Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article.
M. Jean Desessard. Alors que nous abordons la discussion de l’article 15, je veux rappeler la position des écologistes sur la suppression du forfait de cotisation : ils y sont favorables.
Bien sûr, nous avons été sollicités – nous avons reçu des coups de fil, des mails,… – afin que cette disposition soit conservée pour les employeurs de salariés à domicile, mais nous, nous estimons qu’il n’y a pas deux catégories de salariés. Les employés qui travaillent à domicile ou dans le secteur des services à la personne ne sont pas des sous-employés et ils doivent relever, comme tous les autres salariés, du régime général. C’est ce principe qui va nous animer lors de la discussion des amendements.
Certes, on nous objecte que les salariés concernés ont la possibilité de refuser la déclaration au forfait, mais, soyons sérieux : le savent-ils même ? Le monde syndical, qui pourrait les appuyer et les informer, est faible dans ce secteur. Et même lorsqu’elles sont informées, ont-elles la possibilité de refuser ce qu’on leur impose ces personnes qui courent d’employeur en employeur et passent beaucoup temps dans les transports pour assurer plusieurs emplois ?
Par conséquent, même si c’est une possibilité, c’est une possibilité très peu employée, soit parce que les salariés n’ont pas l’information, soit parce qu’ils n’ont pas la possibilité de refuser.
Autre argument, qui est vrai, le forfait est une façon de lutter contre le travail non déclaré, mais le secteur des emplois à domicile n’est pas le seul où il y a du travail au noir. Combien d’employeurs, au lieu d’embaucher une personne comme salarié, lui disent, pour que ça leur coûte moins cher, de prendre le statut d’auto-entrepreneur ou de créer une société à laquelle ils donneront du travail ? Ce type de sous-traitance, c’est, en fait, du travail dissimulé.
Mme Christiane Demontès. C’est la réalité !
M. Jean Desessard. Il y a donc un vrai travail à faire contre le travail non déclaré, mais pas seulement dans le secteur de l’emploi à domicile.
Nous préférons donc nous en tenir au principe selon lequel il n’y a pas deux catégories de salariés : tout emploi est respectable et doit être respecté, et tout salarié doit relever du régime général.
Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Dini, sur l'article.
Mme Muguette Dini. Je suis contre une nouvelle atteinte au dispositif des services à la personne, déjà mis à mal ces dernières années.
Lors de la discussion générale, j’ai développé les éléments qui prouvent l’efficacité de ce dispositif en termes de créations d’emploi et de rentabilité des finances publiques. Je n’y reviens donc pas.
Je tiens quand même à insister sur le fait que ce dispositif d’aide fiscale et sociale répond à un véritable besoin de la société : il facilite la garde des jeunes enfants, l’accompagnement des personnes âgées, qui ne sont pas toutes obligatoirement dépendantes, ou l’aide aux personnes handicapées. Il permet également à beaucoup de femmes de se maintenir sur le marché du travail en leur offrant un moyen de faire garder leurs enfants. Il présente aussi l’avantage de permettre de concilier vie privée et vie professionnelle, notamment pour les ménages des classes moyennes, qui représentent plus de la moitié des 3,5 millions de particuliers employeurs ; et toutes ces familles ne sont pas hyper riches !
Ce dispositif permet en outre l’intégration de publics éloignés du marché du travail ou à faible niveau de qualification. Ceux-ci peuvent ainsi obtenir un emploi, bénéficier d’une couverture sociale normale afin de se constituer des droits à la retraite et, bien souvent maintenant, recevoir une formation.
Rappelons que ces emplois sont non délocalisables !
Le projet de loi de finances pour 2011 a supprimé la réduction de 15 points de charges patronales liée à la déclaration au réel des salariés de particuliers employeurs. Cette suppression, à laquelle je m’étais fermement opposée, a représenté environ 30 % de la hausse du montant des cotisations sociales à payer. C’était d’ailleurs l’objectif du gouvernement.
Les données publiées par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, sur l’activité des particuliers employeurs pour le premier trimestre de 2011 ont montré très clairement cet impact négatif : le nombre de particuliers employeurs a baissé de 0,5 % et le nombre d’heures déclarées a, quant à lui, diminué de 1,9 %.
