M. le président. La parole est à M. Michel Bécot.
M. Michel Bécot. Madame la ministre, j’ai entendu vos arguments. N’oublions pas que ce projet, évalué à 100 millions d’euros, rapportera grosso modo 20 millions d’euros de TVA. Certes, je le sais bien, les sommes issues de la récupération de TVA vont au budget général de l’État et pas forcément à la santé. Néanmoins, je considère que l’on pourrait lancer le projet dès aujourd'hui au lieu de le retarder, puisqu’il ne coûtera rien à l’État avant 2019.
Quoi qu’il en soit, il y a urgence, madame la ministre, et il est sans doute possible de trouver des solutions.
effets pervers du développement des pratiques d'emplois médicaux temporaires
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chauveau, auteur de la question n° 80, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Jean-Pierre Chauveau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, les effets pervers du développement des pratiques d’emplois médicaux temporaires sont régulièrement décriés.
Comme le soulignait, dès 2003, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, l’usage par les centres hospitaliers d’emplois médicaux temporaires peut conduire à de graves dérives.
Il ne s’agit pas de confondre ces emplois avec les postes occupés par des praticiens contractuels, mais il faut souligner les abus du statut de ceux qui, dans le monde hospitalier, sont surnommés « les mercenaires ».
En raison des déficits en personnels médicaux, certains professionnels s’inscrivent dans de véritables agences d’intérim – en réalité, des sociétés de placement – pour effectuer des remplacements ponctuels et obtenir de très importantes rémunérations.
Alors que nos hôpitaux publics sont soumis à de très fortes contraintes budgétaires, il est paradoxal de constater l’existence de telles pratiques. Certes, cette situation trouve son origine dans la démographie des professions médicales et dans les aménagements du temps de travail – ARTT, temps de repos, équivalence du temps de travail et du temps de garde, etc. –, il n’en demeure pas moins que ces irrégularités existent et qu’elles dépassent les limites acceptables.
Dernièrement, un exemple a été porté à ma connaissance : certains professionnels travaillent à temps partiel ou à temps plein dans des hôpitaux et viennent, en plus, effectuer des heures pendant leurs congés ou leurs RTT ! Pour être plus précis, certains médecins n’acceptent pas de faire des heures supplémentaires dans un cadre salarial normal – 400 euros par mois –, mais interviennent sur leur lieu de travail par l’intermédiaire de sociétés de placement – 800 euros la journée –, au détriment du budget de l’établissement.
Cet exemple concerne un centre hospitalier qui m’est cher, mais qui accuse actuellement un fort déficit - près de 28 millions d’euros - et auquel les « mercenaires » coûtent près d’un demi-million d’euros par an ! Je pense ici au centre hospitalier intercommunal Alençon-Mamers, qui attend très prochainement une décision financière afin de consolider sa situation budgétaire.
Plus généralement, comme on le souligne dans le rapport précité, « il est banal de constater que les missions de courte durée ne favorisent pas la construction d’un travail d’équipe » et que « placés devant la nécessité de pourvoir le poste vacant, le directeur et le chef de service peuvent être conduits à des solutions n’offrant pas toutes les garanties de qualité. Dans certains cas, l’établissement recrute un médecin qui satisfait aux conditions d’exercice prévues par les textes, mais dont la notoriété professionnelle n’aurait pas conduit l’établissement, s’il en avait le choix, à retenir sa candidature. »
Alors que la grande majorité des hôpitaux français doivent faire face à une situation financière très difficile, le problème des mercenaires constitue une piste, un gisement pour réaliser des économies sans déséquilibrer le fonctionnement des établissements, car, force est de le reconnaître, le problème de l’absence de titulaires n’est pas le même dans les petites villes de l’ouest ou du centre de la France et dans les grandes métropoles du Sud-Est.
Dans ces conditions, je souhaiterais connaître les mesures que le Gouvernement compte prendre pour contrôler ces pratiques, sanctionner les abus et mettre un terme à ces dérives inquiétantes.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le sénateur, vous avez souhaité attirer mon attention et celle du Gouvernement sur certaines pratiques au sein des établissements publics de santé où il est fait appel à des praticiens qui viennent effectuer des remplacements ponctuels fortement rémunérés, au mépris parfois de la réglementation applicable.
