M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Mme Isabelle Debré. Monsieur Tropeano, je ne voterai pas votre amendement, bien que vous ayez raison d’observer que, dans certaines zones sensibles, de jeunes diplômés rencontrent de grandes difficultés.

En effet, la notion de zonage me pose un problème depuis le début de cette discussion. Je m’étais même demandé si ce dispositif était vraiment constitutionnel : on m’a répondu qu’il l’était puisque ses promoteurs ont pris la précaution de préciser qu’il s’adresse « en priorité » aux jeunes qui résident dans des zones sensibles.

On oublie malheureusement que, même dans des zones qui ne sont pas dites « sensibles », on trouve aussi des jeunes complètement perdus.

Je ne voterai donc pas votre amendement, mon cher collègue, même si je le comprends parfaitement sur le fond. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.

Mme Christiane Demontès. Nous nous trouvons devant un dilemme depuis que nous étudions ce texte parce que, si l’on choisit de proposer des emplois d’avenir à des jeunes non qualifiés et non formés, on laisse de côté d’autres jeunes dont la situation est relativement proche.

Je ne reviendrai pas sur la problématique du zonage, mais je rappellerai à Mme Debré que, si le taux de chômage des jeunes s’établit, en moyenne, entre 20 % et 23 %, dans la commune dont je suis maire, il dépasse 60 %. On ne peut donc pas traiter toutes les situations de la même manière !

Je souhaite revenir sur les propos de notre collègue Robert Tropeano. Son amendement vise à ouvrir le bénéfice du dispositif, à titre exceptionnel, dans des zones précises, à des jeunes dont le niveau de qualification est supérieur au baccalauréat.

Vous avez évoqué dans votre propos, mon cher collègue, le cas de jeunes bacheliers ayant poursuivi des études supérieures pendant deux ou trois ans sans obtenir de diplôme. C’est une remarque importante sur laquelle je voudrais interroger MM. les ministres : il me semble que ces publics entrent dans le dispositif, et non de manière exceptionnelle.

Nous connaissons tous, dans nos territoires, des jeunes qui ont obtenu le baccalauréat avec difficulté, ce qui représente tout de même un honneur pour leur famille, mais dont les résultats scolaires sont insuffisants pour qu’ils soient admis dans des formations qualifiantes de type BTS ou IUT. Ils se retrouvent sur les bancs de la faculté en très grande difficulté, faute de posséder les outils nécessaires pour y réussir, avec un très vif sentiment d’échec, pratiquement aussi fort que ceux qui se sont arrêtés en troisième.

Je voulais donc m’assurer auprès de MM. les ministres que ces jeunes, qu’a évoqués M. Tropeano, ayant obtenu le baccalauréat et suivi un à trois ans d’études supérieures sans obtenir de diplôme, entrent bien dans le dispositif.

M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck, pour explication de vote.

M. René Vandierendonck. Comme ma collègue Catherine Génisson, j’ai été sensible aux propos du ministre indiquant qu’il fallait tout de même réserver une marge d’adaptation à la contractualisation locale. Que ce soit en secteur rural ou en secteur urbain, il peut y avoir, dans les objectifs de lutte contre la discrimination, dans le sur-chômage qui caractérise certaines zones, une certaine intelligence de la situation à s’adapter à la contractualisation. Cette adaptation repose aussi sur les collectivités territoriales : la région pour la formation, le département pour l’insertion par le logement.

Je recommande donc, face à une vision trop normative, la sauvegarde d’une marge d’adaptation au territoire local dans la contractualisation.

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, pour explication de vote.

M. Jean Boyer. À titre personnel, je voterai cet amendement sans hésitation.

Je réside dans un département où vingt-quatre cantons sur trente-cinq sont classés en ZRR. Dans les trois cantons ainsi classés qui comptent moins de cinq habitants au kilomètre carré, nous faisons tout pour essayer de garder les richesses humaines, pour que des initiatives soient prises. Le fait que des jeunes puissent bénéficier de ces emplois constituerait une richesse.

J’estime que cet amendement atténuerait une disparité, particulièrement dans certaines zones rurales de montagne.

