Mme Catherine Troendle. Eh oui !
Mme Valérie Létard. Pour atteindre l’objectif de 150 000 logements sociaux par an, les collectivités territoriales, qui font déjà beaucoup d’efforts aujourd'hui, devront bien sûr en consentir encore davantage, mais l’État devra lui aussi être au rendez-vous budgétaire de la fin de l’année. (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP. – M. René Vandierendonck applaudit également.)
Mme Catherine Troendle. Eh oui !
M. le président. La parole est à M. Claude Dilain.
M. Claude Dilain. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les événements dramatiques survenus récemment à Saint-Denis ont démontré, pour ceux qui en doutaient, que le logement est une grande cause nationale et qu’il est urgent d’agir.
N’oublions pas que ces pauvres gens qui s’entassent dans des taudis insalubres le font non par plaisir, mais parce qu’ils n’ont pas accès à un logement social adapté à leur situation économique et sociale, mais également, madame la ministre, à leur situation administrative.
Nous savons tous que, à Clichy-sous-Bois, à Saint-Denis, et malheureusement ailleurs, des copropriétés, petites ou grandes, se sont transformées en véritables bidonvilles. Je sais votre détermination, madame la ministre, à lutter à la fois contre cette situation, mais aussi contre ceux qui en profitent grassement.
Certes, nous sommes depuis longtemps tous favorables, sur l’ensemble de nos travées, à la construction de logements sociaux. Pourtant, le décalage entre l’offre et la demande reste extrêmement important, si important – et je le dis en souriant au président Mézard – que même ceux qui ne sont pas des élus locaux s’en rendent compte !
Alors pourquoi certains maires n’ont-ils pas atteint leurs objectifs ? Ils se sont exprimés sur ce sujet à la télévision avant l’examen du présent texte. La main sur le cœur, ils disent qu’ils feraient bien du logement social, mais qu’ils n’ont pas de foncier. Ces maires vont pouvoir vous ériger une statue pour vous remercier, madame la ministre, car vous allez mettre du foncier à leur disposition, qui plus est dans de bonnes conditions financières.
Vous avez par ailleurs annoncé, madame la ministre, que d’autres mesures allaient être prises sur le terrain privé. Je pense donc que nous sommes sur le bon chemin.
Toutefois, alors que nous aurions dû assister à une euphorie générale, nous avons entendu des maires expliquer, lorsque la liste des terrains susceptibles d’accueillir des logements sociaux a été publiée, qu’il n’était pas possible pour eux d’en construire à ces endroits, car ils avaient déjà engagé une procédure d’aménagement privé. C’est là, me semble-t-il, de la mauvaise foi. Vous avez raison, madame la ministre, de renforcer les sanctions en pareils cas.
D’autres maires disent – en privé, pas à la télévision – qu’ils aimeraient bien faire du logement social, mais que ce sont leurs électeurs qui n’en veulent pas. Je pense que là est le véritable nœud du problème.
Nous portons une responsabilité collective, car nous donnons une image extrêmement négative du logement social. Pour nombre de nos concitoyens, le logement social, ce sont des tours, des barres, où se concentrent toute la misère du monde et, depuis quelque temps, les délinquants. Alors évidemment, ils n’en veulent pas !
Je sais bien, madame la ministre, que de telles situations existent. Et je sais que nous sommes en train de les corriger. Mais, enfin, le logement social ne se résume pas à cela. Le logement social, c’est d’abord et avant tout du logement. Il ne se distingue des autres types de logements que par son mode de financement. Pour le reste, il n’est caractérisé par aucune prescription architecturale et urbanistique spécifique. Ces logements peuvent s’intégrer dans toutes les communes, sans les défigurer. Ils peuvent en outre accueillir toutes sortes de populations.
Selon l’étude d’impact, environ 65 % de la population française est éligible au logement social. Dans un département bien connu du président de séance, ce taux atteint même 80 % ! De tels taux permettraient de parvenir à une véritable pluralité sociale. Le ghetto de pauvres – le mot a été prononcé à plusieurs reprises – n’est pas inéluctable.
