M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !
M. Manuel Valls, ministre. Ceux qui critiquent notre dispositif ne font pas de propositions alternatives,…
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Si !
M. Manuel Valls, ministre. … en tout cas aucune qui respecte les règles démographiques et la parité. Je ne vois pas aujourd'hui, dans ce débat, de proposition autre qui permette à la fois de préserver la force du département, d’assurer la parité et de conserver la proximité !
M. Pierre-Yves Collombat. Ça vient !
M. Manuel Valls, ministre. Madame Bataille, vous avez évoqué ces questions, et souhaité que le Gouvernement avance dans la voie des exceptions démographiques et géographiques.
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Manuel Valls, ministre. Au-delà de la règle des plus ou moins 20 %, nous devons travailler sur ces exceptions, si elles sont objectivement établies par la géographie. Naturellement, les élus, à n’importe quel échelon, représentent des citoyens avant de représenter des hectares, mais il faut néanmoins considérer l’étendue des cantons, le nombre de communes, la topographie. Il va falloir intégrer ces éléments dans la loi, pour permettre que le redécoupage, qui sera opéré en prenant l’avis des conseils généraux et dont le Conseil d’État sera saisi département par département, en tienne compte, à côté de la règle des plus ou moins 20 %. Le Gouvernement est particulièrement sensible et ouvert à cette question. Ceux qui sont favorables au dispositif que nous préconisons doivent savoir que nous allons intégrer les critères que vous avez évoqués, madame Bataille.
À cet égard, j’ai d’ailleurs particulièrement apprécié le talent de M. Nègre, notamment lorsqu’il a tenté de mettre en lumière de prétendues velléités « ruralicides » du Gouvernement. Je demande au maire de Cagnes-sur-Mer de transmettre nos salutations amicales à Éric Ciotti, élu du canton de Saint-Martin-Vésubie, qui comprend 1 473 habitants, alors que la population d’autres cantons des Alpes-Maritimes dépasse les 40 000 habitants. Cette situation et sa compétence exceptionnelle lui assurent une parfaite maîtrise du développement d’un département de plus de 1 million d’habitants… (Rires sur les travées du groupe socialiste.) Un tel exemple ne peut manquer de vous convaincre tous qu’un changement rapide est nécessaire, pour que la légitimité d’aucun élu ne puisse être discutée ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Bruno Sido. Ce n’est pas gentil !
M. Manuel Valls, ministre. Vous avez raison, il ne peut pas me répondre !
Ce devoir d’objectivité suppose un véritable dialogue préalable ; c’est le sens de la discussion qui se tient ici. À cet égard, je tiens à préciser au sénateur Mézard que ce n’est pas le Gouvernement qui a soulevé l’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution de certains amendements ayant trait aux effectifs des conseils départementaux.
Le Gouvernement est à l’écoute des propositions formulées au sein du Sénat quant à la définition du seuil de population à partir duquel le scrutin de liste doit s’appliquer lors des élections municipales. Le projet de loi, je m’en suis expliqué hier, le fixe à 1 000 habitants ; c’est un point d’ancrage entre les différents projets évoqués qui est ainsi proposé.
MM. Adnot et Zocchetto ont évoqué la nécessité de relever quelque peu ce seuil par rapport au projet du Gouvernement, pour le porter à 1 500 habitants. Mme Assassi a au contraire préconisé de le ramener à 500 habitants. C’est aussi le souhait de M. Placé, qui nous manque ce soir. (Sourires.)
M. Jean Bizet. Cruellement !
M. Manuel Valls, ministre. Certes !
Ce sont deux options possibles. En revanche, le Gouvernement ne sera pas favorable à la fixation d’un seuil trop élevé, qui ne permettrait pas d’atteindre l’un des objectifs de la réforme, à savoir la progression de la parité au sein des conseils municipaux.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Encore la parité ! C’est une obsession, chez vous !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Sauf dans le mariage !
M. Manuel Valls, ministre. J’attendais cette remarque, de votre part !
Je note, monsieur Hyest, que vous aviez soutenu la proposition du gouvernement précédent, qui prévoyait également un seuil à 500 habitants. Or, aujourd’hui, vous estimez que retenir un seuil de 2 000 habitants serait « pertinent ». Permettez-moi de relever une certaine contradiction entre ces deux positions ! Cela étant, j’ai dit hier que le Gouvernement était ouvert sur cette question. Au-delà du principe, il faut étudier quelle est la solution la plus pertinente.
