M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le haut conseil des collectivités territoriales existe déjà, c’est le Sénat ! (M. Gérard Larcher approuve.)
M. Edmond Hervé. Nous savons que nous devrons réaliser chaque année entre 10 milliards et 12 milliards d’euros d’économies. Ce matin, monsieur le président de la commission des finances, nous avons pu constater quelles difficultés nous éprouvions à nous mettre d’accord sur une économie de 5 millions d’euros…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Sans oublier les 20 millions de M. Fortassin !
M. Edmond Hervé. Il y a là matière à débat et à prise de responsabilités. Il faut que nous discutions des normes, des dotations, de la péréquation : voilà un grand débat !
Par ailleurs, il faut que l’État et les collectivités territoriales disposent d’une visibilité quant à leurs investissements. Le Gouvernement doit hâter la mise en place d’une nouvelle configuration bancaire, avec la création de la banque publique des collectivités locales, adossée à la Banque postale et à la Caisse des dépôts et consignations. Il doit également aider les associations d’élus à définir leur projet d’agence de financement des collectivités locales. J’ai été très heureux d’entendre la Caisse des dépôts et consignations annoncer qu’elle s’engageait à mettre 20 milliards d’euros à disposition des investissements à long terme des collectivités locales. Tout cela crée de la visibilité et donne des assurances !
Qu’attendent les collectivités locales ?
Tout d’abord, elles doivent savoir de quelle enveloppe de prêts elles pourront disposer sur un mandat. Il faut aussi que le Gouvernement et les instances compétentes puissent veiller à l’évolution des taux d’intérêt et jouer en outre un rôle de conseil. Pour ma part, je me félicite de ce que les taux directeurs de la Banque centrale européenne aient baissé : en octobre 2008, ils s’élevaient à 3,75 % ; au 11 janvier 2012, ils s’établissaient à 0,75 %, tandis que le coût moyen pondéré des crédits aux entreprises varie de 1,93 % à 3,12 %.
Il importe également que les collectivités locales puissent participer à certains débats intéressant la politique de prêt conduite par certains organismes. À ce sujet, je souhaite évoquer brièvement la situation du Crédit immobilier de France. Nous connaissons l’historique de ce dossier, mais je ne peux pas imaginer, monsieur le ministre, que le Trésor ait subordonné l’octroi de sa garantie à l’extinction pure et simple de cet établissement ! (Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Gisèle Printz, M. Claude Dilain applaudissent.) Cela empêcherait la réalisation de 170 000 logements d’ici à 2017 et interromprait l’application d’une convention signée avec l’État pour la construction de 25 000 logements au même horizon. En outre, que deviendraient les 2 500 salariés du CIF ? M. le Président de la République s’est engagé sur la livraison de 500 000 logements sociaux, intermédiaires et étudiants ; nous approuvons cet objectif ambitieux, ne prenons pas de retard !
Nous devons veiller à conserver aux collectivités territoriales un minimum d’autonomie fiscale, qu’il ne faut pas confondre avec l’autonomie financière. Sur ce point, monsieur le rapporteur général, je souhaite que vous soyez entendu et que la révision des valeurs locatives professionnelles intervienne au 1er janvier 2015. Je souhaite aussi, comme vous, que soit mise en œuvre, à compter du 1er janvier 2016, une révision expérimentale des valeurs locatives pour les ménages. Tant que cela n’aura pas été fait, vous l’avez dit cet après-midi, la péréquation s’apparentera à une partie de dés pipés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Je conclurai en abordant un point qui ne fait pas nécessairement consensus aujourd’hui, mais qui est fondamental.
Il s’agit de l’engagement 14 du Président de la République, relatif à la justice fiscale : « La contribution de chacun sera rendue plus équitable par une grande réforme permettant la fusion à terme de l’impôt sur le revenu et de la CSG dans le cadre d’un prélèvement simplifié sur le revenu (PSR). Une part de cet impôt sera affectée aux organismes de sécurité sociale. »
C’est une réforme essentielle, qui allie la progressivité et l’élargissement des assiettes. Elle concerne directement la compétitivité des entreprises.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Très bien !
