Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Gillot.
M. Jacques Gillot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces propositions de résolution européenne revêtent une importance toute particulière pour nos territoires, pour la Guadeloupe notamment, en raison de deux enjeux que je souhaite développer brièvement devant vous.
Je vois un premier enjeu dans la nécessité du maintien du dispositif dérogatoire que constitue l’octroi de mer.
L’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit la possibilité d’introduire des mesures spécifiques en faveur de ces régions en raison de l’existence de handicaps permanents qui ont une incidence sur leurs économies.
Ainsi, le Conseil européen a autorisé la France à prévoir, jusqu’en juillet 2014, le maintien du dispositif de l’octroi de mer dans les DOM. Cette taxe constitue en effet une ressource essentielle aux budgets locaux puisqu’elle représente, en Guadeloupe, 30 % des recettes fiscales des communes et 39 % de celles de la région.
Les services de l’État eux-mêmes concluent qu’« une suppression du différentiel d’octroi de mer conduirait les entreprises à réduire leurs charges salariales, ce qui pourrait se traduire par des licenciements, voire probablement par leur disparition pure et simple ».
Inutile de vous dire, mes chers collègues, l’inquiétude que suscite cette absence totale de visibilité quant au devenir de ce dispositif après l’échéance de 2014…
Il m’apparaît donc indispensable que nous militions pour le maintien de mesures dérogatoires spécifiques, qui, à l’instar de l’octroi de mer, sont destinées à favoriser le développement de la production et de l’emploi local.
Pour toutes ces raisons, je sollicite donc votre soutien, mes chers collègues, pour que nos propositions de résolution intègrent clairement une demande d’intervention du Gouvernement auprès du Conseil européen afin d’obtenir la pérennisation de l’octroi de mer ou, à défaut, la garantie qu’après le 1er juillet 2014 un dispositif de substitution présentant les mêmes avantages et le même dynamisme sera instauré.
Le second enjeu que je souhaite évoquer devant vous dans le cadre de l’examen de nos propositions de résolution relève du domaine de la coopération régionale.
Le renforcement des liens commerciaux de la Guadeloupe avec ses voisins caribéens permettrait en effet à nos entreprises locales d’accéder à un plus grand marché et favoriserait dans le même temps la baisse des prix des produits consommés localement du fait d’une diversification.
Pourtant, les relations commerciales de la Guadeloupe avec la Caraïbe sont particulièrement faibles puisque, entre 2000 et 2010, les importations en Guadeloupe de produits en provenance de cette zone ne représentaient que 10 à 15 % du total des importations, cependant que les exportations depuis la Guadeloupe vers la Caraïbe ne dépassaient pas 7 % du total de ses exportations.
En outre, les relations commerciales de la Guadeloupe avec son environnement proche sont très concentrées, en particulier du fait de liaisons intracaribéennes peu nombreuses et coûteuses, des barrières douanières érigées par les pays du CARICOM, Caribbean Community and Common Market, mais également en raison du cours élevé de l’euro par rapport au dollar, dont l’usage demeure dominant dans la zone.
Cela étant, le développement de nos relations avec nos voisins caribéens prend une acuité toute particulière sur un sujet de préoccupation majeure de nos compatriotes : l’approvisionnement en carburants.
Sur la période allant de 2005 à 2008, ce surcoût était estimé à 100 millions d’euros pour les consommateurs antillais. Dans ces conditions, la possibilité d’un approvisionnement dans la Caraïbe a été maintes fois évoquée sans toutefois qu’elle débouche sur des actions concrètes, alors qu’il s’agit là d’un enjeu important et qu’une telle mesure pourrait avoir pour avantage de réduire les prix à la pompe.
La voie semble donc ouverte à la possibilité d’un approvisionnement de la Guadeloupe par ses voisins de la Caraïbe, à condition que cette démarche soit totalement sécurisée juridiquement, d’autant plus que certaines raffineries de la zone, au Venezuela et à Trinité-et-Tobago, envisagent de se conformer à court terme à la réglementation européenne, s’agissant notamment de la teneur en soufre de leurs productions.
