Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Absolument !
M. Pierre-Yves Collombat. Bureaucratie !
M. Jean-Pierre Chevènement. Trop technocratique ! Les technocrates au pouvoir !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le ministre délégué, quand on recherche les voix des uns et des autres, il faut accepter d’écouter les différents arguments et d’en tenir compte. C’est le principe de concertation dont vous nous parlez assez souvent, d’ailleurs.
En ce qui concerne la loi organique, vous pourriez arithmétiquement vous passer de nos votes.
M. Jean-Claude Lenoir. Pas au Sénat !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En effet, cher collègue, pas au Sénat !
Il serait préférable, pour la République, pour l’intérêt général, que, sur un tel sujet fondateur, qui ne relève pas de la petite tactique de conseil général (Oh ! sur les travées du groupe socialiste.)…
Pardonnez-moi, mes chers collègues, mais si nous adorons les conseils généraux, qui font des choses admirables, nous savons aussi, les uns et les autres, faire de la tactique, c’est notre métier, n’est-ce pas ? (Ah bon ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) Ici, il s’agit d’autre chose.
M. Jean-Claude Lenoir. C’est sûr !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je conclurai en disant que nous avons vraiment intérêt à travailler tous ensemble à la mise en œuvre du TSCG, par le levier de la loi organique. Ce serait à l’honneur de notre République,…
M. Jean-Claude Lenoir. Ce serait bien inspiré !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … à l’honneur de la zone euro. Nous serions gagnants, les uns et les autres, à nous écouter davantage, pour définir ensemble les règles du jeu de demain et d’après-demain. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, vice-président de la commission des affaires étrangères.
M. Daniel Reiner, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je vais vous indiquer de manière simple les raisons qui conduisent la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat à vous inviter à autoriser la ratification de ce traité.
Lorsque nous avions discuté, en février 2012, du Mécanisme européen de stabilité, l’austérité était le seul et unique horizon, l’alpha et l’oméga de la politique. Depuis, la réorientation de la politique européenne, dont nous avons débattu cet après-midi, ici même, a créé un nouvel équilibre, reposant, aujourd’hui, sur trois piliers simples : la responsabilité budgétaire, la solidarité européenne et la légitimité démocratique.
Le premier pilier est la responsabilité budgétaire, point qui a été parfaitement développé par les orateurs de la commission des finances. Le Premier ministre a rappelé, cet après-midi, que le nécessaire assainissement budgétaire résulte non pas du TSCG ou d’une quelconque contrainte imposée de l’extérieur, mais d’abord de l’engagement du Président de la République de redresser notre pays, dès lors que cet effort va de pair avec une politique européenne de croissance. Il a été élu pour cela.
Des budgets en équilibre, mes chers collègues, que faisons-nous d’autre dans nos collectivités territoriales, et depuis des années ? Nous ne découvrons pas non plus aujourd’hui les fameux 3 % du traité de Maastricht, nécessaires pour la qualification dans l’euro et qui paraissaient si difficiles à atteindre en 1996 et en 1997.
Le sérieux budgétaire ne nous est donc pas imposé par ce traité ; il n’est pas nouveau !
L’assainissement budgétaire est simplement une obligation que nous nous devons à nous-mêmes, sous peine d’être condamnés à l’impuissance et soumis à des taux insupportables par les marchés, qui ruineraient tous nos efforts de redressement.
Comment financer nos priorités en faveur de l’éducation, de l’emploi, de l’innovation, avec un poids de la dette qui fait des intérêts le premier poste du budget de la nation ? Il faut retrouver des marges de manœuvre pour l’action politique et pour pouvoir exercer nos grands choix de société.
Le traité, voulu par l’Allemagne pour apaiser les marchés, à vocation essentiellement disciplinaire à l’origine, ne nous est pas devenu subitement « sympathique ». Pour autant, son examen détaillé montre qu’en lui-même il n’impose guère de contraintes supplémentaires au droit communautaire en usage, ainsi que vous l’avez indiqué tout à l’heure. Pour sa transposition juridique dans chaque État, sa rédaction laisse une grande liberté. De même, en matière de politique économique et budgétaire, la référence à un objectif de déficit structurel laisse, en fait, des marges de manœuvre significatives.
