Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Dini, sur l'article.
Mme Muguette Dini. Cet article soumet les petites indemnités de rupture conventionnelle à un forfait social de 20 %, au motif que les employeurs abuseraient de ce dispositif.
M. Henri de Raincourt. Incroyable !
Mme Muguette Dini. J’ai consulté un travail du Centre d’études de l’emploi, qui est, je le rappelle, un établissement public administratif, placé sous la tutelle du ministère chargé du travail et de l’emploi et du ministère chargé de la recherche. Tous les propos qui vont suivre sont tirés d’un rapport de recherche qu’il a publié en octobre dernier, présentant les résultats d’une enquête qualitative sur les usages de la rupture conventionnelle, réalisée dans le cadre d’une convention passée avec la CFDT.
L’enquête dont je fais état a été menée à partir d’une centaine d’entretiens en face à face, conduits d’avril à juillet 2011, avec des salariés choisis au hasard parmi les ruptures conventionnelles signées en novembre 2010 dans cinq départements. Son objet est de rendre compte, en s’appuyant sur le récit de ces salariés, des circonstances de la rupture et de comprendre les logiques d’usage du dispositif.
Il faut savoir que les salariés interrogés occupaient des types de postes variés, avaient une ancienneté très diverse et l’amplitude des salaires était très large. Les secteurs d’activité et la taille des entreprises concernées étaient également très hétérogènes : la moitié d’entre elles avaient subi une baisse importante d’activité, du chiffre d’affaires et/ou des effectifs ; une forte majorité des établissements avait connu des bouleversements récents, tels que rachats, fusions, modifications dans l’organisation du travail, changements managériaux, voire un cumul de ces événements ; de nombreux salariés ont également indiqué que leur entreprise avait subi de fortes restrictions financières.
Ces différents événements avaient souvent constitué, sinon l’explication principale, du moins le déclencheur ayant conduit à la rupture conventionnelle.
Concernant les conditions de l’emploi avant la rupture conventionnelle, un quart des salariés affirmaient être satisfaits à la fois du travail et des conditions de travail ; un autre quart s’était déclaré satisfait du travail, tout en indiquant avoir subi des conditions matérielles difficiles ; la moitié déclarait avoir éprouvé de l’insatisfaction par rapport au travail.
Lorsque la rupture était fondée sur une raison économique, les salariés avaient parfois pu négocier leur départ. En outre, certains employeurs avaient gratifié leurs salariés qui avaient un projet de reconversion professionnelle, parfois dans la perspective d’une poursuite de relations dans un nouveau cadre.
Après la rupture, les trois quarts des salariés interrogés n’avaient pas repris d’activité et étaient toujours inscrits à Pôle emploi. Parmi ces derniers, beaucoup cherchaient à devenir travailleurs indépendants, notamment par la voie du régime de l’auto-entreprenariat.
Les situations de ceux qui avaient repris une activité étaient très diverses : en CDI, CDD ou intérim, avec ou sans reconversion professionnelle.
Les salariés anciens, dont la trajectoire professionnelle était stabilisée six mois après la rupture, étaient ceux qui avaient élaboré très tôt leur projet de reconversion ou avaient suivi des formations.
Sur l’ensemble des entretiens, une majorité des ruptures pouvaient être considérées comme ayant été à l’initiative principale du salarié, et, dans plus de la moitié des cas, pour des raisons conflictuelles. Les autres ruptures conventionnelles, sur l’initiative de l’employeur, étaient fondées principalement sur des motifs économiques.
La conclusion du rapport est la suivante : Quelle que soit la partie à l’initiative de la rupture, les situations et les modalités, une écrasante majorité des enquêtés a porté un jugement positif sur le dispositif s’agissant de leur cas personnel.
Pour pratiquement tous les salariés, l’avantage principal du dispositif est l’indemnisation du chômage. Pour ceux qui ont vécu un licenciement, la rupture conventionnelle apparaît comme moins stigmatisante, et elle évite, surtout dans les milieux professionnels restreints, un mauvais effet « réputationnel ».
