Sommaire
Présidence de M. Charles Guené
Secrétaires :
MM. Jean Desessard, Hubert Falco.
2. Ratification des nominations à une commission mixte paritaire
3. Loi de finances rectificative pour 2012. – Suite de la discussion d'un projet de loi
Amendement n° 100 de M. Jean-Claude Gaudin. – MM. Jean-Noël Cardoux, François Marc, rapporteur général de la commission des finances ; Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget ; Jean-Yves Leconte, Dominique de Legge, Philippe Dominati, Jean Arthuis, Alain Néri, Alain Gournac, Mmes Isabelle Pasquet, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Philippe Bas, Philippe Dallier, Mme Chantal Jouanno, MM. Francis Delattre, André Reichardt, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Jean-Pierre Caffet, Claude Domeizel, Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis ; Philippe Marini, président de la commission des finances.
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
Rejet, par scrutin public, de l’amendement no 100.
Amendement n° 144 rectifié bis de M. Jean Arthuis. – MM. Jean Arthuis, François Marc, rapporteur général ; le ministre délégué, Alain Néri, Vincent Delahaye, Jean-Pierre Caffet, Philippe Adnot, Mme Annie David. – Rejet par scrutin public.
Adoption, par scrutin public, de l'article.
4. Communication d’un avis sur une désignation
5. Loi de finances rectificative pour 2012. – Suite de la discussion d'un projet de loi
Articles additionnels après l'article 1er
Amendement n° 4 de Mme Isabelle Pasquet. – Mme Isabelle Pasquet, MM. François Marc, rapporteur général de la commission des finances ; Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. – Rejet.
Amendement n° 3 de Mme Isabelle Pasquet. – Mme Isabelle Pasquet, MM. François Marc, rapporteur général ; le ministre délégué. – Retrait.
Amendement n° 19 rectifié bis de Mme Marie-Noëlle Lienemann et sous-amendement no 233 du Gouvernement. – Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. le ministre délégué, François Marc, rapporteur général. – Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l’article 1er bis
Amendement n° 62 de M. Thierry Foucaud. – Mme Marie-France Beaufils, MM. François Marc, rapporteur général ; le ministre délégué. – Retrait.
Amendement n° 77 de M. Thierry Foucaud. – Mme Marie-France Beaufils, MM. François Marc, rapporteur général ; le ministre délégué. – Rejet.
Mmes Fabienne Keller, Annie David, MM. Albéric de Montgolfier, Joël Bourdin, Richard Yung, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Jean-Pierre Leleux, François Patriat, Francis Delattre, Mme Caroline Cayeux, MM. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis ; Philippe Adnot, Jean-Pierre Caffet, Philippe Marini, président de la commission des finances ; Christian Cambon, David Assouline.
Suspension et reprise de la séance
MM. Henri de Raincourt, le président.
7. Loi de finances rectificative pour 2012. – Suite de la discussion d'un projet de loi
Amendements identiques nos 101 de M. Jean-Claude Gaudin et 126 rectifié de M. Hervé Marseille. – MM. François Trucy, Hervé Marseille, François Marc, rapporteur général de la commission des finances ; Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget ; Alain Néri, Philippe Dallier, Rémy Pointereau, Mme Catherine Procaccia, MM. Alain Milon, Christophe-André Frassa, Dominique de Legge, Mmes Marie-France Beaufils, Corinne Bouchoux, MM. Christophe Béchu, Martial Bourquin, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Philippe Marini, président de la commission des finances ; Jean-Pierre Raffarin, Mme Marie-Thérèse Bruguière, M. Thierry Foucaud. – Rejet, par scrutin public, des deux amendements.
Amendement n° 14 rectifié quater de Mme Élisabeth Lamure. – Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Amendements nos 98 rectifié et 99 rectifié de Mme Muguette Dini. – M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
Amendement n° 181 de M. Philippe Adnot. – M. Philippe Adnot.
Amendement n° 102 de M. Albéric de Montgolfier. – M. Albéric de Montgolfier.
Amendements nos 127 rectifié, 135 rectifié, 132 rectifié, 134 et 133 rectifié de M. Hervé Marseille. – M. Hervé Marseille.
Amendement n° 29 rectifié de la commission. – M. François Marc, rapporteur général.
MM. le ministre délégué, Christophe Béchu, Philippe Adnot. –Rejet des amendements nos 14 rectifié quater, 98 rectifié, 99 rectifié, 181, 102, 127 rectifié, 135 rectifié, 132 rectifié, 134 et 133 rectifié ; adoption de l’amendement n° 29 rectifié.
Amendement no 12 rectifié ter de Mme Caroline Cayeux. – Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. François Marc, rapporteur général ; le ministre délégué, le président de la commission. – Rejet.
Amendement n° 22 de M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis. – MM. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis ; François Marc, rapporteur général ; le ministre délégué. – Adoption.
M. Vincent Delahaye.
Adoption de l’article modifié.
MM. Albéric de Montgolfier, Philippe Marini.
Amendements identiques nos 103 de M. Jean-Claude Gaudin et 139 rectifié de M. Jean Arthuis. – Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. François Zocchetto, François Marc, rapporteur général ; le ministre délégué, Charles Guené, Vincent Delahaye, Alain Bertrand, Thierry Foucaud. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 78 rectifié de M. Thierry Foucaud. – M. Thierry Foucaud.
Amendement n° 11 rectifié bis de M. Philippe Adnot. – Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Amendement n° 66 de M. Thierry Foucaud. – M. Thierry Foucaud.
MM. François Marc, rapporteur général ; le ministre délégué, Thierry Foucaud. – Retrait de l’amendement n° 66 ; rejet des amendements nos 78 rectifié et 11 rectifié bis.
Adoption de l’article.
Demande de réserve de l’article 5. –MM. le ministre délégué, François Marc, rapporteur général. – La réserve est ordonnée.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Charles Guené
vice-président
Secrétaires :
M. Jean Desessard,
M. Hubert Falco.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Ratification des nominations à une commission mixte paritaire
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au harcèlement sexuel.
En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance d’hier, mercredi 24 juillet, prennent effet.
3
Loi de finances rectificative pour 2012
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012 (projet n° 687, rapport nos 689, avis nos 690 et 691).
Nous poursuivons la discussion des articles de la première partie.
PREMIÈRE PARTIE (suite)
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE Ier (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I. – IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS (suite)
M. le président. Dans la discussion des articles de la première partie, nous poursuivons l’examen, au sein du titre Ier, de l’article 1er.
J’en rappelle les termes :
Article 1er (suite)
I. – L’article 2 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012 est ainsi modifié :
A. – Le I, le IV, le 2° du D du V, le VIII et les B, D et E du IX sont abrogés ;
B. – Le A du IX est ainsi rédigé :
« A. – Le A du VII s’applique à compter du 1er janvier 2013. »
II. – Le code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l’article 2 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012, est ainsi modifié :
A. – Au 3° de l’article L. 241-2, le taux : « 5,38 % » est remplacé par le taux : « 5,75 % » ;
B. – Le II de l’article L. 245-16 est ainsi modifié :
1° Au quatrième alinéa, le taux : « 1,2 % » est remplacé par le taux : « 2,9 % » ;
2° Au dernier alinéa, le taux : « 2 % » est remplacé par le taux : « 0,3 % » ;
C. – L’article L. 241-6 est ainsi modifié :
1° Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° Des cotisations proportionnelles à l’ensemble des rémunérations ou gains perçus par les salariés des professions non agricoles ; des cotisations forfaitaires peuvent être fixées par arrêté ministériel pour certaines catégories de travailleurs salariés ou assimilés ; ces cotisations proportionnelles et forfaitaires sont intégralement à la charge de l’employeur ; »
2° Au 3°, après le mot : « personnes », sont insérés les mots : « salariées et » et les mots : « du régime agricole » sont remplacés par les mots : « des régimes agricoles » ;
3° Le 9° est abrogé ;
D. – L’article L. 241-6-1 est abrogé ;
E. – L’article L. 241-13 est ainsi modifié :
1° Au I, après le mot : « sociales », sont insérés les mots : « et des allocations familiales » ;
2° Au quatrième alinéa du III, les mots : « la somme des taux des cotisations patronales dues au titre des assurances sociales » sont remplacés par le coefficient : « 0,281 » ;
3° Au dernier alinéa du même III, les mots : « par décret dans la limite de la valeur maximale définie ci-dessus » sont remplacés par les mots : « à 0,26 » ;
F. – Au premier alinéa de l’article L. 131-7, la date : « 1er octobre 2012 » est remplacée par la date : « 1er janvier 2011 » ;
G (nouveau). – Le second alinéa de l’article L. 755-2 est supprimé.
III. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
A. – L’article L. 741-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 741-3. – Les cotisations prévues à l’article L. 741-2 sont calculées, selon des modalités fixées par décret, en pourcentage des rémunérations soumises à cotisations d’assurances sociales des salariés agricoles. » ;
B. – À l’article L. 741-4, après le mot : « articles », est insérée la référence : « L. 241-13, ».
IV. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
A. – À la fin de l’article 278, le taux : « 21,20 % » est remplacé par le taux : « 19,60 % » ;
B. – Le 1 du I de l’article 297 est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa du 5°, le taux : « 8,7 % » est remplacé par le taux : « 8 % » ;
2° Au début du premier alinéa du 6°, le taux : « 14,1 % » est remplacé par le taux : « 13 % » ;
C. – Le I bis de l’article 298 quater est ainsi modifié :
1° Au 1°, le taux : « 4,73 % » est remplacé par le taux : « 4,63 % » ;
2° Au 2°, le taux : « 3,78 % » est remplacé par le taux : « 3,68 % » ;
D. – Le tableau du deuxième alinéa de l’article 575 A est ainsi rédigé :
« |
Groupe de produits |
Taux normal |
|
Cigarettes |
64,25 % |
||
Cigares |
27,57 % |
||
Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes |
58,57 % |
||
Autres tabacs à fumer |
52,42 % |
||
Tabacs à priser |
45,57 % |
||
Tabacs à mâcher |
32,17 % |
» |
V. – Le dernier alinéa du I de l’article L. 1615-6 du code général des collectivités territoriales est supprimé.
VI. – Le 3° du II de l’article 53 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 est ainsi rédigé :
« 3° La taxe sur la valeur ajoutée brute collectée par les producteurs de boissons alcoolisées ; ».
VII. – A. – Le C du IV s’applique à compter du 1er janvier 2012.
B. – Le A du II s’applique à compter du 1er janvier 2013 aux sommes déclarées par les assujettis au titre des périodes ouvertes à partir de cette date.
C. – Pour l’année 2012, le 3° de l’article L. 241-2 du code de la sécurité sociale s’applique dans sa rédaction en vigueur au 1er janvier 2012.
D. – Le B du II s’applique :
1° Aux revenus du patrimoine mentionnés à l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale perçus à compter du 1er janvier 2012 ;
2° Aux produits de placements mentionnés au I de l’article L. 136-7 du même code payés ou réalisés, selon le cas, à compter du 1er janvier 2013 et à ceux mentionnés au II du même article pour la part de ces produits acquise et, le cas échéant, constatée à compter du 1er janvier 2013.
E. – Pour les produits de placements mentionnés au I de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale payés ou réalisés, selon le cas, du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2012 et pour ceux mentionnés au II du même article pour la part de ces produits acquise et, le cas échéant, constatée du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2012, le produit des prélèvements mentionnés au I de l’article L. 245-16 du même code est ainsi réparti :
1° Une part correspondant à un taux de 0,3 % au fonds mentionné à l’article L. 135-1 du même code, dont une part correspondant à un taux de 0,2 % à la section mentionnée à l’article L. 135-3-1 dudit code ;
2° Une part correspondant à un taux de 1,3 % à la Caisse d’amortissement de la dette sociale ;
3° Une part correspondant à un taux de 2,2 % à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés ;
4° Une part correspondant à un taux de 0,6 % à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés ;
5° Une part correspondant à un taux de 1 % à la Caisse nationale des allocations familiales.
M. le président. Tous les intervenants sur l'article s’étant exprimés, nous abordons l’examen des amendements.
L'amendement n° 100, présenté par M. J.C. Gaudin et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Notre collègue Jean-Claude Gaudin étant absent, je vais essayer de défendre l’amendement qu’il a déposé.
Il s’agit d’un amendement « de suppression de suppression », puisqu’il vise à supprimer l’article 1er supprimant la TVA sociale, laquelle, comme cela est rappelé dans l’objet, devait rapporter 13,2 milliards d’euros au budget de l’État et, surtout, donner un coup de fouet à la compétitivité des entreprises.
On a beaucoup parlé hier du problème de la TVA sociale, ou TVA anti-délocalisation. Pour ma part, contrairement à certains de nos collègues qui ont regretté un certain flottement dans la désignation de cette TVA, je soutiens les deux termes, qui sont complémentaires, malgré des significations distinctes.
Dans un premier temps, elle fut dénommée TVA sociale car elle devait succéder à une charge de l’ordre de 5 milliards d’euros pesant sur les entreprises et destinée à financer la branche famille de la sécurité sociale. On se demande d’ailleurs pour quelle raison historique ce financement reposait sur les entreprises.
Cette TVA sociale devait également son nom à la distinction opérée entre les biens de consommation courante acquis par les ménages les moins aisés, sur lesquels pesait un faible taux de TVA, et les biens concernés par un taux normal, sur lequel devait porter l’augmentation.
Quant à la dénomination « TVA anti-délocalisation », elle se justifie par le fait que l’augmentation en question permettait de protéger les entreprises françaises en taxant des produits pour la plupart importés de pays où le coût de la main-d’œuvre est faible.
Pour nous, la suppression de cette TVA est un mauvais coup porté à l’économie française. Une telle décision est d’ailleurs d’autant plus surprenante que tant la Cour des comptes que certains anciens parlementaires socialistes devenus ministres, ainsi que certaines associations proches du pouvoir comme Terra Nova, avaient soutenu, en filigrane, l’instauration de la TVA sociale. La situation est d’autant plus inquiétante que le Gouvernement n’a présenté, à ce jour, aucune solution de substitution.
Hier, on a beaucoup parlé de la CSG, dont l’augmentation, comme certains l’ont rappelé, n’a pas encore été décidée. Néanmoins, je le rappelle, le Président de la République a affirmé récemment que, entre la TVA sociale et la CSG, il avait porté son choix sur la CSG. J’ai également entendu Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie, dire que la CSG serait destinée à financer la réforme de la dépendance. On peut se demander comment cette contribution, qu’il appartiendra de définir dans les mois qui viennent, pourrait à la fois bénéficier aux entreprises en venant réduire leurs charges patronales pour améliorer leur compétitivité et, en même temps, financer la dépendance, qui, chacun le sait, nécessite des sommes considérables.
Je le rappelle rapidement, la CSG est un impôt rétrograde et injuste puisqu’il frappe tous les revenus d’une manière uniforme, sans opérer de sélection. L’augmenter, comme ce sera sans doute le cas dans les mois qui viennent, consistera à reprendre d’une main ce qui a été donné de l’autre, en particulier aux salariés les plus modestes, qui ont bénéficié récemment d’une faible augmentation du SMIC. Finalement, ceux-là n’apercevront pas de grand changement au bas de leur feuille de paye !
J’ajoute également que la suppression programmée de la TVA sociale est un mauvais signal donné à nos partenaires européens. Je ne reviendrai pas sur les tribulations de l’Europe, dont les médias nationaux se sont encore fait l’écho ce matin, mais je rappellerai que nos partenaires attendaient des gestes forts en faveur du désendettement et de l’amélioration de la compétitivité française. Or cette suppression pure et simple ne va pas dans ce sens.
Certains ont souligné hier que les pays qui avaient appliqué la TVA sociale n’avaient pas bénéficié de l’effet qu’ils en attendaient, insistant en particulier sur l’inflation qu’elle avait engendrée en Allemagne. Si ce pays a connu, il est vrai, une légère inflation, celle-ci n’a été que de quelques points pendant très peu de temps. La situation est rapidement revenue à la normale.
J’ajoute que les projections établies à l’époque par le précédent gouvernement indiquaient, compte tenu du gain de compétitivité qui aurait été réalisé par les entreprises, que l’impact sur les prix serait de l’ordre de 0,4 % à 0,5 %, chiffres bien différents de ceux qui ont été annoncés.
J’ajoute encore que les pays scandinaves, et en particulier le Danemark, appliquent cette TVA dite sociale depuis très longtemps. Le Danemark est en effet, avec la Suède, l’un des pays d’Europe où le taux de TVA est le plus élevé, puisqu’il atteint 25 %. En contrepartie de cette augmentation, toutes les charges sociales des entreprises pesant sur les salaires ont été supprimées, ce qui est loin d’être négligeable. Or, chacun peut constater que, dans le concert européen, les pays scandinaves font partie du bloc du Nord, qui n’est pas le plus mal placé sur le plan financier.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Noël Cardoux. On a manqué une formidable occasion en ne mettant pas à plat l’ensemble des taux et des bases de la TVA, lorsque, voilà quelques années, il y avait un taux à 33 %. Pourquoi n’a-t-on pas orienté la réflexion vers une distinction entre un taux réduit pour les biens de première nécessité, un taux intermédiaire, puis un taux majoré – peut-être de 25 % – sur les biens que les ménages n’ont pas l’impérieuse nécessité de consommer. Cela aurait été à la fois un signal fort adressé aux entreprises et une mesure de justice sociale, la taxe étant parfaitement répartie entre les consommateurs français.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances La commission des finances est défavorable à cet amendement, conformément à la position adoptée par la majorité du Sénat depuis déjà plusieurs mois.
Il a été dit hier que ce projet de loi de finances rectificative était en quelque sorte une « revanche idéologique »…
M. Albéric de Montgolfier et Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Non « une revanche fiscale » !
M. Jean-Pierre Caffet. Au nom de l’idéologie !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il est clair qu’il existe plusieurs options, qui ont d’ailleurs été largement évoquées hier, pour sortir de l’ornière dans laquelle se trouve notre pays.
Je tiens à attirer l’attention de notre collègue Jean-Noël Cardoux sur le fait que, dans le projet de loi de finances rectificative présentée par la droite, le déficit atteignait 84 milliards d’euros, alors que le texte qui vous est aujourd’hui soumis, mes chers collègues, a vocation à ramener ce déficit à 81 milliards d’euros. Nous parvenons ainsi, par d’autres moyens, à améliorer le solde de nos finances publiques. Dès lors, l’idée selon laquelle, à défaut de la ressource dégagée par la TVA sociale, notre situation se dégraderait et que nous donnerions à l’Europe une image déplorable n’est pas valable.
Je suis donc défavorable à cette mesure d’abord parce que son impact sur l’emploi sera quasiment nul. Par ailleurs, elle aura un effet inflationniste, comme nous avons pu le constater dans un certain nombre de pays. Enfin, il ne s’agit pas, comme M. le ministre l’a démontré hier avec beaucoup de talent, d’améliorer à la marge la compétitivité-prix, qui ne pose pas de problème particulier, mais la compétitivité hors coût.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. En donnant l’avis du Gouvernement sur l’amendement défendu par M. Cardoux, je me permettrai de répondre également aux orateurs qui ont pris la parole sur l’article 1er. J’estime en effet que plusieurs débats ont été ouverts à cette occasion.
Le premier est purement politique. Il est vrai, monsieur le sénateur, qu’un membre du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, alors qu’il était encore dans l’opposition, s’était déclaré favorable à l’idée qu’une diminution des charges pesant sur les entreprises en faveur de la protection sociale pourrait être compensée par une augmentation de la TVA. Il s’agit naturellement de Manuel Valls, auquel vous avez fait référence sans le citer.
Je prononce son nom sans craindre de le gêner en quoi que ce soit, comme je ne vous embarrasserai pas, Monsieur le sénateur, en rappelant que d’autres avaient condamné cette façon de procéder. Le premier était un certain Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie et des finances, lequel indiquait d’ailleurs, pour mettre en garde vigoureusement les parlementaires qui auraient été tentés par cette solution, que celle-ci lui apparaissait comme « un mauvais coup porté à la croissance ». ; je reprends à dessein son expression.
D’autres responsables se montrèrent hostiles à la TVA sociale. Ce furent, en 2007, dans un rapport conjoint, Éric Besson, dont je peux concevoir que l’appartenance précise à tel ou tel groupe peut prêter à débat, et Christine Lagarde, dont le positionnement politique ne peut, en revanche, être mis en doute. Cette dernière a eu des écrits très sévères à l’égard d’une politique qui consisterait à augmenter la TVA pour compenser une baisse des cotisations sociales.
Plus récemment, François Baroin, en tant que ministre de l’économie, s’était opposé, avant que le précédent président de la République ne fasse ce choix, à ce que cette politique soit celle du gouvernement auquel il appartenait.
Vous le voyez, sur le plan politique, les positions sont diverses. C’est d’ailleurs tout l’intérêt du débat que nous pouvons avoir. Finalement, et c’est rassurant, celui-ci est loin d’être manichéen. Il n’en est que plus intéressant.
Le second débat est d’ordre technique. Vous avez indiqué que la hausse de TVA procurerait un surplus de recettes pour l’État d’environ 13,2 milliards d’euros. Permettez-moi de vous dire que cette mesure aurait produit une recette non pas de 13 milliards d’euros, mais d’un peu moins de 11 milliards d’euros. En outre, il ne s’agissait pas d’une recette supplémentaire puisque l’État l’abandonnait immédiatement au profit de la protection sociale. En cohérence avec la loi Veil, il lui fallait en effet compenser une perte de recettes qu’il avait lui-même décidée au détriment de la protection sociale. Cette hausse de la TVA n’aurait donc pas procuré le moindre euro de recettes supplémentaires à l'État.
Le troisième débat est de portée plus économique. On peut délibérer à l'infini des conséquences qu'aurait eues cette hausse de la TVA et même affirmer, comme je l'ai entendu dans la bouche de nombreux intervenants, que ce sont alors les importations qui auraient financé la protection sociale.
M. Albéric de Montgolfier. Majoritairement !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J'ai l’habitude, dans ce genre de discussion, de citer quelqu'un que vous avez tous bien connu les uns et les autres et qui fut, me semble-t-il, plus proche de l'opposition que de la majorité actuelle ; je veux parler d'Alain Madelin. Celui-ci déclare ainsi que prétendre que ce sont les produits importés qui supporteraient cette taxe, c'est comme affirmer que ce sont les vaches qui acquitteraient une taxe sur le lait !
M. Albéric de Montgolfier. Le lait, il est soumis à une TVA à 5,5 % ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. En vérité, qu’on le veuille ou non, ce sont les consommateurs qui acquitteraient cette taxe en achetant leurs produits et non les produits importés.
Je vois bien l'intérêt d’une hausse de la TVA, quelle que soit son ampleur. Il s'agirait en fait d'une mini-dévaluation compétitive. Nous pouvons au moins convenir de ce point, à condition de nous accorder sur les conditions nécessaires à la réussite de cette mini-dévaluation pour notre compétitivité. Car l'on sait bien que, pour être efficace et améliorer la compétitivité des entreprises, toute dévaluation doit être accompagnée de mesures complémentaires. À défaut, elle est vouée à l’échec, et, en France, nous avons acquis une solide expérience en la matière au cours des quarante ou quarante-cinq dernières années.
Parmi ces mesures complémentaires, il faut citer le gel des salaires et des pensions ; en effet, à défaut de geler les salaires et les pensions lorsqu’il est procédé à une mini-dévaluation compétitive, celle-ci reste dénuée d’effet. Or je me permets de rappeler que la majorité de l'époque n'avait pas prévu de geler les salaires et les pensions, pour des raisons que, sur un plan politique, l’on peut comprendre parfaitement. En l’absence de ce gel, et dès lors que les produits importés auraient immanquablement augmenté au moins à due concurrence de la hausse de la TVA, il est à craindre que, soit les consommateurs auraient subi une incontestable perte de pouvoir d'achat correspondant au moins au volume des produits importés acquis par eux, soit, en l’absence de toute perte de pouvoir d'achat faute d’un gel des salaires et des pensions, l’effet compétitivité pour les entreprises se serait dissipé sinon dans les semaines, du moins dans les mois suivants.
Dès lors, pour l'honnêteté intellectuelle des débats, il conviendrait que ceux qui défendent cette politique consistant en une baisse des charges sociales compensée par une hausse de la TVA – en réalité procéder à une mini-dévaluation compétitive au moyen d’une augmentation de la TVA – devraient préciser que, pour être complète, cette mesure devrait nécessairement s’accompagner d’un gel des salaires et des pensions. (Rires ironiques sur les travées de l'UMP.)
Même si l’on peut en contester l’efficacité, l'ensemble serait alors cohérent. En l’absence de tout gel, cette politique est condamnée à l’échec.
M. Alain Gournac. Merci professeur !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il n’aura échappé à personne que la majorité précédente n’a pas osé mettre en œuvre cette mesure. Pour ce qui le concerne, le présent Gouvernement ne souhaite évidemment pas procéder à ce gel. C’est pourquoi il ne peut que s'opposer à cet amendement qui tend en réalité à instaurer une demi-mesure inefficace, au prix d'une formidable perturbation entre les finances de l'État et celles de la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je souhaiterais répondre à la proposition de restauration de cette TVA dite « sociale » par l’amendement n° 100, déposé par le groupe UMP.
Pour moi, cette proposition est dangereuse pour les recettes de l’État, car la TVA est, de loin, la taxe la plus rentable, puisqu’elle représente plus de la moitié de l’ensemble des recettes fiscales.
Cet impôt, qui s’appuie sur la consommation, constitue donc le premier « centre de profit » de l’État. Il n’est donc pas raisonnable de lier encore plus les recettes budgétaires et les prélèvements obligatoires à notre consommation. Avant même d’être une absurdité sociale et économique, ce serait d’abord un risque supplémentaire pour les finances publiques.
C’est ensuite une absurdité sociale et économique : 10 milliards d’euros de TVA collectés en plus, ce sont 10 milliards d’euros payés en plus à l’État par les consommateurs, en fonction non pas de leurs revenus, mais de leur consommation. Elle touchera donc proportionnellement plus ceux qui ne parviennent pas à joindre les deux bouts avec leur salaire et qui consommeront moins en payant plus à l’État.
C’est donc une atteinte au pouvoir d’achat qui pèsera sur la croissance. Il serait pourtant juste et utile, dans une période de stagnation, de ne pas pénaliser la consommation des foyers défavorisés.
Il est d’ailleurs étonnant de voir l’UMP, dans la discussion générale, crier à l’atteinte au pouvoir d’achat lorsque l’on propose de mettre l’ensemble des contribuables à égalité en matière de taxation des revenus du travail, heures supplémentaires, perçues ou non, et voir cette même UMP proposer simultanément, sur une autre disposition, l’augmentation de la TVA, qui attaquerait beaucoup plus fortement le pouvoir d’achat de l’ensemble des Français.
Mais cette incohérence, qui a marqué votre politique, c’est aussi la raison de votre échec.
Cette proposition est aussi marquée par l’absence de réalisme et, d’abord, par une méconnaissance des entreprises. (M. Alain Gournac s’exclame.)
L’UMP aujourd’hui, comme le gouvernement Fillon-Sarkozy hier, dit que la baisse des cotisations sociales sera très exactement compensée par une baisse des prix hors taxes. Quelle méconnaissance du fonctionnement des entreprises ! Elles prendront cette baisse de coût comme un effet d’aubaine qui n’impliquera aucune évolution des prix hors taxes. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Les entreprises auront des raisons à cela, car elles doivent, elles aussi, affronter la crise. Cette possibilité d’améliorer leurs marges sera, bien entendu, utilisée au maximum. Les entreprises ont aussi leur agenda : face à la raréfaction du crédit, elles doivent améliorer leurs résultats pour rester présentables devant les assureurs crédit et les agences de notation et elles le feront si vous leur en donnez la possibilité. Ce sera peut-être bien pour elles, mais ce sera dangereux pour le budget de l’État, pour la consommation et la croissance.
Enfin, c’est une illusion pour la compétitivité car, pris de vertige par le déficit du commerce extérieur en 2011 – 70 milliards d’euros –, le gouvernement Fillon constate, au début de 2012, le manque de capacité de nos entreprises à être performantes à l’export. Plutôt que de travailler à une nouvelle fiscalité pour les PME, pour réorienter l’épargne des Français vers les entreprises et non pas vers la pierre ou les produits financiers, pour favoriser l’innovation, le gouvernement d’alors choisit la facilité : baisser les cotisations sociales pour faire bénéficier les exportateurs d’un effet similaire à celui d’une dévaluation.
Pourtant nous avons vécu ces politiques il y a trente ans et nous savons que dévaluer pour exporter, c’est une solution de facilité qui n’a d’effet positif que quelques mois. (M. Philippe Dallier s’exclame.) Effet positif que l’on paye au centuple ensuite...
Cette proposition fragilisera surtout durablement le financement de notre protection sociale.
Ajoutons enfin qu’en février le gouvernement a cédé à la facilité sans se rendre compte qu’en Allemagne les secteurs qui exportent ont un coût du travail largement supérieur à celui de la France. C’est particulièrement vrai du secteur automobile, dont la santé vient plus de stratégies gagnantes que d’un dumping social consistant à toujours rechercher plus pauvre que soi.
Il convient donc de ne pas céder à l’analyse simple qui nous est servie sur notre manque de compétitivité, manque de compétitivité malheureusement largement renforcé ces dix dernières années par un État qui avait perdu le sens de ses missions essentielles, qui a mal réparti les efforts nécessaires et a confondu le sens des valeurs « travail » et « innovation » avec la rémunération de la rente, sans voir qu’il y avait une contradiction fondamentale entre les premières et la seconde.
Enfin, cette politique a remis en cause notre protection sociale.
Transférer une part importante – 10 milliards d’euros – des recettes de cotisations sociales vers la TVA change fondamentalement la nature de notre protection sociale : on affaiblit les recettes de l’État et on rend les prélèvements obligatoires moins redistributifs.
En réalité, cette politique, qui veut faire payer une part significative de la protection sociale par la consommation, est bien dans la droite ligne du bouclier fiscal : ce sont les plus défavorisés qui, proportionnellement, contribueront le plus demain au financement de la sécurité sociale.
Risquées pour les finances de l’État, affaiblissant notre protection sociale, sans aucun effet sur la capacité de nos entreprises à être plus performantes à l’exportation, les propositions du groupe UMP sont facilement identifiables : elles portent l’ADN des gouvernements d’un quinquennat qui a coûté 800 milliards d’euros à la Nation.
L’UMP vous propose aujourd’hui de récidiver en remettant encore plus en cause les capacités de l’État et notre modèle social.
Voilà pourquoi il faut refuser cet amendement symbole d’une politique menée depuis dix ans et qui a conduit le pays à la porte de la faillite.
Hier, de manière effrontée, sans vergogne, nous avons vu plusieurs orateurs, anciens soutiens des gouvernements Fillon-Sarkozy, nous donner des leçons d’efficacité, souligner la gravité de la situation, crier à l’urgence de la réforme. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Tout cela, nous le savions, les Français aussi. C’est la raison de leurs votes en mai et en juin.
C’est aussi pour cela que nous voulons une autre politique. C’est urgent lorsque 30 % des dépenses de l’État ne sont plus financées que par la dette, c’est-à-dire par les générations futures.
Nous voulons reconstruire un pays dont les politiques publiques sont financées, la protection sociale assurée, faire de la fiscalité un outil de politique économique capable de dynamiser les entreprises, leur capacité d’innovation, de s’extraire des exigences des financements de court terme, favorisant la croissance et la redistribution.
C’est pourquoi il faut repousser cette proposition de restauration de la TVA dite « sociale » présentée par le groupe UMP.
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. En effet, beaucoup a été dit sur cette TVA sociale, TVA anti-délocalisation, TVA compétitivité. Au fond, la question qui est soulevée est très simple, c'est celle du financement de notre protection sociale.
Les uns et les autres, sur quelque travée que nous siégions, avons évolué dans l’appréhension de cette question et dans les réponses que nous lui apportons. Vous-même en avez fait la démonstration tout à l'heure, monsieur le ministre. En tout cas, je ne suis pas certain qu'en supprimant ce qui a été précédemment mis en place vous régliez le problème de fond. Vous ne faites que le décaler.
En l’occurrence, la mesure adoptée par l’ancienne majorité consistait à transférer une part du financement de la branche famille vers la TVA. Et je ne vois pas pour quelle raison les entreprises ont vocation aujourd’hui à financer cette branche.
Faisons un tout petit peu d'histoire.
À l’origine, un certain nombre d'employeurs ont volontairement fait le choix d’attribuer un sursalaire à leurs employés assumant des charges familiales, pour pallier en quelque sorte une inégalité de revenus. Nous ne sommes plus du tout dans ce contexte. En 1945 ont été généralisées les allocations familiales, lesquelles sont aujourd’hui totalement déconnectées de la sphère du travail. Par conséquent, la question du financement de la branche famille se pose plus particulièrement et, je le répète, je ne vois pas ce qu'il y a d'incongru à penser que celui-ci puisse être assuré par un impôt sur la consommation et que le renouvellement des générations soit assuré par un financement pesant sur la consommation d'aujourd'hui.
Nous dénonçons tous le fait que nous vivons à crédit sur le dos de nos enfants. Si nous avions le courage de réfléchir un tout petit peu plus loin et d’envisager le financement de la branche famille par la consommation, nous réglerions très largement ce problème de la dette que nous allons laisser à nos enfants.
Au fond, vous avez sans doute la même analyse que nous, mais vous êtes tellement préoccupés par votre volonté de défaire tout ce qui a été fait précédemment que vous en oubliez l'essentiel, à savoir apporter une réponse au financement de notre protection sociale.
C'est la raison pour laquelle, avec nombre de mes collègues, je voterai bien évidemment cet amendement de suppression de l’article. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Bien qu’étant cosignataire de cet amendement du groupe UMP, pour autant, je ne le voterai pas, ce dont je prie mes collègues de bien vouloir m’excuser. Je vais très rapidement expliquer les raisons qui motivent ce choix.
En tant que parlementaire, ma principale préoccupation est le rétablissement des finances publiques, et ce dans des délais aussi brefs que possible. C’était l’objectif du programme présidentiel de Nicolas Sarkozy.
La réussite de cette entreprise tient aux moyens qu’on met en œuvre à cette fin. Par conviction, je considère que cela passe par moins d'État, moins de prélèvements obligatoires et, surtout, des économies sur les dépenses publiques.
La hausse de la TVA, je l'ai contestée lorsque j'étais membre de la majorité parce que j’estimais qu’elle n'était pas nécessairement une bonne mesure, une mesure opportune, faisant miennes les réticences « techniques » d’un certain nombre des ministres des finances de la majorité à laquelle j’appartenais. Et c'est seulement sous la pression de la crise internationale que le gouvernement puis le Président de la République se sont ralliés à cette option, option en faveur de recettes exceptionnelles dans un moment exceptionnel.
C’est à l'exécutif qu’il appartient de choisir où il trouvera des recettes, et il n’appartient pas à l'opposition de l'aider à en découvrir de nouvelles au moyen de prélèvements obligatoires nouveaux. Mon engagement politique est tendu vers une baisse des prélèvements obligatoires. C’est pourquoi j’ai combattu dans le passé des mesures de l'ancienne majorité contrevenant à cet objectif et je m'apprêtais, tout le monde le sait, dans cette seconde mandature, à combattre celle-ci.
Sur le plan technique, il convient de souligner que les produits importés sont touchés à 24 % de la recette sur le taux de TVA à 18,6 %, à 21 % sur le taux à 5,5 %, et à 14 % sur le taux à 2,1 %. Cela signifie que, sur quatre produits, un produit étranger est fiscalisé. Par conséquent, l’opportunité d’une telle solution peut être débattue.
Sur le plan international, on parle souvent de l’Allemagne, qui avait établi une convergence avec la France en augmentant la TVA de 16 % à 19 %, dont seulement un point avait été affecté à la « TVA sociale ». Or, au moment de cette convergence avec la fiscalité allemande, je trouvais qu’il était gênant que notre pays s’éloigne de l’Allemagne.
En outre, en tant que chef d’entreprise, je sais que les effets de cette mesure sont limités et peu flagrants si la santé financière de l’entreprise, sa compétitivité ou sa part sur le marché international sont bonnes. Dans ce cas, la société gardera la marge pour des investissements ou dans l’attente de jours meilleurs. En revanche, cette disposition porte atteinte au pouvoir d’achat de mes clients si je travaille à la fin de la chaîne sans être un intermédiaire et pose un réel problème.
Sur le plan politique, en tant qu’opposant, j’ai déjà dit qu’il appartenait au Gouvernement de trouver les recettes à partir du moment où il ne fait pas d’économies sur les dépenses.
En ce qui me concerne, j’estime que le dispositif concerné est de nature sociale-démocrate. Je ne sais pas si je dois me féliciter que Mme Lagarde ait convaincu M. Cahuzac ou que M. Valls ait persuadé un certain nombre de mes amis. Je reconnais que j’ai du mal à y voir clair… (M. Jean-Pierre Caffet s’exclame.)
En tout cas, ce que je sais, c’est que j’ai refusé par le passé la création de plusieurs impôts nouveaux et que ma position sera la même à l’avenir.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le président, je ne voterai pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.
M. Jean Arthuis. Le débat que nous avons aujourd’hui met en cause diverses sensibilités et conventions.
Personnellement, je voterai contre cet amendement, car 1,6 point de TVA ne me semble pas à la mesure des enjeux. C’est pourquoi je vous proposerai dans quelques instants un amendement qui vise à augmenter le taux de TVA, non pas de 1,6 point, l’impact d’une telle hausse étant trop marginal pour être significatif, mais d’au moins 5 %. Ne faisons pas les choses à moitié !
Monsieur le ministre, vous avez développé une argumentation tout à fait brillante, comme à l’accoutumée, utilisant des références multiples. Je crois pouvoir dire que les hommes et les femmes politiques de gauche, de droite et du centre sont parfois victimes d’un certain nombre de tabous et de conventions de langage. Ces questions suscitent une hypersensibilité, à l’image de la cacophonie et de la polémique incroyables qui avaient duré une semaine entière entre les deux tours, après le débat sur la TVA sociale qui s’était invité au soir du premier tour des élections législatives en 2007. Toute pédagogie était devenue impossible !