Le deuxième pilier est la solidarité européenne. Dès le lendemain de son élection, le Président de la République s’est attaqué au rééquilibrage de la politique européenne par des mesures fortes en faveur de la croissance, de l’emploi et de la stabilité financière. Le 23 mai 2012, les chefs d’État ou de gouvernement ont décidé que le sommet du mois de juin suivant serait consacré à la relance de la croissance et de l’emploi. Dès la fin du mois de juin, la France a obtenu l’adoption du pacte pour la croissance et l’emploi.
C’est bien notre pays qui a replacé la croissance au cœur du projet européen et ce pacte a créé un état d’esprit nouveau en Europe. Or le TSCG n’est pas séparable de ce pacte. Chacun connaît ses trois avancées majeures, que M. le ministre délégué a rappelées cet après-midi : soutien à la croissance et à l’investissement pour 120 milliards d’euros ; mise en œuvre rapide d’une union bancaire dans la zone euro pour garantir la stabilité du secteur financier et protéger les contribuables et les épargnants ; lancement d’une taxe européenne sur les transactions financières dans le cadre d’une coopération renforcée.
Le nouveau système de supervision bancaire, impliquant la Banque centrale européenne, devrait permettre la recapitalisation directe des banques en difficulté. Avec ce mécanisme, l’union bancaire européenne est en marche. La force de frappe de la Banque centrale européenne a été, à l’évidence, augmentée.
Toutes ces mesures, nous les attendions, les uns et les autres depuis longtemps, mais surtout les banques. Nous les avions réclamées. Elles sont désormais des acquis qui vont nous aider à relancer l’économie européenne et donc à lutter contre le chômage.
Rien n’a changé, mais, en fait, tout a changé !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !
M. Daniel Reiner, vice-président de la commission des affaires étrangères. Le présent traité s’inscrit dans un paysage totalement renouvelé.
La légitimité démocratique, enfin, constitue le troisième pilier. Je constate souvent avec tristesse le gouffre qui s’est creusé entre l’Europe et ses citoyens.
M. Aymeri de Montesquiou. C’est vrai !
M. Daniel Reiner, vice-président de la commission des affaires étrangères. Je suis convaincu que c’est notamment par le renforcement du contrôle démocratique de l’Union que nous lui redonnerons toute sa légitimité.
Je m’inscris en faux contre l’idée selon laquelle notre souveraineté budgétaire nationale serait atteinte par ce traité. Le Conseil constitutionnel l’a clairement établi dans sa décision : le texte, en particulier le fameux mécanisme de correction automatique de l’article 3, ne procède pas, en lui-même, à des « transferts de compétences en matière de politique économique ou budgétaire » supplémentaires par rapport à nos engagements européens antérieurs. Il reviendra au Parlement d’organiser ce mécanisme de correction dans le projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.
Ne nous y trompons pas : c’est la dette qui menace notre souveraineté, pas le traité ! Pour autant, il me paraît urgent de permettre un meilleur contrôle démocratique de la gouvernance de l’eurozone.
Qui peut dire aujourd’hui précisément quelle est la place des parlements nationaux dans cette gouvernance ? Or quel est l’enjeu ? Il n’est pas technique, il est éminemment politique : il ne s’agit pas moins que d’engager, à l’échelle européenne, une autre politique économique, une politique d’investissement, de croissance et d’emploi, pour permettre à l’Europe de sortir de la crise. Ces choix de société doivent être publiquement débattus et démocratiquement assumés. Ils ne peuvent être confisqués par un cénacle d’experts.
Dès lors, permettez-moi d’insister sur un point dont on ne mesure pas assez l’importance : il s’agit de l’article 13 du traité, lequel prévoit qu’une conférence interparlementaire sera mise en place, réunissant des représentants des commissions compétentes du Parlement européen et des parlements nationaux. Cet article offre une occasion nouvelle à ces derniers d’accéder à un espace qui leur était, jusqu’alors, quasi interdit, celui des discussions et réflexions préalables à l’élaboration des politiques économiques et budgétaires.
