M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.
M. Philippe Madrelle. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui me satisfait tout à fait.
Nous savons que vous êtes conscient de toutes les difficultés de la viticulture et nous comptons sur votre détermination.
artificialisation des espaces agricoles
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 4, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur l’artificialisation des espaces agricoles, qui ne cesse d’augmenter.
En décembre dernier, déjà, à l’occasion de la semaine de la préservation de l’espace foncier agricole, organisée par les Jeunes agriculteurs, des chiffres alarmants ont été rendus publics : la France perd 26 mètres carrés de terre agricole par seconde, soit près de 80 000 hectares par an, ce qui fait un département tous les cinq ans !
Cette évolution est deux fois plus rapide que dans les années soixante, où quelque 40 000 hectares étaient urbanisés chaque année.
Dans l’Aisne, 57,3 % du territoire est occupé par des terres cultivées ; cette proportion est de 60,2 % dans l’ensemble de la Picardie.
Le président d’une société d’aménagement foncier et d’établissement rural, une SAFER, m’a confirmé que la France consommait deux fois plus de terres périurbaines que nos partenaires européens, notamment allemands.
L’homme s’est historiquement installé sur des terres fertiles, et les villes ont grossi autour de ces premières implantations.
Les sols de très bonne qualité agronomique représentent déjà un tiers des surfaces artificialisées.
Notre collègue Yvon Collin, dans l’excellent rapport d’information sur le défi alimentaire à l’horizon 2050 qu’il a récemment rédigé au nom de la délégation à la prospective, souligne que, à ce rythme, la surface agricole naturelle aura reculé de 3,4 millions d’hectares en 2050, ce qui représente 12 % de la surface occupée actuellement par les exploitations.
Il est par ailleurs clair que, devant l’ampleur de l’extension urbaine, certains acquéreurs n’hésitent pas à spéculer sur le changement d’usage des terres.
C’est la raison pour laquelle certains maires de zones rurales, et aussi nombre d’agriculteurs, soutenaient la loi du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire, qui pouvait faire espérer un apaisement de la pression immobilière sur les zones agricoles périurbaines.
Au contraire, la tendance récente est à la hausse du prix de la terre agricole : en 2011, la disponibilité des terres libres s’amenuisant, les prix ont été poussés à la hausse, rendant d’autant plus difficile l’installation de nouveaux agriculteurs.
Cette tendance à la hausse semble inéluctable à long terme, la terre agricole étant de plus en plus prisée tant pour sa production que pour sa qualité de valeur refuge pour les investisseurs. Son prix a augmenté de 40 % depuis 1997 pour s’établir à 5 430 euros par hectare en moyenne.
Les SAFER disposent de moyens pour sauvegarder les terres agricoles, mais leur action se heurte à l’opacité des ventes de parts de société agricole. Dans ces transactions, en effet, ni l’État, ni les collectivités locales, ni les SAFER ne sont informés de l’identité des acquéreurs.
Monsieur le ministre, quelle est l’ampleur du marché des parts de société agricole et qu’en est-il de l’éventuel danger d’achats massifs de terres françaises par des acteurs financiers ou des fonds étrangers, dont s’inquiète à juste titre la fédération nationale des SAFER ?
À l’occasion de la préparation de la conférence environnementale des 14 et 15 septembre dernier, la fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, ou FNSEA, se serait montrée volontariste sur une politique de préservation du foncier agricole.
En sera-t-il question dans le futur projet de loi sur l’urbanisme qui devrait être présenté par Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement au cours de l’année 2013 ?
J’ajoute que, dans son communiqué de presse tout récent, l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture insiste sur « l’urgence de freiner le processus de consommation des sols qui entraîne une perte de production, une baisse de potentiel de la biodiversité et une accumulation des contraintes sur le foncier agricole ».
À l’heure où la demande alimentaire mondiale ne cesse d’augmenter, l’enjeu stratégique que représente l’espace agricole en commande une gestion durable.
