MM. Éric Doligé et Albéric de Montgolfier. Une RGPP bis !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Peut-être ce document a-t-il d’ailleurs été rédigé par les mêmes hauts fonctionnaires, qui ont écrit les mêmes choses…
En tout cas, j’ai observé, non sans un certain plaisir, une parfaite continuité s’agissant de la nécessité, pour faire des économies, de s’interroger sur les fonctions et l’adéquation des moyens aux fonctions et aux objectifs que l’on veut atteindre.
Messieurs les ministres, mes chers collègues, nous allons maintenant engager le débat sur ce projet de loi de finances pour 2013. Je serai bien entendu amené à préciser mes observations au cours du débat. Mais j’ai voulu d’emblée souligner le décalage de ce texte par rapport à la réalité, et l’importance des responsabilités qui sont les nôtres. En effet, quels que soient nos attaches partisanes, nos histoires politiques respectives et nos territoires, nous ne devrions avoir qu’un seul enjeu en tête : notre pays, la France, sa réforme, sa crédibilité et la confiance que ses concitoyens peuvent avoir dans l’avenir ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Henri de Raincourt. Bravo !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
M. le président. La séance est reprise.
3
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.
avenir de tigf
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre.
M. Jean-Jacques Lasserre. Ma question s'adresse à M. le ministre du redressement productif.
Monsieur le ministre, je me permets d’attirer votre attention sur un sujet très préoccupant pour ma région, mon département, les Pyrénées-Atlantiques : la cession par le groupe Total de sa filiale Transport Infrastructure Gaz France, dite « TIGF ».
Cette entreprise, dont le siège social est situé à Pau et qui emploie près de 500 salariés dans le Grand Sud-Ouest, a pour activité principale le transport et le stockage du gaz naturel. Cette activité est clairement portée, depuis des décennies, par sa société mère, Total, au-delà de son activité dans l’exploration-production.
Depuis quelques semaines, Total a manifesté sa volonté de se séparer de sa filiale TIGF, prétextant les « nouvelles conditions du marché européen et particulièrement le plan de réorganisation du transport de gaz engagé en Europe » énoncées notamment dans la directive du 13 juillet 2009 – transposée dans le code de l’énergie français aux articles L. 111-21 et suivants –, qui rend obligatoire l’indépendance des gestionnaires de réseaux gaziers vis-à-vis des producteurs.
Or le motif invoqué par Total ne semble pas fondé puisque la société TIGF a reçu la certification de la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, en janvier dernier, sous réserve de quelques modifications qui sont déjà en cours, ce qui signifie qu’elle est conforme à la directive européenne ou qu’elle pourrait l’être très rapidement. Sa volonté d’indépendance est claire et déjà en cours de mise en œuvre dans les faits.
Aussi, face à cette situation jugée inacceptable, les syndicats, les salariés, les élus locaux n’ont pas tardé à réagir. Les revendications et manifestations se succèdent depuis cet été, car ce sont des centaines d’emplois qui peuvent être mis en péril dans notre département des Pyrénées-Atlantiques. Nous attendons de la part d’un géant du pétrole comme Total qu’il leur expose un plan de reprise clair avec des garanties concernant les emplois et le savoir-faire de ces salariés.
Par ailleurs, le groupe Total considère que le territoire d’intervention de TIGF est actuellement trop limité. Il est donc probable que le repreneur ait une aire d’intervention beaucoup plus vaste. Se poseront alors, bien évidemment, les questions consécutives à tout regroupement : restructuration, rationalisation des moyens et, par voie de conséquence, de fortes interrogations sur l’emploi.
De plus, la question de la pertinence d’un abandon de responsabilité d’une société française dans un domaine aussi stratégique que celui du transport et du stockage du gaz naturel peut se poser.