Ce projet de loi marque également une étape en matière de démocratisation de l’intercommunalité. Le Gouvernement souhaite permettre cette étape nouvelle dans l’approfondissement de la démocratie pour les intercommunalités. Peut-être l’intercommunalité sera-t-elle d’ailleurs plus tard amenée à évoluer davantage encore, bien évidemment, par le biais d’un mûrissement, de l’achèvement de la carte intercommunale, de la pratique. En tout état de cause, il faudra toujours veiller à préserver la commune, qui tient une place toute particulière dans notre pays.
Je voudrais ainsi apaiser les craintes de Mme Assassi : ce n’est pas une étape vers la disparition des communes. Il n’est nullement question de remettre en cause l’échelon communal, qui reste essentiel dans notre organisation territoriale. Là aussi, l’objectif est de rendre les intercommunalités plus lisibles pour nos concitoyens, étant donné l’importance des compétences qu’elles assument aujourd'hui et l’ampleur des budgets qu’elles gèrent.
Ces réformes rendront nécessaires des adaptations, dont votre commission des lois a déjà eu l’occasion de débattre. Dans les communes pour lesquelles s’appliquera le scrutin de liste, le dépôt de listes complètes devra être obligatoire.
À la lumière de ces enjeux, votre assemblée saura définir le seuil le plus pertinent pour relever le défi de la parité, tout en garantissant le meilleur exercice de la démocratie au sein de nos quelque 36 000 communes.
Je voudrais enfin revenir sur les modifications proposées du calendrier électoral. Je rappelle que la précédente majorité avait modifié ce calendrier pour mettre en place le conseiller territorial. Il est donc naturel, dès l’instant où l’on abroge les dispositions relatives au conseiller territorial, de revenir sur le calendrier électoral qui avait été prévu spécifiquement pour la mise en œuvre de ce dispositif.
Je souligne que c’est la précédente majorité qui a raccourci le mandat des conseillers régionaux et celui des conseillers généraux, par la loi du 16 février 2010 : de deux ans pour les conseillers régionaux et de trois ans pour les conseillers généraux. Les échéances normales étaient 2016 pour les élections régionales et 2017 pour la série cantonale.
En l’augmentant d’un an, nous vous proposons ainsi de rapprocher la durée des mandats des conseillers régionaux et généraux élus en 2010 et en 2011 de la durée classique de ces mandats. Reporter les élections cantonales et régionales, plutôt que les élections municipales, permet aussi de conserver la durée normale du mandat des conseillers municipaux élus en 2008. Nous n’avons pas souhaité modifier l’ordre des élections locales d’ici au prochain renouvellement de votre assemblée.
Parce qu’elle réduit la fréquence à laquelle nos concitoyens sont appelés à se prononcer, la concomitance des élections locales stimule, je le crois, la participation électorale. Les faits ont démontré que le couplage des élections régionales et des élections cantonales permet une plus forte mobilisation du corps électoral.
Monsieur Hyest, vous préconisez une autre forme de concomitance, en proposant d’organiser simultanément les élections régionales et les élections européennes. Pourquoi pas ? Je m’interroge cependant sur la cohérence d’un tel choix : quel lien établissez-vous entre les deux scrutins ? L’un est essentiellement local, l’autre est très politisé, nous le savons. Par ailleurs, les élections européennes comportent un seul tour, les élections municipales deux. L’intérêt des électeurs pour les scrutins régionaux et départementaux, lorsqu’ils sont organisés simultanément, ne tient pas au hasard : il reflète leur intérêt pour l’action de ces deux échelons locaux et pour leur articulation dans les meilleures conditions.
Vous avez, monsieur Hyest, formulé d’autres propositions, sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir au cours du débat et que le Gouvernement étudiera avec beaucoup d’intérêt.
Monsieur Alain Richard, vous nous avez une fois encore montré votre exceptionnelle connaissance des collectivités locales (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.), en théorie comme en pratique. Je rappelle à ceux qui l’ignoreraient que vous étiez le rapporteur de la loi historique du 2 mars 1982. Votre créativité juridique a encore été fort utile à nos travaux. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la discussion des amendements.
Je remercie vivement M. Jean Boyer des mots particulièrement républicains qu’il a eus à mon égard. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Je veux lui dire très sincèrement combien le Gouvernement entend préserver un équilibre entre l’exigence démocratique et la préservation des territoires ruraux.
