Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, par cette proposition de loi, notre collègue Alain Richard nous propose un simple ajustement de la loi de réforme des collectivités territoriales de décembre 2010, contre laquelle, dois-je le rappeler, l’ensemble des sénateurs de gauche s’étaient dressés.
Chacun sait combien cette réforme a joué un rôle essentiel dans le basculement à gauche de la Haute Assemblée,…
M. Hervé Maurey. Ça, c’est vrai !
M. Christian Favier. … tant son orientation recentralisatrice et son contenu étaient rejetés, et restent contestés par une majorité d’élus locaux.
Pour notre part, nous n’avons jamais cessé de demander l’abrogation de ce texte et avons même déposé une proposition de loi à cette fin, en parfait accord avec les propos du président Jean-Pierre Bel qui, vous vous en souvenez, déclarait dans son allocution du 11 octobre 2011 : « La réforme territoriale doit être abrogée et entièrement repensée. Une réforme est à l’évidence nécessaire, comme je l’ai entendu dire en bien des endroits. Mais celle-ci est allée, je le crois, dans le mauvais sens. »
En cohérence avec cette déclaration, il convient, selon nous, de ne pas poursuivre dans cette mauvaise direction ni même de simplement corriger à la marge un mauvais texte. Or force est de constater que la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est loin de répondre aux objectifs définis par le président de notre assemblée.
Les dispositions de ce texte pourraient même apparaître comme autant de mesures permettant d’atteindre plus aisément un des objectifs majeurs de cette réforme de 2010 : je veux parler de l’achèvement à marche forcée de la carte intercommunale, dans le but non avoué, mais bien réel, de réduire massivement le nombre des communes que compte notre pays.
En effet, chacun sait que trente-trois départements ne sont toujours pas parvenus à un accord sur le schéma départemental de coopération intercommunale et que, dans les départements qui en ont adopté un, de nombreux points de blocage subsistent, pour diverses raisons. Il semble même qu’en certains endroits les tribunaux administratifs aient été saisis.
Je profite d’ailleurs de ce débat pour adresser au Gouvernement une demande que nous avions déjà transmise à son prédécesseur : nous souhaitons qu’un état précis de l’avancement de ces schémas nous soit remis, ainsi qu’une note synthétique répertoriant les principaux points qui bloquent leur adoption et leur mise en œuvre.
Un tel document nous semble absolument nécessaire pour éclairer notre assemblée dans la perspective des réformes annoncées par le Gouvernement. En effet, comme le note notre rapporteur, « l’application de cette loi a été génératrice de blocages et de réticences ».
Dans son rapport, notre collègue dresse également la liste des grandes difficultés que soulève l’intercommunalité : le calendrier de mise en œuvre, les incertitudes liées à l’exercice de certaines compétences de proximité, ainsi que celles qui tiennent aux principes régissant la composition des conseils communautaires et le nombre de vice-présidents.
C’est pour tenter de remédier à ces problèmes que notre collègue Alain Richard a déposé ce texte. Il s’agit donc, non pas de modifier véritablement la loi de 2010, mais de lever les blocages qui font obstacle à son application.
Dans ces conditions, comment pourrions-nous soutenir ces dispositions, alors que nous sommes favorables à l’abrogation même de cette loi que nous avons combattue et dont nous contestons toujours l’esprit et la lettre ?
Permettez que nous nous rappelions, ici, les débats sur cette loi dite « de réforme des collectivités territoriales ».
L’article dont vous modifiez quelques alinéas, et qui est devenu l’article 9 de cette loi, fut sans doute l’un des plus discutés. Des opinions divergentes se sont exprimées à son endroit au sein même des groupes. Il a d’ailleurs fallu que l’Association des maires de France mette tout son poids dans la balance en inspirant un amendement, lequel fit lui-même débat.
Cette modification permettrait aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération de définir, par accord majoritaire, le nombre de sièges de leur assemblée délibérative en relevant le plafond de la dérogation de 10 % à 25 %.
