M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 19 rectifié est présenté par MM. Hyest, Retailleau, B. Fournier, Béchu, Bas, Cointat et Buffet, Mlle Joissains, MM. de Legge, Chauveau, Doligé, Lefèvre, Cornu et Carle, Mme Cayeux et MM. Doublet, D. Laurent, Gournac et Pointereau.
L'amendement n° 140 est présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, j’ai déposé cet amendement dans un souci de cohérence : ainsi que je m’en suis expliqué au cours de la discussion générale, nous sommes contre le report des élections.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l'amendement n° 140.
M. Yves Détraigne. Le groupe UDI-UC est favorable à la concomitance des élections régionales et des élections départementales, comme l’a rappelé son président, François Zocchetto, lors de la discussion générale.
Ainsi que le souligne à juste titre le Gouvernement, l’organisation le même jour des élections régionales et cantonales a conduit à une chute significative du taux d’abstention en 1992 et en 2004. La concomitance serait donc de nature à limiter l’abstention, ce qui est une bonne chose.
Toutefois, la mise en œuvre de cette concomitance n’implique en rien de modifier le calendrier électoral puisqu’elle avait été organisée par la précédente majorité, dans la loi du 16 février 2010.
On nous soutient que cela ferait trop de scrutins au cours de la même année 2014. L’argument est assez faible, et juridiquement inopérant.
Je rappelle que, parmi les élections prévues en 2014, les élections sénatoriales, tout en étant fondamentales – personne ne dira le contraire dans cet hémicycle ! –, sont évidemment d’une nature différente de celle d’autres élections, telles les élections européennes, et ne mobilisent pas, par définition, le même nombre d’électeurs.
La véritable raison est ailleurs, et nous le savons tous, mes chers collègues !
Les élections intermédiaires sont toujours compliquées pour le mouvement politique qui détient les rênes du pouvoir. Elles le seront d’autant plus pour vous, chers collègues de la majorité, que vous êtes aux affaires dans la presque totalité des départements.
C’est pourquoi, dès l’examen du texte en commission des lois, nous avions déposé des amendements visant à supprimer le report des élections locales en 2015.
Pour modifier le calendrier électoral, il faut des raisons valables, d’intérêt général. Quelles sont celles qui motivent le report des élections régionales ? Celles-ci auraient pu avoir lieu en 2014 puisqu’elles ne nécessitent pas de redécoupage ni un éventuel changement du mode de scrutin.
L’argument selon lequel personne ne se déplacerait pour les seules élections départementales est un peu mince, d’autant que les électeurs sont souvent plus près de leur conseiller général que de leurs conseillers régionaux.
Enfin, n’oublions pas que le résultat de ces élections locales, si celles-ci avaient bien lieu en 2014, auraient des conséquences sur le collège des grands électeurs, et donc sur les élections sénatoriales de septembre 2014. C’est là une raison de plus pour être fermement opposés à la modification du calendrier qui nous est proposée.
Le Conseil constitutionnel ne manquera pas, sans nul doute, de nous donner sa vision des choses. Je crains qu’elle ne diffère de la vôtre, monsieur le ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La commission est défavorable à ces deux amendements.
Cela a été largement rappelé lors de la discussion générale, neuf tours de scrutin auraient lieu la même année si le calendrier électoral n’était pas modifié.
Le Conseil constitutionnel, dont notre collègue Détraigne brandit la menace, a très souvent jugé normal que, dans des cas de figure comme celui-là, on prenne des dispositions pratiques. Celles qui nous sont soumises ont le mérite de la cohérence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre. Sans surprise, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
Le texte que nous vous soumettons a une logique : abrogation du conseiller territorial, création du conseiller départemental, préservation du conseiller régional et retour à un calendrier qui aurait d’ailleurs dû, j’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer, être différent. Les régionales auraient dû être reportées à 2016 et les cantonales à 2017.
Vous le savez bien, il aurait été impossible d’organiser de manière satisfaisante les neuf tours de scrutin de l’année, dont ceux des trois élections du mois de mars 2014. D’autres possibilités que celle que nous avons choisie ont été évoquées. Je pense notamment à celle consistant à lier les élections régionales et les élections européennes ; or les unes se font au scrutin proportionnel à un tour quand les autres se déroulent au scrutin proportionnel à deux tours avec prime majoritaire. Cela n’apparaît pas très cohérent !
Retenir l’année 2015 a l’avantage de permettre d’organiser le même jour deux scrutins concernant des élections territoriales, mais avec des élus différents. Le texte, voté par le Sénat de manière unanime, me semble-t-il, instaure une seule série pour les élections cantonales. La logique est donc de lier cantonales et régionales, ce qui explique la proposition initiale du Gouvernement.
