M. Jean Desessard. C’est justement ce qu’on propose !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Il n'est pas question de faire un procès d'intention à ceux qui utilisent des emplois saisonniers. Nombreux sont ceux qui l’ont souligné, les emplois saisonniers sont confrontés à des difficultés qui leur sont propres, auxquelles il est de notre responsabilité de réfléchir.
Nous nous adressons à un public en situation de grande difficulté et de précarité, à des jeunes auxquels nous voulons offrir une insertion professionnelle. Or, nous le savons, ce parcours d’insertion doit être très long pour réussir et, à la moindre interruption, le retour vers la précarité est très rapide.
Notre collègue parle d’une durée de douze mois pour les emplois saisonniers, alors que celle que nous avons prévue pour les emplois d’avenir est de trois ans : ce seul argument fait que je suis totalement solidaire de la position défendue par le rapporteur, qui ne souhaite pas que les emplois saisonniers fassent partie du dispositif. Les douze mois d'emploi saisonnier ne sont pas suffisants pour insérer professionnellement ces jeunes.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Jeannerot, rapporteur. J'aimerais ajouter une brève remarque. Précédemment, Mme Procaccia se montrait exigeante sur le nombre d'heures de formation à inscrire dans le contrat. Je lui ai répondu que nous partagions tous cette exigence, qui nous rassemble et nous réunit. Et l’on s'apprêterait à accepter d'inclure dans les emplois d’avenir des emplois saisonniers qui ne représentent que quatre mois de travail dans l'année ?
Avez-vous bien réfléchi à ce qu'il adviendrait de ces jeunes les huit autres mois de l'année ? Qu'en ferons-nous ? Est-il véritablement sérieux de leur proposer un cursus construit sur huit mois d'inactivité et quatre mois d'activité ? Où mettez-vous l'exigence de formation que portait Mme Procaccia ? Dans les quatre mois d'activité ou dans les huit mois d'inactivité ?
M. Jean Desessard. Le cinquième mois !
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Tout cela ne me paraît pas sérieux ! Je le redis, c'est un mauvais signe que nous donnerions à notre jeunesse si d’aventure nous acceptions cet amendement. Je vous invite donc, mes chers collègues, à vous en tenir au texte issu de la commission des affaires sociales.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Nous sommes dans l’idéologie. Je n'ai rien contre, d’ailleurs, mais ce qui nous préoccupe, c'est de faire en sorte que le maximum de jeunes puisse trouver un avantage aux emplois d’avenir. Il me semble que les mots employés pour parler des emplois saisonniers étaient tout de même un peu durs. Nous le savons tous, ce ne sont pas que des emplois de dernière catégorie. Même si l'on peut considérer que les choses pourraient être améliorées, n’oublions pas que des centaines de milliers de Français vivent de ces emplois saisonniers et arrivent à s'en sortir d’un point de vue économique.
Je voudrais simplement revenir sur ma proposition qui a été rédigée – M. le ministre a bien voulu le rappeler – avec le concours du Gouvernement. Je le remercie d’ailleurs d’avoir contribué à améliorer mon amendement.
Ce travail en commun, que vous regrettez aujourd'hui, monsieur le ministre, a permis d’aboutir à la formulation suivante : « Le contrat à durée déterminée saisonnier peut également être associé à un emploi d'avenir lorsqu'il comprend une clause de reconduction pour les deux saisons suivantes et à condition que la durée totale des périodes travaillées ne soit pas inférieure à douze mois ».
Nous avons bien entendu les propos de M. le rapporteur, dont je connais la sagesse, mais nous ne sommes pas d'accord avec lui sur le fond. J'ai le plus profond respect pour le travail et l’avis des syndicats, dont nous avons besoin, mais il ne faut pas que, systématiquement, quand un syndicat tousse le Gouvernement éternue ! Nous devons aussi prendre nos responsabilités ; c'est la raison pour laquelle je maintiens cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 87 rectifié, présenté par M. Dallier, Mme Procaccia, M. Lefèvre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
Alinéa 37
Après le mot :
rompu
insérer les mots :
d’un commun accord entre les deux parties, à n’importe quel moment, ou
La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. On ne peut malheureusement exclure que les deux parties décident ensemble de mettre un terme précoce à l’engagement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Je rappelle les termes du code du travail. Tous les CDD peuvent être rompus dans quatre hypothèses : l'accord des parties, la faute grave du salarié, le cas de force majeure et l'inaptitude du salarié.
