M. Jacques Mézard. Tout à fait !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous proposez d’augmenter les taux de la taxe sur les logements vacants.
Votre préoccupation est née du constat de la spéculation immobilière dans de nombreuses régions, notamment la région parisienne. C’est la réalité : une multitude de logements vacants contribuent à alimenter la spéculation immobilière. Vous proposez donc le doublement en trois ans de la taxe sur ces logements vacants.
Réfléchir à la façon dont nous devons lutter contre la pénurie de logements, contribuer à la modération tant attendue des loyers, permettre que les Français puissent se loger à des prix acceptables, et donc réduire cette part des dépenses incompressibles dans le budget des ménages, est aussi l’une préoccupation du Gouvernement.
Dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances initiale, la ministre du logement, Cécile Duflot, mais également Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac, réfléchissent à une série de mesures qui pourraient contribuer à faciliter la lutte contre l’existence d’un parc de logements vacants aussi important que celui que nous connaissons. Cela me semble aller dans le sens de votre réflexion, monsieur le sénateur.
Il faut néanmoins faire attention à un détail technique : si la taxe est augmentée de manière trop rapide et brutale, la tentation sera grande de contourner le dispositif. Par exemple, il suffit d’installer quelques meubles dans un logement par ailleurs inoccupé : on devient, certes, redevable de la taxe d’habitation, mais on s’exonère de la taxe sur les logements vacants !
Cela dit, votre préoccupation étant légitime et rejoignant la volonté du Gouvernement de faire en sorte que, demain, on puisse se loger moins cher, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.
M. Christophe Béchu. Personne ici ne le conteste, le logement est une source de préoccupations, et la vacance est l’un des leviers pouvant permettre de régler en partie le problème.
En revanche, je suis surpris du débat auquel nous venons d’assister. On nous a expliqué, il y a quelques instants, sur la taxe sur les transactions financières, qu’il était souhaitable d’avoir une vision d’ensemble, que le présent projet de loi de finances rectificative n’avait qu’une ambition temporaire, qu’il ne s’agissait pas de mettre en place des mesures structurelles et que, en quelque sorte, l’on se contentait de poser quelques rustines financières et d’indiquer un certain nombre de directions.
Le groupe RDSE et son président se sont laissé convaincre qu’il était souhaitable d’avoir une vision d’ensemble sur la TTF, qu’ils pouvaient faire confiance au Gouvernement, ce qui justifiait que l’on n’adopte pas de mesures dans l’immédiat.
À l’inverse, alors que le logement est un sujet extraordinairement complexe, que les leviers d’intervention sont multiples - la construction, le blocage des prix, la taxe sur la vacance et j’en passe -, il serait nécessaire d’adopter dès aujourd'hui cette mesure !
Le rapporteur général qualifie l’augmentation de légère. Le ministre délégué a, me semble-t-il, été plus clair, en indiquant que cela représentait un doublement de la taxe en trois ans. Une augmentation de 100 % en trois ans, ce n’est pas exactement « léger « ; c’est, au minimum, significatif, pour ne pas dire davantage.
Si je ne suis absolument pas hostile à une réflexion en ce sens, voire à un alourdissement de la taxation sur les logements vacants, je ne comprendrais pas, alors que l’on nous annonce des textes significatifs sur le logement, que l’on adopte un tel dispositif au sein du présent projet de loi de finances rectificative.
Cette mesure aurait plutôt vocation à s’inscrire dans un texte plus large, plus global. Cela permettrait en outre de s’apercevoir de la cohérence des mesures envisagées par le Gouvernement en la matière. Je pense notamment à la manière dont il intègre les risques de contournement qui ont été évoqués, à la façon dont il honore ses ambitions en matière de construction de logement, ainsi qu’à la force de son engagement pour faire en sorte que nos concitoyens se logent à des tarifs raisonnables, objectif qui a été présenté par le Premier ministre dans la déclaration de politique générale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je voudrais simplement poser une question : cette taxe sur les logements vacants s’applique-t-elle également aux logements sociaux ?
Je m’explique.
Dans le département dont je suis l’élue, tous les offices d’HLM se plaignent du nombre de logements vacants. Ils disent également avoir du mal à loger des locataires dans certaines cités difficiles, et à recenser les logements vacants. Le préfet a confirmé ces propos.
