compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Carle
vice-président
Secrétaires :
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx,
M. Alain Dufaut.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
renouvellement des contrats d'achat d'hydroélectricité
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, auteur de la question n° 63, transmise à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Madame la ministre, j’ai attiré l’attention de M. le ministre du redressement productif sur la situation préoccupante des producteurs autonomes d’hydroélectricité exploitant des centrales. En effet, les contrats d’achat de ces derniers risquent d’être interrompus si les modalités d’application de l’arrêté du 10 août 2012 définissant le programme d’investissement des installations de production hydroélectrique prévu à l’article L. 314-2 du code de l’énergie ne permettent pas d’assurer la continuité entre l’ancien contrat H97 et le nouveau contrat d’achat renouvelé HR97.
Quand M. le ministre a été saisi, le 26 juillet 2012, les problèmes soulevés concernaient le renouvellement des conditions des contrats et l’attente de la publication de l’arrêté.
L’arrêté depuis lors publié au Journal officiel apporte bien une réponse dans la mesure où il prévoit le renouvellement, dans les mêmes conditions, du contrat d’obligation d’achat H97, sous réserve de la réalisation d’un programme d’investissement de 550 à 750 euros par kilowatt installé étalé sur une période de huit ans.
Il n’en demeure pas moins que persiste une préoccupation importante : la continuité temporelle entre les contrats H97 qui arrivent à échéance en octobre 2012, soit ce mois-ci, et les nouveaux contrats renouvelés.
S’agissant d’un renouvellement de contrat, il convient d’assurer aux producteurs concernés la possibilité de continuer à livrer leur production dans le périmètre d’équilibre de l’acheteur obligé, dans la continuité de leur contrat actuel, sans avoir à écouler, même temporairement, leur production sur le marché, voire à interrompre leur production.
Ces modalités permettraient d’articuler intelligemment et avec souplesse l’instruction par les DREAL, les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement, des certificats ouvrant droit à l’obligation d’achat, la signature du contrat d’achat HR97 délivré par EDF Obligation d’achat et le rattachement des installations concernées au périmètre d’équilibre de l’acheteur.
En effet, compte tenu des délais de publication de cet arrêté pris en application de l’article 3 de la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite « loi NOME », il serait anormal de faire supporter les conséquences de ce retard aux producteurs qui souhaitent rester sous obligation d’achat.
Aussi, madame la ministre, quelles réponses positives pouvez-vous apporter aux producteurs autonomes d’hydroélectricité, dont les sollicitations sont, de mon point de vue, très légitimes ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Madame la sénatrice, je vous remercie de m’interroger sur une question essentielle pour la petite hydroélectricité française et pour de nombreux territoires ruraux et de montagne.
En effet, nous souhaitons développer les énergies renouvelables et décarbonées, qui permettent déjà à la France de disposer, avec l’hydroélectricité, d’un socle de production.
Il s’agit là aussi d’une énergie décentralisée, ancrée dans les territoires et créatrice d’emplois non délocalisables.
L’histoire des quelque 1 700 petites centrales d’hydroélectricité en France est liée à l’histoire de nos montagnes et de leurs vallées, à leur aménagement et à leur développement économique. Si les très petites centrales hydroélectriques assurent 2 % de la production hydroélectrique totale, ces installations représentent 61 % du nombre d’ouvrages hydroélectriques situés sur les rivières françaises. Ces microcentrales ont donc un avenir dans notre pays.
Dès mon arrivée au ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, j’ai été interpellée par de nombreux élus sur l’urgence à renouveler les contrats d’obligation d’achat des 1 080 petites centrales de production d’hydroélectricité qui arrivent à échéance à partir du mois d’octobre 2012, question que vous me posez vous aussi, madame la sénatrice.
Comme vous l’avez dit, les petites centrales bénéficient de contrats signés en 1997, dits « contrats H97 », d’une durée de quinze ans, qui arrivent à échéance cette année.
Ce sont d’ailleurs les sénateurs qui, dans la loi NOME, ont proposé et voté le renouvellement de ces contrats, sous réserve que des investissements soient réalisés par les exploitants, dans des conditions définies par arrêté.
