré-analytique de la phase analytique. Pourtant le texte les dissocie.
Je vous mets en garde, parce que c’est sous sa responsabilité que l’opérateur va effectuer le prélèvement (M. Gilbert Barbier opine) et mener la phase pré-analytique, dans le cadre d’une convention, c’est vrai. Mais on sait ce que vaut une convention en la matière !
Certes, la responsabilité de l’opérateur est engagée, mais c’est quand même le laboratoire de biologie médicale qui sera responsable en fin de compte de la qualité de l’analyse, du diagnostic, et en quelque sorte de la fiabilité de l’examen.
C’est sérieux, vous savez ! Cette phase pré-analytique peut conduire à des erreurs très graves. Je pense que nous devons établir une autre rédaction, conforme à ce que vous dites, d’ailleurs, quand vous affirmez qu’on ne peut pas dissocier les phases de l’examen. Écrivons donc, « sous la responsabilité du laboratoire de biologie médicale, et conformément à la convention » et ce problème sera réglé. Cette rédaction n’enlèverait rien à la responsabilité de l’opérateur. Exerçant une profession médicale, il est de toute façon responsable au regard du code de déontologie.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, le prélèvement est un acte qui peut emporter des conséquences très importantes.
Comment peut-on admettre, dites-vous, qu’un biologiste, au fond, soit garant d’un ensemble d’actes dont le défaut pourrait être porteur de nombreuses conséquences négatives ? (M. Jean-Marie Vanlerenberghe s’exclame.)
M. Gilbert Barbier. Mais c’est déjà le cas aujourd’hui !
Mme Marisol Touraine, ministre. Je voudrais vous retourner l’argument ! Comment peut-on imaginer qu’un biologiste maintienne des liens conventionnels avec des organismes qui n’effectueraient pas les actes dont la qualité de son diagnostic dépendrait ?
De facto, donc, dans la réalité professionnelle, il est inenvisageable qu’un laboratoire ou un biologiste puisse se désintéresser de l’ensemble de la chaîne. En outre, on ne voit pas comment il pourrait ne pas rompre une convention s’il disposait d’éléments l’amenant à conclure que la sécurité de son diagnostic et des actes qu’il réalise lui-même est mise en cause.
C’est bien de cela qu’il s’agit dans cet article et c’est cela que vous voulez remettre en cause en fractionnant la phase pré-analytique !
L’enjeu n’est pas mince ! C’est la sécurisation de l’opérateur qui intervient dans différents établissements. Il s’agit de garantir que la responsabilité sera clairement identifiée pour des actes qui seront réalisés dans des maisons de retraite, dans des services d’aide à domicile, etc.
On ne peut imaginer que des actes soient simplement exécutés comme cela, indépendamment de leur insertion dans la chaîne. Il paraît important que la qualité des actes soit l’objet d’une responsabilité globale. À cette fin, une convention reliera les différentes phases de l’analyse les unes aux autres et un acteur sera en charge de déterminer la nature des relations qu’il entretient avec l’ensemble des autres membres de la chaîne.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Dans le texte actuellement en vigueur, l’article L. 6211–13 précise : « … elle ne peut l’être que dans un établissement de santé, au domicile du patient, ou dans des lieux permettant la réalisation de cette phase par un professionnel de santé, sous la responsabilité d’un biologiste médical et conformément aux procédures qu’il détermine. ». On a modifié ce texte, et une ambiguïté a été introduite : « … elle peut l’être […] par un professionnel de santé, sous sa responsabilité et conformément… ».
Pourquoi ne pas être plus clair et dire que l’ensemble du processus est placé sous la responsabilité d’un biologiste médical, comme c’est le cas dans le texte en vigueur ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je voulais dire exactement cela, en reprenant les propos de Mme la ministre évoquant la responsabilité globale ! Je crois donc qu’il y a véritablement une ambiguïté dans le texte. Si vous la maintenez, c’est à vos risques et périls !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacky Le Menn, rapporteur. Étant déjà intervenu longuement, je vais résumer au plus court : c’est celui qui fait l’acte qui est responsable.
Mme Catherine Génisson. Mais non !
M. Gilbert Barbier. Mais non ! C’est la responsabilité sous la responsabilité du biologiste médical ! L’examen, c’est un tout !
M. Jacky Le Menn, rapporteur. Nous avons une analyse différente de cet article !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le rapporteur, vous devez comprendre que la responsabilité ne se partage pas, surtout dans le cas d’une analyse médicale,…
M. Gilbert Barbier. D’autant plus qu’il y a la rémunération à l’acte !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. … dont la conclusion peut entraîner de très graves erreurs de diagnostic !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Il est clair que, sur toutes les travées, une ambiguïté a été identifiée. Si cet article était bien écrit, il ne provoquerait pas ces réactions unanimes ! Je pense que nous pouvons le rédiger différemment en tenant compte de ces avis.