En outre, la fin programmée du « tout pétrole » promet un bel avenir aux agrocarburants ; il faudra donc produire davantage et, pour cela, posséder la terre !
La préservation du potentiel agricole est une notion nouvelle et primordiale à prendre en compte. Ainsi, certains proposent que la taxe sur le changement de destination des espaces agricoles soit augmentée au moins de 10 % à 15 %, seuil qui serait dissuasif, mais aussi que les nouvelles commissions départementales de classement des terres mises en place par la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, dite LMA, du 27 juillet 2010 donnent un avis plus contraignant que simplement consultatif.
Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous puissiez apporter des garanties sur votre volonté de limiter l’accaparement des terres agricoles.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, ce sujet de l’« artificialisation » des terres agricoles a déjà fait beaucoup parler ! En effet, un département disparaîtrait tous les cinq, six ou sept ans, et c’est un rythme que l’on ne peut plus accepter.
En effet, la terre agricole, c’est notre capacité à produire des biens agricoles et donc des biens alimentaires. Elle doit être préservée d’une consommation s’apparentant plus, depuis des années, à un gaspillage. Effectivement, on a gaspillé de l’espace.
Parmi les pays d’Europe, la France a la surface la plus importante de terres agricoles, et l’on a cru que ces espaces pouvaient être consommés sans limite. Aujourd’hui, il est temps de dire « stop » ! Tel était l’objet de la conférence environnementale que vous avez citée et dont un objectif clairement indiqué était de mettre fin à cette « artificialisation » et à ce gaspillage des terres agricoles.
Nous allons travailler sur les pistes que vous avez évoquées, à savoir la commission départementale de classement des terres et l’augmentation de la taxe sur le changement de destination des espaces agricoles. Cette question sera abordée à l’occasion de l’examen tant du projet de loi sur le logement, qui sera défendu par Cécile Duflot, que de la loi d’avenir de l’agriculture. Ce sujet, que vous avez parfaitement décrit, est en effet majeur, car on ne peut plus accepter que les terres agricoles changent de destination et soient consommées sans limite.
Ainsi, les parkings des zones commerciales s’étendent de manière insensée, leur surface étant calculée pour des heures de pointe qui représentent à peine deux, trois ou quatre heures au plus dans la journée, voire dans la semaine. C’est parfaitement inacceptable ! Il faudra, là aussi, voir comment limiter la consommation qui « artificialise » l’espace et qui engendre des problèmes liés à la pollution, à la gestion de l’eau.
La meilleure des réponses que je puisse apporter à votre question, monsieur le sénateur, est l’affirmation de ma totale détermination à aboutir sur ce sujet-là.
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Je vous remercie, monsieur le ministre : j’ai bien senti dès le début de votre propos que votre détermination était totale.
Je suis bien sûr prêt à vous accompagner, vous et vos services, dans le développement des idées nécessaires à l’arrêt de cette artificialisation, qui, vous l’avez souligné, est source de craintes pour l’avenir.
projets de construction de logements sociaux et adaptés
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, auteur de la question n° 30, adressée à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.
M. Yannick Botrel. Madame la ministre, je tiens tout particulièrement à attirer votre attention sur la situation créée pour la réalisation de projets de construction de logements sociaux et adaptés. Je prendrai pour exemple les projets qui, dans mon département des Côtes-d’Armor, font l’objet d’une remise en cause du fait de la réalisation d’un classement par priorité des territoires, mieux encore des communes. Cette situation a avant tout pour origine le désengagement national, inscrit dans la loi de finances pour 2012, en matière de financement du logement social.
À cet égard, les organismes de construction de logements sociaux et adaptés ont, en premier lieu, à assumer un prélèvement sur leurs fonds propres, ce qui représente pour Côtes-d’Armor-Habitat la somme de deux millions d’euros. À cette ponction s’ajoute le manque de crédits d’État devant abonder les projets de construction de logements sociaux neufs.
