M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes heureux d’examiner cette loi, qui est une bonne loi, car elle va faire avancer la cause du logement, contribuer à relancer l’économie et apporter une pierre supplémentaire à la construction du pacte républicain dans nos villes.
Évidemment, cette loi ne constitue que le premier étage d’une fusée que vous nous présenterez ultérieurement, madame la ministre, et qui devra nous permettre de refonder complètement la politique du logement dans notre pays. Vous avez déjà engagé des mesures importantes concernant, notamment, la régulation des loyers. Vous nous proposez aujourd’hui des éléments décisifs pour atteindre un objectif ambitieux : construire 500 000 logements par an dans notre pays, dont 150 000 logements sociaux.
Certains de nos collègues ont pu démontrer à quel point d’autres dispositions étaient nécessaires, mais je voudrais rappeler l’importance des mesures qui nous sont proposées, car elles répondent à une triple urgence, sociale, économique et républicaine.
Je ne veux pas polémiquer avec nos collègues de l’opposition sur la méthode retenue. Il faut d’abord s’engager sur les questions de fond, car elles sont importantes. Je soulignerai néanmoins que, si l’on peut constater une certaine vitesse de la procédure, cette vitesse ne peut être assimilée à de la précipitation. En effet, les groupes de l’actuelle majorité présidentielle ont travaillé, dans cet hémicycle, en affrontant l’ancienne majorité lors de la discussion de propositions de loi ou lors des débats budgétaires, sur bon nombre de dispositions qui sont aujourd’hui concrétisées dans ce texte.
Je voudrais tout d’abord répondre à une question centrale : quel est le degré d’urgence en matière de construction de logements, et notamment de logements sociaux ?
Chers collègues de l’opposition, il me paraît nécessaire, quels que soient les gouvernements qui se sont succédé – je sais de quoi je parle ! –, de tenir un discours de vérité sur les chiffres. En effet, chaque année, nous nous envoyons à la figure le nombre de constructions programmées, réalisées, des comparaisons avec le passé, etc. (M. Philippe Dallier s’exclame.) Je suis quelqu’un de simple et je pense que les Français n’ont cure d’entendre des gens se jeter à la figure des chiffres qu’ils ne sont pas capables de vérifier.
Retenons donc des indicateurs simples : combien existait-il de logements HLM en France il y a dix ans ? Quatre millions. Combien sont-ils aujourd’hui ? 450 000 de plus, seulement !
M. Yves Rome. Voilà la vérité !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cela signifie que l’on en a construit, en moyenne, 45 000 par an ! C’est un énorme problème ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Un sénateur du groupe socialiste. Il fallait le dire !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ensuite, si l’on examine les logements construits, ils l’ont été essentiellement grâce à des prêts locatifs sociaux, ou PLS, – en tout cas dans une proportion de plus en plus importante. Or chacun sait bien que, pour utile qu’il soit dans un certain nombre de secteurs, et en particulier dans les centres-villes et les secteurs en tension, ce dispositif ne répond pas au plus gros de la demande,…
M. René Vandierendonck. Très bien !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … car les deux millions de demandeurs de logement ont, pour la plupart, des revenus inférieurs au seuil du prêt locatif aidé d’intégration, le PLAI. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)
Je ne rappelle pas ces éléments pour le seul plaisir de la négation : ils sont la concrétisation d’une politique économique et d’une situation sociale dramatique. Si nous ne répondons pas aux besoins de cette population, nous connaîtrons non seulement un énorme problème de cohésion sociale, mais aussi un problème économique, parce qu’elle paie trop cher pour se loger : du coup, son pouvoir d’achat, au lieu d’être utile à l’économie réelle, en soutenant la consommation et la production française, est capté par la rente immobilière, les études le montrent !
En trente ans, le prix du foncier, en France, a augmenté de 700 % ! C’est ce que l’on appelle la rente immobilière et foncière ! (M. Yves Rome applaudit.) Aucun autre placement, fût-il boursier, n’a atteint un tel rendement !
