M. le président. L'amendement n° I-207, présenté par M. de Montgolfier et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un II ainsi rédigé :
II. - Les dispositions du présent article s’appliquent aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2013.
La parole est à M. Albéric de Montgolfier.
M. Albéric de Montgolfier. Il s’agit encore une fois d’une question de rétroactivité.
L’article 14 du projet de loi de finances modifie le calcul de la quote-part pour frais et charges sur les plus-values de cession de titres de participation. Calculée jusqu’ici sur le montant des plus-values nettes, la quote-part porterait dorénavant sur le montant des plus-values brutes.
Il convient de prévoir une date d’entrée en vigueur différée de cette disposition. En effet, si elle devait s’appliquer à la date de la promulgation de la loi de finances pour 2013, elle produirait un effet rétroactif massif pour les entreprises concernées, lesquelles devrait acquitter un montant global supplémentaire de l’ordre de 1 milliard d’euros au titre du solde d’impôt sur les sociétés dû pour 2012, qui est réglé au premier semestre 2013.
Il est donc impératif que cette mesure n’entre en vigueur qu’à partir de 2013 en prévoyant que les dispositions en question s’appliquent aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2013.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à prévoir que le nouveau régime prévu par l’article 14 ne s’appliquera qu’aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2013. J’y suis bien entendu défavorable, car cela réduirait d’environ 1 milliard d’euros, ce qui n’est pas négligeable, les recettes attendues en 2013 et conduirait à dégrader le solde d’autant.
L’application immédiate du régime prévu à l’article 14, y compris aux exercices clos au 31 décembre 2012, permet en revanche d’espérer, selon le Gouvernement, un rendement d’environ 2 milliards d’euros en 2013. Il ne me semble donc pas opportun de revenir sur cette application immédiate.
De plus, les entreprises concernées sont des holdings et des grands groupes, qui ont non seulement les moyens financiers mais sans doute aussi les ressources humaines et matérielles nécessaires pour avoir anticipé la mesure.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement est évidemment défavorable à cet amendement, monsieur de Montgolfier.
S’agit-il pour vous d’une question de principe quant à la rétroactivité ? Je ne le crois pas.
Je vous vois sourire, monsieur le sénateur : c’est que vous savez ce que je vais vous dire ! (Sourires.) Lorsque vous avez voté le passage de 5 % à 10 % de la quote-part pour frais et charges appliquée aux plus-values, vous avez vous-même voté une mesure qui, à suivre votre argumentation, était rétroactive. Or elle ne l’était pas puisque le Conseil constitutionnel ne l’a pas censurée.
Si, donc, le principe de rétroactivité vous gêne, ce simple rappel devrait suffire à soulager votre conscience ! (Nouveaux sourires.)
Est-ce, alors, le niveau du prélèvement qui est en cause ?
La mesure que vous avez vous votée rapportait, en année pleine et en régime de croisière, le même montant. Le doublement de son rendement l’année prochaine est simplement dû au fait que s’effectue la même année la perception correspondant à deux exercices.
Ainsi, votre argumentation ne me semble recevable ni sur le plan du principe ni sur celui du niveau de prélèvement au regard de ce que vous avez vous-même voté et défendu.
J’ai cependant bien entendu ce qui a pu être dit, notamment par M. Marini : l’opposition est là pour s’opposer. Vous vous opposez donc à une recette voulue par le Gouvernement et qui recevra, je l’espère, l’appui de la majorité gouvernementale. Cette recette est indispensable à l’équilibre des finances publiques, non pas pour financer des dépenses nouvelles mais pour en rétablir l’équilibre.
À tous ces titres, le Gouvernement est très défavorable à votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.
M. Philippe Marini. Bien entendu, je voterai cet amendement, et cela pour deux raisons.
En premier lieu, il est bien vrai que des sociétés ont réalisé des opérations de cession en 2012 en n’ayant nulle idée de ce changement a posteriori de la règle du jeu. Qu’il ait été procédé à de tels changements à différentes et assez fréquentes occasions dans le passé est également vrai, mais cela ne rend pas la méthode bonne pour autant, car les entreprises en retirent toujours le sentiment d’être traitées de manière quelque peu arbitraire.