M. Christian Cambon. Qui les a faits, les ghettos ?
M. Claude Dilain. À cet égard, nous vous proposerons un amendement visant à permettre de faire en même temps du PLS et du PLAI. C’est ainsi, en diffusant le logement social pour les plus pauvres, que les choses s’arrangeront.
Le logement social est utile, même et surtout dans les communes où le prix du foncier est très élevé. Quand un jeune couple s’installe, il préfère rester dans sa commune pour demeurer près de sa famille et de ses amis. S’il n’a pas les moyens d’aller dans le privé, il est souhaitable qu’il puisse bénéficier d’une offre de logement social.
De même, à l’autre bout de la vie, les personnes âgées, les veuves, qui n’ont, hélas ! plus les moyens de payer leur loyer dans le privé doivent pouvoir trouver du logement social adapté à leurs besoins.
Le ghetto n’est pas une fatalité. La loi doit favoriser la pluralité et non la constitution de ghettos.
Enfin, pour terminer, j’évoquerai, en tant que Francilien, le titre III du projet de loi.
Je tiens tout d’abord à dire que je me réjouis de la prolongation du délai qu’il autorise. En effet, le maintien du précédent n’allait pas sans poser de problèmes.
Je me réjouis également que la région Île-de-France ainsi que les départements concernés puissent signer les contrats de développement territorial, les CDT. Il me semble qu’il ne peut y avoir qu’un seul projet par territoire. Lorsque ces derniers arrivent de tous les côtés, les choses se passent très mal ; on appelle cela la théorie du mille-feuille ! Ainsi, le fait que tout le monde se retrouve autour d’un projet commun me paraît une très bonne chose.
Madame la ministre, vous abordez aujourd’hui une nouvelle étape en faveur du logement social. Nous la soutenons et attendons les prochaines avec intérêt. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Joël Labbé applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat sur le logement nous est familier. Il revient en effet régulièrement au sein de nos assemblées parlementaires. Cela est bien normal, puisque nous discutons de l’une des premières préoccupations de nos concitoyens.
Sur ce thème, d’ailleurs, on ne peut pas dire que la majorité précédente ne se soit pas montrée, sinon active, du moins préoccupée par la question du logement.
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Yvon Collin. Pas moins de sept textes ont été votés par le Parlement depuis une décennie. Mais – on peut se poser la question – pour quelle efficacité ?
En effet, mes chers collègues, plus de cinquante ans après l’appel en faveur des sans-logis lancé par l’abbé Pierre au cours de l’hiver 1954, le mal-logement est toujours là. Nous connaissons les chiffres, ils ont été rappelés. Ils sont inacceptables dans un pays comme le nôtre ! Ils disent en tout cas l’inefficacité des politiques publiques mises en œuvre ces dernières années et, plus encore, peut-être, le fourvoiement de ceux qui les ont menées en considérant le logement comme un bien ordinaire.
Non, le logement n’est pas un bien comme un autre : se loger n’est pas un choix, c’est une nécessité absolue. La formule est bien connue : « Sans toit, pas de droits ». Le mal-logement, qui recouvre des situations très diverses – absence de domicile, surfaces trop petites, loyers élevés, charges non maîtrisées, habitat indigne –, est la première des exclusions, celle qui nourrit toutes les autres. Comment avoir un projet de vie personnel, familial ou professionnel, sans logement stable ? Je ne parle même pas des conséquences sur le parcours scolaire des enfants non plus que de la dignité des personnes âgées.
Madame la ministre, il est plus que temps de mettre un terme à ces inégalités dont souffrent de plus en plus de familles. Il est plus qu’urgent de réinvestir l’État d’une ambition forte dans ce domaine.
