Mme la présidente. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote.
M. Albéric de Montgolfier. Je voterai l’amendement présenté par M. Delattre.
Monsieur le ministre, je me souviens de l’excellent rapport que vous aviez cosigné avec M. Carrez, voilà quelques années, et qui montrait que le dispositif Girardin était la plus importante des niches fiscales et permettait à quelques contribuables d’échapper totalement à l’impôt, pour des montants hallucinants que l’on n’oserait pas rappeler dans cet hémicycle. Je souscris donc à l’idée qu’il faudra bien revoir ce dispositif.
Je voudrais insister sur le problème des intermédiaires, qui concerne non seulement la défiscalisation outre-mer, mais aussi, par exemple, le dispositif ISF-PME, qui est maintenu. Un texte de loi prévoyait qu’un décret viendrait limiter le montant des commissions des intermédiaires, notamment des cabinets de défiscalisation. Or, à ma connaissance, ce décret n’a jamais été pris. Existe-t-il aujourd'hui un plafonnement des commissions des intermédiaires ? Si ce n’est pas le cas, il serait souhaitable d’en instaurer un, car les taux d’intermédiation sur certains produits sont parfois tellement élevés que cela finit par dénaturer le dispositif.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je n’ai pas souvenir d’une disposition prévoyant un tel décret, monsieur le sénateur.
La rémunération des intermédiaires dans le secteur du crédit d’impôt recherche pour les entreprises a été encadrée par la loi, à la suite d’une négociation en séance publique avec Mme Lagarde.
En ce qui concerne les dispositifs ISF-PME et Girardin, je ne peux pas vous répondre plus précisément dans l’immédiat, mais je ne manquerai pas de le faire par écrit dès que possible.
En tout état de cause, je vous remercie de votre soutien implicite à la position du Gouvernement sur cette question. J’engage le Sénat à être extrêmement prudent devant le lobbying des cabinets de défiscalisation et à rejeter la disposition qu’il vise à faire adopter. Je pense que le Parlement ne doit pas accéder à cette demande.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Je ne suis pas une spécialiste de ce domaine, mais toujours est-il que, à l’heure actuelle, les cabinets de défiscalisation doivent être inscrits sur un registre tenu par le représentant de l’État dans la collectivité ou le département où ils ont leur siège social. Or il semble que cette mesure n’ait pas permis, pour le moment, de recenser sur un registre unique les différents cabinets intervenant dans ce secteur et ne s’applique qu’imparfaitement dans de nombreuses préfectures, celles-ci ayant des difficultés à tenir ces registres. L’idée était d’améliorer la sécurité de l’aide fiscale à l’investissement outre-mer par la création d’un registre tenu à l’échelon national, quitte à ce que les services fiscaux locaux en assurent ensuite la fiabilité.
Votre discours ne me semble pas porter sur le même sujet, monsieur le ministre. En l’état actuel de nos informations, nous maintenons l’amendement qu’a déposé notre collègue Vergès.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 64 et 146 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 24 bis (nouveau)
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
A. – Il est rétabli un article 244 quater C ainsi rédigé :
« Art. 244 quater C. – I. – Les entreprises imposées d’après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A et 44 decies à 44 quindecies et les coopératives visées aux 2°, 3° et 3° bis du 1 de l’article 207 peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt ayant pour objet le financement de l’amélioration de leur compétitivité à travers notamment des efforts en matière d’investissement, de recherche, d’innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés et de reconstitution de leur fonds de roulement. L’entreprise retrace dans ses comptes annuels l’utilisation du crédit d’impôt conformément aux objectifs mentionnés à la phrase précédente. Le crédit d’impôt ne peut ni financer une hausse de la part des bénéfices distribués, ni augmenter les rémunérations des personnes exerçant des fonctions de direction dans l’entreprise.