En second lieu, sur le fond, je veux redire ma totale incrédulité à l’égard de l’estimation de recettes fiscales correspondant à la mesure prévue à l’article 14.
J’irai peut-être, un jour ou l’autre, rendre visite à la cellule en charge de l’évaluation des recettes fiscales au sein de la direction de la législation fiscale. Je l’ai déjà fait dans le passé. Je me demande en effet si l’on a bien pris en compte l’hypothèse d’un changement de comportement des agents économiques concernés…
M. Albéric de Montgolfier. Ce changement n’est jamais pris en compte !
M. Philippe Marini. … dans les estimations du régime des plus-values de cession de titres de participation. Si l’on se borne à considérer l’historique des transactions réalisées, il n’est pas du tout sûr que, en cas d’augmentation du prélèvement, le nombre et le volume financier des transactions qui se dérouleront restent les mêmes.
Je pense donc, monsieur le ministre, que cet article 14 est l’un des principaux points de fragilité de la loi de finances pour 2013. En effet, si la recette que vous dites en escompter n’est pas au rendez-vous, il faudra bien compenser ailleurs : soit par d’autres recettes, soit par des diminutions de dépenses.
Au demeurant, mes chers collègues, il me semble que, dans le cadre du régime que définit pour l’avenir la loi organique que nous avons votée ici à 320 voix sur 362, nous aurons à être, et nous pourrons être, beaucoup plus vigilants sur les conditions d’estimation des recettes fiscales. À mon sens, ce sera l’une des missions, au moins en termes méthodologiques, qui incombera au Haut Conseil des finances publiques.
Il y a dans ce domaine, monsieur le ministre, et sous tous les pouvoirs successifs, trop d’arbitraire technique, trop d’arguments d’autorité que l’on nous assène en nous disant : « Nos services ont calculé l’effet de la mesure. » Il s’agit ici de 1 milliard d’euros, d’autres sommes dans d’autres cas. Mais le juge de paix, c’est la situation au 31 décembre de l’année, c’est-à-dire la réalité du solde des finances publiques, la réalité des recettes encaissées.
Permettez-moi donc de redire qu’un article frappé d’une telle fragilité ne devrait pas être voté. En tout cas, notre groupe votera l’amendement opportunément présenté par Albéric de Montgolfier et, bien entendu, votera contre l’article.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-207.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'article 14.
(L'article 14 est adopté.)
Article additionnel après l'article 14
M. le président. L'amendement n° I-314, présenté par Mme Bouchoux, M. Gattolin, Mme Blandin, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 2 de l'article 200 A du code général des impôts, il est inséré un 2 ter ainsi rédigé :
« 2 ter. Lorsque les gains nets visés au 2 proviennent de la vente d'une société sportive bénéficiant de droits réels sur une infrastructure financée par des fonds publics, ces gains nets sont imposés au taux forfaitaire de 50 %. »
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Les sénatrices et sénateurs écologistes proposent, par cet amendement, de taxer les plus-values privées réalisées sur la vente de clubs sportifs dont la valeur s’est appréciée grâce à de lourds investissements publics dans les infrastructures mises à leur disposition.
Cette taxation majorée de 50 % s’appliquerait uniquement lorsque les propriétaires de clubs sportifs ont bénéficié du financement d’une infrastructure – un stade, par exemple – supporté par les collectivités locales, en maîtrise d’ouvrage directe ou en partenariat public-privé.
M. Albéric de Montgolfier. Oui, ce n’est pas mal !
Mme Hélène Lipietz. Cette majoration nous semble pleinement justifiée lorsque l’importance des plus-values provient de la mise à disposition d’équipements financés en grande partie par la puissance publique, c’est-à-dire par les impôts.
L’inauguration récente du Grand Stade Lille-Métropole peut nous servir d’exemple. L’opération a représenté un investissement global de 324 millions d’euros, auquel s’est ajouté un surcoût de 90 millions d’euros pour intégrer les normes sismiques, ainsi que près de 170 millions d’euros d’investissements dans les travaux de voirie, le tout à la charge de la communauté urbaine.
