M. Christophe-André Frassa. Merci, monsieur Leconte ! (Sourires.)
M. Jean-Yves Leconte. Ces derniers sont souvent stigmatisés alors qu’ils sont réellement victimes de traitements différenciés inéquitables.
M. Robert del Picchia. Eh oui !
M. Jean-Yves Leconte. En conclusion, si nous appliquons les prélèvements obligatoires, tels que la CSG et la CRDS, aux non-résidents fiscaux en France, il serait logique de s’attaquer également à toutes les discriminations dont sont victimes les Français de l’étranger. Je tenais à faire cette mise au point.
Cela étant, je soutiens l’article 25 que je voterai, sous réserve de l’adoption de mon amendement.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 17 rectifié ter est présenté par MM. Frassa, Cantegrit, Cointat, Duvernois et Ferrand et Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann.
L'amendement n° 43 est présenté par M. del Picchia.
L'amendement n° 138 rectifié est présenté par MM. Arthuis, Dubois, J. Boyer, Marseille, Deneux, Roche et Capo-Canellas.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour présenter l’amendement n° 17 rectifié ter.
M. Christophe-André Frassa. Cet amendement vise à supprimer l’article 25, qui prévoit d’étendre la CSG et la CRDS aux revenus tirés de biens immobiliers, loyers ou plus-values, par des non-résidents.
Ce dispositif ne tient pas compte du refus de la Cour de justice de l’Union européenne d’étendre la CSG et la CRDS aux revenus de source française, dès lors que les non-résidents sont assujettis à une imposition sociale dans un autre État membre.
À titre d’exemple, l’administration fiscale irlandaise, au titre du Finance act, impose que, pour tout revenu immobilier ayant sa source à l’étranger – en France en l’occurrence –, un résident en Irlande, travailleur indépendant, est assujetti aux charges sociales en Irlande, donc à l’USC, l’universal social charge, et au PRSI, pay related social insurance. Le résident irlandais, salarié ou de plus de 66 ans, est quant à lui assujetti à l’USC dans le même cas de figure.
L’article 25 du projet de loi de finances rectificative créerait donc une double imposition pour un résident irlandais affilié au régime de sécurité sociale. Ce serait contraire à la jurisprudence. En l’occurrence, pour un bien immobilier, le taux d’imposition cumulé serait porté à 64,5 %.
Monsieur le ministre, j’ai pris cet exemple à dessein, l’une de vos collègues ayant été, jusqu’à une date récente – peut-être l’est-elle encore, d’ailleurs – résidente française en Irlande. Je veux parler, vous l’avez compris, de Mme Hélène Conway Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l’étranger.
Les règlements communautaires nos 883/204, 987/209, 1408/71 et 574/72 pour la Suisse, découlent directement du Traité instituant la communauté européenne. Son article 42 CE pose le principe de la coordination des régimes de sécurité sociale des différents États membres. Les personnes auxquelles ces règlements sont applicables ne sont donc soumises qu’à la législation d’un seul État membre. En d’autres termes, en vertu des accords européens, les non-résidents affiliés à la sécurité sociale d’un autre État membre ne peuvent pas être également affiliés à la sécurité sociale française.
La nature de la CSG a été débattue par le passé. La Cour de cassation, suivant la décision de la Cour de justice de l’Union européenne, la considère non pas comme une imposition, mais comme une cotisation sociale.
Sa nature a été débattue, car elle obéit à un régime dual. La contribution sur les revenus d’activité et de remplacement est soumise aux règles d’assiette et de recouvrement des cotisations de sécurité sociale, tandis que la contribution sur les autres catégories de revenus relève des dispositions du code général des impôts.
Ainsi, la Cour de justice de l’Union européenne, statuant sur le régime de la contribution assise sur les revenus d’activité, considérait que, étant affectée exclusivement au financement du système de sécurité sociale et s’étant, pour partie au moins, substituée à des cotisations assises sur les revenus d’activité, elle revêtait le caractère de cotisations sociales au regard de la législation communautaire.
Dans un arrêt du 8 mars 2005, la Cour de cassation – je le dis pour M. Leconte, qui pensait pouvoir passer outre l’arrêt de la CJUE – a confirmé le caractère de cotisations sociales de la CSG et de la CRDS.