Pour ceux qui ont été à l’initiative d’une démission, la rupture conventionnelle présente tous les avantages : prise en charge par l’assurance chômage et indemnités de rupture.
Nous sommes donc bien loin du tableau que nous dressent le Gouvernement et sa majorité, lorsqu’ils nous disent que toutes les ruptures conventionnelles interviennent du fait de l’employeur et qu’elles sont souvent contraintes. Selon eux, il faudrait faire payer l’employeur qui licencie de manière déguisée. (Mme Catherine Procaccia applaudit.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 136 est présenté par M. Milon, Mmes Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mmes Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain et Pinton, Mme Procaccia, MM. de Raincourt, Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 218 rectifié est présenté par M. Amoudry, Mmes Dini et Jouanno, MM. Marseille, Roche, Vanlerenberghe, Husson et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. René-Paul Savary, pour présenter l’amendement n° 136.
M. René-Paul Savary. L’article 20 vise à soumettre au forfait social de 20 % dû par l'employeur la part des indemnités de rupture conventionnelle exonérée de cotisations, celle qui est inférieure à 72 744 euros. Jusqu’à présent, les indemnités versées après une rupture conventionnelle n’étaient soumises à cotisations qu’au-delà de ce montant.
Le Gouvernement prétend que certains employeurs ont recours aux ruptures conventionnelles pour échapper aux règles encadrant le licenciement, mais ce type de dérive n’a jamais été démontré.
Un tel changement dans l’imposition des indemnités de rupture conventionnelle va rendre ce dispositif nettement moins attractif, alors que c’est son caractère souple et novateur qui en a fait, nous semble-t-il, son succès.
Cette mesure risque, une nouvelle fois, de toucher le salarié si l’employeur répercute le montant de la contribution sur l’indemnité. La possibilité de rompre à l’amiable un contrat de travail est pourtant un moyen d’éviter nombre de conflits potentiels.
C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Dini, pour présenter l'amendement n° 218 rectifié.
Mme Muguette Dini. Sans revenir en détail sur mon intervention précédente, je tiens à dire que, dans son rapport d’octobre 2012, le Centre d’études de l’emploi a proposé trois aménagements permettant tout à la fois d’améliorer l’information des parties, d’éviter les ruptures brutales et de donner des perspectives au salarié. Si nous pouvions prendre en compte ces trois recommandations, nous n’aurions pas à appliquer la pénalisation préconisée dans l’article 20.
Le rapport propose ainsi de formaliser l’invitation à l’entretien préalable – à l’heure actuelle, elle se fait oralement –, qu’elle ait lieu sur l’initiative de l’employeur ou du salarié. Sur le contenu, étant donné l’ignorance des salariés de leur droit à l’assurance chômage, il serait nécessaire de rendre obligatoire, avant la signature, la réalisation d’un diagnostic de situation des droits du salarié, lequel pourrait être établi soit par Pôle emploi, soit par l’inspection du travail.
Le rapport préconise également que la loi indique précisément les dispositions devant figurer dans la convention de rupture.
Le Centre d’études de l’emploi propose, enfin, de réintroduire un délai de préavis, qui courrait à compter de l’homologation, et dont l’employeur pourrait, le cas échant, dispenser le salarié, ce qui se fait parfois. Les salariés interrogés ont tous souligné, pour s’en féliciter, la rapidité avec laquelle ils se sont trouvés en dehors de l’entreprise.
La solution de taxer les petites indemnités de rupture conventionnelle, au-delà du fait qu’elle n’a rien de constructif, est choquante et, surtout, très pénalisante.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les amendements identiques nos 136 et 218 rectifié visent à revenir sur l’assujettissement des indemnités de rupture conventionnelle au forfait social en deçà du seuil correspondant à deux plafonds de sécurité sociale. Rappelons que, au-delà, ces indemnités sont déjà soumises à cotisations sociales.