Pour ce partenariat public-privé d’une durée de trente ans, Lille-Métropole versera une contribution annuelle de 10,5 millions d’euros. Les performances du club ainsi que le taux de remplissage du stade pourraient obliger la communauté urbaine de Lille à verser une compensation supplémentaire. Ses habitants vont donc payer longtemps et beaucoup… même s’ils n’aiment pas le sport !
En cas de vente d’un club de football, ses propriétaires profiteront de la valeur ajoutée liée à l’existence d’une telle infrastructure. Il serait tout de même curieux que ces plus-values, obtenues essentiellement par le biais d’investissements publics substantiels, échappent à cette taxation majorée, dont une partie pourrait être affectée aux collectivités locales ayant financé ces investissements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je pense que notre collègue a en tête quelques noms de clubs sportifs, mais elle ne nous a pas dit lesquels…
M. Albéric de Montgolfier. Si, celui de Lille !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement est assez clair : il vise à instaurer un régime spécifique de taxation des plus-values mobilières à un taux élevé, puisqu’il s’agit d’un taux forfaitaire de 50 %, pour « les sociétés sportives bénéficiant de droits réels sur une infrastructure financée par des fonds publics ».
La commission des finances est défavorable à cet amendement, car il n’est pas cohérent avec la réforme du régime des plus-values mobilières mise en place par le projet de loi de finances pour 2013.
Pour le reste, la commission a estimé qu’il serait sans doute difficile de justifier la rupture d’égalité à l’encontre de ces sociétés, d’autres structures pouvant aussi recevoir des aides publiques de différents types.
Pour ces raisons, il paraît difficile d’aller dans le sens de cet amendement, sur lequel j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Je vais reprendre la formule qu’utilise souvent le rapporteur général : la question est intéressante même si la réponse proposée ne l’est pas forcément.
À lire l’amendement, on comprend que l’on va prélever 50 % de la plus-value nette réalisée. Je pense qu’il serait préférable de ne prélever que le montant correspondant aux investissements publics dont a pu bénéficier le club sportif concerné. Certes, il n’est pas facile de les chiffrer. Cette question mérite donc d’être approfondie, afin de définir le montant réel du « préjudice public » subi ou plutôt de l’avantage apporté à un investisseur privé à travers l’argent public consacré à des équipements publics dont cet investisseur a été l’utilisateur.
Pour l’heure, je ne voterai pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Je soutiendrai cet amendement proposé par nos collègues écologistes, mais je souhaite apporter quelques informations complémentaires sur l’exemple qui a été cité et qui concerne mon département.
Le Grand Stade de Lille a fait et fait encore débat dans la métropole et la région lilloises. S’il est vrai que l’investissement est de taille, cet équipement de nature sportive peut aussi se transformer en salle de spectacles. Le Grand Stade peut accueillir un événement tous les trois jours grâce à des délais de changement de modulation extrêmement resserrés.
Madame Lipietz, vous avez également mentionné le taux de remplissage. Je voudrais donc citer deux chiffres : dans l’ancien Stadium Lille-métropole, la capacité maximale les jours de grand match – Lille-Marseille, par exemple – était de 17 000 spectateurs ; nous en sommes aujourd’hui à plus de 40 000 !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Mais c’est toujours Marseille qui gagne ! (Sourires.)
M. Éric Bocquet. La fréquentation a d’ailleurs augmenté significativement et, bien entendu, la recette suit.
Enfin, le dossier de ce qu’on appelle le naming, c’est-à-dire l’attribution d’un nom à l’équipement en question, est encore en cours. Il devrait faire l’objet de propositions de la part de différents partenaires économiques. Si le contexte est un peu compliqué en ce moment, la participation financière liée au naming, lorsqu’il aura été décidé, viendra en déduction de la charge du loyer payé par la communauté urbaine de Lille.
Il reste que, à l’évidence, la valeur du club s’est globalement appréciée grâce à un équipement qui le fait figurer aujourd’hui parmi les meilleurs stades européens. Or il est actuellement question d’une éventuelle transaction ; le président du club y a fait allusion.