Ma chère collègue, vous en tirerez aisément la conclusion que votre amendement est satisfait. Je vous invite donc à le retirer ; sinon, la commission sera obligée d’y être défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Deroche, l'amendement n° 87 rectifié est-il maintenu ?
Mme Catherine Deroche. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 86 rectifié, présenté par M. Dallier, Mme Procaccia et M. Lefèvre, est ainsi libellé :
Alinéa 37
Supprimer les mots :
à l’expiration de chacune des périodes annuelles de son exécution
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Le présent amendement vise à établir une certaine souplesse en supprimant la limitation de la possibilité de rupture du contrat de travail « à l'expiration de chacune des périodes annuelles de son exécution ».
Nous l’avons répété depuis deux jours : les jeunes concernés par le dispositif des emplois d’avenir sont très loin de l’emploi.
En cas de difficultés, après la période d’essai, qu’est-il préférable : procéder au licenciement pour faute grave d’un jeune qui débute dans un emploi, le condamnant à rencontrer beaucoup de difficultés par la suite du fait de la présence du mot « licenciement » sur son CV, ou pouvoir convenir d’une rupture de contrat à l’amiable ?
Telles sont les raisons pour lesquelles Philippe Dallier a souhaité déposer cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mes chers collègues, vous voyez que nous cherchons à être cohérents ! Comme nous l’avons montré à propos des emplois saisonniers, il nous paraît important de donner aux jeunes de la stabilité et de la visibilité dans l’emploi.
C’est pourquoi il nous semble nécessaire de maintenir une durée minimale d’un an avant que le terme du contrat ne puisse être envisagé.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Nous avons déjà eu dans cet hémicycle beaucoup de discussions autour de la question de la précarité.
Le présent texte vise justement à faire en sorte que les jeunes susceptibles d’être concernés par un emploi d’avenir retrouvent une certaine stabilité.
Si beaucoup d’entre eux n’ont aucune expérience professionnelle, certains ont connu de « tout petits boulots », qui prennent fin, recommencent, pour s’arrêter de nouveau. Souvent, cette instabilité explique pourquoi ils s’éloignent de l’emploi et rencontrent des difficultés à en retrouver.
L’adoption de l’amendement n° 86 rectifié créerait donc une précarité absolue puisque cela reviendrait, au fond, à créer un contrat à durée déterminée qui pourrait être interrompu à tout moment.
Madame Procaccia, je comprends l’esprit qui vous anime :…
Mme Catherine Procaccia. Merci !
M. Michel Sapin, ministre. … il s’agit de ne pas mettre en difficulté un jeune en le stigmatisant.
Mais, si votre préoccupation est compréhensible, l’adoption de votre amendement créerait une précarité absolue pour l’ensemble des jeunes qui seraient concernés par ces contrats à durée déterminée. Or je ne pense pas que c’est ce que vous souhaitez !
Il vaut mieux privilégier des mécanismes de droit commun, permettant de mettre fin à un contrat à durée déterminée dans certaines conditions, mais valant pour tous les salariés de France.
M. le président. L'amendement n° 36 rectifié, présenté par MM. Marseille et Amoudry, Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe, Pozzo di Borgo, Zocchetto et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, est ainsi libellé :
Alinéa 37
Après les mots :
d'une cause réelle et sérieuse
insérer les mots :
ou d'un motif économique
La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. Cet amendement vise à permettre la rupture du contrat de travail pour raison économique, cette possibilité de rupture entre l’employeur et le bénéficiaire de l’emploi devant évidemment être reconnue par les deux parties.
L’employeur doit pouvoir licencier le contractuel, soit pour motif d’ordre personnel, s’il justifie d’une cause réelle et sérieuse – c’est ce que prévoit la rédaction actuelle du texte –, soit pour un autre motif, plus propre à la nature de l’activité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. J’en reviens à nouveau au code du travail puisque la notion de « cause réelle et sérieuse » de licenciement englobe, par construction, les motifs économiques de licenciement.
