M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-272, présenté par Mme Jouanno, est ainsi libellé :
Après l'article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 265 du code des douanes est ainsi modifié :
1° À la vingt-septième ligne de la dernière colonne du tableau B du 1, le nombre : « 58,92 » est remplacé par les mots : « 57,92 (56,92 en 2014 ; 55,92 en 2015 ; 54,92 en 2016 ; 53,92 en 2017 ; 52,92 en 2018 ; 51,92 en 2019 ; 50,92 en 2020) » ;
2° À la quarante-deuxième ligne de la dernière colonne du tableau B du 1, le nombre : « 42,84 » est remplacé par les mots : « 43,84 (44,84 en 2014 ; 45,84 en 2015 ; 46,84 en 2016 ; 47,84 en 2017 ; 48,84 en 2018 ; 49,84 en 2018; 50,84 en 2019 ; 51,84 en 2020) ».
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Nous poursuivons l’examen d’amendements à vocation écologique. À cet égard, j’ai d'ailleurs omis de mentionner tout à l’heure un rapport extrêmement intéressant de la Banque mondiale, qui n’a pas la réputation d’être une organisation éthérée, sur les effets économiques du réchauffement climatique.
La feuille de route de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, sur le véhicule du futur et la réduction des émissions de gaz à effet de serre montre très clairement que, au moins à moyen terme, on utilisera toujours des voitures pour se déplacer. À l’horizon 2030-2050, l’objectif est d’atteindre une répartition par tiers du marché entre véhicules thermiques, véhicules hybrides et véhicules électriques.
Dans ce cadre se pose la question de l’incidence sur la santé publique des émissions de particules fines, que le dispositif de bonus-malus ne prend pas en compte. Techniquement, il était assez compliqué d’intégrer cette problématique et diverses voix s’étaient élevées contre. Cet amendement vise aujourd’hui à le faire en alignant la taxation du gazole sur celle de l’essence, de manière extrêmement lente, je le reconnais, puisque l’objectif ne serait atteint qu’en 2020. Je souligne que cette préconisation ne date pas d’hier, puisqu’un rapport du Sénat recommandait déjà un tel rééquilibrage à la fin des années quatre-vingt-dix.
J’avoue avoir eu quelques hésitations à présenter cet amendement, car une mesure tendant à réduire le prix d’un carburant – en l’occurrence celui de l’essence, en augmentant parallèlement la taxation du gazole – n’est guère écologique. Pour autant, je défendrai ultérieurement un amendement relatif à la taxe carbone qui risque de ne pas plaire à tout le monde…
M. le président. L'amendement n° I-339, présenté par M. Placé, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la quarante-deuxième ligne de la dernière colonne du tableau B du 1 de l’article 265 du code des douanes, le nombre : « 42,84 » est remplacé par le nombre : « 48,20 ».
La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Le système français de taxation des carburants marche sur la tête.
En effet, dans notre pays, le gazole bénéficie d’avantages fiscaux par rapport à l’essence. Au total, si on cumule le manque à gagner fiscal, le coût des importations de carburant et celui des incidences sanitaires de l’utilisation du gazole, le poids de la politique pro-diesel française dans les finances publiques dépasse largement 10 milliards d’euros annuels. En 2005, le Premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, dénonçait déjà les effets de cette niche fiscale anti-écologique.
Nous souhaitons, avec cet amendement, mettre fin à cette incohérence de notre politique fiscale. Nous proposons d’engager dès maintenant un rattrapage progressif du taux de la taxe intérieure de consommation par hectolitre pour le gazole par rapport au taux de taxation pour l’essence, qui reste largement supérieur.
Le rattrapage proposé ici permettrait la suppression de cette niche fiscale anti-écologique en trois années. En effet, nous sommes conscients que l’on ne pourra pas renoncer au diesel du jour au lendemain, les moteurs diesel étant aujourd’hui omniprésents dans notre parc automobile. Cela n’a pas toujours été le cas, puisque le gazole alimentait seulement 4 % des voitures particulières en 1980 et 34 % en 2000, contre 60 % à l’heure actuelle. Cette proportion continue encore à progresser et dépassera bientôt 70 % pour les véhicules neufs !