« II. – Le crédit d’impôt mentionné au I est assis sur les rémunérations que les entreprises versent à leurs salariés au cours de l’année civile. Sont prises en compte les rémunérations, telles qu’elles sont définies pour le calcul des cotisations de sécurité sociale à l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, n’excédant pas deux fois et demie le salaire minimum de croissance calculé pour un an sur la base de la durée légale du travail augmentée, le cas échéant, du nombre d’heures complémentaires ou supplémentaires, sans prise en compte des majorations auxquelles elles donnent lieu. Pour les salariés qui ne sont pas employés à temps plein ou qui ne sont pas employés sur toute l’année, le salaire minimum de croissance pris en compte est celui qui correspond à la durée de travail prévue au contrat au titre de la période où ils sont présents dans l’entreprise.
« Pour être éligibles au crédit d’impôt, les rémunérations versées aux salariés doivent être retenues pour la détermination du résultat imposable à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun et avoir été régulièrement déclarées aux organismes de sécurité sociale.
« III. – Le taux du crédit d’impôt est fixé à 6 %.
« IV. – Le crédit d’impôt calculé par les sociétés de personnes mentionnées aux articles 8, 238 bis L, 239 ter et 239 quater A ou les groupements mentionnés aux articles 238 ter, 239 quater, 239 quater B, 239 quater C et 239 quinquies qui ne sont pas soumis à l’impôt sur les sociétés peut être utilisé par leurs associés proportionnellement à leurs droits dans ces sociétés ou groupements, à condition qu’il s’agisse de redevables de l’impôt sur les sociétés ou de personnes physiques participant à l’exploitation au sens du 1° bis du I de l’article 156.
« V. – Les organismes chargés du recouvrement des cotisations de sécurité sociale dues pour l’emploi des personnes mentionnées au I du présent article sont habilités à recevoir, dans le cadre des déclarations auxquelles sont tenues les entreprises auprès d’eux, et à vérifier, dans le cadre des contrôles qu’ils effectuent, les données relatives aux rémunérations donnant lieu au crédit d’impôt. Ces éléments relatifs au calcul du crédit d’impôt sont transmis à l’administration fiscale.
« VI. – Un décret fixe les conditions d’application du présent article, notamment les obligations déclaratives incombant aux entreprises et aux organismes chargés du recouvrement des cotisations de sécurité sociale. » ;
B. – Il est rétabli un article 199 ter C ainsi rédigé :
« Art. 199 ter C. – I. – Le crédit d’impôt défini à l’article 244 quater C est imputé sur l’impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l’année au cours de laquelle les rémunérations prises en compte pour le calcul du crédit d’impôt ont été versées. L’excédent de crédit d’impôt constitue, au profit du contribuable, une créance sur l’État d’égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l’impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée, puis, s’il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l’expiration de cette période.
« La créance est inaliénable et incessible, sauf dans les cas et conditions prévus aux articles L. 313-23 à L. 313-35 du code monétaire et financier.
« En cas de fusion ou d’opération assimilée intervenant au cours de la période mentionnée à la dernière phrase du premier alinéa du présent I, la fraction de la créance qui n’a pas encore été imputée par la société apporteuse est transférée à la société bénéficiaire de l’apport.
« II. – La créance mentionnée au premier alinéa du I est immédiatement remboursable lorsqu’elle est constatée par l’une des entreprises suivantes :
« 1° Les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l’annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission, du 6 août 2008, déclarant certaines catégories d’aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d’exemption par catégorie) ;
« 2° Les entreprises nouvelles, autres que celles mentionnées au III de l’article 44 sexies, dont le capital est entièrement libéré et détenu de manière continue à 50 % au moins :
« a) Par des personnes physiques ;
« b) Ou par une société dont le capital est détenu pour 50 % au moins par des personnes physiques ;
« c) Ou par des sociétés de capital-risque, des fonds communs de placement à risques, des sociétés de développement régional, des sociétés financières d’innovation ou des sociétés unipersonnelles d’investissement à risque à la condition qu’il n’existe pas de lien de dépendance au sens des trois derniers alinéas du 12 de l’article 39 entre les entreprises et ces dernières sociétés ou ces fonds.