Monsieur le ministre, je vous demande donc ce que le Gouvernement projette pour faire face à cette menace de cession qui pénaliserait lourdement l’industrie béarnaise et risquerait de mettre en danger des centaines d’emplois. Il est resté silencieux sur ce sujet depuis cet été. Au regard des nombreuses problématiques liées à ce dossier, la question énergétique, la question de la sécurité industrielle et sociale, l’État doit jouer un rôle majeur et ne peut rester spectateur. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur Jean-Jacques Lasserre, vous évoquez en effet un dossier auquel le Gouvernement est très attentif et qu’il surveille de près, le dossier TIGF. Il s’agit d’une filiale à 100 % de Total, spécialisée dans le transport et le stockage de gaz, et dont le siège social, vous avez raison de le signaler, est situé à Pau. TIGF, qui emploie 500 personnes, est une entreprise extrêmement rentable qui fait aujourd’hui l’objet d’une opération d’abandon de la part du groupe Total, ce groupe souhaitant céder cet actif pour procéder à des opérations de désendettement.
En réponse, je dois vous indiquer que le Gouvernement est particulièrement attentif au sort de TIGF, compte tenu de ses missions et de ses obligations de service public, car conformément à l’article L. 121-32 du code de l’énergie, l’activité de transport et de stockage de gaz obéit à des obligations de service public. Cela conduit le Gouvernement à considérer que cette cession privée concerne l’intérêt public et national.
Y a-t-il des inquiétudes ? Oui ! Elles ont été exprimées à plusieurs reprises par de nombreux élus des Pyrénées-Atlantiques, M. Georges Labazée, président du département, Mme Frédérique Espagnac, Mme Martine Lignières-Cassou, M. David Habib, Mme Nathalie Chabanne, qui nous ont saisis comme vous le faites aujourd’hui, de manière transpartisane, de ces inquiétudes des personnels. Ceux-ci se demandent si des opérations de défaisance, de restructuration, auront lieu.
Où en sommes-nous s’agissant du processus de cession ? Depuis vendredi dernier, des lettres d’intention ont été déposées par plusieurs consortiums. Il y a plusieurs offres, françaises et étrangères, pour cette cession qui s’élève à plusieurs milliards d’euros. Avec Mme Delphine Batho, la ministre de l’énergie, nous sommes bien sûr particulièrement attentifs et souhaitons connaître les intentions de Total. Lorsqu’elles auront été transmises au Gouvernement, nous serons en mesure de vous donner de plus amples informations.
Le Gouvernement souhaite maintenir TIGF dans sa force, sa rentabilité, son implantation et sa puissance, mais aussi dans son niveau d’emploi. Il s’agit d’un point important pour la région dont vous êtes issu, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Aline Archimbaud applaudit également.)
financement des collectivités locales
M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Rebsamen. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
L’article 24 de la Constitution dispose que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh oui !
M. François Rebsamen. C’est pourquoi nous savons tous ici que les collectivités réalisent plus de 70 % de l’investissement public.
Après la déconfiture de Dexia, qui était leur principal financeur, les collectivités se sont heurtées à des difficultés grandissantes pour accéder au crédit. Cette situation est un frein à la croissance et à l’emploi.
Certes, le Gouvernement a pris des mesures d’urgence, comme le ministre de l’économie et des finances l’a annoncé récemment à Dijon, notamment le déblocage d’une enveloppe exceptionnelle de 5 milliards d’euros en 2012 sur les fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations. La Banque postale a décidé de son côté d’accorder des prêts aux collectivités pour un montant de 3 milliards d’euros. Toutefois, ces enveloppes portent sur des prêts de court et de moyen terme, nos collègues le savent bien.
Or, dans l’intérêt même de notre pays, les collectivités ont également besoin de financer des investissements structurants pour la croissance et l’emploi de notre économie. Ceux-ci nécessitent des financements sur une durée parfois supérieure à vingt ans. Aussi, monsieur le Premier ministre, ma question est assez simple : le Gouvernement envisage-t-il des mesures pour permettre ces investissements de long terme, et, si oui, lesquelles ? Merci de votre réponse ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Aline Archimbaud applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président François Rebsamen, vous mettez l’accent sur un problème très important pour la croissance et l’emploi dans notre pays. C’est la question centrale aujourd’hui. Le 6 novembre, j’ai annoncé le pacte pour la compétitivité, la croissance et l’emploi. Les collectivités locales contribuent fortement par leurs investissements à ces objectifs. Elles ont engagé des sommes très importantes, parfois dans des projets de proximité, mais aussi dans des investissements structurants.
