Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 257 rectifié bis est présenté par MM. Reichardt, Bockel et Grignon, Mme Keller, MM. Legendre et Lorrain et Mmes Sittler et Troendle.
L'amendement n° 363 rectifié bis est présenté par MM. Husson, Bernard-Reymond, Masson et Türk.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 23 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du II de l’article 1609 vicies du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le taux de la taxe sur l’huile de palme ne peut pas être inférieur à 550 euros la tonne. »
La parole est à M. André Reichardt, pour présenter l'amendement n° 257 rectifié bis.
M. André Reichardt. Les dispositions de cet amendement, que j’ai déposé avec mes collègues alsaciens, doivent être placées dans un contexte plus général, dans lequel s’inscrit également une autre proposition, que nous examinerons tout à l’heure et qui vise à réduire l’augmentation très importante des droits d’accises sur la bière. En effet, dans la mesure où nous proposons une réduction des recettes, il nous appartenait de trouver des sommes destinées à équilibrer cette mesure.
C’est la raison pour laquelle notre choix s’est porté notamment sur l’huile de palme. Nous souhaitions, pour des motifs de santé publique, qu’un examen très précis ait lieu à cette occasion, mais puisque M. le rapporteur général a déposé un amendement à cet égard et que Mme Archimbaud a fait de même, le débat aura lieu. C’est pourquoi nous retirons cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 257 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Jean-François Husson, pour présenter l'amendement n° 363 rectifié bis.
M. Jean-François Husson. Notre objectif est identique. Monsieur le rapporteur général, vous avez expliqué les raisons pour lesquelles vous proposiez avec courage une taxe nouvelle, et nous partageons votre point de vue. Pour notre part, nous ne souhaitons pas qu’elle soit progressive et nous nous associons aux auteurs de l’amendement précédent afin d’avancer dans cette démarche de façon responsable, puisque nous aurons l’occasion, lors de l’examen de quelques amendements, d’aborder un autre sujet, celui des droits d’accises sur la bière.
Pour les mêmes raisons et les mêmes motifs vertueux qui sont à l’origine de la proposition visant à instaurer une taxe, mais aussi pour gagner du temps, nous retirons cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 363 rectifié bis est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 340 ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement est de même nature, même s’il est rédigé différemment, que celui que j’ai présenté moi-même – un peu longuement, je le reconnais, mais nous n’abusons pas du temps dans cette assemblée.
Je suggère donc aux auteurs de l’amendement n° 340 de se rallier à celui qui a été adopté par la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 7 et 340 ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je formulerai deux observations.
En premier lieu, il convient d’aborder cette question dans le cadre plus global de la réforme du financement de la protection sociale.
En second lieu, je me permets de saluer l’implication de l’ensemble de la représentation nationale sur les problématiques nutritionnelles.
On peut également se féliciter que le recours au levier fiscal afin d’infléchir les comportements ne soit pas un tabou. Néanmoins, la réponse à ce problème ne nous semble pas passer nécessairement par la multiplication de taxes sur des assiettes très restreintes. Nous souhaiterions au contraire, au préalable, engager une réflexion plus vaste autour des principaux nutriments dont la consommation excessive est nuisible à la santé et génératrice de dépenses fortes pour l’assurance maladie.
Toutefois, le Gouvernement a bien pris acte de la démarche proposée et, sur l’amendement n° 7, il s’en remet une fois de plus à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme Nathalie Goulet. Pourvu que ça dure !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. En revanche, il sollicite le retrait de l’amendement n° 340 ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Archimbaud, l'amendement n° 340 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Je tiens tout d’abord à me féliciter que M. le rapporteur général ait repris, par un amendement de la commission des affaires sociales, que je n’avais pas moi-même la possibilité de déposer, cette idée d’une taxation de l’huile de palme. Je me félicite également que d’autres collègues se soient, eux aussi, et de manière peut-être plus inattendue, prononcés en faveur de cette taxation.
Comme je l’ai expliqué en défendant mon amendement, la progressivité dans le temps de la taxation est un élément essentiel du dispositif, si l’on souhaite que celui-ci ne soit pas une simple recette fiscale de plus et qu’il atteigne réellement son objectif sanitaire et environnemental.
