M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La provision pour investissement avait été conçue afin d’encourager la participation, à laquelle nous sommes, bien sûr, tous attachés, au-delà des obligations légales, tout en préservant les capacités d’investissement des entreprises.
Or le récent rapport d’évaluation des dépenses fiscales, dit rapport Guillaume, a montré que cette niche était inefficace. Notée 1 sur une échelle de 0 à 3, il y est dit qu’elle ne réussit ni à encourager la participation ni à faciliter les dépenses d’investissement. Elle n’atteint donc aucun des deux objectifs fixés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel résultat !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Pour répondre aux préoccupations de certains de nos collègues, il convient de souligner que les PME bénéficient peu du dispositif.
Mme Annie David. Oui !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La niche procure surtout des effets d’aubaine aux plus grandes entreprises.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Celles qu’ils défendent !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. S’agissant des niches, madame Des Esgaulx, puisque vous avez abordé le sujet, je souhaitais vous dire que notre préoccupation est de nous appuyer sur les évaluations qui ont pu être faites.
Nous l’avons bien vu, dans les dispositions prises au début de l’année, notamment dans le cadre de la première loi de finances rectificative pour 2012 de mars dernier, le gouvernement précédent s’était complètement « assis » sur le classement et les évaluations du rapport Guillaume, choisissant de supprimer des niches pourtant annoncées comme très efficaces.
Pour notre part, nous sommes fondés à considérer, à partir de ce travail rigoureux, que la niche en question n’est sans doute pas la plus performante, la plus utile, la plus efficace. L’article 10 vient opportunément la supprimer. Je suis donc bien sûr défavorable aux amendements identiques nos 107 et 136 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux vous rassurer, il n’y a pas, chez le Gouvernement, d’obsession qui consisterait à vouloir remettre en cause la participation, au motif que ce dispositif ne serait pas idéologiquement correct.
Pour avoir moi-même, lors de la conférence sociale, animé la table ronde sur les salaires, l’épargne salariale, le SMIC, j’ai pu voir quelles étaient les préoccupations et les objectifs des partenaires sociaux, tant du côté employeurs que du côté salariés. Des oppositions se sont manifestées chez les premiers au sujet de l’augmentation du forfait social, dont nous reparlerons tout à l’heure. Mais les discussions ont été sérieuses. Il a notamment été question de la façon dont il serait possible de faire évoluer l’épargne réglementée, l’épargne salariale, pour que la participation puisse être utilement employée comme un complément de rémunération.
Que constatons-nous cependant ? Outre que la participation et l’intéressement ne concernent qu’une minorité de salariés, principalement ceux des grandes entreprises et peu ceux des PME, une réalité s’impose : ces mécanismes servent de plus en plus de substituts à la rémunération du travail par le salaire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous entendons lutter contre ce phénomène.
Actuellement, vous le savez, le taux des prélèvements et des cotisations affectés aux salaires oscille entre 40 % et 45 % quand celui du forfait social est à 8 %. Même si ce dernier est porté à 20 %, la participation et l’intéressement resteront considérablement attractifs.
Il y a donc toujours un avantage « compétitif » évident à rémunérer les salariés sous la forme de participation et d’épargne salariale plutôt que de salaire. La contribution supplémentaire que nous proposons n’est donc ni injuste ni illégitime. Nous avons la volonté non pas de sanctionner de manière idéologique la participation et l’intéressement, mais de réintroduire un peu plus d’équité et de justice dans la façon dont ces dispositifs contribuent à l’effort collectif.
Dans le sillage des propos de M. le rapporteur général, je souligne que la niche sur la provision pour investissement a été jugée inefficace. Dès lors que le législateur a mis en place un certain nombre de dispositifs favorables à la compétitivité de nos entreprises ou à l’amélioration de la rémunération des salariés et que l’on constate que cela n’a que peu d’effets sur l’économie réelle, sur l’investissement, la tâche qui doit être la nôtre est de tirer les conséquences d’une telle évaluation.