Cette taxe, donc, s’appliquera-t-elle également au logement social ?
M. François Rebsamen. Non !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Le ministre s’en remet à la sagesse de notre assemblée. S’il adopte cette position, c’est qu’il n’est peut-être pas tout à fait convaincu de l’opportunité de cet amendement.
M. Jean-Louis Carrère. Ne faites pas l’exégèse des propos du ministre !
M. Philippe Dallier. Eh bien, je le prends au mot, et je vous propose, mes chers collègues, de faire preuve de sagesse !
Le nombre des mises en chantier décline de manière très significative. La baisse des droits de mutation dans nos collectivités territoriales, chacun le voit, sera, cette année, de l’ordre de 25 % ou 30 %, voire plus.
Le logement est un vrai problème dans notre pays. Le Gouvernement envoie un certain nombre de signaux, que je qualifierais de contradictoires. Il a décidé d’encadrer les loyers de manière assez franche. En réalité, il n’a pas agi pour faire en sorte que les loyers baissent, il a simplement gelé la situation.
J’ai souvent eu l’occasion de dire dans cette enceinte que l’on pouvait trouver, en Seine-Saint-Denis, département dont je suis l’élu, des appartements dans un état piteux, pourtant loués à 25 euros le mètre carré. C’est assez exorbitant. Et même pour des logements loués à ce prix, les aides publiques sont versées. Elles contribuent donc également, à mon sens, à pousser le marché à la hausse.
Il nous faudra mener cette réflexion.
M. Jean-Pierre Caffet. Vous voyez que nous sommes sages !
M. Philippe Dallier. La sagesse serait plutôt – j’irai dans le sens de Christophe Béchu – de considérer le dossier dans son ensemble, d’y bien réfléchir, et de proposer un ensemble de mesures cohérentes.
Vous vous êtes attaqués aux loyers. Vous voulez désormais vous attaquer aux logements vacants ; pourquoi pas ? J’ai tout de même assez peur du résultat. Les investisseurs pourraient bien se détourner radicalement du logement. Au bout du compte, croyez-moi, les conséquences seraient dramatiques !
Certains – je n’ose pas dire les plus extrémistes –…
M. Jean-Louis Carrère. Les plus idéologues ?
M. Philippe Dallier. … pourraient peut-être penser que le logement social aurait tout à gagner d’une attaque portée contre le logement privé. Je ne suis pas certain que cela soit, in fine, un bon calcul. Je pense même le contraire.
La sagesse serait donc de différer toute prise de position hâtive.
J’ajoute un élément, qui n’a pas manqué de m’inquiéter. Nous nous interrogeons sur le sort réservé à Action Logement, l’ancien 1 % patronal.
M. Philippe Marini. Bonne question !
M. Philippe Dallier. Nous avions mis en place un prélèvement pour financer l’ANRU et l’ANAH, mais il avait été mal vécu par les partenaires sociaux. L’opposition d’alors l’avait largement critiqué, en invoquant l’extrême ponction que cela représentait. Or j’ai lu que Jérôme Cahuzac envisageait, pour l’année prochaine, de faire main basse sur le 1 %. Dès lors, il ne resterait rien du tout : plus d’aides aux salariés qui souhaitent acquérir un logement, plus de possibilités pour les travaux, plus rien !
La situation de ce secteur, si important pour l’économie française, est donc extrêmement difficile.
Procéder comme cela, à coup de mesurettes, sans ligne claire qui se dégage, serait très préjudiciable. Voilà pourquoi, à mon tour, mes chers collègues, je vous appelle à la sagesse !
M. le président. La parole est à M. François Rebsamen, pour explication de vote.
M. François Rebsamen. Inutile de s’enflammer ainsi, mes chers collègues. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Dallier. Qui parle de s’enflammer ? Nous sommes convaincus, c’est tout !
M. François Rebsamen. Continuons de travailler comme nous l’avons fait jusqu’à présent.
J’ai écouté avec intérêt, comme d’habitude, notre collègue Philippe Dallier.
Il faut soutenir cet amendement, pour des raisons simples.
D’abord, un tel dispositif a déjà été voté au Sénat.