Toutefois, j’ai bien entendu votre argument technique, monsieur le rapporteur général, sur l’impossibilité constitutionnelle d’introduire dans le projet de loi cette progressivité temporelle de la taxe. C’est la raison pour laquelle je me rallie à votre amendement en retirant le mien. Je vous proposerai l’année prochaine de revenir sur ce débat.
Mme la présidente. L’amendement n° 340 est retiré.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’amendement n° 7.
Mme Nathalie Goulet. Je soutiendrai l’amendement de la commission.
Nous n’avons aucun doute aujourd’hui sur les liens entre l’alimentation et la santé. Je voudrais rappeler que notre collègue Gérard Dériot avait, voilà quelques années, engagé un long débat sur l’obésité et les moyens de lutter contre ce fléau. La mesure qui est proposée aujourd’hui est excellente et va dans le bon sens.
Je voudrais également vous rappeler, monsieur le rapporteur général, vous qui avez passé un très long moment à faire œuvre de pédagogie, que, dans cet hémicycle, notre ancien collègue Michel Dreyfus-Schmidt avait longtemps bataillé contre les excès de sel dans l’alimentation, notamment industrielle.
La démonstration que vous avez faite aujourd’hui s’agissant de l’huile de palme est tout à fait d’actualité et particulièrement bienvenue, parce que les maladies cardiovasculaires ne sont pas les seules à être liées aux produits et aux acides gras que vous avez mentionnés. On pourrait également citer l’hypertension artérielle qui est causée par l’excès de sel.
Ce débat ne fait que commencer, il faut absolument le poursuivre. C’est dans cet esprit que les sénateurs de l’UDI-UC voteront cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Je ferai plusieurs observations.
Tout d’abord, en vous écoutant, monsieur le rapporteur général, il m’est venu à l’esprit un adage : « Quand on veut tuer son chien, on l’accuse d’avoir la rage ».
Ensuite, se réfugier derrière un problème de santé publique pour justifier l’augmentation ou la mise en place d’une taxe supplémentaire est, à mes yeux, particulièrement fallacieux.
Enfin, ayant beaucoup d’estime pour vous et connaissant vos ennuis de santé, je suis intimement persuadé que vos problèmes cardiaques sont apparus non à cause de l’huile de palme, mais plutôt à cause du beurre, du lait ou des fromages. (Sourires sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Mme Nathalie Goulet. C’est un sénateur normand !
M. Alain Milon. Non, c’est un Thiérache ! (Mêmes mouvements.)
Bien évidemment, certains produits entraînent des dangers pour la santé. Le prix du tabac et de l’alcool a augmenté il y a peu, et c’est une bonne chose.
Toutefois, pourquoi dès lors ne pas imposer les routes, puisqu’il y a des accidents entraînant de graves blessures et la mort dans certains cas, qui coûtent très cher à la sécurité sociale ? Pourquoi ne pas imposer les voitures, les motos, les vélos, les piétons ? En outre, pourquoi ne pas augmenter dans le même temps la taxation sur le beurre, parce que les incidences de la consommation de fromages et de fois gras sur le cholestérol sont évidentes ?
En fait, le véritable problème, ce n’est pas l’huile de palme, mais le phénomène d’addiction conduisant à la surconsommation d’un produit. Lorsque j’exerçais la médecine, je disais toujours à mes patients : vous pouvez manger de tout, mais en petites quantités !
Mme Isabelle Debré. C’est l’excès qui est nuisible, comme disait ma grand-mère ! (Sourires.)
M. Alain Milon. Si vous consommez de tout modérément, il n’y a pas de problème. Si vous consommez certains aliments avec excès, vous vous exposez nécessairement à des risques.
Or, monsieur le rapporteur général, je vous l’affirme en toute honnêteté : au cours d’une carrière de médecin qui est tout de même déjà très longue, je n’ai pas rencontré un seul patient dépendant de l’huile de palme !
Je conclurai par un mot moins gentil et bien plus polémique – je m’en excuse dès à présent envers vous, et sachez que je ne vous vise pas directement. D’une part, le ministre de l’éducation nationale suggère de légaliser la consommation de cannabis,…
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas fait !