Cette disposition, qui figure à l’article 3 de ladite loi, fait exception au principe selon lequel une installation ne peut bénéficier qu’une seule fois d’un contrat d’obligation d’achat, les investissements étant supposés être amortis à l’échéance du contrat.
En concertation avec les fédérations de producteurs d’hydroélectricité, j’ai arrêté un projet de texte, après que le Conseil supérieur de l’énergie a rendu son avis en juillet dernier.
Il fallait faire vite si l’on voulait renouveler et signer les contrats avant leur terme. Il s’est également agi de trouver le bon équilibre de façon que les conditions économiques restent raisonnables et compétitives et qu’elles n’induisent ni effet d’aubaine ni incitation excessive à des investissements non adaptés.
À cet égard, je rappelle que la différence de prix entre le tarif fixé par l’État dans le cadre de l’obligation d’achat et le prix de marché de l’électricité est compensée aux acheteurs via la contribution au service public de l’électricité, la CSPE.
L’arrêté que j’ai signé le 10 août dernier et qui est paru au Journal officiel du 5 septembre 2012 fixe un montant d’investissement en fonction de la taille des installations, ainsi qu’une période de huit ans pour l’étalement de ces investissements, dans un souci de mise à niveau des installations, en fonction des nouvelles exigences réglementaires et environnementales.
Afin de ne pas pénaliser les centrales ayant déjà investi dans la période récente, l’arrêté a prévu un certain nombre d’aménagements.
Tout d’abord, l’exigence de réaliser les investissements avant l’entrée en vigueur du nouveau contrat, envisagée par le précédent gouvernement, a été écartée.
Ensuite, le montant des investissements lancés sous le régime du précédent contrat mais non encore achevés peut être intégré aux investissements à réaliser.
Ces aménagements ont permis de prendre en compte la situation particulière de chaque installation, tout en garantissant une harmonisation du parc et une rémunération adéquate de l’électricité produite.
Afin de renforcer les moyens de suivi et de contrôle de la réalisation de ces investissements, l’arrêté prévoit que le producteur fournit un plan d’investissement au début de son contrat, un rapport intermédiaire après quatre ans et un rapport récapitulatif au bout de huit ans. Le préfet pourra réaliser des contrôles.
Outre la nécessité de veiller à la bonne utilisation des deniers publics, ce contrôle et ce suivi dans le temps mis en place par l’arrêté du 10 août dernier permettront aux services de l’État de constituer une base de données fiables sur la situation des 1 080 centrales.
Les services de mon ministère, en liaison avec les opérateurs compétents, travaillent depuis cette date à la mise en œuvre rapide et efficace de cet arrêté, afin d’assurer une transition sans heurt entre les anciens et les nouveaux contrats d’achat.
Un premier projet de contrat type a ainsi été élaboré par EDF Obligation d’achat, puis soumis à la consultation des fédérations de petits producteurs d’hydroélectricité au début du mois de septembre. La réunion de concertation entre la direction de l’énergie et les fédérations qui s’est tenue le 20 septembre dernier a notamment permis d’aborder la question de la continuité entre les anciens contrats et les nouveaux contrats dits « renouvelés », que vous avez évoquée.
La possibilité de prévoir une entrée en vigueur du contrat d’obligation d’achat antérieure à la date de signature de celui-ci est en cours d’analyse par mes services. Cette pratique autorisée par la Commission de régulation de l’énergie, ou CRE, a déjà été mise en œuvre par le passé. Elle me semble constituer la meilleure solution. Elle serait susceptible de garantir les intérêts des petits producteurs, tout en veillant à ce que les exigences d’investissement soient bien remplies. Ainsi, ces derniers ne seraient pas tributaires du retard que vous avez évoqué.
En parallèle, j’ai donné des instructions précises aux DREAL en vue d’une application homogène des règles sur tout le territoire, et ce dans les meilleurs délais.
