M. Ronan Kerdraon, rapporteur. Très bien !
Mme Marisol Touraine, ministre. Il ne doit pas y avoir d’un côté l’administration d’État, de l’autre les acteurs territoriaux. Il faut aboutir à des partenariats, ce qui n’empêche pas que viendra le moment de l’arbitrage et du choix, lequel ne sera pas forcément celui qu’auraient souhaité les acteurs locaux, qui auront du moins été associés à la démarche.
En ce qui concerne l’assurance vieillesse, nous avons effectivement eu la volonté de mettre en place des mesures d’équité visant certaines catégories de la population. Je partage votre souhait, monsieur Kerdraon, que soient mises en place des politiques prenant mieux en compte la pénibilité. C’est la raison pour laquelle, dès le 2 juillet dernier, nous avons pris un décret permettant à des femmes et à des hommes ayant commencé leur carrière avant 20 ans et travaillé depuis sans discontinuer de pouvoir partir à la retraite dès 60 ans. Il s’agit d’une importante mesure de justice et d’équité.
J’ai également été sensible à vos propos sur la situation des personnes ayant été privées du bénéfice de l’AER par le gouvernement précédent. Il nous faut étudier précisément quelle incidence peut avoir l’entrée en vigueur du décret précité, lequel ne s’applique que depuis le 1er novembre dernier. Une partie d’entre elles devraient, selon nous, bénéficier de son application, qui concernera 110 000 personnes l’année prochaine. En tout état de cause, nous devrons à l’évidence avancer sur ce sujet.
M. Godefroy a souligné avec raison que ce PLFSS comporte des avancées importantes, notamment la création d’une nouvelle prestation complémentaire pour le recours à tierce personne, la facilitation du recouvrement des sommes dues par les employeurs quand une faute inexcusable est reconnue. Concernant l’ouverture d’une autre voie d’accès à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le sujet est difficile, mais nous allons le reprendre.
Vous avez manifesté des inquiétudes que je souhaiterais pouvoir dissiper à l’occasion de ce débat, monsieur Godefroy. En particulier, la baisse des dotations de l’État au FIVA ne constitue en aucun cas un désengagement financier. Aucun établissement public, surtout dans la période actuelle, n’a vocation à conserver des réserves équivalentes à un an de dépenses : c’est donc par souci de bonne gestion que nous avons pris en compte les réserves du FIVA.
C’est exactement la même démarche qui nous a amenés à utiliser les réserves non consommées du Fonds d’allocation temporaire d’invalidité des agents des collectivités locales pour réduire les besoins de financement de la CNRACL. Il s’agissait, là encore, de réserves extrêmement importantes dont le maintien est difficilement justifiable en cette période où il convient de gérer de façon serrée les disponibilités des organismes et régimes de sécurité sociale.
En ce qui concerne la prévention, nous ne pouvons que souscrire à votre souhait de la voir renforcer. Ce sera l’enjeu de la prochaine convention d’objectifs et de gestion, dont le calendrier devrait être légèrement décalé pour assurer sa coordination avec celui de la branche maladie. Un certain nombre de thèmes, par exemple celui des systèmes d’information, nécessitent en effet d’être appréhendés conjointement.
Nous aurons l’occasion de revenir sur certaines de vos propositions à l’occasion de l'examen des amendements que vous présenterez. Le Gouvernement l’abordera de la manière la plus constructive possible.
Madame Pasquet, je voudrais vous rassurer : la revalorisation des prestations familiales, telle qu’elle est prévue, permettra de maintenir leur pouvoir d'achat l’année prochaine.
Certes, les comptes de la branche famille restent en déséquilibre, et il n’y aura pas d’amélioration l’année prochaine. Mais si nous n’avions pris aucune mesure dans le cadre de ce PLFSS, c’est une aggravation de la situation que nous connaîtrions ! Notre action marque un coup d’arrêt à la politique qui avait été engagée par le gouvernement précédent et témoigne d’une volonté forte de notre part.