M. Alain Milon. … dont on sait qu’elle est particulièrement dangereuse pour la santé publique ; et, de l’autre, vous proposez de créer de nouvelles taxes sur l’huile de palme, dont on sait qu’elle ne crée pas d’addiction ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Mes chers collègues, vous connaissez ma position : je l’ai exprimée en commission des affaires sociales lorsque j’ai pris connaissance de cet amendement et que, dans ma surprise, j’ai réagi à chaud.
Ainsi, lorsque j’entends M. le rapporteur général défendre cet amendement pendant plus de quatorze minutes, je m’interroge : au cours de l’examen des précédents articles, nous avons abordé des sujets très importants, et M. Daudigny n’a jamais pris tant de temps pour présenter et justifier les amendements de la commission. J’en conclus qu’il est très mal à l’aise !
Pour ma part, depuis mon intervention en commission, la semaine dernière, j’ai tâché de glaner ici ou là, à droite et à gauche,…
M. Jean-Pierre Godefroy. Certainement pas à gauche !
Mme Catherine Procaccia. … des informations complémentaires concernant les impacts de l’huile de palme sur la santé. À ce titre, j’ai observé que le rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, n’est pas si clair que certains le prétendent, puisque ses auteurs précisent que les acides gras saturés sont bien nécessaires. De plus, j’ai découvert l’existence de nombreux autres rapports, y compris à l'échelle européenne.
Le rapport de l’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’EFSA, dresse notamment ce constat : une relation existe certes entre les acides gras saturés et le cholestérol, mais les incidences directes de cette corrélation ne peuvent être établies de manière univoque.
Par ailleurs, après avoir évalué la quantité d’huile de palme consommée chaque jour, certains nutritionnistes observent que les effets nuisibles de cette substance sont globalement moindres que ceux d’autres matières grasses. J’ai notamment découvert que le beurre était composé d’acides gras saturés à hauteur de 71 %, contre 50 % pour l’huile de palme !
De plus, j’ai étudié les compositions que j’ai pu obtenir sur Internet – je le rappelle, je ne suis ni médecin, ni nutritionniste – et j’ai pu me conforter dans cette certitude, dont chacun a d’ores et déjà conscience : c’est ce que nous mangeons, c’est notre mode de consommation à l’occidentale, fondé sur des produits entièrement préparés, qui pose problème. (Exclamations sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean Desessard. Oh oui ! Mais justement !
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Catherine Procaccia. De fait, nous consommons trop de sel, trop de graisses et trop d’huiles.
Monsieur le rapporteur général, vous affirmez que l’huile de palme peut se voir substituer d’autres graisses. Eh bien, remplacez-la par de l’huile d’olive, qui est bien meilleure pour la santé,…
M. Robert Tropeano. Ça, c’est certain !
Mme Catherine Procaccia. … comme chacun se plaît à le reconnaître, notamment sur Internet.
Toutefois, on ne peut pas remplacer systématiquement l’huile de palme, qui a pour propriété de ne pas avoir de goût ! Les substituts les plus courants à ce produit sont les graisses animales et les huiles hydrogénées. Or, sauf erreur de ma part, ces dernières sont particulièrement nocives pour la santé, ce qui n’est pas le cas de l’huile de palme.
Par ailleurs, vous avez beau prétendre que l’adoption d’un tel amendement n’aura pas de conséquence sur le coût de l’alimentation, tout en énumérant un certain nombre de produits, j’ai du mal à concevoir que les industriels, quels qu’ils soient, s’adonnent à la philanthropie,…
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Au moins, vous le reconnaissez !
Mme Catherine Procaccia. … et renoncent à augmenter leurs prix. De plus, la pâte à tartiner n’est pas seule concernée, vous l’avez dit : s’ajoutent à elle les viennoiseries – dans ce cas, il ne faut plus en manger ! – le pain de mie et l’ensemble des surgelés – ne mangeons donc plus de surgelés, ni de sucre. Bref, ne mangeons plus rien !