Globalement, les dépenses de personnels médicaux intérimaires ont représenté 0,71 % en 2009 et 0,72 % en 2010 du total des dépenses de personnels médicaux. On ne peut pas parler de réelle progression, mais il est vrai que ces dépenses représentent un montant significatif.
Ce chiffre global ne doit pas masquer la réalité : les difficultés se concentrent sur certains établissements, qui rencontrent de graves problèmes de recrutement.
C’est pourquoi je souhaite travailler sur l’attractivité des carrières hospitalières et la fidélisation des personnels médicaux.
J’ai ainsi lancé, lors de la concertation sur l’élaboration d’un pacte de confiance pour l’hôpital public, un ensemble de travaux sur l’amélioration de la qualité de l’exercice médical à l’hôpital public, avec notamment pour objectif de réduire le plus possible le recours aux emplois médicaux temporaires.
Je suis consciente que ces dérives ne vont pas disparaître à très court terme et qu’il ne sera pas facile de les limiter. C’est la raison pour laquelle je rappelle que le recours à ces emplois est encadré et que les règles en la matière doivent être respectées.
Le décret du 29 septembre 2010 portant dispositions relatives aux praticiens contractuels, aux assistants, aux praticiens attachés et aux médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes recrutés dans les établissements publics de santé, pris en application de l’article 5 de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, a permis l’encadrement du recours par les établissements publics de santé aux praticiens recrutés pour une courte durée, c’est-à-dire pour une durée inférieure à trois mois.
Cet encadrement est réalisé par une double mesure : d’une part, la fixation d’une proportion à respecter entre le volume des praticiens temporaires et celui des praticiens titulaires ou recrutés pour une durée supérieure à trois mois dans une même activité et une même structure ; d’autre part, l’obligation pour les établissements de transmettre au directeur général de l’agence régionale de santé un état semestriel des recrutements temporaires. Le directeur général de l’ARS peut ainsi réaliser un contrôle a posteriori du volume d’emploi de personnels temporaires et, le cas échéant, remettre en cause l’autorisation d’activité lorsque la continuité des soins paraît compromise par un important recours aux emplois médicaux de courte durée.
Les verrous existent donc. L’intervention a posteriori, dans le cadre de contrôles identifiés, de la part de l’Agence régionale de santé, permet de mieux réguler le recours à ces emplois temporaires, en attendant que des mesures plus structurelles nous permettent de répondre à la question de fond que pose le recours, parfois systématique, à ces emplois.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chauveau.
M. Jean-Pierre Chauveau. Madame la ministre, les petits hôpitaux tels que les nôtres – je pense au centre hospitalier intercommunal créé avec la ville d’Alençon – ont énormément de difficultés à recruter des médecins. Souvent, ce n’est qu’à la dernière minute que l’on arrive à pallier une absence.
Il arrive même que des médecins exerçant à l’hôpital centre d’Alençon se permettent de passer par une agence d’intérim lorsqu’ils interviennent à Mamers. Cela me semble tout à fait anormal.
J’espère donc que les travaux que vous avez lancés permettront, indépendamment des relations que nous avons avec l’ARS, de régler ce problème, qui nous pose d’importantes difficultés financières.
situation pénitentiaire du département de la vendée
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, auteur de la question n° 81, adressée à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, ma question porte sur la situation pénitentiaire dans le département de la Vendée. La situation y est déplorable, comme vous le savez sans doute, madame la ministre.
Le département compte deux établissements pénitentiaires ; l’un est situé à La Roche-sur-Yon, le chef-lieu, l’autre à Fontenay-le-Comte, dans le sud de la Vendée. Il s’agit de deux petites unités à taille humaine. Interrogés, les personnels pénitentiaires soulignent à quel point la taille de l’établissement est importante.
Lorsqu’on visite ces deux établissements, ce que j’ai fait, on se rend compte très rapidement de leur extrême vétusté, mais aussi et surtout de l’ampleur de la surpopulation carcérale. Ainsi, ce que l’on appelle de façon un peu inélégante le « taux de surencombrement » est supérieur à 240 % à La Roche-sur-Yon et supérieur à 200 % à Fontenay-le-Comte. De telles conditions d’incarcération, vous en conviendrez, madame la ministre, vous qui êtes très attachée à la dignité des détenus, sont précisément indignes, et inacceptables.
