M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. La parole est Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis plusieurs années, sans doute même depuis plusieurs décennies, nous dressons un constat amer, celui de la dégradation continue des conditions de vie des jeunes.
Précarité économique, précarité sociale, précarité sanitaire et médicale, impossibilité d’accéder à un logement autonome et de qualité : dans la tête de nombreux jeunes et de l’immense majorité de la population, jeunesse rime avec « galère ». Et le fatalisme gagne les esprits, comme si, après tout, il fallait en passer par là pour avoir droit plus tard à un avenir plus radieux.
En réalité, au-delà de cette jeunesse qui se qualifie elle-même de « génération précaire », l’ensemble de la société est victime de mutations socio-économiques qui entraînent partout en Europe et dans le monde les mêmes conséquences : casse de l’emploi, extension de la précarité à des populations et à des secteurs jusqu’alors épargnés, augmentation massive du nombre de pauvres. À tel point qu’un Français sur deux interrogés sur ce sujet craint de devenir SDF !
Notre système social, malgré les différentes attaques dont il a fait l’objet, notamment sous les deux précédents gouvernements, joue encore son rôle de « filet social », et ce dans un contexte marqué par la dégradation des conditions de travail, fruit d’une politique insensée de flexibilité du travail.
On assiste également à un accroissement sans précédent des inégalités sociales et des richesses. Selon une étude de l’INSEE rendue publique au début du mois et restée trop confidentielle, le taux de pauvreté est passé de 13,5 % à 14,1 %. Or force est de constater que si les pauvres sont plus pauvres, les riches, eux, réussissent l’exploit en période de crise d’être à la fois plus nombreux et surtout… plus riches.
Depuis 2002, le cinquième le plus pauvre de la population a connu une réduction de son niveau de vie de 0,6 point, représentant au total 6 milliards d’euros. Mais, dans le même temps, le cinquième le plus riche a, quant à lui, profité d’une hausse de 1,3 point, soit 12 milliards d’euros de gains supplémentaires à se partager. Et comme, aux yeux de certains, cela ne suffit pas, au moment même où le nouveau gouvernement envisage de rehausser l’impôt des plus fortunés pour réguler cette distorsion inégalitaire des richesses, l’un d’entre eux, parmi les plus riches et possédant une fortune personnelle estimée selon le magazine Forbes à 41 milliards de dollars, annonce vouloir obtenir la nationalité d’un État pratiquant une fiscalité plus clémente.
Si certains ont les moyens d’organiser dans la légalité leur évasion fiscale, d’autres sont contraints à la survie. Disant cela, je pense notamment à celles et ceux qui sont licenciés pour motifs économiques alors que leur entreprise réalise des bénéfices redistribués sous forme de dividendes.
Je pense aussi, en venant au contenu de ce projet de loi, aux jeunes peu ou pas qualifiés qui, résidant dans les « mauvais » quartiers, n’ont pas la chance d’accéder à l’emploi. Alors que les jeunes devraient être considérés comme l’atout majeur de notre pays, qui profite d’ailleurs d’une natalité supérieure à la moyenne européenne, 22 % d’entre eux sont au chômage, le plus souvent non indemnisé. Ce taux atteint même 45 % pour les jeunes non diplômés.
Malgré cette situation dramatique tant pour les jeunes eux-mêmes que pour l’ensemble de la société, d’aucuns voudraient que les pouvoirs publics demeurent les « bras ballants », n’hésitant pas à dire, comme l’a fait le député UMP Jean-Frédéric Poisson à l’occasion de la défense de sa motion de rejet préalable, que les jeunes étaient victimes « d’une absence d’éducation au travail ». Voilà comment, en une phrase, sont évacuées à la fois la responsabilité des employeurs qui préfèrent licencier pour accroître les dividendes distribués aux actionnaires, la responsabilité des chefs d’entreprises qui, transformés en capitaines d’industrie financière, préfèrent délocaliser là où les salariés sont payés moins de 100 euros par mois, mais aussi la responsabilité des politiques menées par les gouvernements précédents, qui n’ont eu de cesse de réduire le pouvoir d’achat des salariés, en dépit du slogan affiché durant le précédent quinquennat.