Pour notre part, nous nous étions opposés aux règles de plafonnement. Deux principes dictaient alors notre position ; ils demeurent pour nous intangibles.
D’une part, les intercommunalités devant être considérées comme des outils de gestion et de coopération mis en place par les communes, le principe de libre administration que leur garantit la Constitution les laisse libres des moyens à déployer pour mettre en œuvre les compétences qui leur sont dévolues.
D’autre part, le principe de confiance envers à la fois les élus locaux et les électeurs doit prévaloir. Les uns n’ont pas l’habitude de faire n’importe quoi et les autres de laisser faire n’importe quoi.
Aussi, le peu de souplesse supplémentaire qui est apporté par ce texte, faisant passer le droit à dérogation du nombre de conseillers communautaires de 10 % à 25 % du nombre défini dans le tableau figurant au III de l’article 9, ne change pas vraiment les choses. Sans doute répond-il simplement à des demandes locales et permet-il de trouver un accord ici ou là.
Toutefois, la libre administration et la confiance ne sont toujours pas au rendez-vous. Nous le regrettons d’autant plus que, parmi les multiples déclarations, parfois contradictoires, que l’on entend dans les rangs de la majorité gouvernementale, il semble que ne soit plus envisagée l’abrogation de cette réforme de 2010, pourtant emblématique de l’ancien pouvoir, mais surtout contraire à une vraie décentralisation en ce qu’elle vise à mettre au pas l’ensemble des élus locaux et à créer les conditions d’une disparition programmée des communes et des départements.
Nous savons pourtant que, sur les travées de notre assemblée, à gauche et parfois même au-delà, cette exigence demeure.
L’incompréhension, l’inquiétude et la colère de l’immense majorité des élus locaux face à cette réforme – les états généraux de la démocratie territoriale en ont donné une nouvelle preuve – et à la fragilité financière de leurs collectivités doivent, à notre avis, nous conduire à trouver aujourd’hui un autre débouché politique. Celui-ci doit porter le souffle de la réforme, du progrès social et démocratique, en plaçant la réponse aux besoins et aux attentes de la population au centre de ses objectifs, comme avaient su le faire, voilà trente ans, les lois Defferre, qui tendaient à renforcer les droits et libertés des communes, départements et régions.
Mme Nathalie Goulet. Vous ne les avez pas votées !
M. Christian Favier. Dans cette attente, et parce que nous avons la volonté politique de tout faire pour rendre possible cette orientation et renouer ainsi avec l’espoir d’un vrai changement, nous ne voterons pas contre cette proposition de loi. Malgré ses limites, nous nous abstiendrons pour prouver notre ouverture à des réformes futures, en espérant qu’elles seront, cette fois, bien plus ambitieuses. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, mes propos n’iront pas dans le sens de ceux de l’orateur précédent : je considère en effet que, s’il est un aspect de la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 qui n’a pas suscité d’opposition irréductible au sein du Parlement, c’est bien celui qui concerne l’intercommunalité.
Mme Éliane Assassi. Si, la nôtre !
M. Yves Détraigne. Beaucoup s’en souviennent ici, j’étais le membre de la commission mixte paritaire dont le vote était susceptible de faire pencher d’un côté ou de l’autre le sens de cette loi. (Marques d’approbation sur plusieurs travées.)
Mme Nathalie Goulet. Oui !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ce fut mémorable ! (Sourires.)
M. Yves Détraigne. Sur la question de l’intercommunalité, en commission mixte paritaire, il ne restait qu’un point à régler, celui de la date limite de publication des arrêtés préfectoraux de création des nouvelles intercommunalités. Pour une assemblée, ce devait être le 1er mars 2013, pour l’autre, le 30 juin 2013. En un peu moins d’une minute, nous avons transigé et retenu la date du 1er juin 2013… Il n’y avait donc pas de véritable difficulté sur le dispositif relatif à l’intercommunalité !