M. Jean-Claude Lenoir. Ce n’est pas une bonne raison !
M. François Rebsamen. Ensuite, le ministre chargé du dossier à l’époque avait estimé qu’il s’agissait d’une très bonne proposition, mais qu’il était un peu tôt pour la mettre en œuvre. C’était voilà quelques mois. Nous suggérons à présent qu’elle entre concrètement en vigueur.
Enfin, d’après les constats qui ont été dressés, le taux de vacance a nettement diminué dans les agglomérations où la taxe sur les logements vacants s’applique. Par conséquent, comme le soulignait d’ailleurs le ministre du logement de l’époque, la taxe est efficace pour faire diminuer la vacance.
Cette mesure aura donc pour effet d’accentuer la remise sur le marché de logements qui sont aujourd'hui retenus pour des diverses raisons, sur lesquelles je ne m’étendrai pas. Je suis tout à fait favorable, avec le groupe socialiste, à l’adoption de cet amendement. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.
M. Jean Arthuis. Je voudrais à mon tour appeler à la sagesse. (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)
J’ai besoin d’être éclairé. Suffit-il de mettre des logements sur le marché pour faire résorber la vacance ? De nombreux logements sur le marché sont vacants.
La diversité régionale en matière de logements est forte. Il y a des régions où la demande est très supérieure à l’offre. Il y a aussi quelques régions où, à l’inverse, l’offre de logements est supérieure à la demande. Cela se vérifie dans un certain nombre de logements du parc social, mais également dans le privé.
Par conséquent, s’il devait y avoir un « acte III » de la décentralisation, cela pourrait consister à mettre à la disposition des autorités régionales des instruments de cette nature pour qu’ils correspondent à la réalité du terrain.
Je ne voterai donc pas cet amendement, qui me paraît trop brutal et qui s’appliquerait à des situations très diverses.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je souhaite apporter quelques précisions complémentaires en réponse à certains arguments qui ont été avancés et qui sont parfois mal fondés.
Tout d’abord, M. Béchu a évoqué un « doublement » en trois ans. Ce n’est pas du tout le cas. En effet, vous l’aurez noté, il s’agit de passer de 10 % à 12 %, de 12,5 % à 15 % ou de 15 % à 20 %.
M. Jean-Claude Lenoir. De 10 % à 20 %, c’est bien un doublement !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Chacun des trois taux en vigueur supporte une augmentation modeste. Cela ne correspond en rien à un doublement en trois ans.
En outre, madame Procaccia, aux termes du II de l’article 232 du code général des impôts, les logements sociaux ne sont pas concernés.
M. Arthuis a évoqué l’étendue du dispositif. Rappelons simplement qu’il n’est pas possible, à l’heure actuelle, de faire abstraction de la volonté du bailleur. Si un bailleur met en location mais ne trouve pas preneur, la taxe ne s’applique pas pendant deux ans.
Elle s’applique seulement si l’on constate une volonté délibérée du bailleur de ne pas mettre le logement sur le marché. Votre préoccupation est donc satisfaite, mon cher collègue ; il n’y a pas de risque.
C’est pourquoi les arguments qui ont été avancés ne me paraissent pas justifier de changement de position de la part de la commission, qui a émis un avis favorable sur cet amendement.
Monsieur Dallier, non seulement cette mesure avait déjà été votée par le Sénat – M. Rebsamen l’a rappelé –, mais, en plus, elle s’inscrit dans le cadre d’une réflexion longue du Sénat. Plusieurs rapports ont été remis sur le sujet, dont celui, entre autres, de notre ancien collègue Thierry Repentin, fait au nom de la commission de l’économie. Nous nous appuyons sur cet acquis. C’est, me semble-t-il, une démarche tout à fait rigoureuse.
Il s’agit donc d’une avancée nécessaire et attendue de longue date. Raison de plus pour franchir cette étape aujourd'hui, « ici et maintenant » ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Marini. Voilà une belle référence, passée dans la littérature ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault, pour explication de vote.
M. Serge Dassault. Mes chers collègues, qu’entendez-vous par « logement vacant » ? Un logement vide ? Mais si un logement est vide, c’est peut-être tout simplement parce que l’on n’a pas trouvé de locataire ou d’acquéreur.
Il faut donc mieux définir la notion de « logement vacant ». Un logement que l’on achète pour les enfants une fois qu’ils seront majeurs est un logement vacant. Une maison de campagne dans laquelle on ne va pas pendant un an est un logement vacant.
