Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il n’est pas interdit de le faire pour autant !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Pour la Commission européenne, la contrainte est suffisante si les gouvernements qui ne la respectent pas sont suffisamment incités à devoir se justifier.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ça, c’est vous qui le dites !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. En revanche, le Conseil constitutionnel comme la Commission européenne ont insisté sur le fait que les règles devaient être permanentes.
Il en découle une architecture à deux étages. Le premier étage, c’est celui de la loi organique, qui est un texte de procédure. De fait, le présent projet de loi organique rappelle le contenu de la règle du TSCG et renvoie, deuxième étage, pour les modalités de sa mise en œuvre, aux lois de programmation des finances publiques.
Afin qu’elles soient en mesure de comporter toutes les dispositions nécessaires pour permettre le respect de la règle, la loi organique définit précisément le contenu des lois de programmation et de leur rapport annexé.
En outre, le texte organique permet de préserver les acquis des deux lois de programmation votées depuis 2008, en prévoyant qu’elles peuvent également comporter des règles générales relatives à la gouvernance des finances publiques.
Je l’ai dit en commission, mais il me semble utile de le rappeler à cette tribune : on observe une grande continuité entre la manière dont étaient construites, jusqu’à présent, les lois de programmation et le dispositif proposé dans ce projet de loi organique.
Monsieur le ministre, le Gouvernement a fait le choix de la continuité avec les outils existant depuis 2008. Parallèlement, je salue le rôle constructif de l’opposition actuelle, incarnée notamment par les présidents des deux commissions des finances, et en particulier celui du président de la commission des finances du Sénat, s’investissant sans a priori dans la discussion de ce texte destiné à définir la règle du jeu pour l’organisation de nos lois de programmation ultérieures.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Merci, monsieur le rapporteur général !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. J’en viens à présent à la règle elle-même. Quelles sont nos obligations ? À ce sujet, diverses analyses ont été avancées.
La première obligation, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, consiste à définir un objectif de moyen terme, l’OMT, exprimé en termes de solde structurel, et la trajectoire permettant d’y parvenir. Au titre du projet de loi de programmation, nous verrons que notre OMT est l’équilibre structurel qu’il est proposé d’atteindre en 2016.
La deuxième obligation vise à créer un mécanisme de correction automatique permettant de « revenir dans les clous », si je puis m’exprimer ainsi, au cas où nous dévierions de notre trajectoire. Avec le projet de loi de programmation, nous verrons qu’il ne sera pas possible, hors circonstances exceptionnelles,…
M. Éric Bocquet. Encore faut-il les définir !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … de s’écarter de la trajectoire plus de trois années consécutives.
La troisième obligation consiste à confier le contrôle du respect de la règle à une institution indépendante. Ce principe vaut pour l’ensemble des pays européens, qui ont vocation à créer une telle instance.
À ces obligations s’ajoute une contrainte : si notre dispositif de transposition n’était pas jugé conforme au Traité, la Cour de justice pourrait être saisie et appelée à se prononcer sur ce point.
Si j’en juge par les amendements qui ont été déposés, la première obligation, le principe d’un OMT et d’une trajectoire exprimés en termes de solde structurel, se heurte à l’opposition du groupe CRC. Nous aurons l’occasion d’en débattre.
Les deux autres obligations, et surtout les conditions dans lesquelles elles seront mises en œuvre, suscitent beaucoup de débats – c’est normal –, sans être nécessairement remises en cause par les uns ou les autres.
La discussion des amendements permettra de clarifier de nombreux points. Toutefois, je tiens à présenter dès à présent l’approche qui a été celle de la commission des finances.
Nous avons approuvé la création d’un Haut conseil des finances publiques, puisqu’une institution indépendante est prévue par le Traité et que le futur règlement européen sur les règles budgétaires nationales imposera la création d’un Conseil budgétaire indépendant. Le Haut Conseil, c’est notre conseil budgétaire indépendant, vous l’aurez compris. (M. le président de la commission des finances acquiesce.)
Nous n’avons pas considéré qu’il fallait modifier la composition de cette instance ou le mode de désignation de ses membres. L’Assemblée nationale a longuement débattu de ce sujet, en commission comme en séance publique, pesant le pour et le contre de toutes les solutions. Elle en a tiré comme conséquence qu’il fallait ajouter deux membres à cette institution, ce qui a pour effet de priver la Cour des comptes de la majorité d’une voix dont elle bénéficiait dans l’ancien dispositif.