Par conséquent, les revenus du patrimoine perçus par les non-résidents sont exclus du champ des contributions sociales, même s’ils sont soumis à l’impôt sur le revenu en France, s’agissant de revenus de source française.
Pour conclure, je remercie mon collègue Jean-Yves Leconte de sa sollicitude. Je tiens à lui dire que, à voir la politique fiscale que le Gouvernement semble vouloir mettre en œuvre pour les Français de l’étranger, il est à craindre que les Français de Monaco, lesquels ont subi depuis 1963 un véritable régime discriminatoire, n’aient été les précurseurs de ce que qui va arriver à tous nos compatriotes expatriés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Richard Yung. Quel malheur !
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour présenter l’amendement n° 43.
M. Robert del Picchia. La Cour de cassation, suivant la position de la CJUE, a confirmé la nature de cotisation sociale de la CSG et de la CRDS, car elles ont pour seule affectation le financement de la sécurité sociale.
Nous irions à nos risques et périls à l’encontre de la jurisprudence.
L’article 13 du règlement CEE n° 1408/71 établit qu’en matière de sécurité sociale les personnes ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. À partir de ce principe, la CJUE a prohibé non seulement le cumul des législations, mais aussi les doubles assujettissements ou les doubles cotisations, considérées comme une entrave à la libre circulation des travailleurs.
Les Français résidant dans l’Union européenne peuvent se faire soigner en France, mais à condition de s’acquitter de cotisations dans leur pays d’accueil. Tel est le sens dudit article.
Quant aux Français résidant hors de l’Union européenne, à moins qu’ils ne souscrivent une assurance, ils n’ont droit à rien ! Contrairement à une idée reçue, les Français de l’étranger ne sont pas des nantis qui bénéficient de tous les avantages, sans aucune contrepartie. Loin s’en faut ! Ils n’ont pas droit à la sécurité sociale française ni à la carte vitale.
Pourquoi ? Tout simplement parce que le régime de la sécurité sociale, comme vous l’avez souligné à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, répond au principe de territorialité : pour pouvoir en bénéficier, il faut satisfaire à certaines conditions de résidence sur le territoire national.
Or la CSG et la CRDS figurent non pas dans le code général des impôts, mais dans le code de la sécurité sociale puisque, je le répète, elles ont comme unique objet le financement de la sécurité sociale. Elles ne sont donc applicables qu’aux personnes résidant sur notre territoire.
Monsieur le ministre, le seul motif avancé en faveur de l’article 25 de ce projet de loi est l’égalité de traitement entre redevables de l’impôt.
En fait d’égalité, adopter cet article reviendrait surtout à faire payer deux fois des cotisations sociales aux non-résidents.
Le total des prélèvements, pour un expatrié qui loue le logement qu’il a conservé en France, serait à un taux minimum de 35,5 %. Quant au total des prélèvements sur les plus-values immobilières pour les résidents hors Union européenne, il serait de près de 50 % – 33,33 % d’impôts plus 15,5 %. Sans compter l’imposition dans le pays de résidence.
Mes chers collègues, je vous demande d’adopter cet amendement de suppression afin d’éviter de créer une discrimination supplémentaire envers les non-résidents. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour présenter l’amendement n° 138 rectifié.
M. Jean Arthuis. Nos collègues Frassa et del Picchia ont excellemment posé les termes du problème.
J’ajouterai que les non-résidents sont non seulement nos compatriotes expatriés, mais également des investisseurs étrangers, qui détiennent en France des intérêts. Il est clair que cette disposition les perturbera quelque peu. Je ne suis pas sûr que cette innovation fiscale sera favorable au renforcement du marché immobilier en France.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ces amendements visent à supprimer l’article 25 du projet de loi de finances rectificative, qui prévoit d’assujettir les revenus immobiliers des non-résidents à l’ensemble des prélèvements sociaux sur les revenus du capital.
La commission des finances s’était déjà investie sur ce sujet, Philippe Marini ayant proposé un dispositif similaire en décembre dernier.
La question essentielle est celle de la nature juridique de la CSG. Sur ce point, le Conseil constitutionnel a indiqué à plusieurs reprises qu’elle entrait dans la catégorie des impositions de toute nature et ne constituait pas une cotisation sociale.
