M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. Enfin, la BPI n’est pas non plus une banque « hôpital », pour reprendre l’expression utilisée par M. Nicolas Dufourcq, lors de son audition. Elle pourra bien sûr intervenir auprès d’entreprises qui connaissent des difficultés passagères de nature conjoncturelle – crise de trésorerie, insuffisance temporaire du carnet de commandes –, voire structurelle, mais elle ne devra intervenir qu’auprès d’entreprises qui ont des chances raisonnables de rebond.
Pour finir, permettez-moi de souligner deux idées importantes.
Notre économie traverse actuellement une crise grave et il est important que la BPI soit en mesure de répondre de façon réactive aux difficultés conjoncturelles afin de limiter l’ampleur de l’impact. Mais, au-delà de son rôle contra-cyclique, la BPI est avant tout un outil destiné à poser les bases d’un financement sain de nos entreprises sur le long terme. Ce n’est pas qu’un outil de réponse à la crise, c’est avant tout un outil financier de reconquête de la croissance.
Ma seconde remarque complète la précédente. La BPI n’est elle-même qu’un aspect de la politique générale de redressement industriel et productif engagée par le Président de la République et par le Premier ministre et son gouvernement. C’est une pièce dans un vaste édifice en train de se mettre en place.
La BPI s’inscrit dans une réforme globale du financement de notre économie, réforme qui comprendra un volet bancaire visant à séparer les activités spéculatives des activités de financement de l’économie réelle, ainsi que la création d’une nouvelle bourse pour les PME-ETI. Dans ce chantier de financement, il faudra sans doute se pencher sur la question des délais de paiement et du crédit interentreprises.
M. Roland Courteau. Oui !
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. Enfin, la réforme de financement s’inscrit à son tour dans un pacte de compétitivité plus global, qui implique des réformes fortes dans le domaine de la compétitivité coût et hors coût.
Ce texte contribue donc à remettre l’économie française dans le sens de la marche, et il faut s’en féliciter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. André Vairetto, rapporteur pour avis.
M. André Vairetto, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission qui m’a fait l’honneur de me désigner rapporteur pour avis sur ce texte est compétente en matière de développement durable et d’aménagement du territoire. C’est donc principalement sous ces deux angles que j’ai examiné le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui.
Les orateurs qui m’ont précédé ont rappelé que la création de la Banque publique d’investissement était le premier des soixante engagements du Président de la République lors de la campagne pour l’élection présidentielle. L’objectif annoncé était de pallier les carences des banques privées dans le financement des projets portés par les petites et moyennes entreprises.
Aujourd’hui, la BPI se trouve au cœur du dispositif de reconquête de la compétitivité française. Il s’agit d’apporter un soutien aux entreprises – TPE, comme PME et ETI – et de créer un levier pour les financements privés.
Ce faisant, il s’agit d’abord de remédier aux faiblesses du financement de notre tissu productif. Celles-ci sont bien connues : elles se traduisent non seulement par les difficultés d’accès des entreprises au crédit bancaire, à des fonds propres, au financement à l’export, par le recul du capital-investissement, mais aussi par l’empilement des outils de financement et des interlocuteurs, ainsi que par l’éparpillement des dispositifs existants.
Dans une étude récente, la Banque centrale européenne a indiqué que, parmi les difficultés auxquelles sont confrontées les PME en Europe, l’accès au financement arrive en deuxième position, cité par 18 % des entrepreneurs interrogés, après la recherche de nouveaux clients et de nouveaux débouchés.
Mais il s’agit aussi de créer un mécanisme destiné à s’intégrer dans une politique industrielle, définie par l’État et portée par les territoires, afin d’encourager les créations d’emplois, de favoriser la croissance et de lancer la transition écologique. Ce dernier objectif a été clairement affirmé en septembre dernier, lors de la conférence environnementale, par le Président de la République, qui avait alors indiqué que la BPI allait concentrer une bonne part de ses interventions « sur la conversion écologique de notre système productif, qu’il s’agisse de l’isolation thermique, des énergies renouvelables, des écotechnologies ».