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous propose d’interrompre nos travaux quelques instants. (Assentiment.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen de la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale.
Nous en sommes parvenus à la mise aux voix de l’amendement n° 12. Mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait que l’adoption de ce dernier rendrait sans objet l’amendement n° 37 rectifié, ainsi que les amendements identiques nos 3 et 27.
Je mets aux voix l'amendement n° 12.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 et 27.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 28 rectifié, présenté par Mmes Cohen, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
dans des lieux en permettant la réalisation
par les mots :
dans les lieux figurant sur une liste établie par le ministre chargé de la santé, selon des caractéristiques déterminées par lui
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Avec cet amendement, nous poursuivons notre démarche visant à l’encadrement et à la sécurisation de la phase pré-analytique.
Dans sa rédaction actuelle, l’article 4 de la proposition de loi prévoit que la phase pré-analytique d’un examen de biologie médicale peut se dérouler « dans des lieux en permettant la réalisation ». Cette formulation ne nous semble pas satisfaisante, dans la mesure où elle donne l’impression que l’on vise une possibilité matérielle, en quelque sorte pratique.
La proposition de loi visant à apporter toutes les garanties de sécurité à l’examen pour que son interprétation soit la plus juste possible, on ne peut pas se satisfaire d’une expression qui suggère que la phase pré-analytique pourrait se dérouler dans un lieu où sa réalisation serait certes possible techniquement, mais en dehors de toute contrainte de sécurité ou de confidentialité.
C’est pourquoi nous proposons de confier au ministre chargé de la santé le soin d’établir une liste de lieux où la réalisation de cette phase serait possible, sur la base de critères et de caractéristiques arrêtés par décret.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacky Le Menn, rapporteur. Cet amendement vise à préciser la procédure selon laquelle les lieux permettant la réalisation de la phase pré-analytique de l’examen biologique peuvent être fixés par le pouvoir réglementaire. Il prévoit que la liste de ces lieux sera arrêtée par décret en Conseil d’État.
Mme Laurence Cohen. Non !
M. Jacky Le Menn, rapporteur. Il me semble qu’une telle procédure n’offre pas de garantie supplémentaire en matière de sécurité, dans la mesure où le Conseil d’État se prononcera sur la base des propositions du ministère de la santé.
Mme Laurence Cohen. Il n’est pas question du Conseil d’État !
M. Jacky Le Menn, rapporteur. En outre, elle pose un problème de cohérence avec la rédaction de l’alinéa suivant de l’article 4, l’alinéa 6, qui prévoit sur cette question un arrêté du ministre chargé de la santé.
En conséquence, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y serait défavorable.
Mme Laurence Cohen. L’amendement n° 28 a été rectifié : il n’est plus question d’un décret en Conseil d’État !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. En effet.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement, même rectifié.
L’enjeu principal est de s’assurer que le professionnel est autorisé à effectuer l’acte. Or il ne semble pas que les conditions supplémentaires prévues par l’amendement soient de nature à renforcer la sécurité telle qu’elle est définie à cet article 4.
Mme la présidente. Madame Cohen, l’amendement n° 28 rectifié est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Oui, madame la présidente. Je tiens simplement à préciser que, pour tenir compte des travaux en commission, nous avons abandonné l’intervention du Conseil d’État afin de rendre la procédure moins lourde.
Mme la présidente. L'amendement n° 29 rectifié, présenté par Mmes Cohen, David et Pasquet, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les conditions pour lesquelles la phase pré-analytique d’un examen de biologie médicale ne peut être réalisée dans un laboratoire de biologie médicale ou dans un établissement de santé sont définies par décret. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Comme nous avons déjà eu l’occasion de le signaler, l’ordonnance du 13 janvier 2010, en permettant la création de laboratoires multisites et en freinant la financiarisation du secteur de la biologie médicale sans la stopper, risque de conduire à une baisse du nombre de laboratoires sur le territoire national. Cette réduction résulterait de la concentration de toutes les phases d’examen au sein d’antennes régionales, dans le seul but de réduire les coûts et d’accroître les dividendes versés aux actionnaires.
Les groupes financiers ont également compris que la diminution des coûts de fonctionnement et, donc, l’augmentation de leurs marges bénéficiaires et de leurs dividendes pouvaient passer par une forme d’externalisation de la phase pré-analytique vers d’autres professionnels de santé. À quoi bon investir dans cette phase quand d’autres peuvent la réaliser pour vous ? Cette politique va conduire à la fermeture de centaines de laboratoires médicaux de proximité.