M. Robert del Picchia. Alors, traitez-là comme un impôt !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. J’ajoute que, contrairement aux revenus d’activité et de remplacement, aucun critère relatif à l’affiliation à un régime de sécurité sociale français n’est prévu pour l’assujettissement à la CSG des revenus du patrimoine.
Le critère d’affiliation pour les revenus d’activité et les revenus de remplacement a été introduit a posteriori en 2001, pour tenir compte de la jurisprudence communautaire. Mais ce critère supplémentaire n’a pas été prévu pour les revenus du patrimoine.
Quant aux divergences de jurisprudence entre le Conseil constitutionnel, d’un côté, le Conseil d’État, la Cour de cassation et la Cour de justice de l’Union européenne, de l’autre, elles ont porté sur la seule CSG relative aux revenus d’activité et de remplacement, et non sur celle relative aux revenus du patrimoine.
M. Richard Yung. Très bien !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Dès lors, si, à l’instar du Conseil constitutionnel, on considère la CSG sur les revenus du patrimoine comme un impôt, et non comme une cotisation sociale, il paraît logique, par symétrie avec le droit fiscal – je rappelle que les revenus immobiliers des non-résidents sont soumis à l’impôt sur le revenu –, que ceux-ci soient également soumis aux prélèvements sociaux.
Dans ces conditions, l’article a toute sa signification et les amendements de suppression doivent être rejetés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. L’avis du Gouvernement est, évidemment, défavorable.
Les propos qui ont été tenus s’adressaient peut-être moins à ceux qui siègent dans cette enceinte qu’à d’autres. Trois questions ont été soulevées.
La première, d’ordre juridique, sera vite réglée. Confondre les revenus du patrimoine avec ceux du travail n’est pas raisonnable. Exciper de la jurisprudence européenne ou de celle de la Cour de cassation pour prétendre que les revenus concernés sont des revenus du patrimoine peut avoir deux explications : soit on en a fait une mauvaise lecture, soit on a reçu des informations erronées.
Le Conseil constitutionnel est clair : la CSG comme la CRDS sont des impositions de toute nature, bref, des impôts, et non des cotisations sociales.
Puisque cette loi de finances rectificative sera évidemment soumise au Conseil constitutionnel, je ne doute pas une seconde qu’il réaffirmera la nature de la CSG et celle de la CRDS.
Voilà au moins tout un pan de l’argumentation adverse qui ne devrait plus être repris dans cet hémicycle. C’est en tout cas le vœu que je forme.
Au-delà du débat juridique, mesdames, messieurs les sénateurs, quelques-uns d’entre vous ont cru opportun de soulever une deuxième question, qui est une question de fond : sous prétexte que telle ou telle contribution assurerait le financement de certaines prestations, ceux qui n’en bénéficieraient pas devraient en être exonérés. Quel raisonnement curieux ! Finalement l’impôt est envisagé comme une contribution consumériste et non comme une contribution universelle.
Il y a sûrement parmi vous des parlementaires dont les enfants ne sont plus scolarisés et dont les petits-enfants ne sont pas encore en âge de l’être. Doivent-ils pour autant être exonérés de la quote-part de leur impôt qui reviendrait à l’éducation nationale ? Tel est le raisonnement que certains d’entre vous ont tenu : dès lors que l’on ne bénéficie pas des prestations sociales que la CSG et la CRDS contribuent à financer, il faudrait être exonéré des ces impositions.
Si l’on pousse le raisonnement jusqu’à son terme, un citoyen qui estimerait faire son affaire de l’élimination des déchets ménagers serait en droit de s’exempter de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères. Chaque unité la plus élémentaire de notre société pourrait, ainsi, décider librement quelle contribution elle consent et quelle contribution elle refuse, en fonction de ses usages personnels. Au bout du compte, cela revient à nier totalement toute vie collective, toute vie sociale, toute mutualisation, bref, tout destin collectif.
Vous comprendrez, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement ne partage pas cette conception. Il souhaite que les impositions de toute nature, donc la CSG et la CRDS, soient affectées du caractère universel que suppose un destin collectif.
À la lecture du compte rendu de vos travaux, certains seront intéressés d’apprendre que, pour défendre des compatriotes expatriés, quelques-uns parmi vous ont cru bon de remettre en cause le principe fondamental du consentement à l’impôt, dont la finalité est d’assurer non seulement le fonctionnement, mais surtout le destin d’un pays et d’une communauté d’individus ayant décidé de mutualiser leur histoire, leur passé, leur présent, leur futur. À chacun d’avoir la conception qu’il souhaite !