Nous le savons bien, mes chers collègues, cet engagement est essentiel et chacun se réjouit qu’il trouve aujourd’hui sa traduction législative dans le projet de loi.
La transition écologique ne porte pas uniquement sur les filières vertes traditionnelles que sont les écotechnologies ou les énergies renouvelables. L’objectif est bel et bien de toucher chaque pan de l’économie française et de provoquer un verdissement des activités traditionnelles. Il s’agit de changer de paradigme économique et social.
Le montant du programme d’investissement à réaliser pour financer la transition écologique est estimé par les spécialistes entre 2 % et 3 % du PIB par an pendant au moins dix ans, soit pour la France un total de 600 milliards d’euros environ. Le Programme des Nations unies pour l’environnement recommande, de son côté, d’investir 2 % du PIB mondial dans les investissements de transition écologique.
Tous les spécialistes insistent sur le fait que ces investissements et cette transition écologique doivent être perçus non comme un coût mais bel et bien comme une chance pour l’emploi et la croissance. Certes, les sommes nécessaires apparaissent considérables, mais ce sont généralement des investissements territorialisés, donc peu délocalisables et riches en emplois de proximité.
En outre, l’économie verte est particulièrement dynamique. Ainsi, 263 milliards de dollars ont été investis dans les énergies renouvelables à l’échelle mondiale en 2011, somme en augmentation de 6,5 %, soit 4 points de plus que la croissance mondiale. Toujours en 2011, les énergies vertes ont contribué à 2 % du PIB français. Le potentiel de création d’emplois est réel, ne serait-ce que dans le secteur de la rénovation thermique des bâtiments.
Le véritable enjeu est donc celui du financement de cette transition écologique. Une réflexion sur la fiscalité verte sera lancée à partir du printemps 2013.
Comme cela a été rappelé dans le cadre de la table ronde « Financement de la transition et fiscalité écologique » de la conférence environnementale, l’objectif est de taxer les comportements polluants ou coûteux en termes de ressources, pour les orienter vers des comportements plus vertueux.
Toutefois, le levier de la fiscalité ne suffira pas. Il faudra que l’ensemble du dispositif de financement de l’économie finisse par intégrer cet objectif de transition écologique, à commencer par ses opérateurs publics.
La mission générale confiée à la BPI est de répondre aux risques d’assèchement de crédit et aux insuffisances de fonds propres qui handicapent le développement des entreprises, à commencer par les PME et les ETI. La BPI rassemblera donc dans une structure unique les activités d’OSEO, du FSI et de CDC Entreprises. Fédérer ces organismes et leurs actions, dans le contexte général actuel de crise économique et financière, apportera une vraie valeur ajoutée. Selon le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, M. Jean-Pierre Jouyet, le fait de rassembler sous un même toit les différentes institutions de prêt et de prise de participation en capital constitue un progrès considérable.
La BPI disposera d’une capacité d’intervention importante de 42 milliards d’euros environ, soit 20 milliards en prêts, 12 milliards en garanties et 10 milliards en capacités d’investissements en fonds propres. Ces 42 milliards d’euros devraient entraîner, par effet de levier, plus de 100 milliards d’euros de financements.
Le projet de loi déposé à l’Assemblée nationale était très succinct sur les objectifs assignés à la BPI ; il se contentait en fait de modifier à la marge l’ordonnance portant création d’OSEO. Nos collègues députés ont jugé nécessaire de compléter ces objectifs et en particulier de rappeler, dès l’article 1er, la vocation de la BPI à mettre en œuvre la transition écologique. Cet ajout était nécessaire et l’on ne peut que s’en féliciter.
Cette ambition est ensuite déclinée dans les missions des différentes instances de gouvernance de la banque. Plusieurs amendements, soutenus notamment par la commission du développement durable de l’Assemblée nationale, ont permis d’inclure, dans le comité national et dans les comités régionaux d’orientation de la banque, des personnalités qualifiées en matière de développement durable ; c’est, là encore, une bonne chose.
Je veux aussi souligner la reconnaissance du rôle de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, dont l’expertise est unanimement reconnue. Cela devrait garantir que l’objectif de la transition écologique ne sera pas marginalisé dans les options de financement retenues par l’établissement.