Vous évoquez également un taux de 10 % ou de 20%. Mais 10 % ou 20 % de quoi ? De la valeur du bien ? Mais elle évolue en permanence. Ces chiffres sont bien jolis, mais à quoi correspondent-ils ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Entre nous, si vous voulez des logements, commencez par ne pas bloquer les loyers ! Le blocage, c’est le meilleur moyen pour qu’il n’y ait plus du tout de construction de logements. C’est ce qui s’est passé après la guerre ; on a vu le résultat. Essayez plutôt de lancer des constructions de logements bon marché là où il y a de la demande !
M. le président. Y a-t-il d’autres demandes d’explication de vote ?...
Mme Marie-France Beaufils. Oui, monsieur le président.
M. le président. Vous avez la parole, ma chère collègue.
Mme Marie-France Beaufils. Peut-être faudrait-il trouver un dispositif permettant au président de séance de voir un peu plus vers sa gauche. (Exclamations amusées.) Cela vaut d’ailleurs pour tous les présidents de séance, qui connaissent le même problème.
M. le président. Ma chère collègue, quand on souhaite avoir la parole, il faut lever la main pour la demander. (Sourires.)
Mme Marie-France Beaufils. Mais, précisément, je l’ai fait, monsieur le président. (Nouveaux sourires.)
Le groupe CRC votera cet amendement.
À mon sens, les textes existants encadrent suffisamment la définition des « logements vacants » pour lever les inquiétudes que certains ont exprimées. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.) On parle bien de logements qui sont vacants du fait d’une volonté délibérée des propriétaires de ne pas les mettre sur le marché. C’est, me semble-t-il, cette conception qui prévaut dans les textes.
Il me semble tout à fait opportun de soutenir la démarche de M. Mézard et des membres du groupe RDSE. Le dispositif ouvrira de nouvelles possibilités pour répondre aux besoins dans les grandes agglomérations, particulièrement concernées par la question du relogement.
Ce n’est pas à ce stade de la discussion des articles que nous réglerons le problème des logements insalubres ou en mauvais état. Mais nous pourrons envisager de nouveaux modes opératoires pour le résoudre.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances rectificative, après l'article 6.
Article 7
I. – Il est créé une taxe additionnelle à la taxe prévue à l’article 235 ter ZE du code général des impôts due au titre de 2012. Elle est due par les personnes redevables, en 2012, de cette dernière taxe.
Cette taxe additionnelle est égale au montant de la taxe de risque systémique qui était exigible au 30 avril 2012.
Elle est exigible le 30 août 2012.
Elle est acquittée auprès du comptable public compétent au plus tard le 30 septembre 2012.
Les VI à X du même article 235 ter ZE s’appliquent à cette taxe additionnelle.
II (nouveau). – À la fin du III dudit article 235 ter ZE, le taux : « 0,25 % » est remplacé par le taux : « 0,50 % ».
III (nouveau). – Le II s’applique à compter du 1er janvier 2013.
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin, sur l'article.
M. Joël Bourdin. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la taxe de risque systémique n’est pas forcément mauvaise en soi, ne serait-ce que parce qu’elle a été instituée par le Parlement à la demande du gouvernement précédent. (Sourires.)
En revanche, le doublement de son taux pose problème, parce que son assiette est elle-même problématique. En effet, la taxe est assise sur les actifs des banques, plus précisément sur les actifs pondérés par un indice de risque : ce ne sont donc pas des actifs réels. Les actifs sont corrigés, multipliés par des coefficients, les actifs monétaires, supérieurs à un, ce qui a pour conséquence de « gonfler » l’assiette.
L’idée est effectivement d’imposer une taxe sur les banques beaucoup plus engagées dans des actifs spéculatifs. On assimile ainsi le « risque » à la « spéculation ».
Cependant, méfiance ! Il y a, certes, des risques choisis : les banques qui les ont choisis ont d’ailleurs été pénalisées dans le passé et ont même pénalisé les autres acteurs… Mais il y a aussi des risques nouveaux subis par les banques.
Dans les revues financières, on lit beaucoup de débats sur le ratio de liquidité. Et on nous dit de faire attention. Voilà quelques années, quand une banque achetait certaines obligations, des bons souverains, pas forcément de la Grèce, c’était considéré comme de la monnaie : as good as money. Ce n’était pas pondéré, ni risqué.
