M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements identiques.
Je l’ai déjà dit, au moment où un effort est réclamé au pays, il me paraît légitime de demander à ceux qui au-delà de 180 000 euros ne cotisaient pas sur leurs revenus de le faire désormais.
Vous semblez penser que l’ensemble des chefs d’entreprise, des commerçants et des artisans seront concernés par cette disposition. On pourrait presque regretter pour eux que tel ne soit pas le cas. Nous savons bien, au vu de la distribution des revenus des commerçants, des artisans et des chefs d’entreprise, que l’écrasante majorité d’entre eux ne sera évidemment pas concernée par cette disposition pour le simple motif qu’ils n’ont pas ce niveau le revenu.
Je souhaite mesurer quelque peu vos propos en les ramenant à une juste proportion. Il est incontestable que cette mesure est rude pour les professionnels, mais elle ne concerne qu’une minorité des indépendants.
Quant au RSI, ceux qui sont redevables de ce régime choisiront leurs dirigeants en leur âme et conscience ; je n’ai pas à porter de jugement en la matière. Je constate simplement que sinon les dirigeants, en tout cas le conseil d’administration de ce régime a approuvé cette réforme. Cela n’emporte pas décision. La légitimité du Parlement est insurpassable, et je n’ai jamais prétendu le contraire. Je considère simplement qu’à partir du moment où les administrateurs du régime ont accepté la réforme dans son principe et dans ses modalités, c’est qu’ils ont dû estimer que, dans l’ensemble, les indépendants affiliés à ce régime ne devaient pas y perdre autant que certains semblent bien vouloir le dire.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 181 et 312.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 379, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Par dérogation au dernier alinéa de l'article L. 722–1–1 du code de la sécurité sociale, la demande prévue à cet alinéa est ouverte aux pédicures-podologues affiliés au régime mentionné à l'article L. 722-1 du même code à la date de publication de la présente loi. À cette fin, ils doivent adresser un courrier faisant état de leur choix à l'organisme en charge du recouvrement des cotisations du régime général dont ils dépendent et au régime social des indépendants au plus tard le 30 avril 2013. L’affiliation au régime social des indépendants prend effet à compter du 1er janvier 2013.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le présent amendement offre de nouveau la possibilité aux pédicures-podologues relevant du régime maladie des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés de demander leur affiliation au RSI, en vue d’être affiliés à ce régime, qui leur était précédemment ouvert jusqu’au 31 mars 2012.
Il est ainsi tenu compte des incompréhensions ou difficultés que ces professionnels ont pu rencontrer dans l’exercice de ce droit d’option.
Cet amendement ne devrait pas poser de difficulté au Parlement, en tout cas je forme le vœu qu’il en soit ainsi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission des affaires sociales est favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote sur l'article.
M. Alain Milon. Nous avons beaucoup parlé de cet article, mais il n’est pas inutile de procéder à quelques redites.
L’article 11 prévoit d’infliger 1,3 milliard d’euros de prélèvements supplémentaires aux travailleurs indépendants : commerçants, artisans et professions libérales.
Une fois de plus, le Gouvernement démontre qu’au lieu de rechercher un équilibre en mettant en place une restriction des dépenses, sa seule obsession est l’augmentation des recettes. Cette hausse des cotisations aura des conséquences catastrophiques sur l’emploi et sur l’investissement pour les travailleurs indépendants.
Tout d’abord, le principe même de cette mesure est particulièrement injuste. Les commerçants, artisans et professions libérales travaillent beaucoup, créent des emplois et sont très présents dans nos territoires ruraux. Ils embauchent et forment de nombreux jeunes, notamment dans les métiers manuels, que nous avons le devoir de revaloriser. Alors que les indépendants souffrent déjà de la crise, l’annonce de la hausse des cotisations est un signal désastreux dans une période où les trésoreries sont tendues et où la consommation des ménages est historiquement au plus bas.