Le second aspect important de ce projet de loi est sa contribution au développement économique régional. Si les dispositifs publics actuels d’aide au financement des entreprises ont déjà une forte dimension régionale, celle-ci sera notoirement renforcée par l’organisation de la future BPI.
Les établissements financiers qui doivent être regroupés au sein de la BPI interviennent en effet au plus près du terrain. OSEO est organisé en vingt-deux directions régionales et douze délégations territoriales. Les décisions de prêt y sont largement déconcentrées. Le Fonds stratégique d’investissement a un fonctionnement plus centralisé, mais son comité d’orientation comporte des élus. CDC Entreprises dispose de quatorze implantations interrégionales, via sa filiale FSI Régions, et participe à quatre-vingt-quatre fonds régionaux.
De leur côté, les régions se sont engagées pour la plupart dans le soutien aux PME, en association avec les opérateurs de l’État ou en complément de leur action. Dans le cadre de leurs stratégies régionales de développement économique, elles se sont dotées de plusieurs instruments : prêts sur l’honneur, fonds de garantie et fonds d’innovation, qui peuvent être confiés en gestion à OSEO, fonds régionaux d’investissement, aides à l’exportation.
Le président de l’Association des régions de France, Alain Rousset, a indiqué lors de son audition devant nos commissions réunies qu’il existait plus de 800 dispositifs régionaux.
L’implication des régions dans le financement des entreprises est donc un phénomène général, même si les modalités et l’importance de l’effort consenti varient d’une région à l’autre. Le projet de loi en tire les conséquences, en réservant une place particulière aux régions dans la gouvernance de la BPI.
L’article 1er dispose que la BPI agit en appui des politiques publiques conduites par l’État et par les régions.
En ce qui concerne son conseil d’administration, l’article 3 prévoit que, sur quinze membres, deux seront des représentants des régions, nommés par décret sur proposition d’une association représentative de l’ensemble des régions.
La BPI est également dotée d’un comité national d’orientation chargé d’exprimer un avis sur ses orientations stratégiques, sa doctrine d’intervention et les modalités d’exercice de sa mission d’intérêt général. L’article 4 du projet de loi initial prévoyait que ce comité de vingt-trois membres compterait deux représentants des régions, désignés par une association représentative de l’ensemble des régions. L’Assemblée nationale a porté ce chiffre à trois.
Il est par ailleurs prévu que le président du comité national d’orientation sera choisi parmi les trois représentants des régions. Leur présence au comité national d’orientation sera l’occasion pour les régions d’expliquer et de promouvoir leurs politiques économiques auprès des parlementaires, des partenaires sociaux et des personnalités qualifiées qui le composent par ailleurs.
L’article 4 tend également à mettre en place, dans chaque région, un comité régional d’orientation chargé de formuler un avis sur les modalités d’exercice par la BPI de ses missions au niveau régional et sur la cohérence de ses orientations stratégiques avec la stratégie régionale de développement économique. Deux représentants de la région figurent parmi les vingt-cinq membres de ce comité.
Le projet de loi initial prévoyait qu’il soit présidé par le président du conseil régional, mais cette disposition a été supprimée par la commission des finances de l’Assemblée nationale. La commission du développement durable a proposé, comme la commission des finances, de rétablir cette présidence qui lui paraît plus conforme aux souhaits exprimés par les régions et aux engagements pris par le Gouvernement à leur égard.
Au total, vous l’aurez compris, la commission du développement durable a émis un avis positif sur le projet de loi. Elle souhaite que la BPI soit la banque du renouveau de la croissance française, clairement tournée vers l’accompagnement des secteurs à fort potentiel de l’économie verte et vers le soutien au tissu économique régional. Je forme le vœu que cette nouvelle structure soit mise en place et opérationnelle le plus rapidement possible, dès les premiers mois de 2013, et que sa gestion soit conduite dans un réel souci d’exemplarité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la formule de « porte-avions du pacte de compétitivité » utilisée par M. le ministre pour qualifier la Banque publique d’investissement me semble appeler quelques commentaires. Certes, vu de l’extérieur, ce porte-avions a fière allure, mais on peut se demander s’il est réellement doté des moteurs et de la capacité opérationnelle indispensables à son fonctionnement.