En gestion de la pénurie, la répartition de l’allocation des fonds s’est organisée à travers une cartographie. Ce schéma, établi selon des critères multiples, doit rendre compte de la tension du marché de l’habitat, déterminant du même coup les communes éligibles et, a contrario, celles qui se trouvent exclues de fait.
Sans remettre en cause l’établissement des critères qui, n’en doutons pas, ont dû faire l’objet d’études approfondies, les conclusions cartographiques mettent en évidence des tensions d’accès au logement uniquement dans les zones les plus peuplées. Ainsi, dans les Côtes-d’Armor, seuls les secteurs côtiers, à deux communes près, sont identifiés comme étant les plus peuplées. Seules ces zones très tendues verront donc leurs projets retenus.
Je tiens à souligner le caractère très discriminant de l’exercice, puisque seul le périmètre communal est pris en considération. Ainsi, deux communes mitoyennes, reliées entre elles par des moyens de transport public, répondant aux mêmes demandes de logement social et adapté, n’ont pas des chances équivalentes de voir leurs programmes se réaliser. Les élus locaux dénoncent à juste titre un traitement purement technique des demandes, s’appuyant sur la cartographie communale que je viens de décrire et ne comportant aucune disposition pour garantir l’équilibre des territoires.
Cette situation, si elle devait perdurer, conforterait à terme les zones les plus peuplées, écarterait les possibilités d’habitat locatif social et adapté dans les zones plus rurales, où il existe pourtant une vie économique et où la demande de logements, bien que moindre, est réelle. Les locataires sociaux potentiels déserteraient les territoires ruraux, parfois même les territoires périurbains.
Madame la ministre, quelles mesures pourriez-vous mettre en œuvre pour que les projets de constructions de logements sociaux et adaptés déjà engagés aboutissent et que, plus largement, puisse subsister une équité territoriale en termes de constructions locatives sociales, répondant aux besoins spécifiques des populations concernées ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. Monsieur le sénateur Yannick Botrel, le sujet que vous soulevez sera examiné lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2013, dans lequel les crédits en faveur de la construction de logement social seront significativement renforcés du fait d’une mobilisation sans précédent.
Par ailleurs, s’agissant de la répartition des crédits, point particulier sur lequel vous avez attiré mon attention, j’ai décidé la mise en place d’observatoires au plus près des territoires. Ces observatoires permettront de sortir de la logique de zonage existante, qui vise à limiter les zones d’intervention prioritaires sur un certain nombre de communes avec une actualisation évidemment beaucoup plus difficile, pour identifier les secteurs les plus tendus sur un plan général en termes de besoins en logements, ainsi que les secteurs les plus tendus socialement, ceux qui ne sont pas toujours identifiés mais où la demande sociale pour l’offre est très importante, alors que le parc actuel ne répond pas aux besoins, notamment aux besoins sociaux.
La nouvelle politique en matière de logement social permettra donc de répondre à vos demandes sur ce plan.
Elle vise également à mettre en œuvre un versant en faveur des publics spécifiques, avec des logements adaptés pour les personnes tant en situation de handicap qu’en situation de vieillissement. C’est dans ce cadre-là qu’un partenariat sera signé avec l’Union sociale pour l’habitat, afin de mettre en œuvre, dès 2013, 10 000 logements spécifiques qui seront répartis sur l’ensemble des territoires.
Je tiens d’ailleurs à indiquer que, dans la région Bretagne, le préfet a pris l’initiative d’une démarche de zonage beaucoup plus précis et d’une identification dans le cadre des documents existants, en particulier les programmes locaux de l’habitat, ou PLH, qui sont nombreux dans votre région, pour identifier les besoins spécifiques au plus près des territoires et pour apporter les réponses nécessaires en fonction des besoins tels qu’ils s’expriment et non d’une vision administrée ou supraterritoriale.