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.
M. Philippe Marini. Mon point de vue est très proche de celui qu’a exprimé tout à l’heure M. Vincent Delahaye.
Je ne crois pas que le dispositif de l’amendement me permette de le voter pour des raisons techniques, mais je pense en revanche qu’il pose un vrai problème.
Au demeurant, mes chers collègues, il y a des précédents : en droit de l’urbanisme, depuis plusieurs années, lorsqu’un investissement collectif renchérit la valeur d’un terrain, une taxation permet de récupérer une partie de la plus-value produite. Souvenez-vous : cette taxation fut mise en place sur l’initiative conjointe de nos anciens collègues Thierry Repentin et Dominique Braye.
Il me semble que ce raisonnement pourrait fort bien être transposé ici. De quelle façon le faire tout en respectant les principes du droit fiscal ? Cela mérite une étude. Je suggérerais volontiers à notre excellent rapporteur général, ainsi qu’à notre non moins excellent rapporteur spécial chargé de la mission « Jeunesse et Sports », M. Jean-Marc Todeschini, d’approfondir ce sujet, car il s’agit d’un vrai sujet.
Les grands clubs sportifs sont aujourd’hui devenus, pour la plupart, des sociétés commerciales. Des enjeux d’actionnariat existent et il serait assez anormal que l’effort des contribuables locaux soit sans contrepartie.
Il me semble que la piste qui a été tracée par notre collègue du groupe écologiste mérite d’être étudiée et que notre commission des finances pourrait tranquillement, calmement, dans le cadre de ses travaux de contrôle, contribuer à approfondir ce sillon.
M. le président. Madame Lipietz, l'amendement n° I-314 est-il maintenu ?
Mme Hélène Lipietz. Je le retire, monsieur le président, en souhaitant que la commission des finances étudie effectivement ce problème de société extrêmement important.
Les gens aiment le foot, mais ils aiment aussi ne pas payer trop d’impôts. Je crois qu’il serait temps de regarder de plus près les partenariats public-privé en général, et en particulier lorsqu’il s’agit de grands équipements sportifs.
M. le président. L'amendement n° I-314 est retiré.
Article 15
I. – Le IX de l’article 209 du code général des impôts est complété par un 7 ainsi rédigé :
« 7. Les fractions d’intérêts non déductibles au cours de l’exercice en application de l’article 212 et des six derniers alinéas de l’article 223 B ne sont pas prises en compte pour le calcul des charges financières devant être rapportées au bénéfice de l’exercice en application du présent article. »
II. – Après l’article 212 du même code, il est inséré un article 212 bis ainsi rédigé :
« Art. 212 bis. – I. – Les charges financières nettes afférentes aux sommes laissées ou mises à disposition d’une entreprise non membre d’un groupe, au sens de l’article 223 A, sont réintégrées au résultat pour une fraction égale à 15 % de leur montant.
« II. – Le I ne s’applique pas lorsque le montant total des charges financières nettes de l’entreprise est inférieur à trois millions d’euros.
« III. – Pour l’application des I et II, le montant des charges financières nettes est entendu comme le total des charges financières venant rémunérer des sommes laissées ou mises à disposition de l’entreprise, diminué du total des produits financiers venant rémunérer des sommes laissées ou mises à disposition par l’entreprise.
« Les charges et produits mentionnés au premier alinéa du présent III incluent le montant des loyers, déduction faite de l’amortissement, de l’amortissement financier pratiqué par le bailleur en application du I de l’article 39 C et des frais et prestations accessoires facturés au preneur en cas d’opération de crédit-bail, de location avec option d’achat ou de location conclue entre entreprises liées au sens du 12 de l’article 39.
« IV. – Pour l’application du I, le montant des charges financières est diminué des fractions des charges financières non admises en déduction en application du IX de l’article 209 et de l’article 212. »
III. – Après l’article 223 B du même code, il est inséré un article 223 B bis ainsi rédigé :
« Art. 223 B bis. – I. – Les charges financières nettes afférentes aux sommes laissées ou mises à disposition de sociétés membres du groupe par des personnes qui n’en sont pas membres sont réintégrées au résultat d’ensemble pour une fraction égale à 15 % de leur montant.