En outre, elle vient s’ajouter à la suppression des exonérations de charges sociales sur les heures supplémentaires de leurs employés ! Cette mesure est d’autant plus délétère que, même si les professions libérales cotisent à un taux légèrement inférieur, elles bénéficient, pour l’assurance maladie-maternité, non pas de prestations en espèces identiques à celles du régime général, mais uniquement des prestations en nature.
Préserver leurs cotisations maladie serait non seulement une juste reconnaissance du temps et de l’énergie qu’ils consacrent à leur métier, mais surtout une nécessité pour les aider à surmonter la crise.
En outre, la grande majorité des entreprises françaises du secteur marchand non agricole sont dirigées par des chefs d’entreprise non salariés, les travailleurs indépendants. En proposant de réintégrer dans l’assiette des cotisations sociales les dividendes versés dépassant 10 % des capitaux propres, vous faites un amalgame entre les revenus du capital et ceux du travail. Les dividendes sont d’une autre nature que les revenus du travail : ce sont des revenus du capital, qui sont d’ailleurs imposés comme tels, nos collègues l’ont souligné tout à l’heure. Selon nous, il convient de maintenir cette distinction. Les frais professionnels ne sont pas toujours pris en charge par les sociétés. Lorsqu’il y a plusieurs gérants, par exemple, chacun assume personnellement ses charges. Cette mesure introduit donc une inégalité.
Enfin, cette hausse des cotisations sociales des commerçants, artisans et professions libérales est infondée, car nous sommes dans une dynamique de redressement.
L’effort de redressement des comptes sociaux a été considérable sous la précédente législature. Je rappelle que de 1997 à 2002 l’ONDAM n’a jamais été respecté, le déficit étant voté à 3 % et exécuté à 5,5 % (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.), voire plus certaines années ; cette mauvaise gestion a fait perdre 13 milliards d’euros à l’assurance maladie. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame de nouveau.)
À l’inverse, depuis 2007, l’ONDAM a toujours été respecté strictement,…
M. Jean-Jacques Mirassou. Tu parles !
M. Alain Milon. … ce qui a représenté plus de 11 milliards d’économies grâce aux réformes structurelles importantes qui ont été menées. Je citerai notamment, pour la branche maladie, la loi HPST,…
M. Alain Milon. … qui a permis de redresser les comptes de l’hôpital public. Je citerai également, pour la branche vieillesse, la réforme des retraites et des régimes spéciaux, qui a préservé notre système de retraite par répartition sans baisser le montant des pensions ni augmenter les cotisations.
Votre projet de loi compromet l’effort de redressement des comptes sociaux en ne prévoyant qu’une avalanche de taxes supplémentaires. En multipliant les taxes et les cotisations dans une logique purement comptable, il asphyxie les indépendants, qui, par leur travail, permettent de financer la protection sociale.
Nous regrettons que nos arguments, à l’appui de nos amendements, ne vous aient pas convaincus. Nous voterons contre cet article. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Caffet. Bien évidemment, nous voterons cet article.
Je souhaite néanmoins revenir, ne serait-ce que quelques minutes, sur les propos tenus par M. Milon.
On peut discuter à l’infini sur le respect de l’ONDAM, qui, si j’ai bien compris vos propos, monsieur Milon, n’aurait pas été systématiquement respecté entre 1997 et 2002. Pourtant, cher monsieur Milon, tout le monde a pu constater qu’entre 1997 et 2002 les comptes de la protection sociale étaient équilibrés… (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Voilà !
M. Jean-Pierre Caffet. … et qu’entre 2002 et 2012 ce ne sont pas moins de 160 milliards d’euros de dette qui ont été accumulés par les gouvernements de droite ! Cette somme se répartit de la manière suivante : 70 milliards d’euros entre 2002 et 2007 et 90 milliards d’euros entre 2007 et 2011. Ces 160 milliards d’euros de dette ont été accumulés par la droite en dix ans, alors que les régimes étaient équilibrés à la fin des années quatre-vingt-dix et en 2000. Voilà la première remarque que je voulais faire.
