M. Alain Gournac. Oui !
M. Henri de Raincourt. … et de nos soldats, à qui nous aussi voulons naturellement rendre hommage.
Monsieur le ministre, lors de vos échanges avec nos partenaires européens, vos homologues ont, de façon unanime, salué l’action de la France ; c’est très bien ! Mme Ashton a déclaré que l’Union européenne jouerait un rôle clé, un rôle actif dans les semaines à venir ; c’est positif !
Néanmoins, nous appelons de nos vœux des faits concrets (M. Alain Gournac approuve.) qui – excusez-moi, monsieur le Premier ministre ! – aillent un peu au-delà des actions de formation dans lesquelles l’Europe est engagée.
Dans cette bataille très difficile à livrer contre le terrorisme, l’Union européenne, qui a élaboré une stratégie pour la sécurité et le développement du Sahel, nous est immensément nécessaire. Nous avons un très grand besoin de l’Europe, non pays par pays, mais globalement !
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous rendre compte des efforts engagés par le Gouvernement français et nous dire quelles sont les perspectives pour que l’Union européenne affirme clairement sa présence dans la lutte contre le terrorisme ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, je vous remercie beaucoup de votre question, car elle me fournit l’occasion de préciser le rôle de l’Union européenne dans la crise du Mali, ainsi que les conditions dans lesquelles la France a été amenée, avec ses partenaires européens, à définir une stratégie qui permette à ce pays de retrouver son intégrité territoriale et de faire face au risque terroriste.
Au-delà, il s’agissait de sécuriser le continent africain dans son ensemble, lequel risquait de se trouver déstabilisé en cas de contamination terroriste, et d’assurer la sécurité de l’Europe et en particulier celle de notre propre pays.
Premièrement, je veux, à la suite du Premier ministre, insister sur le rôle qu’a joué l’Union européenne dans la préparation de la formation des troupes maliennes afin que celles-ci soient en mesure de redonner au Mali son intégrité territoriale.
Monsieur le sénateur, vous avez eu raison de mettre l’accent sur le fait que l’ensemble des actions engagées dans ce pays sont intervenues dans le strict respect de la légalité internationale. C’est d’ailleurs le résultat d’une première action concrète de l’Union européenne. En effet, les résolutions 2056, 2071 et 2085, qui ont défini le cadre légal international dans lequel nous sommes intervenus, n’auraient pu être prises s’il n’y avait pas eu, au sein des Nations unies, une intervention conjointe et convergente de tous les pays de l’Union européenne.
Deuxièmement, nous avons souhaité que ces derniers puissent définir ensemble les modalités d’une formation de l’armée malienne, permettant à celle-ci d’assurer la sécurité sur le territoire du Mali et, comme l’a indiqué M. le Premier ministre, permettant également à la MISMA de garantir durablement cette sécurité, avec des troupes en nombre.
C'est la raison pour laquelle, avec les pays de l’Union européenne, nous avons décidé de mobiliser près de 500 militaires venus de toute l’Europe pour assurer la formation, à travers la mise en place du dispositif European Union Training Mission in Mali, ou EUTM.
Par ailleurs, nous avons également indiqué que nous étions à la disposition de la CEDEAO pour assurer toute mission permise par cette formation, aux côtés de la MISMA.
Si, lorsque les terroristes ont décidé de faire mouvement, la France n’avait pas pris, sous l’impulsion du Président de la République, la décision d’intervenir, tout ce que nous avons convenu avec les Européens ne serait pas possible aujourd'hui : le Mali serait tombé dans les mains des terroristes et serait en situation de déstabilisation majeure.
M. Alain Gournac. Vous ne répondez pas à la question !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Par conséquent, nous avons continué à travailler avec les Européens, qui, contrairement à ce que nous avons pu entendre à certains moments, ont mobilisé des moyens à nos côtés : moyens aériens pour assurer le transport de troupes en nombre ; moyens sanitaires, à des fins d’assistance ; moyens humanitaires, lesquels seront bel et bien nécessaires sur le terrain.