Hormis pour les sociétés coopératives ouvrières, soumises à des statuts particuliers, il faut remettre en cause cette niche fiscale inefficace. C’est donc du bon usage de l’argent public que je m’inspire pour recommander le retrait, sinon le rejet, de ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.
M. Jean Arthuis. Monsieur le ministre délégué, je vous remercie des précisions que vous venez d’apporter. Qu’il est dommage que vous n’ayez pu assister à tous nos débats depuis que nous avons ouvert la discussion sur ce collectif budgétaire ! Disant cela, je ne fais nullement reproche à M. Pierre Moscovici et à M. Jérôme Cahuzac d’avoir été alternativement présents, mais c’est vous qui avez évoqué votre participation au sommet social organisé au début du mois de juillet.
Au fil des années, il est vrai, nous avons multiplié les régimes dérogatoires,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Jean Arthuis. … pour permettre le versement de rémunérations exonérées de cotisations sociales. Si ces pratiques se sont développées, c’est parce que les cotisations sociales, dans notre pays, sont particulièrement élevées.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Bien sûr !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Allons bon !
M. Jean Arthuis. Il a donc fallu trouver un équilibre extrêmement délicat, très technocratique, pour encadrer le dispositif, afin d’éviter tout glissement vers l’exonération d’une fraction de la rémunération des salariés.
Les partenaires sociaux se trouvent, aujourd’hui, dans une situation presque pathétique. Ils sont gestionnaires de la protection sociale. Il y a cinq caisses nationales, et autant de centrales syndicales : il faut que chacun puisse tenir sa position.
Si le salaire n’est plus l’assiette de cotisations, cette gestion paritaire a-t-elle encore une légitimité ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bonne question !
M. Jean Arthuis. Comment régler une telle difficulté existentielle ?
Pourtant, le surcroît de cotisations sociales patronales – nous avons essayé de le démontrer et peut-être aurons-nous l’occasion d’en reparler avec vous – participe à la perte de compétitivité et à l’organisation assez systématique des délocalisations et de la désindustrialisation.
J’entends bien votre message, monsieur le ministre délégué, mais le signal que vous donnez par cet article 10 est, je le répète, très négatif, propre à mettre en cause la participation, l’intéressement et l’investissement, pour un enjeu financier vraiment très marginal. Il va à l’encontre de l’ambition, qui nous anime, de recréer de l’emploi et de donner du pouvoir d’achat à nos concitoyens, bref, de donner de l’espérance et de la confiance ! (Mme Marie-Annick Duchêne applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur Arthuis, je suis très en colère après vos propos, vous vous en doutez. (Murmures sur les travées de l’UMP.) Mais je garderai mon calme, puisque, dans cette enceinte, c’est la cordialité qui prévaut habituellement.
Vous nous parlez de coût du travail, vous reprochez à M. le ministre délégué de ne pas avoir assisté aux débats d’hier, qui, prétendez-vous, ont montré que le coût du travail était aujourd’hui le principal problème pour l’emploi dans notre pays. Non, ce n’est pas ce qui est ressorti de nos échanges ! Une telle affirmation découle des arguments avancés du côté droit de cet hémicycle.
M. Jean-Pierre Caffet. Exact !
Mme Annie David. De ce côté-ci de l’hémicycle, mon cher collègue, quand nous parlons du coût du travail, c’est pour dénoncer non le niveau des salaires et de la participation, mais la rémunération versée aux actionnaires, aux traders, le montant des parachutes dorés ! (Oh la la ! sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais si, reconnaissez-le, soyez honnêtes !
Mme Annie David. C’est pour dénoncer tous ces bonus octroyés, cette logique qui est de faire en sorte de rapporter de 10 % à 15 % de profits aux actionnaires plutôt que de répondre aux besoins industriels des entreprises.
Monsieur Dassault, puisque vous êtes présent parmi nous cet après-midi et que vous nous avez fait part de votre volonté de voir l’article 10 supprimé, j’aimerais bien connaître votre position à propos de l’entreprise Thales, dont vous êtes l’un des actionnaires et qui procède actuellement à un certain nombre de restructurations, avec des licenciements annoncés un peu partout sur le territoire français.