Tout à l’heure, vous vous demandiez qui payait. Il est très politiquement correct de dire que certains impôts sont acquittés par les entreprises tandis que d’autres le sont par les ménages. Mais, monsieur le ministre, mes chers collègues, y a-t-il un seul impôt payé par les entreprises qu’on ne retrouve pas dans le prix demandé aux consommateurs ? N’est-ce pas un abus de langage que d’invoquer cet argument, trop commode et trop illusoire ? L’impôt est toujours payé par nos concitoyens. Ce discours sur « l’entreprise paie » était parfait en économie nationale, étanche, mais qu’en est-il en économie mondiale ?
Enfin, Monsieur Leconte, n’êtes-vous pas frappé par la vision de ces usines qui se sont transformées en lieux de distribution, parce qu’il est plus simple de mettre sur le marché des produits qu’on a importés, plutôt que de produire ici en France, en respectant l’ensemble des législations que nous avons édictées un jour ou l’autre ? Aujourd’hui, Peugeot n’est-il pas au banc des accusés parce qu’il a osé essayer de produire encore en France, alors que ses concurrents étaient partis à l’étranger !
Quel procès instruisons-nous ?
Je souhaite vraiment que nous puissions entamer un débat sur ces questions, en toute sérénité. Monsieur le ministre, maintenir un impôt assis sur les salaires, c’est, en économie globale, appliquer un droit de douane…
M. Jean-Pierre Caffet. Non !
M. Jean Arthuis. … à ceux qui produisent en France, droit dont sont exonérées toutes les entreprises qui font produire à l’extérieur pour approvisionner le marché national.
J’en déduis que vous excluez la possibilité de faire supporter, par les recettes des produits importés, une fraction du financement de notre protection sociale. Pour ma part, je ne me résous pas à cette fatalité, et je plaide inlassablement pour que l’impôt de consommation soit utilisé à cette fin.
Je sais que ce point de vue suscite des questions existentielles chez les partenaires sociaux : si un impôt, une cotisation assise sur les salaires n’est plus la ressource du financement de la protection sociale, les partenaires sociaux sont-ils encore légitimes pour gérer ces organismes ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bonne question !
M. Alain Néri. On vous voit venir !
M. Jean Arthuis. Nous devrons trouver les réponses appropriées pour apaiser ces interrogations. Mais sur le fond, je vous en prie, ne renoncez pas à poser les termes de ce débat ! Plus que jamais, il nous faut avancer dans cette voie, et ce ne sont pas les mesures du plan automobile, telles qu’elles ont été communiquées, qui m’amèneront à renoncer à déposer tout à l’heure un amendement plus substantiel.
Que mes collègues de l’UMP me pardonnent, mais avec une hausse de 1,6, le compte n’y est pas !
M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.
M. Alain Néri. Je tiens à remercier l’actuelle opposition, et ancienne majorité, de persévérer dans sa volonté d’instituer une TVA antisociale, parce qu’elle nous a déjà permis, lors des élections législatives de 1997, de gagner une cinquantaine de sièges ! Nos concitoyens ne s’y étaient pas trompés…
Vous avez poursuivi dans cette voie, mes chers collègues, en nous expliquant, le 14 mars 2012, qu’il fallait mettre en place une TVA, que vous n’aviez plus l’outrecuidance d’appeler « sociale », mais que vous avez transformée en « TVA compétitivité ». Vous n’entendiez d’ailleurs la rendre applicable qu’au mois d’octobre, après vous être dit que les Français avaient peut-être compris en 2007 que les conséquences en seraient terribles. Vous avez donc repoussé l’échéance après les élections électorales, et ce sans succès puisque vous avez perdu la majorité.
Aussi, si vous souhaitez persévérer, vous nous rendez service et, à ce titre, je vous remercie beaucoup.
Mais revenons au fond du problème. Je suis stupéfait d’avoir entendu dire dans vos rangs, à de nombreuses reprises, que la moitié des Français ne payaient pas d’impôts, une telle affirmation mettant en exergue et stigmatisant les plus modestes de notre population. Mais, mes chers collègues, c’est un mensonge car, s’ils ne paient pas d’impôts sur le revenu, ils acquittent forcément des impôts locaux et des taxes indirectes, dont la très injuste TVA, que vous voulez encore aggraver en augmentant son taux. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Henri de Raincourt. Et la CSG ?
M. Alain Néri. Vous nous dites qu’il faut absolument assurer plus de justice. Nous sommes d’accord, et c’est la raison pour laquelle nous souhaitons revenir à l’impôt républicain tel qu’il a été défini en 1791 : « Chacun est tenu à mesure de ses moyens de contribuer aux dépenses de l’État. » C’est cela, l’impôt républicain, qui avait, en quelque sorte, été repris par Caillaux lorsqu’il a créé l’impôt sur le revenu, qui est un impôt progressif républicain,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous avez oublié de le faire pour l’ISF ?
M. Alain Néri. … peut-être pas totalement juste, mais en tout cas l’impôt le moins injuste.
Aujourd’hui, vous voulez renforcer l’impôt le plus injuste. Mais vous savez pourtant parfaitement quelle a été l’une des causes de la Révolution française !
Un sénateur de l’UMP. La gabelle !
M. Alain Néri. C’était l’inacceptable écart de revenus et l’indécence de l’impôt indirect, qui s’appelait à l’époque la taille, la gabelle ou la dîme, et s’appelle aujourd’hui la TVA.
Pour illustrer mon propos, je prendrai un exemple très simple, faisant appel à un peu de calcul mental très facile, accessible à chacun d’entre nous…
Lorsque j’achète un produit de consommation, je paie le même montant de TVA que je gagne 1 000 euros ou 5 000 euros par mois. D’une certaine façon, avec un revenu proche du SMIC, je paie cinq fois plus d’impôts que celui qui gagne 5 000 euros. Pour vous, ce serait un impôt juste ! Il est en fait très injuste, et vous voulez le rendre encore plus injuste !
Pour toutes ces raisons, parce que nous voulons qu’il soit mis fin à ces écarts indécents de revenus et de ressources entre nos concitoyens, parce que nous sommes pour la paix sociale, parce que nous ne voulons pas que notre pays, plongé à cause de vous dans l’urgence sociale, l’exaspération, et peut-être même – on le voit déjà à travers l’inquiétude très forte de certains Français –, au bord de l’explosion sociale, nous vous encourageons, mes chers collègues, si vous avez un peu de fibre sociale, à refuser de voter cet amendement purement et simplement antisocial.
La TVA Sarkozy, c’est la TVA antisociale ! C’est pourquoi nous voterons contre cet amendement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, pour explication de vote.
M. Alain Gournac. Je voudrais répondre aux conseils prodigués voilà quelques instants, non par le dernier orateur du parti socialiste, mais par le précédent.
Mon cher collègue, selon vous, à droite de l’hémicycle, on ne connaîtrait rien à l’entreprise alors que, de votre côté, vous seriez des spécialistes. Quoi qu’il en soit, il en est un, chez vous, qui ne connaît pas l’entreprise : il s’appelle M. Montebourg. La façon scandaleuse dont il a attaqué les responsables de Peugeot démontre qu’il connaît vraiment mal le fonctionnement de l’entreprise.
M. Jean-Pierre Caffet. Et vous, connaissez-vous l’entreprise ?
Mme Annie David. Il n’a pas agi de façon scandaleuse !
M. Alain Gournac. À propos de l’article 1er, à la suite de notre collègue député Michel Heinrich, je rappellerai que notre pays se situe au premier rang des pays de l’OCDE en matière de prélèvements patronaux sur les salaires, devant l’Italie – 24,3 % –, la Suède – 23,9 % – et la Belgique – 23 %. Ce ratio est de 16,3 % en Allemagne, et il est totalement nul au Danemark, où il n’existe plus de cotisations patronales obligatoires de sécurité sociale depuis l’an 2000 !
Pour arriver à de tels résultats, certains pays transfèrent ou ont transféré sur la TVA le financement de la protection sociale. C’est le cas du Danemark, mais aussi de l’Allemagne, qui a financé par un point de hausse de la TVA la diminution des cotisations chômage, passées de 5,1 points à 2,8 points, contre 6,4 points en France.
C’est pourquoi la décision de supprimer la cotisation employeur de 5,4 % au niveau de 2,1 fois le SMIC allait dans le bon sens. Elle diminuait le coût des produits fabriqués en France, taxait, on vient de l’entendre, les produits importés à 1,6 point supplémentaire de TVA et finançait notre politique familiale.
Enfin, on a constaté que l’augmentation de la TVA – d’un tiers en moyenne – dans tous les pays qui y ont eu recours n’a pas eu une forte répercussion sur les prix acquittés par les consommateurs et qu’elle a souvent permis une augmentation des salaires comme des embauches. C’est ce dont notre pays a besoin : baisser le coût du travail pour favoriser l’emploi.
Tous ces éléments nous montrent bien que la hausse de la TVA était indolore et plus efficace…
M. Jean-Pierre Caffet. Indolore ?
M. Alain Gournac. Oui, cela a été prouvé à l’étranger. Renseignez-vous, voyagez !
… qu’une hausse de la CSG sur laquelle nous ne nous faisons malheureusement aucune illusion.
C’est la raison pour laquelle je voterai en faveur de l’amendement de suppression de l’article 1er.
M. Jean-Pierre Caffet. M. Gournac est spécialiste de la protection sociale !
M. Alain Gournac. Je terminerai par une précision : mon cher collègue, celui qui gagne 1 000 euros ne fait peut-être pas les mêmes achats que celui dont les revenus s’élèvent à 5 000 euros… Par conséquent, quand vous nous dites qu’ils paient le même montant de TVA, il va falloir que vous révisiez vos calculs ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. La première disposition pour le moins significative que comporte ce collectif budgétaire consiste à revenir sur l’une des mesures les plus emblématiques du quinquennat écoulé, à savoir la TVA dite « anti-délocalisations » ou « sociale ».
Cette mesure était censée avoir un double effet : premièrement, rendre plus chers les produits importés, deuxièmement, permettre d’alléger les cotisations sociales normalement collectées dans les entreprises sur la base des rémunérations.
L’objectif premier de la TVA dite « anti-délocalisation » n’était pas de renforcer la position de nos entreprises exportatrices ou de préserver notre appareil industriel, mais bel et bien de promouvoir un nouveau type de financement de la protection sociale, fondé sur une fiscalisation accrue.
Que le présent collectif budgétaire revienne sur cette logique ne nous dispense pas de poursuivre le débat relatif au financement de la protection sociale, d’autant que la question de la dépendance est pleinement posée et que, du fait de l’insuffisance de ses recettes, la sécurité sociale présente des déficits récurrents. Accumulés depuis dix ans, ces derniers sont à la base de la dette sociale, dont les hôpitaux publics, au travers de la T2A, et les assurés sociaux, au titre des déremboursements, de la hausse du forfait hospitalier ou encore de la perte du pouvoir d’achat des retraités, font aujourd’hui les frais.
Une fois supprimée la TVA sociale, le temps sera donc venu de faire le point sur les solutions nécessaires.
Pour ce qui nous concerne, nous sommes convaincus qu’il est temps de réhabiliter le mode de financement de la sécurité sociale à partir de la richesse créée et d’en assurer une alimentation régulière et fluide à partir de la production.
Autant nous sommes opposés au remplacement des cotisations sociales par la TVA, autant le bien-fondé de la substitution de la CSG à ces mêmes contributions ne nous convainc pas. Au demeurant, plus le financement de la sécurité sociale a été fiscalisé – notamment lorsqu’il a été question d’alléger les cotisations sociales et de les remplacer par des impôts et taxes dédiés – plus le déficit s’est maintenu, voire renforcé. De plus, voilà fort longtemps que les taux de cotisations patronales n’ont pas véritablement été réexaminés, alors même que la nécessité de garantir une sécurité sociale à la hauteur des exigences actuelles s’impose avec force.
Renouer avec la croissance et le progrès social, restaurer la compétitivité de notre économie, réaliser des gains de productivité permettant notamment de réduire l’intensité et l’importance du travail humain dans le processus de production, l’ensemble de ces objectifs supposent une sécurité sociale efficace, permettant, au-delà des considérations comptables qui restent souvent au cœur des politiques menées depuis une bonne trentaine d’années, de relever le niveau sanitaire général de la population, condition indispensable à toute avancée économique et sociale dans notre pays.
Chers collègues, pour sortir de la crise, la France doit disposer d’une main-d’œuvre bien soignée, bien formée et correctement payée. C’est cet impératif que je souhaitais rappeler dans le cadre de cette explication de vote. Vous l’aurez compris, nous voterons contre cet amendement de suppression de l’article 1er.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
M. François Trucy. À écouter avec attention !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mes chers collègues, personne ne sera étonné d’apprendre que je m’apprête à voter cet amendement.
Mme Annie David. En effet, ce n’est pas un scoop !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je souhaite avant tout m’adresser à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, ainsi qu’à M. le ministre délégué chargé du budget. De fait, M. Daudigny hier soir, M. Cahuzac il y a quelques instants, sont tous deux allés dans le même sens, en dressant la liste des personnalités de l’ancienne majorité qui se sont exprimées, en leur temps, contre une TVA sociale.
M. Jean-Pierre Caffet. Oui !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je vous rappellerai simplement – du reste, vous le savez bien – qu’une politique économique ne se juge pas dans l’absolu. Cela s’apprend en première année de sciences économiques. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Je ne crois donc pas vous apprendre grand-chose !
M. Alain Bertrand. Retournez à l’école !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh oui, cela s’apprend en première année de sciences économiques, je le répète, et je l’affirme : une politique économique ne se juge pas dans l’absolu, mais en fonction des éléments de conjoncture !
M. Jean-Pierre Caffet. C’est précisément ce que j’ai souligné hier !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh oui ! Voilà pourquoi, monsieur Caffet, malgré tout ce que vous venez de dire, je tiens à souligner, comme toutes celles et tous ceux qui siègent à la droite de cet hémicycle, que vous devriez être un peu plus méfiants, un peu plus prudents,…
M. Jean-Pierre Caffet. C’est dans notre nature !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … concernant tous les jugements que vous portez sur la TVA sociale et sur la CSG : à mon sens, la situation ne va pas tarder à se retourner contre vous et, le moment venu, nous pourrons vous rappeler tout ce que vous venez de dire, car nous l’avons évidemment retenu !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. Alain Néri. Même pas peur !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vos propos se cantonnent dans l’absolu. Eh bien, je le répète : si vous menez une politique économique dans l’absolu, les événements se retourneront très vite contre vous ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. François Trucy. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Mes chers collègues, j’étais tenté de reprocher au Gouvernement son excès de lenteur. En réalité, je me demande s’il ne faut pas avant tout l’accuser d’être trop rapide. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacky Le Menn. Il faudrait choisir !
M. Philippe Bas. Le Gouvernement est trop lent car, lorsqu’un nouveau ministère est formé, il est d’usage que celui-ci mette en œuvre son programme dès le mois de juillet.
M. Philippe Bas. Or, dans le cadre de ce collectif budgétaire, aucune mesure ne prépare l’avenir, aucune mesure ne construit pour le futur. En revanche, de nombreuses dispositions disparaissent, parfois même avant d’avoir existé. Pour ce qui me concerne, je le regrette.
À mon sens, cette réforme – inexactement qualifiée de création d’une « TVA sociale » – est en réalité l’amorce d’une profonde révision du financement de notre protection sociale.
M. Jean-Pierre Caffet. Exact !
M. Philippe Bas. À mes yeux, au cours des dernières années, tous les gouvernements, qu’ils soient de gauche ou de droite, ont recherché les moyens de faire peser moins lourdement le financement de notre sécurité sociale sur l’emploi. De fait, chacun admet – c’est d’ailleurs le bon sens ! – que, dès lors que l’on calcule le montant des cotisations sociales sur la base des salaires, moins il y a de salaires et d’emplois, plus il est facile d’échapper au paiement des cotisations sociales et, partant, de l’impôt.
Ce constat est si juste que, depuis longtemps, nous nous sommes efforcés de déplacer vers d’autres prélèvements une partie de nos cotisations sociales. C’est l’action qu’a menée le gouvernement Balladur concernant les cotisations familiales ; c’est l’action qu’a menée le gouvernement Juppé concernant les cotisations sociales en général, dès 1995, pour ramener à zéro le montant de ces dernières pour l’emploi d’un travailleur rémunéré au SMIC.
C’est l’action qui a été poursuivie, dans des circonstances beaucoup plus controversées, avec la loi de 1998 instituant les 35 heures. De fait, en l’occurrence, la baisse des charges était destinée non pas à alléger le coût du travail mais à compenser le renchérissement de celui-ci causé par les 35 heures payées 39, mesure conduisant à une augmentation du salaire horaire de l’ordre de 11,4 %.
C’est assez dire que tous les gouvernements qui se sont succédé en France depuis près de vingt ans ont cherché à reporter le financement de notre protection sociale des salaires vers d’autres assiettes.
M. Jean Arthuis. Bien sûr !
M. Philippe Bas. À mon sens, c’est une nécessité, et il faudra bien y venir.
Pour ma part, je déplore que, dans un élan excessivement rapide tendant à défaire ce qui venait d’être fait, le nouveau gouvernement et sa majorité ne se donnent pas le temps de la réflexion, pour tenter d’examiner les conditions les plus justes possible d’un maintien de cette réforme. Menée sans augmentation des prélèvements obligatoires, celle-ci amorcerait un basculement qui, comme vient de le rappeler notre collègue Jean Arthuis, pourrait préluder à un renversement bien plus important encore.
Je souligne que, contrairement à ce que j’ai entendu sur les travées de la majorité, le choix de la TVA n’est pas injuste. En effet, chacun le sait au sein de cette assemblée, les 10 % des Français dont les revenus sont les plus élevés acquittent sur leurs dépenses 11,6 % de TVA, tandis que les 10 % des Français dont les revenus sont les plus faibles n’acquittent que 10 % de TVA ! Cela signifie que, grâce à la différenciation des taux, notre TVA est un impôt très juste. (Mme Marie-France Beaufils manifeste son désaccord.) C’est à tout le moins un dispositif plus juste que la CSG, dont j’entends dire qu’elle pourrait être bientôt augmentée.
Par conséquent, à mon sens, il faut faire justice à cet argument de l’injustice de la TVA : non, la TVA n’est pas injuste. De surcroît, s’il est vrai que les Français percevant de hauts revenus épargnent davantage que les autres, notre fiscalité comprend également des prélèvements sur l’épargne, que ce collectif budgétaire s’emploie du reste à augmenter radicalement, pour un montant global de 7 milliards d’euros.
Ainsi, vous souhaitez abroger cette réforme, qui n’entraînait aucune augmentation des prélèvements obligatoires, sauf pour ce qui concerne l’augmentation de 2,6 milliards d’euros de l’impôt social sur le patrimoine. Eh bien, voilà une hausse nette des d’impôts, succédant à une mesure qui n’opérait qu’un strict basculement des prélèvements. Bref, vous augmentez les impôts. Pour notre part, nous ne les augmentions pas dans le cadre de la TVA anti-délocalisation ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Caffet. Non ! À peine 15 milliards d’euros !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Philippe Bas. Chers collègues de la majorité, vous insistez sur le fait qu’il ne faut pas augmenter la TVA. Cependant, nous savons que vous préparez, pour les prochains mois, un tour de vis que traduira le projet de loi de finances pour 2013. En conséquence, je m’interroge. Je crains en effet que l’absence de réactivité, et partant la lenteur que je vous reprochais au début de mon intervention, ne porte gravement préjudice à notre pays dans les circonstances économiques et financières que nous connaissons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Mes chers collègues, il en va de la TVA sociale comme il en va du ciel : il y a ceux qui y croient, ceux qui n’y croient pas,…
M. Jean-Pierre Caffet. Et vous ?
M. Philippe Dallier. … et, à mon sens, de plus en plus nombreux sont les Français – notamment les parlementaires – qui s’interrogent sérieusement sur la question. Je ne suis pas certain que notre débat d’aujourd’hui permette d’éclairer beaucoup d’entre eux.
De fait, on observe aujourd’hui combien la situation est complexe : les plus libéraux d’entre nous ne sont pas favorables à cette réforme. Notre collègue Jean-Pierre Caffet, quant à lui, y est également absolument opposé.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n’est pas un Bolchevik pour autant ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Dallier. Bref, les avis sont assez partagés.
Parmi ceux qui croient en cette mesure figurent nombre de membres de la commission des finances. En effet, cette disposition a été étudiée et discutée de très longue date au sein de cette dernière, bien avant ce funeste soir de juin 2007 qui a de facto enterré le débat. C’est dire si notre pays n’est pas encore suffisamment mûr pour traiter ce sujet : pendant cinq ans, on a soigneusement enterré le dossier, pour ne l’exhumer qu’aujourd’hui. Et pourquoi le ressortons-nous aujourd’hui ? Pour une raison bien simple, et je crois que nous serons tous d’accord sur ce point : parce que la France subit un problème de compétitivité. Personne n’osera affirmer le contraire dans cet hémicycle !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. La faute à qui ?
M. Philippe Dallier. La faute à qui, madame Lienemann ? Nous allons voir de quoi vous êtes capables ! Quoi qu’il en soit, notre pays est victime d’un problème de compétitivité (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.),…
M. Jean-Pierre Caffet. On se demande d’où cela vient !
M. Philippe Dallier. … et le cas de Peugeot en est tout à fait emblématique. Il va bien falloir trouver des solutions.
Quelles solutions avons-nous ? Telle est tout de même la question cruciale !
Certains affirment : « Le problème central, c’est celui du financement de la protection sociale. » Je leur réponds à la fois oui et non : nous devons effectivement financer nos dépenses sociales, il faut donc dégager des recettes à cette fin, tout en évitant, parallèlement, que ces charges ne progressent trop vite. En conséquence, la question est la suivante : sur quelles masses économiques doit-on faire porter les prélèvements ? Sur les salaires ou sur une autre base ? À mon sens, imposer les salaires constitue la plus mauvaise des solutions. Il va falloir en sortir.
Chers collègues de la majorité, comme Mme Des Esgaulx, je vous enjoins à la prudence. De fait, j’ai bien entendu le Président de la République : le 14 juillet, ce dernier a commencé à nous confier qu’il jugeait, lui aussi, que la France se heurtait à un problème de compétitivité.
Comment allez-vous résoudre ce problème ? De quels outils disposerez-vous ? La situation est claire, vous êtes placés face à une alternative : ou bien vous mettrez en œuvre un mécanisme proche de la TVA sociale, ou bien vous en adopterez un autre. Peut-être sera-ce la CSG ? Quoi qu’il en soit, en définitive, vous serez bien obligés de prendre une décision, car nous ne pouvons pas rester dans la situation actuelle.
Mme Annie David. La faute à qui ?
M. Philippe Dallier. Notre collègue Jean Arthuis nous appelle à provoquer un choc de compétitivité, en opérant un basculement plus radical : pour ma part, j’y suis assez favorable. Néanmoins, étant donné que, dans ce pays, il faut avancer doucement, même en cas d’urgence, nous aurions pu conserver la mesure dans son état actuel et nous donner rendez-vous dans six mois ou dans un an pour en évaluer l’efficacité. À mon sens, cette méthode aurait été la bonne. Voilà pourquoi je regrette que Jean Arthuis ne vote pas en faveur de la suppression du présent article même si, le cas échéant, je soutiendrai son amendement.
Nous aurions pu procéder ainsi, chers collègues de la majorité, mais, une fois de plus, vous avez choisi de ne rien faire,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. À chaque jour suffit sa peine !
M. Philippe Dallier. … alors que le problème de Peugeot vous plonge dans l’embarras.
En définitive, que proposez-vous ? Quelques mesures sur les véhicules électriques ou hybrides ! Avez-vous bien conscience que, chez Peugeot, cela concerne 2 000 véhicules par an sur 350 000 ? Pensez-vous vraiment régler le problème de Peugeot avec ce type de mesures ? (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.) Peugeot, qui avait fait le choix – il faut en louer ses responsables – de garder en France une grande partie de sa production, est plus pénalisée que Renault qui a fait d’autres choix. (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.)
Comment pouvons-nous aider une entreprise comme Peugeot ? C’est la bonne question et je ne vois pas beaucoup d’autres solutions que de faire baisser les charges qui pèsent sur les salaires. Si vous ne le faites pas maintenant, vous le ferez peut-être à l’automne. Mes chers collègues socialistes, soyez prudents car vous serez bien obligés d’en passer par là, mais nous aurons encore perdu quelques mois, et c’est très dommage. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l’UCR.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cela fait des années qu’on baisse les charges sur les salaires, ça ne marche pas !
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.
Mme Chantal Jouanno. Je ne suis pas sûre que nous ayons un problème de vitesse. Le vrai problème, c’est que nous faisons marche arrière, et il est dommage que cette TVA sociale soit le bouc émissaire, pauvre victime politique de nombre de déboires qui datent de 2007 et même de bien avant. En effet, nous avons deux problèmes à résoudre à travers cette TVA sociale : un problème économique et un problème de financement de la protection sociale.
S’agissant du problème économique, vous refusez la TVA sociale au motif que nous n’aurions pas de problème de compétitivité-coût.
Relisez les conclusions déposées en mars 2011 par la Cour des comptes, laquelle ne peut pas être suspectée de complaisance à notre égard. Elle indiquait que l’objectif de compétitivité a une place centrale compte tenu de la perte de l’avantage relatif dont bénéficiait la France en termes de compétitivité-coût au début des années deux mille et qu’il fallait considérer comme un axe prioritaire de réflexion la question de l’allégement relatif de la taxation pesant sur le travail.
Nous avons donc bien un problème de compétitivité-coût et, s’agissant de la compétitivité hors coût, puisque vous estimez que c’est un problème central, pourquoi n’avez-vous voté ni le grand emprunt ni le crédit d’impôt recherche ?
Je ne reviendrai pas sur le caractère injuste de la TVA versus la CSG. Si nous avions choisi la CSG, vous auriez préféré la TVA…
M. Jean-Pierre Caffet. Mais non !
Mme Chantal Jouanno. D’ailleurs, au début de la crise, vous aviez proposé, me semble-t-il, de l’augmenter de deux points. Mais je pense que nous en reparlerons ici dans quelques semaines.
Nous avons un problème de fond sur le financement de la protection sociale et, à cet égard, il faut vraiment s’interroger sur la légitimité de la consommation, voire de la « surconsommation », à participer à ce financement. Il faut sortir de cette religion de la « surconsommation ». Je ne parle pas de la consommation de base, qui doit rester taxée à des taux réduits, et on peut débattre du panier des produits qui concernent cette consommation de base.
Nous avons entendu hier un exposé de M. Placé sur les défis écologiques ; il aurait pu nous rappeler à cette occasion que la consommation participe à la moitié des émissions de gaz à effet de serre…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Si vous taxez la consommation, vous n’aurez plus de recettes !
Mme Chantal Jouanno. … et qu’elle est une impasse écologique et sociale.
Il aurait pu nous rappeler aussi qu’elle devrait participer au financement de la protection sociale parce qu’elle participe à nombre de problèmes sanitaires de ce siècle ; je pense aux perturbateurs endocriniens, aux pesticides, aux effets possibles des ondes magnétiques des téléphones portables,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. N’importe quoi !
Mme Chantal Jouanno. … qui justifieraient tout à fait que la consommation participe au financement de la protection sociale.
Donc, admettez qu’aujourd’hui notre défi – si vous voulez bien le regarder avec un peu d’objectivité – est de transférer les charges qui pèsent sur le travail vers une autre assiette : la consommation et la pollution.
Malheureusement, nous allons tous être très rapidement rattrapés par la réalité économique – vous les premiers – et à cette occasion, il va falloir faire un salto arrière ! Je ne préjuge en rien de vos qualités physiques, mais il me semble qu’à nos âges, c’est un exercice extrêmement douloureux… (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. Monsieur le ministre, je n’ai pas encore eu l’occasion d’intervenir sur ce texte, mais je vous ai écouté longuement hier et j’ai assez vite compris que vous aviez un problème de mémoire concernant notamment la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, qui aujourd’hui emprunte sur les marchés – vous avez raison de le dénoncer – pour financer les retraites de notre pays.
Faisons un peu d’histoire, Monsieur Cahuzac. Nous siégions dans la même assemblée lorsque, à propos de la CADES, on a demandé au gouvernement Jospin comment il ferait pour financer les retraites. Il a répondu : nous allons créer un fonds spécial de financement des retraites qui abondera la CADES, et tout l’argent des privatisations – vous devez vous en souvenir, monsieur le ministre – sera affecté à ce fonds spécial de financement des retraites.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Exactement !
M. Francis Delattre. Quand vous nous dites aujourd’hui que nous avons laissé la Caisse d’amortissement de la dette sociale dans un état lamentable,…
M. Alain Néri. Vous avez oublié de l’abonder !
M. Francis Delattre. … vous oubliez une décision que vous n’avez pas appliquée. Dans un but politique, vous aviez annoncé que tout l’argent des privatisations serait affecté à ce fonds de financement des retraites. En réalité, vous n’y avez affecté que 10 % du produit des privatisations alors que le gouvernement Jospin est celui qui a le plus privatisé.
Autre fait que nous sommes un certain nombre à nous rappeler. Quand on considère les courbes de la compétitivité des deux économies française et allemande, on s’aperçoit que, jusqu’en 2000, la compétitivité de l’économie française était au même niveau que celle de l’Allemagne – elle a même été souvent devant –, mais que les courbes s’inversent très exactement le jour où vous avez mis concrètement en application les 35 heures.
Un sénateur de l’UMP. C’est vrai !
M. Francis Delattre. Et vous nous traitez aujourd’hui d’incapables ! De fait, nous reconnaissons que nous avons été incapables d’abroger ce texte funeste pour la compétitivité de notre économie.
Revenons au problème d’aujourd’hui. Alors que l’on connaît les dangers qui menacent un certain nombre de nos entreprises sur tout le territoire – pas seulement à Aulnay-sous-Bois – vous voulez supprimer le seul dispositif que nous avions à notre disposition pour éviter les délocalisations. Il ne s’agissait que d’une expérimentation – bien sûr, cher Jean Arthuis, 1,6 point de TVA, c’est sûrement insatisfaisant – mais, face au chômage structurel que nous avons depuis vingt ans, voire trente ans, il fallait essayer ce dispositif. En fait, nous avons trop tardé, et tout un chacun en connaît les raisons politiques.
Je souhaiterais, Monsieur le ministre, qu’au sein de l’Europe, dans tous les eurogroupes auxquels vous participez, vous vous interrogiez sur ces économies dites « émergentes », qui sont en réalité « submergentes » et nous inondent de produits que tout le monde connaît et que, dans tous les hypermarchés, on appelle le « noir » – des téléviseurs, des ordinateurs –, bref, tout ce que nous ne produisons pas et dont j’ai le regret de vous dire – nous en sommes d’ailleurs tous d’accord – que ce ne sont tout de même pas des produits de première nécessité.
L’ensemble des pays que l’on appelle les BRICS – Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud – considèrent les pays européens comme des terrains à conquérir, et vous connaissez aussi bien que nous leur système social et fiscal. Aussi, estimer aujourd’hui qu’il n’est pas nécessaire de protéger un peu nos entreprises de ces économies déferlant sur l’Europe n’est pas très raisonnable. La solution, nous le savons tous, monsieur le ministre, ne peut qu’être européenne.
Nous avons entendu beaucoup de discours sur le redressement de la justice, le redressement productif…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Contre-productif !
M. Francis Delattre. … et l’effort juste. Mais, monsieur le ministre, que peuvent retenir celles et ceux qui attendent des éclaircissements, les acteurs économiques, les entreprises, d’un débat comme celui que nous avons autour de ce projet de loi de finances rectificative ?
Mme Bricq annonçait que nos efforts devraient porter moitié sur les dépenses et moitié sur les recettes pour trouver les 100 milliards d’euros nécessaires à l’équilibre de nos comptes dans les quatre ans à venir ; je n’y crois pas beaucoup. Je pense qu’il faudra 70 % de recettes fiscales supplémentaires et, quant à choisir entre la CSG et la TVA, monsieur le ministre, il est fort probable que nous aurons les deux, comme le dit d’ailleurs entre les lignes la Cour des comptes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. J’ai fait partie hier des quelques chanceux qui ont eu le grand bonheur d’auditionner M. Arnaud Montebourg au sein de la commission des affaires économiques (Sourires.), celui-ci étant venu nous parler du sens de sa mission au sein du ministère du redressement productif.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Contre-productif !
M. André Reichardt. M. le ministre a notamment cité les différents leviers possibles pour, selon lui, faire gagner nos entreprises et nos PME en compétitivité. Il a notamment affirmé – il confirmait en cela la bonne nouvelle annoncée à deux reprises hier par M. Arthuis – que le coût du travail n’était plus tabou et qu’il était tout à fait possible de prendre l’une ou l’autre mesure à cet égard. Je cite : « Une mission a été confiée à M. Gallois, qui doit à l’automne indiquer quelles sont les mesures qui pourraient être prises à cet égard. »
Je m’étonne donc, mes chers collègues, que l’on puisse, sans attendre les préconisations de cet éminent expert, prendre aujourd’hui une mesure de « détricotage » de ce dispositif expérimental que voulait engager le gouvernement précédent en matière de TVA anti-délocalisations et qui, comme vous le savez, ne devait entrer en vigueur qu’à l’automne, soit le 1er octobre. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
Il n’y a pas d’urgence à légiférer à cet égard. Quelle est la raison – si ce n’est une raison éminemment politicienne – de prendre aujourd’hui une mesure supprimant cette TVA anti-délocalisations alors que vous n’avez aucune solution de rechange ?
Il faudra bien, mes chers collègues socialistes, monsieur le ministre, qu’une mesure soit prise en ce qui concerne le coût du travail. En effet, comment allez-vous gagner en compétitivité si vous ne jouez pas sur cela ?
J’ai bien entendu M. Montebourg parler hier d’innovation et rendre hommage – tenez-vous bien, mes chers collègues – au grand emprunt que ses collègues socialistes et lui-même n’ont pas voté. Il a même dit hier, ici même au Sénat, qu’il faudrait finalement un grand emprunt tous les ans, mais il n’a pas dit comment il fallait le financer… (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Oh là là !
M. André Reichardt. Votre argument, monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité sénatoriale et présidentielle, est que la hausse de 1,6 point de TVA eût entraîné une augmentation des prix et donc une importante perte de pouvoir d’achat.
Permettez-moi de vous dire que cet argument est surprenant pour ne pas dire fallacieux eu égard aux nombreuses mesures dont on nous a déjà parlé dans ce présent collectif budgétaire et qui vont impacter ce fameux pouvoir d’achat !
En voici le catalogue : la suppression de l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires pour 9 millions de salariés, la hausse du forfait social sur l’intéressement et la participation concernant12 millions de Français, la baisse de la franchise d’impôt sur les successions. Tout cela n’est-ce pas diminuer le pouvoir d’achat de nos concitoyens ? Et je ne parle pas de la probable hausse des prix des carburants à la suite de la mise en place de la contribution exceptionnelle – que vous vous apprêtez à voter – sur la valeur des stocks de produits pétroliers, qui va toucher les distributeurs et les indépendants.
Votre argumentation est d’autant plus fallacieuse que la hausse de la TVA n’entraînerait pas mécaniquement une hausse des prix, et donc de l’inflation ; vous le savez bien, c’est beaucoup plus subtil que cela.
Aujourd’hui, en Europe, la tendance est au ralentissement de l’inflation, même si les prix des matières premières, notamment du pétrole, restent volatils.
Il y a des précédents. Vous permettrez au sénateur du Bas-Rhin que je suis de vous rappeler que, en Allemagne, la hausse des prix consécutive à la mise en place de la TVA sociale fut contenue. Par ailleurs, lorsque le taux normal de TVA fut relevé de 2 points en 1995, sous le gouvernement Juppé, l’effet sur les prix fut de 0,5 % à 0,7 %. Ce sont des chiffres ; ce sont des faits !
L’impact sur le pouvoir d’achat est faible car la hausse de la TVA ne concerne que le taux supérieur de 19,6 %, qui n’augmente que de 1,6 point. Or 60 % de la consommation des Français concerne des produits auxquels ne s’applique pas ce taux plein.
En outre, la répercussion de la hausse de la TVA sur les prix n’est pas mécaniquement proportionnelle ; elle dépend aussi de la situation concurrentielle du marché concerné – vous le savez bien, et nous vous l’avons rappelé.
De surcroît, ce dispositif ne devait entrer en vigueur qu’à compter du 1er octobre, ce qui permettait aux agents économiques d’anticiper certains achats, notamment les plus coûteux, ce qui eût soutenu momentanément la consommation, conformément à l’objectif que vous vous êtes fixé.
Les minima sociaux, SMIC et retraites notamment, étant indexés sur l’inflation, l’impact éventuel d’une hausse des prix eût par ailleurs été amorti pour les revenus les plus modestes.
Enfin, et tel était notre but, les prix des produits importés, frappés de TVA mais ne bénéficiant pas de la baisse des charges, auraient eux augmenté, tandis que le coût des produits français aurait pu diminuer, les 10,6 milliards d’euros de hausse de la TVA étant naturellement inférieurs aux 13,2 milliards d’euros de baisse du coût du travail.
Mme Annie David. Il ne faut pas exagérer, quand même !
M. André Reichardt. L’argument du pouvoir d’achat et de la consommation menacés par la TVA sociale est donc largement trompeur.
En conséquence, vous l’aurez compris, je voterai l’amendement de suppression déposé par le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UCR.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cette suppression de la TVA antisociale est une bonne chose, car elle reflète le vote des Français.
Je reconnais certes que chacun puisse rester fidèle aux positions qu’il a défendues devant nos concitoyens pendant la campagne électorale. Pour ma part, je m’honore que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault mette en œuvre les engagements qui ont été pris devant les Français après que les deux candidats, François Hollande et Nicolas Sarkozy, eurent échangé leurs arguments.
Le deuxième sujet qui est posé – il ne date pas d’hier ! – est celui de la compétitivité française, notamment dans le domaine industriel.
En la matière, qui peut imaginer que la seule question du coût du travail – un terme que je n’aime pas, car c’est encore, me semble-t-il, le travail qui produit, et non qui coûte – soit l’élément unique et déterminant de cette compétitivité ?