Toutes ces démarches permettront, me semble-t-il, de répondre à la question que vous avez posée, qui est bien évidemment cruciale et qui nécessite une réponse nuancée et différente selon les territoires. C’est bien tout le sens de la politique en matière de logement, en particulier de logement spécifique, que je porte au nom du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel.
M. Yannick Botrel. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse qui est précise, argumentée, et qui démontre une bonne connaissance de la problématique que j’ai tenu à souligner à travers la question que je vous ai posée.
Personne ne peut le contester, certains territoires ont des attentes plus fortes que d’autres. Cela ne signifie pas pour autant – vous en avez donné un exemple dans votre réponse – que des besoins ne se manifestent pas ailleurs, particulièrement dans des zones rurales où, parfois, des personnes âgées sont isolées socialement, assez loin des commerces et des administrations dont elles souhaitent se rapprocher. Cela se fait dans les bourgs de façon très générale. Dans des communes rurales situées entre deux bassins d’emplois, la demande de personnes à faibles revenus voulant se loger est également justifiée.
Par conséquent, la réponse du Gouvernement va tout à fait dans le sens de ce que je souhaitais entendre et que j’ai entendu.
avenir du grand paris
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, auteur de la question n° 84, adressée à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.
M. Philippe Dominati. Madame la ministre, au cours des derniers siècles, Paris et la région capitale ont connu quatre révolutions majeures : Haussmann et sa transformation de Paris, Charles de Gaulle et la création de huit départements en 1965, Giscard d’Estaing et sa volonté de donner un maire à Paris et, d’une manière générale, de faire évoluer le pouvoir régional, enfin Nicolas Sarkozy et le projet de Grand Paris, auquel il a donné une impulsion nouvelle, contemporaine, correspondant à la région moteur de notre pays.
Cette impulsion devait normalement reposer sur trois principes : une gouvernance, un périmètre et un budget. Mais, au fur et à mesure, la concrétisation de l’intention présidentielle a été détournée par les ministres successifs. Je dirai que, pour l’instant, le Grand Paris est essentiellement un projet technique ou technocratique, avec une société d’État, un système de transport, des investissements disséminés dans la recherche, dans le développement économique ou éventuellement le logement, et qu’il manque de cohésion.
Il appartient au nouveau président de la République de poursuivre l’impulsion donnée par son prédécesseur, de s’attaquer au problème institutionnel, au problème financier et peut-être au problème technique, qui est le plus engagé, celui des transports.
Ma question, en ce début de mandature, est de savoir quelles sont les intentions du Gouvernement, car il y a urgence !
Il y a urgence sur le plan institutionnel, en raison de la remise en cause de la réforme des collectivités territoriales et de la nécessité d’une gouvernance ou d’une cohésion. Votre sensibilité politique ayant tous les pouvoirs – l’État, la région, la ville –, il est donc assez simple de définir éventuellement un projet de gouvernance !
Il y a également urgence sur le plan financier. En effet, pour l’instant, les Parisiens paient, et plus qu’ailleurs. Vous comme moi étions opposés à la taxe spéciale d’équipement au profit de l’établissement public Société du Grand Paris. Personnellement, je l’étais, car l’État veut toujours régenter la vie des Parisiens avec peu d’argent et décider à leur place. Allez-vous faire de même ? Sur le plan financier, je souhaite donc savoir ce que vous allez faire concernant l’évolution du réseau de transport.
Sur le plan technique des transports, j’ai dénoncé à plusieurs reprises le fait que, contrairement à toutes les autres régions d’Europe, l’État, en région d’Île-de-France, est tout le temps en retard, car il veut avoir la mainmise sur les transports collectifs.
À trois sociétés d’État, la SNCF, la RATP, RFF, on en a ajouté une quatrième : la Société du Grand Paris. Or il n’y a pas un sou !
Par conséquent, il convient de savoir ce qu’il en est, d’autant que, parallèlement, les pouvoirs du STIF ont été donnés à la région d’Île-de-France. Ma famille politique est à l’origine de cette réforme à laquelle nous avons participé.