Le quasi-consensus entourant la réforme de l’intercommunalité a été bon an mal an confirmé par les travaux menés dans chaque département par les commissions départementales de la coopération intercommunale. En effet, à la fin de l’année 2011, dans les deux tiers des départements, un accord sur un schéma départemental avait été trouvé. Ce n’est donc qu’avec prudence, me semble-t-il, que nous devons toucher aux dispositions en vigueur sur la mise en œuvre de ces schémas de coopération intercommunale.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans cette démarche. Sans remettre en cause les principes que nous avons introduits dans la loi pour faciliter l’élargissement, parfois très important, des intercommunalités, tout en évitant de transformer certaines assemblées en « armées mexicaines », elle vise à prévenir d’éventuels blocages, d’une part, sur la répartition des sièges dans les conseils communautaires, notamment quand une commune domine très nettement les autres par sa population, d’autre part, dans la composition de leurs bureaux. Il s’agit d’autoriser, le cas échéant, l’augmentation de 25 % du nombre de conseillers communautaires et de 30 % du nombre de vice-présidents, tout en restant dans la limite de quinze vice-présidents, ce qui permet d’assurer la nécessaire cohésion de l’exécutif et d’éviter d’attribuer des délégations purement formelles, pour ne pas dire parfois fictives. Nous avons tous quelques exemples en tête.
Je précise toutefois qu’avec mes collègues centristes de la commission des lois nous avons déposé un amendement tendant à limiter à 20 %, au lieu de 25 %, le nombre de sièges supplémentaires pouvant être créés dans le cadre d’un accord local.
En ce qui concerne la composition des exécutifs, certes, il n’est plus envisageable aujourd’hui, contrairement à ce qui a pu se produire dans un certain nombre d’intercommunalités à leurs débuts, de constituer un bureau où chaque commune disposerait automatiquement d’un poste de vice-président. Lorsqu’une communauté d’agglomération, par exemple, est constituée d’une ville-centre qui dispose pratiquement de la moitié des sièges au conseil communautaire et d’une vingtaine, voire d’une trentaine de communes périphériques dont la plupart ne disposent que d’un siège, il serait déraisonnable – même si cela se voit encore aujourd'hui – de prévoir un poste de vice-président pour chaque commune. À l’inverse, il est nécessaire que chaque secteur géographique de cet ensemble, surtout s’il présente des spécificités ou constitue un territoire à enjeu particulier, puisse être représenté au sein de l’organe exécutif.
Il s’agit donc là d’un compromis acceptable entre ces deux impératifs.
Je me réjouis également que la commission des lois ait inscrit dans la proposition de loi le principe du plafonnement de l’enveloppe budgétaire dédiée au versement des indemnités de fonction. Il faut, en effet, entendre les critiques qui sont souvent émises sur l’impact financier, parfois important, de la généralisation de l’intercommunalité et les observations qui dénoncent les doublons perdurant plusieurs années après la création d’une intercommunalité entre services communaux et services intercommunaux et, surtout, les surcoûts que cela entraîne pour les finances publiques.
Au regard de la situation économique et financière de notre pays, et tout particulièrement de ses collectivités territoriales, il est très important que nous veillions à contenir les charges de fonctionnement des collectivités et que nous ayons pour objectif d’optimiser, sur le plan financier comme sur le plan de son efficacité, le couple communes-intercommunalité.
Sur ce point, je rappelle que, aux termes de la loi du 16 décembre 2010, dans l’année suivant le renouvellement des conseils municipaux, les présidents d’intercommunalité à fiscalité propre devront établir un projet de schéma de mutualisation entre les services de l’EPCI et ceux des communes membres. Comme cela a été rappelé lors d’un colloque organisé voilà deux mois par l’Association des maires de France et l’Assemblée des communautés de France, il s’agit d’un « enjeu majeur » pour nos collectivités.
Je souhaite donc que les mesures contenues dans cette proposition de loi permettent la mise en route dans les meilleures conditions des nouvelles intercommunalités sur l’ensemble du territoire et que, passé le temps des débats sur leur mise en place et l’installation de leurs exécutifs, celles-ci se mettent au travail pour assurer le meilleur service au meilleur coût à leurs populations.