« II. – Le I ne s’applique pas lorsque le montant total des charges financières nettes du groupe est inférieur à trois millions d’euros.
« III. – Pour l’application des I et II, le montant des charges financières nettes est entendu comme la somme des charges financières nettes de chacune des sociétés membres du groupe telles que définies au III de l’article 212 bis.
« IV. – Pour l’application du I, le montant des charges financières est diminué des fractions des charges financières non admises en déduction en application du IX de l’article 209, de l’article 212 et du septième alinéa ainsi que des six derniers alinéas de l’article 223 B. »
IV. – Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2014, le taux de 15 % prévu au I de l’article 212 bis du code général des impôts et au I de l’article 223 B bis du même code est porté à 25 %.
V. – À la seconde phrase du troisième alinéa du I de l’article 235 ter ZAA et du II de l’article 235 ter ZC du code général des impôts, après la référence : « 223 B », est insérée la référence : « , 223 B bis ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-198 est présenté par MM. de Montgolfier et du Luart, Mmes Des Esgaulx, Cayeux et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° I-245 est présenté par MM. Adnot, Masson, Türk, Darniche et Bernard-Reymond.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour présenter l'amendement n° I-198.
M. Albéric de Montgolfier. L’article 15 aménage de façon rétroactive le régime de déductibilité des charges financières par l’instauration d’un plafonnement global de déductibilité.
Avec cette seule mesure, nos grands groupes, sur lesquels repose une importante partie de nos exportations, vont devoir, entre la fin de 2012 et le début de 2013, acquitter 4 milliards d’euros, ce qui correspond à 10 % des recettes nettes de l’impôt sur les sociétés.
Cette mesure est dangereuse pour l’économie, car elle risque de freiner l’emprunt des entreprises et, par là même, d’empêcher ces dernières de réaliser des investissements.
Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2013 prévoit la barémisation des gains de cession de valeurs mobilières, ce qui pourrait décourager l’investissement dans les entreprises.
Avec ces deux mesures, c’est donc la question du financement des entreprises qui est posée.
En outre, cette décision aura un impact direct sur nos petites et moyennes entreprises. En effet, le durcissement de la fiscalité pesant sur les grandes entreprises aura inévitablement une incidence sur leurs fournisseurs, sous-traitants et prestataires de services, qui sont en majeure partie des PME et entreprises de taille intermédiaire.
Enfin, viser uniquement les entreprises dont le montant total des charges financières nettes est supérieur à 3 millions d'euros peut poser un problème de constitutionnalité, au regard du principe d'égalité devant l'impôt.
Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer l’article 15.
M. le président. L'amendement n° I-245 n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° I-198 ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission ne peut qu’émettre un avis très défavorable sur cet amendement puisqu'il vise à supprimer l'article 15 relatif à l’aménagement de la déductibilité des charges financières, lequel constitue l'une des dispositions majeures du projet de budget pour assurer l'équilibre budgétaire de 2013 et dont le rendement est, me semble-t-il, évalué à environ 4 milliards d'euros, ce qui n’a rien d’anodin.
Cet article permet de faire participer les grandes entreprises au redressement des comptes publics en mettant fin à l’avantage fiscal en faveur du financement par endettement plutôt que par fonds propres. Tout a été dit sur les excès de ce type d’opérations. Si l’on peut dissuader certaines entreprises d’y avoir recours à l'avenir, ce ne sera pas plus mal en termes d'effets économiques !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. L'Union européenne a dressé un constat sans appel : en l'état du droit, la France est le pays qui subventionne le plus massivement l'endettement des entreprises. C'est ainsi !
En Allemagne, existe une disposition comparable à celle que le Gouvernement propose, bien qu’elle me semble plus dure puisqu’elle fait référence à l’EBITDA. Cela signifie que, en Allemagne, la déductibilité des intérêts d'emprunt d’une entreprise s’y fait par référence à son résultat : plus son montant faiblit, plus cela traduit l'affaiblissement de l'entreprise. C’est ce qui a conduit certains à parler d'un dispositif « à double lame ».