Je souligne qu’un amendement analogue avait été déposé par nos collègues du groupe socialiste lors de l’examen de la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « proposition de loi Fourcade ».
La pratique de proximité doit demeurer, notamment en milieu rural, mais elle doit être encadrée. Nous proposons aussi d’empêcher la séparation de la phase pré-analytique et de la phase analytique. Cette séparation est espérée par certains grands groupes, parce que la phase analytique est la seule qui rapporte réellement.
Dès lors qu’à l’évidence toutes les circonstances de la vie ne se prêtent pas à la réalisation de la phase pré-analytique d’une analyse biologique au sein d’un laboratoire ou d’un établissement public de santé, il apparaît nécessaire que l’autorité réglementaire établisse une liste des cas dans lesquels cette opération pourrait être réalisée en d’autres lieux.
J’insiste sur le fait que notre intention est toujours la même depuis le début de la discussion de la proposition de loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacky Le Menn, rapporteur. Cet amendement tend à confier au pouvoir réglementaire le soin de définir les cas dans lesquels la phase pré-analytique d’un examen de biologie médicale pourrait, par exception, être réalisée en dehors d’un laboratoire de biologie médicale ou d’un établissement de santé.
Je pense que, dans sa rédaction actuelle, l’article 4 de la proposition de loi assure un encadrement satisfaisant de la phase pré-analytique. Il prévoit que les procédures applicables à cette phase sont déterminées avec le biologiste-responsable du laboratoire et que « les catégories de professionnels de santé autorisés à réaliser cette phase et les lieux permettant sa réalisation sont fixés par arrêté du ministre chargé de la santé ».
Dans ces conditions, je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 29 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Il ne me semble pas que la proposition défendue par Mme Cohen présente un intérêt pratique du point de vue de la sécurité des procédures de prélèvement, qui est l’enjeu de fond de l’article 4.
En effet, je ne vois pas en quoi le fait d’établir par décret les conditions auxquelles la phase pré-analytique peut ne pas être réalisée dans un laboratoire de biologie médicale apporterait une sécurité supplémentaire.
Madame Cohen, vous avez tiré argument de la multiplication de petits sites de prélèvement sous l’égide de laboratoires importants. Il me paraît peu probable que la dérive dont vous avez parlé se produise, dans la mesure où les frais d’installation et de fonctionnement d’une telle organisation ne diminueraient pas les charges que les laboratoires supportent en tout état de cause.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
L’article L. 6211–21 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 6211–21. – Sous réserve des coopérations dans le domaine de la biologie médicale menées entre des établissements de santé dans le cadre de conventions, de groupements de coopération sanitaire ou de communautés hospitalières de territoire, et sous réserve des contrats de coopération mentionnés à l’article L. 6212–6, les examens de biologie médicale sont facturés au tarif des actes de biologie médicale fixé en application des articles L. 162–1–7 et L. 162–1–7–1 du code de la sécurité sociale. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. La biologie médicale et ses acteurs de terrain participent pleinement à l’excellence de notre système de santé. Comme celui-ci, la biologie médicale connaît de profondes modifications, parmi lesquelles celle qu’il est convenu d’appeler la médicalisation.
Ce mouvement, que nous appelons de nos vœux, tend à resituer le biologiste dans un contexte de santé publique : il ne doit plus être considéré comme un technicien de la santé – lequel est par ailleurs respectable –, mais comme un véritable conseiller médical capable, en même temps qu’il informe les patients, d’échanger avec les autres professionnels de santé et même, le cas échéant, de conseiller les médecins. Je ne parle pas de conseils portant sur les thérapeutiques les plus adaptées, mais sur la nécessité de réaliser des examens complémentaires ou des investigations plus poussées afin d’aider le prescripteur à élaborer le meilleur diagnostic possible.
Nous souscrivons pleinement à cette médicalisation, qui doit théoriquement profiter aux patients. Toutefois, elle ne doit pas servir de prétexte à la transformation d’une biologie médicale assise sur le colloque singulier entre professionnels et patients en une biologie médicale de type industriel. Je dois dire qu’en la matière nous avons quelques craintes.
Il n’en demeure pas moins qu’en actant la médicalisation de la profession, il était nécessaire de rompre avec certaines pratiques passées. Comme M. le Menn le rappelle à raison dans son rapport, celles-ci sont très mal vécues par la profession, qui les interprète comme « une négation de la "médicalisation" de la biologie médicale ».
En effet, personne n’accepterait d’une autre profession médicale qu’elle puisse négocier les tarifs qu’elle applique à un établissement de santé, en raison de son intervention dans celui-ci. Encore moins si cette négociation a pour effet de réduire les tarifs appliqués, au point qu’ils puissent se trouver inférieurs aux tarifs figurant dans la nomenclature.