Enfin, je regrette que la proposition de loi ne prévoie pas la possibilité, pour un délégué communautaire ayant une délégation sans être vice-président, de bénéficier d’une indemnité s’inscrivant dans l’enveloppe globale – notre rapporteur a elle-même formulé une remarque à ce sujet. J’avais d’ailleurs, dès 2006, interrogé le gouvernement de l’époque sur cette question.
Je salue donc la proposition de loi visant à faciliter l’exercice par les élus locaux de leur mandat que viennent de déposer nos collègues Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur, à la suite, notamment, des observations émises lors des états généraux de la démocratie territoriale. Je ne doute pas que ce texte, associé à la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, confortera la démocratie locale, car c’est bien de cela qu’il s’agit. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, de l'UMP et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vaut plus par ce qu’elle ne dit pas que par ce qu’elle dit. Les dispositions qu’elle contient se voulant consensuelles et propres à recueillir une majorité dans notre assemblée, elle se contente de modifier à la marge une législation qui, pourtant, au mois de décembre 2010, était vraiment loin de faire consensus. C’est probablement ce que l’on appelle le changement...
Ce que ce texte oublie, et qui constituait une partie essentielle de la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur et Alain Richard et votée par le Sénat voilà juste un an, c’est particulièrement le nouvel équilibre des pouvoirs alors institué entre le préfet et la CDCI dans le processus d’élaboration, puis de mise en œuvre du schéma départemental de la coopération intercommunale. Or, si l’épisode « schéma départemental » est largement derrière nous, il en est un autre qui est devant nous : la mise en application des dispositions dudit schéma. Cette opération pourrait être au moins aussi « sportive » que la précédente ! (Sourires.)
J’avais espéré que le texte adopté par le Sénat au mois de novembre 2011 serait inscrit à l’ordre du jour de l'Assemblée nationale ou au moins partiellement repris dans un texte du Gouvernement. Apparemment, il n’en sera rien, et je pressens que nous devrons nous contenter de propositions de loi Pélissard bis, ter, quater … – autant que de besoin ! – pour corriger à la marge et au fil des problèmes qui se poseront la loi de décembre 2010. On finit d’ailleurs par se demander pourquoi, au conseiller territorial près, cette loi a suscité tant de critiques à gauche !
La proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise va dans le bon sens, celui de la liberté des communes de décider, à la majorité qualifiée, des modalités qu’adoptera la communauté dont elles sont membres, s’agissant du nombre de leurs délégués et des vice-présidents.
Cette liberté est très encadrée puisque l’augmentation des membres des conseils est limitée à 25 % du nombre de sièges autorisé par la loi de 2010 et que les vice-présidents ne pourront être plus de quinze, le texte de la commission réintroduisant d’ailleurs ce plafond qui ne figurait pas dans la proposition de loi initiale.
Évidemment, cette liberté s’exercera à enveloppe indemnitaire constante, les collectivités devant, comme on sait, « contribuer à l’effort de redressement des finances publiques », même si elles sont en rien responsables de la dégradation de celles-ci.
C’est ce qu’on appelle « faire confiance à l’intelligence des territoires » ! Parce que je crois – et, si je ne m’abuse, c’était déjà l’opinion de Jean-Pierre Sueur en 1992 – qu’il y a moins d’inconvénients à s’y résoudre qu’à imposer des règles qui auront, elles aussi, n’en doutez pas, leurs inconvénients, je défendrai un amendement rétablissant la liberté de décision des communes en matière de représentation lorsqu’elles sont d’accord entre elles. Je n’ai pas d’illusion quant au résultat, mais je tiens à réaffirmer le principe selon lequel l’intercommunalité est d’abord un contrat entre communes et non une collectivité territoriale de plus.
