Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, être fidèle à l’esprit, à l’inspiration, à la force de la décentralisation, donner, une fois de plus, des libertés, des capacités d’initiative aux collectivités locales : tel est le sens de cette nouvelle proposition de loi, que nous examinons aujourd’hui après tant d’autres propositions et projets de loi.
Je tiens à mon tour à remercier très sincèrement Alain Richard de nous avoir présenté ce texte, qui s’inscrit dans une voie sur laquelle nous sommes nombreux à cheminer depuis quelques décennies.
Je le remercie d’avoir bien voulu reprendre des articles qui n’avaient pas pu donner lieu, à l’époque, à un accord avec M. Pélissard, président de l’Association des maires de France, avec qui nous avions dialogué de manière positive, je tiens à le dire ici, pour faire aboutir le précédent projet de loi relatif à ces questions.
J’ajouterai les remerciements dus à Mme Virginie Klès, qui a bien voulu préparer et rédiger son rapport rapidement, de manière, madame la ministre, que ce texte soit voté – grâce, je l’espère, à la bienveillante attention de l’Assemblée nationale –dans les meilleurs délais, et cela pour des raisons simples et pratiques.
Ce débat me donne l’occasion de revenir sur le succès des communautés de communes et d’agglomération.
Lorsqu’il m’avait été donné, en 1991 – cela fait un certain temps, monsieur Mézard (Sourires.) –, de venir à cette tribune pour présenter le projet de loi relatif à l’administration territoriale de la République, qui allait créer les communautés de communes, je dois dire que je n’avais pas perçu un véritable enthousiasme sur l’ensemble des travées, ni même au sein de divers partis politiques.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est fini, la réforme ! (Sourires sur les travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il faut que nous continuions à méditer la question suivante, qui me semble importante : pourquoi y a-t-il eu un tel succès des communautés de communes dans notre pays ? La loi du 6 février 1992 a permis d’autres innovations : la création des communautés de villes, qui n’eurent pas de succès, si l’on excepte toutefois quelques précurseurs courageux, dont Michel Crépeau.
Je rappelle que, en l’absence de toute contrainte venant du haut, en 2007 ou 2008, 92 % des communes de France avaient choisi d’être en communauté. Le mouvement a donc pris une belle ampleur. Pourquoi ?
Premièrement, parce que nous avions dit que nous respecterions les communes. Toutes les tentatives antérieures de fusions de communes ou d’associations de communes se sont traduites par le succès que l’on sait… Et j’emploie là, madame la ministre, le mot « succès » dans le sens qu’il avait au XVIIe siècle, à savoir que le succès d’une entreprise peut tout aussi bien signifier son échec que ce que nous appelons aujourd’hui le succès. Ainsi vont les mots…
De fait, tous les procès selon lesquels l’intercommunalité porterait atteinte à la réalité communale se sont révélés infondés. De nombreuses communes ont ainsi trouvé une voie efficace pour mettre en œuvre de bonnes coopérations. En effet, que peuvent faire, seules, les communes de 200, 1 000 ou 1 500 habitants, pour lesquelles nous avons un infini respect, en matière de stratégie de développement économique, de gestion de l’environnement ou des transports ?
Deuxièmement, nous avions dit que nous respecterions la liberté des communes. Dans tous les cas, les communes ont choisi librement de se regrouper, selon des périmètres qu’elles ont elles-mêmes définis.
Je n’oublie pas le rapport d’un président de la Cour des comptes, qui nous a malheureusement quittés et pour qui nous avions tous, j’en suis sûr, beaucoup de respect ; je veux bien sûr parler de Philippe Séguin. Celui-ci m’avait expliqué en substance que tous ces périmètres étaient irrationnels. Je lui avais répondu qu’il avait sans doute raison mais que, si la loi du 6 février 1992 avait prévu qu’il revenait au représentant de l’État – et vous savez, madame la ministre, tout le respect que nous avons pour les représentants de l’État – de définir les périmètres et d’organiser des regroupements rationnels, les conséquences eussent été toutes différentes.