Vous avez rappelé l’esprit qui préside à l’investissement des collectivités territoriales mais aussi la réalité de ce qu’il représente dans notre pays, plus de 70 % de l’investissement public. C’est dire à quel point, dans cette période, leur rôle est plus crucial que jamais.
La question du financement, je l’ai affrontée dès ma prise de fonctions. Tous les élus, et pas seulement dans les rapports qui m’étaient destinés, mais aussi tous ceux que je rencontrais, des collectivités locales les plus grandes comme des plus petites, m’ont alerté sur cette situation.
La crise de financement en investissement et en trésorerie des collectivités territoriales était, pour l’essentiel, due à la crise de Dexia, dont je ne vais pas ici développer les causes. Elle peut être qualifiée de navrante. Le Président de la République l’a évoquée brièvement devant le Congrès des maires, en rappelant que l’ancienne Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales, ou CAECL, l’ancien Crédit local de France a pris, à une époque, des décisions plus qu’aventureuses, je dirai même irresponsables, dont on paye aujourd’hui les conséquences.
En effet, il faut empêcher la faillite de Dexia, qui est maintenant une banque franco-belge. L’État belge comme l’État français devront, avec l’argent des contribuables, participer à payer la facture. Il faut rappeler la responsabilité de ceux ont pris ces décisions au cours des dernières années. Elle est effectivement lourde, elle est effectivement grave, et elle a des conséquences pour le financement de l’investissement des collectivités locales.
Vous l’avez rappelé, un crédit d’urgence de 5 milliards d’euros pour 2012, avec la Caisse des dépôts et consignations, a été décidé. Pour prendre la relève de Dexia, est en préparation, puisqu’un accord est intervenu avec la Belgique, lequel fait l’objet d’une négociation finale avec la Commission européenne, la future banque des collectivités locales, qui va s’appuyer sur la Banque postale avec le concours de la Caisse des dépôts et consignations. Son travail a déjà commencé.
Mais cela ne suffira pas. C’est pour cela que le Gouvernement a pris deux décisions très concrètes, évoquées par le Président de la République dans son intervention.
D’abord, la levée de 20 milliards d’euros – vous m’avez posé une question précise, je vous réponds précisément –, à partir des fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations. Cette somme sera destinée aux investissements structurants et de long terme des collectivités locales, pour la plupart sur plus de vingt ans. Cela concerne les transports publics, l’eau, l’assainissement, les travaux dans les équipements publics, en particulier scolaires, en matière d’isolation thermique. Cela concerne aussi un chantier très important, auquel vous êtes très attachés au Sénat,…
MM. Éric Doligé et Aymeri de Montesquiou. Le très haut débit !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. … puisque vous en avez même débattu au travers d’une proposition de loi : les investissements nécessaires pour accéder au haut débit sur tout le territoire, qui sont aussi une source de compétitivité et de croissance dans le numérique.
Donc, ces investissements seront financés. Concernant le numérique, je présenterai un plan d’ensemble dans quelques semaines.
Ensuite, le Président de la République l’a annoncé, le Gouvernement a donné son accord à la création d’une agence de financement des collectivités locales. Ce sont souvent les plus grandes d’entre elles, il est vrai, qui sont à l’origine de ce projet pour lever des fonds sur les marchés financiers sans que la garantie de l’État et des contribuables soit appelée. Ce dossier a été mûrement réfléchi, des expertises ont été réalisées, il fait l’objet d’un consensus. Les collectivités locales sont engagées, et, je le répète, le Gouvernement, le Président de la République l’a annoncé, a donné son accord.
Si l’on additionne tous ces dispositifs, à la fois de court, de moyen et de long terme, l’horizon pour le financement des collectivités territoriales s’est, je le crois, éclairci. C’est une nécessité, une question d’intérêt général. C’est le respect des décisions des élus de toutes ces collectivités territoriales, et vous l’avez rappelé à juste titre, monsieur le président François Rebsamen. C’est aussi un plus pour la croissance et l’emploi ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
insecticides agissant sur le système nerveux central des insectes
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Elle concerne la santé des abeilles. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
La surmortalité des abeilles et l’effondrement des colonies sont des phénomènes très préoccupants que l’on observe à l’échelon national…
Un sénateur du groupe UMP. Absolument !