Pour le reste, la proposition de loi comporte deux dispositions bienvenues : d'une part, l’institution d’un délégué suppléant au profit des communes qui avaient peu de délégués, ce qui, je le dis par parenthèse, réintroduit par la fenêtre une forme de liberté dans la fixation des effectifs qui a été chassée par la porte ; d'autre part, la reprise d’une disposition de la proposition de loi Sueur-Richard précisant les modalités de suppression des syndicats de communes et syndicats mixtes lors du processus de rationalisation de la carte intercommunale.
En vertu de cette dernière disposition, il ne sera obligatoire de supprimer ces EPCI, ou de modifier leur périmètre, que si les compétences qui leur ont été transférées peuvent être exercées par des EPCI à fiscalité propre dont les périmètres et les compétences ont été définis. Actuellement, en cas de suppression d’un syndicat de communes ou d’un syndicat mixte, soit l’EPCI à fiscalité propre assume la compétence auparavant exercée par le syndicat, et donc, de proche en proche, est amené à concentrer l’essentiel des compétences des communes, soit, si l’EPCI à fiscalité propre refuse d’assumer l’ancienne compétence du syndicat, celle-ci revient aux communes, alors même qu’elles avaient jugé préférable de s’associer pour l’exercer.
Le RDSE votera donc cette proposition de loi homéopathique. (Applaudissements sur les travées du RDSE ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons à nous prononcer pour la troisième fois en un peu plus d’un mois sur un texte concernant les collectivités territoriales. De deux choses l’une : soit nous prenons le temps de réfléchir collectivement, au sein de nos commissions et dans nos régions, à la meilleure manière d’organiser nos territoires, et nous préparons, en collaboration avec le Gouvernement, une réforme équilibrée et réaliste ; soit nous continuons de multiplier les lois factuelles, les lois « de niche », ne comprenant que quelques articles et ne modifiant que quelques dispositions du code général des collectivités territoriales.
Le motif avancé pour justifier cette nouvelle proposition de loi est que les intercommunalités doivent choisir leur mode de représentation au premier semestre de 2013, en vue des élections de 2014. Il est vrai que cela ne nous laisse qu’une marge de manœuvre peu importante pour opérer une réforme en profondeur des collectivités territoriales au début de l’année 2013. Mais devons-nous nous laisser dominer par le calendrier au risque de produire des normes peu ambitieuses ?
Le Sénat est pourtant censé être une assemblée de sages ayant arrêté depuis longtemps de poursuivre les lièvres pour préférer l’assurance tranquille de la tortue, sûre d’elle car protégée de l’angoisse par sa carapace.
Qui plus est, le projet de loi de réforme de la démocratie territoriale, que nous aurons bientôt à examiner, pourrait prévoir le régime transitoire envisagé dans la présente proposition de loi.
Vous l’aurez compris, les écologistes n’étaient pas favorables au dépôt de cette proposition de loi, car sa forme, son étendue et sa portée nous semblent contraires à l’esprit d’un travail clair et lisible pour l’ensemble de nos concitoyens.
Cependant, sur le fond, nous saluons la liberté qui est laissée aux communes de fixer leur barème de représentation dans les limites d’une augmentation de 25 %. Cette disposition peut atténuer le choc qu’est vouée à créer la loi de 2010 en matière de représentation des communes au sein des EPCI. La possibilité d’augmenter le nombre des vice-présidents afin de représenter toutes les sensibilités me semble également de nature à satisfaire un grand nombre de conseillers communautaires.
J’ajoute que ces modifications se feront à enveloppe financière constante. C’est heureux, car l’époque ne nous pardonnerait pas d’augmenter le coût des élus pour la nation. Il est déjà suffisamment difficile d’expliquer à nos concitoyens que certains d’entre nous veulent continuer de cumuler leur mandat exécutif local et leur travail de parlementaire ! Comment, alors, pourrions-nous leur expliquer que nous augmentons les rémunérations des conseillers communautaires ?