En Isère, ce sont 760 salariés qui vont être mis à la porte parce que vous, entre autres, avez décidé que Thales devait recentrer sa stratégie sur l’armement. Ce groupe produit en Isère, de manière tout à fait compétitive puisqu’il est le leader mondial dans ce domaine, des appareils de radiologie médicale, dont il est inutile de rappeler l’importance en termes de santé publique.
Mesdames les sénatrices et messieurs les sénateurs de droite, nous n’avons pas la même conception de l’entreprise. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Nous n’avons pas la même conception du coût du travail et de la création d’emplois.
Cela fait dix ans que nous supportons votre politique, comme je vous le disais déjà hier. Résultat : il y a, aujourd’hui, en France, 8 millions de pauvres, dont 2 millions d’enfants !
Mme Fabienne Keller. Il n’y a pas de corrélation !
Mme Annie David. Mais si, madame Keller !
M. Philippe Dallier. Sous le gouvernement Jospin, il n’y avait pas de pauvres, peut-être ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À vous entendre, il n’y a jamais de corrélation entre votre politique et la réalité, comme si la crise et le chômage étaient l’œuvre du Saint-Esprit !
M. le président. Mes chers collègues, seule Mme David a la parole.
Mme Annie David. Pour en revenir au présent article et pour ne pas dépasser mon temps de parole, car je suis respectueuse de notre institution, je veux dire combien nous sommes favorables à ce texte.
M. le ministre délégué l’a souligné, mais en étant plus modéré puisqu’il a parlé de « substituts », il y a là un détournement de la politique salariale. Cela permet aux entreprises de ne pas payer tous les impôts qu’elles devraient sur les revenus engrangés grâce à la productivité des travailleurs. Voilà la réalité, mes chers collègues !
M. Jean Arthuis. Il faut alléger les charges !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut plutôt alourdir la taxation des revenus financiers des entreprises rentières que vous soutenez !
Mme Annie David. À la vérité, les grands groupes font preuve d’un réel manque de solidarité. J’aimerais bien qu’un jour, ici, soit évoquée la question de la responsabilité sociale des entreprises. Parlons du sort réservé à celles et ceux qui produisent les richesses : 700 milliards d’euros de richesses supplémentaires en dix ans, ce n’est tout de même pas rien ! Où sont-elles allées ? Sans doute pas dans les poches des 8 millions de pauvres, encore moins dans celles des 2 millions d’enfants, qui, aujourd’hui, ne vivent pas de manière décente.
Mes chers collègues, j’espère bien que ces deux amendements de suppression ne seront pas adoptés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault, pour explication de vote.
M. Serge Dassault. Malheureusement, notre collègue n’a rien compris.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes des imbéciles, c’est bien connu ! Vous, en tout cas, vous êtes les champions du chômage !
M. Francis Delattre. Quand vous aurez créé autant d’emplois que M. Dassault,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … vous pourrez parler !
M. Serge Dassault. La participation est une source de motivation formidable pour le personnel. Dès lors qu’il sait qu’une partie du bénéfice lui sera aussi distribuée, il fait plus attention, il travaille mieux, il se réjouit que l’entreprise fasse du profit.
Voici ce qu’un syndicaliste m’a dit un jour : « Monsieur le président, votre système est formidable, parce que nous savons maintenant que nous travaillons non pas seulement pour le patron, mais aussi pour nous. » C’est cela, le principe de la participation : tout le monde travaille ensemble, en équipe.
M. Alain Néri. Dassault et Marx, même combat !
M. Serge Dassault. Il n’y a pas de lutte des classes : quand l’un gagne plus, l’autre aussi, en toute égalité. Voilà l’intérêt de la participation ! En plus, cela aboutit à augmenter l’épargne disponible.
Monsieur le ministre délégué, vous auriez tout intérêt à développer la participation. Certains de vos amis m’avaient fait confiance à cet égard voilà quelques années, mais cela n’avait pas suffi pour emporter la décision. J’espère qu’un jour nous serons les plus nombreux.