M. Joël Labbé. … et à l’échelle de la planète.
Certaines familles de pesticides, les néonicotinoïdes et les phénylpyrazoles, sont clairement mises en cause par de nombreuses études. Ils relèvent d’une des classes d’insecticides agissant sur le système nerveux central des insectes. Ce type de pesticides dit « systémiques » est présent sur le marché de l’agrochimie depuis 1994.
Ces études démontrent la très forte toxicité du traitement des semences par enrobage des graines. Ce traitement entraîne un effet dit « à haute persistance », c’est-à-dire que le pesticide est diffusé dans toute la plante, et ce tout au long de sa vie. (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.)
Cependant, il est à noter que la plupart des études servant de base aux délivrances des autorisations de mise sur le marché se concentrent sur les doses létales de pesticides. Or des doses non létales, souvent faibles, peuvent avoir des conséquences catastrophiques pour les abeilles, l’effet létal étant alors indirect. C’est ce qu’a prouvé l’étude française publiée dans la revue Science le 29 mars 2012. La capacité de retour à la ruche est affectée, et il a ainsi été constaté une surmortalité très importante des abeilles, alors même qu’elles sont exposées à une dose pourtant cinq fois inférieure aux doses considérées comme mortelles.
L’évaluation des risques des pesticides doit donc nécessairement et systématiquement prendre en compte les effets létaux indirects dans le calcul de l’impact sur les pollinisateurs, ainsi que la toxicité chronique, larvaire et sublétale. Le 23 mai 2012, l’Autorité européenne de sécurité alimentaire, l’EFSA, a publié un avis scientifique sur la manière dont les pesticides devraient être évalués quant à leur impact sur les abeilles. Cette analyse démontre que les pesticides de la famille des néonicotinoïdes et des phénylpyrazoles n’ont jamais été correctement évalués et que, par conséquent, les autorisations de mise sur le marché ont été délivrées à partir d’évaluations erronées.
L’abeille est un vecteur de pollinisation indispensable à la biodiversité. (On imite le bruit du vol des abeilles sur quelques travées de l’UMP.) Elle joue un rôle écologique primordial pour la sécurité alimentaire et revêt un enjeu économique majeur. Sa valeur a d’ailleurs été estimée à 153 milliards de dollars par an. (Marques d’impatience sur les travées de l'UMP.)
Mais encore, bien au-delà de ces chiffres,…
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.
M. Joël Labbé. … l’abeille nous est d’une telle utilité irremplaçable que, si elle venait à disparaître de la planète,…
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. La question !
M. Joël Labbé. … l’homme n’aurait plus que quelques années à vivre, comme l’a proclamé Albert Einstein, qui était autant scientifique que philosophe. (Même mouvement.)
M. le président. Posez votre question, monsieur Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le ministre de l’agriculture, dans l’attente d’une réévaluation complète des néonicotinoïdes et des phénylpyrazoles selon les nouvelles lignes directrices de l’EFSA, comptez-vous suspendre les autorisations de mise sur le marché de ces produits en France, à commencer par le Cruiser sur les maïs, et ce afin de préserver les abeilles ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur Joël Labbé, au début de votre question, il m’a semblé entendre un murmure dans cette Haute Assemblée, d’ordinaire silencieuse, pour saluer le sujet que vous évoquiez, celui des abeilles.
Il est vrai que les abeilles sont – vous l’avez dit – un outil précieux pour la pollinisation, et il faut tout faire pour préserver cela.
M. Jean-Claude Gaudin. On est d’accord !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je précise au passage que la France consomme 40 000 tonnes de miel, en produit 18 000 tonnes et en importe 16 000 tonnes, en provenance notamment de Chine, pasteurisées et filtrées. J’invite donc chacun à mesurer l’effort que nous devons faire pour la production de miel en France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur plusieurs travées de l’UMP.)