Nous regrettons toutefois que le mode de désignation des représentants des communes au sein des EPCI ne fasse pas l’objet d’une discussion approfondie. Nous souhaitons que ces représentants soient élus au suffrage universel direct par un scrutin de liste, car c’est le seul moyen de préserver la parité et d’assurer une représentation plus équilibrée des différents courants de pensée.
Ce mode d’élection permettrait en outre de faire émerger de véritables projets politiques pour le territoire. C’est ainsi et seulement ainsi qu’un EPCI ne sera plus une réunion d’intérêts de collectivités mais une collectivité d’intérêts.
Je renouvelle donc mon appel à une réflexion en profondeur sur une réforme des EPCI qui passerait par l’élection au suffrage universel direct des représentants des communes, de manière que nos concitoyens et concitoyennes puissent enfin se reconnaître dans leurs intercommunalités.
En dépit des regrets que je viens d’exprimer, nous défendrons deux amendements sur cette proposition de loi, afin qu’elle respecte certains principes fondamentaux des écologistes. Le premier amendement a trait à la parité. Le second, porté par nos collègues François Patriat et Jean-Vincent Placé, vise à supprimer une formulation relative au référendum local permettant la fusion d’une région et de ses départements. En effet, cette formulation est trop restrictive et son maintien conduirait à un déni de démocratie.
Mme la présidente. La parole est à M. René Vandierendonck.
M. René Vandierendonck. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi déposée le 10 septembre 2012 par notre collègue Alain Richard répond d’abord aux difficultés très concrètes d’application de la réforme territoriale de 2010, dont les objectifs sont assez partagés dans l’hémicycle, mais dont la mise en œuvre à marche forcée trahit une absence de confiance envers la négociation locale.
Faisant écho au mécontentement et aux demandes des élus locaux, le Sénat avait adopté dès le 4 novembre 2011, soit peu après son renouvellement, une proposition de loi déposée par Jean-Pierre Sueur, qui visait à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale. Après s’être, dans un premier temps, opposé à cette proposition de loi, le gouvernement de l’époque, tenant compte des problèmes soulevés par la réforme territoriale, a inscrit à l’ordre du jour une proposition de loi déposée par le député Jacques Pélissard, actuel président de l’Association des maires de France, qui se réunit en ce moment même. Cette proposition de loi reprenait une grande partie des sujets abordés dans le texte de Jean-Pierre Sueur. Il s’agissait notamment de maintenir les mandats électifs intercommunaux en cours jusqu’au renouvellement de 2014, et de laisser subsister les syndicats spécialisés dont les missions ne peuvent pas aisément être intégrées aux compétences des EPCI ; cette dernière disposition, qui a été longuement débattue, concerne en particulier la santé et l’action sociale.
La loi visant à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale a été promulguée le 29 février 2012. Cependant, deux mesures préconisées par le Sénat pour faciliter les transitions dans les intercommunalités réorganisées n’ont pas été intégrées dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, faute d’accord politique entre les deux chambres, alors même que lesdites mesures – Alain Richard l’a rappelé – n’impliquaient aucune augmentation d’enveloppe budgétaire. La première portait sur le nombre maximal de sièges des assemblées intercommunales, la seconde, sur le nombre maximal de vice-présidents. Dans les deux cas, il s’agissait d’atténuer la baisse drastique du nombre d’élus.
Comme nous nous y étions engagés, ces deux mesures sont reprises dans la présente proposition de loi. Elles visent à assouplir les dispositions beaucoup trop restrictives de la loi de décembre 2010 concernant la représentation des communes au sein des conseils délibérants et des bureaux des communautés de communes et d’agglomération.
Des amendements adoptés par la commission des lois ont utilement complété la proposition de loi, introduisant davantage de souplesse en ce qui concerne les règles de suppléance – sur proposition de Mme la rapporteur – et les orientations fixées au schéma départemental de coopération intercommunale – sur proposition de Pierre-Yves Collombat. Notre excellent collègue Jean-René Lecerf présentera en outre tout à l'heure un amendement relatif à la répartition, à enveloppe constante, des indemnités au sein de l’exécutif intercommunal.