Le Sénat, d’ailleurs, avait défini, dès le mois de mars 2012, dans une résolution déposée par le président Sutour, la forme que pourrait prendre ce dialogue. Nous avions souhaité une composition large de la conférence interparlementaire, un pouvoir réellement délibérant et une insertion effective dans la chaîne décisionnelle budgétaire européenne. L’Assemblée nationale a adopté, quant à elle, une résolution très proche, sur l’initiative de nos collègues députés Christophe Caresche et Élisabeth Guigou. Les propositions sont sur la table et il faut aller de l’avant. Des amendements au projet de loi organique ont d’ailleurs été déposés en ce sens à l’Assemblée nationale.
Cette construction empirique est-elle parfaite ? Sans doute pas, mais, finalement, l’intégration économique, puis monétaire, appelle, presque naturellement, de proche en proche, l’intégration budgétaire et politique.
Au fond, l’alternative est simple : ne pas ratifier le traité, c’est enliser durablement l’Europe dans le blocage politique et couper tout élan ; le ratifier, c’est donner au Président de la République la possibilité de poursuivre le travail entamé pour réorienter l’Europe en faveur de la croissance et de l’emploi.
Or il reste beaucoup à faire : quels instruments de solidarité doit-on mettre en place ? Quel degré de mutualisation des dettes peut-on accepter ? Quelle harmonisation fiscale, quelle convergence sociale et environnementale sont-elles à envisager ? Toutes ces questions ont déjà été évoquées cet après-midi lors du débat sur les perspectives européennes.
Quelle politique de l’énergie devons-nous promouvoir ? Quelle politique industrielle faut-il engager ? Quels grands projets sont-ils à imaginer, demain, pour soutenir la croissance en Europe et quels successeurs peut-on trouver à Airbus et Ariane ? Naturellement, le moment est venu pour la France d’avancer ses propres idées, car l’Allemagne ne peut être seule à proposer des solutions. En tout cas, je suis certain, et j’exprime ici également la position de la commission des affaires étrangères, que la France est plus grande et plus forte dans l’Europe ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le TSCG est un traité mal né. Il est apparu, au départ, comme une exigence d’un seul pays, l’Allemagne, qui en faisait une condition du Mécanisme européen de stabilité. La Grande-Bretagne a voulu en profiter pour négocier un statut dérogatoire pour ses banques : ce marchandage ayant été à bon droit refusé, nous avons un traité à vingt-cinq, puisque la République tchèque a rallié la position britannique.
Vingt-cinq signataires, ce n’est pas toute l’Union, mais c’est bien plus que la zone euro, qui est la principale intéressée. Nous avons là une situation intermédiaire un peu étrange.
Ensuite, le TSCG est devenu le symbole des politiques de rigueur en Europe, auxquelles il semblait promettre une longue postérité. Il n’avait donc rien pour susciter l’enthousiasme !
En réalité, si nous voulons prendre la juste mesure de ce traité, il faut le considérer, cela a été dit par d’autres, comme une partie d’un tout. Il y a la rigueur budgétaire que prévoit le TSCG ; il y a la solidarité financière qu’organise le Mécanisme européen de stabilité, qui est, lui aussi, un traité ; il y a, enfin, ce que fait l’Union pour encourager la croissance. Ce dernier volet était l’élément manquant, ou du moins l’élément beaucoup trop faible. C’est pourquoi nous avons parlé de renégociation.
L’objectif était d’atteindre un meilleur équilibre entre les trois volets : rigueur, solidarité financière et soutien à la croissance. François Hollande l’a obtenu, et c’est ce que nous devrions considérer, plutôt que de faire un vain procès sur un mot.
Faut-il considérer le nouveau traité comme un carcan, ainsi qu’il est parfois présenté ?
Là encore, évitons de nous focaliser sur les mots. Le terme de « règle d’or » est un repoussoir pour ceux qui voient déjà l’Europe revenir aux conceptions de l’Angleterre victorienne ; d’autres, au contraire, ont tendance à donner à cette fameuse « règle d’or » des vertus thérapeutiques presque sans limites.