Chacun doit pouvoir trouver un logement correspondant à ses besoins et à son pouvoir d’achat. Cet objectif requiert une mobilisation de tous les acteurs : État, collectivités, organismes constructeurs de logement social, promoteurs privés et particuliers.
Le texte qui nous est proposé aujourd’hui concerne l’État et les collectivités, les deux principaux acteurs en la matière.
Il vise, en premier lieu, à mobiliser le foncier public en faveur du logement, en permettant notamment une cession gratuite au profit d’opérations de logement social. Sur ce point, nous ne pouvons que souscrire à une mesure qui a une portée symbolique forte et qui, surtout, donne aux collectivités les capacités d’atteindre les objectifs qui leur sont assignés. Car, si certains maires sont récalcitrants à la mixité sociale – ils sont, à ce titre, condamnables –, beaucoup de ceux qui n’arrivent pas au seuil législatif de 20 % de logements sociaux sont en réalité confrontés au problème du foncier : trop peu de foncier disponible, et surtout beaucoup trop cher !
Cela étant, j’estime que, si l’État doit aller jusqu’à céder des terrains gratuitement, la priorité absolue est de loger les ménages les plus fragilisés, c’est-à-dire de mettre en place des prêts locatifs aidés d’intégration, les PLAI.
Toutefois, soyons objectifs, de toute évidence, cette mesure seule ne permettra pas de répondre aux enjeux de la construction de logements. Il faut trouver rapidement des moyens de mobiliser le foncier privé, et ce à des prix raisonnables.
Nous avons bataillé de nombreuses années pour une fiscalité foncière incitative. Rattrapée par la réalité de la crise et le bon sens de nos propos, la précédente majorité a fini par accepter le principe d’une taxation des terrains rendus constructibles. Plus récemment, elle a consenti à rendre obligatoire le dispositif de majoration de la taxe foncière sur les terrains constructibles, là où les tensions immobilières sont les plus fortes, et à en relever le taux.
De mon point de vue, tout cela est loin d’être suffisant ! La première mesure est facultative. Quant à la taxe sur les plus-values, elle encouragerait plutôt la rétention. Pourquoi ne pas aller plus loin, en limitant les droits à construire dans le temps, comme le suggérait excellemment notre ancien collègue Thierry Repentin ?
Au-delà de la fiscalité, bien d’autres blocages doivent encore être levés, afin de favoriser l’urbanisme de projet et limiter les recours abusifs, notamment. Les règles sont aujourd’hui tellement contraignantes que certains projets ne peuvent aboutir.
Autre mesure phare du projet de loi, le renforcement de la loi SRU. Devant l’ampleur de la crise, le Gouvernement s’est fixé un objectif ambitieux de 150 000 logements sociaux. L’ensemble des collectivités doit évidemment prendre part à cet effort de construction. Jacques Mézard a eu l’occasion d’exprimer la satisfaction, comme les réserves – il en a formulé quelques-unes –, du groupe RDSE sur ce point ; je n’y reviendrai donc pas.
Là encore, j’insiste sur la nécessaire mobilisation du parc privé. Certains proposent la réquisition, voire l’expropriation, des logements vacants, le blocage total des loyers, l’arrêt des expulsions. Sur ces points, gardons-nous de mesures trop autoritaires.
En revanche, taxons plus fortement la vacance pour accélérer le retour sur le marché, et encourageons une offre de logements intermédiaires dans ce secteur. À cet égard, je m’interroge sur la suppression pure et simple de toutes les aides à l’investissement locatif privé. Cela a été dit, mais il est bon que cela soit répété. Certes, ces mesures étaient coûteuses et inefficaces, voire contre-productives. Mais ce n’est pas tant le principe de la défiscalisation visant à soutenir la production immobilière qu’il faut combattre que le fait qu’elle ait été accordée sans les contreparties sociales qui auraient permis de la flécher vers ceux qui en ont besoin.
