M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Oui, il s’agit en effet de plus de 4 milliards d’euros, monsieur le ministre, mais je rappelle que, dans l’esprit du rapport Gallois, vous avez annoncé à terme, c'est-à-dire pour 2014, 2015 et 2016, une aide aux entreprises représentant 20 milliards d’euros, alors que nous avions mis en place un dispositif qui a fait ses preuves, qui améliore le pouvoir d’achat d’environ 9 millions de salariés – y compris, madame Beaufils, de salariés de l’éducation nationale – en même temps qu’il soutient notre économie.
Vous refusez aujourd'hui ces 4 milliards d’euros d’exonérations. On peut le comprendre, mais je constate simplement que les 20 milliards d’euros que vous annoncez – au-delà de la question de savoir comment vous les financerez, qui relève d’un autre débat – ne viendront alléger les charges que dans deux ans. On conçoit que les entreprises n’échangent pas volontiers un système simple et d’application immédiate contre un système complexe à échéance incertaine.
Je remercie Albéric de Montgolfier d’avoir déposé un amendement qui renvoie à ce débat de fond, qui ne saurait cependant être traité, c’est vrai, au détour d’un article additionnel.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-233 est présenté par M. Jarlier.
L'amendement n° I-286 est présenté par MM. Eblé, Gorce et Le Vern, Mme Herviaux, MM. Vairetto, Esnol, Chastan et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le III de l'article 199 tervicies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le taux : « 22 % » est remplacé par le taux : « 30 % » ;
2° Le second alinéa est supprimé.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L’amendement n° I-233 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Michel Teston, pour présenter l'amendement n° I-286.
M. Michel Teston. L’objet de cet amendement est d’aligner le régime fiscal applicable aux travaux effectués sur les logements situés en ZPPAUP, ou zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, sur celui qui est applicable aux travaux sur des logements en secteur sauvegardé.
L’égalité de traitement pour les ZPPAUP et les secteurs sauvegardés se justifie pleinement au regard de l’obligation de conversion des premières en aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine, ou AVAP, avant juillet 2015. Si les communes ne décident pas une mise en révision des ZPPAUP existantes pour les transformer en AVAP avant cette date, les ZZPPAUP disparaîtront.
Je rappelle que la différence de traitement fiscal résulte de loi de finances pour 2009 et qu’elle a jusqu’à présent seulement conduit à un abandon pur et simple de l’investissement privé, ce qui n’est évidemment pas de nature à inciter les communes à mettre en place la révision des ZPPAUP existantes pour les transformer en AVAP.
Si l’on veut non seulement relancer mais aussi préserver les ZPPAUP, il faut donc leur consentir le même sort fiscal que celui dont bénéficient les secteurs sauvegardés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission des finances ne peut pas être favorable à cet amendement : la distinction des secteurs sauvegardés et des ZPPAUP est légitime, car les contraintes ne sont pas les mêmes.
Il faut rappeler que, au départ, le « Malraux » était réservé aux secteurs sauvegardés. Les ZPPAUP, qui sont devenues, depuis 2011, des aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine, sont beaucoup plus nombreuses : on en compte plus de 600. La dépense fiscale serait donc fortement augmentée si les taux de réduction fiscale étaient unifiés à la hausse.
C’est pourquoi j’invite M. Teston à retirer son amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. L’adoption de cet amendement aurait pour conséquence la mise en place d’un taux unique de réduction d’impôt quelle que soit la situation de l’immeuble. Cela remettrait donc purement et simplement en cause la distinction actuelle entre, d’une part, les secteurs sauvegardés et les quartiers anciens dégradés et, d’autre part, les ZPPAUP et les AVAP, qui bénéficient aujourd'hui d’un taux de réduction de 22 %.
Cette différentiation du taux de la réduction d’impôt selon la zone reflète des niveaux de contrainte différents. Il me paraît donc légitime de la conserver.
J’ajoute, monsieur Teston, que nous pourrions réfléchir ensemble à ce qu’il serait possible de faire, car la mesure que vous proposez serait d’application difficile. En effet, elle ne prévoit pas d’alignement de taux pour les opérations de restauration réalisées par le biais de SCPI et ne précise pas de date d’entrée en vigueur.