M. Robert Tropeano. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.

Mme Samia Ghali. Je souhaitais répondre à Mme Debré sur la problématique du zonage. La question concerne les jeunes qui habitent dans certains quartiers et qui, s’ils avaient le choix, iraient bien évidemment vivre ailleurs. Certes, il existe des quartiers qui ne sont pas classés en zone prioritaire où la jeunesse est en difficulté, et je comprends votre frustration, ma chère collègue. Cependant, dans les quartiers nord de Marseille, par exemple, le taux de chômage est de 15 % à 20 % supérieur à la moyenne nationale. Dans certains quartiers, Mme Demontès le rappelait, 60 % à 80 % des jeunes sont au chômage.

Il faut donc commencer par fixer des priorités afin d’essayer de rééquilibrer la situation, ce qui n’exclut pas que, dans un deuxième temps, on élargisse le dispositif à d’autres jeunes qui n’habitent pas dans ces quartiers, mais qui se trouvent également en difficulté.

Mme Isabelle Debré. Nous sommes donc d’accord !

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Reprenant les propos de M. le rapporteur, je dirai que nous avons tous été d’accord, au sein de la commission, et même au-delà, pour considérer qu’il fallait donner la priorité à certains jeunes en grande difficulté. C’est le sens même de ces emplois d’avenir.

Nous débattons pour essayer d’améliorer ce projet de loi, pour ajouter un peu plus de pérennisation dans l’emploi, un peu plus de formation qualifiante. Avec cet amendement prévoyant d’étendre le dispositif à des jeunes déjà formés, je me demande quel rôle aura la formation. Je suis pour que la formation soit la plus longue possible, je ne suis donc pas opposée à une nouvelle formation si les jeunes le souhaitent, mais quel est le sens, pour de jeunes diplômés de l’enseignement supérieur qui n’arrivent pas à trouver un travail, de contracter un emploi d’avenir ? Ces jeunes qualifiés qui ne trouvent pas d’emploi n’ont pas les mêmes besoins que les autres. Pour eux, c’est la bataille de l’emploi qu’il nous faut mener.

On ne peut pas demander au Gouvernement de prendre en charge 75 % de la rémunération de jeunes gens déjà formés pour qu’ils obtiennent un emploi ! Ce que nous devons faire, en tout cas nous, majorité, c’est nous efforcer d’inverser la situation de l’emploi, faire en sorte que celui-ci redevienne une priorité du Gouvernement pour que les jeunes diplômés trouvent un véritable travail. Il n’est pas normal que de jeunes diplômés aient à galérer pendant deux ou trois ans avant de trouver éventuellement un emploi.

Les emplois d’avenir, me semble-t-il en tant que présidente de la commission des affaires sociales, mais aussi en tant que membre du groupe CRC, doivent permettre à des jeunes qui se trouvent aujourd’hui dans la galère de remettre, par la formation et l’emploi, un pied dans la société.

À vouloir trop élargir la cible, on dévoie le sens originel de ces emplois d’avenir. C'est ce qui explique la virulence de mon propos concernant les CDD saisonniers. Nous nous adressons bien à des jeunes peu ou pas diplômés qui se trouvent dans la galère, afin de leur permettre de reprendre pied dans la société, et non pour permettre à d’autres, en l’occurrence des employeurs, de bénéficier d’une main-d’œuvre qualifiée et peu chère. (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Je ferai à mon tour quelques observations.

La commission des affaires sociales a souhaité que ces emplois d’avenir fassent l’objet d’une évaluation dans un an, afin de déterminer s’ils portent leurs fruits pour les publics initialement prévus, c’est-à-dire les jeunes sans qualification, ou s’il faut réorienter le dispositif, éventuellement dans le sens de l’amendement dont nous discutons.

Je voudrais attirer votre attention sur le fait que, en élargissant le champ des bénéficiaires, nous allons nous retrouver dans une situation que nous avons connue avec les emplois jeunes. Vous pensez bien qu’à partir du moment où ces emplois seront ouverts à des jeunes possédant déjà une formation, voire des diplômes, les associations, les organismes de l’économie sociale et solidaire, de même que les collectivités territoriales vont leur donner la primauté !

Le risque est le suivant : les jeunes sans qualification que le Gouvernement souhaite aider par cette offre vont se trouver exclus une nouvelle fois au motif qu’ils sont sans diplôme, sans qualifications et qu’une personne plus qualifiée a été préférée. J’attire donc votre attention sur le piège que représenterait un deuxième rejet de ces personnes, à partir d’un texte qui avait pour objet de les intégrer. Le projet de loi initialement présenté par le Gouvernement se suffit à lui-même. En attendant l’évaluation du dispositif dans un an, je vous en prie, restons-en là !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Notre collègue Jean-Pierre Godefroy a dit excellemment tout ce que je voulais exprimer sur ce sujet. C’est pourquoi je ne souhaite pas que nous revenions sur cette disposition, qui a été prise à l’unanimité de la commission des affaires sociales.