Le parc existant offre aussi des opportunités manifestes, très insuffisamment exploitées, de logements à destination des ménages modestes. En ma qualité de président, depuis vingt ans, du mouvement Propagande et action contre le taudis - association de restauration immobilière, ou Pact-Arim, de Tarn-et-Garonne, je le vois bien. Il faut développer le conventionnement avec l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, l’ANAH, l’intermédiation locative, en s’appuyant sur les capacités des associations spécialisées.
Les blocages qui existent actuellement dans le secteur du logement sont bien trop prononcés pour que les seules mesures du projet de loi suffisent à les lever. Le présent texte constitue certes un début prometteur mais, madame la ministre, nous serons vigilants à la suite qui lui sera donnée et à ce que le débat budgétaire concrétise ces engagements, ainsi qu’à la prospérité des amendements que notre groupe a présentés. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je n’utiliserai peut-être pas l’intégralité du temps de parole qui m’est accordé, mais je ne suis pas certain que vous vous en plaindrez ! Ce n’est pas que la minerve que je porte m’empêche de parler – heureusement ! –, mais plutôt que les conditions dans lesquelles se tient notre débat ne sont pas optimales. J’aimerais en effet vous dire quelques mots sur le contexte présidant à sa tenue.
Oui, madame la ministre, il y a urgence à s’attaquer au problème du logement. Votre gouvernement n’est d’ailleurs pas le premier à le faire. On pourra, si vous le voulez, revenir sur le bilan des dix années qui viennent de s’écouler.
La crise, elle, est toujours là. Elle est sévère. Il faut donc effectivement examiner ce que nous pouvons faire pour améliorer les choses.
Cela étant dit, les dispositions dont nous allons discuter ne produiront des effets que dans deux ans, au mieux. Et encore, je le dis pour vous être agréable ! En effet, s’attaquer d’abord à la question du foncier, déposer ensuite les permis et régler tous les problèmes afférents peut prendre, on le sait bien, trois ou quatre ans.
Dimanche dernier, c’est vrai, un événement dramatique a eu lieu au sein du département dont je suis l’élu, la Seine-Saint-Denis. Ce n’était malheureusement pas la première fois. Mais, de grâce, n’utilisons pas de tels arguments pour justifier le fait que nous examinions un texte dans de pareilles conditions. Je plains sincèrement M. le rapporteur, qui n’a pu nous transmettre de texte qu’en tout début d’après-midi, laissant les parlementaires que nous sommes dans l’impossibilité de travailler sérieusement dessus.
Remontons au moment de l’adoption de la loi SRU, à la fin du gouvernement Jospin. En 2001 ou 2002, tous types de prêt confondus, moins de 50 000 logements par an – j’ai le chiffre de 42 000 logements en tête – étaient financés. Or, l’année dernière, ce sont près de 130 000 logements qui ont été financés ! Peut-être, en effet, n’ont-ils pas été suffisamment bien répartis. Peut-être étaient-ils trop axés sur les PLAI et les prêts locatifs à usage social, les PLUS, plutôt que sur les prêts locatifs sociaux, les PLS. Tout cela mérite d’être étudié, bien sûr. Mais ne laissons pas croire que rien n’a été fait.
N’oublions pas non plus le programme national de rénovation urbaine, le PNRU. Depuis quarante ans, qu’avons-nous fait de mieux pour aider les maires, quels qu’ils soient, à régler les problèmes de logement, notamment dans les quartiers les plus en difficulté ? Franchement, tout ne va pas bien, c’est vrai, je n’aurai pas le culot de vous dire le contraire. Mais, à entendre certains, tout irait très mal, parce que nous n’aurions rien fait. Pardonnez-moi, mais je ne peux accepter ce discours. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également. )
J’en viens maintenant aux principales dispositions du présent texte. Avec la cession des terrains, madame la ministre, vous allez créer deux catégories de communes. La première regroupera celles qui auront la chance de disposer sur leur territoire de terrains appartenant à l’État ou aux opérateurs de ce dernier. Ces communes, celles qui sont soumises à l’article 55 de la loi SRU en particulier, vont être aidées, afin de faire face aux contraintes qui étaient déjà les leurs et que vous allez, d’ailleurs, aggraver. Tant mieux pour elles, mais qu’en est-il des autres ? Les mêmes contraintes vont leur être infligées, mais elles ne recevront de l’État aucune aide particulière pour les affronter. Vous allez donc de facto créer deux catégories de communes, qui vont devoir faire front aux mêmes obligations, mais avec des moyens radicalement différents.