La précision proposée est donc inutile. À mon sens, elle pourrait même être source de confusion pour les utilisateurs du code du travail.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Monsieur Marseille, nous avons eu plusieurs fois cette discussion : les dispositions du code du travail sont-elles applicables aux emplois d’avenir ? Je le répète : la réponse est oui !
En l’occurrence, les dispositions du code du travail prévoient que, dans les « causes réelles et sérieuses », figure évidemment le motif d’ordre économique.
L’adoption de cet amendement n’aurait aucune conséquence grave ; elle ne changerait en rien la portée du texte. Mais il y va encore de bonne législation ! Mieux vaut voter une exception au code du travail qu’une disposition qui y est déjà présente
Pour ces raisons de juste écriture et de bonne législation, le Gouvernement est défavorable à l’adoption de l’amendement n° 36 rectifié.
Toutefois, monsieur Marseille, je trouverais encore plus agréable que mon argumentation vous incite à le retirer !
M. le président. Monsieur Marseille, l'amendement n° 36 rectifié est-il maintenu ?
M. Hervé Marseille. Sensibles à l’argumentation du Gouvernement, nous retirons cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 36 rectifié est retiré.
L'amendement n° 37 rectifié, présenté par MM. Marseille et Amoudry, Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe, Pozzo di Borgo, Zocchetto et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, est ainsi libellé :
Alinéa 38
Après les mots :
trente-six mois
insérer les mots :
sur justification de l'employeur
La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. Cet amendement vise à imposer à l'employeur la justification de toute prolongation d'un emploi d'avenir afin d’éviter les effets d’aubaine et les surcoûts non justifiés par rapport à l’engagement initial.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. La décision de prolonger l’emploi d’avenir résultera forcément d’un dialogue entre le service public de l’emploi et l’employeur.
Cet amendement ne nous semble pas ajouter une précision nécessaire ; il ne nous paraît pas utile.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Il s’agit d’une disposition d’ordre réglementaire. Par conséquent, le Gouvernement sollicite le retrait de l’amendement.
Au demeurant, une telle disposition existe déjà pour les contrats uniques d'insertion-contrats d'accompagnement vers l'emploi, les CUI-CAE.
M. le président. Monsieur Marseille, l'amendement n° 37 rectifié est-il maintenu ?
M. Hervé Marseille. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 38 rectifié, présenté par MM. Marseille et Amoudry, Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe, Pozzo di Borgo, Zocchetto et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, est ainsi libellé :
Alinéa 43
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 5134-116-1. - La formation suivie par le bénéficiaire d'un emploi d'avenir est sanctionnée par un diplôme. Les compétences acquises font l'objet d'une validation des acquis de l'expérience prévue à l'article L. 6411-1. Elles peuvent également faire l’objet d’une certification inscrite au Répertoire national des certifications professionnelles.
La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. Cet amendement vise à cibler deux catégories d’acquis distinctes à l'issue de l'emploi d'avenir : celle liée à la formation et celle liée à l'expérience, toutes deux étant sanctionnées de manière différente.
De plus, il est proposé de pouvoir certifier les compétences acquises par le Répertoire national des certifications professionnelles.
La reconnaissance des compétences acquises doit permettre de distinguer clairement l’expertise professionnelle issue du travail réalisé en entreprise des connaissances tirées des formations suivies, toutes compétences pouvant être certifiées ou opposables auprès de tout autre employeur que celui grâce auquel le contrat d’avenir a pu être réalisé.
M. le président. L'amendement n° 40 rectifié, présenté par MM. Marseille et Amoudry, Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe, Pozzo di Borgo, Zocchetto et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 43
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elles peuvent également faire l’objet d’une certification inscrite au Répertoire national des certifications professionnelles.
II. – Alinéa 45
Remplacer les mots :
aboutir dans son parcours d’accès à la qualification
par les mots :
poursuivre son parcours professionnel
La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. L'objet de cet amendement est de faire en sorte que les compétences acquises par le jeune dans le cadre de son emploi d’avenir puissent faire l’objet d’une certification inscrite au Répertoire national des certifications professionnelles.