M. Gilbert Barbier. Et la crise ?
M. Jean-Pierre Caffet. La crise a bon dos, monsieur Barbier ! En effet, entre 2002 et 2007, avant la crise, 70 milliards d’euros de dette ont été accumulés, c’est-à-dire 10 milliards d’euros par an.
M. Jacques Chiron. Voilà la réalité !
M. Jean-Pierre Caffet. À un moment donné, il faut quand même admettre la réalité des chiffres et rendre à César ce qui appartient à César !
Ma seconde remarque concerne l’article 11. Nous allons évidemment le voter, car le régime social des indépendants est profondément déséquilibré et, sans mesures de redressement, son existence est menacée.
Ces mesures de redressement – M. le ministre l’a souligné à deux reprises mais je crois qu’il faut le répéter – ont été acceptées par le conseil d’administration du RSI. C’est donc la preuve que, à tout le moins, la gravité de la situation du RSI a été prise en compte par les responsables de ce régime. Il appartiendra ensuite à ceux qui sont affiliés à ce régime de décider si son conseil d’administration a bien agi ou non. Cela n’est pas de notre ressort. À nous, il revient de prendre les mesures qui permettront de rééquilibrer ce régime.
Je répète encore une fois que les mesures qui sont proposées par le Gouvernement sont des mesures de justice. En quoi est-il juste d’être la seule profession à avoir une cotisation maladie déplafonnée lorsqu’on perçoit un revenu supérieur à 180 000 euros,…
M. Jean Desessard. Évidemment !
M. Jean-Pierre Caffet. … montant qui n’est tout de même pas négligeable ? En quoi est-il juste de bénéficier d’un double abattement sur les revenus et sur les frais professionnels ?
M. Jean Desessard. Bien sûr !
M. Gilbert Barbier. Ils ne sont pas exemptés !
M. Jean-Pierre Caffet. Mais enfin, quand quel monde vivons-nous ?
Votre refus de rééquilibrage de ce régime, au-delà de l’irresponsabilité dont il témoigne, est bien la marque de fabrique de la politique que vous avez conduite, pendant dix ans, en matière de gestion des comptes sociaux : une politique profondément inégalitaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur quelques travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Après la vérité des chiffres donnés par notre collègue Jean-Pierre Caffet, j’aimerais à mon tour rétablir un peu les choses, car je trouve dommage de mêler l’ONDAM et l’article 11.
Même si l’ONDAM avait été fixé à 2,5 %, cet article aurait tout de même eu toute sa place, puisque l’ONDAM, c’est l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, comme tout le monde le sait, notamment M. Milon. Cela n’a donc rien à voir avec cet article, qui vise à rééquilibrer le régime social des indépendants, lequel, comme vient de le souligner Jean-Pierre Caffet, est un régime à part de la sécurité sociale, déficitaire depuis de nombreuses années.
Vous savez aussi, mes chers collègues, que la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S – dont nous discuterons à l’article 12 de ce PLFSS – alimente le RSI, contribuant ainsi à l’équilibre de ce régime.
Or, mes chers collègues, l’excédent non affecté au RSI de la C3S est affecté au FSV, le fonds de solidarité vieillesse. Donc, tout ce qui n’ira pas vers le RSI sera orienté vers le fonds de solidarité vieillesse. Ce n’est pas le rapporteur des crédits de la branche vieillesse qui s’en plaindra d’ailleurs.
Les dispositions prévues à l’article 11 permettront de rééquilibrer le RSI, grâce à une contribution des artisans et de toutes les personnes qui cotisent à ce régime, mais c’est aussi une mesure d’équité sociale, comme cela vient d’être dit.