Il est donc temps de prendre des mesures fortes pour enrayer cette progression et amorcer une véritable transition écologique en la matière.
Il faut savoir par ailleurs que le consommateur lui-même n’a pas d’intérêt économique à préférer le gazole, contrairement à une opinion répandue. L’association de consommateurs UFC-Que Choisir l’a montré au travers d’une analyse du coût kilométrique moyen, incluant l’entretien et l’assurance d’un véhicule diesel.
Il s’agit donc ici d’un amendement de bon sens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. L’alignement progressif des fiscalités du gazole et de l’essence est un objectif partagé par beaucoup d’entre nous. Pour autant, cette question a vocation à être examinée dans un cadre global et cohérent, tracé par la feuille de route de la Conférence environnementale et par le débat sur la transition énergétique.
La commission des finances est donc amenée à solliciter le retrait de ces deux amendements fort intéressants, considérant qu’il serait opportun que nous puissions disposer, pour nous éclairer, d’une étude d’impact et d’évaluations chiffrées des conséquences d’une telle mesure. Cela étant, j’ai bien conscience qu’il s’agit d’un dossier éminemment sensible, sur lequel nous devrons certainement progresser rapidement. Dans l’immédiat, cependant, nous manquons d’éléments pour nous forger une opinion définitive sur ce qu’il convient de faire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Jouanno, l’amendement n° I-272 est-il maintenu ?
Mme Chantal Jouanno. Oui, je le maintiens, monsieur le président. La question ayant été étudiée, débattue et redébattue, nous en connaissons les contours. La dimension sanitaire a été la grande oubliée de la Conférence environnementale, puisqu’aucune avancée n’a été enregistrée, hormis sur le dossier du bisphénol A.
Les émissions de particules fines posent un véritable problème : aujourd'hui, 30 % de la population française souffre d’allergies ou de difficultés respiratoires, et l’on estime que ce taux atteindra 50 % en 2030 !
On sait ce qu’il faut faire. Peut-être ne voulez-vous pas d’une mesure « Jouanno » et préférez-vous vous en remettre à la Conférence environnementale ? Peu importe, mais toujours est-il que le sujet est parfaitement connu. Donc profitons de cette occasion pour agir, d’autant qu’une telle mesure me semble devoir faire l’unanimité dans cet hémicycle.
M. le président. Monsieur Gattolin, l'amendement n° I-339 est-il maintenu ?
M. André Gattolin. Oui, monsieur le président. Comme l’a fort bien dit Mme Jouanno, nous disposons déjà de nombreuses études sur ce sujet. On renvoie beaucoup de décisions à la Conférence environnementale ; il ne faudrait pas que celle-ci, le moment venu, constitue une grosse déception pour les écologistes. Le changement peut commencer dès maintenant…
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il est vrai, madame Jouanno, monsieur Gattolin, qu’il existe des études sur l’aspect sanitaire de la question. En revanche, la commission des finances ne dispose pas, à ce jour, d’études sur les effets économiques et les incidences budgétaires qui lui permettraient de se forger une opinion définitive et d’émettre, le cas échéant, un avis favorable. C’est tout ce que j’ai voulu dire.
Pour cette raison, je vous prie de nouveau, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote sur l'amendement n° I-339.
Mme Laurence Rossignol. Ce n’est pas totalement un hasard si les études sur les aspects autres que sanitaires et environnementaux sont lentes à nous parvenir…
Je suivrai l’avis de M. le rapporteur général. Il souhaite que des études complémentaires soient réalisées : l’engagement pris aujourd’hui sur ce point par le Gouvernement est important, d’autant qu’il s’agira de l’un des sujets centraux des études sur la fiscalité écologique.