Vous voulez des maires bâtisseurs : ils existent ! Je vous parlerai dans un instant de la commune dont je suis le maire, Pavillons-sous-Bois, et pourrai ainsi vous donner des exemples détaillés. Madame la ministre, comment voulez-vous aider ces maires bâtisseurs si le présent texte ne prend pas en compte leurs difficultés ? Ce point n’est pas du tout traité. Vous allez au plus simple, ai-je envie de dire, car cela fait belle lurette que nous discutions de la possibilité de vendre les terrains détenus par l’État. (M. Roger Karoutchi acquiesce.)
Mme Christiane Demontès. Vous avez dit, nous faisons !
M. Philippe Dallier. Nous avions même fixé un objectif de 100 000 logements à construire sur ces terrains. Le vôtre se monte à 110 000 logements, c’est un peu plus, tant mieux ! Vous allez jusqu’à prévoir une décote de 100 % sur ces terrains, ce qui signifie leur gratuité. Soit ! Vous vous êtes engagés dans ce processus, on peut le comprendre. Mais quid des autres communes ? Pour les maires qui, eux, veulent construire, que faites-vous ? Rien de particulier. (M. Christian Cambon opine.) Le problème se pose, pourtant.
J’aborderai maintenant l’article 55 de la loi SRU, auquel Pavillons-sous-Bois est soumise. J’en suis devenu le maire en 1995, après 83 ans de municipalité de gauche. On ne pourra donc pas m’accuser du passif ! À l’époque, la ville comptait seulement 7 % de logements sociaux. Cette commune, située au beau milieu de la Seine-Saint-Denis, connaît un revenu moyen par habitant inférieur de 24 % à la moyenne régionale de la strate démographique. Elle est donc éligible à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, la DSU, malgré la faiblesse du taux de logements sociaux.
Le débat que nous engageons aujourd’hui devrait donc plutôt porter sur la définition de la mixité sociale. Qu’est-ce exactement ? Vous ne la voyez qu’au travers du fameux pourcentage, qu’il soit de 20 % ou de 25 %. Madame la ministre, il ne faut pas regarder les choses sous cet angle uniquement ! Pavillons-sous-Bois, avec un revenu moyen de 24 % inférieur à la moyenne régionale de la strate, ne connaîtrait pas de mixité sociale ? Je vous propose, mes chers collègues, de venir faire la rentrée des classes à mes côtés : vous verrez si la mixité d’origine et la mixité sociale n’existent pas. Je dénie à quiconque le droit de venir me dire que je suis un mauvais républicain, et ce d’autant plus que, depuis que je suis maire, madame la ministre, nous sommes passés de 7 % à 13 % de logements sociaux, taux qui sera atteint à la fin de la période triennale en cours. Pour ce faire, depuis l’an 2000, la ville a tout le temps respecté ses objectifs : 120 %, 100 %, 202 %, et quasiment 220 % à la fin du présent objectif triennal.
M. Philippe Dallier. Oui, sauf que, pour ce faire, la ville n’a pas construit que des logements sociaux.
Je le dis souvent, j’ai grandi en Seine-Saint-Denis, à Bondy-Nord, dans un de ces quartiers emblématiques, et je connais donc les âneries que l’on a pu faire dans le passé. Maintenant que je suis aux responsabilités, j’essaie par conséquent de ne pas les reproduire dans la commune que je dirige.