M. Edmond Hervé. Dans quelque temps, monsieur le ministre, vous évoquerez la réforme de la taxe sur la valeur ajoutée ; vous avez raison de dire qu’elle est totalement différente de celle que le précédent gouvernement avait engagée.
M. Gérard Larcher. Il faudra l’expliquer !
M. Edmond Hervé. Une fois que cette réforme intéressant la TVA aura été réalisée, nous serons obligés, en responsabilité, de donner une portée concrète à l’engagement que je viens de rappeler. Il faut que les engagements des départements en matière de solidarité reposent sur un grand impôt national juste.
En ce qui concerne l’impôt local, comme vous le savez, monsieur le ministre, je suis de ceux qui ont toujours plaidé pour qu’une partie au moins de la taxe d’habitation soit assise sur les revenus ; nous y sommes ! Je note d’ailleurs qu’un consensus s’est dégagé sur ce point, comme sur d’autres, lors de la merveilleuse aventure que nous avons vécue tous ensemble avec les états généraux de la démocratie territoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Consensus, consensus, n’exagérons rien…
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Madame le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mardi dernier, l’agence Moody’s dégradait la note de la France d’un cran. Personne ne peut s’en réjouir. Permettez-moi toutefois de m’étonner que Mme la porte-parole du Gouvernement, relayée par d’autres ministres, ait déclaré que cette décision venait sanctionner la politique qui a été conduite par le précédent gouvernement.
M. Jean Germain. Eh oui !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh non ! Je pense que Mme Vallaud-Belkacem et ses collègues n’ont pas bien regardé le calendrier ni les motivations de la décision de l’agence de notation. Cela est bien dommage, parce que c’est la première fois que je lis une explication aussi claire et aussi nette des motifs de la dégradation d’une note souveraine par une agence de notation. Je rappelle que Moody’s a placé notre pays sous surveillance négative à la suite de la présentation du projet de loi de finances rectificative de juillet 2012, l’un des premiers textes défendus par l’actuelle majorité.
Moody’s souligne cette semaine un problème structurel de compétitivité. La précédente majorité s’y était attaquée, mes chers collègues, avec la TVA « compétitivité », la réforme des universités, les investissements d’avenir, les pôles de compétitivité, la réforme des retraites et la baisse des dépenses publiques. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Or, quand elle est arrivée au pouvoir, la nouvelle majorité a commencé par revenir sur nombre de ces mesures, souvent par pure idéologie, et surtout sur l’instauration d’une TVA « compétitivité ». (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Moody’s dénonce une trajectoire budgétaire pour 2013-2017 trop optimiste, dont vous êtes entièrement responsables puisque c’est vous qui l’avez déterminée dans la loi de programmation pour les finances publiques.
Moody’s s’inquiète aussi d’un niveau de taxes et de cotisations sociales élevé. Évidemment, votre projet de budget pour 2013, venant s’ajouter à la loi de finances rectificative de juillet 2012, ne peut qu’aviver ces craintes ! Au total, vous instituez au moins 30 milliards d’euros d’impôts supplémentaires.
Moody’s dénonce enfin un problème structurel de rigidité du marché du travail. Les partenaires sociaux négocient sur ces sujets ; c’est pleinement leur rôle et nous souhaitons qu’ils puissent aboutir à un accord. Je rappellerai simplement que nous avions lancé les accords compétitivité-emploi, qui donnent une certaine souplesse aux entreprises en fonction des variations de leurs carnets de commandes, tout en maintenant les salariés dans l’emploi. Vous n’avez pas souhaité leur donner suite, mais ils ne sont pas forcément totalement enterrés par les partenaires sociaux.