« Ces entreprises peuvent demander le remboursement immédiat de la créance constatée au titre de l’année de création et des quatre années suivantes ;
« 3° Les jeunes entreprises innovantes mentionnées à l’article 44 sexies-0 A ;
« 4° Les entreprises ayant fait l’objet d’une procédure de conciliation ou de sauvegarde, d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire. Ces entreprises peuvent demander le remboursement de leur créance non utilisée à compter de la date de la décision ou du jugement qui a ouvert ces procédures. » ;
C. – Il est rétabli un article 220 C ainsi rédigé :
« Art. 220 C. – Le crédit d’impôt défini à l’article 244 quater C est imputé sur l’impôt sur les sociétés dû par l’entreprise dans les conditions prévues à l’article 199 ter C. » ;
D. – Le c du 1 de l’article 223 O est ainsi rétabli :
« c. Des crédits d’impôt dégagés par chaque société du groupe en application de l’article 244 quater C ; l’article 199 ter C s’applique à la somme de ces crédits d’impôt ; ».
II. – L’article L. 172 G du livre des procédures fiscales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le premier alinéa s’applique également au crédit d’impôt prévu à l’article 244 quater C du même code. »
III. – A. – Le I est applicable aux rémunérations versées à compter du 1er janvier 2013.
B. – Le taux mentionné au III de l’article 244 quater C du code général des impôts est de 4 % au titre des rémunérations versées en 2013.
IV. – Un comité de suivi placé auprès du Premier ministre est chargé de veiller au suivi de la mise en œuvre et à l’évaluation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi prévu à l’article 244 quater C du code général des impôts. Présidé par une personnalité désignée par le Premier ministre, ce comité est composé pour moitié de représentants des partenaires sociaux et pour moitié de représentants des administrations compétentes. Avant le dépôt du projet de loi de finances de l’année au Parlement, il établit un rapport public exposant l’état des évaluations réalisées.
Un comité de suivi régional, composé sur le modèle du comité mentionné au premier alinéa du présent IV, est chargé de veiller au suivi de la mise en œuvre et à l’évaluation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi dans chacune des régions.
Les membres du comité national et des comités régionaux exercent leurs fonctions à titre gratuit.
V. – Après concertation avec les organisations professionnelles et syndicales représentatives au niveau national, une loi peut fixer les conditions d’information du Parlement et des institutions représentatives du personnel ainsi que les modalités du contrôle par les partenaires sociaux de l’utilisation du crédit d’impôt afin que celui-ci puisse concourir effectivement à l’amélioration de la compétitivité de l’entreprise.
Mme la présidente. La parole est à M. Francis Delattre, sur l'article.
M. Francis Delattre. Dans un premier temps, nous avions considéré avec un certain intérêt l’instauration, à l’article 24 bis, d’un crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Ce dispositif nous semblait témoigner d’un changement bienvenu dans la doctrine gouvernementale.
Le dispositif a cependant beaucoup évolué : simple à l’origine, il est aujourd’hui d’une grande complexité. J’ajoute qu’il y a une énorme différence entre ce qui est « vendu » à l’opinion publique et la réalité.
L’Assemblée nationale, même si vous vous y êtes plus ou moins opposé, monsieur le ministre, a introduit des critères de recevabilité ; en découleront des contrôles et, surtout, un certain nombre d’interrogations, s’agissant notamment des entreprises qui ne paient pas d’impôt sur les sociétés, soit la grande majorité d’entre elles.