Nous nous sommes surtout intéressés au positionnement de ce futur Haut conseil, qui jouera deux rôles : il émettra des avis consultatifs sur les projets de textes financiers et vérifiera à chaque printemps si la trajectoire de solde structurel a été respectée l’année précédente. S’il estime que l’écart constaté est important, il faudra déclencher le mécanisme de correction automatique.
Une chose est sûre : compte tenu de ses missions, le Haut Conseil ne sera pas une assemblée de « sages » donnant un avis sur les questions de finances publiques en général. Il ne sera pas une deuxième Cour des comptes, un deuxième Conseil des prélèvements obligatoires ou un deuxième Conseil d’analyse économique. Le Haut Conseil sera un organisme technique chargé de répondre à des questions précises. Voilà pourquoi le présent texte prévoit des critères de compétence stricts pour les membres qui seront désignés.
Quel sera le poids de cet organisme technique ? Seule la pratique institutionnelle permettra de le dire. Dans notre esprit, il faudrait que le Haut Conseil acquière une crédibilité telle que ses avis ne pourraient pas être écartés sans que le Gouvernement et le Parlement invoquent de bonnes raisons. Il faudrait qu’il contribue à infléchir la tendance naturelle des gouvernements et des majorités qui les soutiennent à fonder leurs programmations sur des hypothèses que l’on pourrait qualifier de « volontaristes ». (M. le président de la commission des finances sourit.)
Dans notre esprit, il ne faudrait pas que le Haut Conseil soit marginalisé pour avoir pris des positions manifestement incompatibles avec la conduite des finances publiques ni que la procédure d’avis devienne, au fil des ans, purement formelle.
En sens inverse, il ne faudrait pas non plus que le Gouvernement et le Parlement délèguent entièrement leur liberté de jugement au Haut Conseil. Si tel était le cas, ce ne seraient plus le Parlement et le Gouvernement qui définiraient la politique de finances publiques de la France, mais les onze membres du Haut Conseil des finances publiques.
Or, en matière de prévisions économiques, il n’existe pas de vérité absolue et, s’il est indispensable de se référer à des organismes extérieurs et de se doter d’un organisme technique tel que le Haut Conseil, il revient tout de même, au bout du processus, aux autorités politiques, et en particulier au Parlement, de faire la synthèse entre le projet du Gouvernement, les analyses des assemblées et les différents avis, avant de prendre leurs responsabilités en votant la loi.
Les expériences étrangères ont d’ailleurs montré que, quelles que soient les circonstances, l’indépendance d’un organisme ne garantissait ni sa compétence ni sa prudence.
La commission des finances a modifié le texte adopté par l’Assemblée nationale pour affiner le positionnement institutionnel du Haut Conseil dans l’esprit que je viens d’indiquer.
Notre débat en commission a cependant permis d’approfondir plusieurs sujets et a montré que le texte pouvait encore évoluer. Certains des amendements déposés tendent, au demeurant, à tirer les conséquences de nos échanges.
En particulier, notre débat a permis de mettre en lumière une ambiguïté du dispositif, liée au caractère subjectif de la notion de « solde structurel » à laquelle nous nous référons désormais.
Le solde structurel est subjectif non parce que les économistes auraient à leur disposition de multiples manières de le calculer - leurs pratiques ne divergent pas tant que cela quant à la méthode – mais parce qu’ils ne retiennent pas la même appréciation du PIB potentiel, ce qui explique que les résultats de leurs calculs puissent être très divers.
La question qui se pose est donc de savoir en fonction de quelles hypothèses sera établie notre trajectoire de finances publiques et en fonction de quelles hypothèses son respect sera évalué.
Pour synthétiser les débats qui se sont déroulés en commission des finances, je dirai que nous avons abouti à trois conclusions.
Premièrement, il importe que la trajectoire de PIB potentiel retenue pour construire la programmation soit définie de manière contradictoire, le Gouvernement étant contraint d’expliciter ses hypothèses via son projet de loi de programmation, et un Haut conseil étant chargé de rendre un avis public sur celles-ci. Un tel débat public approfondi évitera de céder à la tentation de construire les programmations sur la base d’hypothèses délibérément trop optimistes.