Comme le rapporteur général, au moins au regard de ces deux raisons, je vous engage à retirer votre amendement, étant entendu que nous pourrions examiner ensemble comment régler le problème que vous soulevez, dont je devine qu’il est réel, mais dont la solution n’est sans doute pas celle que vous envisagez.
M. le président. Monsieur Teston, l'amendement n° I-286 est-il maintenu ?
M. Michel Teston. Monsieur le président, je ne suis pas totalement convaincu que les contraintes soient à tel point différentes en ZPPAUP et en secteur sauvegardé. Toutefois, j’ai bien entendu que M. le ministre était prêt à examiner la situation et, compte tenu de cette relative avancée, je retire l’amendement.
M. le président. L'amendement n° I-286 est retiré.
L'amendement n° I-287, présenté par MM. Eblé, Gorce et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le premier alinéa du III de l’article 199 tervicies du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cependant la fraction des dépenses excédant cette limite annuelle est reportable au titre des dépenses de l’année suivante dans les conditions calendaires prévues au II. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.
M. Jacques-Bernard Magner. Le III de l’article 199 tervicies du code général des impôts, qui est issu de la loi Malraux, prévoit que la réduction d’impôt est égale à un pourcentage du montant des dépenses mentionnées au II dudit article sur une période limitée au 31 décembre de la troisième année suivant la date de délivrance du permis de construire ou de l’expiration du délai d’opposition à la déclaration préalable. Ces dépenses peuvent être retenues dans la limite annuelle de 100 000 euros.
L’absence de report conduit à un déséquilibre des opérations menées dans le cadre de la loi Malraux puisque la progression du chantier est calée artificiellement sur le rythme de la dépense fiscale, le déroulement des travaux étant fractionné par étapes annuelles.
Le report est prévu pour le dispositif Scellier mais ne l’est pas pour le dispositif Malraux. Il est pourtant nécessaire d’autoriser un report d’imposition pour le dispositif Malraux dans le cas où les dépenses réalisées une année donnée excéderaient le montant d’impôt pouvant être déduit afin de respecter le rythme naturel d’exécution des travaux et d’éviter un allongement artificiel des chantiers.
Cela n’augmente en rien l’avantage fiscal consenti puisqu’il reste bien plafonné à 400 000 euros sur la durée maximale de quatre années.
J’ajoute que l’assouplissement proposé n’augmenterait pas la dépense fiscale, contrainte dans le délai de quatre ans, et qu’il présenterait un avantage patrimonial considérable au vu de l’importance des opérations de restauration et de conservation menées sur le patrimoine immobilier historique concerné.
Cet amendement tend donc à prévoir un report de la réduction d’impôt accordée au titre de la loi Malraux semblable à celui qui est prévu dans le cadre du dispositif Scellier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La question posée est toute simple : faut-il donner au mécanisme Malraux un avantage fiscal supplémentaire ?
M. Gérard Longuet. Non, il s’agit ici d’égaliser les avantages fiscaux.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur Longuet, l’adoption de cet amendement aboutirait à accorder un avantage fiscal supplémentaire aux bénéficiaires du dispositif « Malraux ». Ces derniers, qui ont mené des travaux de restauration sur des immeubles anciens avant de les mettre en location, peuvent déjà déduire de leur revenu global le déficit foncier résultant des travaux réalisés et des intérêts d’emprunt.
La réduction d’impôt n’est pas négligeable : elle est de 22 % du montant des dépenses retenues, sachant que ce taux peut être porté à 30 % en secteur sauvegardé, dans la limite annuelle de 100 000 euros.
Le coût pour l’État est donc déjà important : de 23 millions d’euros dans les conditions antérieures à 2009 – il s’agit d’une niche fiscale non bornée dans le temps, dont les bénéficiaires de l’époque continuent donc de profiter – et de 24 millions d’euros dans sa version actuelle. On dénombre 2 550 bénéficiaires.