Par ailleurs, le 29 janvier prochain, nous réunirons une conférence des donateurs à Addis-Abeba pour mobiliser les moyens financiers qui permettront d’aller au bout de cette opération.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Alain Gournac. En effet !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. L’intervention au Mali est donc une action européenne, dans laquelle la France joue un rôle de précurseur pour rétablir l’intégrité territoriale du pays et pour assurer la sécurité du Sahel face au risque terroriste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
l'école
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le ministre, d’ici à la fin du mois de mars, les communes de nos départements sont appelées à se prononcer sur une réforme des rythmes scolaires, applicable en 2013 ou en 2014, pour laquelle les élus n’ont pas été sérieusement informés et encore moins consultés.
Ce projet aux contours flous, dont l’impact financier n’a absolument pas été évalué, a été sévèrement retoqué par toutes les instances de concertation : comité technique ministériel, Conseil supérieur de l’éducation, commission consultative d’évaluation des normes.
Dans un contexte de baisse annoncée des dotations de l’État pour 2014 et 2015, les élus se sentent pris à la gorge et s’interrogent sur la faisabilité du projet en l’état. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
Que se passera-t-il lorsque l’aide exceptionnelle de 250 millions d’euros promise pour 2013 – aide qui, selon les premières estimations de nos collègues, apparaît déjà très en deçà des dépenses engendrées – disparaîtra ?
Sous quelle responsabilité seront placés les enfants entre quinze heures trente et seize heures trente ? Qui les encadrera ? Aura-t-on partout – en ville comme en milieu rural – les moyens de recruter des personnels qualifiés pour les activités culturelles ou sportives annoncées ?
Un sénateur du groupe socialiste. Vous les aviez supprimés !
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le ministre, ces questions toutes simples, auxquelles vous n’avez pas franchement répondu tout à l'heure, sont celles que se posent des élus qui nous interpellent tous les jours ! Savez-vous réellement ce qu’est la gestion de l’école d’une petite commune ou encore d’un regroupement scolaire en milieu rural ?
Ces élus, qui font déjà beaucoup d’efforts, revendiquent tout autant que vous le bien-être et l’intérêt de l’enfant. Dès lors, ils appréhendent une réforme qui menace de creuser les inégalités entre les territoires.
Les sénateurs de l’UDI-UC jugent que l’éducation est une priorité. Aussi, monsieur le ministre, ils veulent vous mettre en garde contre un passage en force risquant d’être contreproductif pour l’aménagement du temps de l’école, qui est en effet nécessaire. C’est bien à cette conclusion qu’est parvenue la Conférence nationale sur les rythmes scolaires, installée par Luc Chatel, au sein de laquelle j’ai d’ailleurs travaillé, comme deux de mes collègues appartenant à des groupes politiques différents.
M. Alain Néri. Parlez-nous plutôt de M. Darcos !
Mme Catherine Morin-Desailly. Parmi nos recommandations, au travers desquelles nous proposions par ailleurs un projet plus global, intégrant aussi le rythme à l’année – que je ne retrouve pas vraiment dans votre projet, monsieur le ministre –, nous insistions sur la nécessité d’une méthode qui privilégie la concertation.
M. Alain Gournac. Avec les maires !
Mme Catherine Morin-Desailly. À la précipitation qui a été la vôtre depuis le début, et contre laquelle le Premier ministre vous a d’ailleurs mis en garde en juin dernier, il faut privilégier l’expérimentation et la souplesse, qui permettent des adaptations dans le respect des objectifs.
En clair, monsieur le ministre, pour réformer, vous devez échanger avec l’ensemble des partenaires de l’école et, en premier lieu, avec les représentants des collectivités qui en assumeront la mise en œuvre.
M. Alain Gournac. Les maires !
Mme Catherine Morin-Desailly. Ces élus dont nous nous faisons les porte-parole vous demandent des moyens pour appliquer la réforme. Surtout, ils vous demandent du temps ! Et ce n’est pas le mois de réflexion supplémentaire accordé aux communes qui permettra de résoudre le problème, car, aujourd'hui – il faut bien le dire –, la plus grande confusion règne ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. Madame la sénatrice, vous avez opportunément rappelé que vous aviez fait partie du comité de pilotage de la grande consultation nationale sur la réforme des rythmes scolaires menée par mon prédécesseur pendant plusieurs mois.