D’un point de vue pratique, sans douter de l’intelligence que les préfets mettront dans l’application de ce dispositif, monsieur le ministre, j’ai du mal à comprendre comment ceux-ci pourront appliquer concrètement une clause d’exception.

Dans la réalité, comme vient de le décrire Jean-Pierre Godefroy, le dispositif glissera inexorablement à la hausse, tout simplement parce que les structures associatives préféreront recruter un jeune bac+3 chaque fois qu’elles en auront la possibilité plutôt qu’un jeune infra-bac. C’est l’évidence ! Il me semble que ceux qui auront la charge de gérer sur le terrain le dispositif auront les pires difficultés à endiguer cette dérive.

J’ajoute, à l’adresse de mes collègues du Nord et du Pas-de-Calais, qu’il existe d’autres mesures pour les jeunes diplômés. Le fait d’engager les emplois d’avenir n’est pas le signe que nous laissons au bord du chemin les diplômés. Pour eux, je le répète, sont prévus les dispositifs de formation en alternance, mais surtout, et nous en attendons beaucoup, le futur contrat de génération.

Alors, chers collègues, attendons de nous retrouver dans un an, faisons le bilan et voyons si le dispositif a répondu à son objectif et à sa cible !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. De toute façon, il n’y aura pas mort d’homme, si je puis dire, parce que nous avons le même objectif : les préoccupations qui se sont exprimées sont, les unes et les autres, légitimes. Par conséquent, au bout du compte, ce sont les directives que je donnerai à mon administration et aux préfets qui détermineront la grosseur du robinet. La question est donc la suivante : vais-je réduire le débit du robinet que vous aurez défini ou sera-t-il déjà faible à l’issue de votre vote ? C’est à peu près l’ampleur du sujet.

Je partage pleinement vos préoccupations : je n’ai cessé de répéter qu’il fallait conserver comme cible fondamentale les 500 000 jeunes sans emploi, sans qualification, comme le prévoit le texte d’origine. Je ne saurais aller à l’encontre de ces raisonnements. Je me permettrai simplement de donner des éléments de réponse aux questions qui m’ont été posées.

L’alinéa 50 rédige l’article L. 5134-117 du code du travail. Seuls sont concernés des jeunes qui n’auraient obtenu aucun diplôme après le bac, en échec quel que soit le nombre d’années d’études supérieures éventuellement suivies. Bien sûr, il est possible d’obtenir un BTS en deux ou trois années après le baccalauréat – je devrais m’en souvenir, mon fils ayant obtenu un BTS de gestion forestière, bien qu’il soit aujourd'hui instituteur… (Sourires.)

Mme Christiane Demontès. Professeur des écoles ! (Nouveaux sourires.)

M. Michel Sapin, ministre. Professeur des écoles, pardon !

La commission a prévu aujourd'hui une exception pour l’outre-mer, et seulement pour l’outre-mer : il y sera possible de bénéficier d’un emploi d’avenir même si l’on a acquis un diplôme après le baccalauréat.

Telles sont les informations que je souhaitais vous apporter pour vous permettre de voter de la manière la plus éclairée possible. Au bout du compte, je sais quel est l’objectif que je cherche à atteindre. Et il sera atteint quelle que soit la taille du robinet, car c’est moi qui en réglerai le débit !

Sur cet amendement, je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 66, présenté par Mmes Pasquet, Cohen et David et MM. Watrin et Fischer, est ainsi libellé :

Alinéa 54

1° Après le mot :

handicapées

insérer les mots :

ou dépendantes

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Un décret prévoit notamment la formation préalable minimum obligatoire dispensée au bénéficiaire d'un emploi d'avenir avant l'exercice de son activité professionnelle ;

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Lors de l’audition des ministres par la commission des affaires sociales, Isabelle Pasquet a abordé la question de la formation professionnelle des personnels intervenant auprès des personnes dépendantes, soit en raison de leur âge, soit en raison de leur situation de handicap.

