Mme Cécile Cukierman. C’est démagogique !
M. Pierre-Yves Collombat. Dans un certain nombre de régions, certes extrêmement limité, où existe un monopole de la presse, les relations ne sont en effet pas toujours très claires entre ceux qui peuvent passer des marchés ou des annonces…
M. le président. Je vous demande de conclure, mon cher collègue.
M. Pierre-Yves Collombat. Je conclus, monsieur le président. Bref, il serait intéressant de disposer d’un rapport circonstancié sur les échanges qui peuvent se produire entre les pouvoirs exécutifs et tous ceux qui tournent autour…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Saugey, rapporteur. Cet amendement a déjà été déposé en commission et, quel que soit le bien-fondé de ses dispositions, il dépasse l’objet de la présente proposition de loi puisqu’il concerne le fonctionnement de la collectivité et non pas l’élu.
En tout état de cause, il faudrait évaluer les conséquences de cet amendement en examinant l’ensemble des dispositions concernant les élus de l’opposition. Selon moi, cet amendement pourrait être redéposé dans un prochain texte concernant les collectivités territoriales.
La commission émet donc, provisoirement, un avis défavorable sur cet amendement, qui aura toute sa place dans un autre contexte, les arguments de notre collègue Pierre-Yves Collombat étant tout à fait recevables.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. L’avis du Gouvernement est similaire. Le Parlement débattra dans les semaines ou les mois qui viennent, en tout cas je l’espère, d’un texte concernant les collectivités territoriales dans lequel certaines des dispositions que vous proposez devraient figurer.
La démocratie, les droits de l’opposition comme la transparence sont effectivement des éléments que le Gouvernement veut inscrire dans la loi. Le faire dans une proposition de loi sur le statut de l’élu, même si ce n’est pas son intitulé exact, serait un peu délicat.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable, en attendant un vrai débat sur ce thème.
M. le président. Monsieur Collombat, l'amendement n° 4 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Pierre-Yves Collombat. Après un tel accueil, monsieur le président, je vais le retirer. Je tiens toutefois à préciser que je ne visais ni Le Progrès ni La Dépêche d’ici ou d’ailleurs. (Sourires.)
Madame la ministre, je suis intimement persuadé que la démocratie se vit d’abord à l’intérieur des institutions, et c’est pourquoi il est primordial de parvenir à établir un débat équilibré. La majorité dit : « ils racontent n’importe quoi », l’opposition répond : « on n’a pas d’informations » ! Si les relations entre les uns et les autres, les exécutifs locaux, les organes de presse étaient clarifiées, tout le monde s’en porterait mieux !
Mme Françoise Laborde. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 4 rectifié bis est retiré.
Article 6 bis (nouveau)
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 2123-12 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une formation est obligatoirement organisée au cours de la première année de mandat pour les élus ayant reçu une délégation. » ;
2° Le premier alinéa de l’article L 3123-10 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Une formation est obligatoirement organisée au cours de la première année de mandat pour les élus ayant reçu une délégation.» ;
3° Le premier alinéa de l’article L 4135-10 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Une formation est obligatoirement organisée au cours de la première année de mandat pour les élus ayant reçu une délégation. – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 6 bis
M. le président. L'amendement n° 49 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 6 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 2123-27 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Les élus qui perçoivent une indemnité de fonction en application des dispositions du présent code ou de toute autre disposition régissant l'indemnisation de leurs fonctions constituent une retraite par rente à la gestion de laquelle doivent participer les élus affiliés. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je le répète, je souhaite que nous abordions le thème de la retraite par rente. C’est un vrai sujet sur lequel nous devons travailler, y compris au cours de la navette parlementaire, en particulier pour les jeunes élus. Certains d’entre eux ont justement fait remarquer que leur carrière professionnelle serait quelque peu hachée s’ils n’exercent pas plus de deux ou trois mandats consécutifs.
Tout cela soulève de nombreuses questions, en particulier sur la retraite. Cependant, compte tenu de la qualité de nos échanges et dans la mesure où nous pourrons y travailler ensemble, je retire, dans l’immédiat, l’amendement du Gouvernement, ce qu’attendent de moi, me semble-t-il, M. le président de la commission des lois et M. le rapporteur… (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 49 rectifié est retiré.
Je suis saisi de cinq amendements en discussion commune.
Les quatre premiers sont identiques.