La troisième question est d’ordre fiscal. C’est un débat intéressant, voire amusant.
En matière de fiscalité, il existe un principe auquel nombre d’entre vous se sont souvent référés par le passé : celui de la territorialité de l’impôt. J’ai cru comprendre que ce principe était aujourd’hui remis en cause par ceux qui rejettent les dispositions de l’article 25 du projet de loi.
Notre pays adhère au principe de territorialité, inscrit dans notre droit et sur lequel sont fondées toutes les conventions fiscales que nous avons pu signer.
Un seul pays, les États-Unis, conteste ce principe en lui préférant celui de nationalité, mais assorti de très nombreuses dérogations : dès lors que l’un de ses résidents travaille, où que ce soit, il doit des impôts à son État de nationalité et non à son État de résidence.
C’est d’ailleurs en s’inspirant du droit nord-américain que certains ont pu estimer que nos compatriotes expatriés devaient acquitter des impôts en France, lors même que c’était à l’étranger qu’ils produisaient la richesse.
J’ai même entendu certains représentants des Français de l’étranger s’indigner que puisse être émise, sur notre territoire, l’idée de voir les expatriés contribuer à la prospérité et aux ressources de l’Hexagone, puisque, précisément, étant expatriés, en vertu du principe de territorialité, ceux-ci n’avaient pas à acquitter la moindre contribution assise sur des revenus tirés d’un travail effectué à l’étranger.
Or ce sont les mêmes qui, aujourd’hui, récusent le principe de territorialité et se fondent sur le principe de nationalité qu’auparavant ils estimaient scandaleux !
Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut choisir ! Si vous gardez en tête de telles idées, ne soyez pas surpris s’il est demandé un jour aux Français expatriés de contribuer, en France, à l’impôt sur le revenu, à la CSG et à la CRDS sur la totalité de leurs revenus, fussent-ils conquis en dehors de nos frontières !
Si cette perspective vous effraie, je vous conseille d’accepter le principe de territorialité : dès lors que des loyers sont perçus ou que des plus-values immobilières sont enregistrées en France, des impositions de toute nature telles que la CSG et la CRDS s’appliquent.
Récuser le principe de territorialité, c’est, je le répète, ouvrir la voie au principe de nationalité. Je suis prêt à vous suivre jusqu’au bout, mais je doute que telle soit votre intention. Je vous demande de faire preuve d’un peu de cohérence : retirez vos amendements et votez l’article 25.
M. le président. La parole est à M. Louis Duvernois, pour explication de vote.
M. Louis Duvernois. Monsieur le ministre, on peut faire plusieurs lectures juridiques de cet article 25, qui étend le prélèvement social au taux de 15,5 % à tous les revenus fonciers et plus-values de cession que les non-résidents fiscaux tirent de leurs biens immobiliers situés en France.
Concrètement, il s’agit d’une véritable aberration, tant l’effet recherché s’écarte de la réalité des situations rencontrées sur tous les continents. Soyons clairs : on cherche, une fois de plus, dans la précipitation, à taxer pour taxer, sans discernement ni jugement sûr, en méconnaissance de cause, puisque ce prélèvement social de 15,5 % viendra s’ajouter aux taxes foncières et d’habitation déjà prélevées.
C’est ce que le Président de la République a appelé « l’effort juste » lors de son entretien télévisé du 14 juillet dernier.
Pour autant, le collectif budgétaire est-il aussi juste que le croit l’Élysée ? Certainement pas ! J’en veux pour preuve ce raisonnement de bon sens : nonobstant les propos tenus précédemment, pourquoi une personne non résidente fiscale, qui ne bénéficie en rien du système social français, devrait-elle être assujettie à un « prélèvement social », à la CSG et à la CRDS, qui, soulignons-le, sont des cotisations sociales et non des impôts, pour rembourser une dette sociale nationale ?
Pourquoi devrait-elle se soumettre à un « règlement rétroactif » de ce prélèvement social alors qu’elle s’acquitte déjà des taxes foncières et d’habitation liées à la propriété sur le territoire national ?
Une telle rétroactivité est-elle conforme à la législation française ? Nous en doutons.