On nous explique que la Banque publique d’investissement pourra peut-être consentir, dès 2013, des avances de créances, mais nous nous interrogeons sur la nature de ces créances. Jusqu’à présent, il s’agissait de créances d’État, donc fiables et, partant, négociables : une entreprise qui rencontrait des problèmes de trésorerie, de financement de ses investissements, voire de son fonctionnement courant, pouvait les faire valoir auprès des banques. Dès lors que vous prévoyez un certain nombre de critères de conditionnalité et de contrôles, on peut s’interroger sur la fiabilité et la nature même des créances. Les entreprises pourront-elles s’en prévaloir auprès des organismes susceptibles de les aider à passer un mauvais cap ?
Nous savons bien, monsieur le ministre, que ramener le déficit à 3 % du PIB en 2013 représente un saut budgétaire très difficile à réaliser, mais la situation actuelle des entreprises ne leur permet pas d’avoir des créances non fiables et des délais de remboursement s’étalant jusqu’en 2016, d’autant que leurs besoins sont immédiats.
Notre appréciation sur votre dispositif a donc évolué : la TVA sociale, que nous avions mise en place certes tardivement,…
M. Jean Arthuis. Trop tard, en effet !
M. Albéric de Montgolfier. Trop tard, et trop peu !
M. Francis Delattre. … présentait l’avantage d’être d’application immédiate. C’était la bonne mesure, et il aurait même fallu aller un peu plus loin !
Le problème est devenu idéologique, un certain nombre de dirigeants s’étant engagés à ne jamais augmenter la TVA ou la CSG. Le dispositif qui nous est présenté est l’archétype des créations de l’ingénierie financière, avec tous les défauts que cela suppose pour les entreprises concernées…
Quant à l’étude d’impact, on se borne à annoncer, pratiquement au « doigt mouillé », la création de 300 000 emplois nouveaux. Mes chers collègues, si le CICE permet de préserver 300 000 emplois existants, ce sera déjà bien ! Monsieur le ministre, en cette période où tous les investissements sont en chute libre, où les trésoreries sont souvent exsangues, les entreprises ont besoin d’une aide immédiate : mettre en place un dispositif qui ne produira pleinement ses effets qu’en 2014, en 2015 et en 2016 ne répond pas à l’urgence de la situation !
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre l’instauration de ce dispositif trop compliqué – conçu, nous dit-on, à l’Élysée –, à moins que d’importantes simplifications ne lui soient apportées afin de revenir à l’idée originelle, qui était d’aider immédiatement les entreprises, comme le préconise le rapport Gallois.
Quant à la Cour des comptes, elle a conseillé de recourir pour moitié à une hausse des recettes fiscales et pour moitié à des économies sur les dépenses publiques pour le financement : nous sommes loin du compte, d’autant que l’on se demande où sont les économies annoncées.
Compte tenu de tous ces éléments, nous ne souhaitons pas nous associer à une démarche qui ne correspond pas à ce qu’attendent les entreprises. En effet, les responsables d’organisations professionnelles que nous rencontrons dans nos départements croient que certaines entreprises pourront recevoir un chèque dès 2013 et que toutes pourront bénéficier de la mesure en 2014.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Francis Delattre. Or, monsieur le rapporteur général, grâce à votre excellent rapport, dont je souligne la grande clarté, nous pouvons parfaitement concevoir quels seront les effets réels du dispositif.
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l’article.
M. Thierry Foucaud. Nous sommes contre l’article 24 bis, qui est selon nous d’inspiration patronale.
Si je vous ai bien compris, monsieur Delattre, 20 milliards d’euros ne vous suffisent pas ; vous rejoignez sur ce point Mme Parisot, qui demande 50 milliards d’euros.
L’examen de cet article montre donc que, pour dire le moins, un certain discours patronal n’est pas dénué d’influence sur la gestion des affaires du pays. Nous avons eu l’occasion de nous exprimer sur l’université d’été du MEDEF ; je n’y reviendrai pas.