En outre, Moody’s a déclaré maintenir la France sous surveillance négative. Il ne pourrait en être autrement, car les annonces du Gouvernement à la suite du rapport Gallois ne sont pas suffisamment convaincantes ou mériteraient d’être concrétisées au plus vite. Elles ne peuvent attendre 2014, mes chers collègues, comme cela a d’abord été annoncé. Il semble maintenant que l’on veuille s’en saisir plus rapidement : attendons de voir !
La seule conclusion collective, sérieuse, raisonnable et responsable que nous pouvons tirer de la dégradation de la note de notre pays est qu’il faut engager les réformes structurelles rapidement, c’est-à-dire tant que la dette souveraine française peut encore bénéficier de taux d’intérêt bas.
Le temps des atermoiements touche à sa fin, monsieur le ministre. Les préconisations du rapport Gallois, qui ne sont pas franchement nouvelles, mais qui sont pédagogiquement très utiles, sont là pour vous le rappeler. Puissent-elles servir d’aiguillon et vous aider à agir rapidement, fût-ce au prix de renoncements doctrinaux, car il s’agit de l’avenir de notre pays !
C’est pourquoi, comme mes collègues du groupe UMP, je pense que le projet de budget que vous nous présentez n’est plus d’actualité : il est dépassé.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Absolument !
M. Albéric de Montgolfier. C’est vrai !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il est urgent que vous puissiez le compléter par les mesures en faveur de la compétitivité que vous avez annoncées. Ce serait la meilleure leçon à retenir de la décision de Moody’s, cela vaudrait mieux que de chercher à rendre vos prédécesseurs responsables de celle-ci.
Il est, en effet, indispensable que la représentation nationale et les entreprises elles-mêmes puissent connaître dans les plus brefs délais la manière dont vous allez décliner les dispositions envisagées.
En particulier, nous nous interrogeons sur le recours à un crédit d’impôt dont la formule de calcul n’est toujours pas connue et dont la montée en charge serait progressive sur trois ans. Cela signifie qu’au total il n’y aura ni baisse claire des charges sociales ni choc de compétitivité, mais seulement une très légère secousse – de 10 milliards d’euros, tout de même – l’an prochain…
Vos propositions sont-elles à la hauteur des enjeux ? À ce stade, nous en doutons, mais nous espérons pouvoir en débattre très prochainement.
Je voudrais terminer mon intervention en abordant un autre sujet, très sensible pour certaines entreprises et pour les collectivités locales.
Il s’agit des dispositions prévues à l’article 15 du projet de loi de finances pour 2013, qui vise, notamment pour les grandes entreprises, à limiter la déductibilité des charges financières, essentiellement constituées des intérêts d’emprunt.
La logique de ce dispositif est de pur rendement pour les finances publiques et relève d’une conception que l’on pourrait qualifier de « morale » du financement des entreprises : réduire le financement par endettement au profit du financement en fonds propres. Il faudra cependant nous expliquer comment les entreprises françaises, qui se caractérisent, malheureusement, par des marges faibles, peuvent s’autofinancer. Nous nous demandons d’ailleurs si les différentes mesures du projet de loi de finances en matière d’épargne financière ne vont pas finalement engager nos entreprises dans une impasse s’agissant du financement de leurs investissements, à un moment où la récession qui se profile pour la zone euro ne les encourage pas à la prise de risque.
Plus particulièrement, j’insisterai sur le fait que le dispositif de l’article 15 déséquilibre complètement le financement de la construction d’infrastructures pour le compte de personnes publiques, au premier chef les collectivités locales, qui assurent, je le rappelle, 70 % de l’investissement public, notamment par le biais de contrats de partenariat.
La première conséquence de cette décision est évidemment une réduction des bénéfices des entreprises concernées ; dans le pire des cas, cela pourrait entraîner des défauts.
Ensuite, pour les contrats à venir, on peut s’attendre à une augmentation des tarifs ou à une réduction des travaux à la charge de l’entreprise portant le projet, en tout état de cause à une augmentation du coût global pour le cocontractant public. Permettez-moi de souligner, mes chers collègues, que des opérations énormes, comme la réalisation de la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux, sont concernées.