M. le président. L'amendement n° I-342 rectifié bis, présenté par M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le 1° du 4 de l’article 298 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au a, la première occurrence du mot : « utilisées » est remplacée par les mots : « et gazoles utilisés » ;
2° Au même a, le mot : « mentionnées » est remplacé par le mot : « mentionnés » ;
3° Au même a, les mots : « celles utilisées » sont remplacés par les mots : « ceux utilisés » ;
4° Au b, le mot : « gazoles » est remplacé par les mots : « carburants essence utilisés en complément par des véhicules hybrides électriques ».
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Cet amendement, qui s’inscrit dans la même logique que les précédents, vise à mettre les véhicules professionnels à essence sur un pied d’égalité avec les véhicules professionnels diesel.
Aujourd'hui, ces derniers bénéficient d’un avantage en matière de déductibilité de la TVA, ce qui conduit à une « surdiésélisation » artificielle du parc automobile. Ainsi, 96 % des véhicules particuliers des flottes des entreprises roulent au gazole.
Le gazole, on le sait, pose des problèmes environnementaux et sanitaires. En outre, cette niche fiscale coûte environ 350 millions d’euros par an à l’État. Si le Gouvernement souhaite vraiment réaliser des économies dans la justice, il tient là une excellente occasion de réduire les dépenses fiscales tout en agissant pour l’environnement et en corrigeant une différence de traitement incompréhensible entre essence et gazole.
Nous souhaitons mettre fin à ces subventions publiques incohérentes, encourager l’utilisation des voitures hybrides à essence et la construction de véhicules sobres, de petite taille, à vitesse limitée, sans oublier le covoiturage et le recours aux transports en commun. Cela permettrait de réduire les embouteillages et les problèmes de stationnement.
Il s’agit de prendre des mesures concrètes dès maintenant, car on ne peut pas attendre plus longtemps pour agir en faveur de la santé publique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je prie cette fois encore M. Gattolin de bien vouloir retirer cet amendement, qui est une variante de celui que nous venons d’examiner. Il me semble que la suppression de la niche fiscale en faveur du diesel doit être envisagée dans une perspective globale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Gattolin, l'amendement n° I-342 rectifié bis est-il maintenu ?
M. André Gattolin. Oui, monsieur le président. Depuis plusieurs années, la Cour des comptes dénonce dans ses rapports les niches anti-écologiques. Leur coût global est supérieur à 19 milliards d’euros. Je veux bien attendre encore, mais cela fait déjà cinq ou six ans que ces questions sont pendantes.
En l’espèce, nous ne proposons pas une mesure globale contre le diesel ; nous visons très spécifiquement les flottes de véhicules des entreprises.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-342 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° I-19 rectifié, présenté par Mme Primas et MM. G. Larcher, Gournac, P. Dominati et Houel, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la quarantième ligne de la dernière colonne du tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes, le tarif : « 7,20 » est remplacé par le tarif : « 5,66 ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. Cet amendement vise à abroger la hausse de la taxe intérieure de consommation, la TIC, sur le carburant agricole inscrite dans la loi de finances pour 2012.
En effet, cette augmentation de 30 % de la TIC devait être en partie compensée par un allégement du coût du travail agricole de l'ordre de 1 euro par heure travaillée pour les salariés permanents. Cette dernière mesure étant aujourd’hui abandonnée par le Gouvernement, la hausse de la TIC n’a plus lieu d’être.
Quant à l’amendement n° I-20 rectifié, il s’agit d’un amendement de repli. Il tend à affecter le produit de la hausse de 30 % de la taxe intérieure de consommation sur le carburant agricole aux organismes sociaux, afin de permettre une réduction du coût du travail dans le secteur de l’agriculture.