Désormais, les banques commencent à voir leurs actifs du bas de bilan pénétrés par des éléments de risque qu’elles n’ont pas choisis. Il y a des bons qu’elles considéraient comme de la monnaie qui n’en sont plus.
Par conséquent, si on impose les banques sur cette partie-là via la taxe de risque systémique, elles accumuleront moins d’obligations, moins de bons, et seront moins présentes sur le marché. Je vous laisse imaginer ce que cela signifie : elles auront sans doute moins d’actifs risqués de bas de bilan, mais elles accorderont moins de crédit. D’ailleurs, c’est déjà un peu le cas aujourd'hui.
Faisons donc attention ! Je suis favorable à la taxe de risque systémique, mais réticent quant au doublement de son taux. N’allons pas trop loin. Il est facile de taper sur les banques. Mais, et j’utiliserai la métaphore du système sanguin, tout le monde a besoin des banques. Des erreurs ont peut-être été commises, certains choix ont sans doute été mauvais, mais les banques sont aujourd'hui fragiles : elles risquent de ne pas être alimentées en liquidités. Alors, méfiance ! Ne tirons pas sur le pianiste ! (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.)
M. le président. L'amendement n° 33, présenté par M. Marc, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un IV ainsi rédigé :
IV. – Le Gouvernement remet, avant le 31 mars 2013, un rapport au Parlement sur l’assiette de la taxe de risque systémique mentionnée à l’article 235 ter ZE du code général des impôts. Ce rapport étudie notamment les modalités d’un élargissement du champ d’application de la taxe à l’ensemble des institutions financières qui sont d’importance systémique ou qui, par leurs liens avec les établissements de crédit, contribuent à la diffusion des risques systémiques.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit là d’un sujet que, par tradition, la commission des finances du Sénat suit avec beaucoup d’attention, comme tout ce qui a trait à la régulation financière.
L’article 7 crée une contribution exceptionnelle due par certains établissements de crédit, qui double le montant de la taxe de risque systémique acquittée par les banques en 2012.
Suite à l’adoption d’un amendement déposé par le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, M. Christian Eckert, les députés ont pérennisé cette modification en doublant le taux de la TRS à compter du 1er janvier 2013.
Ce doublement doit s’accompagner d’une réflexion sur l’assiette et le champ d’application les plus pertinents pour réduire globalement le risque systémique. En effet, le renforcement des réglementations prudentielles applicables aux banques conduit actuellement à une désintermédiation croissante de l’économie et à un renforcement du financement par les marchés et par des acteurs financiers peu régulés, désignés sous le terme de « secteur bancaire parallèle » ou de « shadow banking ». C’est pour mieux éclairer les uns et les autres que nous avons récemment organisé sur ce thème au Sénat une table ronde réunissant de nombreux intervenants.
D’après le Conseil de stabilité financière, le secteur représenterait près de 45 000 milliards d’euros d’actifs financiers en 2010. Il comprend notamment certains fonds d’investissement, des fonds monétaires, des véhicules de titrisation ou encore les entreprises d’assurance, soit dans le cadre de leurs activités de crédit, soit en raison de leur taille et de leur importance dans le fonctionnement de l’économie.
Cette évolution accroît donc, selon nous, le risque systémique, en renforçant les liens entre les banques et les établissements non régulés, dont certains sont déjà ou pourraient devenir d’importance systémique.
Dans ce contexte, il convient de réfléchir aux conditions dans lesquelles pourraient contribuer à la TRS toutes les institutions financières qui sont ou d’importance systémique ou contribuent à la formation ou à la diffusion des risques systémiques.
Nous répondrions ainsi à M. Joël Bourdin qui, à l’instant, relevait que seules les banques sont aujourd'hui touchées par cette mesure et qu’il serait bon, effectivement, de s’intéresser à l’ensemble des établissements, des intervenants, qui, eux aussi, créent ou transmettent du risque systémique.
Tel est bien l’objet de cet amendement : en demandant au Gouvernement, avant le 31 mars prochain, de nous remettre un rapport circonstancié, détaillé, fouillé, nous souhaitons avoir une perception exacte de tous les acteurs qui interviennent dans ce risque systémique.