Dans sa note de conjoncture de mars 2012, l’ACOSS indique une baisse de 3 % du volume horaire déclaré en 2011, laquelle n’a pu être compensée par la hausse de 2,8 % du taux horaire moyen.
En 2011 toujours, la masse salariale nette a baissé de 0,3 % ainsi, bien entendu, que les charges qui y sont attachées.
Dans sa note de conjoncture d’octobre 2012, l’ACOSS souligne que, « En dépit d’évolutions trimestrielles un peu erratiques, le diagnostic de ralentissement voire de baisse de l’activité des particuliers employeurs se confirme. »
Pour le deuxième trimestre de 2012, les données chiffrées publiées sont les suivantes : une baisse de 0,3 % du nombre d’employeurs, une diminution de 3,8 % du volume horaire déclaré et une réduction de 1,2 % de la masse salariale nette.
Remettre à nouveau en cause ce soutien aux emplois à domicile entraînera, à coup sûr, une diminution du nombre d’heures déclarées, la reprise du travail non déclaré et, bien entendu, la destruction officielle d’emplois.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 134 rectifié est présenté par M. Milon, Mmes Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mmes Cayeux et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, M. Fontaine, Mme Giudicelli, M. Gilles, Mmes Hummel et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain et Pinton, Mme Procaccia, MM. de Raincourt, Savary, Husson et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 299 est présenté par M. Barbier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Milon, pour présenter l’amendement n° 134 rectifié.
M. Alain Milon. Cet article vise à supprimer la possibilité de cotiser au forfait pour les particuliers employeurs, qui devront désormais payer les cotisations sur le salaire réel.
Ce passage obligatoire au réel va entraîner un surcoût de la masse salaire. Couplée à la mesure du projet de loi de finances pour 2013 plafonnant à 10 000 euros la déduction fiscale pour l’emploi à domicile, cette disposition provoquera soit des licenciements, soit une baisse des heures déclarées au détriment des salariés.
Pourtant, le secteur des services à la personne a permis la création de plus de 400 000 emplois en équivalent temps plein depuis 2005, et je rappelle qu’il s’agit d’emplois non délocalisables.
Pour ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 15 par scrutin public.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l'amendement n° 299.
M. Gilbert Barbier. Ce qui pourrait apparaître comme une mesure d’équité va en fait bouleverser considérablement l’organisation de beaucoup de foyers. Il est d’ailleurs regrettable qu’aucune étude d’impact n’ait été réalisée sur une mesure si importante pour les personnes âgées, les familles nombreuses et les familles modestes, qui participent à l’embauche de milliers de personnes.
Cette suppression va conduire l’employeur à diminuer le nombre d’heures, à réduire le taux horaire pour ramener le salaire à hauteur du SMIC ou à dissimuler une partie de la rémunération. Nous risquons de voir se développer le travail au noir, comme l’a évoqué M. Desessard, que ce dispositif avait en partie contribué à faire disparaître.
En ajoutant à cela d’autres dispositions telles que le plafonnement à 10 000 euros de la déduction fiscale, nous allons perdre des dizaines, voire des centaines de milliers d’emplois. Ce sont essentiellement des personnes très modestes, des gens qui ne sont pas sur le marché du travail de manière régulière et qui trouvent là un moyen de subsistance, qui seront frappées.
Voilà pourquoi je demande moi aussi la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. À ce stade de la discussion, je voudrais simplement rappeler que la suppression de l’assiette forfaitaire s’attache à corriger une double injustice : d’une part, le salarié déclaré au forfait est lésé, car, en acquittant moins de cotisations, il perd des droits à prestations ; d’autre part, l’employeur qui déclare le salaire réel est paradoxalement désavantagé par rapport à celui qui déclare sur la base du forfait puisque le premier ne bénéficie plus de l’abattement de 15 points sur les cotisations patronales et le second fait subir une perte de recettes aux organismes sociaux.
Dans le contexte économique et social de notre pays, quand le Gouvernement fixe comme objectif le redressement des comptes du pays – et donc des comptes sociaux – avec un parti pris de justice et d’équité, le maintien de cette option exorbitante du droit commun ne se justifie plus.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. Henri de Raincourt. Désolant !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Faisons un bref rappel historique : dans une très récente loi de financement de la sécurité sociale, le gouvernement précédent, suivi par sa majorité, avait décidé de revenir sur l’abattement qui existait dès lors que l’option au réel était privilégiée.