En réalité, la discipline que prévoit le TSCG porte sur le déficit structurel, dans le cadre d’une trajectoire de moyen terme. Ce n’est pas une règle mécanique qui ignorerait les fluctuations économiques et les évolutions tendancielles. Les règles mécaniques sont plutôt celles que nous avons aujourd’hui – 3 % de déficit et 60 % de dette – et qui ont été introduites par le traité de Maastricht voilà vingt ans.
Si, en 2013, nous devons revenir sous ce seuil de 3 %, c’est bien en application des règles actuelles, j’y insiste, et non pas en vertu d’un traité qui n’est pas encore en vigueur. Finalement, en se concentrant sur le déficit structurel et en adoptant une approche de moyen terme, le TSCG retient une conception bien moins mécanique de la lutte contre les déficits excessifs.
Je n’ignore pas les dangers des politiques de rigueur et je ne suis pas de ceux qui pensent qu’une fois les déficits excessifs supprimés tous les problèmes, ou presque, seront derrière nous. Mais, aujourd’hui, l’exigence d’un assainissement est bien là. Elle s’imposerait même sans les traités, anciens et nouveaux, car un État dont la dette approche 90 % de son PIB, surtout lorsque celle-ci est détenue en large partie par des non-résidents, ne peut manquer d’être sanctionné par les marchés s’il ne corrige pas sa trajectoire.
M. Jean Bizet. Exact !
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Merci, mon cher collègue !
Une envolée des taux d’intérêt ferait peser sur notre budget, en pure perte, une contrainte bien plus forte que celle que nous sommes en train de nous imposer.
Le TSCG s’inscrit dans une évolution déjà largement entamée avec l’adoption, en novembre 2011, de l’ensemble de règlements communément désigné comme le « Six-pack », qui a réformé le pacte de stabilité et de croissance adopté en 1997 et a déjà été modifié, une première fois, en 2005. C’est un dossier que connaît bien notre collègue Richard Yung.
Bien sûr, le traité apporte des éléments supplémentaires, sans quoi nous ne serions évidemment pas là aujourd’hui, mais faut-il pour autant y voir une évolution majeure ?
Pour avoir une vue aussi objective que possible de la portée du nouveau traité, j’ai regardé l’analyse qu’en avaient faite les deux juridictions constitutionnelles française et allemande, puisque toutes deux avaient été saisies.
Les contextes juridiques étant différents dans ces pays et les méthodes des juridictions également, il est d’autant plus intéressant de constater que, dans les deux cas, les décisions conduisent à considérer que les éléments nouveaux apportés par le traité ne doivent pas être surestimés.
Le Conseil constitutionnel a une jurisprudence bien établie selon laquelle une révision de la Constitution est nécessaire avant toute ratification d’un traité, dès lors que celui-ci met en cause « les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale ».
Dans sa décision du 9 août 2012, le Conseil constitutionnel souligne que, pour l’essentiel, le TSCG reprend, en les renforçant, des règles qui existent déjà : les règles concernant le déficit et la dette figurent dans les traités, et le Six-pack, adopté sur la base des traités, limite d’ores et déjà à 1 % le déficit « structurel » sur le moyen terme. Le TSCG abaisse cette limite en la faisant passer de 1 % à 0,5 %, une fois que l’équilibre est rétabli.
Ce n’est pas un nouveau transfert de compétences, ni, évidemment, une modification substantielle des conditions de la participation de la France à l’Union. Le Conseil constitutionnel en conclut qu’il n’est pas porté atteinte aux « conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale ».
La Cour constitutionnelle allemande, selon une approche convergente, n’a émis aucune réserve concernant la ratification du TSCG. Dans sa décision, elle conclut que le traité n’appelle pas de modification de la loi fondamentale allemande et souligne qu’il renforce, pour l’essentiel, des règles existantes, sans introduire de changement majeur.
On le voit, l’importance du nouveau traité ne doit pas être exagérée. Elle se situe plus dans la forme que dans le fond. Les gouvernements ont voulu donner la solennité d’un traité à une discipline budgétaire qui s’imposait déjà, en grande partie, dans le cadre des textes existants. Le traité introduit, certes, des contraintes supplémentaires, mais il ne constitue pas, et de loin, un bouleversement. N’imaginons pas que, sans lui, nous serions délivrés de l’obligation d’assainir nos finances publiques. Mais c’est une évidence !