Cette consultation a tiré le bilan de ce qui avait été l’une des plus tristes réformes mises en œuvre par la majorité précédente : la suppression des quatre jours et demi de classe hebdomadaires. (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Avec concertation !
Mme Catherine Procaccia. Quoi de triste là-dedans ?
M. Vincent Peillon, ministre. Vous avez vous-même tiré la conclusion qu’il fallait revenir à ces quatre jours et demi, à raison de cinq heures d’école par jour si cela était possible. Vous avez même préconisé de rajouter deux semaines de cours. Puis, avec les autres membres du comité de pilotage, vous en êtes restés là.
C’est dommage, parce qu’il est dans l’intérêt des élèves que nous soyons capables de réaliser, tous ensemble, cette réforme, comme vous l’aviez vous-même reconnu.
La concertation est nécessaire.
M. Alain Gournac. Avec les maires !
M. Vincent Peillon, ministre. À votre époque, elle a duré plus d’un an. Après notre installation, elle s’est poursuivie plusieurs mois. Toutes les associations de maires – y compris des maires de zones montagneuses et des maires ruraux, qui se sont prononcés pour, ainsi, bien sûr, que l’Association des maires de France – ont été reçues à plusieurs reprises.
Madame la sénatrice, je constate que vos informations ne sont pas toujours justes. Vous avez parlé de la commission consultative d’évaluation des normes, où les élus sont représentés. Hier, cette commission a validé le projet de décret, par huit voix pour et deux voix contre. Pourquoi ? Parce que les informations sont enfin parvenues à ses membres, (M. Alain Gournac s’exclame.), alors que, jusque-là, elles avaient du mal à passer, étant donné le travail de désinformation auquel vous vous employiez malgré votre préoccupation de façade. (Vives protestations sur les travées de l'UMP. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
C’est dommage, parce que, pour des raisons purement politiciennes, vous prenez les enfants de France en otage. On a vu d’ailleurs pendant cinq ans quelles étaient vos pratiques envers l’éducation nationale !
M. Gérard Larcher. Arrêtez !
M. Vincent Peillon, ministre. Aujourd’hui, nous sommes obligés de réparer. C’est vrai pour les rythmes scolaires, car c’est vous qui avez fait la semaine de quatre jours, unique au monde ! C’est vrai pour les remplacements, car vous avez supprimé 80 000 postes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) C’est vrai pour la formation des enseignements, car vous l’avez elle aussi supprimée !
Nous, nous pensons à l’avenir de la France, nous apportons des réponses concrètes, qu’il s’agisse des taux d’encadrement ou du financement de la réforme, en nous attachant à consulter les uns et les autres.
M. Alain Gournac. Ce n’est pas vrai !
M. Vincent Peillon, ministre. Si vous avez encore des inquiétudes, au-delà de celles que vous entretenez pour des raisons politiciennes (Protestations sur les travées de l'UMP.), mes services sont entièrement à votre disposition pour vous aider à élaborer ces projets territoriaux pour lesquels les élus locaux auront une responsabilité particulière.
Certains ne veulent pas – je vois ici le maire de Marseille… – accorder à l’école la priorité qu’elle mérite. (M. Jean-Claude Gaudin proteste.) L’État français le veut, l’école le veut… Alors, mettez-vous en mouvement ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Gournac. Ça coûte trop cher !
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Monsieur le Premier ministre, vous avez fait de la lutte contre la pauvreté une priorité gouvernementale. Sachez que vous avez notre soutien le plus total pour rendre leur dignité à des millions de personnes.
La précarité dans notre pays est le fait d’une crise extrêmement violente et d’un chômage de masse inacceptable, mais c’est aussi le résultat de décisions politiques prises par les gouvernements précédents.