Quant aux contrats en cours, l’équilibre de tout projet prenant en compte la possibilité de déduire les intérêts sur toute la durée d’un contrat de partenariat, il est évident que la mesure envisagée les met en péril, au-delà d’éventuelles dispositions contractuelles permettant une hausse de la rémunération compensant l’augmentation du coût du crédit.
La mise en œuvre de ce dispositif entraîne donc tout à la fois un grave déséquilibre microéconomique à l’échelon des entreprises et un déséquilibre macroéconomique à celui des finances publiques, locales et nationales. Nous pouvons donc raisonnablement anticiper qu’elle impliquera une dégradation des finances publiques, pour un gain fiscal presque nul.
Dans ces conditions, il est indispensable de revenir sur les dispositions de l’article 15, à tout le moins pour les partenariats public-privé, les PPP. J’ai déposé un amendement en ce sens ; nous aurons donc l’occasion d’en reparler.
Enfin, je souhaiterais ajouter que, encore une fois, une vision par trop idéologique s’accorde mal avec la réalité économique. Il ne faut pas rejeter par principe le recours aux PPP, sous prétexte que ce dispositif serait d’inspiration anglo-saxonne, comme je l’entends dire ces derniers temps. Au contraire, il faut les considérer comme un instrument d’investissement de long terme, avec partage des risques, comme un vrai contrat de partenariat pour une meilleure qualité des infrastructures publiques, intégrant la maintenance et l’entretien.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous aurez compris que, comme les autres membres de mon groupe, je ne voterai pas le projet de budget tel qu’il nous est présenté. Il ne correspond pas à la réalité et ne traduit pas la politique que vous voulez mener.
M. Albéric de Montgolfier. Absolument !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Plusieurs mesures, dont celles que vous avez annoncées à la suite de la présentation du rapport Gallois, ne figurent pas dans ce projet de budget. Il n’est donc pas l’instrument financier de votre politique. Ce document budgétaire est dépassé, il ne correspond plus à une prévision sincère traduisant une volonté politique, comme cela devrait être le cas. Les choix de politique économique qui le sous-tendent, notamment une augmentation massive des impôts et une baisse proportionnellement faible des dépenses publiques, ne nous mettront pas sur la bonne voie pour retrouver notre triple A. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de budget s’inscrit dans un contexte économique fortement dégradé, mais je veux souligner que cette dégradation vient de loin. (M. Francis Delattre s’exclame.) Elle ne remonte pas à 2008, comme on voudrait nous le faire croire : malheureusement pour notre pays et notre économie, le phénomène est beaucoup plus profond.
Je vous le montrerai en m’appuyant sur trois exemples, qui ne sont pas sectaires, contrairement à beaucoup de propos que j’ai entendus ce soir.
Tout d’abord, notre balance commerciale, qui était bénéficiaire de 3 milliards d’euros en 2002, n’a cessé de se dégrader et est aujourd’hui largement déficitaire.
Plus grave encore, la productivité horaire des salariés français, qui était l’une des plus fortes du monde, a malheureusement commencé à régresser…
M. Francis Delattre. En 2001 !
M. Richard Yung. Non, monsieur Delattre, bien avant ! Elle a commencé à baisser à l’époque de l’introduction de l’euro.
Enfin, la dette publique a doublé en dix ans. Il est difficile de faire pire !
Le président Marini évoquait ce matin un jeu de rôles : l’opposition critique le projet de loi de finances, la majorité le défend. Cette comparaison peut donner l’impression que nous manquerions tous de sincérité.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mais non, nous sommes tous très sincères !
M. Richard Yung. J’ai écouté les orateurs de l’opposition : ce qui m’a frappé, c’est que je n’ai entendu que des leçons, aucune autocritique. Le maoïsme présentait au moins cette vertu qu’il encourageait l’autocritique ! (Sourires.)