M. Jean Desessard. Ça change !
Mme Isabelle Pasquet. Mais de quelle éducation parle-t-on, lorsque les jeunes dont il est question ici voient leurs parents trimer dans des emplois pénibles, réduisant leur espérance de vie en bonne santé, pour moins de 1 300 euros par mois ?
De quoi parle-t-on, quand on sait que les exonérations de cotisations sociales dites « Fillon » n’avaient pour but que d’encourager les employeurs à sous-payer leurs salariés ?
De quoi parle-t-on, quand les femmes continuent à percevoir, à qualification et mission égales, un salaire de 27 % inférieur à celui des hommes et qu’elles sont, en outre, les principales victimes des temps partiels contraints ?
Comment parler d’éducation au travail sans s’interroger sur le travail lui-même, notamment lorsqu’on sait que les règles de rentabilité imposées aux salariés – sans parler des produits néfastes auxquels ils peuvent être exposés – nuisent à leur santé ?
Au groupe communiste républicain et citoyen, nous sommes persuadés que, pour sortir durablement de la crise, il faut trouver des leviers jusqu’alors inexploités. Il faut inventer une fiscalité et un financement de la protection sociale qui soient modulés de telle sorte que l’effort pèse plus lourdement sur les entreprises qui choisissent de privilégier les actionnaires plutôt que d’investir dans les moyens de production, dans l’emploi et dans la formation.
Nous sommes favorables à la création d’un véritable parcours où le droit à l’emploi et le droit à la formation seraient garantis pour toutes et tous, où les salariés pourraient évoluer dans leur vie professionnelle sans craindre le chômage et la précarité.
Ces dispositifs novateurs passent naturellement par un renforcement des droits des salariés : parce qu’ils sont des acteurs majeurs de l’entreprise, ils doivent pouvoir participer à son contrôle et aux prises de décision stratégique.
Notre pays a besoin de ces outils nouveaux, tout comme il a besoin de répondre aux difficultés particulières que connaissent les jeunes. L’emploi est naturellement une donnée essentielle, tout comme l’est la question de la formation, y compris initiale. Personne ne peut se satisfaire du fait que, depuis 2000, le nombre de jeunes sortis du système scolaire sans diplôme augmente, et cela de manière continue.
Il faut également tout faire pour garantir aux jeunes un accès aux soins. L’association ATD Quart Monde le soulignait dans une de ses revues : « On sait depuis longtemps que la santé est le résultat d’un processus cumulatif qui débute dès la gestation et se construit progressivement au cours de l’enfance et de l’adolescence. Plus l’enfant, puis l’adolescent, bénéficie de conditions favorables à son développement, meilleur sera son état de santé à l’âge adulte. À l’opposé, moins il fait l’objet de soins attentifs de la part de ses parents et/ou des dispositifs sociaux prévus pour faciliter sa future intégration dans la société, plus il se trouve dans une situation de vulnérabilité et plus les chances de voir sa santé ultérieure menacée sont grandes. »
Et cette association de préciser à juste titre que « la précarisation massive de l’emploi à laquelle on assiste depuis une dizaine d’années et la dégradation des conditions de vie, en particulier dans les zones périurbaines, créent un environnement quotidien peu favorable à l’épanouissement de la santé des individus et entraînent des comportements à risques, notamment chez les jeunes, qui sont autant de facteurs péjoratifs pour le maintien d’un bon état de santé ».
Pour résoudre les problèmes de logement, de santé, d’éducation, d’autonomie, la clef se trouve très largement dans l’emploi. Nos jeunes méritent que la société se mobilise pour eux ; afin qu’ils cessent de croire qu’ils sont des fardeaux, il faut qu’ensemble nous affirmions qu’ils sont notre chance. Ils ont besoin d’entrevoir enfin une lueur d’espoir, besoin de pouvoir se projeter dans une autre réalité que celle qu’ils subissent à l’heure actuelle.