Voilà quelques mois, alors que nous commencions à travailler sur la question de la dépendance, les associations qui interviennent dans ce domaine ont rappelé l’exigence de formation préalable, réaffirmant avec force que l’accompagnement des personnes dépendantes ne pouvait pas reposer sur la seule bonne volonté des professionnels.

En 2003 déjà, une commission d’enquête du Sénat s’était penchée sur cette question et avait publié un rapport intitulé Maltraitance envers les personnes handicapées : briser la loi du silence.

Les personnes âgées et en situation de handicap ont des besoins spécifiques et complexes. Les personnes qui interviennent auprès d’elles jouent un rôle fondamental dans leur vie quotidienne.

Le rapport que je viens d’évoquer mettait d’ailleurs clairement en évidence le fait que le manque de formation préalable des personnels, ainsi qu’une certaine méconnaissance des besoins des personnes en situation de handicap, constituait l’un des cinq facteurs les plus communément reconnus comme pouvant accroître les risques d’abus envers les personnes handicapées.

Ce rapport était principalement consacré au sort des personnes accueillies en institution. Il est toutefois évident que les mêmes causes produiront les mêmes effets dans le secteur de l’aide à domicile, qui ne cesse de se développer.

Aussi, afin d’éviter de placer ces jeunes en situation de difficulté et d’échec et les personnes dépendantes en situation de souffrance, il nous semble important que le décret prévoie une formation obligatoire préalable.

En outre, nous proposons que cette exigence de formation soit étendue aux personnes s’occupant des personnes âgées vieillissantes, lesquelles sont, en raison de leur état sanitaire et parfois social, placées dans une situation identique de dépendance nécessitant l’intervention d’une tierce personne que les personnes en situation de handicap.

M. le président. L'amendement n° 27, présenté par M. S. Larcher, est ainsi libellé :

Alinéa 54

Après les mots :

personnes handicapées

insérer les mots :

et aux personnes âgées dépendantes

Cet amendement n'est pas soutenu.

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Je le reprends, au nom de la commission.

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 119, présenté par M. Jeannerot, au nom de la commission des affaires sociales.

Vous avez la parole pour le présenter, monsieur le rapporteur.

M. Claude Jeannerot, rapporteur. La précision que tend à introduire cet amendement nous paraît utile.

Les métiers exercés auprès des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées requièrent en général les mêmes compétences.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 66 et 119 ?

M. Michel Sapin, ministre. À l’instar de M. le rapporteur, je suis favorable à l’extension aux personnes âgées dépendantes du bénéfice des dispositions applicables aux personnes handicapées. Au demeurant, pour des raisons rédactionnelles, l’amendement n° 119 me paraît plus adapté que l’amendement n °66.

En outre, je ne suis pas favorable au 2° de l’amendement n° 66, même si je comprends très bien les motivations de son auteur.

Les emplois auprès de personnes handicapées ou de personnes âgées dépendantes, contrairement à ce qu’on dit, demandent une véritable qualification, y compris en psychologie. Il faut savoir comment aborder et traiter ces personnes. Il est donc vrai qu’il ne sera pas possible de mettre d’emblée un jeune auprès d’une personne dépendante, d’autant plus s’il s’agit d’un emploi à domicile, car le jeune sera alors seul avec la personne.

Les employeurs veilleront donc à ne pas placer les jeunes dans cette situation. Ces jeunes bénéficieront d’un encadrement et pourront acquérir un niveau minimum de formation.

Toutefois, tel qu’il est rédigé, le 2° de l’amendement n° 66 suppose l’obligation de suivre une formation avant de pouvoir bénéficier d’un emploi. Le risque est alors que le jeune ne soit pas embauché, car il n’aura pas été formé au préalable.

En réalité, le jeune ne sera pas directement dans l’emploi. Il passera d’abord par un sas, où il travaillera collectivement, aux côtés de quelqu’un. Ce n’est qu’ensuite, et seulement ensuite, qu’il pourra être lâché et travailler de façon autonome.

Je comprends votre préoccupation, madame la sénatrice, et elle est parfaitement légitime, mais la rédaction que vous proposez risque d’empêcher des jeunes d’accéder à un emploi d’avenir dans le secteur de l’aide aux personnes handicapées ou dépendantes.

Je compte donc sur votre compréhension et vous prie de bien vouloir retirer votre amendement au profit de l’amendement n° 119, sur lequel j’émets un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 66 ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. J’émettrai, et vous n’en serez pas surpris, un avis tout à fait conforme à celui de M. le ministre.