M. Jacky Le Menn. Il faut le dénoncer !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je ne souhaite pas décapiter ce système, mais notre cible prioritaire, vous l’avez compris, madame la ministre, doit être la construction de logements adaptés aux besoins des Français. (Bravo ! et applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Dans la période que nous avons connue, deux tiers des logements produits correspondaient à la demande du tiers supérieur des revenus. Un tiers seulement de la production répondait aux besoins des deux tiers de nos concitoyens. Il faut rééquilibrer la donne et mettre notre production en adéquation avec les besoins réels des Français.
Mes chers collègues, je souhaite aborder devant vous un sujet auquel je suis très sensible. Il se trouve que mes responsabilités au sein du mouvement HLM m’amènent à travailler surtout avec des coopératives d’HLM qui s’occupent de l’accession sociale à la propriété, dont je suis un ardent défenseur.
Or je constate justement que, au cours des cinq dernières années, il y a eu une hémorragie terrible de l’accession à la propriété pour les salariés et les foyers gagnant moins de 2,7 à 3 SMIC : 100 000 accédants disparaissent chaque année. Dans les années 2000, environ 240 000 foyers gagnant moins de 2,7 SMIC accédaient à la propriété ; l’année dernière, il y en avait moins de 100 000.
En effet, votre politique dite « d’accession à la propriété » a été destinée aux riches, aux plus aisés…
M. Jacky Le Menn. Voilà ! C’est un scandale !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … et non aux primo-accédants ou aux catégories modestes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Oui, l’accession sociale à la propriété doit être relancée, mais elle ne le sera pas au détriment du locatif social : l’un et l’autre sont nécessaires.
Une personne en accession à la propriété qui était venue nous voir dans notre permanence défendait mordicus qu’il ne fallait pas réaliser de logement social. Elle avait oublié que, le jour où elle divorcerait, son salaire ne lui permettrait plus de faire face à du logement privé.
M. Jacky Le Menn. C’est la réalité !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous avons donc besoin des deux !
Nous traitons aujourd'hui du locatif. La question du foncier est fondamentale. Elle correspond à 20 %, voire à 40 % dans certains secteurs, du prix du logement. Donc, à l’évidence, chaque fois que l’on peut baisser le coût du foncier pour le logement social, c’est une forme d’aide à la pierre favorisant la réalisation de logements. (Mme Maryvonne Blondin et M. Jacky Le Menn opinent.)
L’engagement du Président de la République était clair : mettre à disposition – gratuitement pour la part de logement social – les terrains pour permettre la réalisation d’opérations qui, dans bien des cas, doivent être mixtes. À l’évidence, lorsque les terrains sont importants, nous ne sommes pas favorables aux ghettos, qu’ils soient de riches ou de pauvres.
Sur la décote, madame la ministre, vous avez entendu les propositions de notre rapporteur. L’annonce d’une mise à disposition des terrains ne date pas d’hier. Il existait même une décote, mais il est vrai que tout change lorsqu’une partie de cette décote est de 100 % pour le logement social !
Par nos amendements, nous allons surtout veiller à nous assurer que les uns et les autres ne puissent pas jouer la montre en espérant des changements ultérieurs. Toutes les dispositions que nous allons prendre veillent à accompagner la pression législative et la pression politique exercée par ce gouvernement, afin que, en lien notamment avec les collectivités locales, qui sont souvent demandeuses, nous puissions réussir ce beau défi, et en particulier les objectifs chiffrés que vous avez indiqués, madame la ministre.
On ne spolie pas l’État lorsque les terrains publics sont mis gratuitement au service du logement social. Je vous rappelle que c’est déjà le cas dans les collectivités et départements d’outre-mer. (M. Yves Rome opine.) Du point de vue juridique, il n’y a donc pas de spoliation. C’est d’ailleurs une évidence ; l’État ne peut pas être schizophrène : lorsque le foncier est très cher, l’État doit prévoir beaucoup d’aide à la pierre pour équilibrer les opérations. Il est plus judicieux de consacrer directement les aides au foncier : c’est plus rapide, moins cher et bien plus efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste – M. le président de la commission des affaires économiques et M. Joël Labbé applaudissent également.) S’agissant des établissements publics, ce ne sont évidemment pas RFF, la SNCF ou d’autres qui vont financer le logement.