Cet objectif à long terme ne doit toutefois pas nous interdire de répondre à l’urgence de la situation. À cet égard, je dois dire que je comprends peu les arguments de l’actuelle opposition.
Selon le député Jean-Frédéric Poisson, il serait « dangereux » de « préférer l’emploi public à ce moment de l’histoire de notre pays et de l’Europe, alors que nous avons urgemment besoin de réduire nos dépenses ». Et de préciser : « C’est dangereux parce que l’accroissement de la charge publique qui s’ensuivra et l’impact sur nos comptes sont insupportables pour le budget de l’État. »
Eh bien, mes chers collègues, ce que, pour ma part, je trouve dangereux, c’est de prôner l’austérité pour nos concitoyens plutôt que l’action susceptible de leur sortir la tête de l’eau. Ce que je trouve dangereux, c’est d’opposer l’équilibre des comptes publics à la réussite de nos jeunes, une posture d’autant plus injustifiable que, si les pouvoirs publics sont aujourd’hui contraints d’intervenir, c’est parce que les opérateurs privés ne jouent plus leur rôle depuis des années.
Répondre à l’urgence : tel est précisément l’objet de ce projet de loi, qui devrait permettre à 150 000 jeunes d’accéder à un premier emploi et de s’extraire ainsi de la spirale de précarité dans laquelle ils étaient enfermés.
Pour ce faire, le Gouvernement engage 2,3 milliards d’euros et dote les missions locales, dont on sait qu’elles jouent un rôle important, de 30 millions d’euros supplémentaires.
Cet effort financier témoigne d’un réel engagement de l’État, que nous ne pouvons qu’approuver. De même, nous apprécions que le Gouvernement ait fait le choix de mobiliser ces aides en direction des jeunes qui rencontrent le plus de difficultés, à savoir les moins qualifiés et ceux qui souffrent de leur localisation géographique, qu’il s’agisse des zones urbaines sensibles ou des zones de revitalisation rurale.
Le Gouvernement tire ainsi les conséquences des expériences passées. Les contrats uniques d’insertion s’étaient en effet révélés inefficaces en raison, notamment, d’un ciblage insuffisant. C’est en tout cas le constat que formulait la Cour des comptes en 2011, constat qui l’avait conduite à préconiser de cibler les contrats aidés sur les personnes les plus éloignées de l’emploi plutôt que de faire primer, comme c’était le cas dans le passé, le nombre sur la qualité.
Nous nous réjouissons aussi que, sur notre initiative notamment, la commission des affaires sociales ait supprimé la faculté, ouverte à l’Assemblée nationale, d’étendre les emplois d’avenir aux contrats saisonniers. Le maintien d’une telle mesure aurait été contraire à l’objet même de ce projet de loi et aux objectifs qu’il poursuit.
Enfin, nous saluons l’amendement déposé par le rapporteur qui a supprimé les agences d’intérim de la liste des structures pouvant être prescriptrices de ces emplois d’avenir. Les opérateurs de placement privés et, singulièrement, les agences d’intérim ont fait la preuve de leur inefficacité pour ce qui est de l’insertion durable dans l’emploi ainsi que pour l’accompagnement personnalisé et la formation. Or ce volet accompagnement et formation est à nos yeux essentiel.
L’Assemblée nationale a d’ailleurs apporté sur ce sujet des précisions utiles. Je pense en particulier à l’amendement qui, déposé et défendu par Marie-George Buffet, prévoit, d’une part, que la demande d’aide devra préciser les actions de formation qui seront engagées et, d’autre part, tend à renforcer le tutorat, passé d’optionnel à obligatoire. Le non-respect de ces obligations devrait entraîner le remboursement de la totalité des aides perçues.
Pour autant, nous considérons que le dispositif prévu peut et doit encore être amélioré.