Dans de telles conditions, je sollicite le soutien de notre assemblée afin de mener une double action parallèle : dans un premier temps, demander au Gouvernement de saisir la Commission européenne afin de préciser le principe et le champ des dérogations possibles en la matière ; dans un second temps, mener une enquête et organiser une veille sur les carburants produits dans la Caraïbe pour connaître leur degré de correspondance aux exigences de l’Europe, notamment par la mise en place d’un observatoire. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le président de la délégation à l’outre-mer, mesdames, messieurs les sénateurs, une fois de plus, c’est un réel plaisir pour moi de me présenter devant vous pour défendre un dossier qui me tient particulièrement à cœur : celui de la place des RUP dans les politiques européennes.
Je n’ai pas à vous convaincre ; vous savez à quel point le sujet est sensible et combien il est nécessaire de rappeler que, si les RUP recèlent des richesses - nous les connaissons tous -, elles doivent aussi gérer des contraintes lourdes et difficilement réductibles.
C’est à moi qu’il revient de porter cette parole, d’argumenter et de faire admettre qu’un traitement spécifique pour les RUP n’est pas un traitement privilégié ou indu. J’ai déjà eu l’occasion de le dire dans d’autres enceintes.
Je constate avec plaisir que vous portez également ce message et que vous contribuez pleinement à la reconnaissance des RUP. Votre aide nous est précieuse, elle est précieuse au Gouvernement. D’ailleurs, j’ai la faiblesse de croire que le travail de sensibilisation que vous avez effectué à l’occasion de l’adoption de la résolution européenne relative à la pêche dans les RUP n’est pas totalement étranger à la validation par le conseil des ministres de l’Union européenne du POSEI « pêche », à la fin du mois d’octobre dernier. Je vous propose de continuer ensemble ce travail.
Aujourd’hui, j’avoue être perplexe.
Je perçois l’attente légitime de nos compatriotes des outre-mer pour qu’on leur donne toutes les chances de s’insérer pleinement dans les politiques européennes, tous les moyens de porter leur développement et de construire des projets à moyen et à long terme adaptés à leur territoire. L’Europe est, pour eux, un « plébiscite de tous les jours », pour paraphraser un auteur célèbre.
Mais je constate de la part de l’Europe une réticence quand il s’agit d’accorder à nos territoires les moyens suffisants pour asseoir leur développement. Je ne vous cacherai pas ma grande préoccupation concernant les négociations actuelles sur le cadre financier pluriannuel.
Sans entrer dans le détail de négociations qui ne sont pas encore achevées, il me semble important de souligner que les RUP doivent faire l’objet d’un traitement particulier. C’est une question d’équité ; c’est une question de justice.
Que notre pays souhaite limiter l’augmentation de sa contribution nette est évidemment légitime. Cependant, les régions les moins développées de France doivent également préserver les moyens de leur développement. Elles doivent prendre part à l’effort de redressement, mais pas à un taux qui mettrait leur avenir en péril. De fait, ces territoires doivent encore combler des retards d’équipement dans le domaine des infrastructures collectives.
Je l’affirme donc très clairement : je serai particulièrement vigilant pour que le niveau des enveloppes de la politique de cohésion à destination des RUP permette à ces régions de conduire leurs projets de développement.
Ces enveloppes de la politique de cohésion viennent abonder des financements nationaux. Elles sont indispensables pour boucler les projets. Néanmoins, conduire des projets ne se réduit pas à résoudre des questions de financement, il s’agit également d’élaborer des procédures adaptées aux spécificités des RUP.
Vous m’avez fait l’honneur de saluer, dans l’une des propositions de résolution européenne, le discours que j’ai prononcé lors de la conférence des présidents des RUP. (M. le rapporteur acquiesce.) Ne nous voilons pas la face : cette feuille de route sera difficile à suivre, mais elle est pleinement justifiée.
Le Premier ministre a reconnu la pertinence de cette feuille de route en confiant, à ma demande, une mission à Serge Letchimy sur les moyens de mieux insérer les RUP dans les politiques européennes. Je fais confiance à Serge Letchimy pour aboutir à des solutions pragmatiques et concrètes. Toutefois, je ne vous le cache pas, je suis déjà à l’œuvre, ainsi que mes services, pour trouver des solutions innovantes.