Il y a urgence, les mois passent, mais, pour l’instant, c’est le grand silence ! Moins de quatre mois après son élection, Nicolas Sarkozy avait pris une initiative. Je vous demande d’en prendre une à votre tour.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. Monsieur le sénateur, votre question recouvre deux sujets : d’une part, la question de la gouvernance du Grand Paris, de l'articulation entre les différents niveaux de collectivités locales ; d’autre part, la question intéressante du rôle de l'État relativement au poids politique des différentes collectivités locales.
Je citerai un premier exemple de rupture avec les pratiques passées : le projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, adopté par le Sénat puis par l’Assemblée nationale voilà quelques jours, a redéfini le lien qui unit les contrats de développement territorial prévus par la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris et le schéma directeur régional de la région Île-de-France, voté par le conseil régional. L’objectif est de rendre compatibles ces deux documents de manière que l'État n’ait pas à se substituer aux collectivités locales sur les projets d'aménagement qui sont en lien avec les questions de transport.
Les CDT devront désormais être compatibles avec le SDRIF tel qu'il aura été adopté par la région, et cette dernière ainsi que les départements territorialement concernés pourront également, à leur demande, être signataires de ces contrats.
Le Gouvernement a donc la volonté d’associer l'ensemble des acteurs. Considérant que la région d'Île-de-France est aussi la région capitale de notre pays et que, pour cette raison, l'État ne peut s’en désengager, il estime qu’il est de sa responsabilité particulière de remédier autant que faire se peut aux dramatiques sous-investissements chroniques auxquels ont eu à faire face, pendant plusieurs dizaines d’années, les transports en commun.
S’agissant de la gouvernance, le travail mené par Marylise Lebranchu, qui porte non seulement sur la modernisation de l'action des administrations de l'État mais également sur la réforme des collectivités locales et la décentralisation, prendra en compte la situation particulière de l'Île-de-France en tant que région capitale.
Le second volet de votre question porte sur le réseau de transport Grand Paris Express. Ce réseau, comme vous avez eu raison de le souligner, n'est pas au cœur du projet du Grand Paris, projet qui sera porté par l'ensemble des collectivités et par l'État, mais il est un élément important notamment pour les liaisons de banlieue à banlieue. C’est pourquoi il fait actuellement l'objet d'une mission destinée à évaluer son séquençage et son financement. À cet égard, les premiers éléments portés à ma connaissance montrent que le financement prévu pour ce réseau de transport a été sous-évalué et qu'un certain nombre des investissements nécessaires à sa réalisation n'ont pas été pris en considération. En conséquence de quoi, ce projet sera mis en œuvre sur la base d'une évaluation financière très précise et d'un séquençage en fonction de deux objectifs : la desserte des zones d’Île-de-France pour lesquelles les besoins sont les plus criants et le désenclavement des zones d'Île-de-France encore enclavées.
Parce qu’il dépasse la simple question des transports, le financement de ce projet sera garanti par l'État et par l'ensemble des acteurs qui participeront à sa réalisation.
Aussi, monsieur le sénateur, j’espère que vous serez pleinement rassuré.
M. le président. Monsieur Dominati, êtes-vous rassuré ? (Sourires.)
M. Philippe Dominati. Malheureusement, madame la ministre, vos propos ne m’ont pas tout à fait rassuré. L’exercice est difficile pour vous qui consiste à coordonner l'action de l'État entre plusieurs ministères. En réalité, j'ai le sentiment que vous n’êtes pas en mesure d’apporter des réponses. À votre côté est assis M. le ministre délégué au budget ; il eût été sympathique de sa part de vous faire un clin d'œil pour vous signifier qu’il assurera effectivement le financement du projet dont vous rêvez et dont rêvent les Parisiens. (Sourires.)