Le ministre de l’agriculture a pris des décisions et un plan stratégique sera présenté au début de l’année prochaine, afin, précisément, de développer la production de miel et, surtout, les protections qui doivent être données aux abeilles.
Vous avez évoqué la famille des néonicotinoïdes. C’est un sujet que j’ai dû traiter dès mon arrivée au ministère de l’agriculture, après la parution d’une étude du magazine Science, d’ailleurs confirmée par l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES. J’ai été conduit à interdire le Cruiser, qui fait partie de cette famille, sur le colza.
Cela m’a d’ailleurs permis d’engager une discussion au niveau communautaire avec le commissaire de l’époque, M. Dalli, afin que l’EFSA réalise également une étude à l’échelle européenne sur l’ensemble de cette famille, compte tenu des conséquences mesurées du Cruiser sur le colza, fleur nectarifère, et de la possibilité que d’autres plantes puissent avoir des effets similaires sur les abeilles.
Comme vous l’avez souligné, la mortalité des abeilles est, chacun en convient, liée à des phénomènes multifactoriels ; il n’y a pas de facteur unique. Et, indépendamment de la question des abeilles, l’effort que nous devons faire est un effort pour réduire les recours globaux aux phytosanitaires, quelles que soient les productions. C’est un engagement qui a été pris.
Si, malgré le brouhaha, j’ai bien compris votre question, monsieur le sénateur, vous souhaitez savoir si j’interdirai les néonicotinoïdes ou, à tout le moins, s’il y aura un moratoire. Il n’y aura pas de moratoire tant que je ne disposerai pas des résultats des études.
J’ai pour principe – cela a été le cas d’ailleurs pour l’étude Séralini et pour celle relative au Cruiser – de prendre des décisions rapides à partir du moment où des résultats scientifiques me sont fournis. J’attendrai donc de connaître les conclusions de l’étude de l’EFSA ; je pousse au niveau de la Commission pour que l’étude soit menée et que l’on nous communique les résultats.
Des décisions ont été prises dans un certain nombre de pays sur le maïs ou sur le colza, selon les cas. Nous avons besoin d’harmoniser notre position à l’échelle européenne. Sachez que le ministre de l’agriculture tient aux abeilles ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur plusieurs les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
situation à gaza
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Pendant plusieurs jours, la population de la bande de Gaza a été soumise à d’intenses bombardements de l’aviation israélienne en représailles aux tirs de roquettes pratiqués par le Hamas et d’autres groupes armés.
Cette brutale exacerbation du conflit israélo-palestinien, les tirs de roquettes, d’un côté, et l’usage disproportionné de la force par le gouvernement israélien, de l’autre, ont déjà causé la mort de 5 Israéliens et de 155 Palestiniens, principalement des civils, dont des femmes et des enfants.
L’attentat qui a eu lieu hier à Tel-Aviv, et que je condamne également, montre bien les risques d’un engrenage. Ce n’est pas la violence qui assurera la sécurité d’Israël, ni la paix dans la région.
Un fragile accord de cessez-le-feu a été trouvé hier. C’est une très bonne nouvelle.
Monsieur le ministre, je sais tous les efforts diplomatiques que vous avez déployés pour contribuer à cette trêve (M. Rémy Pointereau s’exclame.), en vous rendant sur place la semaine dernière et en rencontrant les différents protagonistes engagés dans des pourparlers indirects, dans lesquels l’Égypte joue d’ailleurs un rôle essentiel, qu’il faut aussi saluer.
Mais une trêve n’est pas la paix ; elle ne saurait régler le fond du problème.
Le blocus de Gaza est maintenu. La colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est par le gouvernement israélien se poursuit, au mépris de nombreuses résolutions de l’ONU restées sans effet.
M. Aymeri de Montesquiou. Hélas !
M. Michel Billout. Car, au-delà de ces événements dramatiques, triste répétition de ce que l’on a déjà connu voilà quelques années avec l’opération « Plomb durci », on peut supposer que cet enchaînement de provocation et de répression n’a d’autre objet que de torpiller une solution à deux États, reconnus par la communauté internationale. Il s’agit là d’un point sur lequel le Hamas et le gouvernement israélien sont en parfait accord.