Compte tenu de la situation particulière des jeunes concernés, dont certains sont depuis des années en rupture scolaire, il est illusoire de croire que la formation puisse se dérouler en dehors du temps de travail. Nous proposerons donc un amendement tendant à préciser que la formation se déroule pendant le temps de travail, tout comme le suivi personnalisé. Des responsables de missions locales nous ont, par exemple, alertés sur le fait que des jeunes recrutés sous la forme de CUI-CAE sont contraints de poser une demi-journée de congé pour voir leur conseiller. Autant dire que, dans bien des cas, ils ne le voient qu’une fois. Il convient donc d’éviter une telle situation.
Monsieur Sapin, vous avez affirmé, devant l’Assemblée nationale, puis tout à l’heure devant le Sénat, que l’aide pourrait être accordée sur « trois ans, le temps d’une vraie première expérience ». Nous partageons ce point de vue, raison pour laquelle nous aurions préféré qu’aucun contrat ne puisse être inférieur à trente-six mois, le jeune voulant bénéficier de mobilité ou changer de domaine demeurant naturellement libre de démissionner.
La solution retenue est celle de la clause de revoyure, inspirée par les emplois jeunes. Nous ne nous y opposerons pas, mais, dans la continuité de nos propositions, nous souhaitons que soient réclamées des contreparties supplémentaires à l’engagement de moyens publics.
Les aides financières et sociales consenties dans le cadre des emplois d’avenir doivent être modulées en fonction de la nature du contrat et de sa durée. Comme vous, messieurs les ministres, nous souhaitons que les CDI deviennent la norme et que les jeunes ne se trouvent plus dans une logique de succession des contrats de courte durée qui les empêchent de se projeter dans l’avenir. C’est pourquoi nous proposons que les aides publiques soient plus importantes pour les CDI que pour les CDD et que les contrats à temps partiel bénéficient d’une moindre participation de l’État que ceux à temps plein.
C’est d’autant plus important que la pérennité des contrats dans le temps constitue un gage de leur réussite. La Cour des comptes, dans son rapport d’octobre 2011, est d’ailleurs particulièrement claire à ce sujet : « Les contrats aidés de courte durée, qu’ils prennent place dans le secteur marchand ou non marchand, ne facilitent pas l’accès à l’emploi stable. » Il faut donc inciter les employeurs à privilégier les contrats les plus longs. C’est d’autant plus vrai que la durée de la formation et du suivi personnalisé est fonction de la durée du contrat.
Enfin, il nous paraît important de renforcer les dispositions permettant la pérennisation des emplois. Les emplois d’avenir ne peuvent pas être un contrat aidé supplémentaire venant s’insérer dans un parcours allant de petit contrat en petit contrat.
Naturellement, nous savons que tous les jeunes ne pourront pas poursuivre leur activité professionnelle au sein des structures qui les auront accueillies. Ces premiers contrats ne seront parfois que des tremplins, mais d’autres, notamment ceux qui correspondent à des emplois destinés à répondre à une utilité sociale ou ayant un fort potentiel en termes de création d’emplois, pourront être pérennisés. À cette fin, nous proposons que les jeunes recrutés sous la forme d’un emploi d’avenir puissent bénéficier, si la structure concernée procède à un ou des recrutements, d’une priorité d’embauche, un peu à l’image de ce qui se pratique dans le cadre des licenciements pour motif économique.
Par manque de temps et parce que je sais que ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin interviendra sur l’article 2, je n’aborderai pas la question des emplois d’avenir professeur, sinon pour dire que, selon nous, sur ce point aussi, des améliorations peuvent être apportées.
Messieurs les ministres, mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe CRC s’engage avec le Gouvernement dans une dynamique positive et constructive.