Deuxièmement, il importe que l’hypothèse retenue soit consensuelle et serve pour la durée de la programmation. Les lois de programmation étant révisées tous les deux ans, les erreurs manifestes pourraient être rapidement corrigées. Toutefois, pour assurer la bonne conduite de la politique des finances publiques, et pour que la notion de « programmation » ait un sens, il est essentiel que les mesures en recettes et en dépenses qui seront déduites des hypothèses de PIB potentiel ne soient pas remises en cause à chaque changement d’évaluation de ce PIB potentiel.
Troisièmement, enfin, il est nécessaire que le Haut Conseil juge le respect de la trajectoire à l’aune des hypothèses sur la base desquelles celle-ci a été déterminée. Si le thermomètre n’est plus le même au départ et à l’arrivée, vous en êtes conscients, l’exercice n’a plus aucun sens !
Sur la base de ce constat partagé, plusieurs collègues ont présenté des amendements au texte de la commission, afin d’assurer une meilleure conformité entre le présent projet de loi organique et l’interprétation que nous en faisons. Nous débattrons des différentes solutions ce soir et demain.
Pour ma part, j’ai tendance à penser qu’il faut non pas nous enfermer dans un débat technique ou méthodologique, mais, au contraire, mettre l’accent sur les enjeux politiques, au-delà des notions abstraites.
Nous ne définissons pas une trajectoire de solde structurel par plaisir intellectuel, même s’il peut être tentant de s’appesantir sur cette thématique. (M. Richard Yung manifeste sa circonspection. – M. le président de la commission des finances sourit.) Nous le faisons pour en déduire le niveau des mesures budgétaires à adopter pour tendre vers l’objectif d’équilibre des comptes : c’est bien là l’essentiel !
Ces mesures ne seront pas abstraites. Elles porteront sur les dépenses et les recettes votées par le Parlement au titre des lois de finances et lois de financement successives. C’est sur ces dispositions que le débat devra porter.
Quel doit être le montant global de l’effort ? Vise-t-on l’équilibre structurel, un excédent structurel ou bien seulement le seuil de 0,5 point de PIB ? Voilà une bonne question. Elle est posée.
Quelle doit être la répartition de l’effort dans le temps ? Préfère-t-on concentrer les contraintes au début et les alléger à la fin, ou l’inverse ?
Sur quelles administrations faire porter l’effort ? L’État ? La sécurité sociale ? Les collectivités territoriales ?
Quel doit être le partage des efforts entre recettes et dépenses ?
Voilà de vrais débats politiques, qui montrent qu’avec une même règle, sur laquelle nous sommes appelés à nous mettre d’accord, il est possible de conduire des politiques différentes.
Les lois de programmation, telles que définies dans la loi organique, seront le support de tous ces débats. Et c’est sur la capacité à respecter les engagements pris à cette occasion que les gouvernements et leur majorité doivent être jugés et c’est sur cette même capacité que le débat politique va se concentrer.
Pour l’ensemble de ces raisons, et sous réserve de ces interprétations, la commission des finances, qui a adopté le projet de loi organique dans la rédaction qui vous est aujourd’hui soumise, vous invite à faire de même, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Parlement a autorisé la ratification du traité budgétaire sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire le 11 octobre 2012. Pour transcrire le traité en droit interne, le Gouvernement a choisi un projet de loi organique plutôt qu’une révision de la Constitution, comme le permet la décision du Conseil constitutionnel du 9 août 2012.
La commission des affaires sociales s’est saisie pour avis du projet de loi organique, et ce pour deux raisons. La première est qu’elle souhaite voir confortée la crédibilité des engagements pluriannuels en matière de finances sociales, quelle que soit la trajectoire politique et budgétaire proposée par le Gouvernement. La seconde est qu’elle s’interroge sur la portée de ce texte pour l’examen annuel du ou des projets de loi de financement de la sécurité sociale.
J’examinerai, premièrement, la question de la crédibilité.
Aux termes du traité, la crédibilité de notre stratégie financière repose sur un triptyque : le respect de notre souveraineté ; un objectif intelligent ; un éclairage des choix budgétaires.
Le projet de loi organique mérite un éloge : il n’y a, à proprement parler, dans l’ensemble de ses articles, aucune disposition juridiquement contraignante. La souveraineté budgétaire demeure au Parlement.