Par ailleurs, cet article permettra de réduire le déficit de la branche vieillesse, ce qui est quand même une démarche positive, qu’il faut saluer.
Donc, je souhaite vraiment que l’on cesse de faire l’amalgame entre l’ONDAM et le RSI, qui sont deux choses distinctes. Cela ne fait qu’introduire du flou dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui est déjà suffisamment compliqué sans qu’il soit besoin d’en rajouter. (M. Alain Milon s’exclame.)
Donc, soyons clairs, le RSI c’est véritablement pour le régime des indépendants et cela n’a rien à voir avec l’ONDAM. Je le répète : si l’ONDAM avait été fixé à 2,5 %, cet article aurait tout de même été dans ce PLFSS. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Je voudrais répondre à notre collègue M. Caffet,…
M. Philippe Bas. … qui a tout à l’heure jugé utile de nous donner son interprétation de l’évolution des comptes publics sous le gouvernement de Lionel Jospin…
Mme Michelle Meunier. C’était évidemment utile !
M. Philippe Bas. … et de lui opposer les résultats des comptes sociaux pendant la période récente.
M. Jean-Pierre Caffet. Pas récente : dix ans !
M. Philippe Bas. Cher collègue, vous avez raison sur un point (Ah ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.)…
M. Jean-Pierre Caffet. Merci !
M. Philippe Bas. … et tort sur beaucoup d’autres.
Vous avez raison, entre 1997 et 2002, les comptes sociaux ont été proches de l’équilibre. (Très bien ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.) À cette époque de croissance internationale exceptionnelle (Ah ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.), les ressources de la sécurité sociale ont augmenté, plusieurs années de suite, d’environ 5 %. Vous en avez d’ailleurs profité pour laisser filer les dépenses au même rythme, si bien que, au moment où la conjoncture s’est retournée, c’est-à-dire non pas en 2002 mais en 2001, les recettes ont cessé d’augmenter, tandis que le rythme des dépenses se maintenait.
C’est ainsi que le relâchement de la discipline en matière de dépenses un jour est la cause principale du déficit le lendemain. Vous portez donc la responsabilité principale (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) de l’explosion des déficits en 2002 (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – MM. Michel Mercier et Yves Pozzo di Borgo applaudissent également.),…
M. Jean-Pierre Caffet. Vous l’avez eue pendant dix ans !
M. Philippe Bas. … que nous nous sommes donné le mal de corriger, d’abord grâce à la réforme courageuse des retraites menée en 2003 et poursuivie en 2010 et grâce aussi à la réforme de l’assurance maladie en 2004. D’ailleurs, vous vous gardez bien de remettre en cause cette dernière, car c’est le cadre que vous appliquez encore pour la définition de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie pour 2013.
Ensuite, dites-vous, les déficits ont explosé sous le gouvernement précédent. Vous semblez méconnaître (M. Michel Vergoz s’exclame.) – sans doute dans un déni de la réalité économique qui vous est familier – qu’à partir de 2008 une crise extrêmement grave s’est développée en Europe et dans le monde, et que les recettes se sont effondrées tandis que les dépenses sociales augmentaient. Car ce que nous appelons, les uns et les autres, des « stabilisateurs économiques » permettent effectivement d’amortir les résultats de la crise et font qu’au moment où les recettes s’effondrent les dépenses, loin de diminuer, continuent à progresser rapidement.
Face à cette situation, je ne crois pas que vous auriez préconisé des mesures d’austérité budgétaires radicales. Il fallait au contraire passer le creux de la crise, mais cela signifie aussi qu’il fallait appliquer une gestion très rigoureuse de manière que chaque euro dépensé le soit réellement au profit de la santé. C’est ce que le gouvernement Fillon, qui a agi jusqu’en 2012, s’est efforcé de faire, avec succès, puisque le rythme de réduction des déficits a été extrêmement soutenu au cours des trois dernières années.