Comme l’a annoncé Mme Bertinotti, la nouvelle convention d’objectifs et de gestion entre l’État et la CNAF sera signée au début de l’année prochaine. C’est dans ce cadre que seront abordées les évolutions souhaitables du réseau des caisses d’allocations familiales, au vu du bilan de la mise en œuvre de la convention en cours, notamment de la départementalisation. Je vous sais particulièrement attentive à la situation difficile dont nous avons héritée, notamment dans les Bouches-du-Rhône ; à cet égard, je puis vous indiquer que Mme Bertinotti se rendra à Marseille très prochainement. Nous nous sommes efforcés de mettre en place une politique qui permette de maintenir la situation, de garantir les conditions de travail des salariés tout en répondant au mieux aux attentes des familles. Mme Bertinotti aura l’occasion de vous répondre plus longuement dans la suite de la discussion.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments que je souhaitais vous apporter. Monsieur le rapporteur général, croyez que je partage votre souhait de voir le Gouvernement mieux remplir ses obligations en matière d’information du Sénat, la situation n’étant pas toujours optimale à cet égard actuellement. Le rapport sur le Fonds d’intervention régional, que vous avez évoqué, devrait vous être transmis aujourd'hui : c’est certes un peu tard, mais mieux vaut tard que jamais ! Je vous exprime mes regrets pour cette transmission tardive. Je serai très attentive à ce que les relations entre le Gouvernement et le Parlement s’inscrivent dans un climat de transparence, seul à même de garantir un travail constructif.
Demande de réserve
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement demande la réserve jusqu’à demain, quatorze heures trente, des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 11, des articles 11 à 20 et des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 20.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette demande de réserve ?
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. La commission émet un avis favorable.
M. le président. Je consulte le Sénat sur la demande de réserve formulée par le Gouvernement.
Il n’y a pas d’opposition ?...
La réserve est ordonnée.
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, les soldes sociaux s’améliorent : voilà ce que le Gouvernement et les rapporteurs mettent en avant. Cela est vrai cette année, ce le sera l’année prochaine, mais c’était déjà le cas l’année précédente !
Le déficit du régime général est en effet passé de près de 24 milliards d’euros en 2010 à 17,4 milliards d’euros en 2011, pour s’établir à 13,1 milliards d’euros en solde rectifié cette année et, selon vos prévisions, à 11,4 milliards d’euros en 2013. L’ONDAM sera respecté pour la deuxième année consécutive.
Pour nous, l’amélioration est donc continue, mais le Gouvernement évoque un « changement de cap ». (Mme la ministre des affaires sociales et de la santé quitte l’hémicycle.) Il est regrettable, madame la ministre, que vous nous quittiez en cet instant !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Quel est donc le nouveau cap suivi ? Le Gouvernement a-t-il fixé un calendrier de retour à l’équilibre des comptes sociaux ? Voilà la double question, essentielle, à laquelle il convient de répondre.
En commission, vous nous avez annoncé, monsieur le rapporteur général, que, sur la période 2012-2017, les projections prévoyaient un déficit cumulé des branches famille et maladie de 34,6 milliards d’euros. Cela peut donner à croire que l’équilibre n’est pas, ou pas encore, programmé. Le Gouvernement commence d’ailleurs par porter le taux d’augmentation de l’ONDAM à 2,7 %, alors que la Cour des comptes recommandait de le fixer à 2,35 %. Il se glorifie de l'augmentation des dépenses, mais les recettes ne sont pas à la hauteur. Or cet équilibre est vital, cela a été rappelé, pour faire face au passif accumulé.
M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. Accumulé par qui ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Les déficits cumulés, faut-il le rappeler, sont abyssaux : en 2010, nous avons transféré 130 milliards d’euros à la CADES et allongé sa durée de vie jusqu’en 2024, tandis que l’endettement financier a atteint, au 31 décembre 2011, 170 milliards d’euros. Pour des raisons d’opportunité financière, le présent texte ne prévoit aucune reprise du déficit pour 2012, mais il ne fait pas de doute que ce sera le cas l’année prochaine. Quant aux perspectives pour 2012-2017, elles imposeront une augmentation de 0,25 point du taux de la CRDS. M. Cahuzac et Mme Touraine ont raison de parler d’impôt sur les générations futures : c’est peut-être le plus inéquitable des prélèvements.