Au regard des discussions que nous avons d’ores et déjà engagées avec le commissaire Johannes Hahn, les négociations qui s’annoncent ne seront pas faciles. Il faudra donc nous coaliser pour faire aboutir les dossiers qui me paraissent absolument indispensables. (M. le président de la commission des affaires européennes acquiesce.)
Dans cette perspective, trois chantiers me semblent prioritaires.
Premièrement, il convient d’élaborer un cadre global approprié aux interventions communautaires dans les RUP. Ce cadre ad hoc doit garantir le développement de nos économies via des règles adaptées à leurs spécificités, et contribuer directement au désenclavement de ces territoires. Les secteurs bénéficiaires de ce cadre spécifique pourraient être les énergies renouvelables, les transports, les technologies de l’information et de la communication, le tourisme, les filières innovantes, ou encore le bois, pour ce qui concerne la Guyane. Bien d’autres domaines pourraient s’ajouter à la liste, mais le périmètre est déjà très étendu.
Ce plan d’action pourrait être validé sur la base d’un programme annuel, sur le modèle du POSEI.
Deuxièmement, des déclinaisons sectorielles de l’article 349 doivent permettre l’adaptation des politiques européennes aux spécificités des RUP. Les domaines dans lesquels cet article pourrait être plus largement mobilisé sont nombreux. Je songe notamment aux aides d’État, qui constituent un levier important au bénéfice des économies ultramarines.
Il nous faut ouvrir le débat sur l’exemption de notification, sous certaines conditions, des aides accordées aux entreprises dans les RUP, tous secteurs confondus, ou sur l’ajout d’une catégorie spécifique, consacrée aux RUP, dans le règlement général d’exemption par catégorie, le fameux RGEC. Ainsi, il serait possible d’exempter de notification les aides à l’investissement à finalité régionale et les aides au fonctionnement dans les RUP, ainsi que les aides à l’investissement dans les pays tiers, afin de renforcer la coopération régionale.
La période qui s’ouvre, marquée par la renégociation du cadre des lignes directrices des aides à finalité régionale pour la période 2014-2020, doit fournir l’occasion de sanctuariser un cadre spécifique pour nos régions, notamment s’agissant du maintien des plafonds d’intensité des aides à l’investissement.
Concernant le maintien des dérogations en matière fiscale et douanière pour les RUP, je songe naturellement à l’octroi de mer, que vous avez tous évoqué. Je vais y revenir plus longuement en répondant, dans quelques instants, à chacun des orateurs.
L’introduction ou le maintien d’adaptations spécifiques aux RUP est un enjeu capital, au titre des encadrements sectoriels – l’agriculture ou la pêche – qui, vous le savez, sont essentiels pour soutenir le développement de nos régions.
Troisièmement, enfin, la coopération régionale entre les RUP et les pays tiers doit être développée pour favoriser l’insertion régionale de ces régions. Le but est évidemment d’encourager une coopération fructueuse permettant à la fois de consolider les productions locales de nos régions et de prémunir ces dernières contre les excès de la libéralisation du commerce.
La conjonction de l’actuelle refonte des règlements européens, des travaux de révision des lignes directrices sur les aides à finalité régionale et de la prochaine re-notification du régime de l’octroi de mer constitue une réelle occasion pour renforcer le régime juridique opposable aux RUP, afin de lever les obstacles qui empêchent la prise en compte effective de leurs handicaps.
À présent, je tiens à répondre plus spécifiquement à chacun des orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale commune.
Monsieur Roland du Luart, je vous remercie de la position très claire que vous avez exprimée, qui est également celle de M. Georges Patient. Oui, on ne saurait trop le répéter, les spécificités des RUP ne sont pas suffisamment prises en compte, et l’article 349 ne joue pas le rôle qui lui est assigné. Or la Commission européenne s’enferme de plus en plus dans une logique il est vrai assez incantatoire, sans rechercher de mise en œuvre pragmatique.