M. Jean Desessard. Mais le rapporteur général a justement proposé une alternative !
Mme Catherine Procaccia. À mes yeux, comme je l’ai déjà affirmé en commission, si l’huile de palme se révélait dangereuse, il faudrait aussitôt l’interdire, et non maintenir l’exportation de produits élaborés à partir de cet ingrédient, sans l’assortir de taxes. Or c’est le choix que vous opérez via cet amendement !
Enfin, Mme Archimbaud a évoqué les problèmes liés à l’environnement, notamment en matière de défrichement.
Chère collègue, je vous le dis clairement : je ne suis pas d’accord avec vous. En effet, j’ai reçu des communiqués de presse très précis, émanant des pays producteurs d’huile de palme. Ce secteur emploie des millions de personnes qui, à travers le monde, vivent déjà sous le seuil de pauvreté.
Bien que n’appartenant pas au groupe sénatorial d’amitié France-Asie du sud-est, je me permets de relayer les propos des représentants malais. Ils nous disent : « Très bien ! Faites-nous la morale ! La Grande-Bretagne a défriché 70 % de ses terres, la France 60 % et la Malaisie, elle, 25 % ! » Or, précisément grâce à l’action des organisations non gouvernementales, les palmiers de Malaisie ne sont plus plantés que sur des terres dégradées et non sur des terres défrichées.
Ainsi, à mes yeux, vous faites également fausse route en matière environnementale. De fait, si la production d’huile de palme était interdite, cette dernière serait remplacée par des huiles de tournesol ou de colza, et ces cultures nécessiteraient 40 % de terres agricoles supplémentaires ! Mais, naturellement, il est plus facile d’interdire aux pays en voie de développement d’alimenter leurs populations et de les faire vivre, alors même que ces productions de substitution ne pousseraient peut-être pas chez eux, et exigeraient surtout 40 % de surfaces agricoles supplémentaires.
Ainsi, à mes yeux, cette idée n’est absolument pas pertinente sur le plan environnemental.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. À mon sens, il est important que ce sujet soit examiné par le Sénat. Du reste, cette question a suscité de longs débats au sein du groupe CRC, et les arguments, nombreux en la matière, méritent d’être examinés à tête reposée.
Cela étant, je serai brève, M. le rapporteur général ayant très bien exposé la situation. Non seulement la consommation de l’huile de palme a des incidences sur la santé, mais sa production a un impact sur l’environnement. Il est vrai que, pour étendre la culture du palmier, certaines forêts sont abattues et laissent place à des plantations. En Malaisie, en Indonésie, à Bornéo ou encore à Sumatra, certaines forêts primaires ont été détruites à 90 % avant d’être remplacées par des palmeraies.
Mme Gisèle Printz. Quelle odieuse déforestation !
Mme Laurence Cohen. Ces évolutions ont une incidence directe sur l’environnement, via l’aggravation des émissions de gaz à effet de serre et l’extinction progressive de nombreuses espèces. Je songe particulièrement aux orangs-outangs, qui voient ainsi disparaître leur habitat naturel. Ces processus sont complexes, mais on observe à quel point les enjeux sont importants sur le plan environnemental.
En tant que législateurs, nous débattons d’une mesure destinée à sensibiliser nos concitoyens aux dangers de l’huile de palme. Pour la majorité d’entre nous, il est indispensable de compléter ce dispositif par une campagne d’information, garantissant une information effective des consommateurs quant aux dangers et aux risques auxquels ils s’exposent.
En la matière, la mise en œuvre de nombreuses mesures est tout à fait réalisable : nous en sommes bien conscients, les changements de comportement ne peuvent pas reposer exclusivement sur des mesures fiscales pesant, au total, sur les ménages ! Voilà pourquoi ces programmes d’information sont nécessaires. Toujours est-il qu’il est capital d’émettre un premier signal, comme l’a souligné M. le rapporteur général.
Certes, nous aurions souhaité que le Sénat se penche sur un dispositif permettant de taxer la marge bénéficiaire des industriels : en effet, un certain nombre d’entre eux préféreront malgré tout continuer à commercialiser des produits dont la composition est néfaste pour la santé comme pour l’environnement. Il aurait notamment été possible de ponctionner le chiffre d’affaires des industriels, d’un montant calculé selon la quantité d’huile de palme employée dans la fabrication de leurs produits. Il s’agit là d’une piste de réflexion.