Bien sûr, il y a eu des présupposés, des sous-entendus, des questions de connivence. Certes ! Mais l’histoire avance, et finalement, elle a avancé de telle manière que nous avons procédé, dans le Morbihan, en juillet 1992, au baptême républicain de la première communauté de communes de France et célébré, en juillet dernier, son vingtième anniversaire. Pendant ces vingt années, le modèle des communautés s’est étendu.
Nous tenons tous à ce que l’État joue son rôle. La décentralisation, ce n’est pas l’addition des égoïsmes locaux.
Mme Nathalie Goulet. Ça dépend !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La décentralisation, ce doit être une manière de gérer mieux et, comme l’a dit à l’instant l’auteur de la proposition de loi, de façon plus rigoureuse, au service de la République. La décentralisation n’est pas la négation de l’État, c’est la négation d’un État qui voulait tout faire et qui, donc, n’était plus efficace.
Nous, nous sommes pour un État fort, exerçant pleinement ses prérogatives, et pour une liberté accrue des collectivités locales dans les domaines qui sont les leurs. Les prérogatives de l’État, ce sont bien sûr toutes les prérogatives régaliennes, mais aussi, madame la ministre, vous le savez bien, la mise en œuvre de la solidarité : l’État doit être le garant d’une bonne péréquation, d’une vraie solidarité entre les territoires.
Il y a eu plusieurs lois entre-temps, de bonnes et de moins bonnes. Si la précédente réforme, celle de 2010, portée par M. Hortefeux et par M. Guéant, a créé des malaises, c’est qu’elle a donné le sentiment de revenir sur ce mouvement en faveur de la liberté des collectivités.
Lorsque nous avons constaté que les préfets exerçaient un rôle très important au sein des commissions départementales de la coopération intercommunale, chargées d’établir les schémas de coopération intercommunale, lorsque nous avons constaté qu’ils avaient la capacité – et ils ne se sont pas privés de l’exercer – de rayer d’un trait de plume des syndicats intercommunaux à vocation scolaire, nous avons déposé une proposition de loi afin d’en revenir à une autre logique.
La présente proposition de loi va dans le même sens, celui d’une plus grande liberté des collectivités locales. Nous connaissons bien nos communes, mes chers collègues ! Qui s’opposera à ce que, à partir du moment où des communes appartenant à une même communauté s’accordent sur des modalités de représentation – le nombre de délégués, de vice-présidents et de suppléants, dès lors que leur nombre ne croît pas démesurément et qu’il existe des règles financières –, elles puissent elles-mêmes adopter les règles qu’auront choisi de se fixer les élus communaux ?
C’est pourquoi ce texte est un pas supplémentaire – il y en aura d’autres – vers une République plus efficace, alliant les compétences de l’État à celles des collectivités locales par une décentralisation approfondie et pariant sur la liberté locale.
Finalement, les libertés locales sont souvent beaucoup plus efficaces que la contrainte. C’est une des leçons de l’Histoire et il faut la méditer au moment où nous travaillons d’ores et déjà sur les futurs projets de loi que nous aurons bientôt l’occasion d’examiner. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur quelques travées de l'UDI-UC.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j’interviens devant vous au nom de Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Il m’a demandé de vous faire part de son regret de ne pouvoir être présent parmi vous, son emploi du temps d’aujourd’hui, notamment l’organisation du G6 en matière de terrorisme à Londres, l’empêchant de participer à ce débat important. Je m’exprimerai donc en son nom.
Je tiens à remercier Alain Richard d’avoir pris l’initiative de cette proposition de loi et votre commission des lois d’y avoir travaillé. Elle répond, je le sais, à des préoccupations légitimes de nombreux élus.
Ces préoccupations, ces inquiétudes qui se sont exprimées depuis la réforme des collectivités territoriales, le Gouvernement les entend. Je crois qu’il est d’ailleurs symbolique que nous examinions ce texte en ce jour d’ouverture du 95e congrès des maires de France.