M. Alain Gournac. C’est toujours leur faute !
M. Martial Bourquin. Parmi ces décisions, il en est une qui est particulièrement inique, celle qui concerne les bénéficiaires potentiels de l'AER, l’allocation équivalent retraite, qui ont quitté leur emploi avant le 1er janvier 2009 ; il s’agit de personnes nées en 1952 et en 1953.
Souvenons-nous : en 2008, des dizaines de milliers de personnes ont accepté des plans sociaux au terme de quarante années de travail en pensant être protégées par l’AER. Leurs employeurs et l'administration la leur avaient promise ! (M. Alain Gournac s’exclame.)
Non seulement le gouvernement Fillon a mis fin à cette allocation au 1er janvier 2009, mais il a en outre prolongé de deux ans le supplice des anciens bénéficiaires potentiels en les ignorant totalement lors de la réforme des retraites de 2010. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Ils ont été méprisés, jetés dans la précarité et la pauvreté ! Au Sénat, nous avons, à deux reprises, obtenu la prolongation de ce dispositif. Lors de l’examen de la loi de finances pour 2013, nous avons fait voter, avec l'ensemble des groupes de la majorité, une contribution exceptionnelle de solidarité pour prendre en compte la situation de ces classes d'âge.
M. Alain Gournac. Programme nul !
M. Martial Bourquin. Une délégation formée de moi-même, Ronan Kerdraon et Alain Néri s'est rendue à Matignon, où nous avons reçu une écoute de qualité. Je sais aussi que les principales centrales syndicales vous ont, encore très récemment, alerté sur la situation de ces personnes, monsieur le Premier ministre.
Je connais votre attachement à la justice sociale. Je veux vous sensibiliser au drame humain, au véritable calvaire que vivent quotidiennement ces personnes. Ma question est simple : allez-vous réparer les erreurs des gouvernements Fillon et aider cette classe d'âge qui vit dans le dénuement et la précarité la plus complète ? Ces hommes et ces femmes, qui ont travaillé si longtemps, ont le droit de retrouver la dignité et l’espoir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’abord de votre soutien au Gouvernement dans sa lutte contre la pauvreté et en faveur de l’inclusion sociale. J’aimerais que les sénatrices et sénateurs de l’opposition qui ironisent s’engagent également pour soutenir la lutte contre les injustices.
Mme Natacha Bouchart. Mais enfin, on fait quoi d’autre ?
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Aujourd'hui, 9 millions de personnes vivent, en France, sous le seuil de pauvreté. Cela mérite bien un combat et une mobilisation générale.
M. Éric Doligé. Payée par les départements !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le sénateur, vous avez signalé une situation particulièrement injuste parce qu’il y a eu en quelque sorte tromperie envers ces trop nombreux salariés, aujourd’hui sur le carreau, qui, ayant perdu leur emploi ou accepté de bonne foi un départ volontaire en 2009 ou en 2010, pensaient pouvoir bénéficier de l’allocation équivalent retraite.
Puis, vous l’avez rappelé, le précédent gouvernement leur a fermé la porte au moment où il devenait encore plus difficile pour les salariés d’atteindre l’âge de la retraite…
M. François Rebsamen. Eh oui !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. … puisque la réforme des retraites de 2010 venait d’augmenter la durée légale de cotisations. Ainsi, les personnes concernées par l’AER nées en 1952 et en 1953 se sont trouvées doublement pénalisées.
Le gouvernement précédent a mis en place, en catastrophe, une allocation dite « allocation transitoire de solidarité », ou ATS, dont le versement dépend de conditions tellement draconiennes que ce ne sont que quelques centaines de personnes qui peuvent en bénéficier. Le problème demeure donc entier.
M. Jean-Claude Carle. Eh oui !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur Bourquin, avec le président de votre groupe, François Rebsamen, vous faites partie de ceux qui m’ont alerté voilà déjà plusieurs semaines, et je vous sais aussi mobilisé que le sont, effectivement, toutes les organisations syndicales représentatives des salariés.
Vous avez raison, il faut trouver une solution à ce problème et mettre fin à cette injustice. Le Gouvernement s’y est engagé devant votre assemblée, le 26 novembre dernier, lors de la discussion de la loi de finances pour 2013.