L'Italie et l'Espagne ont un dispositif de cette nature. Les Pays-Bas, avec des variantes, ont instauré un mécanisme comparable. Par conséquent, il me semble tout sauf choquant que la France décide de doter son arsenal juridique d’une telle mesure.
Le Gouvernement a cependant veillé à éviter les inconvénients que l'on a pu constater dans les pays que j'ai cités. Pour ce faire, il a choisi de mettre en place un pourcentage sans référence à l’EBITDA, qui est tout à fait supportable. Cela permettrait à notre pays d'avoir un dispositif équilibré, entre la nécessité de préserver la capacité d'endettement d'une entreprise – elle en a besoin parfois, voire très souvent pour s'équiper et pour investir – et la volonté d'en finir avec des dispositifs fiscaux qui privilégient de manière tout à fait outrancière des rachats d'entreprises avec un endettement à 100 %.
On connaît les conséquences désolantes, sinon désastreuses que de tels mécanismes peuvent avoir dans la presque totalité des territoires : les bénéfices d'une entreprise ainsi rachetée ne servent qu'à payer intérêts et principal de l’endettement contracté et, à terme, plans sociaux après plans sociaux, l’entreprise en question finit par disparaître.
Le dispositif proposé vise à décourager ce type de pratique tout à fait inadmissible, tout en maintenant, pour les entreprises qui en ont besoin, la capacité de s'endetter, qui est nécessaire pour investir.
De surcroît, ce dispositif produira des recettes indispensables à l'équilibre de la loi de finances.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Louis Duvernois, pour explication de vote.
M. Louis Duvernois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le dispositif d’aménagement de la déductibilité des charges financières proposé à l’article 15 alourdit encore un peu plus la fiscalité des entreprises françaises, déjà peu épargnées jusqu’à présent dans le projet de loi de finances pour 2013.
Aujourd’hui, les entreprises peuvent déduire la totalité des intérêts de leurs emprunts de l’assiette de l’impôt sur les sociétés. Le projet de loi de finances pour 2013 réduit cette possibilité de déductibilité des intérêts d’emprunt en la fixant à 85 % en 2013, puis à 75 % en 2014.
Je m’inquiète de la mise en place d’un tel dispositif, qui pénaliserait d’abord les entreprises françaises imposées à un taux d’impôt sur les sociétés de 36 %, dès lors qu’elles ne pratiquent pas d’optimisation fiscale au travers de leurs filiales basées à l’étranger.
En instaurant une réelle instabilité juridique et fiscale, ce nouveau dispositif réduirait leur capacité d’investissement et d’embauche, ainsi que leur compétitivité.
Les montants en jeu – plusieurs millions d’euros d’impôt sur les sociétés supplémentaires en 2012 et en 2013, pour certains groupes – équivaudraient à la masse salariale annuelle de centaines d’ingénieurs.
En outre, ce dispositif freine la compétitivité de nos entreprises face à leurs concurrents mondiaux.
Cette mesure crée une réelle distorsion de concurrence entre les entreprises françaises et les filiales en France de groupes étrangers qui, s’ils n’ont pas d’établissement stable dans notre pays, ne sont pas touchés par le dispositif.
À titre d’illustration, PagesJaunes Groupe et Google France, avec des chiffres d’affaires comparables – 1,1 milliard d'euros et 1,4 milliard d’euros – et des rentabilités similaires, paient respectivement 126 millions d'euros et 5 millions d’euros d’impôt sur les sociétés. Le dispositif affecterait le groupe français, mais n’aurait pas d’impact sur la filiale de l’entreprise américaine.
La distorsion serait aussi très forte pour les entreprises françaises ayant au moins une filiale dans un autre État membre. En effet, la fiscalité de l’Union européenne connaît une baisse tendancielle des taux d’impôt sur les sociétés. Ainsi, le taux d’impôt sur les sociétés au Royaume-Uni aura été ramené de 28 % en 2010 à 22 % en 2014. Le taux d’impôt sur les sociétés moyen est de 29 % en Allemagne et de 12,5 % en Irlande.