Dans une ville où, en 2000, il y avait 10 000 résidences principales, 860 logements sociaux devaient être construits. Croyez-vous qu’il me soit venu à l’idée d’acquérir des terrains, de me livrer à des expropriations afin d’y construire 800 logements sociaux au même endroit ? Non, bien évidemment.
J’ai respecté les exigences que la loi m’imposait en la matière. Dans le même temps, les programmes d’accession à la propriété se sont développés, et heureusement !
Sur la période, en flux global, j’ai dû faire 40 % de logements sociaux pour 60 % d’accession à la propriété. Et le revenu moyen par habitant dans ma commune est toujours inférieur de 24 % à la moyenne régionale de la strate.
Je pense donc avoir procédé de manière intelligente, et ce dans une commune située en plein cœur de la Seine-Saint-Denis que les classes moyennes commencent à fuir. Car ma préoccupation est bien d’attirer les classes moyennes ou d’éviter qu’elles ne partent. Et si vous m’interdisez de faire du PLS au-delà de 50 %, que va-t-il se passer chez moi ? On va tirer la moyenne vers le bas !
Cher Joël Labbé, peut-on, à votre avis, traiter la Seine-Saint-Denis de la même manière que votre département ou que la Creuse ? Or c’est ce que fait la loi SRU. Trouvez-vous cela intelligent ? Pas moi ! Ce n’est pas ainsi qu’il faut procéder. (Mme Christiane Demontès s’exclame.)
Qui m’a aidé à financer la construction d’écoles et d’établissements publics, alors que la population de ma commune augmentait de 25 %, passant de 17 500 habitants en 1995 à 21 500 aujourd'hui ? Qui, madame la ministre ? Personne !
Et on m’annonce à présent que, dans le cadre de la mise en place du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le fameux FPIC, qui compare les communes entre elles, donc y compris des communes de Seine-Saint-Denis avec d’autres communes rurales, ma ville est assez riche pour être ponctionnée au profit d’autres communes ailleurs en France ! Là, c’est le pompon !
Alors que ma commune est éligible à la dotation de solidarité urbaine, alors que le revenu moyen des habitants y est inférieur de 24 % à la moyenne régionale de la strate, ma commune serait concernée par le FPIC ! Cette année, cela nous coûte 180 000 euros, et il paraît que ce montant est amené à tripler, voire à quadrupler ou à quintupler ! (M. Roger Karoutchi acquiesce.)
Comment vais-je y arriver ? Franchement, je m’interroge…
J’ai donc des craintes. J’ai respecté mes engagements. Je devais construire 860 logements à partir de 2000. J’ai atteint un taux de 13 % de logements sociaux et je pense que j’aurais pu atteindre 20 % en 2020. Mais si vous décidez subitement de fixer le seuil à 25 %, je vais devoir construire 1 200 logements, et uniquement des logements sociaux, non plus en vingt ans, mais en douze ans ! Faudra-t-il, pour y parvenir, interdire toute construction privée ?
Je me souviens d’un entretien que j’avais eu en 2000 avec un représentant de la direction départementale de l’équipement auquel j’avais essayé de faire comprendre que soit nous prenions les 15 % chaque année et il ne se passait rien à côté, mais on n’atteignait pas l’objectif, soit l’horizon s’éloignait à mesure que nous avancions. Je n’avais pas réussi à le convaincre à l’époque. Je me réjouis de constater que mon point de vue est aujourd'hui partagé.
Je maintiens que mon raisonnement était tout de même assez pertinent, car on ne peut pas faire uniquement du logement social dans des quantités aussi importantes.
En fixant le seuil à 25 %, vous allez nous contraindre, par une accélération parfois exponentielle des constructions de logements sociaux, à ne plus rien faire d’autre pour ne pas risquer un constat de carence.