L’administration est contrainte d’installer le soir, dans les cellules, un matelas supplémentaire à même le sol afin de pouvoir faire vivre – ou survivre, serait-on plutôt tenté de dire – trois ou quatre détenus dans quelques mètres carrés. Dans quelques mètres carrés, madame la ministre !
Mais si de telles conditions ne sont pas admissibles pour les détenus, elles ne le sont pas plus pour le personnel pénitentiaire, qui souffre lui aussi de la surpopulation carcérale.
Depuis quelques années, nous travaillons beaucoup sur cette question. À l’issue de réunions auxquelles mon collègue Jean-Claude Merceron et moi-même avons participé, Michel Mercier, votre prédécesseur, avait pris l’engagement écrit, par courrier en date du 15 décembre dernier, de faire procéder à la modernisation de ces deux petites unités, que nous souhaitons garder, car elles sont à échelle humaine.
Je rappelle que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté lutte contre l’industrialisation des conditions de détention des détenus, dont il dit dans chacun de ses rapports qu’elle est déplorable.
Par ailleurs, l’ancien garde des sceaux s’était engagé à créer un centre de détention pour courtes peines à Fontenay-le-Comte. C’était important pour ce bassin qui, vous le savez très bien, est fortement touché par la crise économique. L’annonce du maintien du site de Fontenay-le-Comte et du développement d’un service public important avait constitué une réelle bonne nouvelle.
Or, lors de la présentation de votre budget, au mois de septembre, madame la ministre, vous avez indiqué que votre objectif était de créer 63 000 places de prison supplémentaires, et non plus 80 000, comme cela était prévu dans la loi de programmation votée en mars. Nous craignons donc que le projet dont votre prédécesseur nous avait confirmé la mise en œuvre n’en soit affecté.
Ma question est simple, madame la ministre : maintenez-vous l’engagement pris par votre prédécesseur, c'est-à-dire finalement par l’État ?
Je peux vous assurer que si l’on annonçait demain soit que l’un des deux établissements ferme, soit que le centre de détention pour courtes peines ne se fera pas à Fontenay-le-Comte, ce serait une véritable catastrophe pour la population.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, j’apprécie le contenu et la qualité de votre question. Je sais que vous vous préoccupez de la situation pénitentiaire en Vendée depuis que vous êtes aux responsabilités, comme je sais que votre intérêt pour la question des prisons va au-delà de votre propre département.
Vous avez rappelé les taux de suroccupation des deux établissements existants, celui de La Roche-sur-Yon et celui de Fontenay-le-Comte, qui sont respectivement – les chiffres sont terribles – de 240 % et 200 %.
Pour ma part, j’ai visité des établissements de plusieurs types, notamment des maisons d’arrêt mais pas uniquement, et je sais ce que signifient les taux d’occupation. J’envoie d’ailleurs mon cabinet et mon administration effectuer de telles visites sur le terrain, afin que chacun prenne bien la mesure du problème et se rende compte que nous traitons non pas simplement des dossiers, mais bien des réalités humaines et professionnelles d’autant plus difficiles qu’elles sont vécues au quotidien.
Je vous rappelle qu’un certain nombre de travaux de rénovation ont déjà été effectués dans ces deux établissements.
Ainsi, à La Roche-sur-Yon, le quartier des arrivants a été aménagé. Des travaux de chaufferie ont été effectués. La TNT a été mise en place et l’unité de consultation et de soins ambulatoires a été restructurée et agrandie. Au total, les crédits consacrés à ces travaux s’élèvent à près de 400 000 euros.
Les prisons dont nous parlons sont, en effet, à taille humaine. Afin que chacun prenne bien la mesure de ce que représente un taux d’occupation de 240 %, je rappelle que, alors que l’établissement de La Roche-sur-Yon dispose de quarante places, réparties en une trentaine de cellules, il accueille quatre-vingt-dix détenus. C’est effectivement très lourd.
La maison d’arrêt de Fontenay-le-Comte a également fait l’objet de travaux. Ont été ainsi financés la mise en place de caillebotis, des travaux de mise en conformité électrique, la mise en place de la TNT, l’installation de la détection incendie – c’est dire l’état de vétusté de ces établissements – et la rénovation de l’atelier de formation. Au total, près de 405 000 euros ont été consacrés à ces travaux.