Le TSCG, en lui-même, n’est pas uniquement synonyme d’austérité, au contraire. Dans son article 9, les États signataires sont invités explicitement à « œuvrer conjointement à une politique économique qui favorise le bon fonctionnement de l’Union économique et monétaire et qui promeut la croissance économique grâce au renforcement de la convergence et de la compétitivité ». Encore fallait-il que le principe d’une action conjointe au service de la croissance ait un début de concrétisation, ce qui a maintenant été obtenu et doit, à mon avis, lever les dernières réticences.
Je voudrais conclure en soulignant que l’article 13 du traité donne une base à un contrôle interparlementaire sur la coordination des politiques économiques et budgétaires, en prévoyant la mise en place d’une instance spécifique. J’en ai souligné la nécessité lors du précédent débat, comme d’autres de mes collègues ; je n’y reviens pas.
Là également, la manière dont tout cela est mis en œuvre sera primordiale : elle devra être rapide et permettre un véritable dialogue politique avec les institutions européennes, ce qui n’est pas toujours le plus facile.
Aujourd’hui, la question n’est pas de savoir s’il faut être pour ou contre la discipline budgétaire. Cette discipline est incontournable et nos concitoyens le savent. Le débat porte sur l’accompagnement et les contreparties de la discipline, ainsi que sur la manière dont les États membres doivent coordonner leurs politiques. Les décisions prises ne pourront être pleinement légitimes sans la participation des parlements nationaux à ce débat.
Finalement, on regrette que ce vers de Racine ait tant servi, car, s’il y a un traité qui ne mérite « ni cet excès d’honneur ni cette indignité », c’est bien celui-là ! Le TSCG n’est pas un tournant de la construction européenne. Il est un aspect, et seulement un aspect, de l’approfondissement de l’Union économique et monétaire. Quand on considère ce seul aspect isolément, on va forcément le juger incomplet et insuffisant, voire même, pour certains, dangereux.
Mais, si on le replace dans son contexte, qui a évolué, et si on l’appréhende comme un élément d’un ensemble, on voit bien qu’il fait partie d’un équilibre et que son approbation est nécessaire pour que les autres facteurs de cet équilibre soient préservés.
C’est dans cet esprit, monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, que, pour ma part, j’apporterai mon total soutien au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Bernard-Reymond.
M. Pierre Bernard-Reymond. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la crise financière qui a pris naissance aux États-Unis avant de déferler sur le monde a révélé la fragilité de l’Union économique européenne. Celle-ci a deux causes principales. D’une part, l’Union est en cours de création. Elle n’a notamment bâti qu’un seul des deux piliers s’agissant de sa monnaie. D’autre part, nous sommes très endettés.
Le traité sur lequel nous devons nous prononcer est fait pour éviter qu’à l’avenir nous ne retombions dans les mêmes erreurs, les mêmes dissimulations, tout autant que pour accomplir un pas de plus vers l’intégration.
Il est à mon sens quelque peu regrettable que l’essentiel du débat se soit situé à un niveau franco-français, au parfum partisan.
Le TSCG, que l’on nous demande de ratifier, n’est ni celui de M. Sarkozy, ni celui de M. Hollande, ni celui de Mme Merkel. C’est le traité signé par vingt-cinq gouvernements de l’Union européenne.
M. Jean Bizet. Très bien !
M. Pierre Bernard-Reymond. Parmi ceux qui vont le rejeter, il y a les nationalistes, qui surfent sur la montée des populismes due aux profonds bouleversements dont notre planète est le théâtre depuis la fin du monde bipolaire.
Il y a aussi ceux, qui, au nom de la lutte contre l’austérité et la condamnation du capitalisme, le plus mauvais des systèmes après tous les autres,…
M. Guy Fischer. Ah !
M. Pierre Bernard-Reymond. … en finissent par faire l’éloge de la dette.
Aux premiers, je dirais ceci : au siècle de la mondialisation, si nous ne sommes pas unis dans une communauté de nations à visée fédérale, les pays émergents, en train de devenir « submergents », nous avaleront les uns après les autres, nous reléguant au rang de spectateurs de la scène mondiale. C’est en étant davantage Européens que nous resterons souverains.