Par ailleurs, les terrains disponibles aujourd'hui, quasiment tous bien situés du point de vue des prix de l’immobilier, ont bénéficié à plein de la spéculation immobilière !
Mme Évelyne Didier. Bien sûr !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ils ont d’ailleurs contribué à l’entretenir, car la rareté des terrains dans ces territoires pour le logement social a favorisé le renchérissement du prix du foncier moyen, notamment au regard du prix des Domaines.
Si l’État, puissance publique, qu’il soit de gauche ou de droite, imagine que l’on va financer le service public avec la spéculation immobilière, c’est dangereux !
M. Jean-Jacques Mirassou. Bravo !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il est fondamental de rééquilibrer la donne. À cet égard, il n’est pas scandaleux que certains établissements publics mettent gratuitement des terrains à la disposition du logement social alors même qu’ils ont largement bénéficié de la spéculation.
Je vous cite l’exemple que notre collègue maire d’Audincourt, Martial Bourquin, a donné ce matin. La situation est la même pour la Ville de Paris. Dans bien des cas, les établissements publics demandaient quatre, cinq, six voire dix fois le prix d’estimation des Domaines !
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. C’est exact !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Dès lors, soit la collectivité acceptait de payer en espérant construire du logement cher afin de compenser, soit elle devait renoncer. Si la collectivité acceptait, les prix des terrains alentour montaient, car, comme vous le savez, les Domaines prennent comme référence les transactions effectuées dans le voisinage. C’est donc une œuvre de salubrité pour le logement social et pour une certaine régulation des prix de l’immobilier.
À ce sujet, je voudrais insister particulièrement sur la loi SRU. Tout se tient ! Si nous voulons construire massivement du logement dans notre pays, il est clair que nous devons le faire partout (M. Yves Rome applaudit.) et que nous ne pouvons plus accepter que certains ne s’y soumettent pas. D’ailleurs, de ce point de vue, je ne suis pas aussi ardente que d’autres sur les zones dites « tendues ».
M. Jacques Mézard. Très bien !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Une zone est dite tendue lorsque le marché est tendu. Or il existe des zones où le marché n’est pas trop tendu, mais où la situation sociale est tellement catastrophique que seul un logement social adapté peut y répondre.
MM. Claude Dilain et René Vandierendonck. Très bien !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Si les priorités de l’État ne peuvent pas être totalement dispersées, je veux le rappeler, cela ne peut pas non plus être tout ou rien. C’est donc un équilibre subtil, madame la ministre, qu’il va falloir que vous trouviez.
En tout cas, la loi SRU est claire. Elle permet le saut quantitatif en gardant l’idéal républicain de répartition du logement social sur l’ensemble du pays.
Pour être franche, la loi qui a imposé la première les 20 % de logement social, c’est la loi d’orientation sur la ville de 1989, voilà un quart de siècle ! Mes chers collègues, nous avons commencé en incitant, en promouvant, mais cela n’a pas fonctionné. C’est triste à dire, mais, comme pour les radars sur les routes, ce n’est que le jour où des pénalités ont été instaurées qu’un certain nombre de communes se sont mises à offrir du logement social.
Je veux souligner que des communes qui ne partagent pas nos idéaux politiques ont fait leur devoir.
M. Jacky Le Menn. C’est vrai !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il y a dans notre pays ceux qui croient mordicus au projet républicain, qui pensent, à gauche et à droite, que si nous ne sommes pas capables de réaliser un brassage social dans la société l’édifice même de la République va être affaibli. Et puis il y a ceux qui pensent, les libéraux, d’un côté, la droite dure, de l’autre, que finalement ce n’est pas grave, qu’il faut préserver l’essentiel, les plus favorisés, le cœur de cible.