Contrairement à ce que d’aucuns tentent souvent de faire croire – cela me rappelle d’autres débats… –, il ne s’agit pas, au travers de cet article, de remettre en cause la rupture conventionnelle. Il est simplement proposé de modifier le niveau des cotisations sociales payées sur ces indemnités de rupture, afin d’éviter la pérennisation d’une niche sociale, très fréquemment reconnue comme inefficace et inefficiente.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Madame Dini, monsieur Savary, vous considérez que la rupture conventionnelle n’est pas une rupture de contrat de travail comme les autres. Vous avez parfaitement raison. Néanmoins, d’autres éléments doivent être pris en compte.
Ainsi, force est de constater qu’un tel dispositif a plutôt contribué à l’éviction des seniors du marché du travail. À la fin de 2010, la rupture conventionnelle représentait 8 % des fins de contrat pour les moins de trente ans, contre 16 % pour les plus de cinquante-cinq ans et 23 % pour les plus de cinquante-huit ans.
Par ailleurs, l’existence d’un consentement mutuel a un caractère assez théorique. Près de 61 % des ruptures conventionnelles sont demandées par l’employeur, qui se voit parfois offrir par ce biais la possibilité d’externaliser des coûts juridiques généralement associés au licenciement.
En l’occurrence, la rupture n’est pas du même type que dans le cadre d’un licenciement ou d’une mise à la retraite. Il convient de compenser par la loi l’avantage que constitue la rupture conventionnelle pour certaines entreprises, quand d’autres n’ont pas le choix et procèdent à des licenciements ou des mises à la retraite, respectant en cela une procédure dont la précédente majorité les avait exonérées en instituant la rupture conventionnelle.
Notre proposition ne concerne que les prélèvements acquittés par les employeurs, les montants dus par les salariés restant inchangés. En conséquence, nous sommes défavorables à ces amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Certes, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, vous ne remettez pas en cause la rupture conventionnelle, mais vous continuez à accroître la part fiscale de ce dispositif. En la matière, les travées de gauche de cet hémicycle font preuve d’une certaine constance par rapport aux positions qu’elles ont toujours défendues et qui ne me surprennent pas.
À mes yeux, l’article 20 est source d’instabilité juridique. Pas plus tard que l’année dernière, le « mode d’imposition » de la rupture conventionnelle a déjà été modifié. On recommence aujourd'hui, ce qui pose problème, en particulier pour les salariés.
Mme Dini l’a très bien expliqué, il est plus flatteur de mentionner, sur un CV, une rupture conventionnelle plutôt qu’un licenciement, sans compter que la procédure dure beaucoup moins longtemps.
Madame la ministre, vous avez souligné que la rupture conventionnelle concernait davantage les seniors ; mais c’est évident ! Compte tenu de leur ancienneté dans l’entreprise, de toutes les façons, les indemnités de licenciement représenteraient des sommes beaucoup plus élevées. Les salariés plus jeunes et qui ne sont employés que depuis un, deux ou trois ans ne pourraient pas obtenir grand-chose en termes d’indemnités, qu’il s’agisse d’un licenciement ou d’une rupture conventionnelle.
L’âge du salarié et le montant des indemnités sont liés. En modifiant une nouvelle fois les éléments de calcul, vous remettez en cause d’une certaine manière le dialogue social qu’est en train de préconiser M. Sapin. Celui-ci, que j’avais interrogé en commission, avait affirmé que la rupture conventionnelle n’était nullement remise en cause et qu’il fallait laisser aux partenaires sociaux le soin de discuter de la question et de décider si une remise à plat du dispositif était nécessaire.
Avec une telle mesure, vous remettez tout en question sans laisser au dialogue social la liberté de décision.