Tous ces éléments sont, me semble-t-il, de nature à vous rassurer, madame la sénatrice.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, qui m’a effectivement rassurée et devrait apporter des satisfactions à tous les agents économiques concernés.
abaissement des valeurs limites d'exposition aux ondes radioélectriques à carmaux
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, auteur de la question n° 48, transmise à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
M. Jean-Marc Pastor. Madame la ministre, les antennes-relais implantées dans mon département par les opérateurs de téléphonie mobile suscitent de la part de la population de nombreuses interrogations et des craintes. C’est vrai à Rivières et à Carmaux dans le Tarn, mais aussi dans bien d’autres communes du territoire français.
Ainsi, les riverains demandent que les puissances d’exposition aux radiofréquences soient diminuées à partir des stations de base et que tous les types de couverture ne soient plus centralisés sur les mêmes implantations.
Ils ont fait réaliser des mesures par le Centre de recherche et d’information indépendantes sur les rayonnements électromagnétiques, dont les résultats établissent des risques d’effets physiopathologiques en raison de valeurs souvent supérieures à 1 volt par mètre, voire à 3 volts par mètre. Ils ont donc demandé aux opérateurs de baisser la puissance de leurs antennes, sans succès jusqu’à présent.
La ville de Carmaux a par ailleurs été assignée par un opérateur devant le tribunal administratif en raison d’une délibération de la commune prévoyant une concertation préalable à tout projet de déploiement sur son territoire.
En avril 2012, nous avons rencontré à la mairie les représentants de trois opérateurs : Orange, SFR et Bouygues Telecom. Ces derniers ont fait état du Grenelle des ondes et d’une modélisation effectuée à partir d’une expérimentation sur des sites pilotes au titre de laquelle la ville de Carmaux s’était d’ailleurs portée candidate, mais n’avait pas été retenue. D’après les résultats de cette modélisation, on aboutirait à 80 % de perte de service ; je n’ai cependant pas eu connaissance des résultats de l’expérimentation faite dans le xive arrondissement de Paris.
Pour les opérateurs, l’augmentation du trafic pose un problème de couverture et de saturation. Selon eux, il faudrait ajouter des antennes-relais sans diminuer leur puissance. Les citoyens s’inquiètent : la multiplication du nombre d’antennes permettrait-elle de limiter le seuil d’exposition à un niveau raisonnable ?
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, ou ANSES, donne un élément supplémentaire dans la réponse que son directeur général m’a faite récemment. Elle précise qu’une réduction de la puissance des antennes-relais est souhaitable, mais attire l’attention sur les conséquences, pour la population en général et pour les utilisateurs de la téléphonie mobile en particulier, d’une telle réduction qui pourrait conduire à une augmentation de l’exposition de la tête aux radiofréquences émises par les téléphones mobiles.
Madame la ministre, envisagez-vous d’actualiser la réglementation en vigueur en France de telle sorte que les seuils d’émission soient abaissés tout en évitant une augmentation de l’exposition de la tête aux radiofréquences ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur le sénateur, je vous remercie de me permettre de préciser la politique du Gouvernement sur un sujet sensible pour les élus locaux et nos concitoyens dans la mesure où il donne lieu à de nombreux contentieux dans les territoires.
L’insertion des antennes de téléphonie mobile dans le cadre urbain et dans les campagnes est un enjeu en termes d’urbanisme et de préservation des paysages ainsi qu’en termes sanitaires et d’information des élus et de la population.
Lors de la conférence environnementale, les enjeux de la santé environnementale ont été, pour la première fois, érigés en axes de travail prioritaires du Gouvernement pour la durée du quinquennat.
En matière d’installation d’antennes-relais de radiotéléphonie mobile, le principe de précaution fait l’objet de jurisprudences parfois contradictoires. Toutefois, il est aujourd’hui évident qu’une maîtrise des émissions d’ondes électromagnétiques s’impose pour répondre à des enjeux sanitaires.
Il est également incontestable que la concertation avec les élus locaux, pour devenir exemplaire, doit être assurée en amont des projets d’installation.
Voilà pourquoi le Gouvernement a pris un certain nombre de décisions, que je tiens à rappeler.
Tout d’abord, en matière de recherche scientifique, les effets sanitaires nécessitent encore des travaux d’expertise, en particulier dans le domaine de l’électro-sensibilité.