L'amendement n° 8 rectifié bis est présenté par MM. Détraigne et Merceron, Mme Férat, MM. Duvernois, Gaillard, Lasserre, Roche et Guerriau, Mme Goy-Chavent, M. Deneux, Mme Jouanno, MM. Amoudry, Namy, J. Boyer, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° 15 est présenté par MM. Tropeano et Fortassin et Mme Laborde.
L'amendement n° 24 rectifié sexies est présenté par MM. Godefroy, Yung et Andreoni, Mme Bonnefoy, MM. Auban, Ries, Povinelli, Courteau, Filleul, Guérini, Daudigny et Patient, Mmes Claireaux et Schillinger et M. Peyronnet.
L'amendement n° 29 est présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 6 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les personnels ne relevant d'aucun des corps de la fonction publique, employés dans les collectivités territoriales et les assemblées parlementaires, par les groupes ou par les élus à titre individuel, sont régis par une convention collective de branche relative aux collaborateurs d'élus qui fixe leurs conditions d'emploi et d'exercice.
Cette convention prévoit, notamment, les modalités de mise en œuvre des droits à formation et à validation des acquis de l'expérience de ces personnels, à la protection de la santé et à la sécurité au travail, ainsi que la compensation financière des engagements précaires, due en fin de contrat.
Elle entre en vigueur dans le délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi.
Passé ce délai, les conditions générales d'emploi et d'exercice de ces personnels sont fixées par la loi.
Dans les deux cas, il est fait application des dispositions du code du travail relatives à la représentativité et aux modalités de négociation.
La parole est à M. Joël Guerriau, pour présenter l'amendement n° 8 rectifié bis.
M. Joël Guerriau. Cet amendement vise à moderniser l’exercice du mandat de l’élu local dans sa dimension d’employeur.
Nous avons la faculté de recruter des collaborateurs ne relevant d’aucun des corps de la fonction publique. Salariés contractuels, ils ont pour mission de contribuer à faciliter l’exercice de notre mandat d’élu. Ces emplois sont directement liés à notre statut. C’est en cela que j’estime qu’il ne s’agit pas ici d’un cavalier législatif.
Cependant, la situation professionnelle de ces salariés est précaire ; ils subissent de plein fouet la précarité des mandats électifs sans aucune compensation statutaire d’ordre socioprofessionnel ni reconnaissance collective d’un métier qui existe depuis trente ans déjà, dans l’ombre des élus mais avec leur confiance intuitu personae, et qui compte près de 10 000 personnes.
Pour pallier une situation de vide juridique que les élus ne peuvent ignorer, l’amendement prévoit une solution « clé en main » : il permet, d’une part, de sécuriser la gestion des ressources humaines pour les élus locaux ainsi que leur responsabilité en tant qu’employeurs en limitant les sources de contentieux, individuels ou collectifs, relatifs au code du travail ; il organise, d’autre part, les relations du travail conformément à la législation, afin de moderniser la vie des élus et l’exercice de leur mandat.
Par cet amendement, les élus décident de mettre en œuvre les dispositions collectives prévues par le droit du travail en établissant une convention collective de branche relative au métier de collaborateur d’élu. Cette dernière fixe les droits et devoirs des élus employeurs ainsi que de leurs collaborateurs.
Cet amendement a été signé par des sénateurs de tous bords et s’inscrit dans la continuité de l’appel lancé en 2011 par près d’une centaine de sénateurs en faveur de l’évolution du statut professionnel des collaborateurs de parlementaires.
Déjà, en 2006, des amendements avaient été déposés à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la fonction publique territoriale. Ces amendements visaient à valider les acquis de l’expérience de nos collaborateurs. Ils avaient été retirés par leurs auteurs en contrepartie de l’engagement de constituer un groupe de travail en vue de faire évoluer ce statut professionnel, lequel n’a toujours pas abouti à ce jour, d’où le dépôt du présent amendement.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 15.
Mme Françoise Laborde. Si nous sommes élus, voire réélus, c’est parce que nous faisons le choix de nous présenter, soutenus par nos militants et nos partis, mais c’est aussi grâce au travail de fond de nos collaborateurs.
Ce texte est donc l’occasion de reparler de leur statut, celui des directeurs de cabinet, par exemple, dans les collectivités territoriales ou les assemblées parlementaires : puisque nous traitons du statut des élus, c’est le moment d’évoquer celui de nos collaborateurs, dont la situation dépend tant de la nôtre.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 24 rectifié sexies.