Dès lors, cessons de nous opposer sur des chiffres sur lesquels tout le monde est en fait d’accord, pour développer une interprétation tout simplement objective des réalités. (M. Jean-Pierre Caffet s’exclame.) Aujourd'hui, vous êtes, comme nous l’avons été, confrontés à des difficultés. Nous n’avons pas besoin de nous tourner vers le passé pour vous recommander de faire un effort supplémentaire de maîtrise des dépenses et d’éviter de matraquer les entreprises, en particulier les artisans, au moment où apparaît le risque d’une récession grave. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Michel Mercier applaudit également.)
M. Michel Vergoz. Il faudrait un « véritomètre » dans cette salle !
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Monsieur le président, je n’en abuserai pas. Toutefois, le raisonnement de notre excellent collègue Philippe Bas me paraît quelque peu pécher sur un point.
Il rappelle à juste titre que l’essentiel de la période où la gauche plurielle était au pouvoir, de 1997 à 2002, a correspondu à une phase d’une certaine vitalité de la croissance mondiale, semblant impliquer par là qu’il n’y avait évidemment aucun mérite à profiter de cette croissance.
Il y a un lien entre les deux, mes chers collègues, qui est la compétitivité.
M. Gérard Longuet. Vous l’avez détruite !
M. Alain Richard. Je suis désolé de provoquer les vociférations de mon collègue et ami Gérard Longuet, que j’invite simplement à regarder comment la France, depuis 2002, et dans la période qui a suivi, jusqu’en 2012, s’est située dans le flot de la croissance mondiale. Car, en 2012, la croissance mondiale est toujours là !
M. Jean-Pierre Caffet. C’est vrai !
M. Alain Richard. Monsieur Bas, permettez-moi d’appeler votre attention sur ce point. Quand on dit que la croissance mondiale est ralentie, cela veut dire qu’elle est à 3 % ou 4 %, elle n’est pas nulle.
Durant la période 2002-2012, la croissance mondiale moyenne s’est établie à 5 % par an. Par conséquent, si nous n’avions pas perdu des monceaux de points de compétitivité, nous aurions gardé une croissance en phase avec la croissance mondiale. Ceux qui ont été aux responsabilités entre 2002 et 2012 ont, me semble-t-il, quelque peu oublié cet élément clé de notre situation nationale : si nous n’arrivons pas à demeurer au moins dans la moyenne des pays développés en matière de compétitivité, quels que soient les efforts que nous déployons, nous ne parvenons pas à équilibrer nos comptes.
Mme Isabelle Debré. C’est vrai !
M. Alain Richard. Je rejoins M. Bas sur sa conclusion : il y a aujourd’hui un effort, et je reconnais qu’il y en a eu dans le passé récent, pour rééquilibrer les comptes. Cela étant entendu, il n’est peut-être pas utile de prendre des attitudes exagérément accusatoires quand nous sommes, les uns et les autres, obligés de nous retrousser les manches et de prendre des mesures courageuses. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
M. Jean-Pierre Caffet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. M. Caffet a évoqué le déficit de 160 milliards d’euros accumulé sur dix ans. M. Bas nous a expliqué que la crise en était essentiellement responsable. Ce n’est pas vrai, monsieur Bas,…
Mme Isabelle Debré. Les 35 heures !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … et je vais vous le montrer.
Je vous renvoie au tableau qui figure dans le tome I de mon rapport concernant les équilibres financiers généraux et qui fait état de la répartition, en points de PIB, du solde des administrations de sécurité sociale entre solde conjoncturel et solde structurel.
En 2008, donc avant la crise, le solde conjoncturel est de 0,8 point de PIB, le solde structurel est en régression de 0,1 point de PIB ; en 2009 – la crise est là –, le solde conjoncturel est de moins 0,3, le solde structurel de moins 0,5 ; en 2010 – toujours dans un contexte de crise –, le solde conjoncturel est de moins 0,3, le solde structurel de moins 0,9 ; en 2011, moins 0,2 pour le solde conjoncturel, moins 0,4 pour le solde structurel ; en 2012, le solde structurel est encore de moins 0,1 point de PIB.