M. Roland Courteau. Mais oui !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Si l’on s’en tient aux formulations, d’ailleurs fort peu normatives, retenues dans l’article 1er de ce texte, il n’y aurait que des éloges à faire.
M. Jean-Pierre Plancade. N’hésitez pas !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. « En vue de soutenir la croissance durable, l’emploi et la compétitivité de l’économie, [la Banque publique d’investissement] favorise l’innovation, le développement, l’internationalisation, la mutation et la transmission des entreprises, en contribuant à leur financement en prêts et en fonds propres. » Plus loin, on apprend que la BPI « intervient notamment en soutien des secteurs d’avenir et investit de manière avisée » – je serais tenté de dire heureusement ! – « pour financer des projets de long terme », qu’elle « a vocation à mettre en œuvre la transition écologique » chère à certains de nos collègues,…
M. Jean-Vincent Placé. Tout à fait !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … ou encore qu’elle « favorise une mobilisation de l’ensemble du système bancaire sur les projets qu’elle soutient », et j’en passe.
Les députés ont manifestement trouvé que les bonnes intentions affichées n’étaient pas encore suffisantes puisqu’ils ont ajouté le merveilleux article 3 bis A, aux termes duquel la future banque devra « prendre en compte les enjeux environnementaux, sociaux, d’égalité professionnelle et de gouvernance dans ses pratiques…
M. Jean-Vincent Placé. Très bien !
M. Marc Daunis. Êtes-vous contre l’égalité ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … ainsi que dans la constitution et la gestion de son portefeuille d’engagements ».
Elle devra également intégrer « les risques sociaux et environnementaux dans sa gestion des risques » et, cerise sur le gâteau, tenir compte « des intérêts des parties prenantes, entendues comme l’ensemble de ceux qui participent à sa vie économique et des acteurs de la société civile influencés, directement ou indirectement, par [ses] activités ». On va même jusqu’à étudier la mise en place d’un « comité de responsabilité sociale et environnementale indépendant ».
Mes chers collègues, tout est ici un exemple d’emphase dans la nouvelle langue de notre époque, celle du développement durable et de toutes les bonnes intentions. S’y ajoute dans la composition du conseil d’administration et des divers « comités Théodule d’orientation » l’affichage souhaitable du politiquement correct. On pourrait presque faire de ce projet de loi un traité !
Tâchons de regarder ce qui nous est proposé derrière les hyperboles, les formules boursouflées et l’autocélébration.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Il n’y a pas de mal à se faire du bien !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Certes !
Il ne s’agit ici, à mon sens, de rien d’autre que d’assembler divers éléments existants, qui fonctionnent au demeurant plutôt bien : OSEO, le Fonds stratégique d’investissement, créé par le Président Sarkozy, et CDC Entreprises. C’est un projet somme toute très similaire à celui de la Banque de l’industrie, dont on nous avait parlé au tout début de l’année 2012.
Toutefois, le rapprochement de ces structures n’est pas forcément si aisé à mener, car on prend peut-être le risque de déstabiliser des équipes et des personnels aux statuts et rémunérations très différents. Sans doute aussi faut-il être attentif au risque de nouveaux conflits d’intérêts entre la BPI prêteuse et la BPI investisseuse, d’autant que, si j’ai bien compris, le directeur général de la holding sera aussi le président-directeur général des filiales.
Selon moi, il faut s’interroger, comme l’a fait notre rapporteur général, sur la question des conditions de refinancement de ce nouveau groupe.
Ne prend-on pas gratuitement le risque de perturber les prêteurs et d’obtenir moins, et à des conditions moins avantageuses, que ce que peut avoir aujourd'hui OSEO, dont la signature est appréciée ?
Ne prend-on pas le risque de faire payer cher, en points de base, à la Banque publique d’investissement et donc à ses clients cet « écran » que constituera l’établissement public holding entre, d’une part, les deux actionnaires – l’État et la Caisse des dépôts et consignations – et, d’autre part, l’établissement de crédit opérationnel ? Si l’on en croit la presse économique, monsieur le ministre, le directeur général pressenti a lui-même émis des doutes et n’a pas paru franchement enthousiaste devant le schéma capitalistique que vous nous avez décrit.