C’est pourquoi, malgré notre réticence face aux contrats unique d’insertion, qui sont accompagnés d’exonérations de cotisations sociales non compensées, nous ne voterons pas contre ce projet de loi. Toutefois, nous réservons notre vote en attendant de connaître le sort que le Gouvernement et la majorité sénatoriale réserveront à nos amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’emploi est au cœur de notre contrat social et tout ce qui contribue à l’améliorer doit être particulièrement encouragé. Aussi, je me félicite de l’examen de ce projet de loi, qui vise à créer 150 000 emplois à l’horizon 2014.
Nous entendons, depuis quelques semaines, des détracteurs de ce texte prétendre que le dispositif ne s’attaquerait pas aux causes du mal. C’est très regrettable, car le problème auquel il tente de remédier mérite mieux que ces éternelles querelles partisanes.
Le Gouvernement et sa majorité se mobilisent pour relancer l’activité économique, si indispensable à la création d’emplois ; ils tentent d’arrêter l’hémorragie de la destruction d’emplois en permettant aux plus jeunes de ne pas perdre espoir et de s’insérer dans la vie active de notre pays.
Mes chers collègues, le chômage de nos jeunes atteint des sommets : 22,7 % chez les moins de vingt-cinq ans et même plus de 40 % pour les moins qualifiés ; des chiffres alarmants qui ne cessent de grossir. L’OCDE a d’ailleurs, à plusieurs reprises ces dernières années, alerté la France sur sa gestion de l’emploi des jeunes.
Dans ce contexte, il est important de trouver des mesures d’urgence pour ne pas laisser de côté tous ces jeunes en extrême difficulté et leur permettre d’accéder à l’emploi dans de bonnes conditions.
Dans son rapport sur la jeunesse publié le 10 septembre dernier, l’Union européenne en appelle à une orientation prioritaire des politiques en faveur des jeunes, notamment au regard de leur accès à l’emploi. C’est d’ailleurs parce qu’il avait une parfaite connaissance de la situation de notre jeunesse que François Hollande, candidat victorieux à l’élection présidentielle, avait fait d’une telle orientation sa priorité.
Aujourd’hui, aucune piste ne doit être écartée. Les emplois d’avenir sont, en ce sens, une excellente chose.
Le dispositif proposé présente plusieurs avantages. Je tiens à en rappeler quelques-uns.
Le premier de ces avantages résulte du fait que le dispositif offre une possibilité d’avenir à des dizaines de milliers de jeunes qui, confrontés à une réalité économique incertaine, ne peuvent compter sur les seuls effets de la croissance.
La crise a frappé les jeunes de plein fouet, en France comme partout dans le monde. On assiste à une forte augmentation du chômage de longue durée et, surtout, de l’inactivité : de plus en plus de jeunes ne sont ni à l’école, ni en formation, ni en emploi. Cette situation est d’autant plus grave que des études ont montré l’impact à long terme d’une période de crise sur les générations qui arrivent sur le marché de l’emploi lors d’un creux économique.
Le deuxième avantage des emplois d’avenir est qu’ils s’adressent aux jeunes les moins qualifiés On le sait, le risque de ne pas trouver un emploi est d’autant plus élevé que la qualification est faible. Vous l’avez rappelé, messieurs les ministres, environ 120 000 jeunes sortent du système scolaire sans diplôme, et moins d’un tiers d’entre eux trouvent rapidement un emploi durable. Les autres alternent stages, missions d’intérim et périodes sans emploi ; ce sont les premières victimes du chômage. Il est évident que les emplois d’avenir doivent s’adresser avant tout à ces « laissés-pour-compte ». Ils leur offriront ainsi une première expérience professionnelle, sésame pour accéder au marché du travail.
Le troisième avantage des emplois d’avenir est qu’ils inciteront les employeurs à recourir en priorité à des contrats à durée indéterminée à plein temps, permettant ainsi une insertion durable des jeunes sur le marché du travail.