Tout le monde sait que tel n’est pas le cas !
Mme Annie David. Exactement !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. De nombreux rapports ont été publiés sur le sujet, notamment celui du Conseil économique, social et environnemental – une instance qui regroupe les partenaires sociaux, patronat et syndicats, et différentes sensibilités politiques –, qui a bien mis en exergue qu’il existait plusieurs éléments déterminants, l’adossement de nos cotisations sociales au travail n’étant que l’un d’entre eux.
Je souligne de surcroît que ce débat n’est pas l’apanage de la droite. La CSG a été créée par Michel Rocard, car nous voulions justement que le capital puisse participer au financement de la protection sociale.
Le parti socialiste et bon nombre de partis de gauche ont fait des propositions qui, d’ailleurs, ont été reprises de manière éphémère par M. Chirac. Je pense notamment au fait de calculer les cotisations sociales, en tout ou en partie, en fonction de la valeur ajoutée créée par l’entreprise, ce qui n’a rien à voir avec l’augmentation de la TVA. Ce débat a déjà eu lieu et, pour ma part, je suis favorable à cette option.
En tout cas, cette question ne peut pas faire l’économie d’un débat plus stratégique.
Le Conseil économique, social et environnemental écrit aussi dans son rapport que la France est le pays qui distribue le plus de dividendes, qui a le meilleur rendement capitalistique. Mais c’est surtout vrai pour les grandes entreprises, très peu pour les PME.
Je m’honore également de soutenir un gouvernement qui prétend réorienter les aides publiques et la fiscalité pour que ce ne soient pas toujours les PME, souvent sous-traitantes, qui portent toute la charge des cotisations sociales et de la fiscalité.
La compétitivité industrielle de la France passe aussi par des investissements. Nous n’avons pas la même tradition capitalistique que nos voisins. Je pense à la politique de Colbert, présent dans cet hémicycle par sa statue, mais aussi aux nationalisations qui ont eu lieu après la Libération. L’intervention publique de l’État dans le capital a toujours été l’un des éléments de l’industrialisation de la France, jusqu’au jour où nous sommes entrés dans un monde où tout a été libéralisé, où il n’y avait plus d’intervention capitalistique de la puissance publique…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Que faites-vous de la Commission européenne et du risque de requalification en aides d’État ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. De leur côté, les Allemands se sont mieux protégés que nous des prédateurs, grâce à leurs banques coopératives et mutualistes, et parce que le capital de leurs entreprises est resté davantage familial et national, via leurs Länder.
Nous sommes donc dans une situation où notre pays doit retrouver ses fondamentaux, à commencer par la justice sociale.
Or, vous pouvez faire tous les calculs du monde, la TVA reste un impôt injuste ! (Non ! sur les travées de l'UMP.) Vous le savez, et tous les Français également !
Pour terminer, je voudrais dire à Mme Jouanno que j’entends son argument pro-limitation de la consommation. Je ne suis pour ma part ni productiviste, ni pour la société de consommation à tous crins. Toutefois, si le financement de la protection sociale repose sur la consommation et que celle-ci diminue, les crédits alloués à la protection sociale diminueront également. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
C’est un cercle inverse qu’il nous faut. J’ai proposé d’asseoir les cotisations sur la valeur ajoutée, ce qui ne correspond pas au travail, mais à la richesse produite par le pays. Monsieur Arthuis, j’espère que, tout comme moi, vous pensez que le pays va continuer à produire des richesses !
Il existe donc des alternatives, et le Gouvernement a eu raison de ne pas tout mettre sur la table tout de suite, car l’on ne peut pas traiter séparément la question de la réforme fiscale stratégique et celle des cotisations sociales.
Je ne veux pas préjuger des futurs arbitrages, mais il ne serait pas illégitime d’augmenter une partie de la CSG (Vives exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Voilà, nous y sommes !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Attendez, laissez-moi terminer !
Nous avons aussi proposé des convergences entre l’impôt sur le revenu et la CSG, pour restaurer la progressivité de l’impôt, chroniquement insuffisante dans la fiscalité française.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Pour cela, il faudrait fusionner ces deux impôts !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il est donc hors de question de pouvoir envisager le financement de la protection sociale sans penser de manière globale à la compétitivité, à la pérennité de la protection sociale et à une réforme fiscale d’ampleur, juste et prometteuse pour l’avenir et pour l’emploi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Tout cela n’est pas très clair !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Caffet. Mes chers collègues, je serai bref, tout en essayant de convaincre mes collègues de l’opposition… (Sourires.)
Ce sera sans doute mission impossible, mais je vais tout de même essayer d’argumenter avec raison, et non avec passion – nous aurons probablement ce débat passionné sur l’article 2.
Dans les prochains mois, nous devrons très probablement avoir un débat sur la compétitivité de la France. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste !
M. Jean-Pierre Caffet. Je prétends aujourd’hui avec force que, au moins dans l’industrie, nous n’avons pas de problème de compétitivité-coût avec nos principaux concurrents, notamment avec l’Allemagne (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Fabienne Keller. C’est faux !
M. Jean-Pierre Caffet. Vous n’avez pas démontré le contraire, madame Keller !
Hier, j’ai rappelé que le coût horaire avoisinait 33 euros des deux côtés du Rhin. J’ai même signalé que les coûts salariaux horaires en Allemagne, dans la branche automobile, étaient supérieurs de 30 % à ceux de la France.
Regardez les résultats du commerce extérieur français et allemand dans le secteur automobile, vous serez surpris de constater l’écart qui existe entre l’extraordinaire déficit français et l’extraordinaire excédent allemand.
En revanche, il est vrai – je me réfère aux propos de Mme Jouanno à l’instant – que, depuis une dizaine d’années, les coûts salariaux ont augmenté plus rapidement en France qu’en Allemagne.
On observe d’ailleurs, dans l’Europe des Vingt-sept, un phénomène général de convergence des coûts salariaux vers la norme des pays les plus développés. Ce n’est peut-être pas votre cas, mais, pour part, je ne suis pas partisan du dumping salarial et je vois dans cette tendance un progrès.
M. Henri de Raincourt. Nous aussi !
M. Jean-Pierre Caffet. Si la Hongrie, la Roumanie ou la Bulgarie connaissent une convergence salariale vers l’Allemagne et la France, c’est plutôt un progrès.
En revanche, comme la Cour des comptes le souligne en filigrane – ne lui faites pas dire ce qu’elle n’a pas dit, madame Jouanno ! –, si les coûts salariaux français continuaient d’augmenter plus vite que les coûts salariaux allemands à l’avenir – dans les cinq ans qui viennent, par exemple –, alors oui, nous pourrions alors avoir un problème de compétitivité-prix. Mais, je le répète, ce n’est pas le cas aujourd’hui !
Je mets au défi quiconque, y compris dans la zone des Vingt-sept, de contester ce constat.
De toute façon, nous devrons avoir ce débat sur la compétitivité-prix.
Hier, M. le ministre a démontré à l’envi que votre mesure ne résolvait aucun problème de manière structurelle, pour la raison très simple que la baisse des cotisations sociales aboutissait à une diminution du coût salarial de 2 % en moyenne. Compte tenu du poids des salaires dans la production d’un produit fini, cela représentait entre 0,4 % et 0,8 % de diminution du prix hors taxe. Un surcroît de compétitivité qui se fonde sur une diminution si faible du prix, c’est du pipeau !
En tout état de cause, cet avantage aurait été bien vite absorbé par les gains de productivité réalisés de l’autre côté du Rhin. Car l’Allemagne, de son côté, mène une tout autre politique. Pendant qu’on essaye de baisser les coûts salariaux, et donc, inévitablement, les salaires, les Allemands ont recours à la réduction du temps de travail, au chômage partiel et discutent avec les partenaires sociaux. C’est de cela qu’il s’agit.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Quel manque de lucidité !
M. Jean-Pierre Caffet. Car, mes chers amis, la compétitivité n’est pas seulement un problème de compétitivité-prix. C’est aussi un problème de dialogue social et de relations avec les partenaires sociaux.
Nous avons commencé à nous atteler à cette question avec la Conférence sociale, et nous avons bien l’intention de continuer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Le fait d’avoir voté et appelé à voter pour un Président de la République qui a promis, entre autres choses, de supprimer la TVA sociale suffirait à expliquer mon vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Vous oubliez l’augmentation à venir de la CSG !
M. Claude Domeizel. Vous pourriez, mes chers collègues, respecter le vote des Français ! (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous représentons aussi les Français !
M. Henri de Raincourt. Vous les enfumez, les Français !
M. Claude Domeizel. Je vais toutefois essayer de vous expliquer pourquoi je suis foncièrement contre la TVA sociale.
M. Francis Delattre. Ce n’est pas la peine !
M. Claude Domeizel. C’est même un problème fondamental lié à l’organisation de la sécurité sociale dans notre pays.
En effet, à sa création, la sécurité sociale était assise sur deux notions, la gestion paritaire et le détachement de son budget de celui de la Nation.
Plusieurs sénateurs de l’UCR. Voilà !
M. Claude Domeizel. C’est notamment pour cette raison que votre majorité a créé, en 1996, le dispositif qui a obligé le Parlement à voter chaque année une loi, non pas de finances, mais de financement de la sécurité sociale – la différence est de taille.
C’est la raison pour laquelle je continue, et je continuerai toujours, pour ma part, à militer pour que ces deux piliers de la sécurité sociale soient préservés.
La seule protection sociale qui soit fiscalisée dans notre pays – il n’y en a qu’une ! –, ce sont les pensions de retraite des fonctionnaires d’État, et ce pour une raison que l’on a un peu oubliée : les fonctionnaires sont inscrits au Grand-Livre de la dette publique, une vieille notion.
Même si cela peut choquer certains – mes propos n’engagent que moi ! –, je fais partie de ceux qui souhaitent que les fonctionnaires d’État aient un jour un régime propre, ce qui permettrait de clarifier la situation. On aurait alors un système fondé sur la même base : une gestion paritaire et un financement détaché du budget de la nation.
C'est la raison pour laquelle je voterai contre l’amendement de suppression présenté par M. Gaudin. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Quel dommage !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis. Je ne reviendrai pas sur les arguments que j’ai présentés hier sur ce sujet. Toutefois, je souhaite répondre à l’interpellation de Mme Des Esgaulx.
Certes, le jeu des citations est facile, mais il n’est pas sans intérêt ! Vous avez raison de dire qu’un dispositif économique ne peut être séparé de son contexte.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Bien sûr !
M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis. C’est précisément parce que nous avons analysé la conjoncture de notre pays que nous estimons que l’instauration de la TVA sociale serait aujourd'hui la mesure la plus absurde qui pourrait être prise. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) En effet, cela a été rappelé hier à plusieurs reprises, elle pèserait sur la consommation des ménages, qui, elle, pèse à hauteur de 60 % dans la croissance. Ce ne serait pas une bonne mesure pour notre économie. C’est non pas un point de vue idéologique, mais une analyse économique.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On verra en 2013 !
M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis. Car la gauche, elle aussi, est capable de conduire des analyses économiques !
Enfin, je veux rappeler une fois de plus qu’il existe une différence importante entre nous : nous pensons, nous n’avons de cesse de le répéter, que l’augmentation de la TVA n’est pas une mesure susceptible d’instaurer plus de justice fiscale. C’est la raison pour laquelle nous n’y sommes pas favorables.
Tels sont les deux éléments que je souhaitais verser au débat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. François Fortassin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la cause est entendue ! Les dés sont jetés ! Ce petit enfant fragile, cette petite TVA sociale, dont l’accouchement a été si tardif, …
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … est à peine né que déjà vous allez le tuer !
Cependant, je crois pouvoir dire que l’initiative que nous avons prise au mois de mars dernier a été particulièrement utile, et ce pour plusieurs raisons.
Tous nos collègues du groupe de l’UCR et du groupe UMP, à la seule exception de notre collègue Philippe Dominati, représentant la composante la plus libérale, viennent unanimement de défendre le principe de cette expérimentation. Or, jusqu’au mois de mars dernier, nous étions encore bien loin de cette unanimité, tant les divergences de vues sur ce sujet étaient grandes.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est, me semble-t-il, une leçon utile de l’alternance : nous avons perçu l’importance de mener une réflexion structurelle et stratégique, en matière de fiscalité, sur les prélèvements obligatoires et le financement de la protection sociale.
Plusieurs de nos collègues – Chantal Jouanno, Philippe Bas, Claude Domeizel et Jean-Pierre Caffet de manière très intéressante – ont parlé du financement de la protection sociale. Tel est, à la vérité, l’enjeu ! Demandons-nous comment nous pouvons concevoir, pour l’avenir, de manière stratégique, le financement de la protection sociale afin d’assurer sa continuité.
Toutefois, la question de fond est la suivante : la sécurité sociale est-elle, oui ou non, en train de changer de nature ?
Elle était, il est vrai, contributive ; elle le demeure, mais à 70 % seulement. L’ensemble de la fiscalité qui y est affecté, vous le savez fort bien, cher collègue rapporteur général de la commission des affaires sociales, représente aujourd'hui, en y intégrant la CSG, 30 % des ressources de la sécurité sociale. Il serait bien entendu impossible de concevoir une sécurité sociale sans cet apport fiscal.
M. Jean-Pierre Caffet. Vous êtes donc pour la CSG !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Permettez-moi d’aller au bout de mon raisonnement.
La sécurité sociale, qui est notre ciment social, est en train de changer de nature. Chaque année – et ce sera avec vous pour un petit moment ! (Sourires.) –, nous examinons et adoptons deux lois financières, la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale. Il est vrai que les règles du jeu sont quelque peu différentes, mais la symétrie entre les deux lois est de plus en plus grande.
M. Claude Domeizel. Eh oui !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le Gouvernement auquel vous appartenez a indiqué, je l’ai noté avec plaisir, car cette question avait fait débat au cours des dernières années, que toute initiative en matière de prélèvements obligatoires devra être prise dans le cadre de la loi de finances ou de la loi de financement de la sécurité sociale.
M. Claude Domeizel. Tout à fait !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est le monopole des lois financières, que nos engagements européens nous incitent à consolider.
Il est bien légitime que l’on s’interroge, comme le fait de façon si tenace et si persévérante depuis de longues années notre collègue Jean Arthuis (M. Jean Arthuis opine.), sur l’évolution des modes de financement de la sécurité sociale.
Regardons d’ailleurs ce qui se passe dans les pays voisins. La plupart d’entre eux votent au sein d’une même loi la dépense sociale et la dépense budgétaire. La question des charges du financement de la protection sociale et des différents risques se pose partout.
Monsieur le ministre, ce pauvre petit enfant est pour l’instant condamné. Mais je souhaiterais vivement que l’on engage dès que possible, de manière ouverte, un vrai débat sur le sujet, car il s’agit d’une question stratégique nationale, d’intérêt général. En effet, c’est la cohésion sociale de notre pays qui est en jeu. Nous déplorons les uns et les autres l’absence d’un tel débat. Menons-le de manière constructive et transparente. Certes, il sera forcément empreint d’une certaine passion, mais c’est la vie politique qui veut qu’il en soit ainsi !
Monsieur le ministre, quelles sont vos intentions et quelles options avez-vous pour les mois à venir ?
La CSG est si pratique : …
M. Jean-Pierre Caffet. Voilà !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … la base est large et le taux est encore relativement modéré.
Mme Annie David. Oui !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il n’y a pas si longtemps, nos amis présidents de conseils généraux nous faisaient remarquer les déséquilibres stratégiques de leurs comptes. La disproportion entre l’évolution des ressources des collectivités et les prestations qu’elles doivent verser, telles l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie, ou la prestation de compensation du handicap, est telle que la seule solution consiste à équilibrer la dépense sociale des départements avec un peu de CSG. Qui ne l’a dit ? Qui ne l’a pensé, mes chers collègues ?
Nous entendons aussi celles et ceux qui, à juste titre, se préoccupent du risque de dépendance ou de la création d’une branche consacrée à garantir l’autonomie des personnes âgées autant qu’il est possible. Là encore, la ministre chargée de ce dossier, Mme Michèle Delaunay, a indiqué – et c’est compréhensible – qu’il faudrait un peu de CSG. Vous-même, monsieur le ministre, avec d’autres membres du Gouvernement, avez évoqué, en substitut à cette pauvre petite TVA sociale, un peu de CSG.
Par ailleurs, nous le savons, parmi les engagements présidentiels figure une fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu.
Personnellement, je ne considère pas cette option comme le diable. Mais il faut être clair : elle doit s’inscrire dans une démarche structurée et stratégique, reposant sur une comparaison avec nos principaux partenaires, afin que nous comprenions bien vers quel modèle fiscal, et donc vers quel modèle social, nous nous dirigeons.
Aussi souhaiterais-je, monsieur le ministre, que vous nous éclairiez sur tous ces points.
L’engagement présidentiel pris quant à la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu est-il, oui ou non, toujours d’actualité ? Êtes-vous toujours sur cette ligne ? Où en êtes-vous de vos réflexions et des débats internes sur le fond ? Car tout le reste en dépend.
M. Jean-Pierre Caffet. Vous vouliez en arriver là !
M. Francis Delattre. Eh oui ! Le reste n’est qu’effet de manche !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. À la rentrée, lorsque nous en viendrons enfin aux choses sérieuses, dans un contexte global qui, probablement, ne se sera pas amélioré par rapport à aujourd'hui – Dieu sait que je ne le souhaite pas, mais je fais preuve de réalisme ! –, nous devrons entrer dans le débat, le vrai, car celui-ci n’est qu’un petit zakouski, qui fait plaisir à nos collègues de la majorité et attriste les autres, qui font là en quelque sorte leur deuil.
La page sera vite tournée. Monsieur le ministre, quelle stratégie nous proposerez-vous pour la CSG, pour l’impôt sur le revenu, pour notre fiscalité, pour la TVA, pour la compétitivité, pour le financement de la protection sociale ?
Voilà ce que nous avons voulu, les uns et les autres, vous dire en multipliant nos interventions. Certes, nous n’en abuserons pas, mais il est de notre responsabilité – et c’est le cœur du rôle du Parlement – de vous demander des compléments d’information. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Excellent !
(M. Jean-Léonce Dupont remplace M. Charles Guené au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 100.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 119 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l’adoption | 139 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 144 rectifié bis, présenté par MM. Arthuis, Zocchetto, de Montesquiou, Dubois, J. Boyer, Delahaye, Marseille et Amoudry, Mme Morin-Desailly, MM. Roche, Capo-Canellas, Détraigne et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 241-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 9° Une compensation à due concurrence du produit de la taxe sur la valeur ajoutée nette correspondant aux montants de cette taxe enregistrés au titre de l’année par les comptables publics, déduction faite des remboursements et restitutions effectués pour la même période par les comptables assignataires, et affectée au compte de concours financier « Financement des organismes de sécurité sociale ».
2° L’article L. 241-6 est ainsi modifié :
a) Au 1°, les mots : « ces cotisations sont intégralement à la charge de l’employeur » sont supprimés ;
b) Au 9°, le taux : « 6,70 % » est remplacé par le taux : « 12 % ».
II. – Au troisième alinéa du 1 de l'article 1er du décret n° 67-804 du 20 septembre 1967 portant fixation des taux des cotisations d'assurances sociales dues au titre de l'emploi des salaries placés sous le régime général pour une partie des risques, le taux : « 12,80 % » est remplacé par le taux : « 9,80 % ».
III. – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, la compensation à la Caisse nationale des allocations familiales et à la Caisse nationale d’assurance maladie de la réduction des cotisations patronales prévue au 2° du I, et de la diminution des taux visés au II du présent article, s’effectue au moyen des ressources mentionnées aux 9° des articles L. 241-2 et L. 241-6 du même code.
IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale de la suppression des charges patronales familiales et d’une fraction des charges patronales d’assurance maladie, prévues au I, sont compensées à due concurrence par les dispositions du V et du VI du présent article.
V. – Il est ouvert un compte de concours financiers intitulé : « Financement des organismes de sécurité sociale ».
Ce compte retrace, respectivement en dépenses et en recettes, les versements à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale et les remboursements des avances sur le montant des impositions affectées par l’État aux régimes de sécurité sociale.
Le compte de concours financiers intitulé « Financement des organismes de sécurité sociale » est abondé par l’affectation d’une fraction de 5,4 % du produit de la taxe sur la valeur ajoutée.
VI. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° À l’article 278, le taux : « 21,20 % » est remplacé par le taux : « 25 % » ;
2° Au premier alinéa de l’article 278 bis, le taux : « 7 % » est remplacé par le taux : « 12 % » ;
3° À l’article 278 ter, le taux : « 7 % » est remplacé par le taux : « 12 % » ;
4° À l’article 278 quater, le taux : « 7 % » est remplacé par le taux : « 12 % » ;
5° Au premier alinéa et au II de l’article 278 sexies, le taux : « 7 % » est remplacé par le taux : « 12 % » ;
6° Au premier alinéa de l’article 278 septies, le taux : « 7 % » est remplacé par le taux : « 12 % » ;
7° Au premier alinéa et à la seconde phrase du b du 1° du A de l’article 278-0 bis, le taux : « 5,5 % » est remplacé par le taux : « 7 % ».
VII. – Le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2013. Le Gouvernement remet au Parlement, annuellement, et au plus tard le 15 octobre, un rapport établissant l’évaluation du dispositif de TVA sociale et ses effets sur la compétitivité de l’économie française.
L'amendement n° 96, présenté par M. Dassault, est ainsi libellé :
Alinéa 27
Remplacer le taux :
19,60 %
par le taux :
23 %
Cet amendement n'est pas soutenu.
La parole est à M. Jean Arthuis, pour défendre l'amendement n° 144 rectifié bis.
M. Jean Arthuis. J’ai exposé à plusieurs reprises notre philosophie et nos convictions en matière de compétitivité. Je n’ai jamais dit que celle-ci dépendait exclusivement des charges patronales pesant sur les salaires. Nous avons évidemment besoin d’innovation, d’investissement et de recherche, et il nous faut bien entendu soutenir les PME, mais il faut également prendre en compte le facteur travail.
Nous sommes au cœur d’un vrai débat sur notre stratégie fiscale. La référence à 1789 est naturellement fondamentale. Mais dites-moi, mes chers collègues, quel était le niveau des prélèvements sociaux en 1789 ?
À la Libération., il a été décidé que les salaires constitueraient l’assiette du financement de la sécurité sociale. Est-ce encore un principe de justice aujourd'hui, dans une économie mondialisée ? Le citoyen qui ne consomme que des produits venus de l’étranger ne participe pas au financement de sa protection sociale parce que le prix qu’il paie ne contribue en aucune façon à ce financement ; en revanche, ceux d’entre nous qui consomment des produits et services issus du travail français participent, à travers le prix qu’ils paient, au financement de leur protection sociale. Dites-moi où sont la justice et l’injustice !
Je vous en prie, sortons de nos schémas traditionnels ! C’est formidable de penser que les salaires doivent rester l’assiette des cotisations sociales, mais, comme l’a rappelé Philippe Marini, nous transférons chaque année des impôts d’État pour financer la sécurité sociale… Les salaires s’estompent, en quelque sorte. Ce sont les représentant des syndicats qui gèrent les caisses, mais nombre d’entre eux représentent plutôt la sphère publique que la sphère privée concurrentielle ; permettez-moi de le souligner.
Je voudrais aussi combattre l’idée que les salaires pèsent peu dans la valeur ajoutée des entreprises. Comme je l’ai dit hier, le prix que paient les entreprises pour s’approprier des sous-ensembles et des ensembles qu’elles transforment ou manufacturent – je pense notamment aux prestations extérieures et aux fournitures – est largement déterminé par des salaires versés en amont. Le poids des salaires est donc considérable !
Au demeurant, si nous voulons avoir un impact décisif, il ne faut pas nous en tenir à une hausse de 1,6 point de TVA, mais prévoir le basculement de 50 milliards d'euros. Si vous me le permettez, monsieur le président, je voudrais me livrer à une petite démonstration.
Avec le basculement de 50 milliards d'euros que je propose, un produit actuellement vendu à 100 euros hors taxes pourrait être mis sur le marché à 95 euros hors taxes. Si l’on applique une TVA de 19,6 % à un prix de 100 euros, le consommateur paie 119,60 euros ; si l’on applique une TVA de 25 % à un prix de 95 euros, le consommateur paie 118,75 euros, c'est-à-dire moins que 119,60 euros.
J’affirme qu’une hausse de la TVA associée à un allégement des cotisations sociales dans une proportion significative n’entraînerait pas d’augmentation des produits issus du travail français. Il n’y aurait donc aucune injustice !
Il est vrai que les produits importés seraient mis sur le marché à un prix plus élevé mais, dans la mesure où ceux qui importent sont aussi ceux qui réalisent les marges les plus considérables, ils ne répercuteraient pas l’intégralité de la hausse de TVA, de sorte que l’inflation serait inférieure à cette hausse. En revanche, notre gain de compétitivité à l’export serait total puisque nous exportons hors TVA.
Par ailleurs, monsieur le ministre, je vous conseille de garder la CSG pour financer la prise en charge de la dépendance lorsque vous serez en mesure de nous présenter un projet crédible !
J’ajoute que, si nous allégions les cotisations sociales, nous les allégerions pour tous les employeurs, y compris les employeurs publics. Les salaires des trois fonctions publiques représentent à peu près 250 milliards d'euros chaque année ; l’allègement des cotisations sociales se traduirait donc par un allègement significatif des charges que supportent les collectivités territoriales, les hôpitaux, les établissements sanitaires et l’État employeur.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à vous associer à l’amendement que je présente au nom du groupe de l’Union centriste et républicaine. (Applaudissements sur les travées de l'UCR ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La position de la commission des finances est très simple : dans la mesure où elle s’est prononcée en faveur de la suppression de la TVA sociale, elle ne peut qu’être défavorable à cet amendement qui vise à instaurer une TVA sociale encore plus forte.
Je voudrais apporter un élément complémentaire. Certes, on peut supposer que l’impact sur l’emploi d’une TVA sociale renforcée serait bien plus puissant que celui qu’on attendait de la « petite » TVA sociale qu’avait instaurée le précédent gouvernement : selon la commission des finances, 150 000 à 160 000 emplois pourraient être créés. En revanche – il me semble important d’apporter cette précision –, l’impact sur l’inflation serait très significatif.
M. Jean Arthuis. Non !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Certains ont soutenu que l’on ne pouvait pas dire qu’une augmentation de la TVA entraînerait forcément de l’inflation. Toutefois, plusieurs économistes ont apporté des éléments précis qui infirment cette hypothèse. Je pense notamment à l’étude de la Bundesbank sur les effets de la hausse de trois points de la TVA en Allemagne en 2007, qui montre que la hausse de la TVA s’est répercutée presque intégralement sur les prix ; l’effet inflationniste a donc été manifeste. Cet exemple est d’autant plus parlant qu’il concerne un pays proche du nôtre. Par conséquent, on ne peut affirmer de manière péremptoire qu’une augmentation de la TVA en France n’aurait pas d’effet inflationniste. Pour ma part, je pense qu’il y en aurait un.
Je suis en désaccord avec le fond même de l’argumentation développée par Jean Arthuis. Une hausse de la TVA pourrait avoir certains effets redoutables : plus d’inflation, c’est aussi plus d’injustice. Pour cette raison également, il me paraît important de ne pas donner suite à la proposition de Jean Arthuis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je souhaiterais prolonger le débat avec Jean Arthuis. Nous sommes en désaccord sur les conséquences qu’aurait une augmentation de la TVA sur la formation des prix. Certains pensent que ceux-ci ne seraient pas modifiés et qu’aucune atteinte ne serait donc portée au pouvoir d'achat ; d’autres estiment au contraire que les prix seraient déformés et augmenteraient.
Je reprends à mon compte l’étude de la Bundesbank qu’a citée le rapporteur général. Selon cette étude, je le rappelle, l’augmentation de trois points de la TVA décidée par le gouvernement Schröder a entraîné une inflation de 2,6 %. On peut contester la méthodologie de la Bundesbank mais pas le chiffre qu’elle a obtenu.
Les conclusions de la Bundesbank se comprennent d'ailleurs assez bien. Examinons les conséquences d’une hausse de la TVA sur les produits importés et les produits fabriqués en France. Les produits importés voient nécessairement leurs prix augmenter, puisque la TVA sociale constitue une forme de dévaluation compétitive ; c’est d'ailleurs tout l’intérêt de cette mesure, et il est donc difficilement compréhensible que ses partisans le nient. Sachant que les produits importés représentent un tiers des biens consommés dans notre pays, comment peut-on imaginer qu’une augmentation incontestable de leurs prix n’ait pas d’incidence sur l’inflation, au moins dans ce secteur ?
M. Vincent Delahaye. C’est tant mieux !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Venons-en aux biens produits en France. J’ai du mal à comprendre le raisonnement qui a été tenu. Il s'agit bien, via l’augmentation de la TVA, de reporter sur le consommateur un financement actuellement dévolu aux entreprises. Par conséquent, de deux choses l’une : soit les entreprises augmenteront leurs prix à due concurrence de l’augmentation de la TVA, et c’est le consommateur qui, de fait, contribuera davantage au financement de la protection sociale ; soit les entreprises ne répercuteront pas intégralement l’augmentation de la TVA sur leurs prix, et alors elles contribueront presque pour la même part au financement de la protection sociale.
M. Jean Arthuis. Mais non, puisqu’elles paieront moins de charges !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Dans le premier cas, on portera atteinte au pouvoir d’achat ; dans le second, les entreprises paieront à la place des consommateurs et l’effet ne sera donc pas aussi puissant que l’espèrent les partisans de la TVA sociale. Il me semble qu’on ne peut pas échapper à cette alternative.
J’ajoute que si, comme le pensent les promoteurs de la TVA sociale, ce sont les consommateurs qui paient, le seul moyen de ne pas porter atteinte au pouvoir d'achat serait d’augmenter les salaires à due concurrence. Mais si on procède à une telle augmentation, l’effet compétitivité disparaît pour les entreprises de notre pays… Je maintiens donc ce que j’ai dit lors de ma première intervention : la disposition que vous proposez, monsieur Arthuis, pourrait être intéressante à condition d’être complétée par une mesure indispensable à son efficacité : le gel des salaires. Or je constate que vous ne le proposez pas. Ne serait-ce qu’à cause de cette incohérence le Gouvernement est défavorable à votre amendement. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.
M. Alain Néri. Monsieur Arthuis, je vous ai écouté avec beaucoup d’attention. Vous nous avez dit que nous n’étions plus en 1789. Je vous l’accorde ! Nous l’avions compris depuis quelque temps…
Mais, lorsque vous faites référence au Conseil national de la résistance, je trouve que vous ne manquez pas d’audace ! En effet, le CNR a été à l’origine de la création de la sécurité sociale, de la retraite et de la solidarité dans ce pays. Or il me semble – arrêtez-moi si je me trompe – que vous avez soutenu un gouvernement qui a institutionnalisé le déremboursement des médicaments et limité l’égal accès de tous les Français aux soins en permettant des dépassements d’honoraires exorbitants qui conduisent à une véritable médecine à deux vitesses ! (Protestations sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Gilbert Barbier. Ce n’est pas nous !
M. Alain Néri. Alors je vous pose une question, monsieur Arthuis : maintenez-vous le reproche que vous semblez faire – mais peut-être ai-je mal compris – à ces gens trop modestes pour consommer de ne pas participer au financement de leur protection sociale ? C’est un gag !
Ces huit millions et demi de Français qui sont en dessous du seuil de pauvreté (Eh oui ! sur les travées du groupe CRC.), ces onze millions de nos concitoyens qui finissent le mois avec moins de 10 euros dans leur poche, qui sont à la merci du moindre accident de la vie quotidienne, ils ne demandent qu’une chose : consommer davantage !
Or, lorsque vous augmentez la TVA, vous réduisez leur pouvoir d’achat. Il ne faut pas être naïf, et d’ailleurs vous ne l’êtes pas, monsieur Arthuis ! Vous savez bien que l’augmentation de la TVA sera automatiquement répercutée dans le prix de vente des produits alimentaires ou des produits de la vie courante.
M. Alain Gournac. Non !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pas automatiquement !
M. Alain Néri. Ceux qui ont moins de 800 euros par mois, une fois qu’ils ont payé le loyer et l’indispensable, quel est leur « reste à vivre » ? Le véritable problème qu’il faudra bien que nous abordions un jour est celui-là, monsieur Arthuis : le « reste à vivre » d’un certain nombre de nos concitoyens !
Aujourd’hui, notre pays connaît une crise morale et une crise sociale. Notre génération est en train de constater son échec dès lors qu’elle est convaincue que nos gosses vivront moins bien que nous. Et les enfants sont également persuadés qu’ils vivront moins bien que leurs parents. Mais vous voulez encore accentuer votre politique antisociale avec votre TVA antisociale !
Qu’offrez-vous à ces jeunes comme avenir ?
Mme Fabienne Keller. Nous voulons qu’ils aient un emploi !
M. Alain Néri. Chômeur ou travailleur pauvre !
M. Christian Cambon. Mais alors, pourquoi supprimez-vous l’exonération des heures supplémentaires ?
M. Alain Néri. Quel horizon leur offrez-vous ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et vous ?
M. Alain Néri. Monsieur Arthuis, vous ne pouvez pas accepter un tel avenir pour notre jeunesse et c’est pour cette raison que vous allez nous annoncer le retrait de votre amendement ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
Enfin, monsieur Arthuis, je voudrais vous dire tout simplement que nous, nous leur offrons des emplois d’avenir. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Cambon. Lesquels ?
M. Alain Néri. Nous allons redonner espoir à cette jeunesse et, du même coup, à leurs parents et à leurs grands-parents.
C’est comme cela que la France retrouvera confiance en l’avenir, grâce à la politique de François Hollande et du Gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Oui, monsieur Arthuis, le changement, c’est maintenant ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. C’est Noël ! (M. Alain Gournac chante le début de « Petit papa Noël ».)
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, moi, je me réjouis de ce débat sur la TVA sociale. Il est absolument indispensable compte tenu de la situation économique dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui.
Je regrette toutefois que, dans le projet de loi qui nous est présenté, il n’y ait absolument aucune mesure en faveur de la compétitivité de notre économie et de la création d’emplois.
M. Christian Cambon. Ils ne savent pas ce que c’est !
M. Vincent Delahaye. J’espère que cela viendra vite car, tout le monde l’a dit, il est très urgent d’agir.
Pour ma part, au printemps dernier, j’ai voté la proposition qui nous était faite par le précédent gouvernement de créer cette TVA sociale. À l’époque, j’avais dit que, à mes yeux, c’était à la fois un peu trop tard et trop peu. Je me réjouis aujourd’hui que Jean Arthuis dépose un amendement qui va dans le sens d’une amplification de cette TVA sociale.
J’ai aussi noté certaines choses très intéressantes dans ce que M. le ministre nous a dit ; cela ne m’étonne guère de sa part (M. Henri de Raincourt s’exclame.), mais j’avoue que j’étais assez content de les entendre.
J’ai entendu que le coût du travail n’était pas le seul élément important au regard de la compétitivité et que beaucoup d’autres facteurs entraient en ligne de compte : l’investissement, l’innovation.... C’est indéniable. Il reste que le coût du travail ne peut pas être ignoré quand on parle de compétitivité. Or, aujourd’hui, ce coût est trop élevé en France, et nombreux sont ceux qui le reconnaissent.
Il faut donc chercher à abaisser le coût du travail dans notre pays, non pas pour le plaisir, mais en recherchant le progrès social, ce qui est notre objectif à tous. Selon moi, la baisse du coût du travail étant un facteur de création d’emplois, elle est aussi facteur de progrès social.
Par ailleurs, M. le ministre nous a expliqué que certains hommes très importants, M. Sarkozy et M. Baroin, avaient changé d’avis sur le sujet. Je me réjouis que des gens intelligents puissent, à un moment donné, changer d’avis.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. Vincent Delahaye. Cela me rend un peu optimiste sur la question, car je sens que les choses évoluent. Depuis quelque temps, il n’y a pas que M. Arthuis et quelques autres pour défendre la TVA sociale. Cette idée fait de plus en plus d’adeptes. J’en suis heureux parce que la démonstration de M. le ministre ne m’a pas convaincu du tout !
Pour tirer les effets des économies réalisées avec la baisse des charges patronales, l’entreprise a le choix : elle peut augmenter les salaires ; elle peut aussi augmenter ses prix, comme elle peut très bien décider de ne pas les augmenter.
M. François Rebsamen. Elle « peut », bien sûr !
M. Vincent Delahaye. En tout cas, chaque entreprise a le choix, et je pense que l’ensemble des choix sera globalement bénéfique à l’économie française.
Cette intelligence, qui se manifeste tant à droite qu’à gauche, et aussi Gouvernement, me rend optimiste et je pense que le débat d’aujourd’hui sera utile pour faire évoluer les positions des uns et des autres.
Monsieur le ministre, dans votre conclusion, vous nous avez dit que vous trouviez cette proposition intéressante, à condition – je reprends vos propos – qu’elle soit assortie d’un gel des salaires et des pensions. Chiche ! Moi, je suis favorable à cette dernière proposition, à condition, bien sûr, que l’on prenne des mesures pour les plus bas salaires, les plus basses pensions, et que l’on y réfléchisse ensemble.
Compte tenu de l’état de notre économie et de notre situation budgétaire, ce serait même une très bonne piste de réflexion. Aussi, j’espère que vous l’étudierez dans les semaines qui viennent et qu’après avoir, j’imagine, pris un peu de vacances – pas trop longues ! – vous reviendrez soit avec d’autres propositions, soit en ayant évolué sur cette proposition de TVA sociale, qui est vraiment indispensable aujourd’hui.
Voilà pourquoi je voterai des deux mains l’amendement de Jean Arthuis. (Applaudissements sur les travées de l'UCR.)
M. Alain Néri. Une seule suffira !
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.
M. Jean Arthuis. Il s’agit là d’une réforme qui ressortit à la catégorie des réformes structurelles lourdes, donc de celles que nous ne pourrons mettre en œuvre avec succès qu’en transcendant nos clivages partisans. Par conséquent, le débat est tout à fait fondamental et cette enceinte est un lieu privilégié pour échanger sur nos visions et tenter de nous convaincre mutuellement.