M. Gérard Larcher. Eh oui ! La Chine de Mao était une grande démocratie !
M. Richard Yung. Peut-être devrions-nous en prendre de la graine…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il ne faudrait tout de même pas pousser l’exemple jusqu’au bout !
M. Richard Yung. Je n’ai entendu de votre part que des leçons de pratique budgétaire, des jugements critiques et des conseils. Une phrase de Diderot, tirée des Entretiens, m’est alors revenue à la mémoire. C’est mieux que Mao, n’est-ce pas ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas tout à fait pareil !
M. Gérard Larcher. On progresse !
M. Richard Yung. Et puis, c’est français ! Diderot écrivait donc : « Je ne sais ce que c’est que des principes, sinon des règles qu’on prescrit aux autres pour soi. » Voilà à quoi m’a fait penser notre débat de ce soir !
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Richard Yung. Sur le fond, vous avez mené, quand vous étiez au pouvoir, une politique économique et budgétaire qui, après tout, avait sa logique, même si elle n’est pas la nôtre. Cette politique, d’inspiration anglo-saxonne, madame Des Esgaulx, consiste à alléger la fiscalité, celle des entreprises, en vue de leur permettre d’investir davantage, et celle des ménages, afin de stimuler le pouvoir d’achat et l’épargne, et partant l’investissement.
Vous avez donc baissé massivement les impôts, sans d’ailleurs procéder à la réduction des dépenses publiques correspondantes…
M. Jean Germain. Eh non !
M. Richard Yung. Il en est résulté – il n’y a pas de miracle ! – que les déficits se sont accrus de façon exponentielle. Mais le plus grave, c’est que cette politique n’a pas marché ! Le chômage a explosé, la croissance économique s’est arrêtée, les exportations se sont effondrées, l’innovation a régressé. Vous devriez en prendre acte, chers collègues, et considérer que cette voie est condamnée.
Mais vous refusez de tirer les conclusions de l’échec de votre tentative. Dès lors, nous sommes fondés à nous demander quelle est votre doctrine économique, à vous qui ne cessez de nous dire que nous n’en avons pas et qui critiquez nos prétendues postures idéologiques – on sent bien que, pour vous, c’est un qualificatif de mauvais aloi, un peu rouge… (Sourires.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Et si vous nous parliez de l’économie, du budget et de notre pays ? Nous, nous ne vous parlons pas du parti socialiste !
M. Richard Yung. Que proposez-vous ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais c’est à vous de faire des propositions ! C’est vous qui préparez le budget !
M. Richard Yung. Vous nous faites la leçon, mais que voulez-vous ? Souhaitez-vous l’abolition des 35 heures ? (Oui ! sur les travées de l'UMP.)
Ah bon ? Nous sommes heureux de l’apprendre, car nous n’avons pas vu que vous l’ayez fait !
M. Francis Delattre. Les pesanteurs… (Sourires.)
M. Richard Yung. Vous avez eu dix ans pour cela, mais vous vous êtes bien gardés de le faire ! C’est d’ailleurs vous qui avez inventé les 35 heures, avec M. de Robien.
Voulez-vous rétablir le bouclier fiscal ?
MM. Gérard Larcher et Albéric de Montgolfier. On l’a supprimé !
M. Richard Yung. Voulez-vous redéfiscaliser les heures supplémentaires ?
MM. Francis Delattre et Gérard Larcher. Oui !
M. Richard Yung. Alors il faut le dire, afin que l’on sache quel programme économique alternatif vous proposez !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas le sujet !
M. Richard Yung. Je n’irai pas plus loin sur ce sujet, mais il fallait que cela soit dit !
J’en reviens au projet de loi de finances et à la stratégie qui le sous-tend : elle est forte, claire et réaliste.
M. Francis Delattre. Ah bon !
M. Richard Yung. Tout d’abord, ce projet de loi de finances est empreint de responsabilité budgétaire. Jusqu’à présent, aucun gouvernement, sous la Ve République, n’avait proposé un budget aussi ambitieux en termes de réduction des déficits. (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’esclaffe.)