M. le président. L'amendement n° I-20 rectifié, présenté par Mme Primas et MM. G. Larcher, Gournac, P. Dominati et Houel, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le produit de la contribution visée à la quarantième ligne de la dernière colonne du tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes est affecté pour un tiers à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement a été défendu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos I-19 rectifié et I-20 rectifié ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission des finances est défavorable à ces deux amendements, qui tendent à revenir sur la réduction d’un avantage fiscal opérée par la loi de finances pour 2012.
Il ne me semble en effet pas opportun de réduire les recettes de l’État, d’autant qu’une autre mesure d’allégement du coût du travail agricole, à savoir les exonérations de charges sociales pour les travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi, les TODE, se révèle plus onéreuse que prévue. Il paraît donc plus raisonnable, pour les finances publiques, d’en rester au dispositif existant.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° I-344 rectifié, présenté par M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le III de l’article 265 C du code des douanes est abrogé.
L'amendement n° I-415 rectifié, présenté par Mme Rossignol, MM. Rome, Teston, Chastan, Esnol et Fichet, Mme Herviaux et MM. Le Vern, Ries, Camani, Filleul, Vairetto, Kerdraon, Anziani, Tuheiava, Patient, Chiron, Daunis et Carvounas, est ainsi libellé :
Après l'article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le III de l’article 265 C du code des douanes est abrogé au 1er janvier 2013.
La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° I-344 rectifié.
M. Joël Labbé. L’autoconsommation de produits pétroliers dans les raffineries est exemptée de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, ce qui incite à la surconsommation.
À l’heure de la raréfaction des matières premières, de la hausse inéluctable des dépenses énergétiques et de la montée en puissance des enjeux socio-écologiques, l’existence d’une telle niche fiscale est inacceptable.
La facture énergétique de la France pèse lourd dans sa balance commerciale et sur le pouvoir d’achat des ménages, aussi est-il déplorable de constater que les grands groupes pétroliers, comme Total, propriétaire de cinq des onze raffineries situées sur le territoire français, coûtent à l’État 105 millions d’euros par an du fait de la niche fiscale en question. Pour mémoire, je rappelle que Total a réalisé 10 milliards d’euros de bénéfice net en 2010 !
Il semble donc raisonnable de mettre fin à cette niche fiscale antisociale et anti-écologique. Cet amendement vise à créer une taxe annuelle sur la consommation de produits pétroliers dans les raffineries, qui s’inscrirait pleinement dans le cadre de la transition écologique et apporterait des recettes supplémentaires à l’État, ce qui n’est pas négligeable par les temps qui courent…
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter l'amendement n° I-415 rectifié.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement a le même objet que celui que vient de présenter mon collègue Joël Labbé.
Les entreprises du secteur pétrolier sont exemptées de la TICPE pour les produits pétroliers autoconsommés. Cette exonération fiscale coûte 105 millions d’euros par an à l’État. De nombreux amendements concernant le logement social ou d’autres domaines ont été rejetés depuis ce matin alors que leur adoption aurait entraîné une dépense à peine supérieure à ce montant…
Nous pensons que cette exonération n’est pas justifiée. Elle n’est pas un facteur de compétitivité et le secteur pétrolier n’a pas besoin aujourd'hui d’être soutenu par le biais de ce type de niche fiscale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je demande le retrait de ces amendements, car la disposition proposée est contraire au droit communautaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Labbé, l'amendement n° I-344 rectifié est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Oui, monsieur le président.
M. le président. Madame Rossignol, l'amendement n° I-415 rectifié est-il maintenu ?
Mme Laurence Rossignol. Je le retirerai si l’on parvient à me convaincre qu’il est opportun de le faire…
Je voudrais comprendre en quoi la suppression d’une exonération de la TICPE au bénéfice des entreprises pétrolières serait contraire au droit européen. Quels éléments fondent cet argument ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ma réponse a été cursive, ma chère collègue, car cet amendement a déjà été présenté l’an passé. Une argumentation précise avait alors été donnée, que je vais maintenant réitérer.