Madame Lienemann, la référence aux dividendes est intéressante, mais, il faut que vous en ayez conscience, les entreprises qui distribuent beaucoup de dividendes sont celles qui font des bénéfices hors du territoire national. Que cela vous amène à réfléchir sur la compétitivité du travail en France !
Cher collègue Néri, nous avons en commun l’ambition d’offrir à nos enfants des perspectives qui leur donnent espoir et confiance. Tous, nous sentons bien confusément que nous sommes dans une impasse. Nous n’avons pas vu venir la mondialisation, nous n’avons pas tiré les conséquences des défis que nous avons à relever du fait de celle-ci. Il était facile de se proclamer les défenseurs des consommateurs ; c’était formidable ! Mais un jour est venu où les défenseurs des consommateurs ont pris à la gorge ceux des producteurs qui produisent encore en France et qui créent des emplois. Voilà comment on a organisé assez méthodiquement les délocalisations d’activités et d’emplois.
Sommes-nous capables de reconnaître ces situations de fait et ces évolutions ? Qu’allez-vous dire aux salariés de chez Peugeot et aux sous-traitants qui, demain, vont perdre leur boulot ?
Nous avons à retrouver de la compétitivité et des assiettes pour le financement de notre protection sociale. Nous avons en commun cette ambition, cher collègue. Ne polémiquons donc pas et efforçons-nous plutôt de sortir la France de la crise !
Monsieur le ministre, j’aime bien vous écouter car, chaque fois, je vois la lumière ! (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.). Toutefois, j’avoue que, cette fois-ci, je vous ai trouvé moins performant...
Certes, je souscris à votre observation selon laquelle les importations seront proposées aux consommateurs à un prix plus élevé du fait de la hausse de TVA. Mais je ne comprends pas bien votre raisonnement lorsque, s’agissant de la production nationale, vous nous dites que les prix ne vont pas baisser. S’ils ne baissaient pas, cela n’aurait aucun intérêt !
J’ai à l’esprit ce que nous rappelait notre collègue Reichardt tout à l’heure : en 1995, sans allégement des cotisations sociales, avec une hausse de TVA de deux points qui était consacrée à la réduction du déficit public, il n’y a pratiquement pas eu de hausse des prix, et cela grâce à la concurrence. J’affirme que, en ce qui nous concerne, la concurrence sera toujours là et que, dans ces conditions, il n’y aura pas de hausse des prix.
La pire des injustices est, en effet, le chômage et la difficulté que rencontrent les jeunes pour entrer dans le monde du travail.
Enfin, monsieur le ministre, pour ce qui est du blocage des salaires, du fait de votre action et de votre politique, il va devenir une réalité ! Dites-moi donc comment vous allez établir votre budget pour 2013 sans un sévère blocage des rémunérations dans les fonctions publiques ?
Finalement, puisque vous êtes en charge d’une politique qui va conduire au blocage des salaires, n’hésitez pas à mettre en œuvre une TVA sociale ! (Applaudissements sur les travées de l'UCR et sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Caffet. J’avais interrompu tout à l’heure mon raisonnement et réservé des arguments conjoncturels pour répondre à M. Arthuis.
On peut discuter à l’infini du caractère inflationniste ou non d’une hausse de la TVA. En réalité, personne ne connaît l’ampleur de l’augmentation des prix résultant d’une élévation du taux de la TVA. Tout dépend, encore une fois, de la conjoncture dans laquelle on se trouve.
Personnellement, je n’ai rien à ajouter à l’argumentation développée par M. Jérôme Cahuzac ; je la trouve tout à fait juste et cohérente.
Je veux simplement vous dire, monsieur Arthuis, que je ne crois pas qu’une hausse de cinq points de TVA puisse ne produire aucune augmentation des prix. Cela ne s’est vu absolument nulle part et cela risque d’ailleurs de se voir encore moins compte tenu de la situation actuelle des entreprises, laquelle est différente de celle de 1995.
En effet, aujourd’hui, le taux de marge des entreprises est historiquement bas. Je ne crois pas du tout qu’elles répercuteraient intégralement la diminution des cotisations patronales dans les prix hors taxes. Elles seront tentées d’utiliser une diminution de leurs charges, et c’est bien normal, pour obtenir un effet bénéfique sur leurs marges, donc sur leurs investissements.
Les choses sont donc extrêmement compliquées. Mais je ne crois absolument pas, je vous le répète, à une répercussion intégrale dans les prix hors taxes, surtout à ce niveau : cinq points de TVA, c’est absolument énorme ! Mais là n’est peut-être pas le plus important.
J’en viens au plus important, et cela m’amène à répondre à l’argument que j’ai entendu tout à l’heure, à savoir que la TVA était absolument indolore.
Pardonnez-moi, chers collègues, mais, quand vous avez voté le collectif Fillon II, vous avez diminué de 12,3 milliards d’euros les charges patronales et augmenté le rendement de la TVA de 10,6 milliards d’euros. Ces 10,6 milliards d’euros sont inscrits dans les comptes en année pleine pour 2013 ; ils ont été affectés à la CNAF.
Quand on augmente la TVA de 1,6 point ou de 5 points, il y a bien un agent économique qui paie l’augmentation !
M. Jean-Pierre Caffet. Ne confondons pas, d’un côté, la perte éventuelle de pouvoir d’achat des ménages qui résulterait du caractère plus ou moins inflationniste de la conjugaison de la hausse de la TVA et de la répercussion de la diminution des charges avec, de l’autre côté, le produit que vous prélevez sur les consommateurs, c’est-à-dire sur les ménages, en compensation de la diminution des cotisations sociales patronales.
Monsieur Arthuis, les 10,6 milliards seront pompés dans les poches des consommateurs, c’est-à-dire des ménages. Vous n’y pouvez rien, c’est comme cela ! Et cela, c’était avec une augmentation de 1,6 point. Alors imaginez ce qu’il en sera avec une augmentation de 5 points ! Je n’ai pas fait le calcul, mais cela représente de 30 à 35 milliards de transferts de charges des entreprises vers les ménages.
Nous pouvons toujours en discuter, monsieur Arthuis. Mais tenez compte de la conjoncture dans laquelle se trouve notre pays ! (M. Jean Arthuis s’exclame.)
Un point de hausse de la TVA, c’est 0,9 point de croissance en moins, et la baisse correspondante des cotisations patronales, c’est seulement 0,4 % de croissance en plus. Ce n’est pas moi qui le dis ; ce sont les propos de Nicolas Sarkozy, en 2004, quand il était ministre des finances. Faites donc le calcul : avec 0,9 % en moins d’un côté et 0,4 % en plus de l’autre, le bilan d’un point de hausse de la TVA, c’est 0,5 % de croissance en moins !
En combinant hausse de la TVA et baisse des cotisations, nous serions certains de provoquer un ralentissement de la croissance, qui serait même massif si l’augmentation était de cinq points.
Je reprends donc l’argument que j’ai essayé de faire valoir hier. Alors que les prévisions de croissance, qui étaient de 0,7 % voilà quelques mois, sont aujourd'hui ramenées à 0,3 %, retenir votre proposition, monsieur Arthuis, serait le plus sûr moyen de faire entrer notre pays en récession. Vous comprendrez que, personnellement, je préfère l’éviter…
On peut évidemment débattre du financement de la protection sociale. Pour ma part, je n’ai pas de religion sur les mérites comparés de la TVA et de la CSG. Je note simplement ceci : la TVA est assise, pour faire simple, sur les salaires et les retraites, tandis que la CSG l’est sur les salaires, les retraites, mais aussi les revenus du capital et du patrimoine. Ce n’est pas anodin, monsieur Arthuis ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. J’observe avec intérêt que la gauche a changé de position : elle a compris que le financement de la protection sociale ne pouvait plus reposer sur les seules cotisations salariales.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est vrai !
M. Philippe Adnot. C’est ce qui ressort des différentes interventions que nous avons entendues.
À mon sens, la droite a commis trois erreurs sur le sujet.
Première erreur : elle n’a proposé cette réforme que trois mois avant les élections. (M. Jean-Pierre Caffet s’esclaffe.) Pourtant, si une telle mesure avait été mise en place voilà quatre ans, nous pourrions en percevoir les effets aujourd'hui, et je gage que nous ne serions pas dans la même situation.
Deuxième erreur : elle a annoncé que la réduction des cotisations concernerait seulement les cotisations patronales. Or on ne peut évidemment pas susciter l’adhésion à une telle politique sans chercher à y associer l’ensemble des acteurs concernés. L’allégement aurait donc dû porter sur les cotisations patronales et salariales.
Troisième erreur : le taux retenu était beaucoup trop faible. À cet égard, je rejoins M. Arthuis : une réforme comme celle-ci doit avoir un impact fort si l’on veut qu’elle porte réellement ses fruits.
Quant à la gauche, son erreur est de ne pas comprendre que l’enjeu de cette mesure est de faire participer à l’effort les produits importés. Vous voulez trouver des modes de financement autres que les cotisations sociales, mais vous n’allez pas faire contribuer les importations ! C’est une grave erreur, et vous serez contraints de la corriger tôt ou tard.
Dans l’immédiat, nous prenons acte de votre erreur. C’est pourquoi je soutiens à titre personnel l’amendement de M. Arthuis.
Je regrette une certaine incapacité à comprendre que l’amélioration de la compétitivité de notre pays et, in fine, la création d’emplois supposent un rééquilibrage des conditions dans lesquelles s’effectue la compétition internationale. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UCR et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur le président, je n’utiliserai que le temps de parole d’une explication de vote, même si, dans ce débat sur le financement de la protection sociale, en tant que présidente de la commission des affaires sociales, je pourrais m’exprimer en toute légitimité autant de temps que je le souhaite, à l’instar de mon collègue Philippe Marini.
Du reste, je crois que nous avons sans doute un peu anticipé sur le débat que nous aurons à l’automne prochain, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances – et j’espère qu’il sera alors approfondi.
Depuis que nous avons commencé à examiner les amendements, c'est-à-dire depuis quatorze heures trente, nous avons entendu beaucoup d’arguments. Je note que les interventions venant de la droite s’apparentaient souvent à des leçons de bonne gestion des finances publiques.
On nous a ainsi parlé du « coût du travail », de la « compétitivité », du « gel des salaires », au nom de « l’emploi », notamment de « l’emploi des jeunes »…
Permettez-moi de vous faire un petit rappel, chers collègues de l’ex-majorité. Au cours des dix ans passés, le thème de la baisse du coût du travail n’a cessé d’être au cœur de vos propositions. À cet égard, je peux citer, entre autres, la loi du 21 août 2007, la fameuse loi TEPA. Et pendant qu’on baissait le coût du travail, les délocalisations ont continué, frappant des milliers de salariés de notre pays. Dans le même temps, la richesse produite en France augmentait : elle s’est accrue d’environ 700 milliards d’euros en dix ans. Ce n’est tout de même pas rien !
Mais, tandis que le coût du travail baissait et que la richesse produite augmentait, la pauvreté s’aggravait. On compte aujourd'hui, en France, 8 millions de pauvres, dont 2 millions d’enfants. Ce sont 2 millions d’enfants qui n’ont pas forcément un repas de qualité par jour, qui n’ont pas accès à de bonnes conditions d’apprentissage ou qui ne partent pas en vacances ! C’est le résultat de la politique que vous avez menée pendant ces dix dernières années !
M. Jean-Claude Lenoir. Il ne faut pas exagérer ! Avant, ils partaient en vacances ? Avant, ils mangeaient mieux ?
Mme Annie David. Ce n’est pas moi qui annonce ces chiffres, mon cher collègue. C’est bien au cours de ces dix dernières années que le seuil de 2 millions d’enfants pauvres a été atteint dans notre pays !
De plus, 500 000 emplois ont été supprimés. Vous parlez de l’emploi des jeunes. Mais qu’avez-vous fait pour nos jeunes ? Voyez dans quelle « galère » ils sont aujourd'hui, qu’ils soient diplômés ou non, pour trouver un emploi stable !
Comment pouvez-vous évoquer la baisse du coût du travail quand on voit la précarité, le temps partiel subi par un grand nombre de femmes vivant seules avec leurs enfants et la pauvreté de ces familles monoparentales ? Voilà le résultat de la politique que vous avez menée pendant dix ans, que ce soit sous le mandat de Jacques Chirac ou sous celui Nicolas Sarkozy !
Il est donc temps, me semble-t-il, de prendre des mesures à rebours de ce qui a été fait au cours des dix dernières années ! Il faut abroger la réforme de la TVA avant même son entrée en vigueur, car ce sont nos concitoyennes et nos concitoyens les plus modestes qui seraient, une fois encore, les premiers à en subir les effets.
Par conséquent, je ne voterai évidemment pas l’amendement de M. Arthuis et je voterai l’article 1er de ce texte, afin d’empêcher la mise en œuvre de la réforme relative à la TVA.
J’espère que nous allons maintenant pouvoir avancer un peu dans nos travaux, car il nous reste encore beaucoup à faire pour remettre un peu de couleurs dans le financement de notre protection sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Jean-Claude Lenoir. Mais on a tout le temps !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 144 rectifié bis.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste, l'autre, du groupe de l'UCR.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, tout comme celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 120 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 221 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 111 |
Pour l’adoption | 45 |
Contre | 176 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 1er.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 121 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 174 |
Pour l’adoption | 177 |
Contre | 169 |
Le Sénat a adopté.
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Communication d’un avis sur une désignation
M. le président. En application de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, et conformément aux termes de l’article L. 621-2 du code monétaire et financier, la commission des finances lors de sa réunion du mercredi 25 juillet 2012 a émis un vote favorable ( 28 voix pour, 2 voix contre et 2 votes blancs) en faveur de la désignation de M. Gérard Rameix, aux fonctions de président de l’Autorité des marchés financiers.
Acte est donné de cette communication.
5
Loi de finances rectificative pour 2012
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012.
Dans la discussion des articles de la première partie, nous en sommes parvenus, au sein du titre Ier, aux articles additionnels après l’article 1er.
Articles additionnels après l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par Mmes Pasquet, Cohen et David, MM. Fischer, Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est complété par une section ainsi rédigée :
« Section XXIII
« Contribution exceptionnelle sur le chiffre d’affaires réalisé par les établissements de santé privés à but lucratif
« Art. 235 ter ZG. – I – Il est institué à la charge des établissements de santé privés à but lucratif, mentionnés à l’article L. 5123-1 du code de la santé publique, une contribution exceptionnelle sur le chiffre d’affaires qu’ils ont réalisé en 2011 et 2012.
« Cette contribution est due dès lors que le chiffre d’affaires atteint 500 000 euros et est égal à 2 % de l'impôt sur les sociétés dû, déterminé avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales de toute nature.
« II. – La contribution est établie, contrôlée et recouvrée comme l'impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions.
« III. – Le bénéfice de cette contribution est affecté aux centres de santé présentant d’importantes difficultés financières, inscrits sur une liste nationale établie par les représentants des agences régionales de santé. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Avec cet amendement, nous souhaitons relancer le débat sur le financement des centres de santé, dont certains éprouvent d’importantes difficultés financières.
Disant cela, je pense en particulier aux centres de santé des Bouches-du-Rhône, gérés par le Grand Conseil de la Mutualité et qui font l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire. Si celle-ci devait aboutir, les centres de santé de mon département, qui accueillent une population pour laquelle ces structures représentent le seul accès aux soins primaires, seront contraints de fermer. Au drame sanitaire évident s’ajouterait un drame social, avec la suppression de plusieurs centaines d’emplois.
Mme la ministre des affaires sociales et de la santé est intervenue afin que soit organisée une table ronde entre les différents acteurs. Celle-ci n’a malheureusement pas pu déboucher sur des solutions concrètes et nous regrettons vivement que l’Agence régionale de santé, placée sous la tutelle de Mme la ministre, n’ait pas pu débloquer un fond financier d’urgence, alors même que, quelques semaines auparavant, elle a dégagé 40 millions d’euros d’aide exceptionnelle à destination d’une clinique commerciale.
Je connais l’attachement du Gouvernement aux structures qui participent au service public hospitalier et nous accueillons positivement les annonces faites en ce sens. Il ne faudrait pas oublier les centres de soins qui, sans être des structures hospitalières, participent de fait à la satisfaction des besoins en santé des populations, dont les plus fragiles d’un point de vue économique et social.
Avec cet amendement, nous proposons de faire contribuer financièrement les cliniques commerciales à la satisfaction de ces besoins particuliers via les centres de santé.
Selon une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la DREES, publiée le 13 mars 2012, « le chiffre d’affaires des cliniques privées a augmenté de 3,5 % ».
Cette situation économique plutôt satisfaisante pourrait par ailleurs profiter d’une nouvelle amélioration du fait des mesures introduites par la loi HPST. Je pense précisément à la disposition qui autorise les cliniques à créer des centres de santé ou à réaliser des missions de service public supplémentaires : des mécanismes qui agissent comme de véritables aspirateurs à clientèle.
Or l’État et la sécurité sociale participent au financement de ces structures. Selon un rapport de l’inspection générale des affaires sociales de 2005, le privé lucratif, qui n’accueille qu’un tiers des malades, a reçu 42 % de l’argent distribué par l’État pour les investissements, en 2006.
Pour toutes ces raisons, il nous semble légitime que les cliniques commerciales, qui, nul ne l’ignore, pratiquent une politique tarifaire discriminatoire socialement, participent au financement de ces structures innovantes et socialement efficaces que sont les centres de santé. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Les cliniques commerciales demeurent des acteurs incontournables de notre système de soins. Or la situation financière de beaucoup de ces cliniques semble aujourd’hui fragile.
Ainsi, selon la Fédération de l’hospitalisation privée, en 2010, près de 43 % d’entre elles étaient en déficit et 75 % se trouvaient en dessous du seuil de résultat net minimum de 3 % préconisé par les experts financiers.
Dans ces conditions, même si l’amendement présente un intérêt certain en visant à préserver une forme d’équilibre financier pour un acteur incontournable du système de santé en France, la commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement, car, à notre niveau, les effets d’une telle contribution exceptionnelle sur la situation financière des cliniques commerciales sont difficilement mesurables.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Madame la sénatrice, je comprends parfaitement l’objet de votre amendement. Le Gouvernement est évidemment très préoccupé par la situation financière d’un certain nombre de centres de santé. Je m’engage à signaler le cas que vous venez d’évoquer à ma collègue Marisol Touraine : j’espère qu’elle pourra étudier avec vous les solutions envisageables dans ce cas précis.
Pour autant, le Gouvernement ne peut accueillir favorablement votre amendement. D’abord, comme vient de l’indiquer le rapporteur général, ces cliniques, que vous qualifiez de commerciales, mais qui sont habituellement dénommées « cliniques privées », sont dans une situation telle qu’une taxe supplémentaire ne serait pas anodine pour elles. Elles aussi ont besoin de sacrifier à un certain équilibre financier.
J’ajoute que, dans ce projet de loi de finances rectificative, les prélèvements obligatoires augmentent, ce que d’aucuns nous reprochent d’ailleurs avec vigueur, et il ne me paraît pas opportun d’en « rajouter », si vous me permettez cette expression.
Le Gouvernement assume le prélèvement supplémentaire de 7,2 milliards d’euros proposé dans ce projet de loi de finances rectificative, mais il lui paraît difficile, à l’heure actuelle, d’opérer un prélèvement supérieur à celui-là.
Je donne donc un avis défavorable sur votre amendement, en espérant toutefois votre compréhension.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. J’entends bien les arguments de la commission des finances et du Gouvernement.
Cela étant, je précise que, par exemple, le profit net du premier groupe français, Générale de santé, qui représente 50 % des établissements installés en France, est passé de 24 millions à 59,4 millions d’euros, ce qui lui a permis de verser 420 millions d’euros à ses actionnaires en 2009. Le groupe Vedici a réalisé, pour sa part, 350 millions d’euros de chiffre d’affaires et le groupe Capio, quant à lui, 490 millions d’euros.
Donc, si certaines cliniques sont en difficulté, je pense que ce n’est pas le cas de la majorité d’entre elles.
En ce qui concerne les centres de santé mutualistes, nous avons déjà alerté Marisol Touraine sur leur situation et elle a permis que soit organisée une table ronde sous l’égide de l’Agence régionale de santé.
Cela étant, je maintiens mon amendement, car il est véritablement temps d’agir, et ce dans les plus brefs délais, dans l’intérêt des centres mutualistes, qui réclament depuis des années l’attribution de ce fonds d’urgence. Je comprends que le gouvernement actuel ne soit pas comptable de la politique du gouvernement précédent, mais les centres mutualistes seront en cessation de paiement dès la fin du mois prochain.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par Mmes Pasquet, Cohen et David, MM. Fischer, Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 278-0 bis du code général des impôts est complété par un F ainsi rédigé :
« F. – Les opérations d’achat réalisés par les centres de santé mentionnés à l’article L. 1110-4 du code de la santé publique ainsi que par leurs organismes gestionnaires pour leur compte. »
II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par l’augmentation de la taxe sur les transactions financières visée à l’article 235 ter ZD du code général des impôts.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que le précédent.
Les centres de santé sont des structures de soins atypiques dans un monde médical marqué tout à la fois par le paiement à l’acte et par la prédominance de l’exercice libéral en médecine ambulatoire. Ces deux caractéristiques ont conduit à ce que, pendant des années, les centres de santé soient victimes d’une forme d’ostracisme de la part tant des pouvoirs publics que des professionnels de santé eux-mêmes.
Depuis quelque temps, face aux défis que représentent la démographie médicale, la répartition des professionnels de santé sur l’ensemble du territoire national et l’attrait des jeunes médecins pour la médecine de premier recours, les centres de santé sont apparus comme des structures pertinentes, en même temps qu’elles sont évidemment très utiles.
Ces centres sont utiles parce qu’ils constituent une réponse efficace pour celles et ceux qui souhaitent bénéficier, à des tarifs conventionnés – ce qui est essentiel eu égard à leurs ressources –, de soins de qualité et d’une organisation médicale favorisant à la fois l’approche globale et la prévention. Pour les populations, l’intérêt est donc évident.
Il en va de même pour les professionnels, qui sont de plus en plus nombreux à plébisciter ce mode d’organisation. J’en veux pour preuve le rapport remis par Mme Acker en 2007, mais qui demeure d’actualité.
Dans ce rapport, il est rappelé, à juste titre, que les centres de santé répondent aux nouveaux enjeux que j’ai mentionnés et que ce qui constitue leur force, c’est leur différence avec les autres formes d’exercice regroupé. À titre d’exemple, les professionnels interrogés reconnaissent l’intérêt d’exercer en salarié, d’être déchargés de toute obligation administrative et d’avoir un mode de tarification leur permettant d’assurer une approche à la fois sanitaire et sociale, indispensable lorsqu’il s’agit d’accueillir des populations fragilisées socialement.
Malgré tous ces avantages, une question demeure, dont le rapport fait état : « Il apparaît ainsi que les centres de santé, du moins une grande partie d’entre eux, développent des pratiques et une philosophie de soins qui répondent particulièrement bien aux enjeux actuels de notre système, là où ils sont implantés. Dès lors se pose la question de savoir pourquoi ils sont en si grande difficulté, si peu connus et peu implantés. »
Cette interrogation est fondamentale et trouve malheureusement sa réponse dans l’application à ces centres de règles dérogatoires qui leur sont défavorables. Ces règles, comme le financement de certaines pratiques, par exemple le tiers payant, ou encore certains actes préventifs, mettent en péril l’équilibre financier des centres de santé.
Cet amendement ne résoudra certainement pas à lui seul toutes les difficultés. Mais en exonérant les centres de santé, ou leurs gestionnaires, de la TVA sur les achats qu’ils réalisent, il permet d’augmenter la capacité d’autofinancement de ces centres, ce qui contribuera à faciliter leur maintien et leur développement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission des finances est défavorable à cet amendement pour une raison bien simple : il est contraire à la directive européenne relative à la TVA.
En effet, l’amendement tend à soumettre à un taux réduit les achats réalisés par une catégorie d’acteurs, en l’occurrence les centres de santé. Or la directive prévoit que l’application du taux réduit ne peut concerner que des catégories d’opérations, non des catégories d’acteurs.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement ne peut que reprendre à son compte l’argumentation développée par le rapporteur général. Cet amendement, s’il était adopté, serait contraire à une directive.
Madame la sénatrice, je conçois que cet argument ne vous satisfasse pas ; néanmoins, il s’impose.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Mme Isabelle Pasquet. Je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 3 est retiré.
L'amendement n° 83, présenté par M. Dassault, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 279-0 bis du code général des impôts est abrogé.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Article 1er bis (nouveau)
Après le mot : « habitation », la fin du dixième alinéa du III de l’article 13 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 est ainsi rédigée : « ou d’une décision favorable prise dans les conditions prévues aux articles R. 331-3 et R. 331-6 du même code avant cette même date. »
M. le président. L'amendement n° 19 rectifié, présenté par Mme Lienemann et M. Dilain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... - Le deuxième alinéa du 8° du III de l'article 13 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Dans ces cas, la livraison à soi-même au taux de 5,5 % peut s’appliquer aux travaux facturés au taux de 7 % en application de l’article 279-0 bis du code général des impôts, sous réserve que ces travaux remplissent les conditions précitées. »
... - La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement tend à maintenir une TVA à 5,5 % pour les travaux de rénovation et d’acquisition-rénovation réalisés dans les organismes HLM. Cette mesure est transitoire puisque, vous le savez, ce régime a été prévu pour les opérations qui avaient été validées par l’État avant le 1er janvier 2012.
Il se trouve que, dans le texte de la loi, n’ont été pris en compte que très peu de travaux, comme ceux portant sur les ascenseurs et quelques éléments de rénovation, en omettant les opérations d’acquisition-rénovation. Je pense notamment aux travaux d’isolation thermique ou de changement d’huisserie qui visent à améliorer les qualités thermiques des bâtiments.
Je vous propose de modifier cette mesure qui, je le répète, n’est que transitoire. Cela pourrait avoir un impact important sur l’équilibre des organismes ayant engagé ou programmé des rénovations, qu’ils seraient, sinon, peut-être amenés à annuler.
M. le président. Le sous-amendement n° 233, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3 de l’amendement n° 19 rectifié
Remplacer les mots :
Dans ces cas
par les mots :
Dans ces deux derniers cas
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Madame la sénatrice, le Gouvernement serait favorable à l’adoption de votre amendement dès lors qu’il serait modifié par le sous-amendement du Gouvernement. Celui-ci a pour objet non pas de vider de son sens votre amendement, mais d’en préciser la portée pour faciliter la compréhension du dispositif.
Accessoirement, cette précision ne serait pas inutile pour limiter le coût de la mesure, qui pourrait être de 10 à 15 millions d’euros.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Voilà un ministre généreux ! 15 millions de dépense !
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l'amendement et sur le sous-amendement ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nous attendions que le Gouvernement nous apporte des indications sur l'amendement de Mme Lienemann. Le sous-amendement qui vient d’être présenté nous permet d’être certains que le périmètre sera bien défini.
Le ministre avait réservé son approbation à l'Assemblée nationale dans l’attente d’un chiffrage de la mesure. Puisque des précisions nous ont été apportées, nous pouvons être rassurés et décider en connaissance de cause.
La commission est donc favorable à l'amendement et au sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’ignore si c’est conforme aux usages et j’espère ne choquer personne, mais je m’aperçois que j’ai omis de citer Daniel Goldberg : c’est lui qui, à l'Assemblée nationale, avait attiré l’attention du Gouvernement sur cet aspect particulier de la législation relative au logement. Je m’en voudrais de ne pas le mentionner au moment où la Haute Assemblée s’apprête précisément à voter la disposition qu’il défendait. J’espère, madame Lienemann, que vous ne m’en voudrez pas d’avoir ainsi rappelé le rôle qu’a joué M. Goldberg dans l’élaboration de cette proposition.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. M. le ministre a tout à fait raison de rendre hommage à M. Goldberg, mais je voudrais lui préciser que ce dernier a repris un amendement qui avait été déposé et défendu, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012, par Mme Lienemann au Sénat (Rires et exclamations.), lequel l’avait voté ! C’est bien notre assemblée qui est à l’origine de cette mesure. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – M. Jacques Gautier applaudit également.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Belle émulation dans la dépense publique !
M. le président. Il faut rendre à César ce qui lui appartient !
Je mets aux voix le sous-amendement n° 233.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement lève le gage figurant dans l’amendement n° 19 rectifié.
M. le président. Il s’agit donc de l'amendement n° 19 rectifié bis.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis, modifié.
(L'article 1er bis est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er bis
M. le président. L'amendement n° 62, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 16 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 est abrogé.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. L’une des dispositions les plus discutables votées en 2011 a sans doute été la mesure visant à geler, à compter de l’imposition des revenus de 2011, le barème de l’impôt sur le revenu en conservant les valeurs figurant à l’article 197 du code général des impôts.
Cette opération présente plusieurs facettes.
Il s’agit d’abord d’une mesure permettant d’accroître le rendement de l’impôt sur le revenu sans avoir à faire varier les taux, l’assiette imposable progressant à raison de toute évolution positive du revenu des contribuables.
Avec cette mesure, un fonctionnaire victime du gel du point d’indice mais bénéficiant d’une promotion, ne serait-ce que d’un échelon dans son grade, devra contribuer plus fortement au budget de la nation.
De la même manière, un retraité dont la pension a été revalorisée à hauteur de l’indice des prix, comme c’est le cas depuis la réforme Balladur de 1993, verra le montant de son imposition évoluer à due proportion.
Le gel du barème de l’impôt sur le revenu est le plus sûr moyen qu’avait trouvé la majorité de l’époque, devenue opposition aujourd'hui, pour faire contribuer au redressement des comptes publics la plus grande partie des contribuables de notre pays, qui n’ont, généralement, que le produit de leur travail ou une retraite pour vivre.
Une telle mesure a évidemment des effets collatéraux puisque d’autres dispositions fiscales sont en partie liées à l’évolution du barème de l’impôt sur le revenu et que les droits connexes tenant à une non-imposition peuvent se trouver mis en cause. Je pense notamment à la taxe d’habitation et à l’allocation personnalisée au logement, mais cela concerne bien d’autres dispositifs puisque tous les tarifs sociaux appliqués par les collectivités locales à de nombreuses familles sont adossés au revenu imposable.
S’il convient d’agir sur l’assiette de l’impôt sur le revenu, qui est à la fois bien trop étroite et largement émoussée par de multiples dispositions dérogatoires, il importe toutefois de faire en sorte que les « victimes » du rééquilibrage fiscal ne soient pas toujours les mêmes.
En effet, le gel du barème frappe d’abord et avant tout ceux qui n’ont rien à cacher, dont les revenus sont connus et qui, le plus souvent, renvoient leur déclaration pré-imprimée sans y apporter de modifications substantielles. Il est évident que, en revanche, l’essentiel des revenus dissimulés à l’imposition, qui permettent d’« animer » l’activité des services luttant contre la fraude fiscale, provient des autres revenus catégoriels, de ceux qui échappent à la stricte application du barème de l’impôt.
Il faut éviter que notre système fiscal ne pénalise par trop l’effort, le travail et, par-dessus tout, la transparence ; nous devons donc promouvoir une fiscalité qui, dans un souci d’égalité et de justice, permette de lutter contre la fraude.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Notre collègue Marie-France Beaufils attire notre attention sur la question extrêmement importante des effets pervers du gel du barème de l’impôt sur le revenu, particulièrement dommageables pour un certain nombre de nos concitoyens, notamment ceux d’entre eux qui n’étaient pas imposables et qui le deviennent ou ceux qui passent dans une tranche supérieure.
Il serait heureux de corriger ces effets pervers. Le Gouvernement, qui est conscient de cette situation, a prévu, me semble-t-il, de modifier ce dispositif dans le projet de loi de finances pour 2013, dans le cadre plus global d’une réforme de l’ensemble des impositions sur le revenu.
Dès lors, c’est au moment de la discussion budgétaire de cet automne que ces différents sujets devraient être abordés. Cela vaut pour cet amendement et pour d’autres portant également sur l’impôt sur le revenu et qui seront présentés aujourd'hui ou demain.
Dans ces conditions, la commission des finances souhaite le retrait de cet amendement, même si elle reconnaît qu’il est intéressant tant dans sa formulation que dans sa philosophie, partagée par nombre d’entre nous.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Madame la sénatrice, vous avez évoqué, à juste titre, comme l’a souligné le rapporteur général, les « effets de bord » de cette réforme, qui sont incontestables. Pour autant, le Gouvernement ne peut que donner un avis défavorable sur votre amendement, et ce pour deux raisons.
Premièrement, les opérations de recouvrement des impôts sur le revenu intégrant ce gel du barème ont déjà été engagées. Vous imaginez la complexité administrative qui résulterait de l’annulation de cette disposition ! Je ne suis pas sûr que cela faciliterait la tâche d’une administration déjà beaucoup sollicitée en raison du contexte.
Deuxièmement, le rapporteur général vient d’y faire référence, le Gouvernement proposera au Parlement une réforme de l’impôt sur le revenu dans le cadre de la prochaine loi de finances initiale.
M. Francis Delattre. Nous l’attendons avec intérêt, cette réforme !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Des suggestions telles que la vôtre pourraient y avoir toute leur place.
Dans cette perspective, le Gouvernement sollicite le retrait de votre amendement. À défaut, son avis serait défavorable.
M. le président. Madame Beaufils, l'amendement n° 62 est-il maintenu ?
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu que les travaux de recouvrement de l’impôt sur le revenu étaient déjà engagés. Je regrette donc que nous n’ayons pas agi plus tôt !
Encore une scorie que nous laisse la majorité sortante et qu’elle n’aura pas à assumer (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)…
M. Jean-Claude Gaudin. Il y avait longtemps !
Mme Marie-France Beaufils. … puisque ce n’est pas elle qui aura à en subir le contrecoup !
J’espère que les élus locaux présents dans cet hémicycle s’en souviendront tout à l'heure, lorsque nous présenterons notre amendement relatif à la taxe d’habitation. Soyez sûrs que, si vous ne le votez pas, c’est vous, élus locaux, qui serez rendus responsables de l’augmentation de la taxe d’habitation qu’un certain nombre de personnes devront payer parce que vous aurez maintenu le gel de l’impôt sur le revenu. Mais, chers collègues de l’opposition, au moment de voter cette mesure, l’an dernier, vous n’avez pas voulu nous entendre lorsque nous en dénoncions les redoutables conséquences. Eh bien, aujourd'hui, on perçoit clairement ses effets pervers.
Les membres du groupe CRC acceptent de retirer cet amendement. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Nous avons entendu votre appel, mais j’espère que vous avez entendu aussi le mien.
Je m’apprête à présenter un autre amendement dont l’adoption aurait pu nous permettre de trouver un équilibre financier. Je rappelle en effet que, pour les contribuables, le coût du gel du barème s’élève à 1,7 milliard d’euros, soit le montant exact de ce qu’a représenté l’abaissement de l’impôt de solidarité sur la fortune auquel vous avez procédé l’année dernière ! Souvenez-vous-en plutôt que de protester sur le coût des mesures contenues dans ce projet de loi de finances rectificative ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 62 est retiré.
L'amendement n° 77, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au dernier alinéa du 1 du I de l'article 197, le taux : « 41 % » est remplacé par le taux : « 45 % » ;
2° Au premier alinéa du 1 du I de l'article 117 quater et au quatrième alinéa du 1 de l'article 187, le taux : « 21 % » est remplacé par le taux : « 28 % » ;
3° Au premier alinéa du 1°, au 1° bis, au premier alinéa du 6°, au 7°, aux premier et second alinéas du 8° et au premier alinéa du 9° du III bis de l'article 125 A, au premier alinéa du I de l'article 125 C, le taux : « 24 % » est remplacé par le taux : « 28 % » ;
4° Au 2 de l'article 200 A, le taux : « 19 % » est remplacé par le taux : « 28 % » ;
5° À la première phrase du premier alinéa du 6 de l'article 200 A du même code, le taux : « 41 % » est remplacé par le taux : « 45 % ».
6° À la fin de la première phrase du premier alinéa de l'article 200 B, le taux : « 19 % » est remplacé par le taux : « 25 % ».
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Nous pensons que ce collectif budgétaire devrait permettre d’entrevoir, dès cet été, une partie des orientations que doit suivre la réforme fiscale de grande ampleur dont notre pays a besoin pour assurer sa place dans le concert des nations.
Nous l’avons parfaitement compris : par le biais de ce projet de loi de finances rectificative, le Gouvernement a le souci de trouver des moyens financiers nouveaux en esquissant les contours d’une nécessaire justice fiscale. Il disposera ainsi d’outils de réduction du déficit et, par là même, d’une meilleure capacité à répondre aux défis de moyen et de long terme.
Pour autant, nous pensons qu’il convient d’adresser un signe explicite à ceux qui ont choisi de voter pour le changement politique, c’est-à-dire la jeunesse, le monde du travail et celui de la création, qui attendent beaucoup de la nouvelle période qui s’ouvre. (Exclamations railleuses sur les travées de l’UMP.) Il convient de procéder dès maintenant à un profond rééquilibrage de notre fiscalité directe sur le revenu. Bien sûr, il est clair que tout le monde ici n’est pas de cet avis !
Au travers de l’amendement n° 62, nous avons défendu le dégel du barème de l’impôt car notre inquiétude première porte bien évidemment sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Annie David le disait tout à l'heure : en France, 8 millions d’hommes et de femmes sont aujourd'hui considérés comme pauvres.
Or, nous le savons tous, notre économie est largement tirée par la consommation des ménages. L’amélioration du pouvoir d’achat de ces femmes et de ces hommes, de ces familles qui, pour l’essentiel, ont des revenus inférieurs à 1 200 euros, toutes recettes confondues, est indispensable à la dynamique économique dont nous avons besoin. Pour tous ces foyers, cette amélioration passe nécessairement par une augmentation des salaires.
Pourtant, j’ai entendu parler tout à l'heure de gel des salaires : pour nous, cette mesure serait catastrophique, comme elle l’est pour la Grèce ou pour l’Espagne.
C’est la raison pour laquelle nous avons proposé de supprimer le gel de barème de l’impôt sur le revenu mais, comme je le disais tout à l'heure, il manquerait alors dans le budget 1,7 milliard d’euros, qu’il serait évidemment nécessaire de retrouver, d’une manière ou d’une autre.