À l’aune de l’indicateur de solde structurel, c’est bien la gestion du précédent gouvernement qui apparaît comme impardonnable en ce qui concerne le déficit de la sécurité sociale. Ainsi, en 2008, avant l’entrée dans la crise, l’excédent des administrations de sécurité sociale, de 0,7 point de PIB, n’était dû qu’à la composante conjoncturelle, c’est-à-dire à des effets d’aubaine en recettes. Les administrations de sécurité sociale sont donc entrées dans la crise avec un déficit structurel.
Plus impardonnable encore, le déficit structurel s’est creusé jusqu’en 2010, jusqu’à 0,9 point de PIB, comme je viens de l’indiquer, ajoutant à la crise une gestion que l’on peut aujourd'hui qualifier de peu responsable. Ce n’est que depuis 2011, comme je l’ai dit en d’autres lieux, que le déficit structurel tend à se résorber.
En 2009, la composante structurelle représentait 60 % du déficit des administrations de sécurité sociale. Pour 2010, cette part atteignait même 75 %, les trois quarts, et, en 2011, le solde structurel représentait encore les deux tiers du déficit des administrations de sécurité sociale.
Vous ne pouvez pas aujourd'hui faire porter à la crise la responsabilité du déficit de la sécurité sociale. Certes, la crise y a ajouté, mais c'est bien votre gestion qui est responsable de l'essentiel de la crise de notre système de protection sociale. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.
M. Christophe Béchu. Je vais m’efforcer de suivre les conseils de nos collègues qui souhaitent que ce débat ne donne pas lieu à des excès passionnés, où les propos des uns et des autres finiraient par mettre à mal l’image de notre assemblée, empreinte de sagesse, guidée par la pensée et la rationalité.
Nous pourrions, au titre de l'archéologie politique,…
M. Jean-Jacques Mirassou. Cela commence bien !
M. Christophe Béchu. … examiner la période 1997-2002.
M. Jean-Pierre Caffet. Ce n’est pas nous qui avons commencé !
M. Christophe Béchu. Mon cher collègue, vous n'avez pas été le dernier à allumer la mèche pour enflammer ce débat !
M. Jean-Pierre Caffet. Mais non, j’ai essayé de l’éteindre !
M. Christophe Béchu. J'ai eu la patience de vous écouter avec respect ; je ne doute pas que vous serez capable d'en faire autant à mon endroit.
M. Jean-Pierre Caffet. Absolument.
M. Christophe Béchu. Je disais donc que nous pourrions faire de l'archéologie politique pour voir quelles ont été les évolutions conjoncturelles et structurelles pendant la période 1997-2002. Mais nous pouvons aussi nous livrer à un autre exercice et nous demander si, quand vous étiez dans l’opposition, vous avez, oui ou non, multiplié les propositions pour améliorer les comptes de la sécurité sociale au regard de la situation de l’époque.
Avez-vous proposé des mesures en termes de réduction des dépenses qui soient à la hauteur de celles qui ont été engagées par le gouvernement ?
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Oui !
M. Christophe Béchu. Avez-vous participé au rétablissement de l'équilibre des comptes sociaux ? Je pense à la réforme des retraites, que vous avez, au final, benoîtement reprise voilà quelques semaines après un ajustement somme toute mineur, en vous distinguant en Europe comme l'un des seuls blocs de gauche à ne pas avoir participé à un vote pour faire en sorte de parvenir à un équilibre avant tout lié à des évolutions démographiques.