Il nous faudra donc, tôt ou tard, renouer avec l’excédent pour rembourser la dette sociale. En évoquant un calendrier de retour à l’équilibre, il ne s’agit donc pas de faire un procès d’intention au Gouvernement. Je le dis en toute franchise, nul, dans cet hémicycle, n’a d’ailleurs de leçons à donner à quiconque. Nos interrogations n’ont pas d’autre objet que de contribuer à faire émerger les solutions dont notre système de protection sociale a si urgemment besoin.
Nous sommes au pied du mur des réformes structurelles. Le Premier ministre a défendu, mardi dernier, le principe d’une « discipline nouvelle » dans le pilotage de l’action publique : « Toute nouvelle dépense devra être financée par des économies en dépense ; le financement par une recette nouvelle ne sera plus possible. » Nous ne pouvons que nous en féliciter, mais, convenons-en, ce principe n’est pas encore appliqué dans le présent PLFSS, qui est donc, comme ses prédécesseurs, un PLFSS de gestion, comportant deux améliorations au dire du Gouvernement : en 2013, l’effort sera mieux réparti entre recettes nouvelles et économies ; il portera prioritairement sur le système, et non sur les assurés.
Le premier objectif semble atteint : l’équilibre entre recettes et économies paraît presque acquis puisque, sur les 5 milliards d’euros de rééquilibrage projetés, 2,4 milliards d’euros proviendraient d’économies sur les dépenses de santé.
En revanche, on nous permettra de nuancer l’affirmation du Gouvernement selon laquelle l’effort porte davantage sur le système que sur les assurés.
Cela m’amène à l’analyse du contenu même des mesures qui nous sont présentées et qui se répartissent, selon nous, en deux catégories.
La première regroupe certaines dispositions à nos yeux difficilement défendables, à tout le moins si elles ne sont pas amendées.
Je pense par exemple à la remise en cause de la niche sociale dont bénéficient les particuliers employeurs, qui ne sert pas l’emploi. Par ailleurs, différer à 2018 l’entrée en vigueur de la facturation individuelle des prestations hospitalières publiques, alors que l’objectif aurait dû être atteint en 2012 et qu’il l’est dans le secteur privé depuis 2005, ralentit la modernisation du système. L’hôpital public a besoin de se mettre d’urgence à l’heure du numérique, comme d’ailleurs la médecine libérale.
Mais l’une des mesures les plus problématiques à nos yeux est sans doute la création, au travers de l’article 16, de la contribution additionnelle de solidarité sur les pensions de retraite et d’invalidité, ou contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la fameuse CASA. Au départ, le Gouvernement refusait d’aligner le taux de CSG pour les retraités sur celui s’appliquant aux actifs ; aujourd’hui, il crée la CASA : n’est-ce pas un peu hypocrite ?
De plus, le produit de la CASA devrait être affecté de manière pérenne à la compensation de l’APA pour les départements. C’est exactement ce que prévoyait la proposition de loi de notre collègue Gérard Roche, que la Haute Assemblée a adoptée il y a un peu plus de deux semaines.
Autrement dit, avant de penser à financer des réformes futures, il faut assurer le financement des dispositifs existants.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Vous ne l’avez pas fait avant non plus !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. C’est tout le contraire de ce qu’organise le dispositif gouvernemental : en 2013, les départements perdront en ressources issues de la CSG ce qu’ils gagneront au titre de la CASA ; après quoi la contribution financera la future réforme de la dépendance, dont on ne sait rien aujourd'hui. Il y a là, on l’avouera, quelque chose qui ne va pas…
Ma collègue Muguette Dini reviendra plus en détail sur tous ces points, en présentant les amendements que nous avons déposés.
J’en viens à la seconde catégorie de mesures, qui regroupe des dispositions nous semblant aller dans le bon sens.
Ainsi, nous sommes de ceux qui soutiennent l’élargissement de la couverture sociale des élus locaux.
De même, le développement de la fiscalité comportementale s’impose, même si, jusqu’ici, il s’opère de manière quelque peu anarchique. Il faudra sans doute remettre le système à plat pour y voir plus clair, mais nous sommes favorables à l’introduction d’une contribution sur les boissons énergisantes et sur l’huile de palme, monsieur le rapporteur général.