La précarisation des jeunes est une triste réalité : en 2011, les trois quarts des embauches étaient des CDD. Il s'agit d’un taux très élevé, d’autant que ces contrats durent en moyenne moins de six mois et qu’ils ne sont pas souvent renouvelés. Il est important de rappeler que, dans le cas des emplois d’avenir, même si l’employeur choisit de recourir à un CDD, la durée du contrat sera en principe de trois ans, délai qui offre au jeune une certaine stabilité dans son emploi et un passeport pour son insertion sur le marché du travail. Chacun le sait, les employeurs sont de plus en plus réticents à recruter une personne qui n’a pas travaillé depuis très longtemps ou qui n’a aucune expérience professionnelle.
Certes, les contrats d’avenir ne régleront pas tout ; telle n’est d’ailleurs pas leur ambition. Ils constituent néanmoins, en ce début de législature, un premier texte tendant à répondre à la situation de l’emploi. D’autres lui succéderont, qui accompagneront le redressement économique du pays. En attendant, les emplois d’avenir sont un espoir pour tous ces jeunes exclus du marché de l’emploi, et je ne doute pas que nos travaux dans cet hémicycle contribueront à améliorer encore le texte adopté par l’Assemblée nationale.
Je tiens cependant à souligner l’importance du volet formation dans ce nouveau dispositif. Les jeunes concernés par les emplois d’avenir sont peu qualifiés, voire ne le sont pas. Il faut donc qu’ils bénéficient d’une formation de qualité et surtout qualifiante : c’est l’une des clefs de leur insertion professionnelle à l’expiration du contrat d’avenir. C’est la raison pour laquelle nous devons être extrêmement vigilants et exigeants sur le volet formation.
Enfin, je dirai un mot du dispositif d’emploi d’avenir professeur. Réservé aux étudiants boursiers, il vise en priorité les jeunes issus des zones urbaines sensibles ou ayant effectué leurs études dans des établissements implantés dans ces zones ou relevant de l’enseignement prioritaire. Favoriser la vocation d’enseignant chez les jeunes post-bacheliers à travers des co-enseignements et des co-interventions avec un enseignant titulaire me semble très positif. Ce dispositif répond à l’exigence de formation professionnelle et se rapproche de ce que l’on appelait, avant la suppression des IUFM, le tutorat pédagogique.
Ne pourrait-on s’interroger sur la pertinence de l’instauration d’un dispositif similaire pour les jeunes vivant dans les zones rurales ? Comment seront-ils intégrés dans la prochaine loi d’orientation sur l’école ? C’est une question que nous ne devons pas éluder.
Cela nous a amenés, plusieurs de mes collègues du RDSE et moi-même, à déposer des amendements. Nous proposerons notamment d’étendre le dispositif aux zones d’éducation prioritaire, qui cumulent, comme chacun sait, de nombreuses difficultés et dont beaucoup se trouvent hors des zones urbaines sensibles et des zones de revitalisation rurale.
Nous avons également déposé un amendement visant à rendre le contrat à durée déterminée d’insertion, le CDDI, éligible aux emplois d’avenir. Les travaux de l’Assemblée nationale ont permis d’ajouter les structures d’insertion par l’activité économique à la liste des employeurs visés par le dispositif, mais il n’est pas prévu que l’emploi d’avenir puisse prendre la forme d’un CDDI. Une telle mesure nous semblerait pourtant cohérente et efficace puisqu’elle permettrait d’employer des personnes en grande difficulté sociale dans des structures qui ont pour vocation de favoriser l’insertion. Ces entreprises, qui emploient près de 38 000 salariés et dont le chiffre d’affaires atteint environ 500 millions d’euros, constituent un magnifique outil de réinsertion professionnelle des personnes éloignées de l’emploi, et il ne faut jamais oublier que 30 % d’entre elles sont des jeunes. Élargir le dispositif des emplois d’avenir aux CDDI constituerait donc une véritable bouffée d’oxygène pour toutes ces entreprises asphyxiées par un financement public qui n’a pas évolué depuis 1999.