C’est pourtant désormais la seule voie pour mettre fin à ce conflit de plusieurs décennies, une solution fondée sur la sécurité d’Israël et le droit des Palestiniens à disposer d’un État dans les frontières de 1967.
C’est tout le sens de l’initiative que prendra l’Autorité palestinienne le 29 novembre prochain, lorsque le président Mahmoud Abbas présentera une résolution devant l’Assemblée générale des Nations unies tendant à accorder à la Palestine le statut symbolique d’État non-membre.
D’où ma question, monsieur le ministre. Le face-à-face auquel la communauté internationale a contraint les Palestiniens et les Israéliens, appelé « processus de paix », a totalement échoué. Désormais, seule une reconnaissance internationale d’un État palestinien permettrait d’avancer dans le règlement de ce conflit en reprenant les négociations dans un nouveau cadre. Pouvez-vous me préciser la position qu’adoptera la France lors du vote de cette résolution, au moment où, selon un sondage, une grande majorité de Français souhaitent que Paris soutienne l’initiative palestinienne ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE. – M. Aymeri de Montesquiou applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, tout d’abord, il faut, comme vous l’avez fait, saluer la bonne nouvelle que constitue le cessez-le-feu intervenu hier en fin d’après-midi entre Israël et le Hamas.
J’ai eu l’occasion de m’entretenir par téléphone ce matin même avec mon homologue égyptien, et j’ai salué l’importance de la contribution de l’Égypte dans ce qui n’est qu’un cessez-le-feu, mais qui est un cessez-le-feu. J’ai également pris contact avec nos partenaires israéliens pour approuver, puisque j’avais eu l’occasion de les rencontrer dimanche, le geste qui a été fait par Israël.
C’est une bonne nouvelle et, en même temps, – vous l’avez souligné – c’est une nouvelle fragile. (Mme Annie David opine.)
En effet, d’autres discussions vont s’engager dans les heures qui viennent. De son côté, Israël demande, et c’est légitime, que les tirs de roquettes ne reprennent pas et qu’il n’y ait pas – c’est la responsabilité de l’Égypte – de nouveaux afflux d’armes ; l’Égypte devra donc contrôler ce qui sera fait non seulement par le Hamas, mais aussi par tous les autres groupes. Symétriquement, il est demandé qu’il y ait un desserrement du blocus.
Telles sont les discussions qui sont devant nous. La France a indiqué à ses partenaires qu’elle était disponible pour apporter son aide. Voilà où nous en sommes.
Vous posez la question plus générale de la paix.
Vous m’interrogez ainsi sur la résolution qui sera probablement déposée dans les jours à venir et qui, si c’est le cas, devrait faire l’objet d’un vote jeudi prochain. On peut discuter sur l’opportunité de déposer une résolution à cet instant. Mais si une résolution est déposée, il faudra bien que nous nous prononcions. Nous sommes en discussion avec, évidemment, les Palestiniens, ainsi qu’avec nos partenaires européens.
Je puis vous indiquer une direction. C’est d’ailleurs l’option qui est retenue depuis très longtemps par les principaux partis politiques français.
Lorsque le gouvernement précédent avait été saisi de la question de savoir si la Palestine devait entrer à l’UNESCO, un vote favorable avait été émis. Et le gouvernement actuel inscrit son action dans la perspective de l’engagement n° 59 du candidat François Hollande, aujourd'hui Président de la République, en faveur d’une reconnaissance internationale de l’État palestinien.
Voilà où nous en sommes, voilà l’état des discussions.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce dont il s’agit c’est de réaffirmer la position de la France. La France est l’amie d’Israël et du peuple palestinien. La cause qu’elle défend est celle de la paix, qui implique la sécurité d’Israël et le droit des Palestiniens à disposer d’un État viable, démocratique, pacifique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur plusieurs travées de l’UMP. – MM. Aymeri de Montesquiou et Vincent Capo-Canellas applaudissent également.)
égalité des territoires