À ce sujet, je rappelle que le gel de barème touchait non seulement les salariés et les retraités, mais aussi les artisans et les commerçants. Contrairement à ce que l’on entend bien souvent, une mesure qui s’attaque au minimum imposable est très large !
Chers collègues de l’opposition sénatoriale, vous allez bien sûr nous dire que cette proposition fait appel à la contribution des plus aisés, à ceux dont le revenu est placé au-delà de la limite de la dernière tranche du barème de l’impôt. Mais, quand vous nous dites que nous visons encore les plus riches, nous ne pouvons oublier que la concentration du produit de l’impôt ne provient, au final, que de celle des revenus et, plus encore, dans le cas qui nous préoccupe, de celle des patrimoines ! Au final, l’essentiel des plus hauts revenus ne sont pas ceux de salariés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission demande le retrait de cet amendement, pour les mêmes raisons qui l’avaient amenée à demander le retrait du précédent : nous souhaitons que cette réflexion puisse s’inscrire dans le grand chantier du prochain projet de loi de finances pour 2013.
L’impôt sur le revenu, les prélèvements forfaitaires sur les dividendes, les plus-values immobilières : il me semble que tous ces points seront examinés dans le cadre du travail global dont nous a parlé le ministre et sur lequel il s’est engagé.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Madame la sénatrice, je vous remercie de vos propos, qui me permettent de préciser ce qui a peut-être été mal interprété tout à l'heure.
C’est justement parce qu’il ne doit pas y avoir de gel des salaires, et encore moins des pensions, que je m’étais permis d’indiquer l’opposition franche et nette du Gouvernement à toute hausse de la TVA pour compenser une baisse de charges sociales. Par conséquent, nous nous rejoignons sur ce refus d’un gel des rémunérations et des pensions.
J’en viens à l’objet de votre amendement.
Le rapporteur général vient d’indiquer dans quel esprit nous réfléchissons actuellement pour proposer au Parlement une réforme globale de l’impôt sur le revenu, qui reviendra à fiscaliser de la même manière les revenus du travail et ceux du capital. Je vous donne donc rendez-vous pour l’examen de la loi de finances initiale.
Dans ces conditions, votre amendement est un peu prématuré, et le Gouvernement en sollicite le retrait. À défaut, il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Madame Beaufils, l'amendement n° 77 est-il maintenu ?
Mme Marie-France Beaufils. Oui, monsieur le président.
En effet, cet amendement est plus qu’un symbole : c’est un signe. Comme je le disais tout à l'heure, les plus modestes vont être affectés par le gel du barème de l’impôt sur le revenu décidé par la majorité précédente.
Si nous avons entendu votre appel à une réflexion commune, monsieur le ministre, nous souhaitons manifester notre volonté d’améliorer la progressivité de l’impôt en maintenant notre amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 77.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
A. – L’article L. 241-17 est abrogé ;
B. – L’article L. 241-18 est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi rédigé :
« I. – Dans les entreprises employant moins de vingt salariés, toute heure supplémentaire effectuée par les salariés mentionnés au II de l’article L. 241-13 ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d’un montant fixé par décret.
« La déduction s’applique :
« 1° Aux heures supplémentaires définies à l’article L. 3121-11 du code du travail ;
« 2° Pour les salariés relevant de conventions de forfait en heures sur l’année prévues à l’article L. 3121-42 du même code, aux heures effectuées au-delà de 1 607 heures ;
« 3° Aux heures effectuées en application du troisième alinéa de l’article L. 3123-7 du même code ;
« 4° Aux heures supplémentaires mentionnées à l’article L. 3122-4 du même code, à l’exception des heures effectuées entre 1 607 heures et la durée annuelle fixée par l’accord lorsqu’elle lui est inférieure. » ;
2° Au début du II, sont ajoutés les mots : « Dans les mêmes entreprises, » ;
3° Après le mot « salarié », la fin du même II est ainsi rédigée : « relevant d’une convention de forfait annuel en jours, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l’article L. 3121-44 du code du travail, dans les conditions prévues à l’article L. 3121-45 du même code. » ;
4° Le deuxième alinéa du IV est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les I et II sont applicables sous réserve du respect par l’employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail, et sous réserve que l’heure supplémentaire effectuée fasse l’objet d’une rémunération au moins égale à celle d’une heure non majorée.
« Ils ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d’autres éléments de rémunération au sens de l’article L. 242-1 du présent code, à moins qu’un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l’élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération précités. » ;
5° Au dernier alinéa du même IV, les mots : « de la majoration mentionnée au I » sont remplacés par les mots : « des déductions mentionnées aux I et II » ;
6° Le V est ainsi rédigé :
« V. – Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II est subordonné, pour l’employeur, à la mise à la disposition des agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 243-7 du présent code et à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime d’un document en vue du contrôle de l’application du présent article. » ;
7° Il est ajouté un VI ainsi rédigé :
« VI. – Un décret fixe les modalités d’application du présent article ainsi que les modalités selon lesquelles les heures supplémentaires effectuées par les salariés affiliés au régime général dont la durée du travail ne relève pas du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime ouvrent droit aux déductions mentionnées au présent article. » ;
C. – L’article L. 711-13 est ainsi rédigé :
« Art. L. 711-13. – Un décret fixe les conditions d’application des articles L. 241-13 et L. 241-18 aux employeurs relevant des régimes spéciaux de sécurité sociale des marins, des mines et des clercs et employés de notaires. »
I bis (nouveau). – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 81 quater est abrogé ;
2° Au troisième alinéa du 1 de l’article 170, la référence : « 81 quater, » est supprimée ;
3° Le septième alinéa du 3° du B du I de l’article 200 sexies est supprimé ;
4° Au c du 1° du IV de l’article 1417, la référence : « 81 quater, » est supprimée.
II. – À l’article L. 741-15 du code rural et de la pêche maritime, la référence : « L. 241-17, » est supprimée et, au I de l’article 53 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008, la référence : « aux articles L. 241-17 et » est remplacée par les mots : « à l’article ».
II bis (nouveau). – Après le mot : « du », la fin du 2° du II du même article 53 est ainsi rédigée : « code général des impôts ; ».
II ter (nouveau). – Au V de l’article 48 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, le mot : « majoration » est remplacé par le mot : « déduction ».
III. – A. – Au titre de l’année 2012, l’affectation prévue au 2° du II de l’article 53 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 précitée est limitée à une fraction égale à 42,11 % du produit de la contribution.
B. – Le même article 53 est abrogé à compter du 1er janvier 2013.
C. – Le j du 7° de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale est abrogé à compter du 1er janvier 2013.
IV. – Pour l’année 2012, une fraction égale à 340 988 999,21 € du produit de la contribution mentionnée à l’article 235 ter ZC du code général des impôts est affectée, après déduction de la fraction mentionnée au A du III du présent article, au financement des sommes restant dues par l’État aux caisses et régimes de sécurité sociale retracées à l’état semestriel du 31 décembre 2011 au titre des mesures dont la compensation est prévue à l’article 53 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 précitée.
V. – A. – Les I, II et II ter s’appliquent aux rémunérations perçues à raison des heures supplémentaires et complémentaires effectuées à compter du 1er septembre 2012.
B. – Lorsque la période de décompte du temps de travail ne correspond pas au mois calendaire et est en cours au 1er septembre 2012, les articles L. 241-17 et L. 241-18 du code de la sécurité sociale et L. 741-15 du code rural et de la pêche maritime dans leur rédaction en vigueur antérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi demeurent applicables à la rémunération des heures supplémentaires et complémentaires de travail versée jusqu’à la fin de la période de décompte du temps de travail en cours, et au plus tard le 31 décembre 2012.
C (nouveau). – Par dérogation au A du présent V, le I bis s’applique aux rémunérations perçues à raison des heures supplémentaires et complémentaires de travail effectuées à compter du 1er août 2012.
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, sur l'article. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Bourquin. Copé ou Fillon ? (Sourires.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous n’avons pas de leçons à recevoir de la part du RDSE !
Mme Fabienne Keller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous venons de passer une première promesse de campagne : la suppression du dispositif qui devait permettre de redonner de la compétitivité à la France. Nous en arrivons maintenant à une deuxième promesse de campagne : la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et ça continue !
Mme Fabienne Keller. Pendant toute la campagne, le président François Hollande n’a cessé de marteler que les efforts devraient être supportés par les plus privilégiés.
M. Alain Néri. C’est vrai !
Mme Fabienne Keller. C’était la théorie.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ça, c’est vrai !
Mme Fabienne Keller. Je vais tenter de vous démontrer que la réalité est tout autre.
Dans cet article 2 du projet de loi de finances rectificative, vous nous proposez de refiscaliser les heures supplémentaires.
Mes chers collègues, avec la fin de l’exonération des cotisations sociales sur les « heures sup », il ne faut cesser de le répéter, ce sont 9 millions de Français qui verront leur pouvoir d’achat amputé, de 450 euros par an en moyenne.
Permettez-moi de rappeler que les cadres ne sont en général pas bénéficiaires de ce dispositif – ils relèvent d’un autre système, prévu dans les conventions collectives. Ce sont donc bien les salariés modestes qui en bénéficient.
Mme Annie David. Pas dans toutes les entreprises !
Mme Fabienne Keller. Lors de la discussion générale, j’avais évoqué le cas de Catherine, aide-soignante dans une maison de retraite de Strasbourg, qui a touché 103 euros pour les deux gardes dominicales qu’elle a effectuées en ce mois de juin.
Je vous avais également parlé de Thierry (M. François Rebsamen s’esclaffe.),…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur Rebsamen, ces exemples n’ont rien de risible !
Mme Fabienne Keller. … ce paysagiste chef d’équipe – fonction qui appelle autonomie et compétence et dans laquelle on ne peut être facilement remplacé – qui, le même mois, a fait pour plus de 500 euros d’heures supplémentaires afin de parachever des plantations.
Le troisième cas que je souhaite mentionner concerne le secteur du transport routier. Les conducteurs accomplissent, en moyenne, pour 300 euros d’heures supplémentaires par mois, soit 3 600 euros par an.
Mme Annie David. Pour combien d’heures de travail ?
Mme Fabienne Keller. En supprimant l’exonération des charges pesant sur les heures supplémentaires, vous enlèverez aux conducteurs, dont le salaire moyen est de l’ordre de 1 400 euros par mois, environ 20 % de ces 3 600 euros, soit 720 euros par an.
S’y ajoutera l’« effet boomerang » en termes d’impôt sur le revenu 2012, que nous voterons lors de l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2013. Un conducteur taxé à 10 % perdra 300 euros ; pour un conducteur relevant d’un taux marginal de 30 % parce qu’il est, par exemple, célibataire, même avec un salaire modeste, ce sera 1 000 euros en moins ! Au total, mes chers collègues, vous retirerez à ce conducteur entre 1 000 et 1 700 euros, soit un mois de salaire.
Ces Français que je viens de décrire ne pensaient sans doute pas, en écoutant le président François Hollande, qu’ils appartenaient à la catégorie des plus privilégiés ! Ce sont pourtant bien eux qui verront le montant inscrit au bas de leur fiche de paie diminuer et leurs impôts augmenter. Ce sont bien les plus modestes qui sont touchés.
Par ailleurs, cette mesure nous est présentée par le Gouvernement comme visant à soutenir l’emploi. Mes chers collègues, ce débat nous ramène trente ans en arrière ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Néri. Tant mieux, cela nous rajeunit !
Mme Fabienne Keller. En 1981, j’étais encore sur les bancs de l’école, et le gouvernement d’alors tenait déjà ce raisonnement sur le partage du temps de travail ! Cette idée fut, d'ailleurs, reprise une quinzaine d’années plus tard.
Comme ses prédécesseurs de gauche, le gouvernement actuel, monsieur le ministre, souscrit à l’idée simple selon laquelle il serait possible de réduire le chômage des uns en réduisant le temps de travail des autres.
Mais affirmer que l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires est un frein à l’embauche, c’est méconnaître la réalité des entreprises.
En effet, ces dernières ne disposent pas de personnel suffisamment formé et qualifié pour être directement opérationnel et capable de répondre à un surcroît de travail ou à une absence momentanée de l’un des employés. Or de tels ajustements sont indispensables dans la restauration, les soins, le transport, secteurs principalement concernés par les heures supplémentaires.
Dans notre économie, la main-d’œuvre n’est pas parfaitement interchangeable.
Alors que l’avenir est incertain pour nos entreprises, les charges qui pèsent sur le coût du travail ne leur permettent pas d’embaucher chaque fois qu’elles ont à faire face à des commandes ponctuelles. Nos entreprises ont besoin de la flexibilité du temps de travail…
M. Alain Néri. Ah, nous y voilà !
Mme Fabienne Keller. … pour s’adapter rapidement aux fluctuations de l’activité. Nous le savons bien, en tant qu’élus locaux : quand une entreprise décroche un appel d’offres, il faut qu’elle exécute rapidement le marché. Les entreprises donneuses d’ordre ont les mêmes exigences ; cela s’appelle la gestion « juste à temps ».
Le dispositif des heures supplémentaires défiscalisées facilitait cette réactivité. Quand les entreprises peuvent réagir rapidement, elles développent leur activité ; une fois celle-ci consolidée, elles peuvent former et embaucher un salarié à long terme.
Le dispositif des heures supplémentaires défiscalisées permettait donc d’entrer dans ce cercle vertueux…
M. Alain Néri. C’est pour cela que le chômage a considérablement augmenté !
Mme Fabienne Keller. … et vous le remettez en cause, alors que cette flexibilité est encore plus vitale en période de crise.
La suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires aboutit donc, mes chers collègues, à un système « perdant-perdant » : perdant pour le pouvoir d’achat des salariés, perdant pour le pouvoir d’embauche des entreprises ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Hervé Marseille applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l’article.
Mme Annie David. Monsieur le président, bien que je tienne à respecter mon temps de parole de cinq minutes, je suis très tentée de répondre à Mme Fabienne Keller, étant en désaccord total avec les propos qu’elle vient de tenir. Je vais donc m’efforcer de condenser mon propos.
Avec cet article 2, nous entamons un débat sur le sens même du travail et son lien avec notre système de protection sociale, fondé sur la solidarité et assis sur les revenus du travail, au travers des cotisations sociales. Hier, dans son intervention, M. Arthuis le rappelait – pour le contester, il est vrai ! –, notre système de protection sociale repose bien sur un financement solidaire assuré par ceux qui peuvent le plus contribuer.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, je souhaite revenir sur les débats animés auxquels cet article a donné lieu à l’Assemblée nationale. À entendre nos collègues députés de l’UMP, je me suis rappelé une expression qu’aimait utiliser M. Xavier Bertrand, lorsqu’il était ministre : « Ce n’est pas parce qu’un mensonge est répété cent fois qu’il devient une vérité ». (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Je trouve regrettable que, pour le coup, il ait oublié cette vérité ! En effet, lui-même et d’autres voudraient nous faire croire qu’ils seraient devenus les ardents défenseurs des salariés !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous l’avons toujours été !
Mme Annie David. Dommage, alors, mes chers collègues, qu’en 2005 vous ayez soutenu et fait adopter la participation forfaitaire de 1 euro à chaque acte et consultation médicale ! Dommage qu’en 2008 vous ayez créé les franchises médicales ou qu’en 2009 vous ayez osé fiscaliser les indemnités perçues en cas d’accident du travail et de maladie professionnelle ! Dommage aussi qu’en 2011 vous ayez augmenté de 32 % le forfait hospitalier, doublé la taxe sur le chiffre d’affaires des mutuelles, contraignant ces dernières à augmenter leurs tarifs, ou encore instauré ou ajouté un jour de carence, tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Autant de mesures qui ont évidemment une incidence directe sur le pouvoir d’achat des salariés. Mais là, bizarrement, vous n’étiez pas leurs preux défenseurs !
Et que dire de la hausse de la TVA que vous avez soutenue et adoptée sans vous soucier alors de ses effets sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens ? Heureusement nous venons de supprimer cette disposition ! Car vous aviez, vous, prévu de prendre 11 milliards d’euros en prélevant dans les poches de chacun, avec des conséquences dramatiques pour les plus modestes, et sans que cela vous dérange le moins du monde, tandis qu’il est maintenant proposé de récupérer 2 milliards d’euros sur les revenus de celles et ceux qui ont accès aux heures supplémentaires.
En réalité, en dix ans, le pouvoir d’achat du plus grand nombre n’a cessé de baisser et le nombre de personnes pauvres, lui, n’a pas diminué. Je vous le disais tout à l’heure : 8,1 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, dont 2 millions d’enfants.
Selon un article de L’Expansion du 27 juin 2012, rien qu’entre 2011 et 2012, la progression des prélèvements obligatoires assumés par les ménages s’élève à 6,7 %. Et l’article de préciser : « Sans ces hausses d’impôts, le pouvoir d’achat aurait globalement augmenté de 0,4 %, calcule l’INSEE. » Dans le même temps, la richesse produite n’a pas cessé de progresser, toujours au profit des mêmes ; en tout cas, pas au profit des enfants pauvres !
Cet article 2, chère collègue Fabienne Keller, ne fait qu’opérer, finalement, un retour à la normale, c’est-à-dire à la situation d’avant 2007 : il n’interdit en rien les heures supplémentaires, mais il réintroduit leur soumission à cotisations sociales, en adéquation avec notre pacte social, tout simplement ! Il n’empêchera pas les entreprises d’être réactives, pas plus qu’il ne s’opposera à la flexibilité : celle-ci existait avant l’instauration de la mesure et elle continuera d’exister après sa suppression.
Présentée comme devant favoriser la compétitivité des entreprises, cette exonération de cotisations sociales a, de toute évidence, été inefficace au regard du nombre d’entreprises qui, depuis, ont été délocalisées ou ont purement et simplement fermé.
Et cette politique inefficace pour éviter les délocalisations et les fermetures de sites était également inefficace en termes d’emploi : selon un rapport parlementaire réalisé par votre collègue, le député Jean-Pierre Gorges, la mesure aurait détruit 100 000 emplois.
M. Christian Cambon. Ben voyons !
Mme Annie David. Ce chiffre figure dans le rapport d’un député membre de votre parti !
Et, cerise sur le gâteau, cette mesure aurait coûté chaque année plus de 3 milliards d’euros à notre système de protection sociale.
M. Christian Cambon. Vous n’avez pas dû lire tout ! Vous ne savez pas lire !
Mme Annie David. Au regard de ces contre-performances, il fallait supprimer cette disposition.
D’ailleurs, les salariés savent bien que la suppression de ces exonérations aura moins de conséquences que la proposition de loi Warsman, que vous avez soutenue et adoptée, et qui autorise les employeurs à moduler systématiquement la durée du temps de travail sans revaloriser les salaires. Autrement dit, plus besoin de payer les heures supplémentaires, on pourra moduler le temps de travail et les heures excédentaires seront payées comme des heures normales !
Ces salariés savent également, et nous le réaffirmons avec eux, que les cotisations sociales renforcent la part de salaire socialisé et différé qui sert à la création de crèches, de places en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, qui améliore notre système de soin, le fonctionnement de nos hôpitaux, ou encore permet la présence en nombre suffisant d’infirmiers, de juges, de policiers ou d’enseignants.
À l’inverse, le maintien des exonérations n’a aucune utilité sociale, fragilise notre système de protection sociale et augmente la part de richesses produites par les salariés, que s’approprie une minorité.
M. le président. Veuillez conclure, madame David !
Mme Annie David. Mes chers collègues, vous le voyez bien, si les entreprises ont besoin de flexibilité et de réactivité, ce n’est pas cette mesure qui les en privera. Pour toutes ces raisons, le groupe CRC votera cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, sur l’article.
M. Albéric de Montgolfier. Notre collègue vient de citer Jean-Pierre Gorges, qui se trouve justement être un élu de mon département. Étrangement, il n’a pas, de son propre rapport, tout à fait la même lecture que Mme David. J’en discutais encore avec lui la semaine dernière et il a eu l’occasion de s’exprimer lors des débats à l’Assemblée nationale, se prononçant très clairement contre la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires.
Fabienne Keller l’a dit très justement, ce dispositif ne concerne pas les classes plus aisées, mais les classes modestes. Elle a cité les chiffres : les heures supplémentaires rapportent en moyenne 1 500 euros à chaque salarié et la suppression de la défiscalisation entraînera pour chacun une perte de 450 euros. Si l’on veut avoir une certitude sur ces chiffres, il suffit de se référer au rapport de la direction générale du Trésor, le rapport Guillaume, qui chiffre très précisément les gains par salarié.
La suppression de ce dispositif va donc réduire le pouvoir d’achat, faire baisser la consommation et toucher singulièrement certaines catégories modestes : les enseignants, les aides-soignants et tous les salariés qui ont de faibles revenus.
Cette mesure va également toucher les entreprises, notamment dans le secteur des travaux publics, du bâtiment, des transports, ainsi que dans un certain nombre d’activités saisonnières comme l’hôtellerie ou la restauration.
Enfin, deux problèmes n’ont pas été envisagés.
Le premier concerne les dates d’application. Initialement, si je ne m’abuse, le projet de loi de finances rectificative prévoyait une application de cette mesure au 1er septembre 2012. Je sais que les débats à l’Assemblée nationale ont été un peu confus, mais il semblerait que la date d’entrée en vigueur soit avancée au 1er août. Il faudra sans doute que le ministre nous explique quelle est la date réelle : il semblerait qu’elle diffère selon que l’on envisage la défiscalisation ou l’exonération sociale.
Le deuxième problème touche au champ d’application. Si je me réfère à la promesse n° 34 du candidat Hollande, l’exonération fiscale et sociale devait être maintenue pour les PME. Or le projet de loi de finances rectificative méconnaît cette promesse puisque l’exonération ne concerne plus que les charges sociales, les heures supplémentaires réalisées dans les PME et les TPE étant fiscalisées. C’est clairement une promesse de campagne qui n’est pas tenue !
Enfin, j’aimerais que M. le ministre nous éclaire sur les effets de seuil. En limitant à vingt salariés le niveau sous lequel les entreprises continueront à bénéficier des exonérations de charges sociales, on s’expose en effet au risque de créer un effet de seuil. Je connais des exemples très précis d’entreprises qui seront réticentes à réaliser des embauches qui leur feraient dépasser l’effectif de vingt personnes puisqu’elles perdront alors le bénéfice de cette exonération.
Toutes ces raisons conduiront le groupe UMP à voter contre cet article 2. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin, sur l’article.
M. Joël Bourdin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite compléter le propos de mes collègues par quelques remarques sur le schéma que nous propose le Gouvernement.
Si l’on analyse les présupposés qui l’inspirent, on aboutit à peu près au schéma suivant : on rend moins attractives les heures supplémentaires ; il s’ensuit des créations d’emplois.
M. Joël Bourdin. C’est votre hypothèse !
Ainsi, les revenus qui étaient distribués au titre des heures supplémentaires le seraient dorénavant au titre d’heures de travail réalisées dans le cadre de nouveaux emplois. La mesure serait donc en quelque sorte neutre : moins d’heures supplémentaires, celles-ci étant de fait moins intéressantes, mais plus d’emplois ; moins de revenus distribués au titre des heures supplémentaires, mais plus de revenus distribués par ailleurs.
Ce type de raisonnement s’inspire des lois de la physique, mais nous parlons là d’économie ! En physique, les variables sont inertes ; en économie, les variables réfléchissent, elles réagissent, elles se dilatent ou se rétractent ; elles ne sont pas aussi faciles à manier qu’en physique.
En l’occurrence, comment peuvent réagir les intéressés, qu’il s’agisse des travailleurs ou des chefs d’entreprise ?
En ce qui concerne les travailleurs, si les heures supplémentaires sont moins rémunératrices – selon les évaluations, en moyenne, les salariés qui effectuaient des heures supplémentaires devraient perdre 400 euros –, elles susciteront moins d’appétence, elles seront moins demandées ou moins facilement acceptées.
En ce qui concerne les employeurs, le coût des heures supplémentaires étant accru, ils réduiront forcément leur offre. De plus, du fait des effets de seuil, la création d’emplois risque d’être moindre.
Avec le schéma que vous proposez, nous risquons donc de constater, à terme, une contraction des heures travaillées : le nombre d’heures supplémentaires baisserait, mais cette baisse ne serait pas compensée par le nombre d’heures réalisées dans le cadre d’emplois nouvellement créés. Dès lors, le système que vous prévoyez a un caractère récessif et risque de jouer négativement sur les facteurs de croissance : la croissance potentielle pourrait donc être affectée par cette mesure.
On peut aussi aborder le problème d’une autre manière : si l’on ne parvient pas à transformer en emplois les heures supplémentaires qui ne seront plus effectuées, le revenu distribué sera moindre et la consommation en sera affectée. Certains de nos collègues ont insisté sur le fait que la consommation comptait pour 60 % dans le niveau de croissance : si la consommation baisse, là encore, la croissance s’en trouvera altérée.
Faites attention ! Vous mettez le doigt dans un mécanisme qui peut provoquer un affaiblissement de la croissance potentielle.
Nous avons remarqué qu’il était beaucoup question de croissance depuis quelque temps et nous ne pouvons vous le reprocher. Mais alors, permettez-moi de vous dire que ce que vous proposez joue contre la croissance.
C’est la raison pour laquelle, avec le groupe UMP, je ne voterai pas le dispositif proposé à l’article 2.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l'article.
M. Richard Yung. Tout à l'heure, je pensais au Huron de Voltaire et me disais que, si un Huron écoutait ce débat depuis notre tribune d’honneur, il serait certainement perplexe ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Cambon. C’est sûr !
M. Richard Yung. À entendre certains, il risquerait fort de croire que nous débattons de la suppression des heures supplémentaires payées 25 % de plus, alors qu’il n’est question que de la suppression l’exonération fiscale de ces mêmes heures supplémentaires.
Mme Michèle André. Voilà !
M. Albéric de Montgolfier. Fiscale et sociale !
M. Richard Yung. Alors, mes chers collègues, aidez un peu le Huron à comprendre !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On va le faire, comptez sur nous !
M. Richard Yung. Par ailleurs, et je sens que vous allez être d’accord avec moi, l’article 2 vient après l’article 1er. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Excellente observation !
M. Richard Yung. Eh oui ! Contrairement à ce que vous prétendez, nous avons une stratégie budgétaire…
M. Philippe Dallier. Ça, on l’avait compris aussi !
M. Richard Yung. … et la ligne que nous suivons pour l’article 2 est cohérente avec l’article 1er ; j’y reviendrai dans quelques instants.
Maintenant, si vous le voulez bien, abandonnons un moment le dogme et l’idéologie…
Mme Catherine Procaccia. Vous êtes bien placé pour en parler !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est à vous de le faire ! Question idéologie, vous nous battez !
M. Richard Yung. J’ai dit « abandonnons l’idéologie » ! Je vous invite à une démarche conjointe ! Vous, vous ne faites jamais d’idéologie, madame Des Esgaulx ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous êtes le meilleur !
M. Richard Yung. C’est formidable ! Vous êtes toujours vêtue de lin blanc et de probité candide, n’est-ce pas ?
Le débat de fond, nous l’avons déjà évoqué. Vous avez sincèrement pensé qu’en défiscalisant les heures supplémentaires, en les encourageant, vous alliez créer davantage de travail. Après tout, l’idée pouvait se défendre. La réalité – et c’est là que vous devez faire votre examen de conscience –, c’est que, cinq ans après, le nombre d’heures supplémentaires en France est resté parfaitement constant : 400 000 par an. C’est donc une politique qui n’a pas marché.
Mme Annie David. Exactement !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Sans elle, le nombre d’heures supplémentaires aurait peut-être diminué !
M. Richard Yung. Nous pensons que, dans les circonstances que nous connaissons, il vaut mieux partager et faire en sorte que des emplois soient créés plutôt qu’encourager le recours aux heures supplémentaires. Cependant, je reconnais que l’on peut avoir un vrai débat sur ces questions.
Sur le pouvoir d’achat, j’en reviens à l’article 1er abrogeant la TVA sociale, qui représente une économie de 10 milliards d'euros pour les ménages, soit à peu près 400 euros par foyer. La fin de l’exonération des heures supplémentaires à l’article 2 représente, quant à elle, 5 milliards d'euros, soit à peu près 400 euros par personne concernée. Autrement dit, l’opération est parfaitement équilibrée du point de vue du pouvoir d’achat. Vous ne pouvez pas dire, monsieur Bourdin, que cette disposition entraîne une perte de pouvoir d’achat.
M. Christian Cambon. Vous irez l’expliquer aux salariés concernés !
M. Richard Yung. Je crois avoir montré que ce n’est pas le cas.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ah bon ?
M. Richard Yung. J’ajoute que le système est relativement injuste du point de vue social puisque chacun sait que ce sont ceux qui perçoivent les rémunérations les plus élevées qui bénéficient des heures supplémentaires les mieux payées.
M. Christian Cambon. C’est faux !
M. Richard Yung. Mais si, c’est la vérité ! On a cité, par exemple, ces enseignants qui doublaient leur salaire grâce aux heures supplémentaires.
M. Christian Cambon. Et dans nos communes rurales !
M. Richard Yung. Dernier point, contrairement à ce qui a été dit tout à l’heure, il existe un rapport d’information de l’Assemblée nationale de MM. Gorges et Mallot sur cette question, et il y est très clairement expliqué qu’il y a 100 000 emplois à la clé. Lisez-le, monsieur de Montgolfier ! (Nous l’avons, il est là ! sur les travées de l'UMP. – Mme Chantal Jouanno brandit le document en question.)
M. Francis Delattre. Il ne dit pas du tout ce que vous racontez !
M. Richard Yung. Il dit parfaitement cela ! Votre collègue a peut-être changé d’avis, mais pas nous !
Enfin, vous avez voulu nous faire croire que la mesure était injuste puisque la part patronale continue à être exonérée pour les entreprises de moins de vingt salariés. Ce n’est pas le cas de la part salariale, et c’est un argument qui a été employé pour parler d’injustice sociale. Or, le fond de cette question, c’est qu’il n’est pas possible d’introduire des différences de rémunération entre les salariés. Ce ne serait pas conforme à nos principes constitutionnels. Nous sommes donc obligés d’agir ainsi.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera l’excellente disposition figurant à l’article 2. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, sur l'article.
M. Roger Karoutchi. Enfin la vérité !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, n’en déplaise à notre collègue Richard Yung, je dois vous dire que les salariés de ma circonscription, c'est-à-dire le beau département de la Gironde, et au-delà les plus de neuf millions et demi de Français concernés, vont constater, après le vote de cet article 2, une perte nette de pouvoir d’achat sur leur feuille de paye et sur leur avis d’impôt sur le revenu. Et cette part de pouvoir d’achat va manquer à la consommation.
Mme Annie David. Il faut tenir compte de l’abrogation de la TVA sociale !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Or, ne l’oublions pas, la croissance, pour ceux qui aiment bien faire un peu de macroéconomie, repose à 60 % sur la consommation et dépend donc du pouvoir d’achat.
La suppression visée à l’article 2 concerne quelque 700 millions d’heures supplémentaires, monsieur Yung, qui génèrent en moyenne 500 euros de pouvoir d’achat par an et par salarié percevant un revenu moyen de 1 500 euros par mois. Avec 1 500 euros, je ne crois pas que l’on soit classé dans la catégorie des riches !
Cela va toucher non seulement ces salariés, mais aussi les entreprises et leur compétitivité. C’est un véritable gâchis !
Le partage du travail que vous cherchez, au fond, à instaurer va aboutir à la sclérose de l’offre sur le marché du travail. C’est ce que la défiscalisation des heures supplémentaires visait justement à éviter.
Cette affaire aurait mérité que nous légiférions en prenant véritablement en compte la question des effectifs. Car qu’est-ce, en vérité, qu’une petite entreprise ? Ce n’est pas une entre prise de vingt salariés au plus ! Les chiffres sont très clairs : une petite entreprise, c’est une entreprise qui occupe moins de cinquante personnes ou bien qui réalise moins de 2 millions d'euros de chiffre d’affaires ou de total de bilan annuel. Ce sont les trois critères retenus dans le droit communautaire.
Franchement, le seuil de vingt salariés me paraît totalement insuffisant. L’effet de seuil qu’il faut en attendre sera très dangereux. Nous en entendons déjà parler dans nos circonscriptions.
Cette affaire aurait également mérité qu’on légifère en fonction des activités, parce que l’on ne peut pas les traiter toutes de la même manière. Je pense en particulier aux activités saisonnières comme le tourisme. J’habite sur le bassin d’Arcachon et j’affirme que seules les heures supplémentaires sont efficaces pour répondre à la demande dans ce type d’entreprise. Le caractère saisonnier doit vraiment être pris en compte.
Je pourrais également parler du secteur du bâtiment, avec les intempéries, ou les délais que nous fixons dans nos appels d’offres, mes chers collègues. À l’évidence, avec tout ce que vous nous préparez, le prix du logement pourrait bien augmenter ! Et le même raisonnement vaut pour le secteur des transports.
Pour conclure, je voudrais insister sur deux points.
Premièrement, les branches à hauts salaires n’ont pas recours aux heures supplémentaires. Contrairement à ce que vous prétendez, ce sont les branches à bas salaires qui y recourent massivement. Par moments, quand je vous écoute, je me demande dans quel monde vous vivez !
M. Richard Yung. Moi, je n’habite pas sur le bassin d’Arcachon !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Rencontrez-vous des personnes ayant les mêmes problèmes que celles que je vois dans ma mairie, dans ma permanence ? J’ai l’impression que vous êtes totalement déconnectés et que vous ne savez pas ce que c’est que d’avoir des gens en face de vous qui veulent travailler un peu plus pour payer leur maison, pour terminer de payer les études de leurs enfants. Vraiment, nous ne vivons pas dans le même monde !
M. David Assouline. Ces gens-là ont voté ! Ils ne vous connaissent que trop !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Deuxièmement, je veux évoquer un point qui me tient beaucoup à cœur. Parce que, même si je suis sénateur, je n’oublie pas que je suis d’abord un élu local.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est le cumul !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Heureusement que le cumul existe : on apprend des choses concrètes !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous invoquez la destruction massive d’emplois induite par les heures supplémentaires. Cet argument ne tient pas ! S’il est un secteur dans lequel cet argument ne tient pas, c’est bien dans la fonction publique ! Comment pouvez-vous soutenir que, dans la fonction publique, les heures supplémentaires sont une mauvaise chose parce qu’elles provoqueraient une destruction massive des emplois ? Là, il y a un problème !
Mme Marie-France Beaufils. Il s’agit surtout de créer des emplois supplémentaires !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Avec les dispositions que vous vous apprêtez à voter, la perte de pouvoir d’achat pour les agents des collectivités territoriales sera sévère et s’ajoutera au gel du point de la fonction publique.
Vraiment, l’effort prétendument juste que vous voulez imposer est totalement injuste ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UCR.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, sur l'article.
M. Jean-Pierre Leleux. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, ce que notre ami le Huron de Voltaire a déjà certainement compris depuis la tribune, c’est que la majorité socialiste est en train, avec cet article, de porter un mauvais coup aux neuf millions de salariés qui bénéficient des heures supplémentaires.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Exactement !
M. Jean-Pierre Leleux. Je ne sais si elle est ingénue ou candide, mais, plus de dix ans après l’instauration malthusienne des 35 heures,…
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cela n’a rien à voir !
M. Jean-Pierre Leleux. … la gauche continue de penser que le travail se partage et qu’un salarié qui effectue des heures supplémentaires prend la place d’un chômeur.
Au-delà de cette remarque d’ordre général, je voudrais, en tant que membre de la commission de la culture, souligner un point qui me paraît important, à savoir les conséquences de l’adoption de cet article sur les enseignants.
M. Jacques Legendre. Voilà !
M. Jean-Pierre Leleux. On a entendu beaucoup de choses sur le sujet, et la nouvelle majorité a jusqu’à présent tenté de faire croire que ce sont des contribuables appartenant à une classe plutôt aisée qui vont subir seuls la « rigueur », mot qu’il faut d’ailleurs éviter d’employer en ce moment.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il n’est pas convenable !
M. Jean-Pierre Leleux. Or on s’aperçoit que des heures supplémentaires sont régulièrement effectuées par des ouvriers et des fonctionnaires, au premier rang desquels les enseignants.
Sur l’année scolaire 2010-2011, dans l’enseignement public, plus d’un enseignant sur deux a fait des heures supplémentaires : 56 % des enseignants, pour être précis.
M. David Assouline. Comme toujours !
M. Jean-Pierre Leleux. Ne pouvant écarter cette évidence objective, le Gouvernement tente d’opposer les enseignants les uns aux autres, en laissant entendre que seuls les plus favorisés d’entre eux ont eu jusqu’à présent accès aux heures supplémentaires. Ainsi, M. Vincent Peillon, auditionné par notre commission, a indiqué que « les professeurs des écoles en [avaient] très peu bénéficié et [que] dans le secondaire, elles [étaient] allées davantage aux professeurs des grands lycées de centre-ville qu’aux jeunes certifiés des collèges difficiles. »
Il me semble donc utile d’examiner un peu plus en détail la situation, et nous disposons pour cela d’un document récent : le rapport fait par Mmes Cartron, Férat et Gonthier-Maurin sur la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2012, dans lequel figure tout le cadre réglementaire des heures supplémentaires dans l’éducation nationale.
Qu’y constate-t-on ? Il existe tout d’abord des heures supplémentaires effectuées de manière permanente. À titre d’exemple, pour un certifié avec un service normal de dix-huit heures par semaine, deux heures supplémentaires représentent un supplément de rémunération d’environ 326 euros. Mais j’ai bien compris que vous vouliez revenir sur cette défiscalisation. Sur cette somme, il perdra donc l’équivalent de 20 % du montant représenté par les cotisations salariales, soit 60 euros, ce qui n’est pas négligeable.
De plus, à défaut d’enseignants volontaires, les chefs d’établissement peuvent désigner des personnels pour assurer le remplacement d’un enseignant absent pour une courte durée ; ces personnels devront ainsi faire des heures supplémentaires.