Cette reconnaissance formelle permettra d’authentifier les compétences et savoir-faire acquis par le jeune dans ce cadre. Elle contribuera à son insertion professionnelle durable et à sa mobilité professionnelle.
Cette disposition vise tout particulièrement les bénéficiaires des emplois d’avenir qui n’envisagent pas de poursuivre ou de compléter la qualification acquise par une autre formation ou un autre parcours à l’issue du contrat, dont la durée est limitée à douze mois. Ces bénéficiaires seront placés devant la nécessité de valoriser les compétences acquises dans le cadre de ce contrat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. L’amendement n° 38 rectifié tend à une nouvelle rédaction des dispositions concernant la reconnaissance des compétences acquises au cours de l’emploi d’avenir.
Les termes utilisés me semblent toutefois marquer une perte de précision par rapport aux dispositions actuelles. Ils introduisent également une trop grande rigidité pour la validation des acquis de l’expérience, en ne prenant pas suffisamment en compte le fonctionnement de ce dispositif.
Surtout, en ce qui concerne l’acquisition d’un diplôme, il ne faut pas confondre emplois d’avenir et formations en alternance, lesquelles ont précisément vocation à être qualifiantes et à conduire à un titre reconnu.
Par conséquent, l’avis de la commission est défavorable.
L’amendement n° 40 rectifié tend à ce que les compétences acquises par les bénéficiaires d’un emploi d’avenir puissent être sanctionnées par une certification inscrite au Répertoire national des certifications professionnelles, le RNCP. Celui-ci recense, de manière très exhaustive, les titres professionnels délivrés par l’État, les organismes privés de formation et les branches professionnelles.
Or la validation des acquis de l’expérience, que cet article ouvre aux emplois d’avenir, vise précisément l’acquisition d’un diplôme inscrit au RNCP.
Monsieur Marseille, vous voulez apporter au texte une précision supplémentaire, mais est-il opportun de rappeler ce qui est implicitement contenu ? Sur ce point, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Si l’objectif de vouloir sanctionner d’un diplôme tous les bénéficiaires d’un emploi d’avenir est louable, il ne paraît pas judicieux d’en faire une obligation inscrite dans la loi.
En effet, compte tenu de la nature des publics concernés, dont je rappelle que certains sont très éloignés de la formation ou de l’emploi, l’accès aux « diplômes » ne pourra être atteint. En fait, certains auront sans doute besoin de formations leur permettant d’acquérir des savoirs de base ou des compétences clés au cours de leur emploi. D’autres pourront, en revanche, tenter d’obtenir une certification professionnelle, dans un délai compatible avec la durée du contrat.
Autrement dit, votre proposition exclut la reconnaissance des branches professionnelles ou des titres du ministère du travail, qui ne sont pas des diplômes, ce qui serait très restrictif en termes de reconnaissance de la formation.
Il serait donc préférable, monsieur le sénateur, que vous retiriez l’amendement n° 38 rectifié.
L’amendement n° 40 tend à instaurer la possibilité de délivrer une certification professionnelle enregistrée au Répertoire national des certifications professionnelles, au vu des compétences acquises dans le cadre de l’emploi d’avenir.
En effet, il peut être utile de préciser que ces certifications peuvent être inscrites au RNCP, dans la mesure où ce dernier permet leur reconnaissance nationale, conférant ainsi à leurs titulaires un atout important en termes de sécurisation de leur parcours, notamment en cas de mobilité professionnelle.
Par conséquent, le Gouvernement n’est pas défavorable à la première partie de votre amendement et pourrait émettre un avis favorable si vous vouliez bien en supprimer la seconde partie, qui vise à substituer la notion de poursuite du parcours professionnel à celle d’aboutissement dans le parcours d’accès à la qualification.
M. le président. Que décidez-vous, monsieur Marseille ?
M. Hervé Marseille. Monsieur le président, nous maintenons l’amendement n° 38 rectifié. En revanche, puisque le Gouvernement a fait preuve d’une certaine ouverture, nous rectifions l’amendement n° 40 dans le sens suggéré par M. le ministre délégué.