Lors de la conférence environnementale, le Premier ministre s’est engagé à assurer l’indépendance des experts scientifiques dont nous avons besoin pour avancer sur ces questions.
C’est la mission de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail que de mettre régulièrement à jour une synthèse des connaissances scientifiques publiées dans l’ensemble de la littérature internationale.
Dans son rapport du 15 octobre 2009 sur les radiofréquences, l’ANSES indique que les niveaux d’exposition liés à l’utilisation intensive d’un téléphone mobile sont très supérieurs aux niveaux d’exposition relevés à proximité des antennes relais.
Elle en conclut qu’il faut recommander prioritairement l’application du principe de précaution pour l’utilisation par les enfants des téléphones mobiles.
Elle souligne même qu’un abaissement des seuils d’émission des antennes pourrait avoir des conséquences négatives sur l’exposition des utilisateurs de téléphones mobiles aux champs électromagnétiques.
Toutefois, comme les connaissances scientifiques peuvent évoluer rapidement dans ce domaine, le Gouvernement a demandé à l’ANSES, à l’issue de la récente conférence environnementale, de mettre à jour rapidement son expertise de 2009 sur les effets sanitaires des radiofréquences.
J’attends la remise de ce nouveau rapport, qui sera naturellement rendu public, pour le début de l’année 2013.
Je précise que le budget annuel de 2 millions d’euros dont dispose l’ANSES pour financer les travaux de recherche dans ce domaine sera maintenu dans le projet de loi de finances pour 2013.
Parallèlement, le Gouvernement a décidé de poursuivre les expérimentations d’abaissement de puissance des antennes relais, conformément aux préconisations formulées par le député François Brottes dans son rapport de 2011 sur la diminution de l’exposition aux ondes électromagnétiques émises par les antennes relais de téléphonie mobile.
Éventuellement, des valeurs cibles intermédiaires autres que 0,6 volt par mètre pourraient être définies.
Les travaux d’expérimentation ont d’ores et déjà permis de mesurer que, dans quatorze quartiers de villes ou de villages, environ 95 % des niveaux d’exposition sont inférieurs à 1,5 volt par mètre et 99,5 % d’entre eux sont inférieurs à 5 volts par mètre.
Les valeurs que vous avez citées, monsieur Pastor, sont donc tout à fait représentatives. Je vous rappelle qu’elles restent très inférieures aux valeurs limites réglementaires.
Il est vrai qu’en quelques points géographiques isolés, dits atypiques, les niveaux d’exposition sont sensiblement plus élevés ; mais ils restent inférieurs aux valeurs limites. Le Gouvernement soutient les travaux en cours pour l’identification, la définition et le traitement spécifique de ces points atypiques. En effet, partout où les émissions peuvent être réduites sans que cela porte préjudice à la qualité du service, cela doit être fait.
J’ajoute que j’ai fait inscrire dans le projet de loi de finances pour 2013 une disposition qui concrétisera enfin la création du fonds public dédié au financement des mesures de champs électromagnétiques réalisées par les organismes indépendants accrédités.
La mise en place de ce fonds est une volonté du législateur, exprimée à la suite de l’adoption de plusieurs amendements à la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite Grenelle 1.
Ce fonds public est alimenté par une contribution additionnelle à l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, applicable aux stations radioélectriques.
L’article 26 du projet de loi de finances pour 2013 prévoit d’affecter le produit de cette taxe à l’Agence nationale des fréquences, ce qui devrait permettre une mise en œuvre optimale du dispositif.
Je veillerai à ce que l’ensemble des dispositions réglementaires nécessaires à l’entrée en vigueur effective de ce mécanisme soient publiées avant la fin de l’année 2012.
Le Gouvernement sera en mesure de présenter, d’ici au mois de juin 2013, les conclusions qu’il tire des études scientifiques, des expérimentations d’abaissement de puissance, de la finalisation de l’expérimentation de nouvelles procédures de concertation préalable à l’installation d’antennes relais et du nouvel avis de l’ANSES.