Le Gouvernement est, bien sûr, très attentif aux initiatives parlementaires. Elles doivent de toute façon être écoutées ; lorsqu’elles sont de bon sens, comme celle que nous examinons aujourd’hui, elles doivent vivre et prospérer.
Ce rôle du Parlement est particulièrement important pour ce qui concerne les collectivités territoriales. C’est cette conviction qui a, par exemple, conduit le Gouvernement à inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale la proposition de loi sénatoriale visant à abroger le conseiller territorial ; celle-ci a été examinée et adoptée la semaine passée.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Nous le savons, c’est en écoutant les élus, ces forces vives de nos territoires, que nous pourrons engager et réussir la mise en œuvre de réformes fortes. Le succès des états généraux de la démocratie territoriale organisés par votre assemblée a bien montré ce besoin de concertation et d’expression émanant des élus. Les questionnaires auxquels ont répondu près de 20 000 d’entre eux témoignent aussi d’inquiétudes que nous devons prendre en compte, notamment sur le sujet de l’intercommunalité.
La volonté du Gouvernement, régulièrement réaffirmée par Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, par Manuel Valls et par moi-même est claire : le mouvement de rationalisation de la carte intercommunale doit être poursuivi, et cela ne souffre aucune ambiguïté. Le fait intercommunal est devenu une réalité concrète pour la plupart de nos concitoyens ; il doit l’être pour tous. Notre objectif est simple : il ne doit subsister aucune commune isolée sur notre territoire.
Lors de la première réunion avec les préfets, le 5 juillet dernier, le Premier ministre a rappelé que cet achèvement de l’intercommunalité était une priorité. La rationalisation des périmètres intercommunaux est en effet un gage de cohérence et d’efficacité plus grandes des politiques publiques, mais aussi de solidarité entre les territoires.
Il s’agit, chacun en est conscient, de parachever ce qui sera le cadre de la gouvernance de nos territoires pour les dix ou les vingt ans à venir.
Notre conviction profonde est que ce processus ne pourra aboutir s’il se déroule contre les élus. Il a été demandé aux préfets de mener à leur terme, avant la fin de l’année 2012, les projets qui réunissent les conditions d’acceptabilité requises, en prenant dès que possible les arrêtés de périmètre correspondants. Mais il leur a également été rappelé qu’ils devaient faire preuve de souplesse et prendre en compte les réalités du terrain.
J’ai souhaité vous rappeler ce cadre général parce que la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans ce processus de dialogue et d’écoute que le Gouvernement a engagé avec les élus.
C’est dans cette perspective que le Gouvernement entend soutenir les initiatives qui contribuent à apporter des éléments pour faciliter ce dialogue, tout autant que pour garantir l’efficacité, l’effectivité, la diligence avec laquelle la rénovation de la carte intercommunale est menée à bien.
Madame la rapporteur l’a indiqué avec justesse : il s’agit de définir les conditions d’une transition entre les dispositions actuelles issues de la loi du 16 décembre 2010 et celles qui s’appliqueront en mars 2014.
L’intercommunalité prend une place grandissante dans la vie quotidienne des citoyens. Pour cette raison, les conseils communautaires doivent être représentatifs : représentatifs de la société, d’une part, et ce sera l’objet de l’élection des délégués au suffrage universel direct, dont le ministre de l’intérieur m’a chargée de dire quelques mots à la fin de cette intervention ;…
M. Jean-Claude Lenoir. Intéressant…
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. … représentatifs des communes qui composent l’intercommunalité, d’autre part.
Nous le savons tous ici, les Français demeurent attachés à l’échelon communal et à la figure du maire. Cet échelon doit être préservé et l’intercommunalité ne doit pas laisser présumer un effacement de la commune.
M. Bernard Fournier. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Je le sais, c’est votre objectif, monsieur Richard. Nous devons donc prêter une attention particulière à ces questions de gouvernance, qui revêtent une importance centrale pour la réussite de l’approfondissement de l’intercommunalité.