À mon sens, la violence de la crise qui frappe nos territoires ne nous permet pas de continuer ainsi. C’est la raison pour laquelle il n’est plus possible de différer les discussions de fond quant à la place que nous devons accorder à nos territoires dans les débats européens. C’est également la raison pour laquelle j’ai répondu avec quelque enthousiasme – en tout cas avec rapidité et diligence – à la demande que m’ont adressée les Espagnols.
Une initiative doit être prise, et la France est sollicitée pour la porter, afin que toutes les régions ultrapériphériques – les RUP françaises, naturellement, mais aussi la RUP espagnole et les RUP portugaises – puissent bénéficier d’un meilleur adossement juridique. Le but est simple : mieux utiliser les ressources et les potentialités de l’article 349.
Une initiative a été prise, Serge Letchimy a été désigné et les services concernés commencent à travailler. Je le sais, mesdames, messieurs les sénateurs, vous-mêmes êtes des précurseurs en la matière : vous avez d’ores et déjà décidé et statué en matière de pêche et, aujourd’hui, vous examinez ces enjeux économiques sous un angle plus général. Toutefois, comme vous, je regrette que la communication de la Commission soit si tardive et si décevante, pour ne pas dire insuffisante.
Monsieur Patient, vous vous êtes doublement mobilisé, au titre de la proposition de résolution européenne relative à la stratégie européenne pour les RUP et de la proposition de résolution européenne sur l’Union européenne et le financement des RUP. L’heure est bel et bien venue d’examiner un tel sujet ! Je l’avoue, nous sommes tous un peu crispés lorsqu’il s’agit d’évoquer les ajustements à opérer, probablement en défaveur des RUP, et en particulier de la Guadeloupe et de La Réunion, pour ce que nous en savons à l’heure actuelle. Ce sont des sujets de préoccupation majeurs.
Vous avez raison, ces enjeux seront déterminants pour la prochaine période de programmation. C’est maintenant qu’il nous faut agir. On ne peut plus continuer avec des règles qui sont devenues inadaptées.
J’ai déjà dit mon inquiétude quant au déroulement des négociations sur le cadre financier pluriannuel de l’Union européenne ; je tiens également à vous assurer de ma totale détermination en tant que ministre, et, au-delà, de celle du Gouvernement tout entier. Je le confirme, Bernard Cazeneuve réunira bien les parlementaires nationaux et européens à ce sujet ; il se rendra de surcroît dans les RUP françaises.
Concernant l’octroi de mer, je ferai la même réponse à tous les orateurs qui m’ont interrogé.
Je comprends le désir que vous exprimez de voir aboutir la reconduction de ce dispositif. C’est vrai, le dossier accuse un certain retard. Le cabinet Lengrand ne m’a remis que très récemment la dernière épure de son rapport. J’ai préféré la renvoyer, je l’avoue, pour pouvoir approfondir quelques orientations nouvelles et organiser des simulations supplémentaires avant d’engager un débat plus approfondi avec vous, élus, et avec la Commission. (M. Georges Patient acquiesce.)
Je comprends les interrogations qui vous animent : faut-il garantir avant tout la pure et simple reconduction de l’octroi de mer, en l’état, ou faut-il dès à présent donner quelques gages à la Commission ? Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai cru comprendre, à travers les subtilités de vos propositions de résolution, qu’un débat persistait probablement entre vous : faut-il donner l’impression que nous sommes prêts à nous séparer de ce dispositif, en formulant d’ores et déjà des propositions alternatives ?
Je vous l’affirme, nous travaillerons à la reconduction de l’octroi de mer : c’est le choix le plus sûr.
Aurons-nous le temps d’élaborer un dispositif efficace, rassurant les collectivités ? L’exercice ressemble un peu à la quadrature du cercle.
Premièrement, il convient de sauvegarder l’octroi de mer. C’est votre vœu.