Je le répète, il y a eu des maires de droite, comme des maires de gauche, qui ont eu du courage. Beaucoup de maires de droite me disent qu’ils n’ont pas de foncier. Comme je suis un peu têtue, je prends ma voiture et je vais voir : et là, je trouve des publicités pour des opérations de luxe qui, elles, parviennent facilement à être réalisées…
Mme Catherine Procaccia. Venez à Vincennes, et vous verrez !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous présenterons un amendement sur ce point, madame la ministre. Dans certains cas, ne serait-il pas judicieux de réfléchir par opération, au-delà des pénalités prévues en fonction d’un seuil global pour les collectivités et les communes ? J’observe d'ailleurs que de nombreuses communes ont inscrit cette obligation dans leur PLU. La répartition du logement social doit être diffuse pour être réussie.
On peut se demander, madame la ministre, ce qui est pris en compte dans les fameux 25 %. Pour ma part, je balaie tout de suite l’accession sociale à la propriété : où commence-t-elle, où cesse-t-elle d’être sociale ? Vous verrez immédiatement que nous ne nous faisons pas tous la même idée du social en France. Si l’on compte le logement vraiment social, il n’y en a pas énormément.
Pour réussir l’accession sociale à la propriété, je pense qu’il faut mieux la financer plutôt que d’imaginer qu’un quota dans la loi SRU permettra de la promouvoir, car, aujourd’hui, elle n’est pas solvabilisée.
Il faut donc distinguer deux choses : ce qui rend solvable l’accession sociale à la propriété, question qui mérite sans doute d’être posée au niveau du foncier, et le besoin massif de locatif social dans l’obligation de produire du logement. Il faut tenir bon sur le locatif, même si, je le répète, l’accession sociale est un vrai sujet.
Que compte-t-on ? Certaines collectivités détiennent quasiment 100 % de leur quota en PLS. Notre collègue Philippe Kaltenbach reviendra sur ce point dans la discussion des articles. Il convient de prévoir un système de taquets permettant de favoriser le PLAI et de baisser le taux de PLS.
M. Philippe Dallier. Eh oui ! De manière uniforme !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous avons déposé un amendement visant à prévoir un minimum de 30 % de PLAI et un maximum de 30 % de PLS. Cela me paraît raisonnable. (M. Philippe Dallier s’exclame.)
Je conclus, mes chers collègues. Oui, c’est un enjeu républicain ! (M. Philippe Dallier s’exclame de nouveau.) Si la France ne garantit pas à ses concitoyens le droit au logement ou en tout cas ne progresse pas de façon significative sur ce point, si la France républicaine n’est pas capable de faire vivre le brassage social dans les villes, le vivre ensemble, jamais notre pays ne se relèvera correctement de la crise. Aucun pays ne se relève d’une crise économique et sociale s’il ne défend pas ses valeurs. Et défendre ses valeurs, ce n’est pas les proclamer, c’est les mettre en œuvre, dans la ville, dans l’action, dans le quotidien ! Merci, madame la ministre, d’y contribuer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant d’entrer dans le vif des dispositions du projet de loi dont nous allons débattre cette semaine, permettez-moi deux remarques liminaires.
Comme tous mes collègues exerçant des responsabilités locales, je sais combien la question du logement est sensible. En fonction des territoires, elle se pose avec plus ou moins d’urgence, mais elle reste toujours la préoccupation principale de nos concitoyens avec celle de l’emploi. Offrir l’accès à un emploi et à un toit, c’est à cela que nous nous attelons tous au niveau de nos communes et de nos intercommunalités.
Depuis ma première intervention sur l’article 55 de la loi SRU en novembre 2002, ma position n’a pas varié : je suis favorable à ce dispositif. En d’autres circonstances, j’ai œuvré pour qu’il ne soit pas démantelé. Encore aujourd’hui, sur le principe, je conçois que le Gouvernement puisse choisir d’activer ce levier pour augmenter le nombre de logements locatifs sociaux dans les zones les plus tendues. Une chose est claire, il faut augmenter l’offre de logements locatifs, publics comme privés.