Malheureusement, la Société du Grand Paris ne dispose à ce jour ni du capital ni des financements requis pour développer ce système de transport.
Sur le plan technique – je reviendrai sur les questions institutionnelles par la suite –, il serait bon que vous mettiez un peu d'ordre. Pourquoi faut-il quatre sociétés d'État pour mettre en œuvre un projet, à la différence de ce qui se passe dans d’autres régions tout aussi performantes dans le service aux usagers, aux habitants et à l'économie régionale ? Pourquoi donc ce millefeuille administratif ? Il faut viser la performance !
Nous avons connu à Paris les projets Éole et Meteor, c'est-à-dire la bagarre entre la SNCF et la RATP. Aucun de ces projets n’a été finalisé, sauf avec vingt ans de retard par tronçon. Allons-nous recommencer, faute de moyens, avec la Société du Grand Paris ?
En outre, à partir du moment où le syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF, dispose de moyens et d’un pouvoir régional, pourquoi ne pas en profiter pour mettre à plat cette question des transports ?
Enfin, beaucoup de gens parlent de Paris. Ces enjeux intéressent tout le monde, mais on demande rarement leur avis aux Parisiens. On leur demande juste de payer un impôt nouveau. Je note que vous vous étiez opposée à la création de ce dernier. Aussi, j’espère bien que, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances, vous soutiendrez toute initiative visant à le réduire, d’autant que la Société du Grand Paris, pour l'instant, ne rencontre aucun problème de financement. Cela serait parfaitement justifié puisque nous n’avons aucune information sur le seul tronçon prévu pour Paris intra-muros. Nous avons besoin d'investissements. Dans le XIe arrondissement, on compte 400 habitants par hectare, ce qui n'est pas le cas d’autres zones concernées par le réseau de transport. Pour autant, l'État ne réalise plus aucun investissement dans Paris intra-muros.
situation financière des communes de saint-laurent-du-maroni et roura
M. le président. La parole est à M. Georges Patient, auteur de la question n° 23, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget.
M. Georges Patient. Monsieur le ministre, je tiens à attirer votre attention sur la situation financière des communes de Saint-Laurent-du-Maroni et de Roura, en Guyane.
En effet, ces communes, qui connaissent un fort déficit structurel depuis plusieurs années, avec toutes les conséquences négatives qui en découlent sur leurs administrés, notamment des taux élevés d’impôts locaux, se trouvent exclues du dispositif de restructuration mis en place par l’État au profit des communes en difficulté de Guyane, car elles ne disposeraient pas des marges de manœuvre nécessaires au remboursement du prêt que pourrait leur consentir l’Agence française de développement, l’AFD, pivot de ce dispositif sur le plan tant de l’analyse des risques que des conditions de mise en place de ce prêt.
Cependant, ces deux communes demeurent confrontées à une situation financière particulièrement grave en raison de circonstances anormales : une augmentation exponentielle de 74 % de la population administrative de Saint-Laurent-du-Maroni entre 2001 et 2010 qui n’a pas été prise en considération par un recensement non exhaustif et en fort décalage ; une incapacité des services fiscaux à actualiser les bases fiscales communales, et une perte, comme les autres communes de Guyane – c’est en effet une particularité guyanaise –, d’un montant substantiel de recettes d’octroi de mer, à savoir 4,5 millions d’euros pas an pour Saint-Laurent-du-Maroni et environ 300 000 euros pour Roura.
À défaut de rétrocéder à ces deux communes cette part de recettes d’octroi de mer, ne conviendrait-il pas, monsieur le ministre, de leur appliquer les dispositions de l’article L. 2335-2 du code général des collectivités territoriales, qui dispose que des subventions exceptionnelles peuvent être accordées aux communes lorsqu’elles ne sont pas en mesure de rétablir l’équilibre de leurs comptes par leurs propres moyens en dépit de leur effort, notamment fiscal, porté au maximum ? C’est le cas de ces deux communes, qui ont déjà pris des engagements significatifs sur ce point.