Deuxièmement, il faut rendre ce prélèvement plus efficace, c'est-à-dire maintenir le produit fiscal en faveur des collectivités, tout en garantissant l’autonomie fiscale de ces dernières : il n’est pas logique que les élus reçoivent des dotations. C’est aux préfets que l’on demande de répartir des enveloppes, non aux élus ! (M. le rapporteur acquiesce.) Précisément parce que ces derniers sont désignés par le peuple, s’ils sont efficaces, ils sont réélus. S’ils fixent des impôts à des taux confiscatoires, ils en assument la responsabilité, et ils sont sanctionnés par le suffrage ! En tout état de cause, il convient de préserver cette autonomie.
Troisièmement, et enfin, il est non moins indispensable de préserver la compétitivité des entreprises. C’est d’ailleurs l’une des exigences de l’Europe, en termes d’emplois et de rentabilité.
Comment atteindre ces trois objectifs ? Je le répète, c’est un peu la quadrature du cercle. Néanmoins, plusieurs pistes existent, et je souhaite qu’elles soient explorées de manière plus approfondie.
Tout d’abord, peut-être faut-il élargir l’assiette fiscale de l’octroi de mer. Aujourd’hui, celle-ci se limite de jure à la production, qu’elle soit importée ou locale. Néanmoins, en vertu d’une dérogation accordée pour dix ans, la production locale est exonérée de ce prélèvement. Mais est-il envisageable d’élargir l’assiette, de la production aux services ? Est-ce faisable ? C’est à voir. Il faut lancer des simulations.
Ensuite, peut-être faut-il revoir les conditions d’éligibilité. Pour l’heure, seules sont assujetties à l’octroi de mer les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 550 000 euros. Est-il possible d’abaisser ce seuil et donc de demander quelques efforts aux entreprises qui enregistrent un chiffre d’affaires inférieur ? En Guadeloupe – un semblable constat pourrait être dressé en Martinique – sur les 38 000 ou 40 000 entreprises et établissements dénombrés, seules 496 entités sont assujetties, dont 175 seulement acquittent ce prélèvement ! C’est un peu curieux…
Enfin, pour préserver la compétitivité des entreprises, il sera probablement nécessaire de repenser les conditions de déduction. Peut-on s’inspirer du mécanisme existant pour la TVA, sans pour autant faire de l’octroi de mer une TVA locale ou régionale ? Les élus ne veulent pas entendre parler de cette possibilité, et leur position est tout à fait légitime.
Bref, comment faire ? De telles mesures peuvent-elles être appliquées aux petites entreprises comme au secteur des services ? Est-ce possible ? Je le répète, pour répondre à ces questions, des simulations sont en cours, et je ne manquerai pas de vous en soumettre les résultats. De fait, mesdames, messieurs les sénateurs, vous serez très largement associés à ces débats, en amont : nombreux sont ceux qui, parmi vous, exercent les fonctions de maire ou de conseiller régional. Nous sommes extrêmement soucieux d’organiser cette concertation.
Monsieur Serge Larcher, voilà déjà bien longtemps que nous partageons la même analyse au sujet des RUP. J’en conviens, la communication de la Commission est insuffisante et ne prend pas assez en compte nos spécificités. Tous les orateurs qui se sont succédé l’ont souligné.
Oui, nous percevons une réserve, une réticence, voire une résistance de la Commission à employer l’article 349. Je m’en suis toujours étonné : pourquoi un article aussi bien rédigé, aussi clair, pouvant même être invoqué pour lutter contre la vie chère – nous parlons en effet de biens de consommation courante ou de première nécessité – est-il si rarement employé ? L’article 349 permet aux RUP de déroger sous certaines conditions au droit primaire comme au droit dérivé. Il faut le mettre en œuvre.
Concernant la fiscalité, nous sommes placés face à de véritables enjeux, et une réflexion approfondie doit être menée à la faveur de la reconduction de l’octroi de mer. Une interrogation demeure concernant les territoires douaniers, et la réflexion devra être conduite sur ce plan également.
Je vous remercie tous de votre mobilisation et de la qualité de vos interventions.
Monsieur Sutour, oui, le combat sera difficile ! Vous avez raison, il n’est pas acceptable que le montant de l’allocation spécifique aux RUP passe de 35 euros à 20 euros par habitant. J’ai d’ailleurs cité deux régions qui vont terriblement souffrir de ce changement : nous devrons donc nous mobiliser pour faire évoluer cette situation, de même que pour les enveloppes destinées à la politique de cohésion. Il n’y a pas à barguigner, il faudra agir !