J’ajouterai, avec un sourire, monsieur Détraigne, que votre référence à la sagesse du Conseil constitutionnel paraîtrait plus sincère si vous n’utilisiez pas l’argument opposé quand il s’agit de l’avis du Conseil d’État relatif au « tunnel » des plus ou moins 20 %.
M. Jean-Jacques Hyest. Ce n’est pas pareil !
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.
M. Philippe Kaltenbach. Le groupe socialiste votera contre ces amendements de suppression.
En effet, ce projet de loi offre l’opportunité d’un réaménagement du calendrier électoral, rendu nécessaire par l’embouteillage qui se profile l’an prochain puisque quatre élections étaient programmées pour 2014. De fait, la suppression du conseiller territorial entraînera la tenue de cinq élections, représentant neuf tours de scrutins. Solliciter de manière aussi intense les électeurs pour des élections aussi différentes que les élections européennes, municipales et territoriales ne serait pas le signe d’un bon fonctionnement démocratique.
De plus, dans un grand nombre de petites communes, l’organisation de tous ces scrutins serait particulièrement complexe.
Il faut donc tenter de mieux ordonner le calendrier électoral.
La proposition du Gouvernement de décaler d’un an les élections cantonales et régionales est également justifiée par le fait que l’instauration d’un scrutin binominal pour les élections départementales – si ce dispositif est finalement adopté – implique un redécoupage complet des cantons, qui demandera du temps.
Je vous le rappelle, chers collègues de l’opposition, c’est vous qui avez voulu lier les élections régionales et cantonales autour du conseiller territorial. Comme l’a expliqué M. le ministre, s’il est cohérent de faire voter nos concitoyens le même jour pour ces deux élections, il est également logique de reporter également les élections régionales.
J’ajoute que les conseillers régionaux n’ont été élus que pour quatre ans, précisément de manière à permettre la concomitance des élections territoriales. Il n’y a donc rien de scandaleux à prolonger d’un an leur mandat, qui restera, de toute façon, inférieur aux six ans que compte normalement un mandat de conseiller régional.
Pour toutes ces raisons, qui relèvent à la fois de considérations pratiques et d’une volonté de mieux organiser le débat politique français, nous appelons au rejet de ces deux amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19 rectifié et 140.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 145, présenté par MM. Maurey, Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - À l’article 1er de la loi n° 2010-145 du 16 février 2010 organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, les mots : « mars 2014 » sont remplacés par les mots : « juin 2014 ».
II. - Par dérogation aux dispositions de l’article L. 336 du code électoral, le premier tour de scrutin de l’élection du conseil départemental a lieu en même temps que l’élection des représentants au Parlement européen.
III. - Le II s’applique au prochain renouvellement du conseil départemental.
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Cet amendement s’inscrit dans le droit fil de celui que je viens de présenter.
Je l’ai déjà dit, aucune raison valable ne justifie le report des élections régionales. On peut cependant admettre qu’une certaine marge de manœuvre soit nécessaire pour permettre le redécoupage cantonal dans les conditions prévues par l’amendement de la commission que nous avons adopté avant la suspension.
Il est donc proposé de reporter les élections cantonales et régionales de mars 2014 à juin 2014.
Cela permettrait, de surcroît, de garantir un renouvellement intégral du collège électoral sénatorial avant les élections de septembre 2014.
M. Albéric de Montgolfier. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 27 rectifié bis, présenté par MM. Hyest, B. Fournier, Béchu, Bas, Cointat et Buffet, Mlle Joissains, MM. de Legge, Chauveau, Doligé, Lefèvre et Carle, Mme Cayeux et MM. Doublet, D. Laurent, Gournac, Pointereau et Sido, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. – Le troisième alinéa de l’article L. 336 du code électoral est ainsi rédigé :
« Les élections ont lieu le même jour que les élections européennes. »
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Même si nous n’avons que peu de chances de voir cet amendement adopté, je tiens à indiquer que les élections régionales pourraient être organisées en même temps que les élections européennes, en 2014.
Ce serait d’autant moins illogique que le Gouvernement souhaite, semble-t-il, donner plus de responsabilités aux régions, en leur confiant, notamment, la gestion de fonds européens ; je crois d’ailleurs que cela a déjà été expérimenté dans deux régions. De fait, les fonds européens jouent un rôle considérable dans certaines régions et il serait, dès lors, vraiment pertinent de lier les deux élections.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements, notamment pour les raisons déjà exposées par M. le ministre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 24.