M. Roland Courteau. J’ajouterai simplement que les signataires de cet amendement entendent ainsi assumer les responsabilités qui leur incombent en tant qu’employeurs, conformément aux dispositions prévues par le code du travail.
C’est pourquoi ils souhaitent mettre en œuvre les dispositions collectives prévues par le droit du travail en établissant une convention collective de branche relative aux collaborateurs d'élus.
Cette dernière fixerait les droits et devoirs des élus employeurs ainsi que de leurs collaborateurs. Elle concernerait l’ensemble de la profession de collaborateur d’élu, c’est-à-dire les collaborateurs d’élus dans les collectivités territoriales, les collaborateurs de parlementaires, les collaborateurs de groupes parlementaires et les collaborateurs de parlementaires européens sur le territoire français.
Elle vise à limiter la multiplication des contentieux, individuels ou collectifs, relatifs à l’application du droit du travail et à démontrer la volonté des élus d’apporter des solutions en la matière.
J’en appellerai enfin à un autre motif : la dignité. Le lien juridique que les institutions n’ont pas voulu établir avec les collaborateurs d’élus, cette collectivité professionnelle que l’on se refuse toujours à reconnaître, est une bien mauvaise manière qui leur est faite, alors que nous bénéficions, comme vient de le souligner Françoise Laborde, des qualités de leur travail et de leur dévouement.
Ainsi, pour faciliter l’exercice du mandat des élus locaux et nationaux, nous proposons la reconnaissance du corps des collaborateurs d’élus, plusieurs décennies après leur création, par voie conventionnelle.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l'amendement n° 29.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement a été défendu, mais permettez-moi néanmoins d’apporter quelques précisions complémentaires.
L’appel que nous lançons ainsi dépasse notre assemblée et la simple séance d’aujourd'hui puisqu’il s’agit de reconnaître l’utilité, les compétences, la loyauté, le dévouement à la chose publique des collaborateurs qui nous entourent, sans lesquels nous ne saurions faire face à nos multiples missions. Au-delà de la question du cumul, l’apport précieux des collaborateurs est une nécessité dans l’exercice d’un seul mandat.
Le reconnaître est aussi un gage donné à leur travail et une forme d’humilité dans l’exercice de notre mandat. Nous avons évoqué la formation, le besoin d’être conseillé, entouré, d’échanger. L’existence d’un tel statut contribuerait en outre à rassurer tout un chacun sur la possibilité de devenir élu et à dissiper la crainte émise parfois de se retrouver seul face à l’inconnu, sans aide, sans qu’il soit question, bien sûr, que les collaborateurs décident à la place des élus.
Tous, élus territoriaux et nationaux, nous sommes entourés par ces personnels dévoués qui sont très largement au service des actions publiques et politiques que nous conduisons. Pourtant, faute de véritable statut, leur avenir est incertain. Il faudra bien un jour que nous nous attaquions à cette question. Nous ne pouvons pas ignorer les problèmes de ceux qui sont souvent nos plus proches collaborateurs.
Alors, faut-il adopter ces amendements identiques ou bien trouver une autre solution, en concertation avec le plus grand nombre ? La question reste sans doute ouverte. Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : il faut doter nos collaborateurs d’un statut et reconnaître leurs missions. Dans cette attente, et pour faire entendre cette exigence, nous maintenons notre amendement.
M. le président. L'amendement n° 39 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 6 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les personnels ne relevant d'aucun des corps de la fonction publique, employés dans les collectivités territoriales, par les groupes ou par les élus à titre individuel, sont régis par une convention collective de branche relative aux collaborateurs d'élus qui fixe leurs conditions d'emploi et d'exercice.
Cette convention prévoit, notamment, les modalités de mise en œuvre des droits à formation et à validation des acquis de l'expérience de ces personnels, à la protection de la santé et à la sécurité au travail, ainsi que la compensation financière des engagements précaires, due en fin de contrat.
Elle entre en vigueur dans le délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi.
Passé ce délai, les conditions générales d'emploi et d'exercice de ces personnels sont fixés par la loi.
Dans les deux cas, il est fait application des dispositions du code du travail relatives à la représentativité et aux modalités de négociation.