Monsieur Collombat, nous nous connaissons depuis bien longtemps ; j’ai cru déceler quelques contradictions dans vos propos. (Sourires sur les travées de l'UMP.) Je vous ai connu comme un grand réformateur, mais vous n’êtes ni pour la proportionnelle, ni pour le scrutin binominal. Je n’imagine pas que vous puissiez être, vous, un partisan du statu quo, que vous ne vouliez pas, vous, prendre en compte la parité et l’équilibre des territoires. Si l’on ne veut pas de la proportionnelle, si l’on ne veut pas du statu quo, si l’on veut la parité, il faut avancer en soutenant une proposition innovante qui, je le répète une nouvelle fois, émane d’abord de votre assemblée.
Je remercie Ronan Dantec de son soutien et de celui de son groupe au projet de loi. Je crois qu’Yves Daudigny a pertinemment et précisément démontré comment le binôme peut fonctionner sans difficulté, comment deux élus peuvent faire bloc pour défendre leur canton et se répartir les responsabilités. Je note à cet égard que, dans toutes les régions de France, les conseillers régionaux, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, savent facilement se répartir les responsabilités dans les conseils d’administration des lycées et des établissements publics.
M. Alain Fouché. Cela n’a rien à voir !
M. Manuel Valls, ministre. Je vous rappelle d’ailleurs que, lors de la création du conseiller territorial, vous aviez même imaginé que le suppléant puisse assumer un certain nombre de responsabilités. Enfin, soyons sérieux !
M. Alain Fouché. Vous ne l’êtes pas !
M. Bruno Sido. Pas forcément du même camp !
M. Manuel Valls, ministre. Monsieur le sénateur, j’attends de voir une candidature commune UMP-PS… Cela étant, tout est possible !
Deux candidats issus du même territoire qui forment un binôme, disais-je, qui s’entendent, qui travaillent ensemble pendant la campagne œuvreront également ensemble après leur élection. (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx proteste.)
Madame la sénatrice, vous parlez beaucoup de mariage, de PACS ; je vous invite à laisser de côté ce sujet pour revenir au débat sur les cantonales. Ceux qui seront élus travailleront ensemble, parce qu’ensemble ils auront fait campagne, défendu un projet et reçu mandat des électeurs pour le mettre en œuvre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On en reparlera !
M. Manuel Valls, ministre. J’ai failli m’étonner que M. Philippe Bas manifeste une extrême exigence quant aux règles du redécoupage cantonal : elles sont exactement les mêmes que celles que le gouvernement précédent avait prévu d’utiliser pour le découpage des cantons d’élection des conseillers territoriaux ! J’ai vraiment trouvé surprenante sa suspicion à l’égard du Conseil d’État, qu’il connaît pourtant bien…
À cet égard, monsieur Pointereau, comment pouvez-vous parler de « tripatouillage », alors que le Gouvernement, après avoir demandé au Conseil d’État un avis sur les règles du redécoupage, a intégré ses recommandations dans le projet de loi et lui soumettra autant de décrets qu’il y a de départements concernés ?
M. Didier Guillaume. C’est cela, la transparence !
M. Manuel Valls, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’UMP, au vu du travail de la commission présidée par M. Guéna sur le découpage des circonscriptions législatives, je vous suggère de réviser votre argumentaire concernant un prétendu tripatouillage ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Au-delà des piques lancées de part et d’autre, je réaffirme que le Gouvernement est à l’écoute du Sénat. S’il a déposé en premier lieu le présent texte, qui concerne l’avenir des territoires,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est bien ce qui nous inquiète !
M. Manuel Valls, ministre. … sur le bureau de la Haute Assemblée, c’est par respect pour elle. Nous partageons la même volonté : celle de préserver le département, qui est au cœur de la République, cette proximité que vous avez tous évoquée, mesdames, messieurs les sénateurs, tout en modernisant le canton à travers le renforcement de la parité, dans le respect des évolutions démographiques.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Bel alibi, la parité !
M. Manuel Valls, ministre. Fort de ces convictions et des propositions que je vous ai présentées, le Gouvernement restera, dans la bonne humeur, à votre écoute tout au long du débat ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.
Nous passons à la discussion des motions.
Nous allons examiner successivement les deux motions portant sur le projet de loi, puis la motion portant sur le projet de loi organique.