Le dispositif de l’article 24 bis ne permettra pas de sortir de l’ornière dans laquelle la plupart des politiques économiques se sont enfoncées depuis trente ans. Le coût du travail serait trop élevé : c’est le credo de tous ceux qui cherchent à masquer leur incapacité à agir sur les autres facteurs de compétitivité.
Tant de mesures d’allégement du coût du travail pour les entreprises ont été mises en place depuis trente ans que l’on peut se demander si une bonne partie des emplois privés ne sont pas, en fait, subventionnés sur fonds publics… Nous ne sommes pas seuls à affirmer cela : la Cour des comptes, notamment, l’a souligné au fil de ses rapports.
Un emploi mal payé coûte aujourd’hui 25 000 euros par an aux finances publiques, un emploi « aidé » par le biais du pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi leur coûtera finalement, à terme, près de 60 000 euros : voilà une curieuse conception du libéralisme ! Au total, on nous demande de voter une dépense de 20 milliards d’euros pour financer la création de 318 000 emplois à moyen terme.
Un tel gaspillage de fonds publics ne peut manquer d’interpeller les parlementaires que nous sommes, soucieux en principe d’une allocation juste et efficace de l’argent public.
La mesure proposée permettra-t-elle d’améliorer durablement la situation économique ? Les prévisions les plus optimistes ne semblent pas confirmer qu’une croissance de 2 % de notre PIB soit un objectif accessible, alors qu’atteindre ce taux est nécessaire pour au moins stabiliser un marché du travail passablement déprimé.
Le CICE permettra sans doute d’améliorer la rentabilité des entreprises à court terme. Certaines d’entre elles pourront ainsi dégager des marges de manœuvre pour financer leurs investissements, lesquels, au demeurant, peuvent fort bien être réalisés pour substituer des machines au travail humain…
Enfin, comme nous l’avons déjà dit, trente années se sont écoulées durant lesquelles la contribution de l’activité économique aux budgets nationaux et sociaux s’est sans cesse réduite.
À cet égard, je rappelle que plus de 130 milliards d’euros ont été consacrés à la réduction de l’impôt sur les sociétés, que les cotisations sociales ont été allégées à hauteur de 30 milliards d’euros, que la taxe professionnelle a été supprimée, que les aides budgétaires directes se multiplient, que les finances des collectivités locales sont de plus en plus sollicitées : tout cela aboutit au résultat que nous constatons aujourd'hui, et l’on nous propose d’en rajouter encore, alors que notre pays compte 5 millions de chômeurs, 3 millions de smicards, plus de 8 millions de salariés bénéficiaires – si l’on peut dire ! – de la prime pour l’emploi, la pauvreté continuant à s’étendre.
Il est temps que cela cesse, c’est pourquoi nous voterons contre l’article 24 bis.
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin, sur l'article.
M. Yvon Collin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, contrairement aux orateurs qui m’ont précédé, nous pensons que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi est un bon outil. C’est selon nous un instrument indispensable pour permettre à nos entreprises de retrouver leur compétitivité, laquelle est en chute libre depuis plus de dix ans. C’est ainsi que nous pourrons véritablement favoriser l’emploi et la croissance.
Étant donné la gravité de la situation – notre déficit commercial atteignait 70 milliards d’euros à la fin de l’année 2011, des millions d’emplois industriels ont été perdus au cours des vingt dernières années, les marges de nos entreprises sont d’une faiblesse inquiétante –, il était à l’évidence urgent d’agir.
C’est pourquoi les radicaux de gauche et la majorité des membres du RDSE voteront, sans réserve et sans états d’âme, en faveur de l’article 24 bis, instaurant le nouveau crédit d’impôt.
Nous regrettons cependant, comme je l’ai dit hier, que M. le rapporteur général ait décidé de retirer l’un de ses amendements, dont l’adoption aurait permis, nous semble-t-il, d’améliorer le CICE. Il tendait en effet à supprimer les effets de seuil et, indirectement, à renforcer le soutien au secteur industriel. C’est bien sur ce dernier que doit porter toute notre attention, car c’est par le redressement de nos industries que nous retrouverons une croissance soutenue, durable et créatrice d’emplois.