Nous formulons désormais nos objectifs de finances publiques à moyen terme de manière plus intelligente. Ces objectifs sont exprimés en termes de solde structurel, c’est-à-dire corrigés des effets de la conjoncture. Il y a de quoi neutraliser l’impact des stabilisateurs automatiques en cas de crise et les effets d’aubaine en période de croissance.
Le projet de loi organique apporte-t-il de nouvelles garanties pour assurer le respect de nos engagements financiers vis-à-vis de nos concitoyens d’abord, de nos partenaires européens ensuite ? Oui, assurément. Ces garanties résident dans la définition du contenu des lois de programmation des finances publiques, dans la création d’un Haut conseil des finances publiques formulant des avis et dans l’introduction d’un mécanisme de correction pour les cas éventuels où nous nous éloignerions de notre trajectoire financière.
Au-delà du respect de nos engagements européens, avions-nous besoin de ces garanties ? J’ai examiné rétrospectivement l’ensemble des projections financières des régimes de sécurité sociale que le Parlement a votées chaque année, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il s’agit de l’annexe B du projet de loi de financement, qui est soumise chaque année à notre approbation.
Le constat est édifiant.
Ces projections se sont révélées très éloignées de la réalité. L’objectif de retour à l’équilibre des comptes sociaux a glissé d’année en année. Le constat n’est pas moins édifiant pour les lois de programmation des finances publiques pour les périodes 2009-2012 et 2011-2014. L’exercice de programmation s’est révélé peu satisfaisant pour les finances sociales.
Étions-nous suffisamment éclairés lors du vote de ces projections financières ? Non, et c’est bien la raison d’être du traité européen et du projet de loi organique que de nous permettre de faire des choix budgétaires de moyen terme en étant éclairés par des annexes aux lois de programmation pluriannuelles qui devraient être enrichies et par les avis du Haut Conseil des finances publiques.
La commission des affaires sociales vous proposera des amendements visant à enrichir encore les lois de programmation des finances publiques et leurs annexes. Elle souhaite ainsi que le Parlement puisse examiner, dans ce cadre, un objectif pluriannuel des dépenses « famille » et un objectif pluriannuel des dépenses « vieillesse ».
À l’occasion de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour la période 2012-2017 par notre commission – ce texte sera bientôt débattu en séance publique –, j’ai identifié une « boîte noire », celle des administrations de sécurité sociale hors du champ du PLFSS. Il faut que nous obtenions des informations sur les hypothèses du Gouvernement dans ce domaine – cela fera l’objet aussi d’un amendement.
Et, comme nous dépendrons demain des avis du Haut Conseil, je suis très soucieux que ses membres soient les plus compétents possible en matière de finances sociales, au regard des particularités des dépenses sociales, de la spécificité de leur pilotage et de leur régulation. Rien n’indique, en l’état actuel du projet de loi organique, que tel sera le cas.
Le pouvoir de nomination du Conseil économique, social et environnemental n’a pas été oublié, mais les organes compétents dans le domaine des budgets sociaux ont, eux, été complètement omis.
Les commissions des affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat ne disposeraient donc d’aucun pouvoir de nomination, alors que les administrations de sécurité sociale représentent 46,5 % des dépenses publiques et 54,4 % des prélèvements obligatoires. Cette situation n’est pas acceptable ! Les commissions des affaires sociales doivent être associées au processus de désignation des membres du Haut Conseil, hormis bien sûr celui des magistrats de la Cour des comptes.
J’aborderai, deuxièmement, le nouveau processus budgétaire annuel.
Le présent projet de loi organique se situerait aux côtés de la loi organique relative aux lois de finances et de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Dans l’étude d’impact, on lit que le texte « ne modifie qu’à la marge le contenu des projets de loi de finances, en introduisant un article liminaire » et qu’il a « une incidence marginale sur le PLFSS ».
En droit, l’architecture budgétaire ne devrait donc pas être bouleversée. La loi de programmation des finances publiques n’a toujours pas d’autorité sur les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale. Le voudrait-on d’ailleurs qu’il faudrait changer la Constitution. Le projet de loi de finances est toujours, conformément à la Constitution, le texte annuel des ressources et des charges de l’État. En vertu de l’article 34, le projet de loi de financement s’applique, lui, à la sécurité sociale. Aucun de ces deux textes – projet de loi de finances ou projet de loi de financement – n’a, selon la Constitution, de portée juridique supérieure sur l’autre. Il n’y a pas de changement. Il faut prévoir une place pour chaque texte et une place pour chaque commission amenée à se saisir de ces textes dans le cadre du projet de loi organique.