Monsieur le sénateur Requier, je m’associe à l’hommage que vous avez rendu à Gaston Monnerville. Je savais que votre ancien président était sénateur du Lot, mais j’ignorais qu’il avait exercé ce mandat pendant trente ans : quelle belle performance ! Je vous remercie également de votre mobilisation et du fidèle soutien des radicaux à la cause des RUP. Il faudra que celles-ci retrouvent une place prioritaire parmi les cibles des politiques de l’Union européenne et nous allons nous y employer.
Monsieur le sénateur Labbé, nous partageons votre conception d’un développement durable et soutenable, notamment pour l’agriculture.
À terme, il faudra arriver le plus rapidement possible à l’interdiction des dérogations pour l’épandage aérien. Je relèverai une seule divergence entre nous : selon vous, des traitements alternatifs existent ; or ce n’est pas sûr. Des traitements terrestres ont été mis au point, mais, d’après toutes les simulations réalisées, ils ne sont pas efficaces. Si nous appliquions tout de suite cette interdiction, nous créerions de véritables injustices, en raison des différences de situation entre gros planteurs et petits planteurs : la bananeraie pourrait ne plus appartenir qu’à quelques gros propriétaires, ce que nous ne voulons pas. Il faudra donc trouver une autre solution.
Vous avez raison, un tracteur chenillé équipé d’un mât télescopique surplombant la canopée de la bananeraie pourrait être très rapidement opérationnel, à condition que l’on puisse diminuer le nombre de traitements. Quoi qu’il en soit, nous visons tous le même objectif : il faut sortir de cette situation.
Vous avez également évoqué le secteur de la pêche, dans lequel les procédures d’indemnisation s’avèrent délicates à mettre au point.
Monsieur le sénateur Gautier, je vous remercie de l’expression de votre intérêt manifeste. Vous l’avez dit, le contexte est difficile, mais, je le répète, le Gouvernement a besoin de l’implication de chacun. Pour ce qui concerne l’octroi de mer, je vous ferai la même réponse qu’à vos collègues : nous ne fléchirons pas sur ce sujet !
Enfin, monsieur le sénateur Le Cam, vous avez souligné les problèmes rencontrés par les RUP dans leurs relations avec les pays voisins. Sur ce point aussi, tout est à revoir. J’en profite également pour répondre à vos collègues Jacques Gillot, Jacques Cornano et Joël Guerriau sur la nécessité de développer une politique de dérogation aux normes européennes. Le Président de la République a dit, lors de sa visite à l’île de la Réunion, que nous devions aller plus loin dans ce domaine.
L’exemple du carburant est particulièrement emblématique : il n’est pas normal que les Antilles et la Guyane ne puissent pas importer d’hydrocarbures des pays voisins comme le Surinam, le Brésil, le Venezuela, Trinidad-et-Tobago ou Curaçao, qui raffinent déjà le diesel aux normes européennes, c’est-à-dire avec une teneur en soufre inférieure à 10 parties par million. Même si cela peut paraître étrange dans la bouche d’un ministre, je n’hésite pas à affirmer que nous sommes encore dans un « pacte colbertiste », donc monodirectionnel : les DOM ne doivent importer que du pétrole en provenance de la mer du Nord ! C’est une aberration et il nous faudra étudier toutes les solutions susceptibles d’y mettre un terme.
Le Gouvernement est donc déterminé à se battre sur tous ces sujets, y compris à propos de l’accession de Mayotte au rang de RUP, même si nous savons que c’est un défi. Compte tenu des simulations réalisées, je peux confirmer à M. le sénateur Thani Mohamed Soilihi que Mayotte devrait recevoir à ce titre de 450 millions d’euros à 475 millions d’euros pour la période 2014-2020.