Cet établissement, qui compte trente-neuf places, réparties en vingt-huit cellules, accueille quatre-vingt quatre détenus.
J’en viens maintenant aux engagements de mon prédécesseur. Vous évoquez une lettre du mois de décembre, monsieur le sénateur. Celle dont je dispose date du 16 janvier, mais le contenu est probablement le même. C’est peut-être juste une question de tampon dateur !
Dans cette lettre, Michel Mercier vous confirmait que des travaux de modernisation seraient entrepris dans les établissements de La-Roche-sur-Yon et de Fontenay-le-Comte. En revanche, il n’y mentionne pas du tout l’implantation d’un établissement pénitentiaire de 300 places en Vendée.
Certes, mon prédécesseur évoque la construction d’un établissement pour courtes peines dans la ville de Fontenay-le-Comte, mais, et j’en suis désolée, monsieur le sénateur, aucune budgétisation n’a été prévue, aucune étude n’a été effectuée le concernant. J’ai d’ailleurs demandé à l’administration pénitentiaire de s’en charger.
Au-delà, vous savez bien que pas un euro n’a été budgétisé pour les 23 000 places de prison qui devaient être construites pour atteindre l’objectif de 80 000 places fixé dans la loi pénitentiaire d’avril 2012.
En revanche, j’ai obtenu une augmentation du budget prévu pour les travaux de réhabilitation et de rénovation des établissements. Ce budget passe ainsi de 55 millions d’euros à 66 millions d’euros. Nous aurons donc les moyens de procéder à la rénovation des établissements vétustes afin que détenus et personnels pénitentiaires puissent, dans la dignité, les uns y être pris en charge, les autres y travailler avec efficacité.
Ces établissements feront l’objet des travaux de rénovation complémentaires nécessaires. Pour le reste, on ne peut pas considérer que prévoir la construction de 23 000 places supplémentaires sans mettre un euro en face constitue un engagement de l’État. Pour ma part, j’ai une conception plus noble de la parole de l’État !
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
Le courrier dont je dispose date bien du 15 décembre, mais peu importe. C’est sûrement une affaire de tampon dateur, comme vous l’indiquez. (Sourires.) Nous pourrons échanger nos courriers si vous le souhaitez.
De votre réponse, je tire deux conclusions.
J’en déduis d’abord que des travaux de modernisation seront bien effectués à La Roche-sur-Yon et à Fontenay-le-Comte. C’est une bonne chose.
J’en déduis ensuite, et cela ne me convient pas, que l’unité pour courtes peines – il ne s’agissait pas d’un établissement de 300 places – ne verra pas le jour.
Madame la ministre, vous ne pouvez pas dire qu’une loi de programmation doit budgétiser, vous connaissez trop bien le principe de l’annualité budgétaire. Une loi de programmation sur cinq ans doit prévoir des crédits, mais les crédits sont inscrits dans le projet de loi de finances année après année.
Le directeur de l’administration pénitentiaire m’avait envoyé un courrier, le 22 mars dernier, dans lequel il m’indiquait étudier l’implantation d’un établissement pour courtes peines. Je sais que vous vous intéressez à l’insertion et à la réinsertion des détenus, madame la ministre ; vous savez donc que ces établissements sont des vecteurs extraordinaires de réinsertion.
Fontenay-le-Comte est l’un des bassins les plus concernés par la crise dans notre région, où plusieurs usines ont fermé.
La création d’un centre pour courtes peines était une bonne nouvelle. Certes, elle nous avait été annoncée par le précédent gouvernement, mais peu importe. Vous représentez l’État, madame la garde des sceaux. L’intérêt général n’est ni de droite ni de gauche. La création d’un tel centre dans un secteur frappé par le chômage est une mesure d’intérêt général ; ce n’est pas une affaire politique. Le député-maire socialiste de Fontenay-le-Comte est totalement d’accord avec nous, vous pouvez l’interroger, tout simplement parce que c’est une affaire de bon sens.
Je vous en supplie, ne décevez pas la population !
Je vous demande donc, madame la garde des sceaux, de bien vouloir remettre l’ouvrage sur le métier et d’accepter d’étudier l’implantation d’un centre de détention pour courtes peines de 150 places. Cela serait bon pour l’insertion des détenus comme pour l’emploi local.
déploiement de la flotte en antilles-guyane
M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette, auteur de la question n° 108, adressée à M. le ministre de la défense.