Or, dans certaines dispositions proposées, je vois un glissement qui induit deux risques également sérieux, un risque juridique d’atrophie des projets de loi de financement de la sécurité sociale, et un risque politique d’éviction des commissions des affaires sociales du champ des finances publiques. Or les finances publiques, contrairement au droit boursier, au statut des enseignants-chercheurs ou à la politique du médicament, ne sauraient concerner un seul comité spécialisé. Elles intéressent le Parlement tout entier, les commissions des affaires sociales comme les commissions des finances.
D’où viennent les risques que j’évoque et que des amendements viseront à conjurer ?
Le glissement naît de l’article 6. Son objet est de bon sens : il faut vérifier chaque année que les engagements pris par le Gouvernement pour l’ensemble des finances publiques sont respectés.
Cette vérification doit avoir lieu au Parlement, en s’appuyant sur un texte. Ce texte sera le projet de loi de finances, qui contiendra un article liminaire avec un tableau de synthèse pour l’ensemble des administrations publiques, État, collectivités locales, sécurité sociale, présentant le solde effectif et le solde structurel, et les écarts éventuels par rapport à la programmation pluriannuelle.
C’est ici que l’économie du texte glisse et occulte l’importance des projets de loi de financement de la sécurité sociale.
Implicitement, le projet de loi de finances devient un projet de loi annuel des finances publiques, ce qui n’est pas prévu par la Constitution. On crée une articulation exclusive entre les programmations pluriannuelles et un seul texte, le projet de loi de finances. Par de petits signes, nous voyons que l’on tend à faire du projet de loi de finances un texte annuel « consolidé », sans se rappeler qu’il existe un autre texte financier, le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Premier petit signe, c’est dans un rapport annexé au projet de loi de finances que les députés ont prévu la présentation des dépenses, des recettes, des soldes et de l’endettement des régimes obligatoires de base et des autres organismes relevant de la catégorie des administrations publiques de sécurité sociale. Il faudrait au moins rappeler que ce rapport constitue, en fait, un support pour l’examen de l’ensemble des textes financiers de l’automne.
Petit signe encore, le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne contient pas d’article liminaire comparable à celui du projet de loi de finances. Je propose, à tout le moins, d’introduire un article liminaire retraçant le solde effectif et le solde structurel de l’ensemble des administrations de sécurité sociale au regard des objectifs de la programmation pluriannuelle des finances publiques, afin que notre commission puisse se saisir des questions de finances sociales qui l’intéressent directement.
Petit signe toujours, on constate la même absence d’article liminaire pour ce qui est des projets de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Or qu’est-ce que l’article liminaire au sens de l’article 6, si ce n’est un article visant à informer le Parlement et à éclairer ses discussions budgétaires ? À mon sens, le Parlement devrait être informé, par un même article liminaire, présentant un tableau de synthèse pour l’ensemble des administrations publiques, de l’état des prévisions de solde structurel et de solde effectif, au moment où il examine un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Un tel texte n’a-t-il pas de facto un impact sur les soldes publics ?
Petit signe, enfin, mais bien plus contestable encore, ce chaînage en circuit fermé que l’on tend à instaurer entre les lois de finances et les lois de règlement, pour l’ensemble des finances publiques, en ignorant qu’un projet de loi de règlement ne saurait avoir une vocation aussi large.
Au printemps, le projet de loi de règlement de l’État deviendrait le cadre dans lequel le Haut Conseil vérifierait d’éventuels écarts importants, au sens du traité, entre les projections pluriannuelles des finances publiques et l’exécution passée, pour l’ensemble des administrations publiques : État, collectivités locales, sécurité sociale.
Doit-on rappeler que le projet de loi de règlement n’arrête jamais que les comptes de l’État, et que la commission des comptes de la sécurité sociale est susceptible d’examiner les comptes de l’exercice clos de la sécurité sociale jusqu’au 15 juin ?
Doit-on rappeler qu’il existe un projet de loi de règlement pour la sécurité sociale, à l’automne ?
Il faut que nous ayons un débat sur la bonne exécution de la trajectoire des finances publiques au regard de l’avis du Haut Conseil, non lors de l’examen du projet de loi de règlement, dont ce n’est pas l’objet, car il concerne le seul État, mais lors du débat d’orientation des finances publiques, qui est le seul moment où il peut y avoir un échange global, consolidé, entre pairs, entre la commission des affaires sociales, la commission des finances et le Gouvernement.