Dans la même veine, nous souhaitons un relèvement de la part spécifique de la taxe sur les tabacs pour pénaliser les marques pratiquant les prix les plus bas, parce que c’est ainsi que les objectifs de santé publique pourront être atteints.
Au chapitre des bonnes nouvelles, j’évoquerai la branche AT-MP.
Je ne peux que me féliciter, avec Jean-Pierre Godefroy, de la décision prise par Mme la ministre de ne pas demander aux victimes de l’amiante le remboursement de leur indemnisation à la suite de la décision de la cour d’appel de Douai du 27 octobre 2011. Je salue également la réouverture de la liste des bénéficiaires du Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante à tous les salariés exposés à ce risque.
Concernant le volet relatif à la santé, un certain nombre de mesures préfigurent la réforme d’ensemble dont la branche maladie a besoin.
C’est le cas des expérimentations relatives à la permanence des soins, aux appels d’offres pour le transport des patients ou à un parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie.
On le sait, il y a là d’importantes sources de maîtrise médicalisée de la dépense. Les gains d’efficience potentiels dans ces domaines ont été soulignés dans le dernier rapport de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale. Nous ne pouvons que nous féliciter de voir ces propositions trouver une traduction concrète. Cependant, il ne s’agit encore que d’expérimentations, tout cela reste donc bien timide, et parfois peu compréhensible : pourquoi expérimenter durant trois ans un système aussi connu que celui des appels d’offres pour le transport de patients ?
La suppression de la convergence tarifaire entre hôpitaux publics et cliniques privées est une autre bonne initiative, qui concrétise, elle aussi, une proposition que nous avions formulée dans le dernier rapport de la MECSS. Cela ne remet pas le moins du monde en cause la T2A, dont ce rapport soulignait d’ailleurs très explicitement qu’elle représentait un progrès incontestable mais devait néanmoins être améliorée, notamment en ce qui concerne la fixation des tarifs, ni la convergence intrasectorielle, que nous appelons de nos vœux.
Lorsque l’on sait que des écarts de coûts de 30 % subsistent au sein même de chacun des deux secteurs, on mesure à quel point le chemin est encore long !
Je pense aussi aux articles encadrant l’exercice libéral à l’hôpital et abrogeant le secteur optionnel, qui doivent être mis en relation avec l’adoption de l’avenant 8 visant à un meilleur encadrement des dépassements d’honoraires, que nous soutenons naturellement.
Mais, en réalité, toutes ces mesures, aussi positives semblent-elles, se heurtent au mur des réformes structurelles.
Ces réformes s’imposent depuis quelques années déjà, chacun en a bien conscience, et ce tant en recettes qu’en dépenses.
En matière de recettes, il s’agit, bien entendu, de la nécessité de réformer le financement de la protection sociale. C’est une réforme que le Gouvernement a annoncée, et qui ne pourra passer, selon nous, que par un transfert partiel des cotisations famille et santé vers l’impôt, et cela à somme nulle, pour respecter les principes posés par le Premier ministre.
En matière de dépenses, trois immenses chantiers au moins sont devant nous.
En ce qui concerne tout d’abord le médicament, Mme la ministre a dit attendre 1 milliard d’euros d’économies grâce aux dispositions du présent PLFSS. Cela est bien, mais, en réalité, c’est l’ensemble du système qu’il faut remettre à plat. Est-il normal que, à niveau de santé équivalent, la France compte plus de médicaments homologués ou agréés que la Grande-Bretagne et que le poids de l’industrie pharmaceutique dans le PIB soit moins élevé chez nous ?
Ensuite, l’autre grand chantier à ouvrir d’urgence est celui des actes inutiles ou superflus. Selon la MECSS, ils représenteraient 28 % de l’activité, soit entre 12 milliards et 15 milliards d’euros d’économies potentielles, ce qui équivaut au montant du déficit annuel, et même un peu plus ! C’est colossal, avouons-le ! La problématique porte sur l’articulation entre secteur ambulatoire et hôpital, sur le transfert d’actes, sur l’assurance médico-légale des praticiens et sur le dossier médical personnel, qui est le dispositif clef mais que l’on semble enterrer avant qu’il ne soit né !