La question du mode de désignation des délégués des communes amenés à siéger dans les conseils communautaires n’est pas la seule d’importance ; celle de la composition de ces conseils est également déterminante, non seulement parce qu’elle intéresse tous les élus municipaux, mais aussi parce qu’elle participe de la garantie d’une représentativité équilibrée et juste des organes délibérants des EPCI.
La question de la représentation des communes au sein des établissements publics de coopération intercommunale est précisément celle que nous sommes amenés à étudier cet après-midi.
Aujourd’hui, les conseils communautaires sont composés conformément aux dispositions antérieures à la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Les nouvelles dispositions ne s’appliqueront qu’à compter du prochain renouvellement, prévu en mars 2014.
Alors que le système actuel laisse une certaine liberté aux communes membres, qui ont la faculté, dans certaines limites, de fixer le nombre et la répartition des délégués communautaires par un accord adopté à la majorité qualifiée, le nouveau dispositif censé s’appliquer en 2014 est plus encadré puisqu’il plafonne le nombre de délégués que pourra comprendre chaque conseil communautaire au vu de la population de l’EPCI.
Le constat qui a guidé la rédaction de cette proposition de loi est juste : ces nouvelles dispositions ne permettent pas toujours de prévoir une représentation politique qui reflète le poids démographique des communes. Le cadre rigide imposé par la loi laisse peu de place à l’accord local et ne fait pas confiance à l’« intelligence territoriale ».
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le dis d’emblée : le Gouvernement – et, par ma voix, le ministre de l’intérieur – partage cette analyse et il est favorable à ces dispositions. Toutefois, il nous faut respecter un impératif absolu : ces mesures doivent être comprises de nos concitoyens.
Je salue, de ce point de vue, le souci qu’a eu en permanence Alain Richard de garantir que toute cette réforme se ferait à coût constant et ne viserait pas à augmenter les enveloppes indemnitaires des élus. En cette période de crise, nos concitoyens ne comprendraient pas qu’il en allât autrement.
Ces mesures doivent permettre de garantir une gouvernance territoriale plus efficace. Je salue aussi la recherche, qui a marqué les débats de la commission, d’un compromis dans cette perspective.
Je voudrais d’ailleurs, madame la rapporteur, saluer vos travaux, qui ont permis d’améliorer cette proposition de loi et de parvenir à un compromis globalement satisfaisant.
L’article 1er est central dans le dispositif proposé. Les règles de composition des conseils communautaires issues de la loi du 16 décembre 2010 de réforme de collectivités territoriales avaient conservé, pour les communes, la possibilité de décider, par accord amiable, de la composition des conseils communautaires. Cette décision, prise à la majorité qualifiée, est emblématique d’une liberté communale que nous devons conforter.
C’est bien ce qui est proposé aujourd’hui. Dans sa version actuelle, la loi du 29 février 2012 prévoit en effet qu’en cas d’accord amiable le nombre de sièges ne peut excéder de plus de 10 % le nombre de sièges qui seraient attribués par application du dispositif de répartition issu du tableau fixé par le législateur.
Dans le texte initial, qui n’a pas été modifié sur ce point par la commission des lois, le choix est fait de porter ce seuil à 25 %. Certains amendements ont pour objet de le fixer à 20 %; nous en débattrons. Mais l’essentiel est là : il est nécessaire de promouvoir l’initiative locale et l’accord entre les élus.
Cette liberté, nous devons aussi la préserver concernant le choix du nombre de vice-présidents. La loi de 2012 plafonne le nombre de vice-présidents d’un EPCI à 20 % de l’effectif total de l’organe délibérant, sans que ce nombre puisse excéder quinze ni être inférieur à quatre. Ce cadre était, là encore, trop rigide.
Madame la rapporteur, je me rallie à votre proposition, adoptée par la commission des lois : vous avez choisi de faire passer le plafond de 20 % à 30 %, tout en conservant la limite de quinze vice-présidents. J’ai dit tout à l’heure l’importance des problèmes de gouvernance dans les intercommunalités. Je pense que l’article initial, qui supprimait tout plafond en cas d’accord amiable, risquait de susciter des problèmes de « gouvernabilité » des intercommunalités. Ce n’est plus le cas dans la rédaction que vous proposez. Nous approuvons d’autant plus cette disposition qu’elle se fait à enveloppe constante.