M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.
Mme Michèle André. Les mois de juillet se suivent et ne se ressemblent pas. Il y a cinq ans, c’est Mme Lagarde, qui était assise au banc du Gouvernement, et M. Marini, alors rapporteur général de la commission des finances, que M. Dassault tentait de convaincre du bien-fondé de son intention.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. J’en avais dit grand bien !
Mme Michèle André. Certes, monsieur le président de la commission des finances, mais tout en demandant le retrait de cet amendement,…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est vrai !
Mme Michèle André. … qui fut long à obtenir, comme s’en souviennent ceux qui ont assisté à cet épisode.
Notre collègue François Marc, aujourd’hui rapporteur général, avait alors pensé que nous pourrions le reprendre.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’était une petite facétie !
Mme Michèle André. Non, nous n’avions pas encore eu connaissance du rapport Guillaume. Nous ne l’avons analysé en commission des finances que par la suite, puis avons organisé un débat afin d’examiner l’efficacité des niches et de cette politique.
Il y a cinq ans, notre collègue Serge Dassault était venu nous serrer la main pour nous remercier de notre soutien. Cette année, tel ne sera pas le cas : le groupe socialiste suivra l’avis du rapporteur général.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre délégué, vous en avez appelé au programme de François Hollande. Puis vous vous êtes empressé d’ajouter que tout le reste était soumis à cet impératif.
Que l’on soit d’accord ou non avec les engagements de François Hollande, on peut comprendre votre logique. Mais permettez-moi de vous dire qu’avec ce dispositif – et ne parlons pas des heures supplémentaires ! –, vous envoyez un signal extraordinairement négatif. Tout ça pour gagner quelques millions d’euros, alors que vous cherchez 7 milliards !
La participation et l’intéressement sont une « invention » du général de Gaulle, de René Capitant et d’autres, qui pensaient que l’association capital-travail devait permettre de dépasser la lutte des classes. Que l’on partage ou non ce point de vue, il faut reconnaître que ce mécanisme a changé les relations sociales au sein de l’entreprise.
Même si les ordonnances de 1967 sont désormais un peu anciennes et s’il convient de modifier celle du 21 octobre 1986, qui est quelque peu dépassée, pourquoi ne proposez-vous pas plutôt d’en revoir les modalités d’application ? Une telle décision éviterait de donner le sentiment que vous voulez porter un coup à la participation et à l’intéressement, alors même que vous vous posez en défenseurs du pouvoir d’achat.
Par rapport à l’ampleur du projet de loi de finances rectificative, l’article 10 n’est que très secondaire sur le plan financier. Sur le plan symbolique, en revanche, il est terrible.
Je partage tout à fait l’analyse de M. Arthuis : la participation et l’intéressement, quelles que soient leurs modalités fiscales, concernent des millions de Français, qui considèrent que ces dispositifs représentent un « plus » pour eux. Pourquoi remettre en cause, pour un résultat si mince, un dispositif qui est de nature à créer un peu de pouvoir d’achat supplémentaire et qui suscite une telle envie, une telle motivation ?
J’entendais Mme David évoquer les parachutes dorés. Pourquoi pas ? Allons-y ! Mais l’intéressement et la participation profitent à des millions de salariés susceptibles d’y gagner quelques dizaines, quelques centaines, voire quelques milliers d’euros supplémentaires. Quel signal le Gouvernement leur envoie-t-il ? Quel message envoyez-vous aux entreprises qui, depuis des années, font un effort en la matière ? Car il s’agit bien d’un effort, d’une volonté d’améliorer les relations dans l’entreprise.
Comme l’a dit notre collègue Serge Dassault, il règne dans les entreprises qui ont mis en place ces dispositifs un autre climat, une autre manière de concevoir les relations sociales. Ne les détruisez pas ; vous y gagneriez bien peu ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean Arthuis applaudit également.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Le Gouvernement se prévaut de demander un effort important aux entreprises plutôt qu’aux ménages. Or, au fur et à mesure que nous progressons dans ce débat, je constate que la distinction entre prélèvements sur les entreprises et les ménages est spécieuse. Pour s’en convaincre, il suffit de faire l’inventaire des dispositions dont nous avons discuté jusqu’à présent.