Le résultat, largement prévisible, ne s’est pas fait attendre, et l’ensemble des employeurs ont privilégié le mécanisme au forfait, entraînant une perte de droits pour les salariés concernés. Cette conséquence était inévitable dès lors que la cotisation ne se faisait plus sur la réalité du salaire versé.
C’est donc pour éviter cela que le Gouvernement propose d’en rester au réel, en supprimant la possibilité de cotiser au forfait. Pour autant, et parce que l’Assemblée nationale a eu le sentiment qu’une période de transition était nécessaire, il a été décidé l’instauration d’un abattement de 8 % à hauteur du SMIC.
Tel qu’il existe aujourd’hui, le dispositif me semble équilibré, et il ne devrait pas rencontrer d’opposition trop farouche. En tout cas, c’est ce que le Gouvernement espère. C’est pourquoi il émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Ces deux amendements tendent à supprimer l’article 15 du PLFSS, au motif que son adoption aurait pour effet de renchérir le prix du travail, contraignant les employeurs à renoncer à ces emplois ou à opter pour le travail non déclaré. Ce dernier argument a au moins le mérite de démontrer ce que nous ne cessons de dire depuis des années : la fraude sociale est d’abord et avant tout une fraude aux cotisations.
Naturellement, bien qu’opposé à la mesure d’exonération de cotisations patronales qui figure dans cet article,…
M. Henri de Raincourt. Incroyable !
M. Dominique Watrin. … le groupe CRC rejettera ces deux amendements identiques, qui méconnaissent une réalité pourtant primordiale pour qui veut appréhender le débat, à savoir celle de la situation sociale et économique des salariés du secteur de l’aide à domicile.
Il faut prendre un parti et s’y tenir, et nous pensons que le meilleur choix sera celui qui prendra prioritairement en compte la situation, de plus en plus difficile, des différents intervenants à domicile en emploi direct et même dans le cadre associatif, certes à but non lucratif, mais soumis à la concurrence sauvage et à la précarisation des conditions de travail. Ce n’est peut-être pas exactement le sujet ici, mais je tenais à dire combien il y a beaucoup de souffrance dans tout le secteur de l’aide à domicile et de l’aide à la personne.
Comme vous le savez, il s’agit ici d’un secteur à la fois exclusivement féminin et concernant des personnes souvent peu ou pas qualifiées. Le temps partiel, bien plus subi que choisi, en est la norme. En outre, les conditions de travail se sont particulièrement dégradées depuis plusieurs années. Alors que dans les années soixante-dix et quatre-vingt, par exemple, les aides ménagères étaient très majoritairement salariées par des centres communaux d’action sociale ou par des associations subventionnées par les municipalités, elles sont aujourd’hui de plus en plus nombreuses à être salariées par un particulier employeur.
Ce mouvement n’est pas anodin puisqu’il s’est aussi accompagné de la suppression des cadres collectifs de travail, qui permettaient aux salariées de pouvoir échanger entre elles, de développer des solidarités professionnelles et aussi de bénéficier d’une représentation et d’un soutien syndical. Tout cela manque cruellement et, aujourd’hui, l’isolement des salariées de l’aide à domicile explique les difficultés accrues qu’elles rencontrent à faire reconnaître leurs droits. Car la réalité de ces salariées, ce sont les bas salaires, la précarité, le manque de reconnaissance !
Les sénatrices et sénateurs du groupe UMP voudraient, avec leur amendement, que la précarité qu’elles connaissent aujourd’hui se poursuive. Or rétablir le forfait, ce serait dire à ces salariées qu’il leur faut, afin que leurs employeurs évitent de ne pas respecter la loi, se résoudre à survivre avec le minimum vieillesse demain, à relever de la CMU, bref, à vivre de la galère toujours plus !
Nous nous y refusons, et nous voterons contre ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Je souscris à tous les arguments en matière de répercussion sur l’emploi développés par M. Barbier, Mme Dini et M. Milon.