Je suis évidemment favorable au 1° de cet amendement, qui va dans le même sens que l’amendement n° 119, que j’ai présenté. Toutefois, je prie Mme Cohen de bien vouloir le retirer, en raison de son 2°, pour les raisons avancées par M. le ministre.

M. le président. Madame Cohen, l'amendement n° 66 est-il maintenu ?

Mme Laurence Cohen. Je me réjouis qu’une partie de l’amendement soit retenue, mais les avis qui ont été émis sur le 2° me préoccupent. Lorsque j’écoute M. le ministre, et pas seulement sur cet amendement, j’ai parfois l’impression qu’il parle d’un monde idéal,…

M. Michel Sapin, ministre. Nous nous battons tous pour un monde idéal ! (Sourires.)

Mme Laurence Cohen. … que j’aimerais évidemment voir un jour advenir. Mais il y a des réalités objectives dont il faut tenir compte. L’accompagnement des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées requiert une formation minimale, ne serait-ce que pour les porter, les déplacer. De tels savoir-faire ne sont pas innés.

Je pense que, si nous ne prévoyons pas dans la loi un certain nombre non pas de contraintes, mais de nécessités, pour le bien-être et de la personne aidée et du jeune, nous risquons des catastrophes. Il est de notre responsabilité d’instaurer un volet formation.

Pour ces raisons, je maintiens l’amendement n° 66.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Mme Isabelle Debré. Mme Cohen soulève un problème très important.

Les emplois d’avenir s’adressent à des jeunes en difficulté, et je pense que ces jeunes fragiles – s’ils sont en difficulté, ils sont donc fragiles – ne peuvent pas du jour au lendemain s’occuper d’autres personnes fragiles.

Un texte sur la formation professionnelle nous sera bientôt soumis. J’ai bien entendu, madame la présidente de la commission – vous me l’avez dit en commission –, que ce texte ne traite pas de formation professionnelle. Pour autant, je ne suis pas sûre que ce soit une bonne chose que des emplois d’avenir puissent être créés dans le secteur de l’aide aux personnes handicapées et aux personnes âgées dépendantes. À cet égard, notre collègue Claire-Lise Campion et moi avions rédigé un rapport sur la loi de 2005.

Que des personnes fragiles s’occupent d’autres personnes fragiles me pose un véritable problème. Mme Cohen a raison : pour s’occuper de personnes fragiles, une formation minimale est nécessaire.

Toutefois, son amendement me gêne un peu. Peut-être aurait-il plus sa place dans le texte sur la formation professionnelle ?

M. le président. La parole est à M. André Trillard, pour explication de vote.

M. André Trillard. Je suis moi aussi un peu perplexe, mais pour d’autres raisons.

L’APA est une prestation payée à taux plein par les départements. En la circonstance il en irait différemment. À cet égard, je me pose une question.

Au demeurant, ces emplois auront un sens s’ils débouchent sur un véritable diplôme. Si le but de l’opération, c’est d’orienter les jeunes vers des postes d’agents de service hospitalier ou d’aides médico-psychologiques, c'est-à-dire vers des qualifications professionnelles officielles, ce sera une bonne chose. Je comprends beaucoup mieux le but de ces formations que celui de certaines formes d’insertion car elles permettent d’obtenir des qualifications qui se raccrochent à des conventions collectives. Je tenais à le redire.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Je souhaite apporter des garanties à Mme Debré.

Si nous mentionnons les personnes âgées dépendantes et les personnes handicapées, c’est afin de garantir la suite d’un point de vue juridique. Un décret déterminera les conditions de l’intégration et de la formation des jeunes. Des garanties en termes de formation seront naturellement nécessaires, je vous rejoins sur ce point.

L’intérêt du dispositif proposé est qu’il permettra aux jeunes qui le souhaiteront ou qui le pourront de s’engager dans une formation pouvant déboucher sur un titre ou sur une qualification.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. J’indique à Isabelle Debré que je n’ai jamais dit en commission que ce texte ne traitait pas de la formation professionnelle, car la formation est au cœur même du projet de loi !

En commission, nous avons évoqué l’apprentissage, sujet que ne traite pas le texte que nous examinons. (Mme Isabelle Debré fait un signe d’assentiment.).

Je tenais à ce qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit et que le compte rendu en atteste.