Au-delà des structures, derrière l’écran de fumée toujours bienvenu des belles formules, demeure une réalité : cette banque publique d’investissement, ce « porte-avions », n’aura de capacité opérationnelle qu’en fonction des moyens qui lui seront apportés et des fonds propres dont elle pourra disposer.
Lors de notre réunion de commission, votre ministre délégué, Benoît Hamon, ne nous l’a pas caché : dans le meilleur des cas, la banque ne peut espérer recevoir avant la fin de 2014, c'est-à-dire dans deux ans, les fonds propres souscrits non libérés par ses actionnaires. Ce qui était vrai d’OSEO demeure vrai pour la Banque publique d’investissement, et j’oserai même dire encore plus vrai puisque l’on attend tout de ce nouvel établissement.
Or c’est à partir de ces fonds propres souscrits non libérés que vous avez fait les calculs qui vous permettent de clamer que cette banque publique d’investissement aurait une « force de frappe » de 42 milliards d’euros. Je doute fort – c’est une litote ! – qu’elle les ait dès sa constitution, en tout cas dès le début de l’année 2013. D’ici là, les entrepreneurs, pour qui cette banque est faite, auront à subir – j’ai le regret de le dire, monsieur le ministre – les effets bien réels de votre politique, notamment fiscale.
M. Roland du Luart. Eh oui !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ils auront vu la déductibilité de leurs charges financières limitée. Et pour ceux qui savent réussir, ils auront vu les services fiscaux les rattraper pour les amener à acquitter une imposition de plus de 60 % sur leurs plus-values, avant d’appliquer aux personnes physiques un ISF sensiblement alourdi et sans réel plafonnement !
Mes chers collègues, regardons la réalité en face.
Dans ce texte même, dont les premiers articles proclament – on ne peut que s’en réjouir – le bonheur bancaire intégral, vous nous demandez à l’article 13, monsieur le ministre, l’autorisation de valider une démarche qui est, à mon sens, lourde de menaces pour les entreprises. En effet, vous sollicitez du Parlement un blanc-seing pour rédiger des ordonnances afin de tirer les conséquences dans notre droit, de façon anticipée, voire précipitée, d’une transposition européenne qui intégrerait les normes comptables de Bâle III.
Cette démarche est, me semble-t-il, tout à fait prématurée, d’autant que bien des grands pays, à commencer par les États-Unis, ont, pour leur part, choisi de s’affranchir de ces nouvelles normes pour un temps indéterminé. Or si nous appliquons ces règles, en particulier si l’Europe le fait avant les États-Unis, il est certain que de nombreuses entreprises, qu’elles soient petites, moyennes, intermédiaires ou grandes, se verront octroyer moins de crédits de la part du système bancaire.
Mes chers collègues, dans cette phase de rigueur que connaît la gestion des finances publiques, il est évidemment satisfaisant d’employer des belles formules, car cela ne coûte rien – en particulier au budget de l’État –, mais cela peut créer de nouvelles désillusions au sein de notre tissu social et économique.
En ce moment, les multinationales, comme d’ailleurs de très nombreuses entreprises de nos territoires, sont attentistes, et je ne parle même pas de celles qui peuvent être sensibles aux signes d’une fiscalité qui leur semblerait excessive.
Qu’on le veuille ou non, notre pays est loin d’avoir gagné en compétitivité et en attractivité, particulièrement depuis que l’actuel gouvernement est au pouvoir. À mon sens, ce n’est pas le présent projet de loi qui fera oublier aux entrepreneurs – petits et grands – les boulets fiscaux que l’on attache à leurs pieds de texte en texte…
M. Aymeri de Montesquiou. C’est certain !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … depuis le collectif budgétaire adopté cet été, en passant par le projet de loi de finances pour 2013, qui vient d’être rejeté par le Sénat.