Ces subventions exceptionnelles, venant en complément, permettraient de susciter l’élaboration de plans de restructuration, comme l’explique le directeur général de l’AFD dans sa réponse au rapport de la Cour des comptes sur la situation financière des communes des départements d’outre-mer : « C’est le cas notamment de la commune de Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane, où l’AFD n’a pu intervenir en l’absence d’une subvention exceptionnelle de l’État. »
Monsieur le ministre, quelle réponse pouvez-vous apporter s’agissant de l’application de cet article à ces deux communes de Guyane ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Monsieur le sénateur, la singularité des situations rencontrées par certaines communes a amené le ministère des outre-mer, M. Victorin Lurel, avec l’appui de l’Agence française de développement, à expérimenter des plans de restructuration lorsque les outils de droit commun avaient atteint leurs limites.
Ces plans auxquels vous avez fait référence, mis en œuvre après un diagnostic approfondi des situations financières et des perspectives de redressement, supposent toutefois que les collectivités ne soient pas surendettées, car l’octroi de nouveaux prêts serait en réalité de nature à aggraver leur situation.
À cet égard, le dispositif prévu par l’article L. 2335-2 du code général des collectivités territoriales ne paraît pas être l’instrument le plus adapté pour accompagner dans la durée les collectivités faisant face à des difficultés structurelles. En effet, cet outil a été institué pour remédier aux difficultés financières conjoncturelles rencontrées par certaines communes, en métropole ou outre-mer. Il est nécessairement limité : pour l’année 2012, les crédits inscrits au budget de l’État au titre des subventions exceptionnelles aux communes en difficulté s’élèvent à 2,7 millions d’euros. C’est le programme 122 de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
S’agissant plus particulièrement de la commune de Saint-Laurent-du-Maroni, dont la situation financière peut être largement imputée, d’une part, à une démographie particulièrement dynamique nécessitant un développement accéléré des services publics offerts à la population et, d’autre part, à la faiblesse structurelle du niveau des recettes de fonctionnement, plusieurs actions ont déjà été entreprises.
J’en citerai quelques-unes.
D’abord, le recensement des bases fiscales a permis une augmentation du produit des contributions directes de la commune de plus de 31 % entre 2009 et 2012. À cet égard, je salue l’action des élus locaux, sans lesquels ce recensement dont on connaît les conséquences n’aurait pu être mené.
Ensuite, les services de l’État, notamment la préfecture, ont mené des négociations auprès des différents créanciers publics – caisses de sécurité sociale, caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, centre de gestion de la fonction publique territoriale – pour obtenir l’établissement d’échéanciers de paiement des dettes.
Enfin – et cet élément est essentiel –, la création du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le fameux FPIC, devrait être de nature à enclencher un processus de restructuration financière. En effet, monsieur le sénateur, la commune de Saint-Laurent-du-Maroni est bénéficiaire, en 2012, d’une nouvelle recette de 236 000 euros, qui devrait progresser d’ici à 2016, au terme de la montée en charge du dispositif.
Comme vous le savez, le projet de loi de finances pour 2013 porte la dotation de ce fonds de péréquation de 150 millions d’euros à 360 millions d’euros.
L’attribution du FPIC par la direction générale des collectivités locales se fait normalement selon des critères normés et financiers. Au sein d’une même intercommunalité, la répartition se fait elle aussi selon des critères de droit commun normés, mais dont les collectivités membres peuvent s’affranchir au profit de critères ad hoc décidés certes unanimement, mais selon la volonté des élus locaux.
Cette mesure pourrait être de nature à contribuer à la résorption du déficit structurel de la commune et permettrait à cette dernière d’envoyer un message significatif à l’ensemble de ses partenaires dans le cadre de l’accompagnement de son redressement. Elle me paraît nettement préférable à celle que vous avez suggérée, qui n’aurait qu’un effet conjoncturel.