(L’article 24 est adopté.)
Article 25
I. – (Non modifié) Sont abrogés :
1° La loi n° 2010-145 du 16 février 2010 organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux ;
2° Les articles 1er, 3, 5, 6 et 81 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales ainsi que le tableau annexé à cette loi.
II. – À l’intitulé du chapitre Ier du titre Ier de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 précitée, le mot : « territoriaux » est remplacé par les mots : « généraux et conseillers régionaux » ;
III. – Le I de l’article 82 de la même loi est ainsi rédigé :
« I. – L’article 7 entre en vigueur lors du prochain renouvellement des conseils régionaux, prévu en mars 2015. »
M. le président. L’amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Hyest, Retailleau, B. Fournier, Béchu, Bas, Cointat et Buffet, Mlle Joissains, MM. de Legge, Chauveau, Doligé, Lefèvre, Cornu et Carle, Mme Cayeux et MM. Doublet, D. Laurent, Gournac et Pointereau, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. L’article 24 ne peut que susciter la tristesse puisqu’il jette la dernière pelletée de terre sur la tombe du conseiller territorial. (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. Lors des obsèques, on boit un coup, normalement ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest. Oui, mais après ! On ne va pas se mettre à chanter la chanson de Brassens, les Funérailles d’antan, tout de même ! (Nouveaux sourires.)
La mort du conseiller territorial semble en réjouir certains. Mais je ne suis pas sûr que leur bonheur se prolonge indéfiniment, du fait, notamment, de la mise en place des fameux binômes.
Comme nous étions favorables aux conseillers territoriaux, il est tout à fait logique que nous demandions la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Vous vous souvenez, mes chers collègues, que nous avons débattu dans cette enceinte pendant quelques dizaines d’heures sur le conseiller territorial. Par conséquent, le Sénat est très éclairé sur la position des uns et des autres et je ne suis pas sûr qu’il soit utile de reprendre l’ensemble de ce débat, surtout à cette heure !
Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.
M. Philippe Kaltenbach. Les socialistes restent évidemment opposés au conseiller territorial. Il s’agissait d’un élu hybride, qui n’avait pas beaucoup de sens, qui aurait fait reculer la parité,…
M. Jean-Jacques Hyest. On en reparlera un jour…
M. Philippe Kaltenbach. … et qui aurait peut-être entraîné une confusion dans l’esprit de nos concitoyens. De plus, il portait en germe une forme de tutelle d’une collectivité sur l’autre, et même, dans l’esprit de certains de vos amis, monsieur Hyest, la suppression, par fusion, des départements au sein des régions.
Pour toutes ces raisons, nous sommes très heureux de voter l’article 25 – et donc d’en rejeter la suppression –, pour enterrer définitivement, nous l’espérons, le conseiller territorial.
Mme Nathalie Goulet. Paroles immortelles ! (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° 141, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Cet amendement est dans la logique des amendements présentés précédemment.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Cet amendement vise à maintenir le calendrier électoral fixé par la loi du 16 février 2010.
Pour permettre l’élection en mars 2014 des conseillers territoriaux institués par la loi du 16 décembre 2010, celle-ci a, d’une part, réduit de trois ans le mandat des conseillers généraux élus en mars 2011 et, d’autre part, abrégé de deux ans le mandat des conseillers régionaux élus en mars 2010.
Cependant, la commission a adopté l’abrogation du conseiller territorial ainsi que le calendrier proposé par le Gouvernement, en vue de favoriser la participation électorale aux scrutins locaux.
Par conséquent, la commission, considérant que le présent projet de loi est plus conforme à la durée normale des mandats, a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 28 rectifié ter, présenté par MM. Hyest, B. Fournier, Béchu, Bas, Cointat et Buffet, Mlle Joissains, MM. de Legge, Chauveau, Doligé, Lefèvre et Carle, Mme Cayeux et MM. Doublet, D. Laurent, Gournac, Pointereau, Sido et Reichardt, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
prévu en mars 2015
par les mots :
prévu en 2014
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Cet amendement a été défendu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement pour les raisons déjà exposées.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 25.
(L’article 25 est adopté.)
Article 26
Les dispositions du titre Ier de la présente loi s’appliquent au prochain renouvellement général des conseils départementaux. Jusqu’à cette date, au neuvième alinéa de l’article L. 210-1 du code électoral, le taux : « 12,5 % » est remplacé par le taux : « 10 % ».
Les dispositions du titre II de la présente loi s’appliquent au prochain renouvellement général des conseils municipaux.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 118 est présenté par M. Doligé.