J’ai évoqué ici le cœur du dispositif. Au cours des débats, nous aurons l’occasion de revenir sur les divers ajouts de la commission des lois.
Le ministre de l’intérieur a souhaité que, pour conclure ce propos liminaire, je vous fasse part des projets du Gouvernement en matière d’élection des délégués communautaires. Il a déjà eu l’occasion d’en faire état devant votre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, ainsi que devant l’Assemblée nationale lors du débat sur l’abrogation du conseiller territorial.
Ses priorités, les priorités du Gouvernement sur ce point, sont bien entendu celles qu’a fixées le Président de la République lors de son allocution devant vos états généraux.
Le fait intercommunal est devenu concret pour les Français. À présent, nous devons faire de cette réalité des politiques publiques une réalité démocratique.
Le Président de la République a été clair : les délégués communautaires seront désormais élus le même jour que les conseillers municipaux, par un même vote. Sur ce point également, il faut privilégier la lisibilité : un vote unique permet de préserver la légitimité communale tout en dotant les EPCI d’élus clairement identifiés.
Cette élection démocratique des délégués communautaires doit être étendue au plus grand nombre de communes. Il faudra donc abaisser, comme la précédente majorité l’avait envisagé, le seuil de population au-delà duquel les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste. Cette limite est actuellement fixée à 3 500 habitants. Nous devrons trouver le bon compromis.
Cet abaissement de seuil répond également à notre volonté de rendre le scrutin municipal plus paritaire. Aujourd'hui, l’objectif de parité est quasiment atteint dans les communes de plus de 3 500 habitants. En revanche, les communes plus petites ne comptent que 32 % de conseillères municipales.
La démocratisation du bloc communal – communes et intercommunalités – est une condition essentielle pour que perdure le dynamisme de notre démocratie locale. Voilà donc un chantier capital, qui s’ouvrira une fois achevées les concertations que mène actuellement le ministre de l’intérieur, à la demande du Premier ministre, avec les partis représentés au Parlement et les principales associations d’élus intéressées.
Je m’associe, bien entendu, aux propos du ministre de l’intérieur et, à l’instar de M. le président de la commission des lois, je salue un texte court, raisonnable, sobre et équilibré. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Madame le président, madame le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, voici un texte qui touche directement à notre rôle majeur de représentation des collectivités territoriales.
La proposition de loi de notre collègue Alain Richard que nous examinons aujourd’hui, relative à la représentation communale dans les communautés de communes et d’agglomération, est a priori assez consensuelle, et nous ne pouvons que nous en féliciter. (M. Jacques Mézard acquiesce.)
Comme nous venons de l’entendre, ce texte a pour objet d’introduire une meilleure transition entre les modes de représentation des communes au sein des conseils délibérants et des bureaux des communautés de communes et d’agglomération actuellement pratiqués et le système qui sera envisagé à l’avenir. Vous l’avez bien compris, il s’agit tout particulièrement d’assouplir les règles destinées à s’appliquer lors du prochain renouvellement des conseils municipaux, en mars 2014.
De fait, il est fort probable que la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 ait quelques effets à tout le moins restrictifs en ce qui concerne la représentation des communes au sein des conseils délibérants et des bureaux des communautés de communes et d’agglomération puisque les règles adoptées dans le cadre de cette loi de 2010 sont aujourd’hui alignées sur les obligations applicables aux communautés urbaines et aux métropoles.
Je le dis d’autant plus librement que je n’ai pas eu l’heur de voter cette loi de décembre 2010, n’étant pas encore sénateur à l’époque. (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Bonne excuse ! (Nouveaux sourires.)
M. André Reichardt. Vous avez donc devant vous un Candide…
Mme Nathalie Goulet. Virginité bienveillante !