À cette occasion, vous et vos collègues avez livré une analyse précise de la situation. Plus d’une dizaine de milliers de personnes nées en 1952 ou en 1953 et qui n’ont toujours pas atteint l’âge légal de la retraite à taux plein vivent ainsi actuellement avec le revenu de solidarité active ou l’allocation spécifique de solidarité.
Ces personnes vivent douloureusement leur situation : elles ont travaillé toute leur vie, ont toutes leurs annuités, mais, pendant les quelques mois – au maximum un an – qui doivent encore s’écouler avant que leur retraite puisse être liquidée, elles sont au RSA !
Mme Catherine Procaccia. Ce n’est pas une réponse !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous allons donc régler ce problème. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
J’ai en effet décidé de répondre à l’urgence sociale que vous dénoncez, monsieur Bourquin. J’ai décidé, à titre dérogatoire, de mettre en place une prestation d’un montant équivalent à l’AER. Pourront en bénéficier tous les chômeurs ayant de faibles ressources, âgés de cinquante-neuf ans et de soixante ans, inscrits à Pôle emploi avant le 31 décembre 2010, et qui n’ont pu bénéficier de l’AER. Cette prestation complétera leur revenu pour le porter à 1 030 euros par mois.
À cet effet, nous allons prendre un décret simple qui permettra l’ouverture de ce droit à partir du 1er mars 2013, c'est-à-dire dans quelques semaines désormais. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Ainsi, la justice sera rétablie : ces personnes pourront attendre l’âge de la retraite à taux plein dans la dignité, grâce à la solidarité nationale.
Je rappelle que cette mesure vient compléter une autre décision que le Gouvernement a prise après l’élection présidentielle et conformément aux engagements du Président de la République : le 2 juillet 2012, un droit de départ à taux plein a été ouvert aux salariés âgés de soixante ans ayant commencé à travailler avant vingt ans. Dépassant largement le nombre nécessaire d’annuités, ces salariés étaient injustement pénalisés.
Nous avons voulu donner un signal fort, ce qui ne règle bien entendu ni la question de l’avenir du financement de notre système de retraite ni les injustices, mais donne le sens, le ton de l’action du Gouvernement, montre notre souci de prendre à bras-le-corps les problèmes économiques et financiers, en marquant toujours nos décisions du sceau de la justice ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Protestations sur les travées de l'UMP.)
culture scientifique et technique
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Madame la ministre, une large concertation a eu lieu dans le cadre des assises que vous avez organisées, qui ont réuni enseignants et chercheurs. C'était nécessaire, mais pas suffisant, et le risque existe d’une focalisation sur la seule innovation technologique.
Le projet de loi que vous allez nous présenter pourra s’inscrire dans une réflexion plus globale sur les rapports entre science et société : en quoi la science participe-t-elle au développement de sociétés plus solidaires et plus responsables ? En quoi répond-elle aux incertitudes des citoyens ?
Il en va de la connaissance, et il en va aussi de l'emploi : en France, plus de 50 % des emplois émanent des secteurs non marchands et associatifs.
Ce qu'on appelait la « diffusion de la culture scientifique technique et industrielle » reposait, il y a trente ans, sur une véritable ambition, assortie de moyens. Puis le concept a été qualifié de « partage de la culture scientifique », s’éloignant de la caricature de quelques rares « sachants » devant un peuple inculte qu’il s’agirait de convaincre.
Ensuite, les budgets se sont étiolés. En 2010, une gouvernance aventureuse a démantelé l'action ministérielle en externalisant la gestion de tous les moyens concernés, partout en France, auprès d'un établissement parisien unique : Universcience. Imaginerait-on confier l’intégralité du budget des théâtres de France à l'Odéon, à charge pour lui de le répartir ?
Les associations licencient. La probable décentralisation des CCSTI, les centres de culture scientifique, technique et industrielle, auprès des régions ne répondra pas à l'ensemble de la question.