La commission des finances a le sentiment qu’il n’est pas opportun d’aller plus loin. Le dispositif « Malraux » est exempté du plafonnement global des niches à 10 000 euros qui est mis en place dans le projet de loi de finances pour 2013. Il bénéficie donc déjà d’une situation avantageuse par rapport à d’autres niches et son attractivité n’est pas menacée. Cela me conduit à solliciter le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. La niche « Malraux » est bien connue : son coût est de 50 millions d’euros. Par ailleurs, il convient de relever qu’elle reste hors du champ du plafonnement global fixé à 10 000 euros.
Si cet amendement était adopté, l’avantage fiscal se trouverait majoré et cela ferait courir le risque à tout le dispositif de se retrouver soumis au plafonnement global, ce qui aboutirait à un résultat tout à fait contraire à celui qui est recherché par les auteurs.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement et, à défaut, son rejet.
M. le président. Monsieur Magner, l’amendement n° I-287 est-il maintenu ?
M. Jacques-Bernard Magner. Je le retire, monsieur le président.
M. Gérard Longuet. Je le reprends, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° I-287 rectifié, présenté par M. Longuet, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° I-287.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur Longuet.
M. Gérard Longuet. J’ai été attentif aux observations du rapporteur et du ministre, mais il se trouve que les opérations menées dans le cadre du « Malraux » sont souvent entreprises non par des investisseurs, mais par des gens passionnées de vieilles pierres, qui font l’effort de restaurer des bâtiments dans des secteurs en péril. Pour avoir vu se dérouler de telles opérations dans ma ville de Bar-le-Duc, je dois souligner que ces investisseurs ne cherchent pas à tirer profit de ces opérations : ils ont avant tout la passion de l’histoire et des bâtiments anciens.
L’amendement que défendait à l’instant notre collègue Jacques-Bernard Magner et que je reprends me paraît pertinent et légitime : il faut pouvoir étaler dans le temps un avantage fiscal qui risque de disparaître. Il s’agit non d’en créer un nouveau, mais d’accorder le bénéfice de celui qui existe par ailleurs dès lors que les revenus ne sont pas en mesure d’intégrer l’avantage fiscal.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Tout cela est assez compliqué…
M. Gérard Longuet. Tout est compliqué dès lors qu’il est question de fiscalité, monsieur le rapporteur général ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-287 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 4 bis (nouveau)
À la seconde phrase du deuxième alinéa du 3° de l’article 83 du code général des impôts, le montant : « 14 157 euros » est remplacé par le montant : « 12 000 € ».
M. le président. L'amendement n° I-136, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Je sais d’expérience qu’à ce type d’amendement on oppose souvent la nécessité de parvenir à l’équilibre du budget.
Il reste que l’abaissement du seuil maximal d’application de la déduction forfaitaire des frais professionnels toucherait directement les droits des salariés en matière d’impôt sur le revenu et que, dans le contexte social actuel, le signal ainsi envoyé n’est pas franchement positif.
Au demeurant, le fait de réduire le plafond de 10 % cette année n’empêchera pas nécessairement de le réduire encore l’année prochaine si le besoin s’en fait sentir, puis à nouveau les années suivantes. Et le risque est d’autant plus grand que le rendement de cette mesure ne semble pas aussi intéressant qu’on nous l’a dit.
J’ajoute que, une fois le plafond réduit de 10 %, certains contribuables décideront de passer au régime des frais réels. L’établissement de leur déclaration de revenus sera, certes, plus complexe, mais son traitement par l’administration fiscale le sera également. Et tout cela, in fine, pour un rendement fiscal au mieux médiocre.
Entre un traitement administratif a priori plus lourd et l’enclenchement d’un processus de mise en question de la déduction des frais professionnels, nous ne pouvons qu’inviter le Sénat à adopter la suppression pure et simple de cet article. Il y a sans doute plus à gagner pour l’équilibre des comptes publics dans la fiscalité des revenus du capital et du patrimoine que dans une complexification de l’établissement de l’impôt frappant les revenus du travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je suis un peu inquiet quant aux conséquences de cet amendement de suppression s’il devait être adopté. L’article 4 bis tend en effet à abaisser de 10 % le plafond de l’abattement sur le revenu pour frais professionnels. Il touche donc plus particulièrement les hauts revenus et revient donc à renforcer la progressivité de l’impôt sur le revenu.