Exception d’irrecevabilité sur le projet de loi
M. le président. Je suis saisi, par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n° 49.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral (n° 252, 2012-2013).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Hugues Portelli, pour la motion.
M. Hugues Portelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom du groupe UMP, j’ai l’honneur d’opposer l’exception d’irrecevabilité au projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral.
L’irrecevabilité constitutionnelle concerne trois dispositions essentielles du projet de loi soumis à notre examen.
La première de ces dispositions est relative au nouveau mode d’élection des conseillers départementaux. Celui-ci est caractérisé par l’invention des candidatures en binômes, justifiée par la volonté d’imposer la parité. Cette invention ne correspond à aucun des deux types de scrutins existant en France et dans les grands États démocratiques, à savoir le scrutin uninominal et le scrutin de liste.
M. Bruno Sido. C’est vrai !
M. Hugues Portelli. Sa mise en application aura pour première conséquence de créer un mode de représentation complètement baroque. Le couple de candidats sera paritaire jusque dans ses suppléants. Pourtant, en cas de démission d’un suppléant devenu titulaire, le siège restera vacant jusqu’à la fin du mandat, qui dure six ans. Les deux élus seront solidaires, y compris financièrement, durant la campagne, mais indépendants après. Ils pourront même faire des choix politiques divergents, le candidat à deux têtes devenant alors schizophrène,…
M. Albéric de Montgolfier. C’est bizarre !
M. Hugues Portelli. … ce qui pose la question de la sincérité d’un tel scrutin et, par conséquent, de sa constitutionnalité.
Si le Gouvernement tient à la parité, dont je rappelle que, dans la Constitution, il s’agit d’un objectif et non d’une obligation de résultat, rien ne l’empêchait de proposer de retenir le seul scrutin qui permette de la garantir, à savoir le scrutin de liste, proportionnel ou majoritaire fléché par canton.
M. Didier Guillaume. Vous n’êtes pas d’accord !
M. Albéric de Montgolfier. Vous non plus !
M. Hugues Portelli. Mais le Gouvernement a préféré proposer un système dont je ne connais qu’une application, au Chili, pour les élections législatives, sachant que, en l’espèce, il s’agit de permettre à l’électeur de choisir, en dehors de toute règle de parité, l’un des deux candidats proposés par une coalition de partis. Ce dispositif a été mis en place au lendemain de la chute du dictateur Pinochet. Les socialistes ayant fait alliance avec les démocrates-chrétiens, dans chaque circonscription étaient présentées des listes comportant deux noms, l’électeur choisissant un seul candidat.
Autre conséquence de l’instauration de la règle du binôme, le projet de loi réduit le nombre de cantons par département, celui-ci étant divisé par deux aux termes de l’article 3.
Cette réduction se fera automatiquement au détriment des territoires ruraux, dont les cantons couvriront une superficie démesurée et un nombre élevé de communes.
M. Jacques Legendre. Évidemment !
M. Hugues Portelli. Selon les calculs effectués, elle pourra même aboutir à la création de cantons de 60 000 habitants. L’urbanisation de la représentation départementale se trouvera donc généralisée.
N’oublions pas que le canton est une circonscription électorale et administrative de proximité. Or tel ne sera plus le cas ! Quelle sera la différence entre les « maxi-cantons » et les grandes intercommunalités créées à la suite de la réforme territoriale, en dehors du mode de représentation ?
Par ailleurs, je le rappelle, aux termes de l’article 24 de la Constitution, le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République ». Il est l’émanation des collectivités par le vote des représentants de celles-ci. Or, en affaiblissant la représentation des territoires ruraux au sein du conseil départemental, le projet de loi affecte également leur représentation au sein du Sénat et porte atteinte à l’article 24 de la Constitution.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et ça, c’est grave !
M. Hugues Portelli. Pour ces différents motifs, le projet de loi nous paraît contraire à plusieurs impératifs d’intérêt général reconnus par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
La deuxième disposition visée par notre motion a trait au report des élections cantonales et régionales.
La durée du mandat des conseillers généraux et régionaux, et donc la date des nouvelles élections, avaient été fixées avant l’adoption de la loi créant les conseillers territoriaux.
M. Georges Labazée. Non, pas du tout !
M. Hugues Portelli. Si !
Le choix des candidats et le vote des électeurs ont été conditionnés par cette particularité d’un mandat court pour un corps d’élus en voie d’extinction. Cela est d’ailleurs souligné dans les commentaires des Cahiers du Conseil constitutionnel sur la décision rendue par ce dernier le 17 février 2010. Le fait que l’on prolonge la durée du mandat de ces élus de 25 % à 33 % n’a jamais été validé par le Conseil constitutionnel.