Mme Christiane Demontès. Vous parlez des partenaires sociaux, mais vous avez oublié de les solliciter à l’époque !
M. Jean-Pierre Godefroy. Eh oui !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je soutiendrai ces amendements, et ce pour deux raisons.
D’une part, la rupture conventionnelle est tout de même très encadrée, l’inspection du travail étant présente à tous les stades de la procédure. Je l’ai moi-même expérimentée dans cette propre maison, et il a fallu reprendre la convention trois fois, l’inspection du travail ayant considéré que le consentement n’était pas assez éclairé.
D’autre part, je viens de le mentionner, le consentement du salarié est très éclairé.
C’est donc un mauvais procès qui est fait à la rupture conventionnelle au travers de cet article.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 136 et 218 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 69, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La contribution mentionnée à l’alinéa précédent est majorée de 5 % dès lors que les indemnités liées à une rupture conventionnelle sont versées à des salariés âgés de cinquante-cinq ans et plus. Le produit de cette majoration est versé à parts égales à l’organisme gestionnaire du régime d’assurance chômage et au fonds de solidarité vieillesse mentionné à l’article L. 135-1 du code de la sécurité sociale.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Rappelons que c’est à l’occasion de l’examen du projet de loi portant modernisation du marché du travail qu’a été instaurée la rupture conventionnelle, qui s’apparente, aux yeux du groupe CRC, à un véritable ovni juridique.
En effet, le fait que la loi prévoit que personne n’est à l’origine de cette rupture n’a pas d’autre but que d’éviter aux employeurs d’avoir à assumer une quelconque responsabilité vis-à-vis de leurs salariés. C’est d’ailleurs pour cette raison que le groupe CRC n’avait pas voté la mesure, craignant que les ruptures conventionnelles ne dissimulent en réalité des plans sociaux et des licenciements économiques déguisés. De ce point de vue, les propos tenus par Mme la ministre sont très éclairants.
Pour notre part, nous nous appuyons sur les dernières statistiques de la DARES, la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, qui datent de mars 2012, pour souligner que 794 000 ruptures conventionnelles ont été enregistrées en France depuis 2008 ; 300 000 rien que l’an dernier ! Sur le premier trimestre de l’année, cela équivaut à près de 13 % des sorties de CDI et au double des licenciements économiques. Pourtant, en période de crise, vous en conviendrez, rares sont les salariés qui font spontanément le choix de quitter un CDI, particulièrement lorsque le taux de chômage ne cesse d’augmenter.
Dans le cadre d’une étude réalisée sur l’initiative d’une grande centrale syndicale, la CFDT pour ne pas la nommer, et se fondant sur une centaine d’entretiens, le Centre d’études de l’emploi met en évidence un double constat : un quart des personnes interrogées ont eu le sentiment d’avoir été poussées vers la sortie ; 40 % des salariés ayant signé une rupture conventionnelle initiée par l’employeur considèrent même qu’elles ont été victimes d’un licenciement déguisé, pour motif économique ou personnel.
Mme Muguette Dini. Nous n’avons pas les mêmes sources !
Mme Laurence Cohen. Au regard de ces éléments, il y a tout lieu d’être vigilant. Sans doute serait-il opportun de revisiter le dispositif, au moins pour sécuriser le droit des salariés.
En attendant, nous approuvons la démarche suivie dans le cadre de cet article, notamment en vue de protéger les seniors, comme cela a été souligné également par Mme la ministre.
Afin de remédier quelque peu à cette situation, qui affaiblit en réalité les comptes de l’UNEDIC et affaiblira, demain, ceux du FSV, nous souhaiterions que le produit issu de la majoration prévue à l'article 20 soit distribué à parts égales à ces deux organismes.
Tel est l’objet de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Madame Cohen, vous proposez de majorer de 5 % le forfait social calculé sur les indemnités de rupture conventionnelle versées à des personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans. L’objectif est sans aucun doute louable, et votre proposition peut se justifier à maints égards, ce qui m’a posé un vrai cas de conscience.