Les chiffres que vient de nous exposer Marie-Noëlle Lienemann méritent cependant quelques corrections. Au-delà des chiffres bruts – 4 000 000, 4 450 000 –, n’oublions pas les politiques publiques qui ont amélioré notre parc de logements locatifs. Le programme national de rénovation urbaine a permis de démolir et de reconstruire des logements sociaux, avec d’importants financements au titre de l’aide à la pierre qui ont rendu possible la remise à niveau de notre parc social. Heureusement ! Si ces politiques n’avaient pas été menées, ce serait bien plus de 450 000 logements sociaux qu’il faudrait financer.
Toutefois, – et je rejoindrai sur ce point les observations de mon collègue Daniel Dubois – je regrette, comme tous mes autres collègues, la manière dont nous allons démarrer l’examen de ce texte en séance publique. Cette question est complexe, elle méritait toute l’attention des membres de la commission des affaires économiques plutôt qu’un travail qui n’a pu être fait qu’à moitié. Le choix de retenir ce calendrier précipité prive notre assemblée du travail de fond en amont dont elle est coutumière, pour le grand bénéfice des textes de loi.
C’est, à mon sens, une erreur. Il me semble que vous auriez dû nous laisser faire notre travail au service de l’intérêt général et d’une loi bien construite, plutôt que de risquer l’adoption d’une loi bâclée qui pourrait pénaliser l’objectif initial et l’efficacité des outils mis à la disposition des collectivités comme des bailleurs.
Ces observations faites, et malgré le temps restreint dont nous avons disposé pour l’étudier, nous nous sommes efforcés, madame la ministre, de prendre la mesure de ce que prévoient les deux premiers titres du projet de loi, d’en évaluer la plus-value par rapport à l’existant et de proposer à notre assemblée les modifications qui nous paraissent nécessaires pour que l’objectif que nous visons tous, produire davantage de logement social, et cela aussi rapidement que possible, puisse être atteint. Je laisserai à mes collègues franciliens le soin de se prononcer sur le titre III.
Je ne reviendrai pas sur l’environnement de ce projet de loi. L’étude d’impact en fait une analyse sur laquelle nous pouvons tous nous retrouver : déficit de l’offre, augmentation des prix, manque criant d’une offre de logements abordables dans les zones en tension, toutes choses rendues encore plus difficiles par la crise que nous traversons depuis quatre ans.
Dans ce contexte, en les présentant comme des mesures de première urgence, le Gouvernement nous propose aujourd’hui deux armes pour lutter contre le mal-logement. Permettez-moi de revenir sur chacune d’elles.
Le titre Ier n’est pas un dispositif nouveau. La possibilité d’une décote jusqu’à 35 % a été introduite dans notre droit en 2005 par la loi de programmation pour la cohésion sociale. L’étude d’impact rend compte des premiers résultats sur la période 2008-2011 : 42 000 logements réalisés dont 20 500 logements sociaux, et 57 % de ces logements en Île-de-France, où les besoins sont les plus grands.
Un nouveau plan sur la période 2012-2016 porte sur 110 000 logements, dont la moitié en Île-de-France. Pour accélérer la production de logements sociaux, le texte envisage désormais la possibilité de moduler cette décote jusqu’à la gratuité.
Bien entendu, je suis favorable, avec mon groupe, à cet effort supplémentaire, en particulier dans les zones où le foncier est le plus rare et le plus cher. Toutefois, ce dispositif mérite, à notre sens, d’être amendé.
D’abord, le Gouvernement propose de moduler la décote en fonction du type de logements sociaux construits et des circonstances locales. Si nous sommes d’accord sur la nécessité de tenir compte des circonstances locales pour juger de l’intérêt d’une décote, surtout si cette dernière va jusqu’à la gratuité, il nous paraît cependant inutile, à ce stade, de se préoccuper du type de logements construits.