L’article 21 de la directive 2003/96/CE du 27 octobre 2010 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité dispose que « la consommation de produits énergétiques dans l’enceinte d’un établissement produisant des produits énergétiques n’est pas considérée comme un fait générateur de la taxe si la consommation consiste en produits énergétiques produits dans l’enceinte de l’établissement ».
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Par ailleurs, une révision de la directive précitée est en cours de négociation à l’échelon européen. Il serait donc peut-être pertinent d’attendre l’aboutissement de cette négociation, qui vise à réformer profondément la taxation de l’énergie, avant de reconsidérer la question, le cas échéant.
Tels sont les arguments, chère collègue, qui m’ont conduit, d’une façon peut-être un peu abrupte, à solliciter le retrait de cet amendement.
M. le président. Madame Rossignol, acceptez-vous finalement de retirer l'amendement n° I-415 rectifié ?
Mme Laurence Rossignol. Je le retire, mais j’espère que je n’aurai pas à le redéposer l’année prochaine et que, si tel devait être le cas, on ne m’opposera pas alors la même argumentation !
M. le président. L'amendement n° I-415 rectifié est retiré.
Monsieur Labbé, confirmez-vous le maintien de votre amendement ?
M. Joël Labbé. Oui, monsieur le président, car il est parfois important d’afficher une volonté : le droit européen n’est pas toujours au-dessus de toute critique !
M. le président. L'amendement n° I-345 rectifié, présenté par M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le b) du 1. de l’article 265 bis du code des douanes est complété par les mots : « et ceux effectuant des liaisons intérieures sur le territoire métropolitain à l’exclusion des liaisons soumises aux obligations de service public mentionnées à l’article R. 330-7 du code de l’aviation civile. »
II. – Le I s'applique selon le calendrier suivant :
En 2013 : 25 % du montant des taxes intérieures de consommation ;
en 2014 : 50 % du montant des taxes intérieures de consommation ;
en 2015 : 75 % du montant des taxes intérieures de consommation ;
À partir de 2016 : Suppression totale de l’exonération.
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Cet amendement vise à mettre fin à cette anomalie que constitue la détaxation totale du carburant pour les avions.
Si une négociation internationale est nécessaire pour remédier à cette situation en ce qui concerne les vols internationaux, rien n’empêche le législateur d’instaurer un régime normal pour les vols intérieurs.
En effet, l’avion est aujourd’hui le mode de transport qui émet le plus de CO2 par passager transporté. Il serait d’autant plus logique de taxer le transport par avion que le Grenelle de l’environnement avait identifié le transport ferroviaire comme étant mieux adapté aux déplacements sur le territoire métropolitain. Cela est d’autant plus vrai avec le développement du réseau TGV.
Les passagers des vols intérieurs métropolitains, hors liaisons soumises aux obligations de service public, appartiennent majoritairement aux catégories socioprofessionnelles élevées et sont donc peu sensibles à une hausse de prix. La mesure n’aura ainsi que très peu d’incidence sur la fréquentation des lignes, et partant sur l’emploi.
Le kérosène est le seul carburant à échapper totalement à toute taxe, alors que les autres carburants sont tous taxés à des degrés divers. Il s’agit donc de rétablir une fiscalité plus conforme aux objectifs de lutte contre le changement climatique que la France s’est donnés lors de l’adoption des lois consécutives au Grenelle de l’environnement. Il s’agit aussi, indirectement, d’orienter les transports de personnes ou de marchandises en priorité vers des modes de transport plus sobres, comme le rail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission des finances sollicite le retrait de cet amendement, car les conséquences qu’entraînerait son adoption lui paraissent insuffisamment documentées. Dès lors, elle n’a pas été en mesure de se forger une opinion étayée.
La commission des finances a en outre le sentiment que l’adoption de l’amendement pénaliserait d’abord et avant tout notre compagnie nationale, dont nous connaissons la fragilité actuelle de l’équilibre financier.