Néanmoins, j’en suis resté au raisonnement selon lequel il était préférable de ne pas multiplier les taux distincts de forfait social, d’autant que l’introduction de celui-ci vient tout juste d’intervenir.
Dans la mesure où vous amenez dans le débat la question des personnes de plus de cinquante-cinq ans et de leur rapport au travail, il pourrait être intéressant que le Parlement s’y intéresse de plus près.
En l’état, la commission demande le retrait de l’amendement, sinon elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le sujet de l’éviction potentielle des seniors dans certaines entreprises pose des questions importantes. Soumettre les ruptures conventionnelles au forfait social permettra de réguler le recours aux ruptures conventionnelles, en accroissant sensiblement leur coût.
Le taux de 20 % vise la neutralité, entre sommes soumises au forfait social et salaire direct. Il correspond en effet au taux des prélèvements patronaux, à l’exception de ceux qui ouvrent des droits au salarié, autrement dit des cotisations retraite et chômage.
À 25 %, le niveau de prélèvement sur ces indemnités serait déséquilibré, puisque l’employeur paierait davantage sans que soient ouverts plus de droits au salarié. On passerait donc de la neutralité à la pénalité. Or, si le Gouvernement ne souhaitait pas avantager ces indemnités par rapport au salaire, il n’entend pas non plus les pénaliser.
Aussi demandons-nous le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Madame Cohen, l’amendement n° 69 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote sur l’article.
M. Alain Milon. Cela a été dit, la possibilité de rompre à l’amiable un contrat de travail est un moyen d’éviter nombre de conflits potentiels.
La modification de l’imposition des indemnités de rupture conventionnelle proposée dans cet article est telle qu’elle va rendre le dispositif moins attractif, alors que c’est son caractère souple et novateur qui a fait son succès. La rupture conventionnelle présente en effet un double intérêt : elle est d’une grande souplesse, ce qui explique d’ailleurs qu’elle soit plébiscitée par les salariés comme par les employeurs ; elle permet de désencombrer la justice prud’homale.
Alors qu’il n’existait auparavant que deux façons de mettre fin à un contrat de travail – le licenciement, sur l’initiative de l’employeur, ou la démission, sur celle du salarié –, le salarié et son employeur ont aujourd'hui la possibilité de convenir d’une rupture d’un commun accord.
La rupture conventionnelle est issue de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 et fut instituée avec le soutien des syndicats patronaux et salariés. C’est d’ailleurs souvent à la demande du salarié que l’employeur propose une rupture conventionnelle. En même temps qu’elle ouvre des droits au salarié, elle limite le risque pour l’employeur d’une procédure devant le conseil des prud’hommes, voire ensuite en appel.
Le dispositif a donc fait ses preuves : il évite les conflits, toujours dommageables aux entreprises, entre employeurs et salariés. Connaissant un grand succès, quelque 300 000 ruptures de ce type ayant d’ores et déjà eu lieu, il contribue, en outre, à désengorger la justice prud’homale et les cours d’appel. À Marseille, par exemple, il faut attendre trois ans en moyenne avant qu’une affaire soit jugée aux prud’hommes.
Taxer davantage les indemnités de rupture conventionnelle dissuadera les employeurs de recourir à un mécanisme qui fonctionne à la satisfaction des deux parties. Pris d’une frénésie de taxes, le Gouvernement risque de tuer un dispositif à succès, mais qui a sans doute, aux yeux de certains, le défaut impardonnable d’avoir été mis en place par le Président Sarkozy et sa majorité. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
Le groupe UMP votera contre cet article. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Au fond, pour nous, la question est assez simple. Compte tenu des effets pervers de cette mesure, le risque est grand qu’on la vide de son contenu. Pourtant, elle correspond à un besoin réel, et elle trouve son origine dans la volonté des partenaires sociaux. N’oublions pas tout de même que, plus on taxera les indemnités de rupture conventionnelle, plus on incitera les employeurs à en limiter le montant ou à choisir la procédure du licenciement.