La présente proposition de loi constitue donc une nouvelle avancée en vue de l’achèvement de la carte intercommunale dans des conditions adéquates, avant le renouvellement de mars 2014. Cette proposition réintroduit le dialogue local et la souplesse dans la désignation des membres des instances communautaires, afin que celles-ci reflètent – j’insiste sur ce point – l’ensemble des composantes du territoire intercommunal.
Les états généraux de la démocratie territoriale ont donné lieu à de nombreuses contributions d’élus locaux, recensant leurs attentes et leurs propositions pour renouveler et moderniser l’organisation politique et administrative française. Rappelons-nous que les participants ont particulièrement mis en avant la nécessité d’améliorer le fonctionnement des assemblées locales.
Outre la suppression du conseiller territorial et le souhait de voir renforcer les droits de l’opposition dans les assemblées municipales et intercommunales afin que le débat y soit plus démocratique, les élus locaux – de tous bords politiques – ont été nombreux à demander une plus forte représentation des « petites » communes dans les intercommunalités. Ils ont exprimé la crainte que, avec un seul délégué, les plus petites villes ne puissent pas être représentées dans toutes les instances – bureau et commissions du conseil communautaire, notamment – et que, en conséquence, leurs délégués ne soient pas en mesure de participer effectivement à la prise de décision au sein de l’intercommunalité.
Or la réforme territoriale de décembre 2010 a fixé un cadre trop rigide, qui laisse peu de place à l’accord local et ne permet pas de prévoir une représentation politique qui reflète le poids démographique des communes. En apportant des correctifs à cette réforme, la présente proposition de loi vise à garantir une meilleure représentation des communes les moins peuplées et à restaurer l’indispensable part de négociation entre les communes membres. Cette négociation est nécessaire si nous voulons que l’intercommunalité soit aussi, et j’oserai dire d'abord, l’adhésion à un projet partagé.
Je salue donc ces dispositions, qui traduisent la recherche d’une plus grande cohérence, d’une meilleure efficacité du fonctionnement et du développement des territoires intercommunaux et d’une amélioration de la représentation de l’ensemble des communes au sein de l’organe délibérant de l’EPCI. Ces assouplissements renforcent également la place des petites communes et favorisent la prise en compte de leurs problématiques spécifiques dans le travail de coproduction d’un projet de territoire à l’échelle intercommunale.
Nous pouvons maintenant mesurer – un certain nombre de nos collègues ont le recul suffisant – les progrès réalisés par l’intercommunalité ces dernières années. Rien ne peut se faire en matière d’amélioration de la gestion des services publics, de développement d’équipements publics d’intérêt intercommunal, notamment en milieu rural, ou de mise en cohérence territoriale des grandes politiques de développement économique, d’habitat, de la ville, sans un recours accru à l’intercommunalité.
Enfin, madame la ministre, nous avons devant nous le chantier des finances publiques. À l’occasion de l’acte III de la décentralisation, nous devons travailler sur la revendication des territoires au sujet de l’ingénierie territoriale, et en particulier sur la mutualisation des moyens financiers et humains rendue possible par un recours accru à l’intercommunalité, quand l’équilibre des responsabilités suscite une réelle adhésion.
En conclusion, je souhaite saluer, à quelques instants de la prise de parole du Président de la République devant les maires réunis au congrès de l’AMF, l’initiative prise, sans attendre, par le président du Sénat, de demander à Jacqueline Gourault et à Jean-Pierre Sueur de réfléchir sur les deux doléances principales – n’ayons pas peur des mots ! – ressorties des états généraux de la démocratie territoriale. Cela s’est traduit par le dépôt d’une proposition de loi visant à faciliter l’exercice par les élus locaux de leur mandat et d’une proposition de loi, d’ailleurs complémentaire de celle de notre collègue Éric Doligé, portant création d’une Haute autorité chargée du contrôle des normes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE – M. Yves Détraigne applaudit également.)