Le coût du foncier n’est qu’un facteur parmi d’autres. L’équilibre financier d’une opération de construction de logements sociaux est également contraint par la faiblesse des financements de l’État. À titre d’exemple, un logement PLUS est financé à hauteur de 500 euros par l’État ! En conséquence, cela a été dit à de nombreuses reprises, les collectivités sont obligées de cofinancer fortement ces opérations.
Par ailleurs, cette décote sera difficile à mettre en œuvre si l’opération comporte déjà à la fois du logement social et du logement privé. Laissons donc de la souplesse si nous voulons faire sortir de terre des opérations rapidement, avec la sécurité et le verrou des PLH et des délégations d’aides à la pierre, qui sont déjà contrôlés par l’État. Il est possible de sécuriser le dispositif tout en l’assouplissant.
Parce que l’objectif est justement d’essayer de produire du foncier rapidement, il nous semblerait judicieux que l’État se fixe également des objectifs en termes de planning de cession du foncier aux organismes logeurs et aux collectivités locales pour la construction de logements sociaux.
Alors que ce texte instaure une date butoir pour les communes relevant de l’article 55 et que l’on nous indique comment atteindre nos objectifs en 2020, l’État, lui, ne nous précise pas à quel rythme et dans quel délai lui-même et ses établissements publics vont nous fournir du foncier. Cela pourrait poser des difficultés et nuire à la mobilisation.
À cet égard, nous avons besoin, madame la ministre, d’avoir des garanties. Il est important que le calendrier de l’État et de ses établissements publics soit cohérent avec celui des collectivités locales.
Enfin, le texte prévoit que ces cessions s’inscrivent dans une « stratégie de mobilisation du foncier ». Je souhaite que cette stratégie soit portée par les établissements publics de coopération intercommunale ayant un programme local de l’habitat, dans le respect de ses objectifs et de ceux du schéma de cohérence territoriale. Cette stratégie devra être établie dans un cadre partenarial avec l’État, les établissements publics d’État, les établissements publics fonciers et toutes les collectivités locales.
Il n’est pas possible d’avoir, d’un côté, un tuyau État-bailleur et, de l’autre, des collectivités agissant avec les bailleurs, sans connexion. Produire du logement social requiert une synergie entre tous les acteurs. Créer des tuyaux différents, sans aucune cohérence entre eux, rendra peut-être difficile le montage d’équilibres financiers permettant de produire efficacement du logement social dans l’intérêt de nos concitoyens.
Il est donc souhaitable, me semble-t-il, que ce dispositif soit cohérent avec l’ensemble de la réflexion menée sur les territoires par nos collectivités, afin que leur développement soit homogène et que les logements soient construits dans un environnement comprenant des services publics, des transports et des zones d’activité économique.
Ne produisons pas du logement très social sur des parcelles excentrées, sans l’accompagnement social nécessaire, car nous prendrions alors le risque, pour produire vite, de renouveler à terme les erreurs que le programme national de rénovation urbaine peine tant à corriger ! Si des ghettos ont été constitués à une certaine époque, lorsqu’il fallait absolument créer des logements, c’est parce qu’on n’a pas pensé à instaurer une mixité sociale et parce qu’on n’a pas réfléchi à l’équilibre des fonctions.
Pensons aujourd'hui à cet équilibre des fonctions lorsque nous montons nos stratégies foncières et de production de logements.
M. Claude Dilain. C’est vrai !
Mme Valérie Létard. J’évoquerai maintenant le titre II du projet de loi, lequel renforce l’article 55 de la loi SRU.
Comme nous l’avons dit en préambule, nous comprenons l’exaspération que peut faire naître le refus de certaines communes d’entrer dans la logique de mixité prévue par cet article. Tout le monde doit évidemment jouer le jeu.
Toutefois, il me semble qu’il nous faut, là aussi, laisser ce dispositif s’inscrire dans une cohérence territoriale, laquelle est de nos jours largement pilotée par les intercommunalités.