Par ailleurs, le report de l’élection des conseillers départementaux à 2015 entraînera la désignation d’une partie des sénateurs par un collège électoral composé en partie de conseillers généraux en fin de mandat. Or, dans les commentaires des Cahiers du Conseil constitutionnel sur la décision du 15 décembre 2005 portant sur la loi modifiant les dates des renouvellements du Sénat, il est précisé que ladite loi « assure durablement que les sénateurs ne seront pas élus par des grands électeurs en fin de mandat. Ils le seront soit par des élus locaux en début de mandat (en 2008, 2014, 2020), soit par des élus locaux à mi-mandat (2011, 2017, 2023). Au regard du principe constitutionnel selon lequel le Sénat représente les collectivités territoriales, il est préférable […] de rapprocher à l’avenir l’élection des sénateurs de la désignation par les citoyens de la majeure partie du collège électoral sénatorial. »
Jusqu’à présent, que ce soit en 1998, en 2001, en 2004, en 2008 ou en 2011, le renouvellement du Sénat a toujours fait suite au renouvellement des conseils généraux. L’élection de tous les nouveaux conseillers départementaux en 2015 est susceptible d’entraîner une rupture dans la concordance avec les dates évoquées et une mauvaise représentation, au regard de ce critère, d’une partie des territoires. Cela est d’autant plus grave que le Gouvernement a l’intention, déjà traduite dans un avant-projet de loi, d’attribuer aux conseillers généraux et régionaux un droit de vote multiple pour les élections sénatoriales, ce qui aboutirait à fausser le scrutin. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
Enfin, le report des élections locales doit être motivé par un impératif d’intérêt général. Or la date retenue jusqu’alors avait été validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 17 février 2010, lorsque celui-ci a validé la durée des mandats, la tenue concomitante de ces deux élections ayant été justifiée par la volonté de limiter l’abstention, ce que le Conseil constitutionnel a considéré comme un but d’intérêt général. L’étalement proposé aujourd’hui n’est justifié par aucun argument sérieux, sinon par le trop grand nombre d’élections, alors que leur regroupement permettrait justement de combattre l’abstention.
De notre point de vue, le report des élections départementales et régionales est donc contraire à la Constitution.
La troisième disposition visée par notre motion concerne les élections municipales à Paris.
Depuis la loi du 31 décembre 1982, les communes de Paris, de Lyon et de Marseille sont régies par des dispositions adoptées parallèlement pour ce qui concerne les élections municipales, puisque ces trois grandes communes sont les seules à être divisées en arrondissements. Cette spécificité avait d’ailleurs été consacrée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 28 décembre 1982.
Bizarrement, le projet de loi qui nous est soumis ne concerne que Paris : il tend à modifier le nombre des conseillers élus par arrondissement. Bien entendu, ce sont trois arrondissements de droite qui voient leur représentation amoindrie, au profit de celle de trois arrondissements de gauche… Mais qu’en est-il de Lyon et de Marseille ? Aucune mesure ne vise ces villes ! Il s’agit là d’une atteinte caractérisée au principe de l’égalité devant la loi, principe constitutionnel constamment confirmé par le Conseil constitutionnel.
Mes chers collègues, pour ces trois motifs, nous vous invitons à déclarer le présent projet de loi irrecevable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, contre la motion.
M. Didier Guillaume. Les auteurs de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité soutiennent que le projet de loi que nous examinons contient des dispositions contraires aux principes édictés par la Constitution.
Je vais tenter d’apaiser leurs inquiétudes et de démontrer pour quelles raisons ce texte représente un progrès pour la démocratie locale.
J’entends dire que le report des élections cantonales et régionales serait de nature à altérer la sincérité du prochain scrutin sénatorial, ce qui constituerait une atteinte aux principes constitutionnels.