Dès lors que la Constitution ne prévoit pas un texte unique de finances publiques annuel, ce qui nécessiterait au demeurant un examen conjoint de la commission des affaires sociales et de la commission des finances, il nous faut vivre dans le cadre budgétaire actuel. Celui-ci n’est pas absurde, car il évite de fondre les finances publiques dans un « grand tout ».
Au contraire, on peut trouver une logique profonde à des textes financiers distincts, si ceux-ci sortaient de l’étroite comptabilité budgétaire pour épouser chaque sous-secteur des administrations publiques, exprimé en comptabilité nationale. C’est, d’une certaine façon, le sens de l’histoire ; c’est propre à faire coïncider le discours budgétaire européen avec le discours budgétaire franco-français.
Il y aurait un texte financier pour les administrations publiques centrales – il existe peu ou prou –, un projet de loi de financement de la protection sociale élargi, avec un Parlement mieux informé sur des organismes comme les régimes complémentaires dont l’indépendance ne serait pas évidemment remise en cause et, pourquoi pas, un jour, un projet de loi d’orientation du secteur public local.
En attendant ce jour, respectons la logique profonde de la Constitution et laissons au projet de loi de financement de la sécurité sociale et aux commissions qui s’y intéressent, la possibilité de s’intégrer dans l’économie générale du projet de loi organique.
Mes chers collègues, la commission des affaires sociales a formulé un avis favorable sur ce texte, sous réserve de l’adoption de dix amendements. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi organique résulte directement de l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire.
À la vérité, il est le point d’aboutissement d’un processus quadriennal enclenché et porté par la précédente majorité législative.
Il s’agit, en premier lieu, de l’insertion dans la Constitution, lors de sa révision de 2008, des lois de programmation pluriannuelles des finances publiques qui « s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques » ; en deuxième lieu, du progrès dans les concepts de gouvernance des finances publiques, notamment permis par les travaux de la commission Camdessus, mise en place à la demande du Président Sarkozy ; en troisième lieu, de la discussion, puis de l’adoption en termes identiques, par l’Assemblée nationale et le Sénat, du projet de loi constitutionnelle de 2011 reprenant très largement ces concepts, notamment la notion de « trajectoire » ; et il s’agit, en quatrième lieu, de la signature du TSCG dont nous venons d’autoriser la ratification, sans que la moindre virgule en ait été changée.
Mme Michelle Demessine. Il fallait le dire !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Comme l’a dit très justement M. le rapporteur général, nous avons eu déjà des débats approfondis, des débats constructifs au sein de la commission des finances, et je remercie François Marc pour sa présentation claire, méthodique et conceptuelle, qui nous permet – je l’espère – d’avancer davantage que n’a pu le faire l’Assemblée nationale sur la base du texte du projet de loi organique.
En effet, mes chers collègues, il est essentiel pour le Parlement, et même vital, qu’un consensus se dégage sur cette véritable « charte » de la gouvernance des finances publiques, qui est, d’une certaine manière, le répondant de la loi organique de 2001 relative aux lois de finances et de la loi organique de 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Il s’agit, ici comme alors, cher Yves Daudigny, d’un texte structurant, destiné à être notre outil de travail, notre « copropriété », du moins le cadre concret de toutes nos discussions futures, lesquelles s’inscriront dans le respect du principe de convergence.
Ce projet de loi organique repose sur une notion centrale, celle de « solde structurel », alors que, précédemment, je le reconnais, notamment jusqu’à l’année dernière, on s’était plutôt concentré sur la notion d’ « effort structurel », peut-être un peu plus facile à influencer.
Permettez-moi de rappeler rapidement l’historique de ce concept.
Le solde structurel n’est pas une notion « allemande », inventée par l’Allemagne et imposée par elle. À la vérité, le concept est né en Grande-Bretagne, en 1997, avec l’arrivée de Tony Blair au gouvernement. C’est ainsi qu’est né le principe selon lequel l’ancienne règle d’or devait être appliquée, mais sur un cycle économique car, de cette manière, on autorisait le jeu des stabilisateurs automatiques en période de creux et on se contraignait à dégager des marges de manœuvre dans les périodes les plus favorables.
Certes, les Britanniques en ont fait l’expérience,…