Pouvez-vous nous citer un seul autre gouvernement ayant procédé à une réduction des déficits, ma chère collègue ? Non, vous ne le pouvez pas !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous avez tout de même un toupet extraordinaire !
M. Richard Yung. Nous devons dire la vérité aux Français : il faut résoudre la crise de l’endettement. À cet égard, je rappelle que la France est sous surveillance communautaire depuis deux ans du fait de l’ampleur son déficit.
Le Gouvernement a donc pris l’engagement de ramener le déficit public à 3 % du PIB à la fin de l’année 2013. J’ose penser que l’opposition souscrit à cet objectif.
M. Francis Delattre. Tout à fait !
M. Richard Yung. Le Gouvernement propose de consentir un effort de 30 milliards d’euros pour l’atteindre.
M. Francis Delattre. Ça dépend des jours…
M. Richard Yung. La recette est simple : État, ménages et entreprises contribueront chacun pour un tiers à cette réduction du déficit.
Vous criez au loup, vous dénoncez un matraquage fiscal. Permettez-moi tout de même de vous rappeler que les gouvernements Fillon ont créé quarante-cinq taxes nouvelles –excusez du peu ! –, pour 16 milliards d’euros de hausses d’impôts. Cela signifie que, en réalité, vous n’avez pas même mis en œuvre la politique de baisse des impôts que vous prétendiez vouloir appliquer…
Pourquoi proposons-nous 30 milliards d’euros d’effort fiscal, pour 10 milliards d’euros de réduction des dépenses ? Cela a été dit à plusieurs reprises, les hausses d’impôts ont un caractère moins récessif que les baisses de dépenses, comme l’a encore confirmé récemment le Fonds monétaire international. Vous-mêmes avez d’ailleurs voulu relancer la croissance par la dépense avec le grand emprunt. On voit donc bien que nous sommes tous ici keynésiens : simplement, certains sont des keynésiens assumés, d’autres des keynésiens honteux.
M. Yvon Collin. Refoulés !
M. Richard Yung. À ces 10 milliards d’euros de réduction des dépenses, il faut ajouter 2,5 milliards d’euros d’économies sur le budget de la sécurité sociale, soit un total de 12,5 milliards d’euros. Or j’ai entendu, en d’autres occasions, que l’opposition prônait de réaliser 15 milliards d’euros d’économies, pour que l’effort budgétaire soit réparti par moitié entre hausses d’impôts et réduction des dépenses. Franchement, la différence avec ce que nous proposons n’est pas si grande…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Proposez donc 2,5 milliards d’euros d’économies supplémentaires !
M. Richard Yung. … et n’est en tout cas pas suffisante pour justifier que l’on refuse de voter cet excellent projet de budget !
Ce sujet ayant déjà été développé par d’autres orateurs, je ne ferai qu’évoquer la dimension de redistribution sociale de ce projet de loi de finances. La création d’une tranche d’imposition supplémentaire au taux de 45 %, le plafonnement des niches fiscales, etc., sont des mesures de justice.
En conclusion, je soulignerai que ce projet de budget a pour vocation de relancer la croissance et la création d’emplois. C’est le cœur de la stratégie de la demande mise en œuvre par le Gouvernement et dont la revalorisation du SMIC et de l’allocation de rentrée scolaire a été le premier volet.
Telles sont, mes chers collègues, les principales remarques que je souhaitais faire sur ce projet de loi de finances, que nous soutenons bien évidemment. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Les orateurs de l’opposition nous ont accusés à plusieurs reprises de pratiquer un « matraquage fiscal ». La formule est forte ; regardons-y de plus près.