Il en est ainsi de la disposition relative aux cotisations patronales versées à la Caisse nationale des allocations familiales. En revenant sur la baisse de ces cotisations, vous allez à l’évidence pénaliser le pouvoir d’achat des salariés.
Vous avez également décidé de taxer les heures supplémentaires, qui, je le dis au passage, étaient des heures de travail normales avant que vous n’instauriez les 35 heures, en 1998. En taxant ces heures supplémentaires, vous allez naturellement pénaliser les salariés.
Vous voulez désormais rendre plus difficiles la participation et l’intéressement. Or qui profite de ces dispositifs ? Les salariés, bien sûr !
Voilà trois mesures, prétendument destinées à faire porter l’effort sur les entreprises plutôt que sur les salariés, qui se retournent immédiatement contre les salariés de notre pays. C’est une mauvaise action pour le pouvoir d’achat !
C’est donc une raison supplémentaire d’adopter l’amendement excellemment présenté par notre collègue Serge Dassault et de rejeter les arguments du Gouvernement.
Enfin, je tiens à dire à Mme David qu’il est tout à fait déplorable d’évoquer les intérêts privés de certains de nos collègues. Je ne connais ici que des sénateurs ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bravo !
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. J’ai écouté avec attention l’intervention de M. le ministre délégué, qui nous a dit deux choses.
Tout d’abord, il nous a indiqué que le comité d’évaluation des dépenses fiscales avait jugé ce dispositif « inefficace » ; il a cependant pris la précaution de rappeler que cette instance l’avait aussi classé au niveau 1 sur une échelle de 0 à 3. Or j’ai la faiblesse de penser que, lorsque le comité assortit sa note d’un commentaire évoquant une possible amélioration du dispositif pour mieux atteindre son objectif d’incitation à l’investissement, il ne le juge pas totalement inefficace.
Ensuite, il a tenu à rassurer les sénateurs de droite, en indiquant que le Gouvernement n’était pas hostile à la participation et qu’il avait bien pris acte, lors de la conférence sociale, des préoccupations des salariés à cet égard.
Compte tenu de ces éléments, monsieur le ministre délégué, pourquoi ne pas prendre le temps d’améliorer ces dispositifs, qui ne semblent pas heurter votre vision et qui ne fonctionnent pas suffisamment bien ? Une réflexion pourrait être menée de façon consensuelle dans le cadre d’une concertation, notion si chère au Gouvernement, avec les partenaires sociaux. Après tout, vous prenez bien le temps d’examiner d’autres dispositifs à modifier… En tout cas, cela éviterait d’envoyer un signal détestable en matière de participation.
Je vous demande, mes chers collègues, de surseoir à la mise en œuvre de l’article 10 et de prendre le temps de la réflexion. Il en va, vous l’aurez compris, non seulement du respect d’un principe cher à ce gouvernement, celui de la concertation « à tout va » avant la prise de décision, mais aussi du pouvoir d’achat des travailleurs. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
M. Yann Gaillard. Il y a lors des débats parlementaires de grandes plages d’ennui, durant lesquelles on ne traite que de questions techniques, notamment juridiques et fiscales. On peut ainsi discuter pendant des heures, sans changer quoi que ce soit aux textes. Cela fait partie du jeu !
À d’autres moments, en revanche, quelque chose apparaît brusquement. Cela vient de se produire à l’occasion de l’examen de l’amendement de notre collègue Serge Dassault, dont chacun connaît la doctrine, la personnalité et les positions politiques. Une sorte de haine est en effet apparue du côté de l’extrême gauche.