Ces conclusions pourront nous conduire à proposer de nouvelles dispositions législatives et réglementaires, tant pour améliorer la concertation au sujet des projets d’implantation que pour diminuer l’exposition des riverains aux ondes électromagnétiques, notamment aux points dits atypiques où les champs sont les plus élevés.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Madame la ministre, je vous remercie pour votre réponse.
Vous avez bien cerné la difficulté : il faut concilier le souci d’une couverture parfaite pour la téléphonie mobile, qui est un service à apporter à la population, et l’acceptation sociale des équipements nécessaires, dont l’installation suscite parfois des oppositions très dures.
Nous devons respecter le principe de précaution ; j’ai bien compris, en vous écoutant, que vous l’aviez parfaitement capté…
Nous serons particulièrement attentifs aux travaux de l’ANSES dont les résultats seront publiés au début de l’année 2013.
Nous serons encore plus attentifs aux propositions que vous ferez au mois de juin 2013 pour apporter les modifications législatives et réglementaires nécessaires.
situation de la viticulture bordelaise
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle, auteur de la question n° 2, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
M. Philippe Madrelle. Monsieur le président, le vignoble girondin, premier producteur mondial de vin d’appellation d’origine contrôlée, ou AOC, n’échappe pas aux effets de la crise mondiale.
Depuis 2008, les ventes ont globalement diminué. Seuls les premiers grands crus classés, comme d’ailleurs tous les produits de luxe, se portent bien.
Il ne faudrait pas – et je sais, monsieur le ministre, que vous en êtes parfaitement conscient – que cette vitrine de luxe dissimule une réalité très hétérogène : en effet, sur 728 millions de bouteilles vendues en 2011, les grands crus prestigieux n’étaient que quelques millions de bouteilles.
Cette vitrine de l’exportation cache la situation de grande précarité dans laquelle se débattent actuellement de trop nombreux viticulteurs. Ceux-ci ont dû et doivent encore faire face à la baisse des cours et à l’augmentation des stocks, la montée en puissance des achats asiatiques étant loin de concerner l’ensemble des producteurs.
Il est patent que l’organisation commerciale des viticulteurs est inadaptée au marché, notamment dans le domaine du vrac : la multiplicité des acteurs vignerons, des caves coopératives et des négociants amplifie la baisse des prix face à une distribution puissante et hyper-concentrée.
Le conseil général de la Gironde, que j’ai l’honneur de présider, a mis en place deux plans triennaux de soutien à la filière viticole.
De très nombreux viticulteurs vivent actuellement dans une grande précarité ; certains même survivent avec le revenu de solidarité active versé par le conseil général.
Par ailleurs, n’oublions pas que de trop nombreux viticulteurs ont dû consentir de gros efforts d’investissement pour se conformer aux contraintes imposées par la réforme des conditions de production. De ce fait, et faute de financements adaptés aux structures de taille modeste, de nombreuses exploitations se trouvent aujourd’hui étranglées.
Ces viticulteurs ne refusent pas de payer la cotisation volontaire obligatoire, mais ils contestent des inégalités trop importantes au sein d’une même région viticole. En effet, si cette contribution est payée par tous les viticulteurs, ils n’en tirent pas tous le même profit.
La contribution par hectolitre s’élève à 4,72 euros pour le bordeaux AOC, à 7,79 euros pour le Saint-Émilion AOC et à 10,39 euros pour le Saint-Émilion Grand Cru.
Entre les appellations les plus modestes et les plus prestigieuses, il y a donc un facteur multiplicateur de 2, alors que le prix de vente du vin peut être multiplié par 100, voire davantage !
Pour qu’un barème plus équitable puisse être défini, il faudrait d’abord que toutes les interprofessions françaises, en particulier le conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux, enregistrent l’ensemble des transactions en vrac et en bouteilles, et non pas seulement les transactions réalisées en vrac.
Cette mesure, qui n’a aucune conséquence financière, apaiserait un climat tendu et permettrait de mettre à la disposition des syndicats viticoles et agricoles des informations claires et précises, sans porter atteinte à la confidentialité des données recueillies.