Monsieur le ministre, je formulerai tout à l'heure quelques propositions, afin, en particulier, que la création de la Banque publique d’investissement ne soit pas un facteur de dilution, voire de démantèlement de la Caisse des dépôts et consignations. En effet, il me semble que l’intégrité de ce groupe fait partie du pacte républicain, qu’elle est un élément solide de notre politique économique et que tout ce qui peut la remettre en question ne va pas dans le bon sens.
De la même manière, il me semble que la structure juridique que vous avez choisie n’est pas optimale.
Pour l’ensemble de ces raisons, il est nécessaire que nous ayons un débat sur ces questions.
Quoi qu’il en soit, si la responsabilité des parlementaires est d’aller jusqu’au bout du débat, elle n’est en aucun cas de cautionner ce qui risque de s’apparenter à une grande illusion. (Applaudissements sur les travées de l'UMP – M. Aymeri de Montesquiou applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bourquin.
M. Christian Bourquin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour traiter la crise, le gouvernement précédent n’avait qu’un mot à la bouche : austérité.
Mon prédécesseur à cette tribune, M. Marini, a démontré qu’il était toujours tenant de cette vision des choses, ce qui explique qu’il n’ait pas trop le moral pour l’avenir.
Pour notre part, nous pensons qu’il faut créer toutes les conditions pour que le système économique redémarre. Nous devons donc investir au maximum et, pour cela, favoriser l’accès aux moyens de l’investissement. D'ailleurs, dans son programme présidentiel, François Hollande avait inscrit la création de la Banque publique d’investissement comme priorité numéro un de ses soixante propositions. Il avait alors décrit les grandes lignes de ce qu’il considérait comme une banque d’un type nouveau, vouée à l’accompagnement de tous ces projets qui, en dépit de leur potentiel, sont restés mort-nés, faute de financements.
Nous savons à quel point les accords de Bâle III ont rendu les acteurs bancaires plus frileux que jamais. Dans cette perspective, la proposition du candidat à la présidence de la République consistait en la fondation d’une banque soucieuse de participer à l’élaboration d’un avenir meilleur, tout en demeurant attentive au développement de l’économie sociale et solidaire ainsi qu’à l’accompagnement de la conversion écologique et énergétique de l’industrie.
Alors que les banques rechignent à soutenir les projets innovants – nous ne le constatons que trop souvent dans nos territoires –, plus encore lorsque leur équilibre économique ne peut être atteint qu’à moyen terme, la BPI devait être publique, pour rompre avec la logique de recherche de la rentabilité financière maximale et immédiate des banques classiques. En effet, c’est le seul moyen efficace d’organiser la bonne irrigation du tissu entrepreneurial local.
La promesse faite pendant la campagne présidentielle et ses esquisses trouvent leur traduction concrète dans les deux textes que nous examinons aujourd’hui. Le premier porte le projet même de création de la Banque publique d’investissement sur les fonts baptismaux ; le second, de valeur organique, permet au Parlement de contrôler les nominations à la tête de cette nouvelle institution.
Lors des travaux préparatoires menés par l’exécutif, le rôle incontournable des régions a été reconnu. En effet, quoi de plus naturel que de se tourner vers les conseils régionaux lorsqu’il est question de développement économique ?
Monsieur le ministre, parlons franchement de cet outil de l’avenir et de la croissance ; l’histoire politique récente plaide en ce sens. En 1982, le développement économique local est devenu l’un des principaux domaines d’intervention des régions. Ce rôle a été confirmé par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui, par la volonté du Sénat, a confié à chaque région le soin de coordonner, sur son territoire, l’ensemble des actions de développement économique des collectivités territoriales et de leurs groupements – sous réserve, bien entendu, du respect des missions incombant à l’État.
Depuis lors, on peut constater que les régions ont gagné en savoir-faire et en créativité.
J’en veux pour preuve leur participation à un dispositif pilote en matière de développement des PME et des TPE. Mis sur pied sur l’initiative de la Commission européenne, de la Banque européenne d’investissement et du Fonds européen d’investissement, ce dispositif consiste en une boîte à outils d’ingénierie financière. Il s’agit de la convention de financement JEREMIE.