Pour tempérer les affirmations, en particulier celles exprimées par M. Daudigny, selon lesquelles la cotisation au forfait pénaliserait les salariés, je vous propose, mes chers collègues, un calcul très simple en prenant le cas d’une salariée à mi-temps que je connais bien, payée 2 euros au-dessus du SMIC.
En se basant sur le montant réel, la salariée dont j’ai pris l’exemple subira une retenue supplémentaire de 45 euros à la fin du mois, ce qui n’est pas négligeable par les temps qui courent. Il s’agit donc encore d’une amputation de son pouvoir d’achat, et je vous assure que, quand on lui annonce, elle fait la grimace.
Vous me rétorquerez qu’il s’agit d’un calcul à court terme et qu’on ne maîtrise pas le manque à gagner pour la retraite. C’est d’ailleurs dans ce domaine que le problème se pose, car cela ne change rien en matière de remboursements médicaux, non plus qu’en ce qui concerne les indemnités de chômage, qui sont forfaitisées.
Donc, pour reprendre ce calcul – vous me pardonnerez, j’aime particulièrement les mathématiques financières –, si la salariée en question mettait de côté ces 45 euros par mois et les plaçait sur quarante ans, ce qui est la durée d’une carrière normale, à un taux d’intérêt relativement raisonnable de l’ordre de 3 %, les intérêts cumulés représenteraient un capital non négligeable de 37 000 à 40 000 euros au moment de son départ à la retraite. C’est une vue de l’esprit, je vous l’accorde, et il faudrait affiner le calcul, mais, pour la salariée, cela pourrait sans doute compenser le petit manque à gagner sur sa retraite.
Certes, je sais que, par principe, vous refusez de favoriser la retraite par capitalisation, et il est vrai qu'une salariée qui perçoit un faible revenu ne consentira pas cet effort d'épargne, sauf si elle est très précautionneuse. Reste qu’une retenue de 45 euros, chaque mois, au bas de la feuille de paye, sera ressentie durement par les salariés modestes.
Mme Catherine Procaccia. Absolument !
Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Dini, pour explication de vote.
Mme Muguette Dini. Monsieur Watrin, vous avez parlé de dégradation des conditions de travail. Je rappelle que cet article concerne les services à la personne à domicile et non ceux qui sont dispensés en établissement, où, je le reconnais, compte tenu de l’état des personnes dépendantes, le travail est certainement très difficile.
Chez les particuliers employeurs, les conditions de travail ne seront pas plus mauvaises. Par ailleurs, si ceux-ci sont consciencieux, ils ont passé un contrat de travail et prévu un nombre d’heures raisonnable. Je n'ai pas le sentiment que les salariés se plaignent.
Vous avez également parlé de temps partiel. Bien sûr, nous regrettons tous que ceux qui le souhaitent ne puissent pas travailler à temps complet, mais n'oubliez pas que, pour les personnes non qualifiées, c'est déjà bien d’avoir un temps partiel. En outre, la demande est telle que d’autres employeurs peuvent les solliciter et leur permettre de travailler plus. Incitons donc les particuliers employeurs à embaucher des personnes pour les aider !
Il existe des personnes âgées, en particulier des couples, qui ne sont pas dépendantes et n'ont aucune raison de bénéficier de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, mais qui doivent pourtant se faire aider. Elles doivent alors rémunérer ces services sur leurs retraites, qui sont moyennes ou peu importantes. Elles ont besoin du dispositif en vigueur, car elles ne peuvent pas dépenser plus qu'un certain montant. Que feront-elles si cette mesure est adoptée ? Elles ne dépenseront pas plus : elles diminueront officiellement le nombre d’heures accomplies par le salarié. Celui-ci recevra donc le même salaire net, mais perdra un certain nombre d'avantages, en particulier pour sa retraite.
Voilà pourquoi je pense que cet article est une erreur.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Plancade. Cet article est une vraie fausse bonne idée, d’autant que le projet de loi de finances pour 2013 prévoit déjà un certain nombre de contraintes. Je pense au plafonnement à 10 000 euros de l'exonération fiscale pour les particuliers employeurs ou à la hausse de la TVA que devront subir les associations offrant des services à domicile.