J’ai déjà rappelé, lors de mon intervention liminaire, les mesures prises par le dernier gouvernement Fillon et votées par les membres du groupe UMP du Sénat. L’ancienne majorité avait ainsi approuvé une augmentation des prélèvements obligatoires de 30 milliards d’euros. Alors que la promesse avait été faite de les réduire de 80 milliards d’euros entre 2007 et 2012, ils ont finalement augmenté d’un point et demi de PIB, c'est-à-dire précisément de 30 milliards d’euros… Confrontée ce que j’ai appelé l’équation impossible, la précédente majorité a dû s’y résoudre, la baisse des recettes, notamment de l’État, décidée en début de mandature ne s’étant pas accompagnée d’une diminution de la dépense publique. En effet, lorsque la droite est arrivée aux affaires, en 2002, la dépense publique représentait un peu moins de 52 % du PIB ; quand elle a été désavouée dans les urnes par nos concitoyens, elle s’établissait à 56 % du PIB, soit une augmentation de la dépense publique de quatre points de PIB en dix ans.
Dans ces conditions, la seule échappatoire possible est l’endettement : les 900 milliards d’euros de dette supplémentaires entre 2002 et 2012 s’expliquent en grande partie par l’effet de ciseaux entre des baisses d’impôts voulues pour des raisons politiques et des réductions de dépenses écartées pour des raisons elles aussi politiques, mais moins bien assumées, à l’époque et aujourd'hui encore, par ceux qui prirent les décisions.
MM. Dassault, de Montesquiou, de Montgolfier, Arthuis, du Luart et Larcher nous ont accusés en outre de laisser filer la dépense. Ce reproche ne résiste pas à l’analyse. Cette année, le déficit public sera bien de 4,5 %. Pour cela, il a fallu augmenter les recettes en loi de finances rectificative, mais aussi maîtriser la dépense. Sans maîtrise de la dépense, jamais la France n’aurait pu respecter sa parole.
Mieux, non seulement la dépense a été tenue, mais elle a été inférieure à ce que certains augures, dans l’opposition, avaient annoncé. En effet, par rapport à la loi de finances initiale, l’exécution budgétaire montrera une économie de 3,6 milliards d’euros. Ce chiffre est déjà en lui-même significatif, mais j’en donnerai un autre : lorsque l’on examine son évolution d’une exécution budgétaire à l’autre, on s’aperçoit que la dépense a augmenté en moyenne de 6 milliards d’euros chaque année entre 2007 et 2012. Sous l’empire de la précédente majorité, non seulement la dépense publique n’a pas été maîtrisée, mais elle a augmenté. En cette fin d’année, en revanche, nous constaterons une diminution de la dépense de 200 millions d’euros d’exécution à exécution. Ce montant peut paraître relativement faible, mais si on le compare à ce que fut l’évolution de la dépense au cours des années passées, on se rend compte que, contrairement à ce que donnent à croire certaines affirmations relevant davantage du réflexe que de la réflexion, le Gouvernement, avec l’appui de sa majorité, maîtrise parfaitement la dépense publique.
J’ajoute que la dépense publique a augmenté chaque année de 2,3 % en moyenne entre 2002 et 2007, et de 1,7 % en moyenne entre 2007 et 2012. Au travers de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, nous nous sommes engagés à ramener sa progression à 0,7 % par an en moyenne. En fait, ce taux sera probablement plus faible, car des économies supplémentaires ont été programmées.
Quoi qu’il en soit, la tendance est incontestable. Nous faisons beaucoup mieux que nos prédécesseurs. L’accusation selon laquelle nous laisserions filer la dépense publique est donc factuellement inexacte. Nous ne méritons pas les reproches que les orateurs de l’opposition nous ont adressés.
Par ailleurs, selon vous, monsieur Delattre, la Cour des comptes préconisait une réduction plus forte de la dépense. Les rapports de la Cour des comptes sont souvent une excellente source d’inspiration pour ceux qui entendent critiquer le Gouvernement – je peux en témoigner, pour avoir été parlementaire de l’opposition –, mais il se trouve que, en l’espèce, la Cour des comptes n’a pas dit cela.
Elle préconise un ajustement a minima équilibré entre dépenses et recettes. C’est ce que nous nous efforcerons de faire tout au long de la mandature.