Dès 2008, le conseil régional du Languedoc-Roussillon s’est engagé dans ce programme destiné à offrir aux petites et moyennes entreprises de nouvelles ressources financières à chaque stade de leur vie. Il s’agissait non pas d’une aide classique, accordée sous forme de subventions, mais bien de l’ingénierie financière qui préfigurait déjà les aides de demain et dont nous devons nous doter : des aides composées de prêts, de prises de participation ou encore de garanties répondant à une logique de recyclage des fonds publics.
Monsieur le ministre, je sais à quel point cette expérience a retenu toute votre attention dans la préparation du projet de loi. Permettez-moi toutefois de saluer également la volonté de la ministre du commerce extérieur de mettre la BPI au service des PME et des entreprises de taille intermédiaire exportatrices, en pourvoyant notamment à leurs besoins de trésorerie. Ce volet international de la Banque, lui aussi essentiel, manquait dans le fameux « rapport Parent ».
Soyez convaincus que cette priorité ciblée sera portée par tous, par le Gouvernement, certes, mais également par les régions. En effet, si l’on considère le succès à l’exportation de notre voisin allemand en ces temps de crise, lequel se fonde sur le tissu dynamique des ETI, on comprend que le soutien aux PME est indispensable, non seulement parce que ces entreprises sont créatrices d’emplois et constituent un enjeu majeur en matière de maillage territorial, mais aussi parce qu’elles ont un rôle fort à jouer dans le cadre du redressement de notre balance commerciale. Dois-je rappeler que notre déficit commercial atteint 70 milliards d’euros ?
En matière de soutien aux PME, nous avons pris beaucoup de retard : la France compte à ce jour 90 000 entreprises exportatrices, soit quatre fois moins qu’en Allemagne. Ce chiffre montre qu’il est urgent d’agir.
L’action commence par la création des outils adaptés : avant de prêter de l’argent, créons les entreprises à qui le prêter ! Il faudra ensuite rapidement veiller à ce que les crédits nécessaires soient dégagés pour pouvoir utiliser ces outils.
Enfin, je me réjouis des améliorations d’ores et déjà apportées au texte par la commission des finances du Sénat.
Lors de l’examen du texte par nos collègues députés, quelques incohérences avaient été introduites dans sa rédaction. Je pense notamment à l’éviction malencontreuse des présidents de conseil régional de la présidence des comités d’orientation régionaux de la BPI. L’accident a été réparé, comme en témoigne la nouvelle rédaction de l’article 4 du texte issu des travaux de notre commission des finances. Il est positif que l’institution représentant la République des élus locaux et des territoires rétablisse cet apport. Ce faisant, elle est dans son rôle et effectue un travail qui sera utile pour l’avenir.
Concernant la composition des comités régionaux d’orientation, j’ai bien noté qu’un amendement déposé par le rapporteur Martial Bourquin, au nom de la commission des affaires économiques, visait à sa modification, avec pour objectif de donner plus de poids à la représentation régionale.
Pour ma part, j’ai une proposition à vous faire : elle consiste à favoriser l’adaptation de ces comités d’orientation à la spécificité de chaque territoire. La diversité des territoires doit s’exprimer. L’unité de la République n’en serait pas menacée et la cohérence de la banque n’en serait pas pour autant troublée.
En tout état de cause, je vous donne rendez-vous au moment où nous examinerons l’article 4 du texte ; nous aurons certainement un débat intéressant à ce sujet.
Pour conclure, je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur un point qui ne relève pas de la loi. Il s’agit de la question de la présence des régions dans les comités d’engagement de la BPI, autrement dit dans des instances intégrant la doctrine d’action de la Banque.
Pour la réussite même de ce beau projet – auquel j’ai bien noté que M. Marini ne croyait pas – et pour que les espoirs qu’il porte puissent s’incarner, il me paraît fondamental que la composition des comités d’engagement ne délaisse pas la représentation régionale. Qu’en pensez-vous ? Vous n’avez rien dit à ce sujet. Pourtant, c’est du développement économique de proximité qu’il s’agit !
En évoquant ce point, vous avez déclaré que les choses devaient être claires. Ce faisant, vous m’avez surpris et même chagriné.