On comprend parfaitement le souhait de ces viticulteurs d’une répartition plus égalitaire des contributions volontaires obligatoires et d’une information transparente sur l’utilisation de ces fonds, qu’ils souhaiteraient voir affectés en priorité à la viticulture.
J’ajoute qu’une confirmation du projet de libéralisation des droits de plantation proposé par la Commission européenne et approuvé en 2008 par les ministres européens de l’agriculture – la France était alors représentée par M. Barnier – serait catastrophique.
Je vous remercie vivement, monsieur le ministre, pour la vigueur avec laquelle vous combattez ce projet.
La partie n’est pas gagnée mais, alors que le compte à rebours est lancé, je sais que nous pouvons compter sur votre détermination comme sur celle du Gouvernement pour réunir une majorité qualifiée au sein du Conseil des ministres de l’Union européenne afin de revenir sur cette libéralisation.
Dans ces conditions, chacun comprendra que le climat n’est pas nécessairement serein au sein de nos vignobles girondins, d’autant que l’on s’attend à une baisse de la récolte 2012, en Gironde comme ailleurs.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur Madrelle, je veux reprendre à mon compte un certain nombre de vos remarques.
D’abord, il ne faudrait pas oublier que la viticulture, comme beaucoup de secteurs d’activité, souffre actuellement de la crise.
Comme vous l’avez indiqué dans votre conclusion, la récolte sera historiquement basse en 2012. Au moins pouvons-nous nous consoler à la pensée qu’il en sera de même partout dans le monde, de sorte que le risque est moindre pour nous de perdre nos parts de marché, qui sont très importantes.
À propos des contributions volontaires obligatoires dans le Bordelais, je rappelle que les interprofessions ont, par définition, la liberté de fixer leurs règles et qu’il est difficile à l’État d’interférer avec leurs choix. Le rôle de l’État est seulement de garantir le caractère obligatoire de la contribution.
Toutefois, j’ai bien écouté votre démonstration au sujet du barème en vigueur : entre les différentes appellations, les écarts ne correspondent pas à la valeur ajoutée liée à la production de tel ou tel vin. Peut-être conviendrait-il que nous entamions une discussion avec les interprofessions ? L’État n’a pas le pouvoir de prendre une décision, mais il peut favoriser l’évolution des choses dans le dialogue. Il est certain qu’une répartition plus équilibrée serait à mes yeux souhaitable. Les interprofessions ont un rôle à jouer.
Je sais qu’un plan important, « Bordeaux demain », a été mis en place pour valoriser la filière sur le plan commercial.
Comme vous l’avez très bien dit, monsieur Madrelle, nous avons besoin de mieux nous organiser. Même dans une grande région viticole comme le Bordelais, dont les performances commerciales sont importantes et l’histoire ancienne, des progrès sont encore possibles ; je crois d’ailleurs que c’est aussi le cas dans d’autres régions.
À un moment ou à un autre, nous devrons avoir une discussion globale sur cette question avec l’ensemble des acteurs de la viticulture.
Il y a aussi des enjeux majeurs à l’échelle européenne, en particulier sur la question des droits de plantation.
Je mène cette bataille avec d’autres pays et j’espère bien faire prévaloir une position qui me semble parfaitement évidente : le vin n’est pas un produit comme les autres. On ne peut pas considérer que seuls les signaux du marché peuvent fixer les volumes de production ; la production de vin a besoin d’être organisée.
Avec la plateforme signée par une dizaine de pays, j’espère bien peser sur la Commission européenne pour que la décision prise en 2008 soit remise en cause.
Peut-être savez-vous qu’il y a une autre bataille au sujet de l’appellation « château ». Je suis monté au créneau pour dire tout le mal que je pense de la décision de la Commission européenne, en particulier des conditions dans lesquelles elle a été prise, et pour tâcher de la faire évoluer.
Comme vous, je suis très attaché à la viticulture. Je pense qu’elle représente un atout majeur pour notre pays et que nous devons lui donner les moyens d’être performante en matière économique et écologique, pour qu’elle reste le fleuron de la représentation de notre pays partout dans le monde !