Quoi qu’il en soit, ces nouvelles mesures gouvernementales ne manqueront pas d’ouvrir la voie à de nombreux contentieux avec les pouvoirs publics français concernés, dégradant, en outre, je le rappelle à mon tour, l’image de notre pays auprès des personnes établies à l’étranger ayant investi en France et contribuant au développement de notre économie sous des formes diverses.
En conséquence, monsieur le ministre, je ne voterai pas cet article 25, que je considère comme injuste et confiscatoire. (MM. Christian Cointat et Christophe-André Frassa applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que les choses soient claires, nous n’avons nullement l’intention d’accorder des avantages indus ou des prébendes aux Français établis hors de France. Tout ce que nous voulons, pour eux, c’est la justice et l’équité : ils doivent payer les impôts qu’ils doivent, ni plus ni moins.
J’ai apprécié, monsieur le ministre, votre grande plaidoirie. Elle était habile, élégante, mais force est de constater que vous maniez le sophisme avec un art consommé. Vous avez mêlé avec talent des idées totalement contradictoires !
Si vous pensez que l’impôt doit être lié à la nationalité, je vous dis : chiche ! Mais égalité de devoirs vaut égalité de droits !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Exactement !
M. Christian Cointat. Autrement dit, il faudra prévoir pour les Français établis hors de France la gratuité de l’enseignement. Les plus déshérités d’entre eux devront aussi avoir droit à l’aide sociale.
À l’heure actuelle, notre fonds d’aide sociale représente quinze fois moins que le montant des aides versées par les départements pour des cas similaires. En matière d’enseignement, c’est pareil, puisque l’effort de l’État est trois fois moindre pour les Français de l’étranger que pour les Français de France. Je pourrais multiplier les exemples !
Si nos impôts étaient payés sur la base de la nationalité, vous ne seriez pas gagnants sur le plan des finances, mais nous, si ! Restons dans le cadre de la territorialité, d’accord, mais en excluant, conformément à toutes les conventions fiscales, de payer deux fois l’impôt.
Que je sache, dans « contribution sociale généralisée », il y a le mot « sociale ». Il suffit de savoir lire : la CSG sert à financer l’aide sociale, un point c’est tout ! Le Conseil constitutionnel a considéré qu’elle entrait dans la catégorie des impositions de toute nature : soit. Mais dans ce cas il faudra se débrouiller pour que les Français de l’étranger ne paient pas leurs impôts une deuxième fois dans leur pays de résidence. Là est le problème.
Ne faussons pas le débat en cherchant, par-ci par-là, à imposer je ne sais quel dogme. Essayons de trouver véritablement la voie de la justice. Il n’y a aucune raison de demander des avantages pour les Français de l’étranger, mais ceux-ci doivent pouvoir être traités de manière équitable.
Cher collègue Jean-Yves Leconte, je vous le dis : je n’ai jamais hésité, quand j’estimais que la majorité précédente faisait des erreurs pour les ressortissants français à l’étranger, à critiquer ses propositions, à les attaquer, et je ne les votais pas !
M. Robert del Picchia. Il nous est arrivé de voter contre !
M. Christian Cointat. Absolument ! Je me suis fait menacer je ne sais combien de fois de me faire virer, mais ce n’est toujours pas arrivé. Il faut être honnête, savoir ce que l’on veut, avoir le courage de le dire et de le défendre.
M. Jean-Yves Leconte. J’ai dit ce que je pensais !
M. Christian Cointat. Monsieur le ministre, les non-résidents payent déjà des impôts sur les revenus perçus dans leur pays de résidence, bien sûr, mais aussi pour tous leurs revenus de source française. À l’heure actuelle, sachez tout de même que l’ensemble des non-résidents français rapportent à l’État autant, si ce n’est plus, que ce qu’ils coûtent dans le cadre du budget. Voilà qui n’est pas négligeable. Ne perdez pas de vue que ce sont pour nos finances, au minimum, des opérations blanches, si je puis dire.
La Cour de justice de l’Union européenne ne se prononce que sur les questions qu’on lui pose. Pour l’instant, elle a été saisie uniquement sur la partie « revenus », mais elle ne manquera pas de l’être sur la partie « patrimoine », et rien ne dit qu’elle ne se prononcera pas alors dans le même sens, en considérant la CSG et la CRDS comme des cotisations sociales. Nous verrons bien !