Il existe une première objection de principe à l’adoption de l’article 20 : une indemnité de rupture conventionnelle est non une rémunération, mais une compensation du préjudice qui naît de la rupture du contrat de travail. Et il va de soi que cette rupture n’est pas spontanément désirée par le salarié – il faut que nous en ayons tous conscience !
Il y a une deuxième objection : cette disposition va profondément pénaliser les salariés, même si vous entendez la faire payer par l’entreprise. D’ailleurs, c’est toujours la même idée : vous faites porter un prélèvement sur l’entreprise, au prétexte d’épargner les salariés et les ménages. Mais l’entreprise n’a de ressources que celles qu’elle prélève sur les consommateurs et elle n’a de maîtrise de ses charges que sur les différents facteurs de travail, y compris la masse salariale ! Par conséquent, chaque fois que vous pénalisez l’entreprise, vous pénalisez l’emploi et vous augmentez les prélèvements sur les consommateurs, ce qui diminue leur pouvoir d’achat.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. On parle ici de la rupture conventionnelle !
M. Philippe Bas. Cet article est donc contraire au principe de la rupture conventionnelle. Il la vide de sa substance et il pénalise directement les travailleurs.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 20.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 30 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l’adoption | 174 |
Contre | 171 |
Le Sénat a adopté.
M. Henri de Raincourt. De justesse !
Articles additionnels après l'article 20 (précédemment réservés)
Mme la présidente. L'amendement n° 71, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au II bis de l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale, le chiffre : « huit » est remplacé par le chiffre : « cinq ».
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement vise à ramener de huit, chiffre actuellement en vigueur, à cinq plafonds annuels de la sécurité sociale le seuil à partir duquel les retraites chapeaux seraient soumises à une contribution additionnelle de 30 % à la charge des employeurs.
L’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale prévoit, en effet, que les employeurs qui servent des retraites chapeaux s’acquittent d’une contribution sociale patronale dont le taux est compris entre 12 % et 24 %, à la condition que le montant des rentes ainsi servies n’excède pas huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale.
La loi prévoit également qu’une taxe additionnelle de 30 % s’applique à certaines retraites chapeaux, celles qui excèdent de huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale, c’est-à-dire des retraites de 282 816 euros annuels.
Ce régime dérogatoire et la mise en place d’une contribution additionnelle de 30 % dissimulent mal une vérité devenue insupportable pour nos concitoyens, particulièrement dans le contexte socioéconomique actuel.
À l’heure où ce PLFSS nous propose de taxer 7,5 millions de retraités, il nous semble indispensable de poser la question de la légitimité des retraites chapeaux des dirigeants d’entreprises dont on mesure combien elles sont encore aujourd’hui exceptionnellement privilégiées.
Notre amendement tend donc à apporter une plus grande équité dans ce système, en prévoyant de ramener de huit fois à cinq fois le plafond de la sécurité sociale à partir duquel la contribution additionnelle est due.
Je le rappelle, à l’origine, cet amendement avait une portée plus large puisque le groupe CRC souhaitait fixer ce seuil à trois. Mais vous nous aviez répondu l’an passé, monsieur le rapporteur général, que, bien que vous partagiez notre préoccupation, il fallait procéder « par étapes ». Vous aviez ainsi déposé un sous-amendement afin d’abaisser ce seuil à cinq. C’est donc en ces termes que notre amendement avait été adopté par la majorité sénatoriale.
Osant croire que la position que vous aviez l’an passé résultait d’une conviction commune que nous partageons encore, nous avons redéposé cet amendement dans les termes mêmes du consensus que nous avions trouvé ensemble. Nous espérons qu’il sera de nouveau adopté.