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Notre amendement est différent, non pas parce qu’il est Vert – n’y cherchez pas les termes « bio » ou « parité » (Sourires.) –, mais parce que je ne pense pas qu’une telle disposition puisse s’appliquer aux assistants parlementaires. Compte tenu de la séparation des pouvoirs, nos collaborateurs doivent être régis par un statut spécifique.
M. Bernard Saugey, rapporteur. C’est vrai !
Mme Hélène Lipietz. Cela dit, il ne devrait pas y avoir de grève demain dans cet hémicycle ni dans les différentes collectivités, car nous venons tous de déclarer notre flamme à nos collaborateurs. Je m’en félicite parce qu’ils sont effectivement les « petites mains » qui réalisent à nos côtés un travail de broderie indispensable.
Par ailleurs, je ferai remarquer qu’il n’est pas possible que les collaborateurs d’élus soient soumis au droit commun. Il ne peut y avoir de négociation syndicale au sens du droit privé, ne serait-ce que parce qu’il n’existe pas de syndicat d’employeurs de collaborateurs d’élus…
Mme Jacqueline Gourault. C’est vrai !
Mme Hélène Lipietz. Il est donc nécessaire – c’est fondamental – qu’une loi fixe un statut.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces cinq amendements ?
M. Bernard Saugey, rapporteur. Ces amendements visent à régler la situation des collaborateurs d’élus, qu’ils soient locaux ou nationaux, en les soumettant à une convention collective de branche unique.
Je ferai d’abord une observation générale : il est curieux que la loi oblige les partenaires sociaux à une négociation, laquelle est d’ailleurs déjà prévue par le droit commun du travail.
Pour le reste, nous connaissons tous le travail qu’effectuent les assistants parlementaires et les collaborateurs de groupes parlementaires. Nous les en remercions tous les jours, car nous savons très bien que, sans eux, notre système, dont ils sont un rouage essentiel, ne fonctionnerait pas.
Toutefois, la question soulevée excède l’objet du présent texte : ces amendements sont en fait des cavaliers.
Je rappelle que le cadre d’emploi de ces personnels, qui sont des salariés de droit privé, est fixé par les bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat, chacun pour ce qui concerne son assemblée, tout comme pour le statut des fonctionnaires, cela afin de respecter l’autonomie des assemblées parlementaires.
Les règles ainsi fixées offrent aux assistants des normes plus favorables que celles du seul code du travail, qu’il s’agisse des minima salariaux, du temps de travail minimum, de la portabilité de l’ancienneté, du treizième mois, de la couverture prévoyance et retraite ou de l’épargne salariale.
Ces normes s’imposent à tous les sénateurs et produisent de ce fait les effets d’une convention collective.
Quant à la situation des collaborateurs des groupes d’élus dans les collectivités territoriales, elle est régie par le code général des collectivités territoriales et la loi du 26 janvier 1984. Ces collaborateurs sont rémunérés par le budget de la collectivité. Leurs conditions d’emploi sont fixées par l’élu responsable du groupe d’élus.
En application de l’article 110-1 de la loi du 26 janvier 1984, ces collaborateurs sont recrutés sous contrat d’une durée de trois ans au maximum, renouvelable dans la limite du terme du mandat de l’assemblée délibérante concernée.
Conformément au droit commun des contrats de droit public, depuis la loi du 12 mars 2012, le contrat renouvelé à l’issue d’une période de six ans ne peut l’être que pour une durée indéterminée.
Les collaborateurs de cabinet, qui sont des contractuels de droit public – j’attire votre attention sur ce point –, sont pour leur part recrutés par l’autorité territoriale selon des modalités fixées par l’article 110 de la loi du 26 janvier 1984, complétée par un décret du 16 décembre 1987, qui détermine leurs modalités de rémunération et leur effectif. L’autorité territoriale décide des conditions et des modalités d’exécution de leur service.
Pour conclure, la convention proposée par ces amendements s’appliquerait à des personnels relevant de statuts différents : des salariés de droit privé d’un côté et des contractuels de droit public de l’autre. Bon courage ! Elle supposerait que les élus employeurs adhèrent à une organisation patronale ou en constituent une avant de négocier. Enfin, elle soulève le problème du respect du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs. C’est donc au bureau de l’Assemblée nationale et à celui du Sénat qu’il appartient de discuter de cette question.