Je trouve que, pour si peu d’argent, finalement, il ne vaut peut-être pas la peine de prendre le risque de se faire condamner. C’est pourtant le choix que vous avez fait.
Comme l’a souligné fort justement M. Arthuis, le dispositif proposé est confiscatoire et découragera un certain nombre de personnes à investir en France, ce qui regrettable.
Vous avez supprimé la TVA sociale, qui permettait de faire payer aux produits importés une partie de notre aide sociale, préférant en faire supporter le financement par les produits fabriqués en France. Maintenant, vous voulez assujettir à la CSG des Français qui vivent hors de l’Hexagone et des étrangers qui, eux, n’y viendront plus.
Ce n’est pas la bonne solution. Comme vous, on peut tout mélanger et manier le sophisme : tout ce qui est rare est cher ; un cheval bon marché est rare ; donc un cheval bon marché est cher !
Monsieur le ministre, voilà une démonstration que vous auriez pu aussi nous faire. Alphonse Allais avait cette merveilleuse phrase, que je vous laisse méditer. « Il faut demander plus à l’impôt et moins aux contribuables. » (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.
M. Jean Arthuis. J’ai écouté avec attention votre analyse, monsieur le ministre. Il faudra effectivement aller jusqu’au bout et considérer que la CSG est un impôt. Nous devrons donc sans doute nous préparer à étatiser certaines branches de la protection sociale, tirer toutes les conséquences de cette analyse et sortir de l’ambiguïté actuelle.
Certes, on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment. Nous retrouvons là un débat que nous avons eu au début de la discussion de ce collectif budgétaire, au sujet du financement de la protection sociale.
Il nous faut reconnaître que la CSG est une imposition de toute nature. Il y aurait donc urgence, dans ces conditions, à revoir la présentation de nos comptes publics, notamment le financement de la protection sociale. Cela suppose de mieux préparer l’opinion publique aux réformes structurelles qui pourront contribuer à l’amélioration de la compétitivité, et donc au retour de l’emploi et du pouvoir d’achat.
M. Christian Cointat. Très bien !
M. Jean Arthuis. En tout état de cause, monsieur le ministre, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 138 rectifié est retiré.
La parole est à M. André Ferrand, pour explication de vote.
M. André Ferrand. Monsieur le ministre, j’ai admiré votre démonstration, intellectuellement brillante, en trois points : le niveau juridique, celui du fond et l’aspect fiscal.
Pour ma part, je me placerai plus pragmatiquement sur le plan de l’intérêt de la France. Car c’est bien la question qui nous occupe ! Or sur ce plan, l’initiative que vous avez prise est mauvaise.
Je ne me placerai pas sur le plan juridique, car dans ce domaine les choses ne sont pas claires et personne ne peut être sûr de l’emporter de façon définitive.
Je parlerai plutôt de la situation des personnes, de ces expatriés, de ces Français de l’étranger qui servent la France. Je pense, en particulier, à tous ceux, nombreux, qui sont expatriés de longue date et ont fait souche dans leur pays d’accueil. Nous les rencontrons lors de nos voyages à travers le monde : ils sont originaires de la vallée de l’Ubaye – les fameux « Barcelonnettes du Mexique » ! –, basco-béarnais, bretons, charentais, alsaciens.
Ces expatriés français, majoritairement originaires des régions que je viens de citer, et qui ont souvent acquis la nationalité du pays dans lequel ils vivent, sont pour nous, vous le savez, des relais essentiels.
Là où ils travaillent et habitent avec leur famille, en général binationale, ils sont « dépositaires » de la France. Ils ont ainsi construit une grande partie de notre réseau d’écoles, car ils ont voulu conserver notre langue. Ils sont aussi très heureux d’avoir gardé une maison en France, dans leur province natale, comme c’est très souvent le cas.
Je puis vous assurer, monsieur le ministre, qu’une grande émotion s’est manifestée dans les réseaux d’expatriés depuis qu’ils ont pris connaissance de votre projet, et les réactions que nous avons recueillies ont été nombreuses. Je suis certain que nos collègues sénateurs des Français de l’étranger qui appartiennent à la majorité partagent mon point de vue.
Pour les raisons que je viens d’invoquer, cette initiative n’est ni bonne ni conforme à l’intérêt de notre pays.