M. Jacky Le Menn. Oh la la !
M. Yann Gaillard. Cela peut paraître tout à fait étonnant ; pour notre part, cela ne nous étonne pas.
Ce qui me surprend, en revanche, c’est que le Gouvernement ne manifeste aucune espèce de volonté d’adoucir le débat. Qu’y a-t-il de gênant dans le fait qu’une entreprise développe une politique un peu différente de celle des autres ? Pourquoi s’en prendre à de telles pratiques ?
Que le parti communiste, opposé depuis toujours à ces dispositifs, monte sur ses grands chevaux, c’est tout à fait normal. Mais pourquoi le Gouvernement ne manifeste-t-il pas un peu plus de compréhension ?
M. Éric Doligé. C’est le parti communiste qui mène le jeu !
M. Yann Gaillard. En quoi cela le gêne-t-il ? De tels dispositifs sont pourtant un « plus » offert aux salariés. Cette attitude est révélatrice du fonctionnement même de ce gouvernement, dont nous avons malheureusement hérité à la suite de la dernière élection présidentielle.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bravo, monsieur Gaillard !
Mme Marie-Annick Duchêne. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. Ce débat illustre assez bien le fossé qui existe entre la communication et la réalité des projets de loi. Ce grand écart va bientôt atteindre ses limites. Je lis ainsi dans un hebdomadaire, dont le moins que l’on puisse dire est qu’il vous a soutenus (M. Francis Delattre brandit L’Express.), à propos du Président de la République : « Il repousse les réformes » ; « Il endort les Français ». Vous y prenez votre part, monsieur le ministre délégué… Une prochaine rubrique pourrait s’intituler : « Les salariés trinquent ».
Mme Fabienne Keller. Oh oui !
M. Francis Delattre. Ce titre résumerait assez bien l’essentiel de la pensée économique des nouveaux princes qui nous gouvernent (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) : on taxe, on surtaxe et maintenant on fait les poches des salariés ayant la chance de travailler dans des entreprises qui les incitent à bénéficier des fruits de leurs efforts.
« La cohérence », « l’État stratège », « l’effort juste » ne sont en fait que des éléments de langage, les marques distinctives d’une communication mensongère !
Mes chers collègues, cette communication a beau avoir marché lors des dernières élections, les futures fiches de paie vont bientôt contredire bien des complaisances médiatiques.
Mme Annie David. L’intéressement et la participation n’apparaissent pas sur la fiche de paie !
M. Francis Delattre. Le projet de loi de finances rectificative qui devait, mesdames, messieurs de la gauche extrême, sonner l’hallali fiscal des riches, des très riches, est en réalité une parfaite imposture.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh oui !
M. Francis Delattre. Car ce sont les salariés qui, découvrant leur nouveau statut de riches, vont régler l’essentiel de l’addition !
Mme Fabienne Keller. C’est vrai !
M. Francis Delattre. En lisant le tableau que j’ai rapidement évoqué hier, on voit que les choses sont assez simples pour les salariés. Au cas où cela vous aurait échappé, monsieur le ministre délégué, les mesures relatives aux heures supplémentaires et à l’épargne salariale représentent très exactement 6 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires à la charge des salariés et, pour l’essentiel, des salariés relativement modestes. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Caffet. Mais non !
Mme Annie David. Pas du tout !
M. Francis Delattre. Pendant ce temps, les plus riches d’entre les riches, ceux dont on avait annoncé l’hallali, que paieront-ils ? Tout au plus 2 ou 3 milliards d’euros, en une seule fois, au titre de la contribution exceptionnelle…
Quant à la taxation sur les stock-options, elle représente seulement 0,3 milliard d’euros ; et celle sur les banques, 0,6 milliard d’euros !
Autrement dit, la taxation des plus riches rapportera à peine 50 % des 6 milliards d’euros que vous allez prendre dans la poche des salariés ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Alain Néri. Les salariés n’ont plus rien dans leurs poches ! Vous avez tout pris !
M. Francis Delattre. Le désir de détricoter certaines mesures votées par l’ancienne majorité l’emporte quand nous ferions mieux de discuter d’un problème beaucoup plus important : trouver 33 milliards d’euros pour boucler le budget de 2013.