M. André Reichardt. … qui s’exonère naturellement de tout passé politique, en tout cas politicien.
Cette loi de 2010, que j’ai appris à connaître, limite l’augmentation du nombre de représentants au sein du conseil délibérant à 10 % du nombre prévu dans le tableau établi sur la base de la population de l’EPCI. Parallèlement, elle limite le nombre de vice-présidents au sein des bureaux des communautés à 20 % de l’effectif global de leur organe délibérant et, quoi qu’il en soit, à quinze sièges.
À l’évidence, par rapport à la situation antérieure, la loi du 16 décembre 2010 conduit à une réduction substantielle des droits de représentation des communes. Appliquée en 2014, elle serait d’autant plus fortement ressentie que le mouvement général engagé dans les schémas départementaux tend au regroupement des petites communautés, qui, au niveau national, représentent de nombreuses communes.
Alors que le dispositif antérieur à la loi de 2010 reposait sur un accord local, adopté à la majorité qualifiée des communes membres, le système actuel, censé s’appliquer à compter de mars 2014, se révèle difficile à mettre en œuvre, car trop restrictif. Surtout, la représentation des communes ainsi obtenue ne refléterait pas fidèlement le poids démographique de ces dernières.
À n’en pas douter, il était devenu souhaitable de prévoir un mécanisme visant à renforcer cette représentation. L’augmentation du nombre de sièges, subordonnée à un accord local adopté à la majorité qualifiée, répond certainement aux attentes des élus. Plus exactement, comme l’a souligné à plusieurs reprises M. Alain Richard, il s’agit d’une limitation de la baisse des droits de représentation plutôt que d’une augmentation du nombre de sièges. Vous le voyez, mon cher collègue, j’ai bien compris le message !
Toutefois, les deux principes traditionnels selon lesquels, premièrement, aucune commune ne peut détenir à elle seule plus de la moitié des sièges au sein de l’organe délibérant d’une intercommunalité et, deuxièmement, chaque commune doit disposer d’un représentant au moins, méritent naturellement perdurer. (M. Alain Richard acquiesce.)
Le présent texte apporte donc des assouplissements à la loi de 2010.
Tout d’abord, il tend à augmenter dans la limite de 25 % supplémentaires le nombre de conseillers communautaires, à condition que les communes s’entendent pour fixer à l’amiable leur barème de représentation, l’accord local devant être conclu à la majorité qualifiée des communes membres.
Je viens de le rappeler, la loi de 2010 prévoyait, elle, une augmentation de 10 % du nombre de conseillers communautaires. Compte tenu des fusions d’EPCI qui auront lieu dans le cadre des schémas départementaux de coopération intercommunale, la marge de manœuvre de 10 % paraît trop faible.
Ainsi, comme M. le président de la commission des lois l’a répété ce matin, la possibilité d’augmenter le nombre de délégués communautaires à concurrence de 25 % nous paraît opportune, dès lors que ce pourcentage est entendu comme un plafond, qu’il n’est évidemment pas impératif d’atteindre. (M. le président de la commission des lois acquiesce.)
En outre, la question d’un financement spécifique, qui aurait pu soulever des difficultés, ne se pose pas. Bien sûr, il importe de ne pas augmenter le budget des indemnités de fonction des élus communautaires, afin de ne pas alourdir les charges des collectivités territoriales. Vous me permettrez néanmoins de dire que ce ne sont sûrement pas les indemnités de nos élus qui grèvent de manière démesurée les budgets de nos collectivités !
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. André Reichardt. D’autres charges de fonctionnement exercent une pression plus lourde, et vous les connaissez aussi bien que moi.
Le message est important et nous y souscrivons : pas d’alourdissement des charges. Les élus se fixeront eux-mêmes des limites. Si l’EPCI recourt à la faculté d’augmenter le nombre de représentants, ce droit s’exercera à enveloppe indemnitaire constante.
Ensuite, cette proposition de loi tend à permettre aux communes membres d’un EPCI d’augmenter le nombre des vice-présidents. Ce sujet vient d’être évoqué.