Enfin, le dernier chantier est celui des retraites. Le Gouvernement a chargé les comptes de la branche vieillesse avec le retour partiel à la retraite à 60 ans et décidé d’augmenter les cotisations retraite pour compenser cette dépense, mais à quand la révision du système ? À quand le régime par points ? La réforme de 2010 en a programmé l’étude : où en est le rapport sur ce sujet prévu et souhaité par la MECSS du Sénat ?
En conclusion, même s’il y a des raisons d’espérer, ici comme ailleurs, tout reste à faire ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, employant un ton qui ne leur est pas familier, M. le rapporteur général et Mme le ministre des affaires sociales et de la santé se sont lancés dans une diatribe à l’antique contre le précédent gouvernement, l’accusant d’erreurs impardonnables.
Nous savons tous que les réformes dans le domaine de la protection sociale sont difficiles. Soyons réalistes : cette difficulté, l’ancienne majorité l’a connue et n’a pas toujours réussi, tant s’en faut, à la surmonter. Je suis le premier à admettre que, par le passé, on aurait peut-être pu mieux faire.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est déjà bien de le reconnaître !
M. Gilbert Barbier. Mais, monsieur le rapporteur général, vous évitez soigneusement d’évoquer la crise économique qui a frappé le monde en 2008.
Tous les efforts entrepris, année après année, pour parvenir à une vraie réduction du déséquilibre ont été réduits à néant par cette crise. Oui, le régime général a connu un déficit majeur de 23,9 milliards d’euros en 2010, mais, avec une démarche volontariste de la précédente majorité, il a pu être ramené à 17,4 milliards d’euros en 2011 : il faut le reconnaître ! Quant à la prévision pour 2012, elle s’établit à 13,1 milliards d’euros, soit une baisse de 4,3 milliards d’euros par rapport à 2011.
Aujourd’hui, vous arrivez au pouvoir et, selon l’expression maintenant classique, nous passerions de l’ombre à la lumière, y compris pour l’équilibre des comptes sociaux. Je n’ai pourtant pas souvenance que, dans le passé, la gauche ait régulièrement présenté des budgets en équilibre… Mme le ministre a parlé de « rupture du contrat républicain », de « régression sociale » ; c’est là un vocabulaire qui, à mon avis, n’est pas de mise dans cette discussion.
L’an dernier, monsieur le rapporteur général, vous dénonciez « des mesures éparpillées entre divers projets, ce qui rend peu lisible la politique du Gouvernement, sans doute à dessein, et une tâche très difficile pour qui voudrait avoir une approche d’ensemble des comptes sociaux ».
Que faut-il penser aujourd’hui, après les décisions déjà prises au cours de l’été, comme la refiscalisation des heures supplémentaires, de la série de mesures contenues dans ce PLFSS pour 2013 ? Hausse des cotisations sur les emplois à domicile et pour les auto-entrepreneurs, imposition d’un forfait social sur les indemnités de rupture conventionnelle, élargissement du périmètre de la taxe sur les salaires au détriment de l’épargne salariale, prélèvements sur les travailleurs indépendants, taxe supplémentaire sur la bière, contribution additionnelle sur les retraites : la liste est longue ! Mais quels sont les objectifs ? Quelle est la lisibilité de tout cela ?
Certaines mesures peuvent être justifiées, j’en conviens, d’autres ne représentent peut-être pas des augmentations de prélèvements très importantes, j’en conviens aussi, mais, toutes cumulées, elles constituent une atteinte au pouvoir d’achat des salariés, déjà bien écorné en cette période de crise, et elles affectent la compétitivité de nos entreprises, voire l’envie d’entreprendre.
Comment prétendre, comme l’a fait le Premier ministre, que neuf personnes sur dix ne sont pas concernées ? N’y a-t-il que les riches qui boivent de la bière ? Sont-ce ceux-là qui font des heures supplémentaires ou qui mangent du Nutella ? (Sourires.) Il est vrai que cette dernière taxe vous permet, monsieur le rapporteur général, un éclat médiatique exceptionnel !