Il y a d’autres cas de ce type. N’oublions pas les dispositifs particuliers relatifs aux heures supplémentaires, qui permettent, notamment, de mieux rémunérer l’accompagnement éducatif après les cours. Ce dispositif existe depuis la rentrée 2007 dans les collèges, mais aussi, je le rappelle, dans les écoles qui relèvent de l’éducation prioritaire. J’ai également en tête les stages de remise à niveau, ainsi que les stages passerelles, organisés depuis 2010. Pour mémoire, les stages en anglais sont aussi assurés, depuis la rentrée 2008, par les enseignants du second degré, pour aider les collégiens et lycéens pendant les vacances.
On nous objecte le cas des professeurs des classes préparatoires, qui, eux, bénéficieraient de quatre heures supplémentaires pour ce que l’on appelle les heures d’interrogation, les fameuses « colles ».
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Jean-Pierre Leleux. Monsieur le ministre, ces enseignants sont-ils les privilégiés que l’on entend dénoncer ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En tout cas, ils sont bien utiles !
M. Jean-Pierre Leleux. Il me semble qu’il serait préférable de réfléchir à un statut particulier pour ces enseignants plutôt que de supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires.
Je vous le dis, cette suppression se fera au détriment de tous, et notamment des enseignants, qui, vous le savez bien, ne sont pas les plus riches de nos concitoyens. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Marie-France Beaufils. C’est la revalorisation des salaires qui est nécessaire !
M. Jean-Pierre Leleux. Enfin, pour rester dans le domaine de l’éducation nationale, je voudrais comprendre en quoi l’imposition des heures supplémentaires permettra de créer des emplois, puisqu’il s’agit d’un des principaux arguments que vous mobilisez pour défendre cette mesure. Le renouvellement des départs à la retraite, que vous rétablissez à l’article 23 du présent texte, ne va en rien réduire le nombre d’heures supplémentaires. Vous allez simplement diminuer le revenu actuel des enseignants, à l’inverse de ce que vous promettiez lors de la campagne.
M. Alain Néri. Nous allons créer des postes, quand vous en supprimiez !
M. Jean-Pierre Leleux. Oui, mais en supprimant ces postes, nous avions commencé à revaloriser le métier des enseignants en augmentant leur revenu (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)…
M. Jean-Marc Todeschini. Vous plaisantez, là ? Personne n’y croit !
M. Jean-Pierre Leleux. … notamment en début de carrière.
M. Alain Néri. Mais vous avez supprimé la formation des enseignants !
M. Jean-Marc Todeschini. Vous avez tout cassé dans le système éducatif !
M. Jean-Pierre Leleux. C’est l’ancienne majorité qui a augmenté la rémunération des enseignants en début de carrière et qui, dans le même esprit, a défiscalisé leurs heures supplémentaires.
M. Jean-Marc Todeschini. Vous avez cassé les IUFM !
M. Jean-Pierre Leleux. C’est ce que, avec courage, vous vous empressez de supprimer au moment où ils sont partis en congés. Cela leur fera plaisir à leur retour ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l’UCR. – Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat, sur l’article.
M. François Patriat. Monsieur le président, monsieur le ministre, il a été tout à l'heure question de paraphraser Voltaire, mais je constate que nous nous paraphrasons beaucoup nous-mêmes ! En effet, les arguments que nous avançons – et mon cas ne dérogera pas à la règle – ont déjà été évoqués avec talent par le ministre et certains collègues, comme Jean-Pierre Caffet ou d’autres de mes amis.
Nous avons une excuse en ce que vous nous « accrochez » avec violence et tentez de mener une offensive sans concession pour défendre la hausse de la TVA et les exonérations de charges sociales et fiscales sur les heures supplémentaires. Pourtant c’est vous qui, dans le même temps, nous accusez de nous livrer à des règlements de compte idéologiques !
Mes chers collègues, je me souviens d’un moment où l’idéologie s’est effectivement exprimée en ces lieux. Lorsque Mme Lagarde, alors au banc du Gouvernement, a dit que la loi TEPA allait créer un « choc de confiance » et un « choc de croissance », son discours était bien, alors, empreint d’idéologie. Souvenez-vous, on essayait, par cette loi, de décliner le slogan « travailler plus pour gagner plus ». C’est justement cet entêtement idéologique qui, me semble-t-il, a empêché les auteurs de ces mesures de réaliser qu’elles allaient totalement à rebours de ce qu’il fallait faire en période de crise, et qui est à l’origine d’une part des difficultés que nous connaissons aujourd'hui.
Car enfin, quel est le bilan des heures supplémentaires non taxées ? Clairement, il n’est pas satisfaisant. Inefficace et contre-productive pour l’emploi, cette mesure a représenté, depuis 2007, je le rappelle, un coût de 5 milliards d’euros par an pour les finances publiques, soit 25 milliards d’euros en cinq ans, financés exclusivement par l’endettement.
En outre, la loi TEPA a créé des effets d’aubaine pour de nombreuses entreprises, qui ont préféré avoir recours aux heures supplémentaires plutôt que d’embaucher. Elle a été une mesure qui a freiné l’embauche en n’incitant pas à l’emploi de chômeurs ou de gens qualifiés qui attendaient que des postes se libèrent.
Selon des chiffres que vous ne pouvez pas discuter puisqu’ils sont avancés par le directeur adjoint du département Analyse et Prévision de l’OFCE, Éric Heyer, près de 40 000 emplois n’ont pas été créés à cause de cette défiscalisation.
La remise en cause de cette mesure permettra non seulement de relancer en partie l’emploi, mais également d’alimenter les finances publiques.
Vous mettez en avant la prétendue perte de pouvoir d’achat que sa remise en cause induirait pour « des millions de Français » – ces 9 millions que vous citez à l’envi –, alors que vos explications sur son impact pour l’emploi restent bien insuffisantes.
Tout à l'heure, vous avez mis en doute le rapport parlementaire du député Jean-Pierre Gorges. Je vous cite ce qu’il contient : « À moyen et à long terme, cette dépense peu efficace, financée par un surcroît de dette publique – dont les intérêts correspondant à la dépense annuelle atteignent environ 140 millions d’euros – ne manquera pas d’alourdir les prélèvements obligatoires futurs. »
M. Albéric de Montgolfier. Ce n’est pas ce qu’il a dit à l’Assemblée nationale !
M. François Patriat. Contrairement à ce vous affirmez aujourd’hui, la défiscalisation des heures supplémentaires n’a pas augmenté le pouvoir d’achat des Français. En effet, le pouvoir d’achat par unité de consommation n’a augmenté que de 0,1 % par an en moyenne entre 2007 et 2010. Il a même reculé en 2011 et au premier trimestre 2012, selon Bercy.
Enfin, cette argumentation simpliste ne prend pas en compte le maintien des exonérations pour les TPE. Quand on sait que les entreprises de moins de vingt salariés constituent la plupart des entreprises implantées sur les territoires que nous représentons, ce maintien devrait avoir un effet bénéfique.
La fin des exonérations sociales sur les heures supplémentaires rapportera 980 millions d’euros cette année et 3 milliards d’euros en 2013. Quant à la refiscalisation, elle rapportera 600 millions d’euros dès 2013.
Sur la période 2011-2014, cette réforme permettra la création ou la sauvegarde de près de 18 000 emplois. Les créations d’emplois supplémentaires entraîneront un supplément de recettes fiscales et une économie de dépenses sociales représentant 1,3 milliard d’euros. Au total, une fois le bouclage macroéconomique réalisé, cette réforme permettra de réduire le déficit des administrations publiques de 5,2 milliards d’euros, soit 0,26 point de PIB en 2013.
Mes chers collègues, il est temps de mettre en avant ces faits, afin de ne pas laisser s’exprimer la seule voix – parfois partielle et surtout partiale – de l’UMP, qui prétend que la suppression des exonérations entraînera une baisse du pouvoir d’achat, alors qu’elle était, rappelons-le, favorable à la TVA sociale, mesure dont l’instauration aurait touché, avant tout, les plus modestes.
La suppression des exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires est donc une mesure qui, contrairement à ce que vous avancez, est économiquement efficace et socialement juste. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, sur l’article.
M. Francis Delattre. Chers collègues de la majorité, vous nous expliquez à longueur d’« éléments de langage » que votre rigueur serait beaucoup plus juste que celle pratiquée par les gouvernements précédents. Cela nous amène à nous interroger sur le sens que revêt désormais pour vous l’expression de « justice sociale ».
Est-il « juste » – il semble que ce soit votre mot fétiche – de supprimer le bénéfice d’une exonération fiscale, qui représente 500 euros pour les 9 millions de salariés gagnant en moyenne 1 500 euros par mois et améliore ainsi leur pouvoir d’achat ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Nous vous le disons de manière très claire et très sereine, ce type de réflexion est une véritable insulte lancée à ces 9 millions de travailleurs (Protestations sur les mêmes travées.), qui sont, pour l’essentiel, des travailleurs modestes.
Mes chers collègues, si vous avez un doute quant à la véritable orientation du présent projet de loi de finances rectificative, nous tenons à notre disposition un tableau émanant du Gouvernement, qui est parfaitement explicite sur ce point. (M. Francis Delattre brandit un document.)
Penchons-nous, si vous le voulez bien, sur quelques lignes tirées de ce rapport. On y trouve tout d’abord la suppression de l’exonération des heures supplémentaires, qui touche essentiellement les salariés modestes. Cette mesure représente, sur deux ans, 3,6 milliards d’euros. Il nous est en outre expliqué que le présent texte s’attaque aux riches et aux banques. Un coup d’œil sur le document nous apprend que la taxation accrue des stocks options ne rapportera que 0,3 milliard d’euros. Les mesures concernant les salariés qui bénéficient de l’épargne salariale rapporteront, quant à elles, 2,4 milliards d’euros. En revanche, la contribution du secteur bancaire ne s’élèvera qu’à 0,6 milliard d’euros.
Notre collègue Jean Germain, maire de Tours, nous a demandé, hier, ce qu’il y avait de choquant dans ces mesures. C’était très astucieux de sa part ! Je vais lui répondre. Ce qu’il y a de choquant, c’est que le projet de loi de finances rectificative, contrairement à ce que vous prétendez, dégage des ressources fournies essentiellement par les salariés.
M. Christian Cambon. Bien sûr !
M. Francis Delattre. C’est la réalité de votre projet !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Voilà !
M. Francis Delattre. Vous pouvez l’orner de tous les qualificatifs qu’il vous plaira, mais c’est la vérité !
Vous dites également que la TVA sociale détruit des emplois et vous ne cessez d’invoquer un rapport parlementaire. Or la lecture de celui-ci ne permet pas de découvrir le moindre chiffre indiquant que ce dispositif a détruit des emplois, comme cela a été abondamment dit.
Quel était l’objectif de cette mesure ? Il était d’offrir un peu de flexibilité aux entreprises. En effet, ces dernières vivent essentiellement en fonction de leur carnet de commandes. C’est ce carnet qui les dirige. Or l’évolution des carnets de commandes est variable. Par conséquent, le fait de recourir ou non à des heures supplémentaires relève non pas du dogme, mais bien des possibilités de l’entreprise.
En réalité, jamais les entreprises n’ont créé d’emplois grâce au partage du travail. Vous évoquez souvent divers modèles européens. Or on ne trouve dans aucune statistique de ces pays – ils ne s’y sont d’ailleurs même pas essayés ! – l’illustration du fait qu’on pourrait créer des emplois par le partage de la pénurie.
Enfin, je voudrais dire un mot sur l’épargne salariale. Aux 9 millions de salariés que vous allez sanctionner en réduisant leur pouvoir d’achat, vous ajoutez les 10 millions de salariés qui bénéficient de cette épargne. C’est un non-sens économique, monsieur le ministre !
Tout le monde le sait, parmi les nombreux problèmes que connaît le fonctionnement de nos entreprises, notamment industrielles, figure celui du financement, en particulier des PME. Ce financement dépend trop des banques, nous le savons tous. Les entreprises n’ont pas assez de capitaux stables. Or l’épargne salariale était un moyen de leur en garantir. Elle est en expansion, et elle permettait d’associer naturellement – c’est une idée qui nous est chère – les directions des entreprises et leurs salariés. Elle mettait en avant la participation et le fameux dialogue social, auquel elle donnait un véritable contenu, et dont vous nous avez parlé tout à l’heure.
On se réfère régulièrement au modèle allemand. L’examen de la situation outre-Rhin permet de comprendre assez aisément les causes des difficultés que nous avons connues ces dernières années. Le chômage structurel est la conséquence implacable d’une trop grande pression fiscale et réglementaire, d’un marché du travail trop rigide, d’une politique budgétaire erratique, d’un euro trop fort et, enfin, d’une politique d’innovation et de recherche trop faible, et souvent trop étatisée.
Nous avons essayé de réformer cela, à travers un certain nombre de mesures. En détricoter l’essentiel sera néfaste à la compétitivité de nos entreprises et fera assurément croître le chômage. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux, sur l’article.
Mme Caroline Cayeux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 2 du présent projet de loi de finances rectificative, qui supprime l’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, est bien, comme l’ont dit un certain nombre de mes collègues, une injustice sociale et une faute économique. (M. David Assouline s’exclame.)
La motivation du Gouvernement sur ce sujet, on l’a souligné à plusieurs reprises, est uniquement idéologique, guidée par le besoin irrépressible de s’attaquer au bilan de Nicolas Sarkozy et de faire table rase de ce qui a été entrepris.
M. David Assouline. On l’a déjà oublié !
Mme Caroline Cayeux. L’exonération des heures supplémentaires, mesure d’ordre purement économique, était au service des salariés et des entreprises de notre pays. Il est vrai que, pour vous, elle présentait l’inconvénient d’avoir été mise en place par le précédent gouvernement.
Monsieur le ministre, vous êtes en train de mettre à mal la compétitivité des entreprises en touchant au pouvoir d’achat des classes moyennes. Il ne pourra y avoir de redressement économique dans notre pays, encore moins de justice sociale, notion que vous ne cessez pourtant de brandir, depuis hier, comme l’étendard de votre politique gouvernementale. Vous la présentez même comme la clé de voûte de votre action au service des Français. Or, avec la suppression de cette exonération, vous foulez aux pieds la justice sociale !
Vous allez délibérément porter atteinte au pouvoir d’achat des ouvriers, des employés et des fonctionnaires. Dans mon département et dans ma ville, j’ai été interpellée par des transporteurs, des hôteliers, des cafetiers, des fonctionnaires municipaux, notamment de police, des ouvriers, des chefs d’entreprise ou des enseignants du second degré, qui effectuent régulièrement des heures supplémentaires et ne font pas partie, mes chers collègues, des plus privilégiés. Eux aussi sont inquiets pour l’avenir. Qu’allez-vous répondre à tous les Français qui perdront, en moyenne, près de 600 euros par an ? Ils seront, en effet, presque 9 millions à être victimes de votre conception de la « justice sociale ».
Je le redis, vous commettez une faute non seulement sociale, mais aussi économique. En effet, sous prétexte de faire des économies, vous mettez à mal le développement économique, l’emploi et le budget des foyers.
M. Richard Yung. Dans ces domaines, vous avez réussi !
Mme Caroline Cayeux. Et ce n’est certainement pas la hausse symbolique du SMIC qui compensera la perte de pouvoir d’achat que vous voulez instaurer.
Votre mesure constitue une double peine pour notre pays : elle frappe le moral des salariés et celui des entreprises.
Mme Marie-France Beaufils. C’est vous qui dites cela !
Mme Caroline Cayeux. Voilà quelques jours, M. Benoît Hamon a affirmé qu’on attendait du Gouvernent qu’il tienne « un langage de la preuve » pour que nos concitoyens puissent mettre « un peu de beurre dans les épinards ». Les Français vont devoir renoncer à ce « beurre », car il va fondre jusqu’à disparaître.
M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis. Vous allez nous faire pleurer !
Mme Caroline Cayeux. Je citerai également le cas des entreprises du secteur du BTP ou encore de l’hôtellerie-restauration. En fonction de l’horaire actuel dont ils relèvent, la remise en cause des exonérations sociales reviendrait à faire perdre à tous ces salariés entre 3 % et 7 % de leur pouvoir d’achat après impôt. Vous admettrez que ce n’est pas rien !
Monsieur le ministre, avec ce projet, vous tournez le dos à la France qui travaille (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) et vous commettez une double injustice, à la fois sociale et économique.
Comme Philippe Dallier, je citerai les paroles d’une chanson, qui fut extrêmement populaire dans les années quatre-vingt : « antisocial, tu perds ton sang-froid » !
Pour toutes ces raisons, je ne voterai évidemment pas cet article de suppression. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis. Je reviendrai sur deux points déjà évoqués, qui me paraissent fondamentaux.
Tout d’abord, je souhaite rappeler que cette discussion intervient après le vote de l’article 1er, qui a rendu à l’ensemble des Français 10,6 milliards d’euros de pouvoir d’achat (Protestations sur les travées de l'UMP.), soit en moyenne 300 à 400 euros par ménage.
M. Philippe Dallier. C’est faux !
M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis. L’effet de la mesure prévue à l’article 2 sera de l’ordre de 5 milliards d’euros, dont seulement 4 milliards d’euros concernent les ménages, ce qui signifie que le différentiel est bien de 6 milliards d’euros, lesquels, grâce aux articles 1er et 2 de ce texte, viendront majorer le pouvoir d’achat des Français en 2012.
Ensuite, l’enjeu de cet article n’est pas, bien évidemment, la suppression des heures supplémentaires. Nous le savons, celles-ci sont indispensables au fonctionnement des entreprises. Leur rémunération est d’ailleurs majorée de 25 % à 50 %, ce qui est juste pour les salariés et tout à fait équitable d’un point de vue économique. En effet, l’entreprise dépense moins en payant des heures supplémentaires qu’en embauchant un nouveau salarié. L’enjeu est donc de savoir s’il faut maintenir les avantages liés à ces heures supplémentaires, en matière de fiscalité et de contributions sociales.
Enfin, mes chers collègues, nous avons l’ambition de construire un nouveau système fiscal, qui s’appuiera sur le concept fondamental de justice.
M. Francis Delattre. Vous commencez mal !
M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis. Chacun doit contribuer à la solidarité nationale en fonction de ses revenus et quelle que soit leur nature, c’est du moins l’idéal vers lequel il faut tendre.
Un salarié dont la rémunération est de 1 500 euros contribue à la solidarité nationale via l’impôt sur le revenu et les contributions sociales sur la base de 1 500 euros. En revanche, le salarié dont le revenu de 1 500 euros est composé d’un salaire de 1 200 euros et du paiement d’heures supplémentaires à hauteur de 300 euros ne contribue à la solidarité nationale par l’impôt sur le revenu et des contributions sociales que sur la base de 1 200 euros. Est-ce juste ? (Non ! sur les travées socialistes.) Comment peut-on justifier une telle différence de traitement sinon par la seule nécessité, à l’époque, de mettre en œuvre un slogan de campagne électorale ?
L’inspection des finances a noté de « zéro » à « trois » les dépenses fiscales et les niches sociales selon qu’elles ont ou non réalisé leurs objectifs, ou, au contraire, renforcé les inégalités, ainsi que par comparaisons internationales. Mesure phare du paquet fiscal de 2007, le dispositif relatif aux heures supplémentaires a reçu un score d’« un ». L’avantage fiscalo-social est nettement croissant avec le niveau de vie. La baisse du coût des heures supplémentaires « tend aussi à accroître les incitations à des pratiques d’optimisation fiscale associées à la déclaration d’heures supplémentaires fictives ».
Par ailleurs, le rapport de nos collègues Jean-Pierre Gorges et Jean Mallot, que nous avons souvent cité, insiste sur la sous-déclaration des heures supplémentaires. Leur rapport est également accablant pour ce qui concerne les gains et avantages fiscaux. Le gain moyen est de 42 euros mensuels ; le gain médian n’atteint que 29 euros. L’explication d’une telle différence est particulièrement intéressante. Le dispositif ne prévoyant pas de plafonnement du gain fiscal, les auteurs du rapport notent qu’une telle situation a pu conduire à des avantages pouvant être jugés disproportionnés.
J’évoquerai, enfin, l’aspect économique, qui a été souvent abordé. Après avoir analysé la situation de notre pays, nous avons voulu maintenir l’avantage du dispositif pour les petites entreprises.
Un sénateur de l’UMP. Mais pas pour les autres !
M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis. Pour ces dernières, le recours aux heures supplémentaires est un facteur significatif d’adaptation aux variations de la demande qu’elles subissent. En 2011, 44 % des heures supplémentaires étaient effectuées dans les entreprises de moins de vingt salariés ou de vingt salariés, alors que celles-ci ne représentent seulement qu’un tiers de l’emploi. Elles rencontrent les contraintes les plus fortes et les difficultés de financement et d’accès à la commande publique les plus grandes. Elles acquittent un impôt sur les bénéfices proportionnellement plus important que celui qui est payé par les très grandes entreprises, lesquelles sont capables de mettre en œuvre des mécanismes d’optimisation. Une telle disposition traduit notre responsabilité en matière économique.
M. le président. Veuillez conclure, cher collègue !
M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis. Une mesure qui rend du pouvoir d’achat à l’ensemble des Français et qui abroge un système destructeur d’emplois est certainement appropriée à notre pays, opportune et intelligente. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, sur l’article.
M. Philippe Adnot. Après l’intervention dans cet hémicycle de M. Jean-Marc Ayrault, j’avais pris la parole pour dire que je voterai ce qui me paraissait bon et que je ne voterai pas ce qui me paraissait mauvais.
Je n’ai donc pas voté la réforme de la TVA sociale, qui constituait, selon moi, une bonne mesure. Je m’apprête, en revanche, à voter l’article 2, si la majorité consent à étudier avec intérêt l’amendement que j’ai déposé et qui vise à atténuer quelque peu la brutalité d’une application trop rapide de la mesure pour les entreprises. Nous aurons l’occasion d’en reparler au moment de l’examen de l’amendement.
La réforme liée à l’exonération des heures supplémentaires avait plusieurs vices de forme.
Le premier vice de forme, qui a déjà été rappelé, repose sur l’inégalité de traitement. Comment expliquer à nos concitoyens que le salarié qui n’a pas la chance de pouvoir effectuer des heures supplémentaires est imposé sur la totalité de son revenu, contrairement à celui qui a la chance de pouvoir en faire ? (M. Alain Néri applaudit.)
M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis. C’est ce que je viens de souligner !
M. Philippe Adnot. Deuxième vice de forme, cette réforme, dont l’objet, en réalité, était de revenir sur les 35 heures, a manqué de courage. Il eût été préférable de dire clairement les choses. Puisqu’il s’agissait de redonner de la compétitivité à notre nation, chacun aurait dû pouvoir travailler davantage d’une manière légitime, et pas seulement ceux qui ont la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires.
Troisième vice de forme, cette réforme a été financée par l’endettement. Or, quand on est endetté, toute dépense supplémentaire a pour effet de creuser le déficit budgétaire. Offrir des avantages de cette nature dans un tel contexte, c’est dire aux gens qu’ils ne paieront pas, mais que leurs enfants paieront un jour.
Quand une mesure n’est pas bonne, il faut savoir la supprimer, surtout si elle ne correspond pas à la demande des entreprises et des salariés.
Les entreprises ont besoin d’une plus grande souplesse. Elles doivent pouvoir être réactives. Pour ce faire, il est important qu’elles puissent demander aux salariés d’effectuer des heures supplémentaires en fonction de l’importance du carnet de commande. Nul besoin d’introduire une telle distorsion pour arriver à ce résultat !
Je m’apprête donc à voter l’article 2, si la gauche veut bien m’écouter. Elle doit comprendre qu’il serait préférable de mettre en application cette mesure à compter du dernier trimestre de 2012, de manière à ce que celle-ci ne vienne pas perturber la comptabilité des entrepreneurs. L’adoption de cet amendement, qui n’entraînerait pas une perte financière très lourde, permettrait d’apporter une certaine souplesse.
Comment donner souplesse et réactivité à notre société ? Pour nous tous, le chantier reste ouvert ! (M. Jean-François Husson applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, sur l'article.
M. Jean-Pierre Caffet. Pour juger du contenu de cet article, il faut revenir à l’origine de la loi TEPA. Vous avez dit qu’il s’agissait, en 2007, d’augmenter le pouvoir d’achat et de donner de la flexibilité aux entreprises. En réalité, il n’en est rien.
M. Roger Karoutchi. Mais si !
M. Jean-Pierre Caffet. Non ! L’objectif affiché par le gouvernement de l’époque était de créer des emplois et, ainsi, de doper la croissance. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
J’ai retrouvé l’intervention prononcée par Mme Lagarde au cours de la discussion de l’article 1er du projet de loi TEPA : « L’augmentation de la durée moyenne du travail est une condition essentielle à la baisse durable du chômage et à l’augmentation de notre rythme de croissance. Cette corrélation est mise en évidence par les comparaisons internationales qui montrent que les pays européens qui connaissent le plein emploi sont souvent ceux dans lesquels le nombre moyen d’heures ouvrées par salarié est élevé. »
Tout est dit ! On retrouve là la croyance selon laquelle plus la durée du travail est longue, plus on crée d’emplois et plus c’est favorable à la croissance. Tel était donc l’objectif de la loi TEPA, comme l’avait souligné Mme Lagarde ici même.
C’est à l’aune de cet objectif qu’il faut juger de l’efficacité de cette mesure, d’autant que, après cinq années d’application, nous avons aujourd’hui le recul nécessaire. Un certain nombre d’études et de rapports ont été faits.
Je n’en citerai que trois : le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, le rapport du Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, et le rapport de nos collègues députés Jean-Pierre Gorges et Jean Mallot, rapport bipartisan dont il a beaucoup été question et qui a été abondamment cité.
Tous ces rapports soulignent que non seulement l'emploi n'a pas progressé,…
M. Rémy Pointereau. C'est mieux que les 35 heures !
M. Jean-Pierre Caffet. Ne vous inquiétez pas, je reviendrai sur les 35 heures !
Tous ces rapports soulignent que non seulement l’emploi n’a pas progressé, mais encore que cette mesure a conduit à des destructions d'emplois.
Plusieurs sénateurs de l'UMP. Ce n'est pas vrai !
M. Jean-Pierre Caffet. Voulez-vous que je vous lise le dernier rapport que j’ai cité ? Voici ce qui y est écrit : « en cas de récession, il – ce dispositif – conduit à une réduction plus forte du nombre d'emplois par un recours accru ou maintenu aux heures supplémentaires subventionnées ».
Autrement dit, vous avez emprunté, parce que cette mesure n'était pas financée en 2007, pas plus qu'elle ne l'était en 2008, en 2009, en 2010, en 2011 et en 2012, pour détruire des emplois ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Quelle caricature !
M. Jean-Pierre Caffet. Subventionner des heures supplémentaires quand on est en période de sous-emploi, voire de récession, comme en 2009, est une aberration totale !
Autant je peux comprendre qu'on subventionne des heures supplémentaires en phase de forte croissance et de plein emploi, autant les subventionner en phase de récession et en période de chômage massif est une absurdité.
Pour terminer, j’évoquerai le paradoxe que vous devez gérer. Certains d'entre vous l’ont reconnu, les 35 heures vous posaient problème. Vous avez donc eu l’idée d’allonger la durée du travail en subventionnant les heures supplémentaires. Simplement, en 2007, pour atteindre cet objectif, vous avez généralisé les 35 heures en les étendant aux entreprises de moins de vingt salariés alors que celles-ci n’y étaient pas soumises.
À vous qui êtes les pourfendeurs au quotidien des 35 heures, pardonnez-moi de dire que généraliser celles-ci et emprunter pour détruire de l'emploi, c'est se prendre deux fois les pieds dans le tapis ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame vivement.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il faut distinguer la macroéconomie, c'est-à-dire les études dans lesquelles nous nous efforçons de puiser des éléments d'appréciation,…
M. Jean-Pierre Caffet. Comme M. Baroin, M. Copé, etc.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Comme M. Caffet, comme chacun d'entre nous ! (Sourires.)
Il faut distinguer, d’un côté, la macroéconomie et, de l’autre, la microéconomie, c'est-à-dire la réalité concrète des entreprises. D’un côté, il y a les doctrines qui nous inspirent ; de l’autre, pardonnez-moi de le dire, il y a les gens que l'on rencontre.
Je voudrais simplement mettre l'accent sur deux situations concrètes. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) J’évoquerai non des situations individuelles – Fabienne Keller s’y est fort bien employée tout à l’heure –, mais la situation de deux secteurs d'activité : le bâtiment et le transport routier.
S'agissant du bâtiment et des travaux publics, qui comptent 1,5 million de salariés, l'on me dit que près de 130 millions d'heures supplémentaires auraient été effectuées en 2011, soit 85 heures en moyenne par salarié.
M. Henri de Raincourt. Ce n'est pas mal !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. La majorité des salariés seraient touchés par les mesures envisagées. L'impact serait d'autant plus important que 85 % des entreprises du bâtiment ont recours aux heures supplémentaires structurelles, lesquelles sont une nécessité incontestable dans ce secteur.
Je comprends bien les arguments selon lesquels il pourrait y avoir, dans des proportions variables, un effet de substitution entre les heures supplémentaires et les créations d'emploi. Néanmoins, s'agissant du bâtiment et des travaux publics, il faut raisonner en tenant compte des conditions concrètes auxquelles sont confrontées les entreprises du secteur, à savoir des plans de charge soumis à des aléas importants, voire à des phénomènes de saisonnalité. Le recours aux heures supplémentaires, qui sont ici structurelles, est assez naturel.
M. Jean-Pierre Caffet. Sont-elles supprimées ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Certes non ! Simplement, il est brutal de supprimer quasiment instantanément un régime de détaxation et d’exonération de charges sociales.
S'agissant du transport routier de marchandises, on me dit que ce secteur compterait un peu plus de 400 000 salariés au 31 décembre 2011, dont 75 % de conducteurs routiers.
Selon un scénario bas, le temps de service hebdomadaire d'un conducteur en transport routier de marchandises est égal à celui d'un conducteur courte distance, soit 42,35 heures.
Selon le scénario central, le temps de service hebdomadaire est égal à celui de l'ensemble des conducteurs, soit 46 heures, c’est-à-dire 199 heures par mois.
Selon le scénario haut, le temps de service hebdomadaire est égal à celui d'un conducteur longue distance, soit 47,4 heures, c’est-à-dire 205,2 heures par mois.
Ces chiffres sont tirés du bilan social annuel du transport routier de marchandises, établi par le service de l'observation et des statistiques du ministère de l'écologie, qui était auparavant également chargé des transports.
En considérant que le temps de service hebdomadaire moyen dans ce secteur est de 41 heures, les hypothèses prévues pour les différents types de services montrent incontestablement que la suppression de la loi TEPA aurait un impact important sur le salaire net des conducteurs.
Selon le scénario dans lequel on se place, la perte est soit de 213 euros par an, soit de 790 euros par an ; pour le conducteur longue distance, la perte est de 1 016 euros par an.
Ces effets sont brutaux. Et je ne parle, ici, que des effets sur les salariés et non de ceux sur les entreprises, lesquels seraient également à prendre en compte, d’autant que la conjoncture n'est pas nécessairement facile.
Vous le savez, les secteurs du transport routier de marchandises et du bâtiment, que j’ai pris comme exemples, sont assez représentatifs de la conjoncture générale de l'économie. La mesure prise sera brutale pour les salariés. Par ailleurs, dans la conjoncture actuelle, elle ne pourra sans doute qu’aggraver les difficultés d’une proportion significative d'entreprises.
À mon sens, il eût été préférable de limiter le coût budgétaire de la loi TEPA et de procéder par étapes, ainsi que je l’avais proposé ces dernières années.
M. le président. Veuillez conclure !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. La méthode du rabot me paraît une excellente méthode. D'ailleurs, monsieur le ministre, j'espère que vous l’appréciez tout autant que vos prédécesseurs : il s’agit d’un instrument, extrêmement pratique pour un ministre du budget, car il peut être manié sur une surface extrêmement large.
Je le répète, cette mesure est trop brutale ; elle va trop loin ; elle risque de poser des problèmes économiques à un nombre important d'entreprises, notamment aux petites et moyennes entreprises – les deux branches que j’ai citées comptent une proportion très significative de petites et moyennes entreprises de plus de 20 salariés – ; et elle pourrait être perçue par les salariés concernés comme contraire à l'équité.
Aussi, mes chers collègues, faute de mieux, il me semble préférable, à ce stade, de voter l'amendement de suppression de l'article 2.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, sur l'article.
M. Christian Cambon. Comme vous, mes chers collègues, j’ai écouté tout à l'heure le vibrant plaidoyer prononcé par notre collègue Alain Néri en faveur des travailleurs pauvres.
Pour ma part, je voudrais parler ici d'une catégorie qui n'est pas sensible aux crises économiques, à savoir les salariés de nos communes, car nous sommes nombreux à être maires sur ces travées. À ce titre, nous avons nous aussi recouru aux heures supplémentaires.
Mme Marie-France Beaufils. Pas dans ma commune !
M. Christian Cambon. Disant cela, je m'appuie sur mon expérience de maire d'une ville moyenne de 16 000 habitants dans le Val-de-Marne, département qui n'est pas particulièrement favorisé.
Les assistantes maternelles que nous embauchons, qui arrivent bien souvent de province (Exclamations offusquées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), perçoivent un salaire net mensuel de 1 150 euros. Ce ne sont pas les « méchants patrons » qui leur imposent ces salaires, c'est une grille fixée par l'État ! Les assistantes maternelles qui acceptent de garder un enfant perçoivent, quant à elles, un salaire mensuel de 750 euros net.
Dans le même temps, les maires rencontrent bien des difficultés pour remplacer les policiers municipaux, les agents de voirie, les agents des services des fêtes et cérémonies, les auxiliaires de puériculture, les animateurs de quartier.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh oui !
M. Christian Cambon. L'état de leurs finances ne leur permet pas de créer immédiatement un emploi pour remplacer un agent en congé maternité ou en arrêt maladie pour quelques jours ou quelques semaines. Voilà pourquoi ils avaient recours aux heures supplémentaires.
Je veux ici plaider pour ces personnels.
Je comprends la gêne que suscite chez vous ce débat. Vous nous citez toutes sortes de rapports. L'un d'entre vous a même parlé de pouvoir d'achat par unité de consommation. Venant de votre part, on croit rêver !
Je me souviens de vos cris d'orfraie lorsque nous avions instauré un malheureux forfait de 1 euro pour l'achat d'un médicament. Que n'avait-on entendu ! Notre collègue Philippe Bas, alors ministre, pourrait en témoigner.
Or que représente un tel forfait par rapport au coup que vous allez porter à des agents de catégorie C qui, pour certains, perçoivent mensuellement 200 euros, 300 euros ou 400 euros en heures supplémentaires, pour un salaire net mensuel de 1 150 euros ?
Sachant que, en région parisienne, une assistante maternelle ou une puéricultrice doit débourser au minimum entre 600 euros et 800 euros par mois pour louer un malheureux studio, ce complément de salaire défiscalisé était essentiel.
M. Michel Berson. Quelle malhonnêteté intellectuelle !
M. Christian Cambon. Alors, ayez du courage et allez leur expliquer le mauvais coup que vous leur portez ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l'article.
M. David Assouline. Ce courage, nous l’avons, parce que nous ne sommes pas dans la démagogie ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Francis Delattre. C’est un expert qui vous le dit ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
M. David Assouline. Mes chers collègues de l’opposition, j’ai écouté attentivement vos propos, y compris lorsqu’ils étaient aberrants. Je vous demande maintenant de bien vouloir me laisser m’exprimer.
Madame Des Esgaulx, lorsque nous rencontrons nos concitoyens, ils expriment que leur préoccupation principale, ce que confirment les enquêtes d’opinion, est l’emploi et le chômage. Les Français sont inquiets, surtout si dans un couple l’un ou l’autre est sans emploi, ou s’ils ont encore à leur charge un enfant qui ne trouve pas de travail.
Cette question de l’emploi et du chômage pèse sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens qui n’ont pas la chance de pouvoir travailler et d’avoir un salaire tous les mois.
C’est en fonction de cet ensemble qu’il faut estimer ce qui est bon pour le pouvoir d’achat et pour la France.
Il n’y a pas de doute : en période de « non-croissance » – pour être pudique –, il ne faut pas de mesures qui détruisent les emplois ! (Mme Chantal Jouanno s’exclame.) Tous les économistes sérieux vous le diront. Lorsque la situation est difficile, il est bien évident qu’entre choisir d’embaucher alors que l’avenir est incertain ou décider d’instaurer quelques heures supplémentaires pour ne pas avoir à embaucher, la seconde option sera retenue.
Oui, quand on veut favoriser à tout prix l’emploi, on pense aux travailleurs, c’est-à-dire à l’ensemble de ceux qui devraient pouvoir avoir un salaire ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Lorsqu’une mesure entraîne, selon les évaluations, la disparition de 100 000 emplois, quand elle encourage à ne pas embaucher, on ne peut pas dire qu’elle favorise le pouvoir d’achat ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
En outre, cet article s’inscrit dans un ensemble.
Comme l’a souligné M. Daudigny, la suppression de la TVA sociale, chiffrée à 11 milliards d’euros, représentera 380 euros de plus en moyenne pour l’ensemble des ménages, et pas seulement pour les 9 millions de Français concernés par les heures supplémentaires. Les deux mesures se valent en termes de pouvoir d’achat, seule la répartition change.
L’augmentation du SMIC de 2 %, que vous avez bloqué pendant des années,…
M. Michel Mercier. Pas du tout !
M. David Assouline. … fera une différence réelle en matière de pouvoir d’achat.
Il en est de même de l’encadrement de la hausse des loyers à la première relocation et de l’augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire.
Ces mesures, ainsi que l’ensemble des dispositions relatives à l’emploi qui figureront dans le futur projet de loi de finances initiale, que nous voterons à l’automne, créeront une dynamique favorable à tous nos concitoyens salariés.
J’ai entendu vos arguments, mais vous savez pertinemment que la défiscalisation des heures supplémentaires n’est pas une mesure satisfaisante. Elle a été très critiquée, y compris à droite en raison de son caractère antiéconomique en période de récession.