Pourtant, certaines initiatives remarquables nous donnent des horizons séduisants : des recherches participatives dont le programme est défini par une institution, comme le Muséum ; des sciences citoyennes, dont les programmes de recherche sont définis avec des associations ; des sciences coopératives, dont le programme est à la fois co-construit, co-défini et co-piloté, comme pour cette recherche sur les céréales panifiables en Île-de-France, qui réunit l'INRA, des associations, des boulangers, des paysans et des consommateurs.
Quelle part, madame la ministre, allez vous accorder dans votre projet de loi à ces pistes indispensables à une société de la connaissance, une société participative de l'intelligence collective qui soit résistante aux obscurantismes ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, la diffusion de la culture scientifique et technique est, vous l’avez dit, un enjeu essentiel de la politique que je souhaite mener, car elle est le fondement même d’une société démocratique et de la connaissance partagée.
La science appartient à tout le monde, et nous devons créer les conditions pour que toutes et tous puissent s’approprier les principes et les méthodes de la connaissance scientifique dans toutes ses acceptions, des sciences humaines et sociales jusqu’aux sciences dites exactes, et s’approprier également une culture d’innovation et de création qui soit caractérisée par l’audace et l’envie d’entreprendre.
Le renouveau du débat public entre science et société est une exigence politique qui doit faire l’objet d’un programme spécifique avec l’appui de recherches en sciences humaines et sociales. Cette démarche doit s’engager avec une définition claire – elle n’existe pas aujourd'hui – des enjeux et de la stratégie nationale de la recherche.
Cette stratégie, que nous sommes en train de finaliser de façon partenariale, sera basée sur des défis sociétaux lisibles pour tous et par tous. Elle renverra aux expériences et aux interrogations quotidiennes sur la santé, l’énergie, le changement climatique, l’innovation, le numérique, la sécurité alimentaire, parce que les scientifiques doivent se faire comprendre de l’ensemble de nos concitoyens.
Toutes ces dimensions de la démocratisation de la culture scientifique et technique feront partie intégrante de l’agenda national de la stratégie de la recherche que nous construisons au sein de mon ministère, agenda qui répondra à ces défis sociétaux, comme le fait d’ailleurs le programme européen de recherche Horizon 2020.
Le principe même de cet agenda et ses grandes orientations seront inscrits dans la loi, tout comme la mission de service public d’enseignement supérieur et de recherche en matière de culture scientifique et technique.
Mon ministère ainsi que celui de la culture et de la communication coordonneront, sous une forme en cours de définition, l’action gouvernementale avec l’appui d’autres ministères, en premier lieu, le ministère de l’éducation nationale, mais aussi le ministère de l’écologie et celui du redressement productif.
L’acte III de la décentralisation devrait attribuer aux conseils régionaux des compétences nouvelles en matière de diffusion de la culture scientifique et technique. Il devrait coordonner les réseaux territoriaux. Sous cette impulsion, de véritables projets territoriaux pourront se constituer et assurer la généralisation des nombreuses initiatives qui ont été prises, comme les opérations « les petits débrouillards » et « la main à la pâte », imaginées par les lauréats du prix Nobel Pierre-Gilles de Gennes et Georges Charpak.
Dans le programme des investissements d’avenir, près de 200 millions d’euros sont consacrés aux programmes de culture scientifique et technique destinés aux publics scolaires dès le plus jeune âge, avec une large diffusion, sur des sites web ou à la radio par exemple.
La formation des enseignants, dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, prendra en compte ces enjeux en s’appuyant sur les ressources territoriales que j’ai évoquées. Nous en avons d’ailleurs discuté ce matin avec les présidents d’université et les recteurs qui vont accueillir ces écoles.
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.
Mme Geneviève Fioraso, ministre. Enfin, les regroupements territoriaux et les communautés d’universités seront amenés à proposer systématiquement une stratégie de diffusion de la culture scientifique, qui sera évaluée et intégrée.
Je conclurai avec cette phrase de Marie Curie…
M. le président. Merci, madame la ministre…
M. Ladislas Poniatowski. Personne ne respecte son temps de parole !