Cette pratique dite des ristournes, qui renvoyait la biologie médicale à un acte technique, ne doit plus avoir cours. C’est la raison pour laquelle les sénateurs du groupe CRC voteront en faveur de l’article 5 de la proposition de loi.
Les ristournes avaient tendance, de manière incidente, à rouvrir le débat sur la nature de la biologie médicale. En effet, si les professionnels de ce secteur pouvaient pratiquer des tarifs inférieurs à ceux fixés par la nomenclature, c’est qu’ils ne procédaient pas à un acte médical à proprement parler, mais à une simple prestation de service. Dès lors, comment la France pouvait-elle justifier au plan européen son refus d’appliquer à ce secteur les principes de libre concurrence imposés par les directives sur les services ?
Pour autant, la suppression des ristournes ne réglera pas toutes les difficultés que rencontrent les professionnels de santé, dont la médicalisation exigera qu’ils assurent des missions nouvelles : les biologistes médicaux devront interpréter plus et mieux les analyses médicales, au risque de voir leur responsabilité civile professionnelle engagée, et consacrer davantage de temps à un travail d’interprétation non rémunéré alors même que, depuis des années, leurs tarifs n’ont cessé d’être réduits.
Par ailleurs, personne ne peut ignorer que le renforcement du rôle du biologiste médical dans l’interprétation des résultats rend nécessaire la rencontre entre le professionnel et le patient, afin que le premier puisse réaliser, à l’image des médecins, un véritable interrogatoire du second. Seulement, ces rencontres seront d’autant moins possibles que la nature multisites des laboratoires tendra progressivement à éloigner les biologistes des patients.
Malgré leurs réserves, les sénateurs du groupe CRC voteront en faveur de l’article 5, qui permettra de mettre un terme à la concurrence par les prix pratiquée par certains laboratoires. C’est d’autant plus nécessaire que, lorsqu’elles sont consenties aux établissements de santé privés commerciaux, les baisses de tarifs ne profitent qu’à ces derniers, lesquels baissent leurs coûts de revient sans réduire les tarifs imposés aux patients.
C’est pourquoi, tout en restant vigilants, nous approuvons l’article 5 de la proposition de loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 5
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 2 rectifié sexies est présenté par MM. Mayet, Pinton, Chauveau, Cointat, Gournac, Leleux, Milon, Revet, du Luart et B. Fournier, Mmes Sittler et Cayeux, MM. Portelli, Magras et Pillet, Mme Giudicelli, M. Beaumont, Mlle Joissains et M. Vial.
L'amendement n° 8 est présenté par MM. Vanlerenberghe et Amoudry, Mmes Dini et Jouanno, MM. Marseille, Roche et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 6211–21 du code de la santé publique, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - À titre dérogatoire, l’article L. 6211–21 n'est pas applicable aux établissements de santé publics situés dans un département ne disposant pas d’un laboratoire public de biologie médicale.
« Cette dérogation est accordée sur proposition de l’agence régionale de santé. Cette dernière prend en compte des critères d’éloignement de l’établissement par rapport à d’autres établissements de santé publics équipés d’un laboratoire de biologie médicale, ainsi que la convention le liant à un laboratoire privé.
« Les critères d’éloignement visés à l’alinéa précédent combinent des données objectives de distance et de temps de parcours appréciées par l’agence régionale de santé. »
La parole est à M. Alain Milon, pour présenter l'amendement n° 2 rectifié sexies.
M. Alain Milon. Les premiers signataires de cet amendement sont MM. Mayet et Pinton.
Certains départements ne possèdent pas de laboratoires publics de biologie médicale et leurs établissements de santé publics sont trop éloignés d’autres établissements équipés d’un laboratoire. Dans ces départements, conformément à la réglementation, les établissements de santé publics traitent avec des laboratoires privés, qui consentent alors des remises.
Cet amendement a pour objet de maintenir cette possibilité, afin de conjuguer efficacité médicale, c'est-à-dire la proximité, et nécessité budgétaire, par le biais de « ristournes ».
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour présenter l'amendement n° 8.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Madame la présidente, Alain Milon ayant très bien présenté son amendement, je considère que le mien est défendu. Il s’agit ici de cas limites, qui justifient que soient négociées des remises, terme que je préfère à celui de ristourne. Il faut procéder par appel d'offre, ce qui me paraît légitime dans la mesure où cela concerne un établissement public.
Mme la présidente. L'amendement n° 39 rectifié, présenté par MM. Barbier, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 6211–21 du code de la santé publique, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - À titre dérogatoire, les dispositions de l’article L. 6211–21 ne sont pas applicables à un établissement de santé public ne disposant pas d’un laboratoire public de biologie médicale dans un rayon de 50 km. »
La parole est à M. Gilbert Barbier.