À l’évidence, il ne suffit pas de dire que les efforts sont justes pour qu’ils soient acceptés. Vos mesures touchent non seulement les riches, mais tous les ménages, ceux des classes moyennes et même les plus modestes.
Vous trouvez aussi de nouveaux champs de prélèvements sur ceux qui ne défilent pas dans la rue, en taxant lourdement les travailleurs indépendants, les petites et moyennes entreprises, et même les très petites entreprises, dont le Gouvernement souhaite, par ailleurs, favoriser le développement. Comprenne qui pourra !
Vous ne manquez pas non plus de vous attaquer aux professionnels de santé : c’est une tradition, à gauche ! (M. Jean Desessard s’exclame.) L’actualité médiatique de ces dernières semaines s’est focalisée sur les dépassements d’honoraires, en jetant l’opprobre sur l’ensemble de la profession médicale, alors que ce ne sont que quelques centaines de médecins qui abusent, ce que je réprouve.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il y a trois syndicats de médecins qui ont voté l’accord conventionnel !
M. Gilbert Barbier. Ce n’est pas l’accord conventionnel qui va résoudre le problème. Malheureusement, les médecins et chirurgiens exerçant en secteur 1 seront bien, selon l’expression en vogue, les dindons de la farce.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Non, pas du tout !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Après les pigeons, on passe aux dindons !
M. Gilbert Barbier. Aucune majoration satisfaisante n’est prévue pour les praticiens relevant du secteur 1, monsieur le rapporteur général, ni aucune révision du « K » pour les chirurgiens !
La vérité est que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, pas plus que les précédents, n’apporte les solutions nécessaires à la sauvegarde de notre système de protection sociale. Il ne résout pas la question des déficits structurels des branches maladie et famille, et les mesures d’abaissement de l’âge de la retraite prises cet été fragilisent la branche vieillesse.
L’augmentation significative des recettes relève davantage d’un réflexe facile que d’une volonté réfléchie de mobiliser les assurés sociaux et les acteurs professionnels autour d’enjeux clairement formulés, dans une perspective de financement durable de notre protection sociale.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Les assurés sociaux sont mobilisés à bloc !
M. Gilbert Barbier. Ces deux dernières années, j’avais présenté, comme l’ancien rapporteur général Alain Vasselle, un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoyant une majoration de la CSG. Vous aviez, à l’époque, soutenu cette proposition, monsieur Daudigny. La CSG est, en effet, un impôt à très large assiette. Pourquoi ne pas avoir proposé son relèvement cette année, au lieu de cibler les retraités ou de taxer les buveurs de bière sous prétexte de santé publique ?
Le rapport Gallois a préconisé un choc de compétitivité à concurrence de 30 milliards d’euros, reposant sur une baisse des cotisations patronales et salariales, compensée par une hausse de deux points de la CSG. Vous faites le choix d’un crédit d’impôt et d’une hausse de la TVA : c’est à n’y rien comprendre, quand on sait que vous aviez crié haro sur la TVA « compétitivité » mise en place par Nicolas Sarkozy et que ce fut la première mesure que vous avez abrogée en arrivant au pouvoir !
Je ne vois pas de cap bien défini dans votre projet. Comment comptez-vous résoudre le problème de l’évolution des dépenses de santé, inéluctablement plus rapide que la progression du PIB ? Quelles décisions allez-vous prendre en matière de retraites face à l’allongement de la vie ? Quelle politique familiale allez-vous, très précisément, mettre en œuvre ? Quelle politique de santé allez-vous mener en termes d’accès aux soins ?
Autant de questions pour lesquelles je ne vois pas, pour l’instant, se dessiner de réponses tangibles dans ce PLFSS. Vous condamnez ce qui a été fait par le passé dans la première et la deuxième partie de celui-ci, mais vous utilisez les mêmes recettes dans la troisième ! Quant à la quatrième partie, pour m’en tenir essentiellement à la branche maladie, elle n’effleure même pas un certain nombre de problèmes, comme ceux des coopérations et complémentarités hospitalières ou du reste à charge des patients.