Mme Isabelle Debré. Je retire ce que j’ai dit, madame la présidente ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. André Trillard.

M. André Trillard. Je rappelle que de véritables formations professionnelles peuvent être effectuées en peu de temps.

Outre l’éducation nationale, qui sait fort bien dispenser des formations, et l’État, qui le fait via l’AFPA, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, il y a aussi les Compagnons qui organisent depuis 500 ans des formations qualifiantes de moins d’un an, et cela fonctionne On devrait en revenir à certains fondements.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Je suis entièrement d’accord avec vous, monsieur Trillard.

Toutefois, je rappelle que les amendements de votre groupe qui ont été examinés en commission ce matin portaient sur l’apprentissage. Nous sommes convenus ensemble que le projet de loi portant création des emplois d’avenir prévoyait de la formation professionnelle, laquelle est différente de la formation proposée en apprentissage ou en alternance.

Je n’ai jamais dit que la seule formation possible était la formation professionnelle ! Mon intervention visait simplement à ce que le compte rendu de la séance ne donne pas l’impression que je découvrais la présence de la formation professionnelle dans le projet de loi. Naturellement, mon cher collègue, il existe bien d’autres types de formations que celle ici proposée !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 66.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 119.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 67, présenté par MM. J. Gillot, Tuheiava, S. Larcher, Patient, Cornano, Desplan, Mohamed Soilihi, Antoinette et Antiste, Mme Claireaux et M. Vergoz, est ainsi libellé :

I. - Après l’alinéa 55

Compléter cet article par un II ainsi rédigé :

II. - Dans le délai d’un an après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport étudiant la possibilité́ d’étendre le champ d’application du présent I aux jeunes ultramarins âgés de plus de 25 ans.

II. – Alinéa 1

En conséquence, faire précéder cet alinéa de la mention : « I ».

La parole est à M. Jacques Gillot.

M. Jacques Gillot. Face au défi de l’emploi des jeunes en outre-mer, le rapport d’information du Sénat de 2009, portant sur la situation des départements d’outre-mer, avait proposé la mise en place d’un véritable « plan Marshall » pour combattre le chômage des jeunes dans les DOM.

En effet, le taux de chômage, dramatique, est particulièrement élevé du fait de causes propres aux DOM. Au-delà de l’étroitesse des marchés du travail qui se caractérisent en outre par la faiblesse de l’activité, il est lié aux fortes augmentations de la population active et à l’important retard des niveaux de formation.

Le chômage touche donc particulièrement les jeunes dans les DOM, soit près de la moitié des jeunes actifs, contre 20 % à l’échelle nationale.

Pour cette double raison – importance du chômage des jeunes ultramarins, jeunesse pas ou peu qualifiée –, le présent projet de loi s’applique spécialement aux territoires d’outre-mer.

Cependant, les taux de sortie sans diplôme du système éducatif sont très élevés : 33 % des 25-30 ans en Guadeloupe, 26 % en Martinique, 58 % en Guyane et 38 % à la Réunion.

Le nombre de jeunes chômeurs ultramarins très peu qualifiés est particulièrement important chez les plus de 25 ans, âge limite de l’application du présent projet de loi.

Aussi, il semblerait opportun d’examiner dans un délai relativement proche l’extension de cette application aux jeunes de plus de 25 ans et de moins de 30 ans dans les territoires ultramarins.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Il est vrai que la population des territoires d’outre-mer est spécifique. C’est la raison pour laquelle nous avons accepté d’introduire un amendement au bénéfice de ces territoires.

Néanmoins, j’inviterai notre collègue à retirer cet amendement, qui me semble déjà satisfait dans le présent texte. En effet, un bilan intermédiaire devra être tiré dans un an. Le Gouvernement nous présentera alors deux rapports : l’un sur les emplois d’avenir, l’autre sur les emplois d’avenir professeur. Bien entendu, il y sera fait état des situations spécifiques, telles que celles que connaissent les territoires d’outre-mer. Cela nous permettra notamment de vérifier – c’est la suggestion faite par Jean-Pierre Godefroy il y a un instant – que la cible que nous nous étions fixée correspond à la réalité des besoins.

De ce point de vue, vous ne pouvez pas, mon cher collègue, nourrir d’inquiétudes.

Je vous invite donc, je le répète, à retirer votre amendement. Faute de quoi, la commission se verra obligée d’émettre un avis défavorable.