Pour toutes ces raisons, malgré toute la considération que nous avons pour ces personnels, en particulier pour nos attachés parlementaires, nous émettons un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je dois dire que je suis presque déçue, car je m’apprêtais, en m’appuyant sur la note extrêmement bien faite dont je dispose (Sourires.), à avancer les mêmes arguments que M. le rapporteur concernant la multiplicité des statuts et l’application de la loi du 26 janvier 1984 aux collaborateurs, lesquels sont effectivement, il ne faut pas l’oublier, des agents contractuels de droit public.
J’indique à la Haute Assemblée que nous aurons à prendre, dans le cadre de l’agenda social, un certain nombre de dispositions afin de lutter contre les statuts précaires dans la fonction publique. Peut-être pourrions-nous, à cette occasion, aborder la question soulevée dans ces amendements et créer un droit adapté à ces contrats très particuliers qui ne peuvent pas donner droit, par exemple, à une titularisation.
J’ajoute que les syndicats sont très attachés au fait qu’un contrat de droit public ne puisse permettre d’accéder à la fonction publique sans passer de concours. C’était une demande des collaborateurs d’élus, mais elle a été rejetée par les syndicats, de même qu’elle l’avait été pour les contrats aidés, les emplois d’avenir et d’autres types d’emplois, au motif qu’une telle façon d’entrer dans la fonction publique, sans être vraiment anormale, constituerait une forme de privilège.
Nous devons donc être très prudents. Le mieux serait, comme je l’ai déjà dit, de discuter de la précarité des titulaires de contrats de droit public dans le cadre de l’agenda social.
Enfin, permettez-moi de revenir sur le statut des collaborateurs parlementaires, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, même si M. le rapporteur en a déjà excellemment parlé.
Une même convention collective pour les collaborateurs des deux assemblées n’est même envisageable. Je rappelle que, au Sénat, c’est une association qui gère les collaborateurs, ce qui n’est pas le cas à l’Assemblée nationale, où il y a une relation intuitu personae entre le collaborateur et le parlementaire.
Le fait générateur de cette différence de situation est simple : il réside dans la possibilité de dissoudre l’Assemblée nationale, la dissolution pouvant contraindre un député à dénoncer un contrat avant le terme prévu s’il n’est pas réélu.
On le voit, les impossibilités en droit sont multiples. Or nous devons toujours nous ranger du côté du droit. Je ne peux donc qu’être défavorable à ces amendements, même si j’en comprends le sens pour avoir connu de près, en tant que questeur à l’Assemblée nationale, les difficultés que peuvent rencontrer nos collaborateurs.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Dans son excellente intervention, M. le rapporteur a apporté des réponses à plusieurs des questions que nous nous posions. Il a eu tout à fait raison de bien distinguer la nature du contrat liant un collaborateur à un élu local et celle d’un contrat liant un collaborateur à un groupe, que ce soit d’ailleurs dans une collectivité locale ou au Parlement. Dans le premier cas, c’est un contrat de droit public, dans le second un contrat de droit privé.
Il est donc absolument impossible d’adopter les amendements tels qu’ils nous sont présentés, même si nous comprenons très bien les préoccupations des personnes qui nous entourent. Ce n’est pas faire preuve de démagogie que d’en parler un instant.
J’ajoute d’ailleurs qu’il faudrait également penser à une autre catégorie de personnels, dont plusieurs sont assis au premier rang de notre hémicycle ; je veux parler des collaborateurs des ministres.
Pour ma part, dans une vie précédente, j’ai été secrétaire d’un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale et collaborateur de ministre. À ce titre, j’ai connu des moments difficiles, car rien ne me protégeait des aléas de la vie politique, que ce soit à l’Assemblée nationale, où des mouvements avaient eu lieu dans le groupe parlementaire, ou parce que les ministres que je servais avaient été remerciés à l’issue d’une campagne électorale qui remonte déjà à quelques années…
Il donc en effet nécessaire de réfléchir au statut de ceux qui nous assistent. J’élargirai même mon propos à une autre catégorie de personnes, à savoir celles qui travaillent dans les partis politiques.
Certes, qui trop embrasse mal étreint, et le texte que nous examinons aujourd'hui ne permettra pas d’apporter une solution à leurs difficultés, mais je pense que la vie politique repose en partie sur le travail effectué par nos collaborateurs, travail dont nous sommes les uns et les autres les témoins.