M. Jean-Étienne Antoinette. Les mois de juillet et août 2012 ont vu de multiples agressions et d’actes de piraterie perpétrés sur nos marins par des pêcheurs venus du Surinam, du Venezuela ou du Brésil, créant ainsi un émoi considérable parmi nos concitoyens.
Comme pour les ressources minières dans les terres, le pillage des ressources halieutiques des eaux territoriales et intérieures est un phénomène – hélas ! – connu en Guyane.
De même que la tragédie de Dorlin, les actes de piraterie contre les pêcheurs guyanais par des marins venus des pays voisins constituent le franchissement d’une étape inadmissible dans la gradation des violences pour l’accès aux richesses de la Guyane.
La marine nationale et la gendarmerie maritime ont su réagir en intensifiant la lutte contre la pêche illégale, arraisonnant plus de 35 navires étrangers, rejetant 20 tonnes de poissons à l’eau et détruisant 43 kilomètres de filets dans la zone économique exclusive française au large de la Guyane, le tout en moins de deux mois.
Cependant, cette action récente n’est pas représentative du potentiel d’intervention dont la Guyane pourrait bénéficier : les P400 de la marine nationale ne participent que très peu à la lutte contre la pêche illégale, car le coût de leur engagement en mer réduit à moins de 80 jours par an leur temps en opération. En outre, ils sont chargés davantage de la sécurité des tirs du lanceur spatial que du contrôle des pêches.
Ensuite, l’action de la gendarmerie a évolué depuis trois mois. Pour pallier le manque de matériel et être plus présentes en mer, les vedettes de la gendarmerie maritime ne déroutent plus les navires étrangers. Elles les raccompagnent seulement à la frontière après avoir détruit leurs filets et leurs cargaisons.
Les navires de plus gros tonnage, réalisant une pêche industrielle, résistent et ne sont toujours pas inquiétés. Les règles d’engagement sont telles que les gendarmes refusent de se porter au contact. Même lors d’importantes opérations conjointes avec la marine nationale, les hommes du GIGN peuvent se trouver en situation extrêmement délicate.
À moins de « muscler » notre capacité de réponse et de la porter jusque dans le camp des délinquants, le pillage des ressources halieutiques de Guyane, à l’instar des ressources minières, ne prendra jamais fin.
Parallèlement, on assiste à l’extension impressionnante de la zone maritime Antilles. Elle reste sous l’autorité des forces armées des Antilles, mais dans leur format actuel, qui est maintenu. La zone maritime Guyane, quant à elle, se recentre sur sa zone économique exclusive.
À l’heure de la rédaction du Livre blanc sur la défense, il apparaît ainsi que l’efficacité de la présence des forces maritimes dans les outre-mer doit être une priorité.
Se pose alors la question des moyens pour assurer les missions de défense sur le territoire maritime de la France dans cette région.
Les navires dont nous avons salué l’engagement des équipages ont trente ans d’âge. Dans la zone, deux P400 ont été désarmés, et, s’il en reste encore en Guyane, la force des Antilles s’est vu amputer d’un bâtiment de transport léger, ou Batral, lui aussi âgé de plus de trente ans.
Aujourd’hui, on parle d’un navire chaland, permettant de récupérer les filets laissés en mer, et dont le financement, interministériel serait assuré par les ministères de la défense et des outre-mer, ainsi que par le secrétariat général de la mer. Qu’en est-il réellement ? Quand ce navire sera-t-il disponible ?
Les missions de l’armée en Guyane, du contrôle de la zone du centre spatial jusqu’aux luttes contre les pêches illégales et l’orpaillage clandestin, requièrent des systèmes d’information sophistiqués. Est-il possible qu’un drone de reconnaissance soit affecté aux forces armées en Guyane ?
La question des moyens, vous le voyez, est au cœur de la problématique.
Hier et aujourd’hui se confondent, puisque nous faisons face à un seul et même problème : la souveraineté nationale et la défense du territoire.
Comment comptez-vous conserver les ambitions de la France en Guyane, protéger ses intérêts et assurer l’avenir de sa population ?
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, votre question s’adresse à M. le ministre de la défense qui, retenu, m’a demandé de vous présenter ses excuses personnelles et de vous communiquer les éléments de réponse qu’il a fait préparer. Si vous avez des observations à faire sur la base de ces derniers, je me ferai un devoir de les transmettre à mon collègue.