Il est vrai que, avec ce report, certains conseillers généraux voteront au mois de septembre 2014, lors des élections sénatoriales, sans que leur mandat ait été renouvelé depuis 2008. Ils auront ainsi participé à deux élections sénatoriales durant leur mandat, en 2008 et en 2014. Pour autant, il ne me semble pas que cela altère la sincérité du scrutin sénatorial, car les conseillers municipaux de nos 36 000 communes, qui constituent une part essentielle du collège électoral sénatorial, auront été entièrement renouvelés au mois de mars 2014, comme l’a indiqué M. le ministre. Sur 75 000 grands électeurs, environ 3 000 conseillers généraux, soit un peu plus de 3 % du corps électoral sénatorial, voteront deux fois durant leur mandat : je ne pense pas que ce soit de nature à altérer le résultat du scrutin… (Protestations sur les travées de l'UMP.)
De plus, selon deux constitutionnalistes de renom, le report d’une élection motivé par l’allégement du calendrier électoral ne peut pas être invoqué pour soulever l’inconstitutionnalité d’une autre élection. Cet avis est de nature à rassurer, en amont, nos collègues de l’opposition.
M. André Reichardt. Oh non !
M. Didier Guillaume. Il faut suivre les avis du Conseil constitutionnel, mon cher collègue !
En réalité, ce report est parfaitement légitime. Sans lui, l’année 2014 aurait été particulièrement chargée en échéances électorales, avec la tenue de cinq élections représentant neuf tours de scrutin. En 2007, cet argument de la surcharge électorale avait d'ailleurs été jugé positivement par le Président Sarkozy et son gouvernement, puisque le mandat des conseillers municipaux et des conseillers généraux avait été prolongé jusqu’en 2008. C’est exactement le même argument qui avait été employé.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est vrai !
MM. Jean-Jacques Hyest et Bruno Retailleau. Non, c’est faux !
M. Didier Guillaume. J’ajoute que, en 1994, le mandat des conseillers généraux avait été prolongé d’un an.
M. Jean-Jacques Hyest. Pas pour ça !
M. Didier Guillaume. Combien de fois avons-nous entendu dire que nos concitoyens se désintéressaient de la politique et que les élections cantonales et a fortiori régionales ne les intéressaient guère, qu’elles favorisaient l’abstention ? Pour mobiliser nos concitoyens lors de ces élections, il est indispensable de modifier le calendrier électoral. Nous n’allons pas convoquer les Français cinq fois aux urnes en 2014, au risque de les démobiliser encore davantage.
Je vous rappelle que la jurisprudence du Conseil constitutionnel reconnaît et autorise la possibilité de modifier la durée des mandats électifs, à une double condition : il faut que cette modification soit justifiée par des motifs d’intérêt général et qu’elle ait un caractère exceptionnel et transitoire. La modification du calendrier électoral que nous proposons remplit cette double condition et ne pose donc pas de problème constitutionnel.
Par ailleurs, la création d’un nouveau type de scrutin pour les élections cantonales semble vous alarmer, chers collègues de l’opposition. Je vous rassure : la mise en place du scrutin binominal paritaire répond aux dispositions de l’article 34 de la Constitution, qui précise que le législateur est compétent pour fixer le régime des assemblées locales.
Par ailleurs, depuis l’adoption de la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999, la parité politique est devenue un objectif à valeur constitutionnelle, dont le Conseil constitutionnel s’est montré le gardien vigilant. L’objectif de parité est inscrit à l’article 1er de notre Constitution depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. »
Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault ne se contente pas de défendre la parité, il la réalise concrètement. Il est le premier gouvernement de l’Histoire à avoir la volonté politique de répondre intégralement à cette exigence. Bientôt, au sein de nos assemblées départementales, il se trouvera autant de femmes que d’hommes. C’est un progrès aussi bien électoral que sociétal, et il nous faut l’accompagner. En instaurant le scrutin binominal paritaire, ce projet de loi répond à l’exigence de parité définie par la Constitution et marque un progrès par rapport à des pratiques politiques dont nous sommes, chacun d’entre nous, responsables. Comment pouvons-nous nous satisfaire que, en 2013, seulement 13 % des conseillers généraux soient des femmes ?
Je me permets également de citer le troisième alinéa de l’article 72 de la Constitution : « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences. » Il me semble donc que les dispositions visant à modifier le mode de scrutin des conseillers généraux ne soulèvent aucun problème de constitutionnalité.
Force est de constater que, depuis plusieurs mois, les collectivités territoriales sont au cœur des travaux de la Haute Assemblée. Je fais évidemment référence au succès rencontré par l’organisation des états généraux de la démocratie territoriale, voulus par le président du Sénat. Ces états généraux ont permis de redonner enfin la parole aux élus locaux et de libérer la parole des territoires. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Nous en avons tiré les conséquences !