Aux seconds, voici ce que je dirais : tout le monde est, a été ou sera keynésien, mais la relance d’une économie est d’autant plus opportune, d’autant plus facile et moins risquée qu’elle s’applique à un pays qui a profité des années de vaches grasses pour se désendetter. Ce n’est pas le cas, hélas ! de la plupart des États d’Europe.
M. Philippe Bas. Très bien !
M. Pierre Bernard-Reymond. Nous sommes donc placés dans une situation extrêmement délicate, cheminant sur un sentier très étroit, qui nous impose absolument de diminuer notre dette par des réductions de dépenses, mais aussi par de profondes réformes de structure, tout en restant conscients du fait que la croissance permet de rembourser précisément une partie de cette dette.
Il y a, d’ailleurs, un niveau où agir sur la relance serait plus pertinent que de le faire dans chacun des États, c’est celui du budget européen, puisque l’Europe, en tant que telle, n’est pas endettée. Pour que ce raisonnement soit valable, il faudrait que le budget européen soit alimenté par des ressources propres,…
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !
M. Pierre Bernard-Reymond. … non par des cotisations des États. Qu’attend-on pour faire passer, en sept ans, dans le budget européen, les ressources propres de 14 % à au moins 60 %, comme ce fut le cas à l’origine ? L’Union aurait alors les capacités d’emprunt que nos États pris isolément ne peuvent plus avoir en raison de leur endettement respectif.
Une autre raison de ratifier le TSCG réside dans le fait qu’il est plus sophistiqué que ses prédécesseurs : la définition du déficit structurel, l’instauration d’institutions indépendantes au niveau national pour exercer des fonctions de surveillance, la possibilité d’y déroger en cas de circonstances exceptionnelles, la faculté de renoncer à des sanctions contre un État par des majorités qualifiées inversées, sont quelques-unes des modalités qui prouvent que les rédacteurs du traité ont tiré les enseignements de l’expérience.
Par ailleurs, rejeter ce traité reviendrait à confondre le contenant et le contenu, les institutions et les diverses politiques qu’elles autorisent. On ne peut s’opposer à la construction de l’Europe au motif que l’on n’est pas totalement satisfait de la politique qu’elle conduit. Il y a une dialectique de la construction de l’Europe et de la construction de la société européenne.
Il faut poursuivre la construction de l’Europe et chacun pourra développer, au sein de celle-ci, le dialogue et le combat pour la société de son choix.
S’opposer à ce traité, c’est se rendre plus vulnérable aux marchés financiers, c’est aussi renoncer à une économie durable, qui, désendettée, laisserait aux générations futures les marges de manœuvre nécessaires pour bâtir la nouvelle société de leur choix. On ne construit pas un avenir sur de la dette !
Je voterai donc en faveur de la ratification du TSCG avec conviction et sans hésitation, en espérant même, monsieur le ministre délégué, qu’une fois ce traité voté les chefs d’État et de gouvernement penseront au suivant.
L’Europe est, en effet, au milieu du gué. Elle n’est pas encore assez intégrée pour se défendre à l’extérieur : le rythme de la mondialisation est plus rapide que celui de la construction européenne. Elle n’est pas non plus assez avancée à l’intérieur de ses frontières pour démontrer son efficacité et faire apprécier son utilité aux peuples qui la composent. Ces carences alimentent le nationalisme et le populisme.
Certes, si nous parvenons à sortir par le haut de cette crise, de grands progrès auront été faits en direction de l’intégration, mais il ne faut pas s’arrêter en chemin.
L’Europe, qui se fait à petits pas, a parfois besoin de grandes enjambées. Un nouveau traité tous les cinq ou six ans pourrait être de bonne méthode.
Pour y parvenir, il faut un peu moins s’intéresser au marketing, aux sondages, à la tactique électorale, à la concorde à l’intérieur des coalitions, au souci de la réélection, mais réunir les Français autour de la République, de ses valeurs fondamentales, autour d’un projet à long terme, qui ne peut se concevoir que dans une perspective européenne.
Pour cela, monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, l’Europe a besoin moins de tacticiens que d’hommes d’État et, peut-être même, comme l’ont été les pères fondateurs, de prophètes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)