Monsieur le sénateur, nous sommes tous les deux bien placés pour savoir l’importance des 11 millions de kilomètres carrés que représente l’espace maritime des outre-mer. Ils permettent à la France de se situer au deuxième rang des puissances maritimes mondiales. Ils offrent surtout de formidables potentialités en matière de pêche, d’hydrocarbure offshore ou d’énergie marine renouvelable.
Il est important que l’État exerce sa souveraineté sur ce patrimoine considérable, et qu’il soit en mesure d’assurer de bonnes conditions pour l’exercice des activités économiques dans cet espace.
Vous avez eu raison d’évoquer les moyens qui sont mis à disposition pour ce faire. Vous l’avez dit, ils ont été réduits ces dernières années, notamment dans le cadre du Livre blanc de 2008.
Fréquemment interpellé par les élus sur ce sujet – vous compris, monsieur le sénateur – l’État s’est néanmoins rendu compte qu’il était important de reconsidérer ces décisions.
C’est ainsi que, à l’été 2011, une réunion interministérielle a abouti à l’affectation de nouveaux moyens.
Vous le savez probablement, vous qui suivez ces questions de près, il a été décidé d’affecter trois bâtiments de type « supply » aux Antilles, à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française, ainsi que deux patrouilleurs légers à faible tirant d’eau à la Guyane.
Ces divers moyens seront disponibles dans les toutes prochaines années, entre 2013 et 2014 pour les bâtiments de type supply, et entre 2014 et 2015 pour les deux patrouilleurs.
S’agissant de la Guyane, le dispositif actuel sera maintenu, puisque les deux patrouilleurs commandés remplaceront les P400 existants à l’horizon 2016-2017. Notez également que la coordination des moyens maritimes est élargie à la zone Antilles-Guyane, même si, vous comme moi, nous aurions préféré que la base soit en Guyane, étant donné l’importance de son territoire terrestre et marin. (M. Jean-Étienne Antoinette sourit.)
Vous avez eu raison de mentionner les moyens dont dispose la marine pour faire face à la pêche illégale en Guyane. Sachez qu’elle va renforcer les équipages des patrouilleurs, de façon à permettre une plus grande permanence dans la police des pêches. L’acquisition d’une barge remonte-filets par les administrations concernées a été décidée en réunion interministérielle, afin de s’attaquer à la logistique et aux outils mêmes de cette activité de pillage de nos richesses.
Vous l’avez dit avec beaucoup de mesure, monsieur le sénateur, mais nous savons à quel point la pêche illégale met en péril la sécurité et l’activité des agents économiques.
Voilà pour l’état des lieux. Le ministre de la défense me charge de vous informer que le délégué général à l’outre-mer participe aux réunions de travail de la commission du Livre blanc. Vous pouvez donc, éventuellement, faire remonter vos observations et vos propositions par son intermédiaire.
M. le ministre me charge également de vous indiquer que sa réflexion s’appuiera sur trois principes : l’adaptation, la polyvalence et l’autonomie.
L’adaptation, d’abord, parce que chaque département ou territoire en outre-mer a ses caractéristiques propres. Vous me pardonnerez d’insister sur un fait qui, en soi, nous ravit, monsieur le sénateur : le territoire terrestre de la Guyane représente plus de 91 000 kilomètres carrés et son territoire marin près de 300 000 kilomètres carrés, depuis que le plateau continental a été étendu sur décision de l’Organisation des Nations unies. L’adaptation aux territoires est donc nécessaire, car ils ne présentent pas tous les mêmes caractéristiques géographiques, bathymétriques, météorologiques ni ne partagent les mêmes activités économiques.
La polyvalence, ensuite, parce que l’on ne peut pas se contenter d’une seule famille de plateformes, compte tenu de la diversité des missions à exécuter.
L’autonomie, enfin, considérée sous ses divers aspects – maintenabilité, endurance – s’explique par la distance à couvrir.
C’est sur la base de ces trois principes que le ministre de la défense s’engage à tirer les conséquences du futur livre blanc. Il tenait à vous en faire part et à vous rappeler que, naturellement, toutes vos propositions seront les bienvenues, monsieur le sénateur.