Après avoir bien « matraqué » les salariés pour engranger les gains, vous cherchez à les duper avec leur fiche de paie. Vous croyez les Français moins intelligents qu’ils ne le sont, comme souvent d’ailleurs ! Si vous les aviez pris plus au sérieux, vous n’auriez pas subi d’échec. François Hollande a assumé cette mesure devant l’ensemble du peuple et a été élu. Il a toujours défendu cette position devant les journalistes qui l’interrogeaient, puis lors du débat avec Nicolas Sarkozy.
En définitive, les Français savent que c’est la gauche qui défend le pouvoir d’achat et que vous les avez « matraqués » pendant cinq ans avec vingt-cinq taxes supplémentaires !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Comment peut-il dire des choses pareilles !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Conférence des présidents
M. le président. Mes chers collègues, la conférence des présidents, qui s’est réunie ce soir, mercredi 25 juillet 2012, a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Jeudi 26 juillet 2012
À 9 heures 30, à 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012 (n° 687, 2011-2012).
Éventuellement, vendredi 27 juillet 2012
À 9 heures 30 et à 14 heures 30 :
- Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2012.
Mardi 31 juillet 2012
À 14 heures 30 :
1°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif au harcèlement sexuel.
(Conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposeront, dans la discussion générale, d’un temps global de deux heures ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant lundi 30 juillet 2012, dix-sept heures.)
À partir de 18 heures :
2°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2012.
(Conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposeront, dans la discussion générale, d’un temps global de deux heures ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant lundi 30 juillet 2012, dix-sept heures.)
Prochaine conférence des présidents : mercredi 26 septembre 2012, à dix-neuf heures.
(Et, si nécessaire, le mercredi 12 septembre 2012 à dix-neuf heures)
SUSPENSION DES TRAVAUX EN SÉANCE PLÉNIÈRE :
du dimanche 23 décembre 2012 au dimanche 13 janvier 2013 ;
du dimanche 3 mars 2013 au dimanche 10 mars 2013 ;
du dimanche 28 avril 2013 au dimanche 12 mai 2013.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
M. Henri de Raincourt. Je demande la parole, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, nous serait-il possible d’obtenir des indications plus précises concernant une éventuelle session extraordinaire à l’automne ? Nous serions honorés de savoir si nous aurons la chance de siéger au mois de septembre, ou si, au contraire, le Sénat reprendra ses travaux en octobre.
M. le président. Mon cher collègue, sur ce point, je ne dispose pas d’indications précises et définitives. Lorsque ces informations seront connues, elles seront communiquées au Sénat dans les meilleurs délais.
Y a-t-il d’autres observations ?...
Ces propositions sont adoptées.
La conférence des présidents a par ailleurs procédé à la répartition par tirage au sort des espaces réservés aux groupes politiques pour la session 2012-2013, ainsi qu’à la répartition des semaines de séance pour la session 2012-2013. Elle a enfin eu un échange de vues sur l’ordre du jour de la semaine sénatoriale de contrôle du mois d’octobre.
7
Loi de finances rectificative pour 2012
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012.
Dans la discussion des articles de la première partie, nous poursuivons l’examen, au sein du titre Ier, de l’article 2.
J’en rappelle les termes :
Article 2 (suite)
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
A. – L’article L. 241-17 est abrogé ;
B. – L’article L. 241-18 est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi rédigé :
« I. – Dans les entreprises employant moins de vingt salariés, toute heure supplémentaire effectuée par les salariés mentionnés au II de l’article L. 241-13 ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d’un montant fixé par décret.
« La déduction s’applique :
« 1° Aux heures supplémentaires définies à l’article L. 3121-11 du code du travail ;
« 2° Pour les salariés relevant de conventions de forfait en heures sur l’année prévues à l’article L. 3121-42 du même code, aux heures effectuées au-delà de 1 607 heures ;
« 3° Aux heures effectuées en application du troisième alinéa de l’article L. 3123-7 du même code ;
« 4° Aux heures supplémentaires mentionnées à l’article L. 3122-4 du même code, à l’exception des heures effectuées entre 1 607 heures et la durée annuelle fixée par l’accord lorsqu’elle lui est inférieure. » ;
2° Au début du II, sont ajoutés les mots : « Dans les mêmes entreprises, » ;
3° Après le mot « salarié », la fin du même II est ainsi rédigée : « relevant d’une convention de forfait annuel en jours, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l’article L. 3121-44 du code du travail, dans les conditions prévues à l’article L. 3121-45 du même code. » ;
4° Le deuxième alinéa du IV est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les I et II sont applicables sous réserve du respect par l’employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail, et sous réserve que l’heure supplémentaire effectuée fasse l’objet d’une rémunération au moins égale à celle d’une heure non majorée.
« Ils ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d’autres éléments de rémunération au sens de l’article L. 242-1 du présent code, à moins qu’un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l’élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération précités. » ;
5° Au dernier alinéa du même IV, les mots : « de la majoration mentionnée au I » sont remplacés par les mots : « des déductions mentionnées aux I et II » ;
6° Le V est ainsi rédigé :
« V. – Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II est subordonné, pour l’employeur, à la mise à la disposition des agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 243-7 du présent code et à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime d’un document en vue du contrôle de l’application du présent article. » ;
7° Il est ajouté un VI ainsi rédigé :
« VI. – Un décret fixe les modalités d’application du présent article ainsi que les modalités selon lesquelles les heures supplémentaires effectuées par les salariés affiliés au régime général dont la durée du travail ne relève pas du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime ouvrent droit aux déductions mentionnées au présent article. » ;
C. – L’article L. 711-13 est ainsi rédigé :
« Art. L. 711-13. – Un décret fixe les conditions d’application des articles L. 241-13 et L. 241-18 aux employeurs relevant des régimes spéciaux de sécurité sociale des marins, des mines et des clercs et employés de notaires. »
I bis (nouveau). – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 81 quater est abrogé ;
2° Au troisième alinéa du 1 de l’article 170, la référence : « 81 quater, » est supprimée ;
3° Le septième alinéa du 3° du B du I de l’article 200 sexies est supprimé ;
4° Au c du 1° du IV de l’article 1417, la référence : « 81 quater, » est supprimée.
II. – À l’article L. 741-15 du code rural et de la pêche maritime, la référence : « L. 241-17, » est supprimée et, au I de l’article 53 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008, la référence : « aux articles L. 241-17 et » est remplacée par les mots : « à l’article ».
II bis (nouveau). – Après le mot : « du », la fin du 2° du II du même article 53 est ainsi rédigée : « code général des impôts ; ».
II ter (nouveau). – Au V de l’article 48 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, le mot : « majoration » est remplacé par le mot : « déduction ».
III. – A. – Au titre de l’année 2012, l’affectation prévue au 2° du II de l’article 53 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 précitée est limitée à une fraction égale à 42,11 % du produit de la contribution.
B. – Le même article 53 est abrogé à compter du 1er janvier 2013.
C. – Le j du 7° de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale est abrogé à compter du 1er janvier 2013.
IV. – Pour l’année 2012, une fraction égale à 340 988 999,21 € du produit de la contribution mentionnée à l’article 235 ter ZC du code général des impôts est affectée, après déduction de la fraction mentionnée au A du III du présent article, au financement des sommes restant dues par l’État aux caisses et régimes de sécurité sociale retracées à l’état semestriel du 31 décembre 2011 au titre des mesures dont la compensation est prévue à l’article 53 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 précitée.
V. – A. – Les I, II et II ter s’appliquent aux rémunérations perçues à raison des heures supplémentaires et complémentaires effectuées à compter du 1er septembre 2012.
B. – Lorsque la période de décompte du temps de travail ne correspond pas au mois calendaire et est en cours au 1er septembre 2012, les articles L. 241-17 et L. 241-18 du code de la sécurité sociale et L. 741-15 du code rural et de la pêche maritime dans leur rédaction en vigueur antérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi demeurent applicables à la rémunération des heures supplémentaires et complémentaires de travail versée jusqu’à la fin de la période de décompte du temps de travail en cours, et au plus tard le 31 décembre 2012.
C (nouveau). – Par dérogation au A du présent V, le I bis s’applique aux rémunérations perçues à raison des heures supplémentaires et complémentaires de travail effectuées à compter du 1er août 2012.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 101 est présenté par M. J.C. Gaudin et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 126 rectifié est présenté par MM. Marseille, Dubois, J. Boyer, Maurey et Tandonnet, Mme Morin-Desailly et MM. Roche, Détraigne et Capo-Canellas.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. François Trucy, pour défendre l’amendement n° 101.
M. François Trucy. Mes chers collègues, au terme d’un après-midi de discussions aussi intenses, on peut avoir le sentiment que tout a été dit.
Je prendrai, malgré tout, le risque de la répétition tant l’enjeu est d’importance. Néanmoins, je m’efforcerai d’alléger la discussion en ne récapitulant pas l’ensemble des arguments qui ont été développés jusque-là. (Si ! sur les travées de l'UMP.)
À l’instar de M. Marini, je tiens à apporter un éclairage particulier sur une situation qui concerne une branche tout entière de notre économie. M. le président de la commission des finances nous a rapidement alertés sur les possibles effets de l’adoption de l’article 2 dans les secteurs du BTP et du transport routier. Je ne reprendrai pas l’ensemble de ses arguments concernant le transport routier. Je préciserai simplement trois points.
Premièrement, cette filière, qui connaît actuellement de grandes difficultés, sera directement affectée par l’éventuel vote de l’article 2. Or, avec ses 400 000 salariés, le secteur routier est l’un des premiers employeurs de France.
Deuxièmement, en 2013, cette branche aura à affronter la mise en œuvre de la taxe poids lourds, qui n’est pas négligeable. Elle doit d’ores et déjà subir la libéralisation totale du cabotage, réforme privilégiant fortement les pays européens aux faibles coûts de main-d’œuvre.
Troisièmement, à temps égal de service, les contraintes réglementaires nationales sont plus exigeantes et engendrent un déficit de productivité pouvant atteindre 30 %.
Mes chers collègues, nous avons évoqué la question de la productivité tout l’après-midi : nous sommes donc là au cœur du débat !
Dans ce contexte, la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires entraînerait – ce ne sont pas les chiffres du ministère, mais des données dont chacun peut vérifier l’authenticité – une perte de revenus de quelque 500 à 1 200 euros par an pour un conducteur, et une hausse du coût de la main-d’œuvre de l’ordre de 4 000 à 5 000 euros pour les entreprises concernées, par conducteur.
Pour les entreprises comptant en moyenne une centaine de camions, ce qui n’est pas rare, cette mesure représente un coût de plus de 500 000 euros. On le sait, de telles entreprises, à l’heure actuelle, peinent déjà à maintenir leurs résultats à l’équilibre. C’est dire le risque que fait courir l’article que nous examinons.
Monsieur le ministre, cet exemple, parmi tant d’autres, illustre bien les conséquences économiques et sociales de cette réforme, que nous combattons.
M. Christophe Béchu. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour défendre l’amendement n° 126 rectifié.
M. Hervé Marseille. Comme l’a rappelé M. Trucy, nous avons consacré depuis hier de nombreux débats à ces importants sujets, qui emportent de lourdes conséquences pour notre pays.
Il est bon que nous puissions en discuter dans la mesure où nous n’avons pas pu le faire à l’occasion du discours de politique générale de M. le Premier ministre puisque nous avons été privés de vote.
À plusieurs reprises, on nous a indiqué que le présent collectif budgétaire traduisait les promesses de campagne du Président de la République. Pour autant, il est important que nous puissions discuter de la mesure.
Je ne reviendrai pas sur les différents arguments qui ont été mis en avant. Je soulignerai simplement la nécessité, pour les petites et moyennes entreprises, notamment, de pouvoir continuer à bénéficier de ces avantages fiscaux.
Pour chaque salarié concerné au sein de la profession, la Fédération nationale du transport routier a évalué à environ 4 % des revenus le manque à gagner que représenterait la suppression de ce dispositif. C’est donc un enjeu tout à fait important.
Je me suis procuré le rapport Gorges dont il a tant été question au cours de nos débats ; chacun y a puisé les arguments qui lui convenaient. Toutefois, un fait reste certain : concernant la défiscalisation des heures supplémentaires, ce rapport évoque bel et bien 9 millions de bénéficiaires, un gain annuel moyen de 500 euros et un gain médian de 350 euros. C’est donc un avantage dont bénéficient les salariés, qu’ils appartiennent au secteur privé ou au secteur public.
Comme il est à craindre au cours des années à venir que les créations d’emplois ne proliféreront pas, tant dans le public que dans le privé, et que les salaires ne connaîtront pas d’augmentation, la suppression de ce dispositif constituera un manque à gagner pour l’ensemble des salariés.
C’est la raison pour laquelle nous sommes défavorables à l’article 2.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Au vu des critiques dont fait l’objet le dispositif TEPA, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
Je renvoie tous ceux que les nombreuses interventions de cet après-midi n’auraient pas encore suffisamment instruits au rapport de la commission, qui consacre un long développement à cette question.
Je résumerai simplement quelques constats.
De nombreuses études ont été réalisées, qui ont contribué à forger la conviction de la commission des finances concernant la défiscalisation des heures supplémentaires. Ces travaux ont relevé les effets contre-productifs et anti-redistributifs du dispositif TEPA. Je citerai tout particulièrement quatre éléments majeurs.
Tout d’abord, ce dispositif exerce un effet ambigu sur l’emploi, comme le souligne le Conseil des prélèvements obligatoires.
Par ailleurs, les entreprises bénéficient dans ce cadre d’un fort effet d’aubaine : c’est le Conseil des prélèvements obligatoires et le comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale qui l’affirment.
Ensuite, comme le rapport Guillaume l’a souligné, cette mesure présente un effet anti-redistributif tout à fait évident : compte tenu de l’augmentation du taux marginal d’imposition en fonction du niveau de revenus, les ménages les plus riches bénéficient d’un avantage fiscal nettement plus important que la moyenne des foyers, pour un même montant de rémunération d’heures supplémentaires.
Enfin, on sait que le gain en PIB est inférieur au coût de la mesure, le Conseil des prélèvements obligatoires l’a clairement indiqué.
Donc, l’ensemble de ces études – rapport officiel, rapport parlementaire, rapport d’experts – établissent clairement l’évidence des effets contre-productifs et anti-redistributifs de cette mesure.
Je n’ignore pas les quelques arguments à caractère sentimental qui ont pu être évoqués ici et là (Exclamations sur les travées de l'UMP.), mais nous devons être rationnels et reconnaître, compte tenu de ces éléments objectifs, que le dispositif des heures supplémentaires de la loi TEPA n’est pas satisfaisant, loin s’en faut.
C’est la raison pour laquelle il convient de rejeter ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Les raisons pour lesquelles il ne faut pas adopter ces amendements ont été évoquées et débattues dans la discussion générale. J’en rappellerai néanmoins quelques-unes.
Tout d’abord, est-il légitime que la puissance publique contribue, via la fiscalité, à la constitution du revenu primaire ?
J’ai eu tout à l’heure cette discussion avec M. Cambon, dont l’intervention m’avait beaucoup intéressé.
Une économie administrée, ne serait-ce qu’en partie, fût-ce en s’inspirant de la meilleure source, ne créera jamais autant de richesses que des entreprises lors de la formation de leur chiffre d’affaires. Nous pourrions au moins nous mettre d’accord sur ce point.
Objectivement, la suppression des cotisations sociales et la défiscalisation des heures supplémentaires contribuent à confier à la puissance publique le soin de former le revenu primaire. Une telle politique n’est pas satisfaisante dans son principe. Je connais, moi aussi, des cas particuliers qui perdront à la disposition que nous proposons, mais il s’agit de mettre en œuvre une autre politique économique, fiscale et sociale.
Cette autre politique pourra être jugée dès la fin de cette session parlementaire et juste après l’examen du projet de loi. J’espère, néanmoins, qu’une majorité de nos concitoyens attendront quelque temps avant de se prononcer.
Une politique publique se juge aux résultats qu’elle était censée atteindre.
Il fallait travailler davantage : il n’y a pas eu plus d’heures supplémentaires.
Il fallait que davantage de nos concitoyens trouvent du travail : notre pays compte 1 million de chômeurs de plus.
Il fallait que le pouvoir d’achat progresse : il a diminué. J’ai cru comprendre que le critère du pouvoir d’achat par unité de consommation faisait sourire. Je le regrette, car c’est un bon critère, meilleur en tout cas que le pouvoir d’achat brut. N’était-ce pas, d’ailleurs, le critère qu’un ministre de l’économie et des finances appelé Nicolas Sarkozy avait souhaité établir, tant il est vrai que juger la croissance du gâteau sans se préoccuper de savoir à qui il bénéficiera et comment il sera partagé est une manière critiquable d’apprécier l’augmentation du pouvoir d’achat ?
Oui, l’augmentation du pouvoir d’achat par unité de consommation est, à mes yeux, le meilleur des critères.
Vous avez donc enregistré trois échecs, qui s’accompagnent, de surcroît, d’un endettement de 4,5 à 5 milliards d’euros par an. N’oublions pas que la défiscalisation des heures supplémentaires fut toujours financée par l’emprunt, du premier au dernier euro.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande au Sénat de rejeter ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.
M. Alain Néri. Nos discussions de cet après-midi sur l’article 2 m’ont profondément attristé.
Nous constatons tous que les personnes les plus modestes de notre pays connaissent souffrance et détresse, en raison d’une situation économique et sociale des plus difficiles.
Dans les périodes délicates, il convient de faire preuve de solidarité, voire de fraternité comme nous y invite la devise républicaine. Plutôt que d’opposer les Français les uns aux autres, il serait préférable de chercher à les amener à se rassembler pour participer à l’effort commun. Pour ce faire, il importe que l’effort soit équitablement réparti en fonction des capacités de chacun.
Or certains – leurs paroles ont peut-être dépassé leurs pensées – se sont plutôt acharnés à dresser les Français les uns contre les autres : ceux qui avaient du travail et ceux qui n’en avaient pas, ces derniers étant désignés comme des « assistés » ; ceux qui font des heures supplémentaires et les autres.
Je rappelle qu’il s’agit uniquement de supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires, pas les heures supplémentaires elles-mêmes. Certains affirment qu’en supprimant cette défiscalisation, on empêchera 9 millions de salariés de gagner 450 euros de plus par an (Mme Catherine Procaccia s’exclame.), c’est-à-dire à peu près 40 euros par mois. Si vous aviez donné régulièrement un petit coup de pouce au SMIC – ce que vous avez oublié de faire, contrairement à nous qui l’avons immédiatement augmenté de 20 euros par mois – la hausse sur cinq ans aurait été de 100 euros, dépassant largement ce que les Français auraient pu gagner à travers la défiscalisation des heures supplémentaires !
M. Jean-Jacques Hyest. Non !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le smicard n’est pas fiscalisé !
M. Alain Néri. La stigmatisation à laquelle nous assistons est inacceptable ; elle n’amènera pas les Français à faire preuve de plus de cohésion pour contribuer à l’effort commun.
Vous avez dénoncé ceux qui ne participaient pas à leur propre protection sociale puisqu’ils ne gagnaient pas assez. Vous montrez maintenant du doigt ceux qui n’ont pas d’emploi. Pourtant la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires pourrait créer quelques emplois.
Mme Catherine Procaccia. Non !
M. Alain Néri. Vous avez réussi à faire en sorte, c’est extraordinaire, que des heures supplémentaires coûtent moins cher à l’employeur que des heures « normales ». Votre politique n’incitait pas les entreprises à embaucher.
Dans une période où chacun pense qu’il faut créer de l’emploi, on devrait plutôt se demander comment y parvenir. Il est vrai que vous étiez les champions du monde pour créer des emplois dans la fonction publique, puisque avec la révision générale des politiques publiques, la RGPP, vous avez supprimé la moitié des fonctionnaires dans certains secteurs…
M. Christian Cambon. Vous allez les remettre en place !
M. Alain Néri. Je comprends que cela vous gêne, mais je vais tout de même continuer !
Si la défiscalisation des heures supplémentaires avait été une telle réussite, vous n’auriez pas été les champions du monde de l’augmentation du chômage avec 30 000 chômeurs de plus par mois ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Un sénateur de l’UMP. Et l’Allemagne, l’Italie, la Grande-Bretagne !
M. Alain Néri. Vous êtes formidables : vous auriez eu votre place au concours Lépine pour toutes vos inventions !
Avec l’augmentation de la TVA, qui s’applique même aux plus modestes, vous avez inventé la machine à tondre les œufs. Avec la défiscalisation des heures supplémentaires, vous avez inventé la machine à détruire les emplois puisqu’il n’y a jamais eu autant d’emplois détruits dans notre pays que sous ce régime.
M. Christophe Béchu. Et vous avec les 35 heures ?
M. Alain Néri. Une telle réussite, mesdames, messieurs de l’opposition, doit amener à un peu plus de modération et de modestie.
Aujourd’hui, nous vous demandons de participer à la mise en place d’un effort commun, équitablement réparti entre tous les Français en fonction de leurs capacités. (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.)
Un sénateur de l’UMP. Pour la classe moyenne, oui !
M. Alain Néri. Nos concitoyens doivent retrouver les moyens de vivre de leur travail dans la dignité, car, aujourd’hui, contrairement à ce que vous affirmez, beaucoup de Français attendent d’avoir un emploi.
Monsieur le ministre, l’action prioritaire du Gouvernement doit être la création d’emplois, source première de l’amélioration du pouvoir d’achat.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je n’utiliserai que la moitié de mon temps de parole.
Vous nous avez expliqué tout à l’heure que la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires et de la TVA sociale figurait dans le programme de François Hollande. Circulez, il n’y a rien à voir, les Français ont voté en toute connaissance de cause !
Vous vous trompez ! Je suis à la tête d’une collectivité locale, comme beaucoup ici. Un certain nombre d’agents de ma commune – j’ai posé la question, notamment à ceux qui ont des heures supplémentaires forfaitaires ou qui en font régulièrement – n’ont pas compris qu’ils étaient concernés par votre mesure.
Vous savez ce que le dispositif va rapporter au budget ; c’est un choix politique, il est respectable. Mais vous ne connaîtrez le coût politique de cette mesure que fin septembre, lorsque ces agents recevront la première feuille de paie qui notifiera une diminution de leur salaire net.
M. Claude Domeizel. C’est faux ! Vous racontez n’importe quoi !
M. Philippe Dallier. Monsieur Domeizel, vous verrez fin septembre ce que ces 9 millions de Français, qui sont des gens modestes, en diront, car avec un salaire moyen de 1 500 euros par mois, ce ne sont pas les riches que vous avez pointés du doigt pendant toute la campagne électorale qui seront concernés !
Ils tomberont de haut, car pour eux cette mesure est devenue un acquis social. (M. Alain Néri s’exclame.)
Tout à fait, messieurs, vous êtes en train de revenir sur un acquis social, alors que la gauche nous a rebattu les oreilles durant toute la campagne avec les mesures que nous avions prises dans le passé.
Un sénateur de l’UMP. Oui !
M. Philippe Dallier. Ces quelques milliards d’euros vous coûteront très cher politiquement !
Enfin, on a aussi beaucoup discuté du slogan « travailler plus pour gagner plus ». Il y a deux manières de le comprendre.
Premièrement, effectivement, le gouvernement Fillon a souhaité récompenser ceux qui font l’effort d’accepter les heures supplémentaires, ou qui ont la chance de pouvoir en faire, en leur donnant un coup de pouce. Cela a fonctionné.
Deuxièmement, le travail générant le travail, nous pouvions espérer qu’une dynamique se créerait. Cela a peut-être fonctionné au début, en 2007 et en 2008, mais avec la crise ça n’a plus été le cas. De là à dire que cette initiative a abouti à la suppression de 100 000 emplois, il y a tout de même un pas !
D’après M. le rapporteur général, ce chiffre serait controversé par un rapport. En vérité, personne ne sait combien d’emplois sont concernés.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Exactement !
M. Philippe Dallier. L’avantage majeur de cette mesure est qu’elle permettait d’apporter de la flexibilité et de la souplesse aux entreprises françaises, notamment aux plus petites d’entre elles. Ce n’est pas le moment de le remettre en cause.
Pour toutes ces raisons, je voterai la suppression de l’article 2. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote.
M. Rémy Pointereau. Si l’on en croit nos débats, le métier de spécialiste du détricotage a de beaux jours devant lui…
Il est vrai que pour financer les promesses du candidat devenu président, la gauche a décidé de « faire les poches » de tous les Français, quels que soient leurs revenus. « Les impôts, c’est maintenant » : tel pourrait être votre nouveau slogan !
Vous annoncez la fin du dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires et la diminution de l’abattement de l’exonération des droits de succession, comme si le fait pour un salarié de posséder une maison de 200 000 euros après avoir travaillé toute sa vie faisait de lui un homme riche.
Avec la mesure sur les heures supplémentaires, vous vous attaquez aux 9 millions de personnes qui ont fait le choix de travailler dur pour gagner, en moyenne, 450 euros de plus par an.
Tout à l’heure, M. le président de la commission des finances a évoqué le problème des transporteurs : compte tenu du volume d’heures supplémentaires effectuées dans leurs entreprises, ce détricotage sera pour eux une véritable catastrophe, d’autant qu’ils doivent préserver leur compétitivité face à leurs collègues des autres pays de l’Union européenne où le coût horaire d’un chauffeur est beaucoup plus faible.
Je citerai également le secteur agricole, où de nombreux employés, notamment saisonniers, accomplissent beaucoup d’heures supplémentaires. Pour certains d’entre eux, les heures supplémentaires représentent non pas 450 euros, mais près de 2 000 euros de pouvoir d’achat supplémentaire chaque année. La fiscalisation sera donc un vrai coup dur pour les salariés agricoles.
Ces heures supplémentaires permettent, également, de créer des richesses. Or chacun sait que, avant de dépenser, il faut créer de la richesse.
Les heures supplémentaires sont aussi importantes pour le commerce local, notamment en milieu rural. On n’a absolument pas tenu compte de cet enjeu, me semble-t-il.
Pour les PME exposées à la concurrence internationale, la suppression de ce dispositif aura tout simplement pour effet d’augmenter le coût du travail, les heures supplémentaires étant désormais « chargées » socialement. Comme d’aucuns l’ont souligné, cette mesure porte atteinte à la compétitivité de l’entreprise et à sa capacité de réagir au marché. Le recours aux heures supplémentaires constitue, en effet, cela a été souligné à de nombreuses reprises, un outil de flexibilité du travail permettant d’honorer des commandes supplémentaires.
En outre, cette suppression est un très mauvais signal adressé aux classes moyennes, qui savent que pour réussir il faut travailler plus. Si le partage du travail avait été un succès, nous le saurions !
M. Dominique de Legge. Très bien !
M. Rémy Pointereau. Aujourd’hui, vous renouvelez l’erreur des 35 heures, comme si vous n’aviez pas tiré les leçons de cette méprise monumentale qui coûte très cher à notre pays depuis dix ans. Vous prenez la lourde responsabilité de vous attaquer au pouvoir d’achat, qui induit de la consommation, mais aussi de la croissance.
Pour toutes ces raisons, j’ose dire que cette suppression n’est pas seulement une erreur. C’est une faute politique, une attaque en règle contre les classes moyennes dont vous allez longtemps porter le fardeau durant ce quinquennat ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, tout à l’heure, vous avez parlé de gâteau. Mais le travail n’est pas un gâteau qui se partage !
Vous croyez qu’en freinant le recours aux heures supplémentaires vous allez créer de nouveaux emplois.
Il semble que vous ne connaissiez pas bien le fonctionnement des entreprises… (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Les deux ou trois heures supplémentaires effectuées dans le mois par certains salariés ne pourront pas être remplacées par une création d’emploi, d’autant qu’il faut aussi former les nouveaux personnels.
Si je vous suis bien, vous semblez croire que la suppression de la fiscalité avantageuse sur les heures supplémentaires va permettre de développer l’emploi. Selon moi, cette mesure ne peut que développer l’emploi intérimaire, c’est-à-dire l’emploi le plus précaire. Je n’avais pas compris que tel était l’objectif des socialistes et du président Hollande.
De surcroît, vous donnez à penser, les uns et les autres, que les employés qui font des heures supplémentaires prennent l’emploi des chômeurs. Vous tentez de culpabiliser les personnes qui effectuent des heures supplémentaires, ce qui est inacceptable.
Votre projet vise à développer la précarité professionnelle et financière des plus modestes.
Vous voulez faire croire qu’il s’agit d’une mesure de justice fiscale. Pourtant, comme mes collègues l’ont souligné, ce ne sont pas les plus aisés qui profitent de cette exonération. Ceux qui ont travaillé dans une entreprise au cours des douze dernières années – ils ne doivent pas être nombreux sur ces travées – savent que les cadres moyens et supérieurs sont au forfait-jour et ne bénéficient absolument pas des heures supplémentaires.
Quant aux fonctionnaires et aux enseignants qui siègent en nombre sur ces travées, je m’amuse de la tête qu’ils feront lorsque, en septembre, ils entendront leurs anciens collègues leur dire que, jusqu’à présent, ils ne se considéraient pas comme des privilégiés. Ils ne riront plus du tout !
Quand j’entends, lors d’une réunion de la commission des affaires sociales, l’un de nos collègues de la majorité affirmer que, lorsque deux enseignants mariés font des heures supplémentaires, ils volent quasiment un emploi, je me dis que certains membres de la majorité ont vraiment une imagination débordante !
Comment allez-vous éponger la dette du personnel soignant ? Vous savez bien que, depuis l’application des 35 heures, les hôpitaux ne fonctionnent qu’avec les heures supplémentaires.
Certes, la suppression de l’exonération n’est pas une surprise puisqu’elle avait été annoncée. Mais, comme le disait Philippe Dallier, pour vous, cette suppression est en train de devenir une mauvaise surprise.
Enfin, depuis quelques semaines, vous ne nous parlez que de concertation et de dialogue social. Il est toutefois surprenant qu’un Gouvernement qui prétend vouloir aller plus loin que la loi Larcher sur la concertation et le dialogue social impose dans une loi de telles dispositions, qui remettent en cause un certain nombre d’acquis sociaux, comme l’a souligné Philippe Dallier.
La concertation sociale me semble mal partie ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Je m’en excuse par avance auprès du rapporteur général de la commission des finances, mes arguments auront avant tout un caractère sentimental. (Sourires.)
Vous le savez comme moi, la situation des hôpitaux français est particulièrement grave pour ce qui est de l’accès aux liquidités financières.
Concernant l’investissement, certains établissements ne peuvent plus payer des travaux engagés. Il est urgent qu’ils puissent avoir accès à la dernière enveloppe de 3 milliards d’euros débloquée par la Caisse des dépôts et consignations pour les collectivités territoriales.
S’agissant des difficultés de trésorerie, une action à court terme est annoncée. Les établissements pourraient être autorisés à diversifier leurs sources de financement en émettant des billets de trésorerie.
Malgré la situation critique des hôpitaux dans notre pays, vous ne semblez pas mesurer les conséquences de la fin des exonérations fiscales et sociales des heures supplémentaires pour le secteur hospitalier.
Ce surcoût pour les hôpitaux n’est pas le bienvenu. La diminution des heures supplémentaires, qui pourrait en résulter, va être problématique, de nouvelles embauches étant évidemment impossibles.
De plus, les médecins et les infirmières, grands consommateurs d’heures supplémentaires, rencontreront également des difficultés énormes.
Le corps médical et paramédical des hôpitaux est plutôt mal payé, on le sait bien, et il y a peu de chances que leur revenu soit prochainement revalorisé.
Les infirmières, pour un salaire annuel de 20 000 euros, effectuent, en moyenne, 600 heures supplémentaires par an. Autant dire que la fiscalisation et le chargement social des heures supplémentaires vont très fortement amputer leur pouvoir d’achat. Difficile, dans ces conditions, d’intéresser médecins, infirmières et personnels paramédicaux à l’hôpital !
Pour ces raisons et celles évoquées par mes collègues, je voterai la suppression de l’article 2, demandée par mon groupe. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.
M. Christophe-André Frassa. Les exonérations fiscale et sociale des heures supplémentaires et complémentaires permettent au chef d’entreprise d’adapter le nombre d’heures supplémentaires travaillées à son carnet de commande.
C’est absolument primordial dans cette période difficile où la contraction du crédit et la diminution des commandes due à la crise pèsent lourdement sur la santé de nos entreprises, qui demeurent le moteur essentiel de la croissance économique.
La gauche dit être favorable à la compétitivité et se veut le chantre de la croissance.
En ce cas, pourquoi, après avoir tué les entreprises avec les 35 heures, au grand bonheur des entreprises allemandes, après avoir poussé les chefs d’entreprise, les sièges sociaux et les cadres dirigeants des grands groupes hors de France, en mettant en place une fiscalité confiscatoire et non plafonnée sur la fortune, à la grande satisfaction de David Cameron, porte-t-elle un nouveau coup à la compétitivité ?
Épargner les TPE, c’est très bien, mais quid des PME, dont les charges sociales pesant sur les heures supplémentaires vont être alourdies ?
Je rappelle que l’engagement n° 2 du candidat François Hollande faisait des PME une priorité.
Quid, également, des mesures en faveur des entreprises de taille intermédiaire, les ETI, dont nous manquons déjà cruellement par rapport à l’Allemagne ?
Le programme de François Hollande prévoit une taxation supplémentaire des entreprises de plus de 18 milliards d’euros, d’après l’estimation publiée la semaine dernière par l’institut Rexecode.
En réalité, 3 milliards d’euros sont déjà prévus dans le présent collectif, et ce sera sans doute 30 milliards d’euros de taxation supplémentaire cumulée à la fin de l’année 2013.
C’est la raison pour laquelle je voterai l’amendement de mon groupe visant à supprimer la fin de l’exonération des heures supplémentaires. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Depuis quarante-huit heures, j’ai entendu les ministres successifs et le rapporteur général de la commission des finances parler de redressement dans la « justice », de partage dans la « justice », de croissance dans la « justice » et de fiscalité dans la « justice ».
Je me suis donc demandé si la mesure que vous proposiez était vraiment « juste ».
Comme d’aucuns l’ont souligné, elle concernera 9 millions de personnes, qui, à mon sens, ne font pas partie des plus riches.
J’ai bien entendu l’argument selon lequel vous ne touchez pas aux heures supplémentaires. Certes, elles pourront toujours être faites, mais elles seront fiscalisées. Pour ces familles modestes ou appartenant aux classes moyennes, la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires s’accompagnera d’une augmentation des prélèvements et donc d’une diminution de leur pouvoir d’achat.
Une entreprise de transport est installée sur ma commune. La semaine dernière, quelques salariés de cette entreprise sont venus me voir en me disant qu’ils n’avaient pas très bien compris la mesure. Je me suis donc livré à un petit calcul.
Pour l’un de ces salariés, qui gagnait très exactement 1 900 euros par mois, cette mesure amputera son pouvoir d’achat de 1 000 euros à la fin de l’année.
Avez-vous vraiment le sentiment que prélever 1 000 euros de plus par an à quelqu’un qui gagne 1 900 euros par mois est une mesure de justice ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Dans ce cas, supprimons les impôts !
M. Dominique de Legge. Par ailleurs, cette mesure représente environ la moitié des recettes supplémentaires que vous escomptez avec ce projet de loi de finances rectificative. Vous cherchez 7,2 milliards d’euros supplémentaires : la suppression de ces exonérations fiscales rapportera, à elle seule, 3,6 milliards d’euros.
J’entends bien que cette somme ne comprend pas seulement la fiscalisation. Néanmoins, vous conviendrez que cette mesure est emblématique en ce qu’elle frappera d’abord les classes moyennes et les familles les moins favorisées.
Avant même que l’Assemblée nationale ne soit renouvelée, vous avez pris la décision de revenir partiellement sur la retraite à 60 ans et vous avez annoncé la mesure qui est soumise ce soir à notre vote.
Mes chers collègues, j’ai vraiment l’impression que c’est non pas le changement, mais un véritable retour aux vieilles lunes de 1981, à l’idée que l’on peut partager le travail, la pénurie en l’occurrence ! On a vu ce qu’il est advenu dix-huit mois après !
Enfin, MM. Yung et Daudigny nous ont expliqué que l’article 2 du projet de loi vient en discussion après l’article 1er. Voilà qui est tout à fait intéressant ! Je les remercie de nous avoir apporté cette précision ; jusque-là, j’arrive à les suivre.
En revanche, j’éprouve quelques difficultés à comprendre comment ils peuvent affirmer que la disposition prévue à l’article 2, consistant à prélever l’argent des contribuables, c'est-à-dire à limiter leur pouvoir d’achat, est une bonne mesure alors qu’ils nous ont très longuement expliqué à l’article 1er relatif au financement de la protection sociale qu’il fallait revenir sur l’augmentation de la TVA, au motif que cette mauvaise mesure aurait pour conséquence de limiter le pouvoir d’achat de l’ensemble des Français. Décidément, il n’y a aucune cohérence entre ces deux articles !
C'est la raison pour laquelle nous réservons à cet article le même sort que celui que nous avons accordé à l’article 1er. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. L’un de nos collègues a parlé tout à l'heure de « détricotage ». Mais lorsque vous êtes arrivés au gouvernement, vous aviez décidé, avec l’accord du MEDEF, de déconstruire les acquis de la Libération (Exclamations sur les travées de l'UMP.), issus, je vous le rappelle, d’une politique empreinte de la volonté de créer de véritables solidarités.
Il s’agit d’un point important, car l’une des questions posées par l’exonération de charges salariales et l’exonération fiscale des heures supplémentaires a bel et bien trait à la solidarité.
Les déclarations que j’ai entendues depuis cet après-midi font état d’un même constat : tout le monde reconnaît que les niveaux salariaux sont beaucoup trop faibles dans notre pays. Il n’est donc pas logique de vouloir augmenter le nombre d’heures travaillées de ceux qui ont déjà un emploi. Au contraire, il faudrait améliorer la rémunération des salariés. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Cambon. C’est le Gosplan !
Mme Marie-France Beaufils. C’est un élément important à verser au débat.
Par ailleurs, un de nos collègues a indiqué que les enseignants avaient absolument besoin de faire des heures supplémentaires.
Si les heures supplémentaires ont été mises en place dans l’éducation nationale, c’est tout simplement parce qu’il n’y avait pas assez d’enseignants dans certains secteurs pour faire face aux besoins, notamment du fait de la RGPP.