Dans ces conditions, la suppression de cette disposition, introduite à l’Assemblée nationale sur l’initiative de Christian Eckert, irait à l’inverse de ce que nous souhaitons, à savoir l’amélioration de cette progressivité. La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cet abattement pour frais professionnels concerne des revenus salariés annuels élevés : 120 000 euros aux termes du projet de loi de finances en l’état. Si vous étiez suivie, madame la sénatrice, seuls les revenus supérieurs à 140 000 euros seraient touchés.
À vous entendre défendre certains amendements, il m’a semblé tout à l’heure que vous suggériez au Gouvernement d’être un peu plus exigeant à l’égard des hauts revenus. Or, avec 140 000 euros par an, on se situe tout de même dans la partie la plus haute de l’échelle des revenus.
Si vous craignez, madame Beaufils, que ce seuil ne continue de baisser à chaque nouvelle loi de finances, au détriment des salariés à plus faibles revenus, je peux vous rassurer : il n’est absolument pas dans les intentions du Gouvernement d’aller plus loin. Par contre, il est bien dans sa volonté de mettre à contribution les plus hauts revenus et ce dispositif, tel qu’il ressort des travaux de l’Assemblée nationale, y contribue, je crois, de façon cohérente avec ce qu’il m’avait semblé vous avoir entendu dire.
Dans l’hypothèse où cet amendement serait maintenu, je ne pourrais donc qu’inviter le Sénat à le rejeter.
M. le président. Madame Beaufils, l’amendement n°I-136 est-il maintenu.
Mme Marie-France Beaufils. Oui, monsieur le président, car des interrogations demeurent, faute pour nous d’avoir obtenu les réponses que nous attendions, notamment en ce qui concerne le risque de report sur le régime des frais réels.
M. le président. Je mets aux voix l'article 4 bis.
(L'article 4 bis est adopté.)
Article 4 ter (nouveau)
Avant le dernier alinéa du 3° de l’article 83 du code général des impôts, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les bénéficiaires de traitements et salaires optent pour le régime des frais réels, l’évaluation des frais de déplacement, autres que les frais de péage, de garage ou de parking et d’intérêts annuels afférents à l’achat à crédit du véhicule utilisé, peut s’effectuer sur le fondement d’un barème forfaitaire fixé par arrêté du ministre chargé du budget en fonction de la puissance administrative du véhicule, retenue dans la limite maximale de six chevaux, et de la distance annuelle parcourue.
« Lorsque les bénéficiaires mentionnés au huitième alinéa du présent 3° ne font pas application dudit barème, les frais réels déductibles, autres que les frais de péage, de garage ou de parking et d’intérêts annuels afférents à l’achat à crédit du véhicule utilisé, ne peuvent excéder le montant qui serait admis en déduction en application du barème précité, à distance parcourue identique, pour un véhicule de la puissance administrative maximale retenue par le barème. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° I-137 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° I-216 est présenté par Mmes Sittler et Deroche, MM. du Luart, de Legge, Trillard, B. Fournier, Pierre, Retailleau et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° I-285 est présenté par MM. Darniche et Türk.
L'amendement n° I-390 est présenté par M. Delahaye, Mmes Létard et Férat et MM. Détraigne et Guerriau.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bocquet, pour présenter l’amendement n° I-137
M. Éric Bocquet. Prolongeant l’article précédent, l’article 4 ter met en place une sorte de plafonnement en matière de déduction des frais réels engagés par des salariés au titre de leurs déplacements professionnels.
Je m’étonne d’ailleurs que l’on ait déjà « gagé » la sensibilité de ceux qui se sont eux-mêmes surnommés les « pigeons » – ces patrons de start-up et autres entreprises à péremption rapide – à la taxation de leurs plus-values en cherchant à remettre en question un système de frais réels qui intéresse directement les salariés.
En l’occurrence, l’écologie servant parfois à justifier certains choix, il a été décidé de plafonner le barème kilométrique applicable aux véhicules titrant six chevaux fiscaux. Ce barème, chacun le sait, est majoritairement utilisé par les salariés dont les déplacements professionnels constituent une part importante du temps de travail, singulièrement dans le domaine de la vente à domicile. Mais il en va de même pour tous ceux qui utilisent leur voiture afin de pallier les manques ou insuffisances des réseaux de transport collectif.