S’agissant des CDD saisonniers, la commission des affaires sociales a souhaité supprimer la disposition introduite à l’Assemblée nationale sur l’initiative conjointe de notre collègue radical de gauche Joël Giraud et du Gouvernement. Mes chers collègues, laissez-nous vous convaincre de l’intérêt de cette disposition, afin que vous apportiez votre soutien à notre amendement visant à revenir au texte voté par les députés. Il était prévu que les contrats saisonniers reconductibles trois années consécutives seraient éligibles au dispositif des emplois d’avenir. Cela permettrait de créer de nouveaux emplois sur des territoires où l’économie est totalement dépendante de la saisonnalité ; je pense notamment aux territoires de montagne. Or, nous le savons tous, la saisonnalité de l’économie engendre très souvent de la précarité. La possibilité de créer des emplois d’avenir sous la forme d’emplois saisonniers serait donc un moyen de rendre ces CDD saisonniers moins précaires et de les assortir de garanties, notamment par la mise en place de dispositifs de formation.
Messieurs les ministres, mes chers collègues, vous l’aurez compris : nous sommes nombreux, au sein du RDSE, à considérer que les emplois d’avenir sont une excellente initiative, qui viendra compléter utilement et rapidement le dispositif de lutte contre le chômage des jeunes. Nous pensons même que ce dispositif pourrait voir son champ d’application étendu ; tel est l’objet de la plupart de nos amendements.
Le chômage des jeunes constitue un drame humain auquel nous avons, mes chers collègues, l’impérieux devoir de répondre, au-delà des verrous idéologiques et des préjugés. En la matière, seuls le pragmatisme et l’efficacité doivent guider nos choix et donc nos votes : c’est pourquoi, à l’issue de nos travaux, les sénateurs du RDSE apporteront leur soutien aux contrats d’avenir, première mesure forte en faveur de l’emploi des jeunes. (Applaudissements sur la plupart des travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui part d’une intention tout à fait louable, à laquelle aucun d’entre nous ne peut s’opposer : il s’agit de tendre la main à tous ces jeunes qui manquent de qualification et vivent dans des quartiers difficiles, afin de favoriser leur intégration.
Selon les chiffres que nous a fournis M. le ministre du travail, 500 000 jeunes rempliraient les conditions pour bénéficier d’un emploi d’avenir. Or l’objectif est de créer 150 000 emplois d’ici à 2015. Le dispositif trouve là l’une de ses limites : pourquoi créer seulement 150 000 emplois en trois ans ? Nous devrions aller beaucoup plus vite et déployer d’autres dispositifs.
Bien entendu, des contraintes financières limitent le nombre des emplois d’avenir. Cependant, ce choix est peut-être dû également à l’intégration des expériences tentées depuis trente ans par tous les gouvernements, de gauche comme de droite, ainsi que par d’autres pays. Sans en faire une énumération exhaustive, je mentionnerai les travaux d’utilité collective, ou TUC, en 1984, les contrats emploi solidarité, ou CES, en 1989, les contrats d’insertion professionnelle, ou CIP, en 1993, les emplois jeunes en 1997 et le contrat première embauche, ou CPE, en 2006.
Vous le voyez, de nombreuses tentatives ont été faites, et chacun a pu constater la modestie de leurs effets, voire leur inefficacité. Or, bien souvent, cela tenait à la limitation de leur application aux seuls secteurs public ou associatif. Malheureusement, il en va de même avec les emplois d’avenir créés par le présent projet de loi. Les quelques tentatives d’ouverture du système aux entreprises, sous les gouvernements Balladur et Villepin, se sont, certes, toutes soldées par des échecs, mais ce fut en raison du refus des partenaires sociaux de participer à un tel système. Et encore les avantages accordés aux entreprises étaient-ils extrêmement limités, à l’instar de ceux qui existent pour les CIE, dans le cadre du contrat unique d’insertion.
Je pense que nous sommes là au cœur du problème : dans les conditions économiques actuelles, il aurait fallu frapper un grand coup, afin de créer un électrochoc…