M. le président. Je suis dons saisi d’un amendement n° 40 rectifié bis, présenté par MM. Marseille et Amoudry, Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe, Pozzo di Borgo, Zocchetto et les membres du groupe de l’Union centriste et républicaine, et ainsi libellé :
Alinéa 43
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elles peuvent également faire l’objet d’une certification inscrite au Répertoire national des certifications professionnelles.
Je mets aux voix l’amendement n° 38 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 95 rectifié, présenté par MM. Tropeano, Mazars, Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Collombat et Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 51
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Dans ces zones, des niveaux de qualification supérieurs au baccalauréat peuvent être pris en compte, à titre exceptionnel, pour les jeunes confrontés à des difficultés particulières d’insertion professionnelle.
La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Cet amendement vise à rétablir pour les jeunes dont le niveau de qualification est supérieur au baccalauréat et résidant dans des zones particulièrement difficiles la possibilité de bénéficier, à titre exceptionnel, du dispositif des emplois d’avenir.
Nous sommes tous d’accord : ce projet de loi doit avant tout apporter une réponse à la situation des milliers de jeunes sans qualification ni emploi. Pour autant, nous ne pouvons pas ignorer les jeunes bacheliers qui ont poursuivi leur formation dans l’enseignement supérieur sans toutefois parvenir à décrocher un diplôme et qui résident dans des zones particulièrement sensibles. J’ajoute qu’il ne s’agit que de leur accorder la possibilité d’obtenir une dérogation exceptionnelle.
Monsieur le rapporteur, vous avez souhaité maintenir le bénéfice de cette dérogation aux seuls départements d’outre-mer, ainsi qu’à Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, où le taux de chômage des jeunes est effectivement très préoccupant. Je pense toutefois que nous ne pouvons pas laisser de côté les jeunes de métropole qui ont fait l’effort de poursuivre des études, mais connaissent actuellement de graves difficultés d’insertion professionnelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Sauf dans les départements et collectivités d’outre-mer dont le marché du travail est très particulier, car le secteur marchand y est très déficitaire, la commission des affaires sociales a souhaité supprimer la possibilité ouverte aux jeunes titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur de bénéficier, à titre dérogatoire, d’un emploi d’avenir.
Pourquoi sommes-nous revenus sur une disposition qui, je le rappelle, avait été ajoutée à l’Assemblée nationale ? Vous avez eu raison d’insister, mon cher collègue, sur les difficultés que rencontrent certains diplômés de l’enseignement supérieur, notamment dans les zones prioritaires que vous avez mentionnées ; il ne s’agit pas pour nous de nier ces difficultés.
Néanmoins, le projet de loi prévoit la création de 150 000 emplois d’avenir, alors que l’on recense aujourd’hui 500 000 jeunes sans formation, auxquels s’ajoutent chaque année 120 000 autres jeunes qui sortent sans qualification du système éducatif. Il nous semble donc que les moyens mobilisés doivent être réservés en priorité aux jeunes les plus éloignés de l’emploi. Chaque fois que nous permettons à des diplômés de bénéficier de ce dispositif, nous retirons autant de possibilités à des jeunes plus défavorisés. Or, dans le contexte budgétaire tendu que nous connaissons, il ne faudrait pas diluer les moyens exceptionnels consentis par l’État en faveur des jeunes sans qualification.
J’ajoute que le dispositif des emplois d’avenir doit être replacé dans l’ensemble plus large des mesures d’aide à l’emploi, notamment les formations en alternance. Par ailleurs, comme MM. les ministres l’ont rappelé lors de la discussion générale, les jeunes plus qualifiés seront les premiers bénéficiaires des contrats de génération dont nous discuterons la création dans les prochains mois.
Pour l’ensemble de ces raisons, je confirme la position de la commission. Je vous invite donc à retirer votre amendement, mon cher collègue. Dans le cas contraire, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Le Gouvernement se trouve dans une position quelque peu inconfortable puisque l’amendement de M. Tropeano vise à rétablir une modification adoptée par l’Assemblée nationale avec son accord. Je vais donc essayer de reprendre les données du problème.