D’autres professions peuvent être concernées par l’usage du barème kilométrique. Je pense aux responsables ou cadres de direction opérationnelle dans certains départements à la fois ruraux et assez étendus, où l’usage d’une voiture de service, voire du véhicule personnel est indispensable pour inspecter les services déconcentrés, en animer les équipes ou pour effectuer toute autre mission.
Prenons un exemple concret : pour un commercial-VRP faisant 40 000 kilomètres par an dans le cadre de ses visites de clientèle, le barème pour un véhicule de 6 chevaux fiscaux est aujourd’hui fixé à 40 000 x 0,377 euro, soit une valeur nette de 15 080 euros ; si notre VRP utilise un véhicule de 7 chevaux , le barème actuel est de 40 000 x 0,396 euro, soit un total de 15 840 euros ; s’il se déplace avec une voiture titrant 9 chevaux, il peut déduire aujourd’hui une somme de 17 400 euros.
En appliquant le nouveau barème nous aurons, en cas d’utilisation d’un véhicule de 7 chevaux, une augmentation artificielle de 760 euros du revenu imposable et, en cas d’utilisation d’un véhicule de 9 chevaux, de 2 320 euros, tout cela sans aucun rapport avec la réalité des frais supportés par le salarié dans le cadre de son activité professionnelle.
J’ajouterai qu’une voiture de 7 chevaux est souvent un véhicule de caractère familial – un certain nombre de monospaces entrent dans cette catégorie de puissance –, soit typiquement le véhicule acheté à crédit, alors même que l’étalement urbain et la spéculation immobilière ont repoussé les classes populaires et moyennes à plusieurs dizaines de kilomètres de Paris ou des plus grandes métropoles de notre pays.
Nous ne sommes pas des défenseurs acharnés de l’automobile et notre groupe a maintes fois montré son attachement au développement des transports collectifs. Mais vous devez comprendre que cette mesure est en contradiction avec certaines intentions affichées, notamment celle de limiter la hausse des prix des carburants, voire de confier aux ménages les plus modestes une sorte de bon d’essence national pour les aider à y faire face.
Nous demandons la suppression de cette mesure injuste tout en restant déterminés à offrir des alternatives au « tout-automobile ».
M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour présenter l'amendement n° I-216.
M. Albéric de Montgolfier. Cet article, comme il a été dit à l’instant, vise à plafonner à 6 chevaux fiscaux le barème kilométrique retenu pour l’évaluation des frais de déplacement. Voilà encore mesure qui va pénaliser le pouvoir d’achat des salariés – y compris les plus modestes –, car il n’est pas rare que des véhicules de 6 chevaux soient acquis par des ménages des classes populaires et des classes moyennes. On est loin des très hauts revenus dont on nous parle souvent !
Le Gouvernement, une fois de plus, est en train de renier une de ses promesses fiscales. Il convient donc de supprimer cet article 4 ter.
M. le président. L'amendement n° I-285 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l’amendement n° I-390.
M. Vincent Delahaye. Ainsi que cela vient d’être souligné, l’article 4 ter pénalisera de nombreux salariés qui, aux dires du Premier ministre, ne devaient pas être touchés par les mesures fiscales prévues dans ce projet de budget. Or la révision des modalités de l’évaluation des frais de déplacement concernera bien plus d’un Français sur dix !
Les propriétaires de voitures de 7 ou de 9 chevaux ne peuvent être considérés comme très riches ! Par conséquent, il est anormal d’augmenter leur imposition.
Ne serait-il pas préférable, comme je l’ai dit à plusieurs reprises, de procéder à des économies sur les dépenses ? L’alourdissement de la fiscalité de ceux qui sont dans l’obligation de se déplacer pour travailler et voient déjà le prix de l’essence augmenter régulièrement, même si le Gouvernement s’efforce de le réduire à la marge, ne constitue pas, à mes yeux, une bonne mesure.
Il serait de bon ton et de bon sens que le Gouvernement revienne sur sa proposition et que le Parlement supprime cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit ici de savoir à quel niveau fixer le plafond concernant les frais déductibles par les salariés placés sous le régime des frais réels au titre de leurs déplacements professionnels, en fonction de la puissance administrative du véhicule utilisé.