Au bénéfice de ces observations, la commission suggère à M. Labbé de retirer cet amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est un amendement que nous connaissons bien. Je crois même l’avoir déposé, voire défendu, quand j’étais dans l’opposition… (Sourires.)
Cela dit, les arguments que l’on m’avait opposés à l’époque ont fini par me convaincre, même s’il a fallu un certain temps ! (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
M. Albéric de Montgolfier. C’est le chemin de Damas !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je me permettrai donc de vous les livrer à mon tour, monsieur Labbé.
Tout d’abord, il est à craindre que les compagnies aériennes ne choisissent de faire faire le plein à leurs avions à l’extérieur de nos frontières.
Par ailleurs, de nombreux vols au départ de notre territoire se poursuivent hors de nos frontières. Comment répercuter alors la taxe sur les passagers faisant simplement escale sur notre territoire ?
Enfin, pour qu’il y ait des vols intérieurs, il faut qu’il y ait des aéroports sur notre territoire, monsieur le sénateur ! (Sourires.)
M. Francis Delattre. Eh oui !
Mme Nathalie Goulet. À bon entendeur…
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. L’amendement de nos collègues du groupe écologiste vise à supprimer l’exonération de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques applicable au kérosène. Lever cette exonération poserait des problèmes sur le plan international, mais aussi pour les dessertes régionales, en particulier les lignes desservant les territoires insulaires ou enclavés.
Si je peux comprendre l’intention de nos collègues, notamment leurs préoccupations écologiques, plusieurs éléments doivent cependant être pris en compte, qui m’incitent à me prononcer contre cet amendement.
L’exonération en question correspond à la transposition de la convention de Chicago du 7 décembre 1944 et de la directive communautaire 2003/96/CE du 27 octobre 2003, dite directive « énergie ». Sa suppression conduirait, à l’évidence, à de multiples contentieux. Cette seule raison d’impossibilité juridique, en l’état actuel du droit international, doit conduire à rejeter l’amendement.
Sur le fond, le transport aérien contribue à la réduction des émissions de CO2 par le biais du système européen de permis d’émission EU-ETS. La taxation du kérosène pour les vols domestiques s’ajouterait à ces droits d’émission : dès lors, les compagnies aériennes, en particulier Air France, subiraient une double taxation.
Sur le plan environnemental, il serait sans doute plus pertinent de soutenir la recherche en matière d’amélioration des performances des moteurs ou les efforts en faveur du développement d’une filière de biocarburants pour l’aviation. L’avenir, c’est sans doute l’amélioration et la modernisation des flottes. Il serait paradoxal de fragiliser la capacité d’investissement des compagnies dans des avions consommant moins de kérosène.
Ces compagnies traversent, chacun le sait, une crise aiguë. L’année dernière, Air France a perdu 353 millions d’euros, et sa perte d’exploitation pour le premier semestre de 2012 dépasse 600 millions d’euros. Augmenter ses coûts, qui sont déjà très élevés, serait fort préjudiciable. Je rappelle en outre que la facture de carburant représente déjà le quart des dépenses d’exploitation des compagnies.
M. le ministre a souligné tout à l’heure avec raison que les compagnies étrangères pourraient fort bien se fournir en carburant hors de nos frontières et effectuer du cabotage en France, ce qui constituerait une distorsion de concurrence.
Je ne peux manquer d’évoquer un élément particulier. Outre que les lignes les moins rentables, les dessertes locales d’aménagement du territoire sont vitales pour les aéroports régionaux, elles représentent un facteur d’attractivité et de vitalité économique pour nos territoires. Les fragiliser irait à l’encontre des intérêts de ces derniers.
Enfin, l’exonération de la taxe en question permet, selon le rapport Guillaume, un surcroît de trafic aérien d’environ 14 %, ce qui représente 2,4 millions de passagers supplémentaires pour le trafic intérieur métropolitain. Le rapport estime en outre à près d’un millier le nombre d’emplois préservés grâce à cette mesure.
Pour l’ensemble de ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à rejeter cet amendement.