Passer du forfait au réel reviendra d'une certaine façon à encourager le salaire au SMIC, puisque celui-ci ne serait pas touché par la mesure prévue à l'article 15. Si cette disposition est adoptée, tous les employeurs qui versent un salaire supérieur au SMIC subiront une augmentation de plus de 50 % de leurs charges. Ce n'est pas rien !
Toutes ces mesures forment un véritable faisceau de convergences contre l’ensemble de la classe moyenne, qui a un peu les moyens d’employer des personnes à domicile. Cela aura pour conséquence la réduction du nombre d’heures travaillées ou, dans le pire des cas, le recours au travail au noir.
M. Henri de Raincourt. Ou les deux !
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur Watrin, les 3 millions de particuliers employeurs ne font pas de la fraude fiscale, ils utilisent un dispositif légal. Je vous rappelle que cette mesure a remporté un grand succès depuis que Martine Aubry, qui en est à l'origine, l’a instaurée.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Mme Dini a très bien recentré le débat : nous parlons des particuliers employeurs.
Au cours de la discussion générale, je suis intervenue sur ce que j'appelle la niche « nounou ». En effet, ce sont surtout les familles ayant recours à des nourrices pour garder leurs enfants en bas âge ou pour récupérer les plus grands à la sortie de l'école afin de leur éviter des journées trop longues qui seront concernées par cette mesure. Les messages qui me proviennent de ma commune, de mon département, ou de plus loin encore évoquent le surcoût que cela entraînera pour elles.
Compte tenu de l’impact financier de cette disposition, je crains que les femmes qui perçoivent un faible salaire préfèrent rester chez elles pour garder leur enfant jusqu'à trois ans. Cela les éloignera encore un peu plus du travail, alors que c'est justement ce que l'on veut éviter.
Monsieur le ministre, j’ai déjà interpellé votre prédécesseur sur ce point : il faudrait revoir la liste des emplois à domicile, car certains d’entre eux n'y ont manifestement pas leur place ; je pense par exemple aux secrétaires particulières à domicile. Malheureusement, cette liste est fixée par arrêté, et le Parlement ne peut pas légiférer sur cette question.
Recentrons les emplois à domicile sur l'aide aux personnes et l'aide aux familles. Nous pourrions ainsi préserver un certain nombre de dispositions pour ceux qui en ont réellement besoin et non pas pour ceux qui recourent, comme je l’ai dénoncé il y a trois ans, à des coachs sportifs.
Mme Nathalie Goulet. Pas d’accord ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je ne suis pas favorable à la suppression de cet article. Je pense que les dispositions prises à l'Assemblée nationale sur le paiement des cotisations sociales au réel sont tout à fait satisfaisantes.
Je rappelle que la suppression par le précédent gouvernement d’un abattement de 15 points des charges patronales a posé quelques problèmes. L'Assemblée nationale a rétabli un abattement forfaitaire de l'ordre de 0,75 euro par heure. C'est un geste fort de la part du Gouvernement, puisque la perte de recettes est estimée à 210 millions d'euros. Pour tous les employeurs qui ont choisi de payer au réel, il s’agit donc d’une avancée.
Aujourd'hui, 70 % des emplois sont déclarés au réel, les 30 % restants le sont au forfait. C’est pourquoi la suppression brutale de ce mode de déclaration poserait problème. C’est tout le sens de l’amendement que j’ai déposé et que nous aurons, je l’espère, l'occasion d'examiner.
Je suis tout à fait d'accord pour que le forfait disparaisse progressivement, mais cette disposition n'est pas si récente que cela, et nous nous en sommes tous bien accommodés depuis de très nombreuses années. J’ai rarement entendu demander sa suppression, et pour cause ! Cette mesure avait pour but de promouvoir les emplois de service à la personne, au moment où on voulait les développer pour contrebalancer la perte d'emplois industriels.
Supprimer brutalement la déclaration au forfait risquerait d'avoir des conséquences qui ne sont pas négligeables ; elles ont été rappelées. Je souhaite insister sur l’une d’entre elles qui me semble particulièrement importante.