Certains prétendent qu’une voiture de type monospace, qui n’est pas considérée comme un véhicule de luxe, affiche nécessairement plus de 6 chevaux fiscaux. Or certaines voitures de 6 chevaux peuvent transporter jusqu’à sept personnes et sont donc utilisées par des familles nombreuses.
Par conséquent, dans le cadre d’un « verdissement » de la fiscalité, cette mesure me semble avoir une légitimité certaine.
Cela étant, mes chers collègues, l’attention la commission des finances, qui s’est réunie ce matin, s’est plutôt focalisée sur l’amendement n° I-76 rectifié, présenté par les membres du groupe RDSE et visant à plafonner le barème des indemnités kilométriques aux véhicules de 9 chevaux. Elle a considéré que le débat en séance devrait surtout porter sur cet amendement-là. Or, pour que nous puissions l’examiner, il est nécessaire de ne pas supprimer l’article 4 ter.
Dans ces conditions, la commission ne peut être favorable aux amendements de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur les amendements identiques nos I-137, I-216 et I-390.
M. Gérard Longuet. Je soutiendrai ces amendements avec conviction, et cela sous deux angles extrêmement différents.
Premier argument : la France est un grand pays par sa géographie, couvrant plus de 550 000 kilomètres carrés, où la densité de population est relativement faible ; de ce fait, de très nombreux professionnels ont fait de leur voiture leur véritable bureau principal, contraints qu’ils sont de se déplacer pour aller à la rencontre de leur clientèle, assurer des services et accomplir des démarches.
Manifestement, pour beaucoup de voyageurs, représentants, placiers, d’ingénieurs, de consultants et de démarcheurs, le chiffre de 100 000 kilomètres par an est facilement atteint. Imposer à ces travailleurs de vivre dans un petit gabarit, qui ne leur apporte ni le confort, ni la sécurité, ni un environnement propice – à 80 kilomètres/heure de moyenne, 100 000 kilomètres représentent 1 200 heures, soit près des deux tiers de la durée officielle de travail par an –, c’est leur infliger une punition que rien ne justifie.
Mon second argument, de nature tout à fait différente, concerne la situation de notre industrie automobile. La France s’étonne que ce secteur dépérisse et nous recevons des leçons de personnes soi-disant autorisées qui nous expliquent que les constructeurs automobiles ont fait les mauvais choix stratégiques, qu’ils n’ont pas accepté le haut de gamme, qu’ils n’ont pas opté en faveur de la valeur ajoutée et qu’ils n’ont pas de produit susceptible de se vendre dans le monde entier parce que leurs ambitions sont trop modestes.
Il est vrai que, dans notre pays, dès la IVe République, de façon constante, les cylindrées de plus de 13 chevaux ont été pénalisées. En gros, la frontière entre les grosses cylindrées et les autres s’est longtemps située à 2 500 centimètres cubes ; elle a été repoussée depuis.
Or la nouvelle clientèle mondiale, notamment celle des marchés émergents, et tout particulièrement en Chine – ce n’est pas moi qui le dis, ce n’est pas un choix politique : c’est un fait de société global –, se porte sur des véhicules haut de gamme, qui peuvent être fabriqués en Europe aux coûts salariaux européens parce qu’ils dégagent une valeur ajoutée plus importante.
Il se trouve que c’est exactement ce type de véhicules que cet article, s’il était adopté, découragerait de construire.
Bientôt, en France, nous n’aurons plus d’industriels capables de présenter à des responsables professionnels publics, privés ou exerçant en libéral, ou simplement à des clients qui ont des usages spécifiques, ces modèles à forte valeur ajoutée, dont la construction est facilement localisable dans notre pays parce qu’elle permet de dégager des marges.
Cessons donc de nous plaindre de voir des usines fermer alors que toute notre fiscalité s’organise pour nous limiter à des modèles que nous n’avons pas la capacité de fabriquer de façon compétitive. Votre article « 6 chevaux », c’est un appel d’offres pour la Roumanie ! Tant mieux pour eux, puisque nous sommes des Européens, mais ne nous plaignons pas ensuite de voir des usines fermer dans notre pays ! (Mme Catherine Procaccia applaudit.)