D’une part, dans certaines zones très précisément et exclusivement délimitées, des jeunes qui ont fait l’effort de poursuivre des études jusqu’au baccalauréat, voire au-delà, rencontrent de très grandes difficultés à trouver un emploi ou une formation, parce qu’ils sont issus de ces zones défavorisées. Si nous leur offrons la possibilité d’obtenir un emploi d’avenir, ils deviendront des exemples et créeront un effet d’entraînement sur les autres jeunes concernés – selon le modèle du « grand frère qui a réussi ». On peut espérer renforcer ainsi la cohésion sociale dans les quartiers ou les zones rurales concernés. À titre personnel, cette idée ne me déplaît pas et le Gouvernement estime que cette possibilité reste ouverte dans le texte issu du travail de la commission.
D’autre part, M. le rapporteur nous a rappelé que les 150 000 emplois d’avenir doivent s’adresser prioritairement à ceux qui rencontrent les plus grandes difficultés, c’est-à-dire les jeunes qui n’ont aucune qualification ou un très faible niveau de qualification. Or le public que vise votre amendement, monsieur le sénateur, a déjà acquis un certain niveau de qualification.
Nous nous trouvons donc en présence de deux préoccupations contradictoires. J’ai dit durant tout ce débat – et je ne vais pas changer de position ! – qu’il est fondamental de faire un effort en faveur de ces 500 000 jeunes sans formation et sans emploi. En même temps, dans certaines zones difficiles, j’ai envie de voir ceux qui ont fait l’effort de se former obtenir leur « récompense », en espérant un effet d’entraînement sur ceux qui n’ont pas consenti cet effort jusqu’à présent et n’ont pas la possibilité d’atteindre un niveau de qualification suffisant. Tels sont les termes du débat.
M’adressant à ceux d’entre vous qui, comme M. le rapporteur, sont sensibles à l’idée de concentrer le dispositif des emplois d’avenir sur les publics les plus défavorisés, je peux prendre l’engagement suivant : si le texte adopté prévoit une possibilité d’ouverture aux titulaires d’une qualification plus élevée, le Gouvernement donnera des instructions extrêmement fermes aux préfets et aux comités de pilotage chargés d’appliquer la loi au niveau local, afin qu’ils retiennent des critères extrêmement restrictifs, pour ne pas défavoriser la plus grande part du public potentiel visé. Il leur incombera d’effectuer leur choix avec une subtilité extrême – mais les élus et les missions locales savent souvent très exactement à qui il convient de mettre le pied à l’étrier, afin de créer un effet porteur pour l’ensemble du quartier. Le Gouvernement donnera donc des directives très fermes pour que les exceptions, si elles devaient être possibles, soient extrêmement limitées.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Nous souhaitons tous accorder une attention particulière aux départements d’outre-mer, dont nous connaissons les caractéristiques économiques et sociales. Malgré tout, sur le territoire métropolitain, nous pouvons trouver des situations proches de celles qui prévalent dans les départements d’outre-mer. Je peux en témoigner en évoquant le cas de la région Nord–Pas-de-Calais, dont je suis l’élue : il s’agit d’une région jeune, où tous les acteurs locaux, au-delà de leurs intérêts partisans, se battent pour le développement. En autorisant des dérogations très restrictives, telles que M. le ministre les a décrites, des jeunes qualifiés pourraient ainsi bénéficier de ce que l’on appelle l’« ascenseur social ».
J’ai bien écouté les arguments avancés par M. le rapporteur, dont je respecte la position : si nous autorisons des dérogations, elles se feront peut-être au détriment du public non qualifié. Certes, mais elles joueront le rôle d’ascenseur social pour des individus qui ont fait l’effort d’obtenir une qualification. Par ailleurs, on peut espérer un effet d’émulation sur les bénéficiaires d’emplois d’avenir qui ne seraient pas qualifiés. Enfin, on peut y voir une forme de sécurisation pour les employeurs, qui auraient ainsi la possibilité d’embaucher, de manière très limitée, des jeunes qualifiés.
M. le rapporteur nous a rappelé que les jeunes plus qualifiés pourront bénéficier du dispositif des contrats de génération. Malgré tout, dans certaines zones, lorsqu’un dispositif d’aide à l’emploi est créé, il est urgent de l’ouvrir à certains jeunes qualifiés, même de façon très limitée, comme nous l’a précisé M. le ministre.