Pour conclure, nous devrons réussir, premièrement, la négociation du cadre financier pluriannuel, même si elle risque de se révéler difficile, et, deuxièmement, le maintien de la politique structurelle et de l’octroi de mer – peut-être revu et corrigé, selon une périodisation à déterminer. Quoi qu’il en soit, je le répète, sur tous ces points, nous ne lâcherons pas ! (Applaudissements.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?…
La discussion générale commune est close.
stratégie européenne pour les régions ultrapériphériques à l’horizon 2020
Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte de la proposition de résolution européenne relative à la stratégie européenne pour les régions ultrapériphériques à l’horizon 2020, élaboré par la commission des affaires économiques et dont je donne lecture :
Le Sénat,
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Vu les articles 107, paragraphe 3, et 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
Vu la communication « Un partenariat renforcé pour les régions ultrapériphériques » présentée par la Commission européenne le 26 mai 2004,
Vu la communication « Les régions ultrapériphériques : un atout pour l’Europe » présentée par la Commission européenne le 17 octobre 2008,
Vu le rapport du Sénat n° 519 (2008-2009) fait au nom de la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer,
Vu le mémorandum conjoint des régions ultrapériphériques, « les RUP à l’horizon 2020 », signé le 14 octobre 2009 à Las Palmas de Gran Canaria,
Vu le mémorandum de l’Espagne, de la France, du Portugal et des régions ultrapériphériques signé le 7 mai 2010 à Las Palmas de Gran Canaria,
Vu les conclusions du Conseil Affaires générales du 14 juin 2010,
Vu la résolution n° 105 du Sénat (2010-2011) du 3 mai 2011 tendant à obtenir compensation des effets, sur l’agriculture des départements d’outre-mer, des accords commerciaux conclus par l’Union européenne,
Vu le rapport « Les régions ultrapériphériques européennes dans le marché unique : le rayonnement de l’UE dans le monde » remis le 12 octobre 2011 par M. Pedro Solbes Mira, à M. Michel Barnier, membre de la Commission européenne, chargé du Marché Intérieur et des Services,
Vu la résolution du Parlement européen du 18 avril 2012 sur le rôle de la politique de cohésion dans les régions ultrapériphériques de l’Union européenne dans le contexte de la stratégie « Europe 2020 »,
Vu la communication « Les régions ultrapériphériques de l’Union européenne : vers un partenariat pour une croissance intelligente, durable et inclusive » présentée par la Commission européenne le 20 juin 2012,
Vu la résolution n° 121 du Sénat (2011-2012) du 3 juillet 2012 visant à obtenir la prise en compte par l’Union européenne des réalités de la pêche des régions ultrapériphériques françaises,
Vu la déclaration finale de la XVIIIe Conférence des Présidents des régions ultrapériphériques de l’Union européenne tenue les 13 et 14 septembre 2012 aux Açores,
Considérant que le document publié le 20 juin dernier par la Commission européenne constitue la troisième communication définissant la stratégie de l’Union européenne (UE) pour les RUP en moins de dix ans,
Considérant que, comme l’a souligné de façon récurrente la Commission européenne, les régions ultrapériphériques (RUP) constituent un atout pour l’Europe et que, selon les termes de sa communication du 20 juin 2012, « toute stratégie en faveur des RUP doit reconnaître leur valeur pour l’UE dans son ensemble »,
Considérant que l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) permet l’édiction de mesures spécifiques aux RUP afin de prendre en compte leurs contraintes propres que sont « leur éloignement, l’insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d’un petit nombre de produits »,
Considérant que le bilan du programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (POSEI), mis en place sur le fondement de l’article 349 du TFUE, est salué par tous, que ce programme, né au début des années 1990, constitue le seul véritable exemple d’instrument dédié aux RUP pour le financement de politiques sectorielles et qu’il voit son champ cantonné à l’agriculture par la Commission européenne en dépit d’une vocation initiale plus large,
Considérant que la politique commerciale de l’UE, qui ne prend aucunement en compte les réalités des RUP, constitue une menace pour l’économie de ces régions et entrave leur intégration régionale,
Déplore que la Commission européenne ait adopté sa communication avec un retard préjudiciable alors qu’avaient été respectivement publiées, dès juin 2011, ses propositions sur le cadre financier pluriannuel et, en octobre 2011, celles sur le paquet réglementaire relatif notamment à la politique de cohésion,