Quoi qu’il en soit, l’amendement qui nous est soumis est un premier pas. Voilà pourquoi nous le voterons. Nous souhaitons simplement que M. le rapporteur général précise que le produit de cette taxe sera fléché pour partie, si ce n’est en totalité, en direction de la branche maladie. C’est là un enjeu important pour le groupe CRC.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. J’ai bien entendu l’ensemble les arguments qui ont été invoqués. Pour ma part, je citerai le cas de deux entreprises de mon département, appartenant aux domaines de la biscuiterie et de la boulangerie.
La première est une entreprise familiale et indépendante, qui occupe une position centrale sur le marché de la fabrication des biscuits sucrés. Elle exporte 20 % de sa production vers les pays européens limitrophes de la France. Sur le marché, ses principaux concurrents sont allemands, belges ou hollandais. En termes d’emplois, elle comprend 900 collaborateurs répartis sur sept sites en France ; dans mon seul département, elle compte 250 salariés. Pour cette société, le surcoût annuel de la taxe, avec une augmentation de 300 %, représente 1,5 million d’euros ! Inutile de vous préciser qu’une telle mesure exposerait plus violemment encore cette entreprise à la concurrence étrangère.
La seconde entreprise, leader dans le domaine de la boulangerie, subirait, elle, du fait de cette taxe, un surcoût de 3 millions d’euros.
Dans un secteur où le prix même des matières premières augmente – à commencer par celui de la farine ou du sucre –, prétendre que l’impact économique et commercial d’un semblable amendement sera quasi nul, voire indolore, c’est dire une contre-vérité. À mon sens, nous devons également nous attacher à préserver nos emplois.
Par ailleurs, pour faire écho aux propos développés par notre collègue Catherine Procaccia, je souligne que ces deux entreprises se sont engagées à n’acheter que de l’huile de palme dite « durable et ségrégée », certifiée RSPO !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous ne demandons rien d’autre !
Mme Catherine Deroche. Dans la mesure du possible, elles s’efforcent de supprimer cet ingrédient, de le remplacer, voire de l’associer et de le combiner à d’autres, notamment à l’huile de colza.
Malgré tout, dans certains domaines, la qualité boulangère des produits de substitution n’est tout simplement pas acceptable, en termes de goût ou de cohérence du produit. Voilà pourquoi ces entreprises ne souhaitent pas employer des matières grasses animales, des huiles hydrogénées ou des additifs destinés à pallier le manque de qualité boulangère des matières grasses liquides susceptibles de se substituer à l’huile de palme.
Les deux entreprises que j’ai évoquées s’inscrivent bel et bien dans une démarche environnementale et nutritionnelle. Toutefois, force est de le constater, dans certains cas elles ne peuvent pas avoir recours aux produits de substitution. Or, comme l’a très bien rappelé Alain Milon, défendre la santé publique, c’est certes exercer une attention vigilante sur les aliments, mais c’est aussi et surtout promouvoir une alimentation équilibrée, sans aucun excès – il faut manger de tout, en petites quantités – associée à une activité physique. Il s’agit donc d’un domaine très vaste pouvant justifier divers dispositifs, mais certainement pas une taxe punitive !
Je ne développerais absolument pas les mêmes arguments pour la consommation de tabac ou l’absorption excessive d’alcool – sans évoquer les autres produits susceptibles d’être fumés, mentionnés par Alain Milon. À mon sens, il n’est pas utile d’instaurer un dispositif coercitif d’une telle ampleur concernant l’huile de palme, alors que de nombreux autres produits induisant les mêmes risques sur la santé ne sont pas taxés à ce titre ! C’est la raison pour laquelle, pour ma part, je ne voterai pas cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. On pourrait comprendre, a priori, l’argument de Mme Deroche. Notre collègue affirme : « Nos entreprises vont subir des taxes, leurs produits deviendront plus chers que ceux de leurs concurrents étrangers et elles seront donc défavorisées par rapport à ces derniers ! » Toutefois, à mon sens, il s’agit d’un mauvais calcul.