Toutefois, je comprends votre position, monsieur le rapporteur général : vous ne vous faites pas plus que moi d’illusions sur le sort qui sera réservé à l’article 24 bis, compte tenu du fait que deux des amendements de suppression ont été déposés par des groupes de la majorité sénatoriale, ce que les radicaux de gauche, je le dis sans intention polémique, déplorent vivement
Nous regrettons que la cause de nos industries, de l’emploi et de la croissance ne suscite pas une adhésion unanime sur les travées de la Haute Assemblée. S’il y a un point, dans ce débat, sur lequel la majorité sénatoriale aurait pu être unie et solidaire du Gouvernement, c’est bien celui-là ! En ce qui nous concerne, nous sommes fidèles au rendez-vous.
C’est d’ailleurs parce que nous croyons au CICE que nous avons déposé trois amendements visant à améliorer ce nouvel outil.
L’amendement n° 205 rectifié tend ainsi, dans une logique d’équité, à inclure les travailleurs indépendants dans le champ du CICE. Ne pas prendre en compte 1,7 million d’entreprises individuelles paraît en effet fort dommageable et risquerait de limiter les effets du dispositif. En l’état actuel du texte, seules les entreprises ayant des salariés pourraient bénéficier du crédit d’impôt. Or la moitié des entreprises individuelles du secteur du bâtiment, par exemple, n’en ont pas. Ce secteur, comme d’autres, est pourtant très important pour la croissance et l’emploi et subit déjà de plein fouet un certain nombre de mesures, comme la hausse des taux de TVA.
Pour équilibrer véritablement le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, il faudrait donc que toutes les entreprises puissent bénéficier du CICE, conformément d’ailleurs à une promesse du Président de la République.
Certes, M. le rapporteur général l’a souligné en commission, étendre le bénéfice du CICE aux entreprises individuelles aurait, dans un premier temps, un coût non négligeable. Néanmoins, je vous pose la question, monsieur le ministre, vous qui croyez comme moi à la pertinence du CICE : ne vaut-il pas la peine de faire dès aujourd’hui des efforts importants en faveur de nos entreprises, puisque nous en tirerons demain les bénéfices en termes de croissance et d’emploi ?
L’amendement n° 200 rectifié de mon collègue et ami Jean-Claude Requier tend également à améliorer le dispositif, lequel ne prend pas en compte, pour l’heure, les spécificités des entreprises affiliées à un régime de congés payés.
Pour conclure, monsieur le ministre, je réitère le soutien plein et entier des membres du RDSE à l’instauration de ce crédit d’impôt, qui permettra de renforcer la compétitivité, l’emploi et la croissance dans notre pays.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, sur l'article.
M. Jean-Pierre Caffet. Il me semble utile d’éclairer les raisons ayant conduit le Gouvernement à proposer le dispositif qui nous est aujourd'hui soumis.
La première question qu’il nous faut nous poser est la suivante : y a-t-il, oui ou non, un problème de compétitivité en France ?
M. Jean-Pierre Caffet. Je pense que la réponse est « oui », car sinon comment expliquer la dégradation de nos comptes extérieurs ? Alors qu’ils étaient équilibrés voilà dix ans, ils sont devenus déficitaires de façon chronique, pour ne pas dire pérenne.
S’il n’y avait pas de problème de compétitivité dans notre pays, on ne saurait pas non plus expliquer le recul de nos exportations.
S’il n’y avait pas de problème de compétitivité, on ne saurait pas totalement expliquer la destruction de 700 000 emplois industriels en dix ans. On ne saurait pas expliquer pourquoi la part de l’industrie dans notre PIB a chuté de dix points en dix ans !
Il y a donc bien un problème de compétitivité, comme cela a été clairement établi, notamment, par le rapport Gallois.