Constate que cette communication, au contenu largement redondant par rapport aux deux précédentes, est en décalage aggravé avec les attentes régulièrement exprimées par les RUP et les recommandations du rapport de M. Solbes Mira,
Estime que cette communication souffre d’une double contradiction :
Une contradiction interne, entre des objectifs stratégiques, certes ambitieux puisque axés sur la compétitivité et l’innovation, mais potentiellement irréalistes s’ils sont exclusifs de politiques de rattrapage, dès lors qu’ils s’appliquent aux régions les moins développées, au sens de la politique de cohésion, politique qui doit viser dans les RUP prioritairement à combler les retards en matière d’équipements structurants,
Une contradiction externe, puisque la concentration thématique imposée pour bénéficier d’un soutien financier exclut des secteurs traditionnels des économies des RUP qui doivent pourtant constituer le socle de développement de ces régions, socle indispensable à l’émergence de secteurs innovants,
Demande en conséquence un assouplissement de la concentration thématique pour les RUP, en intégrant dans le taux de concentration un quatrième objectif prioritaire laissé au libre choix de chaque région et en abaissant ce taux à un niveau plus adapté aux réalités de ces régions,
Note avec intérêt l’affirmation de la Commission selon laquelle « chaque RUP est différente et des pistes spécifiques doivent être envisagées pour chacune d’entre elles », les RUP étant jusqu’à présent appréhendées comme un ensemble homogène alors même que certaines présentent des singularités, comme le caractère continental d’un vaste territoire pour la Guyane,
Considère, à l’instar du Parlement européen, que l’article 349 du TFUE est très insuffisamment utilisé par l’UE et déplore la portée restrictive donnée à cet article par la Commission européenne,
Salue l’initiative du Gouvernement français, annoncée par le ministre des outre-mer lors de la Conférence des Présidents des RUP des 13 et 14 septembre 2012, visant, d’une part, à élaborer un cadre global approprié pour les interventions communautaires dans les RUP, qui pourrait prendre la forme d’un « règlement plurisectoriel en faveur du soutien aux filières d’avenir dans les RUP », et, d’autre part, à multiplier les déclinaisons sectorielles de l’article 349, permettant ainsi l’adaptation des politiques européennes aux réalités des RUP, et en particulier l’instauration de dérogations aux normes européennes pour leur approvisionnement en provenance de pays voisins,
Estime également indispensable que la révision des lignes directrices des aides à finalité régionale soit mise à profit, sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, du TFUE, pour renforcer la prise en compte effective des particularités des RUP en matière d’aides d’État, par le biais du maintien des taux actuels d’intensité et de l’éligibilité des aides au fonctionnement, ainsi que par l’instauration d’un seuil de minimis spécifique,
Appelle à ce que les règlements relatifs aux programmes horizontaux, tels que l’instrument financier pour l’environnement (LIFE), le programme Erasmus ou le programme « Horizon 2020 », permettent, sur le fondement de l’article 349 du TFUE, un accès privilégié des RUP à ces programmes, notamment par le biais d’un accompagnement approprié des porteurs de projets ou d’appels à projet spécifiques,
Estime qu’une attention particulière doit être accordée par la Commission européenne à Mayotte, dans le cadre de la transformation de cette collectivité en RUP, et que l’article 349 du TFUE justifie l’octroi de larges dérogations à cette collectivité,
Relève que les objectifs affichés dans la communication par la Commission européenne de prise en compte des réalités des RUP dans la mise en œuvre des politiques sectorielles, au premier rang desquelles la politique commerciale, constitueraient un changement de cap radical par rapport à son orientation actuelle dont on ne pourrait que se féliciter,
Appelle une nouvelle fois à la mise en cohérence entre elles des politiques européennes afin que les RUP ne constituent plus la variable d’ajustement de leurs contradictions.
Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de résolution européenne relative à la stratégie européenne pour les régions ultrapériphériques à l’horizon 2020.
(La proposition de résolution européenne est adoptée à l’unanimité des présents.) – (Applaudissements.)