Avant la loi du 16 décembre 2010, le nombre de vice-président était soumis à un plafonnement fixé à 30 % de l’effectif total du conseil communautaire. La loi de 2010 a établi que le nombre de vice-présidents serait déterminé par l’organe délibérant, dans la double limite de 20 % de l’effectif total de l’organe délibérant et de quinze sièges.
Avec cette proposition de loi, l’augmentation du nombre de vice-présidents au-delà du barème légal deviendrait possible, à condition d’être décidée à la majorité des deux tiers du conseil communautaire. Par ailleurs, le nombre de vice-présidents ne pourra dépasser ni 30 % de l’effectif du conseil communautaire ni le plafond de quinze personnes. De vous à moi, cet arbitrage me semble constituer un bon équilibre entre la situation ex ante et la règle actuelle. À mes yeux, cette solution est la meilleure au regard de la liberté des élus.
La présente proposition de loi limite par ailleurs l’augmentation du budget consacré aux indemnités des vice-présidents par un dispositif similaire à celui qui est appliqué aux conseillers. Vous l’aurez compris, nous adhérons à cette démarche.
Parallèlement, concernant les suppléants des délégués des communes membres, sur l’initiative de notre rapporteur, la commission des lois a étendu les règles de suppléance au sein des conseils communautaires des EPCI à fiscalité propre.
Concernant le schéma départemental de coopération intercommunale, un quatrième article a été ajouté pour assouplir les orientations fixées au titre de ce document. Nous souscrivons à ces dispositions.
Mes chers collègues, la proposition de loi qui va être soumise à notre vote apparaît pertinente au groupe UMP.
Premièrement, ce texte constitue une marque de confiance envers les élus locaux. Nous devons leur faire confiance pour la fixation du nombre des délégués communautaires.
Deuxièmement, cette proposition de loi est pragmatique. Elle tend à lever un certain nombre de freins qui provoquent des réticences de la part des petites communes, lesquelles redoutent légitimement de n’être pas suffisamment représentées au sein des EPCI. À cet égard, je coifferai un instant mon ancienne casquette de maire d’une commune au nom que beaucoup jugent imprononçable : Souffelweyersheim (Sourires.) Dès lors que, par le passé, j’ai pu émettre une telle crainte, je puis, sans aucune arrière-pensée, vous tenir ce discours !
Avant de conclure, je dirai un mot d’un amendement que plusieurs sénateurs alsaciens présenteront tout à l'heure, avec l’appui de notre groupe.
Monsieur Richard, j’ai bien compris que vous auriez souhaité circonscrire le débat d’aujourd’hui au strict domaine visé par votre texte, et je vous rejoins sur le principe. Néanmoins, l’amendement que nous avons eu l’honneur de déposer se justifie par un certain degré d’urgence. Comme vous le savez, le conseil régional et les deux conseils généraux alsaciens sont engagés dans une démarche de fusion de la région et des deux départements.
L’article L. 4124-1 du code général des collectivités territoriales dispose : que les collectivités concernées doivent demander à fusionner par délibérations concordantes ; qu’ensuite, lors de la consultation des électeurs, le projet de fusion doit recueillir, dans chacun des départements concernés, l’accord de la majorité absolue des suffrages exprimés, correspondant à un nombre de voix au moins égal au quart des électeurs inscrits. Notre amendement a pour objet de supprimer l’exigence d’un taux de participation minimum, lorsqu’est en jeu – et pas seulement en Alsace ! – la création d’une collectivité nouvelle issue de la fusion d’une région et d’un ou de plusieurs départements.
Ce matin, la commission des lois a examiné cet amendement, mais elle n’a pas souhaité qu’il soit retenu. Nous le regrettons, et nous attendons, madame le ministre, de connaître la position du Gouvernement concernant cette proposition qui revêt une grande importance pour l’Alsace : en effet, l’adoption de cet amendement concourrait au succès d’une initiative institutionnelle exemplaire pour notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)