Il est tout de même ahurissant que des maires bâtisseurs ayant respecté les objectifs qui leur étaient assignés puissent – je préfère pour l’instant penser qu’il s’agit seulement d’une éventualité – se trouver dans la quasi-impossibilité d’assumer leurs nouvelles obligations et faire l’objet d’un constat de carence ! Pour moi, c’est inacceptable !
Qu’arriverait-il si je tombais sous le coup d’un constat de carence ? Aujourd'hui, l’autofinancement net de ma commune est de 3 millions d’euros par an, et c’est une année historique. En retenant 10 % de mes dépenses de fonctionnement, vous me prendriez justement 3 millions d’euros. Et même en en retenant seulement la moitié, vous me prendriez encore 1,5 million d’euros. Dans ces conditions, je ne pourrais même plus entretenir les bâtiments publics existants. Et je ne parle pas des écoles, des gymnases et des crèches qu’il est nécessaire de construire pour accueillir les nouveaux habitants.
J’espère que vous m’accorderez une oreille attentive. J’ai déposé un certain nombre d’amendements visant à répondre aux problèmes que je viens d’énumérer. Madame la ministre, il s’agit de faire le tri ! Ne soumettez pas aux mêmes obligations des communes qui se trouvent dans des situations extrêmement différentes en termes de mixité sociale !
Je ne plaiderai pas aujourd’hui le manque de foncier. En 2000, je me suis vraiment demandé comment arriver à construire 860 logements sociaux. J’ai tout mis en œuvre pour y parvenir. Par exemple, cette année, j’ai réalisé quatre opérations de préemption d’immeubles entiers en vente. Cela ne s’était jamais produit par le passé. J’ai eu quatre occasions, et je les ai toutes saisies. Oui, madame la ministre, j’ai tout essayé, pourtant, je ne ferai que 220 % par rapport à l’objectif qui m’était assigné en 2000. Pour atteindre celui que vous allez me fixer, il faudrait tripler les constructions par période triennale. Vous trouvez cela normal ? (Mme Christiane Demontès s’exclame.) Vous trouvez juste de nous imposer une telle contrainte ?
Par conséquent, il faut que vous examiniez les situations plus en détail, afin de déterminer ce que chaque commune doit réaliser en matière de mixité sociale. Moi, je l’ai fait et j’ai pu constater que certaines des communes qui atteignent le seuil de 25 % de logements sociaux ont un revenu moyen par habitant deux fois plus élevé que chez moi, preuve que les bénéficiaires de ces logements sociaux ont des revenus qui ne devraient pas forcément les rendre éligibles au logement social. Or vous ne tenez pas du tout compte de cela !
Autre absurdité : comme on refuse de compter en flux – on ne parle qu’en stocks –, les communes construisent seulement des petits logements, pour atteindre plus vite l’objectif. Mais ce qui manque, pour loger les familles, ce sont des grands logements ! Il vaudrait donc mieux raisonner en termes de mètres carrés construits. Et cela, je n’en ai jamais entendu parler !
Madame la ministre, vous auriez pu prendre un peu de temps. Nous aurions pu fixer un rendez-vous dans un mois ou un mois et demi. Certes, je connais les contraintes du calendrier parlementaire, mais il était possible de prendre du temps pour analyser la situation plus en détail, afin de présenter un texte intégrant les différents aspects du problème.
Je ne souhaite pas engager de polémique en insinuant que le Gouvernement s’est senti obligé de se dépêcher à cause de mauvais sondages et de cotes en baisse…
Mme Christiane Demontès. C’est pourtant ce que vous venez de faire !
M. Philippe Dallier. … mais, madame la ministre, qu’est-ce qui vous a empêchée de vous accorder un mois de plus pour examiner la situation avec honnêteté ?
M. Christian Cambon. Les sondages ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Dallier. Vous venez de prendre vos fonctions, mais, en tant qu’élue francilienne, vous avez déjà une vision des choses. Vous savez bien qu’il y a, en France, presque autant de cas particuliers que de communes !