Mes chers collègues, il y a douze ou treize ans, j’ai eu l’occasion de rencontrer les constructeurs automobiles. Au lieu de se préoccuper de l’avenir du secteur, ils m’ont affirmé que l’Europe et les pouvoirs publics imposaient trop de normes environnementales ! Au lieu de s’adapter, ils ont donc tenté de résister à l’essor de voitures plus propres. Aujourd’hui, on peut juger du résultat obtenu…
Dans le domaine alimentaire, il en va de même : quelle sera, selon vous, la situation d’ici à quelques années ? Dans tous les pays, une exigence se fera jour en faveur d’une meilleure qualité de vie. Et ceux qui, dès maintenant, auront commencé à investir seront plus compétitifs demain. Il ne faut donc pas raisonner à court terme sur de tels sujets. Je le répète, nous devrons faire face à une exigence de qualité ! Or, la qualité environnementale – non seulement via le respect des forêts, à l’échelle planétaire, mais aussi via la composition des aliments – nous permettra précisément d’être compétitifs à l’avenir, si nous accomplissons aujourd’hui les efforts nécessaires.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Je tiens à répondre brièvement aux remarques que Mme Procaccia a formulées au sujet des temps de parole. Certes, M. le rapporteur général a peut-être pris un peu de temps pour défendre cet amendement, mais il a également écouté l’ensemble des orateurs, alors même que les interjections et les cris de l’hémicycle l’ont empêché de s’exprimer en toute sérénité ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Catherine Procaccia. Les autres orateurs n’ont pas parlé quatorze minutes !
M. Jean Desessard. Il ne faut pas s’enflammer…
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Ainsi, M. le rapporteur général a fait preuve de respect. Effectivement, il a parlé longuement ; faut-il cependant vous rappeler que son temps de parole n’est pas décompté, au cours de nos débats ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Au même titre que le rapporteur général de la commission des finances, lors de l’examen du projet de loi de finances, le rapporteur général de la commission des affaires sociales peut s’exprimer au cours de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, s’il estime qu’un sujet mérite des explications. Je le répète, son temps de parole n’est pas décompté. Je ne vois donc pas pourquoi on ferait remarquer à M. Daudigny qu’il a parlé plus longuement que d’autres orateurs !
Il appartient au rapporteur général d’user du temps qu’il juge nécessaire pour expliquer un amendement de la commission. Et de même qu’il respecte l’ensemble des orateurs lorsqu’il prend la parole, il mériterait d’être écouté dans la sérénité lorsqu’il s’exprime au nom de la commission.
Pour le reste, je suis d’accord avec M. Milon et Mme Deroche : en matière de santé publique et d’alimentation, c’est effectivement l’excès qui est néfaste.
Yves Daudigny nous a présenté quelques-uns des produits élaborés sans huile de palme. Malheureusement, de nombreux autres aliments en contiennent. Parfois, on consomme de l’huile de palme sans vraiment le savoir. C’est là aussi que réside le danger : on consomme des produits contenant de l’huile de palme, sans vraiment savoir quelle quantité on ingère. L’excès de consommation d’huile de palme n’est donc pas forcément volontaire.
Sur le fléchage que vous demandez, madame Cohen, je précise que les taxes de ce type sont déjà toutes fléchées en direction de la branche maladie. Votre inquiétude n’a donc pas lieu d’être.
Je souligne également que les deux amendements qui ont été présentés, l’un par les sénatrices et sénateurs alsaciens de l’UMP – il me semble que vous avez présenté votre amendement de cette façon, monsieur Reichardt –, l’autre par M. Husson – cet amendement a depuis lors été retiré au profit de celui de M. le rapporteur –, tendaient à aller beaucoup plus loin que l’amendement n° 7. En effet, tandis que ce dernier vise à instituer une taxe de 400 euros la tonne, vous alliez pour votre part jusqu’à 550 euros la tonne, ce qui était encore plus ambitieux.
Je précise enfin, madame la présidente, que la commission demande un scrutin public sur le vote de l’amendement n° 7.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.