Forts de cet éclairage, le 31 mars 2013, nous pourrons effectivement présenter une proposition de loi afin d’étendre le dispositif à un certain nombre d’autres acteurs et, en tout cas, de répondre au souci que nous partageons aujourd'hui, de voir circonscrit ce risque systémique du mieux possible et de permettre que la régulation puisse s’étendre au-delà des institutions que nous connaissons tous.
Le shadow banking commence vraiment à susciter des inquiétudes, et pas seulement en France. Il faut réguler davantage, il faut que l’information soit améliorée, comme nous le demandons au travers de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à cet amendement. Monsieur le rapporteur général, nous partageons en effet la préoccupation qu’il traduit.
Aujourd’hui, l’évaluation de l’exposition au risque des établissements bancaires est réalisée par l’Autorité de contrôle prudentiel, l’ACP, qui n’est pas une mécanique administrative classique. Elle réalise de surcroît cette évaluation sur une base solide, l’assiette consolidée mondiale.
Nous avons là une mesure très précise de l’exposition au risque d’un certain nombre d’établissements bancaires, donc des demandes de mise en réserve de fonds propres et de réserve prudentielle qu’il faut réaliser. Par conséquent, nous disposons d’une base solide et d’une assiette solide pour déterminer ce que doit être la taxe sur le risque systémique.
Même si notre situation n’est pas comparable à celle du Royaume-Uni, où le rendement de cette taxe est naturellement supérieur, on peut cependant plus raisonnablement se comparer à l’Allemagne, où, là encore, le rendement de la taxe sur le risque systémique est supérieur à celui de la France. Je formule cette observation afin que vous mesuriez l’importance de la proposition qui vous est faite aujourd'hui d’un doublement du taux de la taxe créée à l’article 7 du PLFR.
Nous sommes favorables à l’amendement n°33 du rapporteur général, donc à l’élaboration d’un rapport sur le champ d’application et l’assiette de la taxe de risque systémique, ne serait-ce qu’en raison de la multiplication des interventions sur les marchés d’acteurs financiers non régulés, ce qui appelle de notre part une très grande vigilance. De ce point de vue, l’initiative du rapporteur général de la commission des finances est la bienvenue.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bien entendu, cet amendement est absolument nécessaire. Comme le relevait à juste titre François Marc, l’audition publique que nous avons réalisée il y a quelque temps sur les opérations bancaires parallèles ou shadow banking a montré que notre pays – comme d’autres, d’ailleurs – a des progrès importants à faire pour que la régulation progresse.
Ma question, monsieur le ministre délégué, va un peu au-delà de cet article et concerne les projets qui peuvent être ceux du Gouvernement en matière de législation sur les banques.
En effet, s’il est légitime de s’inscrire dans une démarche internationale en vue de mieux comprendre et de mieux contrôler les risques, il n’en reste pas moins que, dans la conjoncture déprimée que nous connaissons actuellement, où les crédits sont nécessaires, où la confiance n’est pas ce que nous voudrions qu’elle soit, toute situation d’attente qui se prolongerait trop serait préjudiciable.
En d’autres termes, l’architecture – si c’est bien de cela qu’il s’agit – d’une nouvelle loi bancaire, sans doute en cours d’examen, mériterait, me semble-t-il, d’être assez rapidement précisée dans ses principes si l’on veut éviter que ne s’exerce un effet encore plus dépressif sur le crédit, donc sur le financement de l’économie.
La question qui se pose assez naturellement, au-delà de la normalisation comptable internationale, très cruelle pour le modèle de financement français, est bien de savoir si des restrictions supplémentaires seront apportées et si le cantonnement de fonds propres dans telle ou telle structure serait de nature à porter préjudice à la production de crédits pour l’économie.
Je ferai une dernière remarque à ce sujet. Je crois que, de manière objective, la comparaison des chiffres de production du crédit aux entreprises par les systèmes bancaires montre que, jusqu’en 2011 inclus, le système bancaire français a fait progresser ses engagements, plus que ce n’est le cas chez nos principaux partenaires en Europe.
Maîtriser les risques systémiques est, certes, une nécessité, mais il convient bien entendu de le faire, monsieur le ministre délégué, avec toute la prudence nécessaire, afin d’éviter des problèmes supplémentaires dans un contexte économique imprévisible qui, à tout moment, peut nous réserver des surprises désagréables.