L’amendement n° 144 est présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
L’amendement n° 118 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l’amendement n° 144.
M. Yves Détraigne. Cet amendement a pour objet de maintenir le seuil actuel permettant à un candidat de se maintenir au second tour des élections cantonales. Il est curieux que ledit seuil, fixé jusqu’à présent à 12,5 % des inscrits, soit, au détour du présent projet de loi, abaissé à 10 %.
C’est d’autant plus curieux que, comme le Sénat a rejeté l’article 8, qui instaurait ce taux réduit pour le nouveau mode de scrutin, l’article 26 modifie, avec application immédiate, l’article L. 210-1 du code électoral.
En réalité, on se demande quelle est la motivation réelle d’un tel abaissement. Si ce nouveau seuil avait été appliqué aux résultats des dernières élections cantonales, cela aurait provoqué plus de 200 triangulaires. Or chacun sait très bien qui sont, en cas de triangulaire, les tiers présents au deuxième tour.
Nous sommes donc clairement opposés à l’abaissement du seuil de 12,5 % à 10 %.
M. Albéric de Montgolfier. Eh oui ! Quel intérêt ?
M. le président. L’amendement n° 31 rectifié bis, présenté par MM. Hyest, Retailleau, B. Fournier, Béchu, Bas, Cointat et Buffet, Mlle Joissains, MM. de Legge, Chauveau, Doligé, Lefèvre et Carle, Mme Cayeux et MM. Doublet, D. Laurent, Gournac, Pointereau et Sido, est ainsi libellé :
Alinéa 1, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Je partage tous les arguments présentés par mon collègue et ami Yves Détraigne.
Nous avons déposé un amendement similaire au sien, car nous ne comprenons pas la raison de l’abaissement subit du seuil en question.
Les travaux de la commission des lois faisaient espérer, c’est vrai, que ce point était secondaire, du fait de l’adoption d’un amendement qui prévoyait que seuls les deux candidats arrivés en tête au premier tour pourraient se présenter au second tour. Cet amendement, je le répète, a tout de même été adopté par la commission des lois !
Puisque l’article 8 a disparu, l’amendement en question a disparu aussi. Subsiste, en revanche, l’article 26.
Cela a été dit, si le but est de multiplier les triangulaires, le moyen trouvé pour ce faire est certainement excellent !
Mais nous connaissons les arrière-pensées politiques d’une telle démarche. Nous ne sommes quand même pas dupes ! Nous sommes payés depuis trente ans pour savoir comment l’extrême droite est instrumentalisée afin d’empêcher la droite républicaine d’accéder à certaines responsabilités…
Mme Cécile Cukierman. Dans la quatrième circonscription de la Loire, la triangulaire n’a pas empêché la droite de l’emporter !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mon avis sera bref, mais j’en ai pesé les termes : je suis au regret d’indiquer à M. Détraigne et à M. Hyest que ces amendements sont contraires au texte adopté par la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Cette seule phrase suffira pour que les auteurs de ces amendements comprennent des choses qu’ils ont d’ailleurs déjà comprises… (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre. Le sujet est sur la table.
Le seuil des 10 % existait avant 2010. Je ne sache pas qu’il ait particulièrement freiné l’accès des candidats de la droite républicaine à des mandats électifs, notamment s’agissant d’une élection très locale, où l’ancrage personnel compte beaucoup.
Vous avez fait le choix de relever le seuil en 2010. Je peux comprendre les réflexions qui ont été les vôtres. Mais, et je m’adresse à nos amis du groupe UDI-UC, la question s’inscrivait dans un débat plus général, que le vote sur l’article 2 a tranché.
Dès lors, par cohérence, le Gouvernement ne peut, à ce stade, qu’apporter une réponse négative aux auteurs de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.
M. Philippe Kaltenbach. Le groupe socialiste votera contre ces amendements.
Chers collègues de l’opposition, vous instruisez contre le Gouvernement un procès en manipulation parce qu’il fait le choix de rétablir le seuil qui existait auparavant et que vous avez relevé. Peut-être faudrait-il d’ailleurs s’interroger sur les motivations qui avaient conduit le précédent gouvernement à porter ce seuil à 12,5 %. Certes, c’était en cohérence avec les règles applicables aux élections législatives, où le scrutin est également uninominal majoritaire à deux tours.
Vous préjugez que, dans une élection, seuls les deux candidats arrivés en tête au premier tour peuvent l’emporter au second. Mais, en pratique, ce n’est pas nécessairement le cas : un candidat arrivé en troisième position au premier tour du fait des divisions au sein de son camp peut être un candidat de rassemblement au second tour et l’emporter.