Or ces derniers sont soumis à des aléas assez peu compatibles avec l’idée que l’on se fait aujourd'hui du destin que nous devons assurer aux personnes proches de nous et, tout simplement, avec le droit applicable aux personnes qui travaillent.
Le problème est posé. Ce n’est pas dans ce texte, non plus que sous cette forme, qu’il sera réglé, mais je suis convaincu qu’il est nécessaire de réfléchir aux moyens d’assurer une protection collective à ces salariés, très peu nombreux en définitive, qui ne bénéficient ni du statut de la fonction publique, d’État ou territoriale ni d’une convention collective ; ce serait l’honneur du Parlement que se pencher sur leur sort.
M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour explication de vote.
M. François Grosdidier. Je rappelle qu’un certain nombre de collaborateurs, notamment ceux des partis politiques, relèvent du droit commun, les partis ayant tout de même une certaine pérennité.
Les collaborateurs parlementaires ont forcément une situation plus précaire, liée à notre propre précarité. C’est un point qu’ont en commun les collaborateurs parlementaires et les contractuels des collectivités locales, qu’ils soient collaborateurs de cabinet ou collaborateurs de groupes politiques dans d’importantes collectivités.
Au-delà de ces quelques observations, je n’ai rien à ajouter à ce qu’a dit notre décidément excellent rapporteur. (Sourires.) Les amendements qui viennent de nous être présentés, malgré les bonnes intentions de leurs auteurs, opèrent effectivement une totale confusion entre différentes catégories de salariés n’ayant aucun rapport les uns avec les autres, si ce n’est qu’ils travaillent avec des élus, et relevant de droits différents. Il me semblait d’ailleurs totalement incongru et même surréaliste de vouloir régler à l’occasion d’une loi concernant les élus locaux la situation de nos propres collaborateurs parlementaires.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. François Grosdidier. Venant de passer de l’Assemblée nationale au Sénat, je terminerai en disant que le Sénat a de l’avance,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Comme souvent !
M. François Grosdidier. … car il offre plus de garanties aux collaborateurs des parlementaires que ne leur en donne l’Assemblée nationale, ou du moins ne leur en donnait lorsque je l’ai quittée, ce qui est assez récent.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Permettez-moi de faire remarquer, monsieur le président, que c’est justement parce que le droit commun n’est pas appliqué, notamment l’obligation de négociations annuelles, que ces amendements identiques ont été déposés.
Il faudra bien un jour ou l’autre – et le plus tôt sera le mieux – apporter une solution à la situation de précarité de nos collaborateurs. Il faut enfin en finir !
En attendant, le groupe socialiste maintient son amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. C’est en tant que questeur que j’interviens. Évidemment, nous comprenons les difficultés liées à la situation de nos collaborateurs, mais l’idée de placer sous un même régime ceux-ci et le personnel des collectivités territoriales ne saurait perdurer. En droit, c’est impossible, car leurs statuts respectifs sont complètement différents et ça l’est d’autant plus que le principe de l’indépendance des assemblées parlementaires doit être respecté. Je ne vois donc pas comment on pourrait nous imposer une convention collective.
Mais examinons les faits et partons de cette évidence : il y a autant d’employeurs que de collaborateurs. Ne l’oublions pas. Chacun de nos collaborateurs a un patron, et, ce patron, c’est chacun de nous ; c’est vous, mes chers collègues !
C’est donc vous qui, individuellement, allez fixer le montant de leur rémunération, dans le cadre d’une enveloppe globale, certes, mais vous avez une marge de manœuvre. Tous les collaborateurs, même s’ils effectuent le même nombre d’heures, ne perçoivent pas les mêmes salaires, parce qu’il y a des variations qui sont fonctions, justement, de la décision du patron.
C’est vous qui fixez les heures de travail, ainsi qu’un certain nombre d’autres éléments qui caractérisent le « lien de subordination », pour reprendre l’expression du code du travail, avec l’employeur.
Au-delà de la question du lien employeur-employé, il est vrai qu’au Sénat, comme Mme la ministre le rappelait à l’instant, nous avons essayé, par l’intermédiaire d’une association, d’harmoniser les règles.
À mon sens, c’est une bonne chose. Cela évite que, comme à l’Assemblée nationale – il n’est évidemment pas dans mon intention de dire du mal de nos collègues, mais nous connaissons des cas –, un même parlementaire emploie dix collaborateurs à temps très partiel.