En supprimant cette mesure, on pense évidemment que les salariés concernés bénéficieront d’une meilleure protection sociale et de meilleures cotisations ; c'est certainement vrai. Cependant, si l’on ne prend pas le temps de faire un lissage – si l’on casse la vaisselle d'un coup –, étant donné l'augmentation du coût horaire pour les employeurs, que se passera-t-il ?
M. Jacky Le Menn. Le travail au noir !
M. Jean-Pierre Godefroy. Peut-être, et ce serait tout à fait dommageable.
Pour ma part, je crains surtout que l’on n’assiste progressivement à une renégociation des conditions de salaire et à des procédures de révision du salaire horaire net, sur la base du coût global salaires plus charges. Ce risque concerne 30 % des emplois à domicile, c'est-à-dire grosso modo 225 000 employeurs.
On aurait pu conserver la décision prise par l'Assemblée nationale et le Gouvernement, car elle est bonne, et maintenir dans le même temps le forfait en le majorant, pour permettre une meilleure protection sociale et avancer progressivement. Si l'Assemblée nationale, dans sa grande sagesse, a proposé qu'un état des lieux soit réalisé dans un an, c’est bien que tout n’est pas simple !
Dans ces conditions, pourquoi casser la vaisselle maintenant ? Mettons au contraire en place un système progressif. Cela permettra de faire le point, de savoir si cela entraîne des pertes d'emplois parmi les employés déclarés au forfait et de répondre à un certain nombre d'interrogations légitimes. Une position abrupte, dans un sens ou dans un autre, ne me semble pas adaptée à la situation d'aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacky Le Menn. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce débat devient un peu irréel. Faut-il une fois de plus rappeler que le premier enjeu des dispositions qui sont proposées par le Gouvernement, c'est l’élargissement des droits sociaux des salariés ?
Certes, nous avons eu une très belle démonstration des bienfaits de la retraite par capitalisation de la part de M. Cardoux, mais, pour ma part, je préfère un système de retraite, collectif, solidaire à un système fondé sur la capitalisation exercée à titre individuel.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je le répète, gardons à l’esprit qu'il s'agit d'élargir les droits sociaux des salariés.
M. André Reichardt. S'il reste des salariés !
M. Jean-Pierre Plancade. C'est une mesure contre les classes moyennes !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Non, on ne peut pas dire que ce sont les classes moyennes qui sont visées par ce dispositif ! Les crédits d'impôt en vigueur sont maintenus, tout comme les exonérations. Il y a donc bien encore un système d’avantages fiscaux qui permettra aux classes moyennes de recourir à des emplois à domicile dans des conditions qui leur seront favorables.
Il existe deux fédérations. La Fédération des particuliers employeurs de France, la FEPEM, est favorable au dispositif aujourd'hui proposé.
M. Jean Desessard. Absolument !
Mme Muguette Dini. Ce n’est pas vrai !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La Fédération du service aux particuliers, la FESP, elle, y est défavorable, mais il est vrai qu’elle représente non plus les particuliers employeurs, mais les entreprises, c'est-à-dire les mandataires.
Il existe un certain nombre de cas pour lesquels je n'ai pas d'états d’âme. Je pense aux cours particuliers à domicile. Devons-nous encourager les sociétés qui proposent ces prestations – Acadomia, par exemple – ou l'éducation nationale ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Henri de Raincourt. C’est nul !
Mme Catherine Procaccia. Les cours non déclarés, c'est mieux ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cela ne vous plaît pas, mais peu importe ! Pour ma part, je revendique le fait que l'éducation nationale puisse prendre en charge l'ensemble des élèves, quelles que soient leurs difficultés.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C'est l'égalité des chances !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je ne veux pas que les familles favorisées puissent, plus que d'autres, payer des cours particuliers à domicile. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Absolument !
Mme Muguette Dini. Il n'y a pas qu'elles !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous vivons heureusement dans un pays de liberté – j’espère que cela durera encore longtemps –, mais ce n'est pas à la loi de favoriser ce type de prestation. Il en va de même pour le secrétariat à domicile, madame Procaccia. Nous pourrions d’ailleurs nous retrouver sur ce point.
Et quid des cours de musique à domicile ? Que ceux qui peuvent se les payer le fassent, cela ne me gêne pas, mais qu'ils respectent le droit du travail et le droit des salariés. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)