C’est la raison pour laquelle je suis favorable au relèvement à 25 % du taux dans les zones tendues, à condition que ce taux soit calculé au niveau de l’EPCI,…
M. Jean-Jacques Hyest. Évidemment !
Mme Valérie Létard. … chaque commune conservant l’obligation actuelle de construire 20 % de logements sociaux. Bien évidemment, dans certains endroits, on ira bien au-delà de ce taux, en raison de l’existence de transports en commun, laquelle entraîne une densification de l’habitat. En revanche, dans d’autres endroits, on produira moins de logements, mais pas forcément par mauvaise foi. Il ne faut pas créer de logements dans des endroits qui ne sont pas desservis par les transports en commun.
Mme Catherine Troendle. Absolument !
Mme Valérie Létard. Veillons à ne pas commettre des erreurs juste pour respecter la règle à la lettre !
Par ailleurs, il ne faut pas ignorer les réalités de l’habitat social. Aujourd’hui, une large fraction des personnes les plus fragiles vit dans du parc privé qui est de fait du parc social. Je pense à certains logements privés miniers, ainsi qu’aux logements gérés par la Fondation Abbé Pierre ou par des associations comme Habitat et humanisme. Les critères retenus dans la loi pour la définition des zones non tendues devraient tenir compte de la présence de ces parcs.
Je vous présenterai un amendement sur ce point, car il me semble que définir un ratio de logements sociaux sans prendre en compte l’existence de ce type de logements peut conduire à la constitution de zones d’habitat dans lesquelles il n’y aurait plus de mixité sociale. Si l’on devait additionner ces deux types de logements et s’ils devenaient majoritaires, on risquerait de créer une zone de relégation ou de fragilité. Il faut donc les prendre à en considération.
Ce que nous cherchons à construire à l’échelon local, ce sont des parcours résidentiels dans lesquels il soit possible d’introduire une certaine fluidité, sachant que les besoins ne sont pas les mêmes pour une personne seule vieillissante, une famille monoparentale, un étudiant ou encore une personne handicapée. L’article 55 doit y aider, et non l’inverse.
C’est pourquoi nous avons proposé de rétablir la prise en compte des places de CHRS, les centres d’hébergement et de réinsertion sociale, dans le décompte du taux de logements locatifs sociaux. Le rapporteur de la commission des affaires économiques a déposé un amendement en ce sens. La prise en compte de ces places est indispensable.
Convaincus que le niveau pertinent pour produire du logement, c’est le territoire, nous vous proposerons également de supprimer le fonds dont l’article 10 prévoit la création. Pour être efficace, un circuit de recyclage des majorations le plus court possible reste le meilleur. Des crédits ayant été pris sur un territoire doivent pouvoir servir sur le même territoire de référence intercommunal à augmenter le nombre de logements sociaux. Ils ne doivent pas être affectés n’importe où. Il faut privilégier les territoires défaillants.
Je ne détaillerai pas l’ensemble des autres amendements que nous présentons, car vous avez compris le sens de notre intervention. Nous serons exigeants sur les objectifs. Certes, il faut conforter l’esprit de la loi SRU et mobiliser du foncier, mais il faut également tenir réellement compte des spécificités territoriales, en associant plus fortement les collectivités aux dispositions proposées.
La manière dont nos propositions seront reçues déterminera notre vote sur l’ensemble du projet de loi. Nous le répétons, notre objectif à tous est de produire du logement là où existent des besoins, madame la ministre, et de permettre à chacun de trouver le toit lui assurant sécurité et dignité. Nous souhaitons tous une seule chose : améliorer les outils à la disposition des collectivités pour atteindre cet objectif.
En conclusion, si nous partageons les objectifs de ce premier étage de la fusée, nous attendons bien sûr le reste du dispositif afin de voir comment l’ensemble va tenir et se développer. Nous attendons surtout avec impatience de connaître le projet de loi de finances pour 2013.