Après les 7,2 milliards d’euros d’impôts nouveaux instaurés par la loi de finances rectificative, les quelque 20 milliards d’euros d’impôts supplémentaires inscrits dans le projet de loi de finances pour 2013, vous poursuivez dans la même voie en prévoyant, dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, une augmentation des recettes à hauteur de 3,4 milliards d’euros.
En matière de dépenses, disons-le, il n’y a en revanche rien de nouveau, si ce n’est un coup d’arrêt porté aux réformes structurelles engagées par la précédente majorité, avec la fin de la convergence tarifaire entre le public et le privé prévue par la loi HPST ou le report de l’application de la T2A.
Certes, la convergence tarifaire ne saurait être érigée en dogme, mais on ne peut ignorer le fait qu’une appendicectomie coûte jusqu’à quatre fois plus cher dans un centre hospitalier universitaire que dans une clinique. Je vous l’accorde, la comparaison est complexe, puisque les groupes homogènes de séjour, les GHS, en clinique, ne couvrent pas les honoraires, et qu’il existe des variantes dans les modes de prise en charge, mais ce revirement me paraît essentiellement politique.
Je m’interroge également sur l’opportunité de suspendre le passage à la T2A pour les hôpitaux locaux et les soins de suite et de réadaptation, aujourd’hui très coûteux dans le cadre d’un ONDAM fermé.
Par ailleurs, quelles sont les orientations du Gouvernement en matière de restructurations hospitalières ? Il s’agit non pas d’opérer des fusions ou des restructurations pour elles-mêmes, mais de mieux coordonner l’offre hospitalière sur la base d’un diagnostic de l’état sanitaire d’un territoire et, surtout, d’une exigence : la sécurité et la qualité des soins.
L’accident dramatique et regrettable survenu dans le Lot a relancé le débat autour des fermetures de maternités ou de services de chirurgie de proximité, mais nos concitoyens sont-ils prêts à accepter les risques liés au manque de pratique des médecins qui y exercent ou au manque d’équipements de pointe ?
La restructuration des hôpitaux permet une meilleure spécialisation, gage d’une sécurité accrue des soins. J’ajouterai que l’hôpital n’a pas vocation à être un lieu où convergeraient, par défaut, tous les problèmes, y compris sociaux, qui ne peuvent pas trouver de solution ou de réponse organisée. L’hôpital moderne est là pour fournir, au bon moment, un apport puissant de compétences cliniques et techniques.
Nos collègues Le Menn et Milon, dans leur rapport sur le financement des hôpitaux, ont proposé une tarification au parcours ; c’est une notion intéressante. Avec le développement des pathologies chroniques, qui représentent plus de 60 % des dépenses de santé, nous aurions sûrement intérêt à trouver un mode de tarification incitant à une prise en charge plus transversale entre l’hôpital, les soins de ville et le secteur médico-social, appuyée sur des formes d’exercice pluri-appartenantes et pluri-professionnelles.
Vous mettez en œuvre une expérimentation sur le parcours de santé des personnes âgées. Elle est bienvenue ; sans doute gagnerait-elle à être étendue à tous les patients.
Quant aux rémunérations forfaitaires que vous proposez pour la médecine de ville, je ne sais quoi en penser. Elles conduisent inéluctablement à réduire le système français de rémunération à l’acte qui a fait la qualité et la renommée de cette médecine. Plutôt que de réactualiser les cotations de certains actes ou consultations, notamment en chirurgie, vous préférez fonctionnariser la médecine.
Enfin, concernant l’ONDAM, vous proposez une augmentation de 2,7 %, finalement proche de celles que vous aviez dénoncées ces dernières années. Pour contenir cette évolution tendancielle, vous ciblez essentiellement les soins de ville. Il y a, certes, des abus dans le secteur ambulatoire, dans le transport sanitaire, mais je crois qu’il y a aussi des marges d’économies dans le secteur hospitalier.
Pour conclure, je dirais que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale passe à côté de l’essentiel du sujet, qui est de mobiliser les assurés sociaux et les acteurs professionnels autour de réformes partagées. Vous leur demandez des efforts ; encore faut-il leur expliquer vers quels résultats tendent ces efforts. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)