Aussi, donner des leçons quand on a fait de l’opposition systématique dans le passé et qu'on n’a découvert qu’au lendemain des élections, après avoir multiplié les promesses, la réalité de la compétitivité ne me semble pas être la meilleure façon d’apaiser nos débats ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Michel Vergoz s’exclame.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 11
M. le président. L'amendement n° 62, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen et David, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre 7 du titre 3 du livre Ier du code de la sécurité sociale est complété par une section 12 ainsi rédigée :
« Section 12
« Contribution patronale sur les nouvelles technologies se substituant aux travailleurs
« Art L. 137-27. - Lorsque l'employeur procède à un licenciement pour motif économique résultant de l'introduction dans l'entreprise de nouvelles technologies se substituant aux travailleurs, il est tenu de s'acquitter d'une cotisation sociale au titre de l'assurance vieillesse au cours des trois années à compter de la date du licenciement.
« Le montant de cette cotisation est équivalent aux deux tiers du montant global des cotisations sociales dont l'employeur aurait dû s'acquitter pour chacun des employés remplacés.
« Les modalités de règlement sont déterminées par décret. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Depuis plusieurs années, nous remettons l’ouvrage sur le métier à propos d’un sujet qui, à bien y regarder, pourrait constituer une avancée considérable pour le financement de notre protection sociale.
Nous avions présenté un amendement similaire l’année dernière. Nous avions surtout soutenu l’amendement de notre collègue Fouché qui, bien qu’adopté par notre assemblée, n’avait pas survécu à la commission mixte paritaire. Nous reprenons cette année le même dispositif.
À partir du moment où un salarié est licencié et remplacé par une machine, l’employeur se doit de cotiser : en effet, il réalise une économie substantielle puisqu’il n’est plus assujetti aux cotisations sociales.
Nous savons toutes et tous ici que la valeur ajoutée n’est en rien rognée par le choix de la machine, bien au contraire, la productivité augmentant avec l’installation des machines.
En revanche, la part salariale dans les dépenses de l’entreprise diminue considérablement. La marge restante est en général fort peu utilisée pour augmenter les rémunérations des salariés ; elle sert à accroître la rémunération du capital.
La taxation du capital est, de manière endémique, inférieure à la taxation du travail. Cette non-taxation des machines a plusieurs conséquences : elle accroît les marges des entreprises et, dans le même temps, aggrave la situation de nos comptes sociaux, d’une part, en supprimant des recettes et, d’autre part, en faisant porter sur la collectivité les indemnisations du chômage.
Pour nous, il ne s’agit pas de mettre un frein à l’innovation technologique ou à l’automatisation d’un certain nombre de tâches répétitives et parfois usantes pour les salariés, il s’agit d’une conception selon laquelle une industrie, et plus largement une économie, en mutation ne peut évoluer en s’exonérant de la solidarité et la responsabilité du patronat.
Au lieu d’avoir recours au licenciement qui, au bout du compte pèse sur la solidarité nationale, l’objectif du patronat devrait être de former les salariés à de nouvelles tâches plus valorisantes.
Voilà tout le sens de notre amendement. Il tend à amener le patronat, mais également les syndicats, à réfléchir aux conséquences des suppressions sèches de postes de travail et du remplacement de salariés par des machines.
Nous savons combien dans le monde du travail, dès le XVIIIe siècle en Angleterre ou chez les canuts de Lyon, des réticences se sont exprimées contre l’automatisation, quelquefois de manière violente. Je ne vous citerai pas ici les belles pages sur ce sujet écrites par Zola dans Germinal. Intuitivement, les ouvriers ont parfois rejeté ces modernisations parce qu’ils savaient qu’elles entraîneraient leur licenciement. C’était une époque où la protection sociale n’existait pas.
Puisque ce débat traverse le monde du travail depuis l’automatisation, il convient que nous inventions une solidarité nouvelle face aux avancées technologiques. Oui, les machines peuvent et doivent cotiser !
Nous espérons que nos collègues qui avaient soutenu un amendement analogue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 auront à cœur de confirmer leur vote.