Il faut fixer un seuil raisonnable. Est-ce 10 % ? Est-ce 12,5 % ? Le Gouvernement était ouvert à la discussion, et le groupe socialiste l’aurait suivi.
Quoi qu’il en soit, il ne faut pas considérer qu’un seuil fait une élection. Et il est normal que les électeurs aient la possibilité de voter pour des candidats ayant obtenu des résultats plus qu’honorables au premier tour si ceux-ci souhaitent se maintenir, ne serait-ce que pour défendre des idées qui ne seraient pas représentées par les deux candidats arrivés en tête au premier tour.
Vous avez évoqué les triangulaires entre la droite, le Front national et la gauche. Il y a également des électeurs qui n’ont pas envie de choisir entre la droite et le Front national, surtout si la droite tend, comme c’est parfois le cas dans mon département, vers l’extrême droite aussi bien dans les discours que dans les méthodes ; dans ces circonstances, il peut être utile que la gauche soit présente au second tour.
Je pense que le débat doit rester ouvert. En attendant, le groupe socialiste ne souhaite pas la suppression des dispositions en discussion. La réflexion se poursuivra, d’abord à l’Assemblée nationale, puis ici en deuxième lecture.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Nous, nous serons cohérents. Lors du débat sur la réforme des collectivités territoriales, qui avait abouti à la création de l’être hybride dont la suppression vient d’être actée, nous avions déposé des amendements visant à maintenir le seuil à 10 %, voire à le ramener à 8 %.
J’entends bien les arguments sur les risques que font peser les candidatures émanant de partis extrêmes. Mais il est naturel que certains électeurs veuillent se faire entendre et accorder leur voix à un candidat autre que ceux que présentent les deux grands partis dominants, dont l’objectif est, en général, d’éliminer tous les autres.
Pour une fois que le Gouvernement et le parti socialiste abaissent un peu le seuil de maintien au second tour pour permettre à d’autres sensibilités d’exister, nous n’allons pas nous en plaindre ! Et mon expérience personnelle me fait me souvenir que, lors de ma première élection au conseil général, j’étais arrivé en troisième position au premier tour.
M. Jean-Jacques Hyest. Vous aviez peut-être passé des accords !
M. Jacques Mézard. Monsieur Hyest, j’avais battu le candidat du parti socialiste au premier tour et celui de la droite au second, ce qui est tout de même une grande jouissance pour un radical ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest. C’est bien ce que je disais : le candidat socialiste s’était retiré !
M. Jacques Mézard. Il ne me paraît pas sain de trop relever le seuil. En le portant à 12,5 % des électeurs inscrits, vous êtes, je le crois, allés trop loin. Le retour à 10 %, c’est la sagesse.
M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote.
M. Albéric de Montgolfier. Avant de me prononcer sur ces amendements, j’aimerais interroger M. le ministre.
Au cours de nos discussions, il a évoqué deux sujets : le seuil, dont le sort était lié au vote sur l’article 2, et le tunnel, sur lequel d’éventuelles ouvertures étaient possibles. Mais il en est un troisième dont il a été assez peu question, celui dont traitait l’article 3, qui a été supprimé : le nombre de cantons.
Avec le nombre actuel de cantons, on constate, d’un canton à l’autre, de fortes disparités. On peut d’ailleurs comprendre qu’il en soit ainsi : c’est le fruit de l’Histoire. Mais à partir du moment où l’on invente un mode de scrutin totalement novateur, le binominal, y a-t-il lieu de faire perdurer des inégalités aussi importantes ? Pour ma part, je suis extrêmement choqué.
M. Albéric de Montgolfier. Dans le département d’Eure-et-Loir, dont je préside le conseil général, il y a 29 cantons, et il est prévu de passer à 30. Comme vous envisagez de diviser par deux le nombre de cantons, nous en aurions alors 15, soit, en moyenne, des cantons de 28 000 habitants. Or, chez nos voisins de l’Orne, le département de Nathalie Goulet, il y a 40 cantons pour 290 000 habitants : on arrivera ainsi, avec 20 cantons, à des cantons de 14 000 habitants, en moyenne.
Est-il conforme au principe constitutionnel d’égalité du suffrage de faire perdurer des inégalités historiques, certes compréhensibles dans le système actuel, mais qui n’ont plus de justification dès lors que l’on instaure un mode de scrutin totalement nouveau ?
Mon vote dépendra donc des réponses que M. le ministre voudra bien nous apporter sur le seuil – c’est l’objet des amendements que nous examinons –, sur le tunnel et sur le nombre de cantons.