M. Christian Cambon. C’est faux !
Mme Marie-France Beaufils. Voilà pourquoi les enseignants ont été amenés à faire des heures supplémentaires.
M. Claude Bérit-Débat. C’est la vérité !
Mme Marie-France Beaufils. Ce n’était pas un choix de leur part, ça leur a été imposé !
Mme Catherine Morin-Desailly. Pas du tout !
M. Christian Cambon. Demandez aux enseignants !
Mme Marie-France Beaufils. Remettons donc les choses dans le bon sens.
Vous avez aussi évoqué les élus locaux. Je parle en connaissance de cause, je suis maire depuis 1983. Dans ma commune, je n’ai pas mis en place les heures supplémentaires.
M. Christian Cambon. Allez l’expliquer à vos agents !
MM. Jean-Claude Gaudin et Jean-Pierre Raffarin. Bravo !
Mme Marie-France Beaufils. J’ai préféré embaucher des personnels supplémentaires lorsque c’était nécessaire.
M. Jean-Pierre Raffarin. Vous faites payer les contribuables !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. À chacun sa gestion !
Mme Marie-France Beaufils. Aujourd'hui, vous êtes en difficulté avec vos personnels parce que vous avez choisi l’option politique de les faire travailler plus en touchant, sous forme de défiscalisation, des aides de l’État. Nous, ce n’est pas le choix que nous avons fait ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Fait-on travailler le personnel le samedi, le dimanche, la nuit, les jours de fête ?
Mme Marie-France Beaufils. Enfin, j’évoquerai les transports.
Il est inouï que l’on vienne nous parler aujourd'hui des difficultés que rencontrent les entreprises de transport, alors que c’est la politique que vous avez menée en France et à l’échelle européenne qui les a engendrées. Vous avez parlé du cabotage. Nous nous sommes battus contre la mise en place du cabotage, car c’est une forme de concurrence déloyale à l’égard de nos transporteurs.
Vous affirmez que les entreprises de transport routier ont besoin de recourir aux heures supplémentaires pour rester compétitives. Quid de la sécurité, qui est loin d’être assurée ?
Par ailleurs, en raison de la concurrence entre le transport routier et le transport ferroviaire, ce dernier est aujourd'hui en train de péricliter. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Vos arguments présentent peut-être leur intérêt. Néanmoins, je n’adhère pas plus que les électeurs à la manière dont vous avez construit l’avenir économique de notre pays !
C’est pourquoi je voterai contre ces deux amendements de suppression de l’article 2. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Visiblement, nous ne portons pas le même regard sur la situation.
Au nom de la biodiversité de la Haute Assemblée, je rappellerai trois points.
Premièrement, cela a été dit, la défiscalisation des heures supplémentaires coûte très cher : environ 5 milliards d’euros.
Deuxièmement, le Conseil des prélèvements obligatoires, dont les membres ne peuvent être qualifiés de dangereux gauchistes, a lui-même concédé le peu d’efficience de cette mesure. Nous en prenons acte.
Troisièmement, le Conseil des prélèvements obligatoires l’a aussi laissé entendre, la défiscalisation des heures supplémentaires a surtout conduit à déclarer plus systématiquement les heures supplémentaires travaillées.
On nous avait promis, en instaurant cette mesure il y a quelques années, une baisse du chômage et une hausse du pouvoir d’achat.
Il s’agit d’une vision ultra-productiviste, qui vise à l’ultra-consumérisme. En réalité, il faut poser autrement la question du travail et de la défiscalisation des heures supplémentaires, qui a conduit à une impasse.
Je veux rappeler à nos collègues qui ont cité l’Allemagne – c’est l’ancienne économiste qui parle – que le temps de travail dans les entreprises allemandes fait l’objet de beaucoup de préjugés. Je vous invite, mes chers collègues, à observer ce qui s’y est passé au cours des cinq dernières années. La situation n’est pas celle qui a été décrite par nos collègues à droite de l’hémicycle. Ils ont dit une contrevérité.
Regardez ce que les entreprises allemandes ont fait en matière de formation. Mes collègues s’appuient sur un faux exemple. Cessons de prendre l’Allemagne comme modèle en assénant des bêtises et des contrevérités. Le temps de travail n’est pas celui qui a été décrit tout à l'heure : toutes les études économiques le montrent.
Enfin, j’aimerais que ce débat soit plus courtois, ce qui correspondrait mieux à l’image du Sénat, toujours présenté comme un lieu de sagesse où se déroulent des échanges posés.
Notre débat sur la défiscalisation des heures supplémentaires est surréaliste pour les millions de Français qui sont sans emploi.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas surréaliste ! Ce sont de véritables questions !
Mme Corinne Bouchoux. Cette mesure n’a profité qu’à ceux qui ont déjà un emploi. Je vous demande, mes chers collègues, d’avoir une pensée pour ceux qui ne travaillent pas…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Dans une République normale, on n’oppose pas les personnes les unes aux autres !
Mme Corinne Bouchoux. … et pour qui ce débat est complètement ésotérique.
Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste votera contre les amendements de suppression et soutiendra la position du Gouvernement, même si nos arguments sont parfois quelque peu différents. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.
M. Christophe Béchu. Je n’avais pas prévu d’intervenir dans le débat, mais les propos de notre collègue Alain Néri m’ont donné envie de joindre ma voix au concert des déclarations.
J’ai apprécié l’intervention de notre collègue Corinne Bouchoux, qui a le mérite de la sincérité, et je ne le dis pas parce qu’elle est élue d’un territoire qui gagne à être connu, le Maine-et-Loire. Au moins, elle assume un positionnement idéologique et ne se réfugie pas derrière des arguments économiques ou de justice. Elle argue du fait qu’il faut sortir de la logique ultra-productiviste et ultra-consumériste, qui conduit à la décroissance, y compris dans le domaine des heures travaillées. Même si l’on n’est pas d’accord avec elle, il y a là une forme de cohérence.
Malgré tout, je lui adresserai un reproche, car qui aime bien châtie bien ! (Sourires.)
Chacun cite l’Allemagne quand cela l’arrange. Il aurait été intéressant, à l’article 1er, de se pencher sur la TVA anti-délocalisation mise en place en Allemagne, car elle peut aussi expliquer en partie les succès que connaît ce pays. Mais je m’aperçois qu’on utilise cet argument pour défendre une éventuelle future diminution du temps de travail.
M. Jean-Pierre Raffarin. Très bien !
M. Christophe Béchu. Certes, ce n’est pas le sujet qui nous occupe ce soir, mais je profite de l’occasion qui m’est donnée pour l’évoquer dans la mesure où certains de nos collègues ont fait cette incursion.
J’aimerais comprendre une chose. Il y a quelques semaines, vous avez augmenté de 20 euros le pouvoir d’achat des Français en donnant un coup de pouce au SMIC, une mesure qui a été rappelée tout à l'heure par un sénateur socialiste. Vingt euros, ce n’est pas grand-chose, disiez-vous, mais c’est déjà significatif pour ceux qui vont les toucher.
Or, ce soir, vous proposez de supprimer 40 euros mensuels de pouvoir d’achat à un tiers des salariés de ce pays, en soulignant, en substance, que cela ne représente rien et que la perte n’aura pas d’impact.
Un sénateur de l’UMP. Très bien !
M. Christophe Béchu. Je vous demande de faire preuve de cohérence et de courage politique.
Vous avez le droit de défendre cette mesure, qui pénalisera 9 millions de nos concitoyens, en assumant le fait que vous le faites pour des raisons politiques.
Vous avez le droit de nous dire qu’il s’agit d’un engagement du Président de la République et que les promesses électorales sont faites pour être tenues.
Vous avez le droit de nous expliquer que vous n’aimez pas le travail et qu’il n’est pas illogique, dès lors, de faire en sorte que les gens travaillent moins.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Mais non !
M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis. Caricature !
M. Christophe Béchu. Vous avez même le droit de nous dire que vous êtes, pour des raisons idéologiques, profondément malthusiens au sens économique du terme.
Mais vous n’avez pas le droit de nous faire le coup de la justice ou du redressement économique qui serait rendu possible par ces mesures.
Mme Annie David. Un travail pour tous !
M. Christophe Béchu. De qui parlons-nous ? Quel est le bénéficiaire moyen de ces mesures dans la fonction publique ? Les agents de catégorie B et C, les infirmières, les sages-femmes, les secrétaires médicales dans la fonction publique hospitalière.
M. Christian Cambon. Bravo !
M. Christophe Béchu. Dans le secteur privé, il s’agit d’un salarié qui gagne en moyenne 1 600 euros mensuels.
M. David Assouline. Vous vous répétez !
M. Christophe Béchu. Telle est la réalité ! Assumez-la ! Vous prenez cette mesure pour des raisons politiques et idéologiques, mais certainement pas au nom de la justice ou de l’économie ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. –M. Aymeri de Montesquiou applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Ce débat est intéressant. Il y a toujours eu des heures supplémentaires et il y en aura encore, ce qui est parfaitement normal.
Le problème est qu’elles soient défiscalisées dans une période de décroissance, alors que notre pays compte 5 millions de demandeurs d’emploi.
Dans certaines entreprises, des intérimaires, qui espéraient être embauchés, sont parfois congédiés, tandis que des salariés font, dans le même temps, plus d’heures supplémentaires. Il faut penser à l’ensemble de nos concitoyens, à l’intérêt général.
D’ailleurs, si la politique de défiscalisation des heures supplémentaires avait fonctionné, on aurait enregistré une reprise de la consommation et de l’activité. Or elle a produit 450 000 demandeurs d’emplois de plus !
M. Jean-Pierre Raffarin. Mais non ! Regardez les autres pays !
M. Martial Bourquin. Mais si !
En cas de surchauffe, il faut pouvoir effectuer des heures supplémentaires et prévoir, éventuellement, pourquoi pas, une défiscalisation. De même en situation de plein emploi ou en cas de difficulté à honorer les commandes. Mais cela n’est pas possible dans un pays où des dizaines de milliers d’emplois ont été supprimés pendant plusieurs années.
Tout à l'heure, vous avez dit que nous ne connaissons pas le monde de l’entreprise. Au contraire, je le connais personnellement !
Dans une entreprise, les personnes travaillent les unes à côté des autres. Ne croyez-vous pas qu’une personne qui fait des heures supplémentaires ne pense pas à celle qui termine sa mission d’intérim ou qui est licenciée pour motif économique ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)
Mme Catherine Procaccia. Culpabilisation !
M. Martial Bourquin. Il faut de l’efficacité économique. Or cela passe par une guerre sans merci contre le chômage.
Il n’est tout simplement pas possible qu’un pays comme le nôtre totalise 5 millions de demandeurs d’emploi ! Vous vous êtes habitués à cette situation, mais le Gouvernement et la majorité ont décidé de tout faire pour diminuer le chômage.
M. Jean-Claude Gaudin. On verra !
M. Martial Bourquin. Par ailleurs, il n’y a aucune surprise. Avons-nous caché notre intention de prendre cette mesure ? Non, bien au contraire : le Président de la République avait prévenu lors de la campagne que, s’il était élu, il supprimerait la défiscalisation des heures supplémentaires ; de même, lors des élections législatives, l’ensemble des candidats de la majorité s’étaient prononcés en faveur de cette suppression. Il n’y a donc aucune surprise !
Je comprends que vous soyez attachés à ce qui est l’un des symboles du sarkozysme.
M. Rémy Pointereau. Non, c’est un symbole pour le PS !
M. Martial Bourquin. C’est pour cela que vous vous accrochez autant ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Cette politique a été un échec du point de vue de la production. Le plan social de PSA a été détaillé aujourd'hui ; ne pensez-vous pas, chers collègues, que c’est vous qui avez créé ce genre de situation ? (Protestations sur les mêmes travées.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Elle est bien bonne !
M. Jean-Claude Gaudin. Vous ne pourrez pas le dire longtemps !
M. Martial Bourquin. N’êtes-vous pas conscients, chers collègues, que l’Allemagne s’en sort mieux que nous alors que son coût du travail dans le domaine manufacturier est 20 % à 30 % supérieur au nôtre ?
M. Jean-Claude Lenoir. L’Allemagne n’a pas les 35 heures !
Un sénateur de l’UMP. L’Allemagne a instauré la TVA sociale !
M. Martial Bourquin. La France n’a pas eu de politique industrielle ces cinq – et même ces dix – dernières années ! Le gouvernement actuel essaie d’en mettre une en place. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Gaudin. Mais oui… On va voir !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est le redressement contre-productif !
M. Martial Bourquin. Il lui faut des moyens, et la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires lui permettra de conduire des politiques qui doperont la production et la consommation non pas seulement pour quelques Français mais pour l’ensemble de la population. C’est une question d’éthique :…
Un sénateur de l’UMP. Oh !
M. Martial Bourquin. … on ne choisit pas une partie des Français contre les autres !
Il s'agit aussi d’efficacité économique. Les heures supplémentaires doivent servir à répondre à un excès de production et non à licencier, à supprimer des dizaines de milliers d’emplois. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Vous l’avez fait, mais nous ne le ferons pas ! Bien au contraire, nous allons combattre le chômage ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Rémy Pointereau. On verra !
M. Jean-Claude Lenoir. Soyez prudents !
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour explication de vote.
Mme Fabienne Keller. À mon tour, je vais essayer d’apporter quelques éléments factuels, en relevant, monsieur le ministre, une imprécision de raisonnement que vous répétez avec ténacité depuis le début de ce débat. Vous soutenez que l’exonération des charges sociales sur les heures supplémentaires ne sert à rien. La preuve, ajoutez-vous, c’est que le chômage a augmenté tandis que le nombre d’heures supplémentaires et le revenu par unité de consommation n’ont pas progressé.
C’est une erreur économique, monsieur le ministre. Ce que nous devons nous demander c’est si, durant le dernier quinquennat, le contexte économique a changé.
M. Jean-Pierre Caffet. Oui, et c’est une raison de plus pour supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires !
Mme Fabienne Keller. Nous devons nous demander quelle aurait été la situation en l’absence de dispositifs de soutien du pouvoir d'achat et de l’activité tels que l’exonération des charges sociales sur les heures supplémentaires.
Le chômage a augmenté, faites-vous remarquer. Mais c’est normal, puisque les économies française et, au-delà, européenne ont ralenti au cours des cinq dernières années, tandis que d’autres économies progressaient. À un rythme de 7 % à 9 % de croissance par an, le Brésil, la Chine et d’autres pays émergents ont enregistré cinquante points de croissance sur la période.
M. Alain Néri. Vous pouvez nous rappeler qui était au pouvoir à l’époque ?
Mme Fabienne Keller. Ce sont autant de possibilités d’exporter leurs produits et donc de mettre notre industrie en difficulté.
Le nombre d’heures supplémentaires n’a pas augmenté pendant le quinquennat, soulignez-vous également. Mais c’est plutôt bon signe, car cela prouve que les chefs d’entreprise n’exagèrent pas.
M. Alain Fauconnier. Ah !
Mme Fabienne Keller. Surtout, cela confirme – et ceux qui se sont intéressés à la situation concrète des entreprises l’avaient rapidement détecté – que les heures supplémentaires augmentent quand l’activité des entreprises augmente. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Eh oui, c’est comme ça,…
M. David Assouline. Comment faisaient-ils avant ? Vous avez inventé l’eau chaude !
Mme Fabienne Keller. … vous n’avez qu’à regarder les chiffres sur cinq ans ! J’ai personnellement examiné le cas de plusieurs dizaines d’entreprises, et j’ai constaté cette corrélation positive ; l’économiste nous le confirmera peut-être. Cela signifie que la stagnation du nombre d’heures supplémentaires en dépit de l’aide gouvernementale indique que les entreprises rencontrent davantage de difficultés.
J’ajoute, monsieur le ministre, que je pourrais opposer le même raisonnement à votre argument relatif au revenu par unité de consommation. La stagnation de ce revenu montre seulement que la situation moyenne des entreprises françaises s’est dégradée entre 2007 et 2012 : la crise est passée par là… Le monde a changé, et il continue de changer ; je vous invite à en prendre conscience, chers collègues ! (M. Michel Le Scouarnec s’exclame.)
Je souhaite également évoquer le secteur des transports, dont ont déjà parlé mes collègues Hervé Marseille et Rémy Pointereau. Les charges salariales représentent 40 % du coût du transport. J’habite à Strasbourg ; cette ville a la chance d’être directement exposée à la concurrence allemande, dont les coûts par trajet sont moins élevés, et de se trouver sur le trajet entre les ports hollandais et belges, d’une part, et la Suisse qui est le nord de l’Italie, d'autre part, elle bénéficie donc à plein régime de la concurrence du cabotage, chaque transporteur ayant le droit de faire trois transports de cabotage à l’intérieur du pays dans le cadre d’un transport international.
Un conducteur français parcourant de grandes distances est payé de 1 800 à 2 000 euros par mois, tandis que, pour la même prestation, un conducteur venant de Pologne ou d’un autre pays d’Europe centrale ou orientale n’est payé que 800 euros, soit moins de la moitié.
Mme Annie David. C’est cela que vous voulez pour notre pays ? Des salaires de 800 euros par mois ?
Mme Fabienne Keller. Par conséquent, l’augmentation de charges qui découlera de votre renoncement à l’exonération des heures supplémentaires mettra les salariés français en difficulté et leur fera perdre du pouvoir d'achat.
Que se passera-t-il à la fin de l’année ? Les entreprises concernées ont signé des accords conventionnels. De septembre à décembre, les salariés perdront du pouvoir d'achat. Ils réclameront donc l’ouverture de négociations salariales…
Mme Annie David. Oh là là !
Mme Fabienne Keller. … et les chefs d’entreprise, qui souhaitent évidemment conserver leurs bons conducteurs et leurs chefs d’équipe, devront céder. Mécaniquement, les entreprises perdront de nouveaux marchés, de sorte que les salariés feront encore moins d’heures…
M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !
Mme Fabienne Keller. Voilà la réalité du monde de l’entreprise, que j’ai exposée un peu longuement. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Nous sommes dans un monde ouvert, madame Beaufils. Même si vous souhaitez vivre dans une cocotte-minute isolée du reste du monde, ce n’est pas comme ça que ça marche ! Nous sommes dans un monde concurrentiel (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.), un monde dans lequel vous-même, en tant qu’élue locale, lancez régulièrement des appels à concurrence.
Je ne peux laisser dire que, du côté droit de l’hémicycle, nous ne faisons pas tout pour soutenir l’emploi.
M. Jean-Marc Todeschini. Votre temps de parole est écoulé !
Mme Fabienne Keller. Nous soutenons l’emploi en soutenant les chefs d’entreprise. Ni vous ni nous ne créons les emplois : ce sont les patrons qui les créent quand ils ont une visibilité suffisante sur les perspectives d’évolution du marché et de développement de leur activité.
La suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires va dans le même sens que la fiscalisation de l’intéressement et la suppression de la baisse des cotisations patronales familiales prévues à l’article 1er du présent projet de loi de finances rectificative. Toutes ces mesures mettent les entreprises en difficulté et menacent l’emploi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Quand j’examine cet article 2, je ne vois aucun objectif véritable d’assainissement de nos finances publiques. Il ne s’agit pas de consolidation budgétaire et, dans un contexte de croissance économique presque inexistante, alors que le plus difficile est devant nous, cela me paraît extrêmement grave.
La responsabilité totale de l’impact de ce collectif budgétaire sur notre situation économique vous incombe. Vos mesures auront des conséquences non pas seulement au niveau macroéconomique, mais également – cela a déjà été excellemment dit – pour les classes moyennes et les personnes les plus faibles. Il y aura des conséquences pour des gens comme vous et moi, et c’est très grave ! Nous avons une lourde responsabilité dans cet hémicycle.
Je constate d'ailleurs que les choses ne vont pas de soi dans vos propres rangs :…
M. Jean-Marc Pastor. Ah !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … j’ai l’impression que le doute s’est installé depuis cet après-midi. (Rires sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Mme Annie David. Dans vos rangs peut-être !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. J’en veux pour preuve l’absence de mobilisation de vos troupes, qui vous a contraint à demander un scrutin public il y a quelques instants pour faire adopter vos mesures. (Exclamations et marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Marc Todeschini. Rappelez-vous le nombre de scrutins publics que vous demandiez !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Le moins que l’on puisse dire, c’est que vous ne faites pas d’heures supplémentaires ! Vous ne croyez pas vous-mêmes à ce que vous proposez… Je pense que ceux d’entre vous qui sont absents ce soir ont compris que l’adoption de cet article 2 marquera de manière indélébile le bilan de M. Hollande et de votre majorité ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – MM. Jean-Marc Todeschini et Claude Bérit-Débat s’exclament.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Permettez-moi de revenir un instant sur les enjeux budgétaires, car – je le rappelle – nous examinons un projet de loi de finances rectificative.
Même si – vous le savez – je conteste la mesure prévue à l’article 2, je comprends néanmoins que le ministre du budget s’efforce de trouver quelques milliards d'euros… Quoique je ne sois pas nécessairement d'accord avec l’affectation qu’il envisage de leur donner, il me paraît utile de souligner que l’incidence de ladite mesure sera de 1 milliard d’euros en 2012, de 3,6 milliards d'euros en 2013 et de 4,4 milliards d'euros en 2014.
Mme Odette Herviaux et M. Jean-Pierre Caffet. Ce n’est pas rien !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On ne peut pas reprocher à un ministre du budget de chercher à contribuer à l’équilibre et au financement de la politique du Gouvernement en ayant recours à de telles marges de manœuvre.
Ce qui me choque profondément dans cette mesure, c’est sa brutalité, c’est le fait qu’elle s’applique de manière indifférenciée, et presque d’un moment à l’autre, à toutes les branches de l’économie. Or nous savons que les situations des différentes branches ne sont identiques ni en termes de qualification professionnelle ni en termes de rythme d’activité, ni non plus en termes de part des heures supplémentaires dans le total du temps travaillé. Il aurait donc été tout à fait compréhensible, monsieur le ministre, que le Gouvernement demande aux partenaires sociaux – branche par branche – de regarder la situation et de prendre éventuellement des engagements réciproques.
Comme Fabienne Keller, j’ai cité le cas du transport routier. Nous savons que, s'agissant du transport de marchandises, et en particulier du transport longue distance, il est compréhensible que l’on raisonne plus en termes d’heures supplémentaires que de recrutements, ou du moins que la proportion à respecter diffère de celle que l’on observe dans d’autres branches d’activité.
M. Aymeri de Montesquiou. C’est vrai !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Par ailleurs, il existe une masse budgétaire absolument considérable dont nous n’avons pas encore parlé, mais dont nous parlerons peut-être lors de futurs débats : les allégements généraux de charges sociales représentent 23 milliards d'euros. Je voudrais rappeler que, il n’y a pas si longtemps, sur l’initiative de la Cour des comptes – sa préoccupation à cet égard remonte au dernier rapport rédigé sous la présidence de Philippe Séguin –, nous avons réduit le coût de ces allégements généraux de 1,2 ou 1,3 milliard d'euros – cela n’est pas complètement négligeable – sans aucun impact décelable sur l’emploi.
Monsieur le ministre, eût-il été concevable, abstraction faite de l’impératif catégorique de mettre en œuvre un engagement mentionné dans un programme politique, d’examiner si la limite de 1,6 SMIC ne pouvait pas être un peu abaissée,…
M. Serge Dassault. C’est vrai !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … de manière à économiser 2 milliards d'euros sur les 23 milliards que j’ai évoqués ?
M. Serge Dassault. Très bien !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Eût-il été concevable de regarder si l’exonération de charges sociales sur les heures supplémentaires ne méritait pas d’être relativisée, modulée par branche de l’économie, reprofilée en quelque sorte ? Eût-il été complètement impossible de trouver par cette méthode, certes plus complexe mais qui permet une participation des partenaires sociaux voire un dialogue social, les 3,5 ou 4 milliards d'euros dont nous avons besoin ?
Ce que je me permets de critiquer dans cette mesure, c’est surtout son caractère aveugle et brutal. Certes, toute expression politique comporte des excès, chacun voulant défendre sa thèse jusqu’au bout. Monsieur le ministre, parmi les exemples que nous avons donnés, tant au centre qu’à droite de l’hémicycle, beaucoup de situations vécues, réelles, méritent l’intérêt. Pourtant, nous avons eu le sentiment que tout cela était balayé d’un revers de main par l’impératif catégorique issu d’un pur engagement politique. Voilà ce que nous critiquons, monsieur le ministre.
Malgré tous les arguments – et ceux qui proviennent de ce côté-ci sont intéressants et même recevables – et la profondeur de ce débat, il est franchement préférable de supprimer l’article 2. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour explication de vote. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Ce débat est démocratique et très républicain. Il est tout à fait légitime que la nouvelle majorité souhaite tenir ses promesses. Nous comprenons cette position et pensons d’ailleurs que la grande force des démocraties réside précisément dans l’organisation d’alternances paisibles. En comparaison des régimes autoritaires qui existent aujourd'hui sur l’ensemble de la planète et de leurs performances économiques, on peut se dire que, même si notre qualité n’est pas toujours la performance, nous avons au moins la capacité d’organiser des alternances non violentes et l’objectif de la politique est bien de gérer de façon pacifique la vie de la société !
Il est donc très important qu’un président avec sa majorité tienne ses promesses et il est quelque peu dérisoire de penser que nous l’empêcherons d’atteindre ses objectifs.
Ce qui compte vraiment, ce sont les résultats de votre politique. Or certains anticipent un peu avec fierté, mais aussi parfois avec arrogance. L’arrogance est toujours présente les lendemains de victoire, mais il faut être prudent. Par expérience, je dirai qu’il faut être attentif aux résultats. Soyez donc attentifs aux résultats de la politique que vous menez.
Dans ce débat, il est intéressant de constater qu’il existe deux grands clivages qu’il faut bien identifier.
Le premier concerne la gravité de la crise. Nous n’avons pas la même conscience de la crise.
Mme Annie David. On ne la voit pas de la même manière, ça c’est sûr !
M. Jean-Pierre Raffarin. La nouvelle majorité donne aujourd'hui le sentiment qu’on a le temps. Cette session parlementaire consacrée aux impôts, demain les réformes. Nous n’aurons pas de session extraordinaire en septembre. Finalement, on prend le temps, comme si le monde était calme et serein, comme si l’Allemagne n’était pas menacée de perdre sa notation.
Pourtant, la situation est extrêmement grave. Les pays émergents connaissent un fort ralentissement de leur économie. Ne croyez pas que cela va les rendre plus attentifs à nos préoccupations ; ils vont aller encore davantage chercher la croissance sur d’autres marchés. Non seulement la situation est extrêmement grave, mais elle ne se limite pas à la France. Le ralentissement de la croissance est mondial. Les pays émergents vont se montrer encore plus agressifs qu’avant pour satisfaire leurs propres besoins !
Nous trouvons franchement que vous prenez un peu votre temps, le temps de voir, d’observer, de créer des commissions... Vous n’êtes pas dans le rythme de la crise ; c’est en tout cas notre position. Je comprends que vous ayez la vôtre. Nous verrons bien qui aura raison à la rentrée et par la suite.
Le second clivage porte sur le travail. Vous donnez parfois le sentiment de penser que c’est le Gouvernement qui crée l’emploi. Non, c’est le travail et, plus vous avez de travail, plus vous avez d’emplois ! Voilà pourquoi il faut tout faire pour créer du travail, donc de l’emploi.
Laisser penser que c’est une main venue d’en haut, l’État, qui va créer de l’emploi est une folie à laquelle plus aucun pays ne croit aujourd'hui. De notre point de vue, vous faites une erreur d’analyse en pensant qu’il faut remettre en cause cette dynamique de l’emploi parce qu’il y a eu une augmentation du chômage. Cette augmentation est due à la crise profonde et extrêmement grave. Je comprends que vous ayez une autre position, mais, très franchement, nous en sommes convaincus, les heures supplémentaires ne sont pas du travail que l’on prend aux autres ; c’est de la compétitivité !
M. Gallois, qui est quelqu’un de sérieux, d’expérimenté, qui a dirigé Airbus et EADS, que le Président de la République a nommé pour s’occuper des investissements d’avenir, a dit qu’on ne sauvera pas notre industrie sans un choc de compétitivité.
Mme Annie David. La compétitivité, ce n’est pas les salaires !
M. Jean-Pierre Raffarin. Alors si l’on ne comprend pas qu’il faut faire cette démarche-là ! La compétitivité passe notamment par les heures supplémentaires.
On en discute parce que, sur le plan de la justice, vous portez atteinte à un certain nombre de gens qui ont besoin de cet argent et, sur le plan de la compétitivité, nous n’en sortirons que par l’augmentation de la quantité nationale de travail. Ne croyez pas que l’augmentation du chômage sous le quinquennat précédent signifie l’échec de cette politique. Nous sommes évidemment les premiers à déplorer cette augmentation du chômage et à regretter cette situation.
Franchement, mesurez les pressions internationales qui pèsent sur notre économie ! C’est par la mobilisation des entreprises, par la capacité de travailler davantage qu’on créera plus d’emplois. C’est la vraie conviction que nous avons.
Vous, vous croyez au partage du travail. Vous l’avez montré systématiquement avec les 35 heures, avec la réforme des retraites et sur un grand nombre d’autres sujets. Vous croyez que le travail se partage ; nous, nous ne le croyons pas. Au contraire, il faut augmenter la quantité globale de travail pour avoir du travail pour tous. Nous avons là un vrai désaccord. Assumons-le !
Aujourd'hui, vous êtes nouvellement élus, vous avez des responsabilités. Nous mesurons le devoir qui est le vôtre de tenir vos promesses, mais sachez que nous serons au rendez-vous de la vérité ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UCR.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour explication de vote.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais vous faire part des statistiques très intéressantes qui nous ont été fournies par notre collègue député Laurent Wauquiez, qui fut, je le rappelle, secrétaire d'État à l’emploi. (M. David Assouline s’exclame.)
Selon les chiffres qu’il nous a communiqués en provenance de l’INSEE et de la DARES, et que vous connaissez, 50 % des personnes qui font des heures supplémentaires sont – on l’a entendu tout à l’heure – des ouvriers, des salariés dont la rémunération se situe entre 1,2 et 1,4 SMIC, et qui travaillent dans la construction, le transport et l’hôtellerie.
Mais ce sont encore, et vous le savez aussi, 15 % de gens qui travaillent dans l’administration et l’éducation. Avec votre dispositif, 230 000 enseignants perdront environ 300 euros de rémunération, ce qui n’est pas rien ! Une majorité de fonctionnaires et d’enseignants ont participé à l’élection de M. Hollande ; gageons qu’ils sauront apprécier les conséquences de leur choix. (M. Jean-Marc Todeschini s’exclame.)
Pour ma part, je pense que l’expression de « justice fiscale » est, depuis deux mois, légèrement galvaudée. Cette mesure que vous pensez populaire est impopulaire. De plus, elle risque d’avoir comme conséquence l’aggravement du travail illégal.
À propos de chômage, je dirai notamment à Mme Bouchoux qu’il est très important dans ma région. Aujourd'hui, nous faisons appel à cinq cents, voire six cents travailleurs péruviens pour venir ramasser les melons et les fruits, car nous ne trouvons personne !
M. Alain Néri. Il faut les payer !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Mais nous les payons, monsieur, et comme il faut ! Mais, malgré tout, nous ne trouvons personne. Cela ne fera donc pas diminuer le chômage. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas la question des heures supplémentaires !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Écoutez, c’est un bel exemple et c’est du vrai !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Ne craignez pas, cela ne fera pas diminuer le chômage. (M. Alain Néri s’exclame.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais laissez-la parler !
Mme Catherine Procaccia. Laissez-la parler ! C’est de l’antiféminisme !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Je ne vous ai jamais coupé la parole. De plus, vous ne m’avez jamais entendu dans cet hémicycle. Alors, pour une fois, laissez-moi parler, monsieur Néri !
Voilà pourquoi je voterai l’amendement de M. Gaudin et du groupe UMP visant justement à supprimer cet article. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Catherine Morin-Desailly applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Je ne voulais pas intervenir dans le débat, mais j’entends la droite s’énerver. Pourtant, pour eux, le problème de fond n’est pas celui des salariés ! (M. Henri de Raincourt sourit.)
La loi TEPA, la droite ne l’a pas faite pour les salariés ; c’était pour les donations, les droits de succession et surtout pour la défiscalisation dont le patronat bénéficiait plus que les salariés !
Mme Annie David. Évidemment !
M. Thierry Foucaud. Chers collègues de la droite, le clivage qu’évoquait Jean-Pierre Raffarin et que je partage est bien là ! Une partie de cet hémicycle soutient ce que l’on appelle le grand capital (Exclamations sur les travées de l'UMP.), le grand patronat.
M. Pierre Hérisson. C’est du Zola !
M. Thierry Foucaud. Mais oui et je vais vous le démontrer !
Chers collègues, quand Renault met les salariés au chômage partiel alors qu’ils pourraient être payés par 1 % des dividendes que verse l’entreprise ou partir en formation, qu’avez-vous dit ? Rien du tout !
Mme Annie David. Rien de rien !
M. Thierry Foucaud. Pour ArcelorMittal, qu’avez-vous dit ? Rien du tout !
Mme Annie David. Et Sarkozy y est allé, mais cela n’a rien changé !
M. Thierry Foucaud. Quand les ouvriers de Caterpillar étaient en grève et qu’on licenciait, qu’avez-vous dit ? (Rien du tout ! sur les travées du groupe CRC.) Rien du tout !
Après votre décision de supprimer la taxe professionnelle, il fallait vous entendre parler des collectivités que vous avez mises en difficulté en réduisant leurs moyens financiers. Qu’avez-vous fait ? Rien du tout !
M. Henri de Raincourt. Elles n’ont rien perdu !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On verra ce que vous ferez !
M. Thierry Foucaud. Vous avez supprimé des moyens à toutes ces collectivités.
M. Henri de Raincourt. Mensonge !
M. Thierry Foucaud. Il s’agit bien là d’une politique de classe. La droite a toujours soutenu sa classe !
M. Jean-Pierre Raffarin. Marchais is back !
M. Thierry Foucaud. M. Jean-Pierre Raffarin nous a parlé de la crise. Oui, mais elle n’est pas nouvelle, monsieur Raffarin !
Un sénateur de l’UMP. Oui, mais ça ne s’arrange pas !
M. Thierry Foucaud. Le dernier budget en équilibre remonte à 1973, c’est-à-dire sous le règne de Giscard d’Estaing ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jacques Legendre. Budget que vous n’avez pas voté !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je suis sûre que vous avez voté contre !
M. Thierry Foucaud. Déjà en 1974, où l’on dénombrait environ 400 000 chômeurs, on nous expliquait que c’était à cause de la crise du pétrole ! Aujourd’hui, grâce à vous, le nombre de chômeurs atteint presque 5 millions ! Le problème est là.
Selon la Cour des comptes, les trois quarts des aides que vous avez apportées n’ont servi à rien du tout, sinon qu’à engraisser – pardonnez-moi le terme – le grand patronat. En effet, sous le règne de Sarkozy, c’est 1 million de chômeurs en plus.
M. Jean-Claude Gaudin. Allez, ça va !
M. Thierry Foucaud. Vous parlez des salariés, des ouvriers, mais vous les avez salis ! (Oh ! sur les travées de l'UMP.) Votre méthode est en effet de les salir d’abord et de taper dessus ensuite. Oui, c’est bien ce que vous avez fait.
D’ailleurs, un soir d’examen de la loi de finances, vous n’avez pas hésité à voter à une heure ou deux heures du matin un amendement pour fiscaliser les accidentés du travail,...
Mme Annie David. Eh oui !
M. Thierry Foucaud. ... comme si le salarié qui a perdu un bras ou une jambe l’avait fait exprès ! Voilà votre politique !
Aujourd’hui, vous pleurez, parce que, pour trouver des recettes, le Gouvernement, et nous le soutenons, a décidé...
M. Jean-Pierre Raffarin. Si des communistes étaient au Gouvernement, nous serions rassurés !
M. Thierry Foucaud. Le problème n’est pas là ! (Si ! sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Gaudin. Il n’y a plus de communistes !
M. Thierry Foucaud. Moi je vous parle de la droite et de la gauche, pas de questions politiciennes (Oh ! sur plusieurs travées de l'UMP.) comme vous êtes en train de le faire toutes et tous !
Mme Annie David. Ils parlent de ce qu’ils ne connaissent pas !
M. Thierry Foucaud. Nous dirons ce que nous avons à dire.
M. Jean-Pierre Raffarin. Ah ! Enfin !
M. Thierry Foucaud. Nous irons dans le sens du progrès, mais pas à l’encontre !
C’est aussi pour cela que la gauche n’est pas la droite et, si vous voulez mon avis, le parti socialiste n’est pas non plus la droite, en tout cas je ne mets pas de signe égal entre les deux ! C’est aussi pour cela que nous soutenons la gauche et que nous combattons la droite ! (M. Alain Néri applaudit.)
La droite, sous son dernier quinquennat, n’a fait qu’empirer la question du chômage, la situation des pauvres gens.
M. Jean-Claude Gaudin. Les pauvres gens, ils ne votent plus pour vous depuis longtemps !
M. Thierry Foucaud. Il suffit de considérer le nombre de repas distribués aux Restos du cœur ; cela fait l’économie d’une démonstration.
Et tous vos monologues ou discours de ce soir, prétendument en faveur des salariés, vont dans le même sens : essayer de sauver vos donations et autres successions... (Protestations sur les travées de l'UMP.) Je tenais à le souligner. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 101 et 126 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 122 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l’adoption | 169 |
Contre | 176 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 14 rectifié quater, présenté par Mmes Lamure et Procaccia, MM. Milon et Cardoux, Mmes Cayeux, Bruguière, Deroche et Des Esgaulx, MM. Pierre, Mayet, Buffet, P. Leroy et Savary et Mme Hummel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 5
Remplacer le nombre :
vingt
par le nombre :
cinquante
III. – Alinéas 23 à 27
Supprimer ces alinéas.
IV. – Alinéas 35 à 37
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cet amendement concerne la question de l’effectif des entreprises. De notre point de vue, il faut considérer qu’une « petite entreprise » est une entreprise de moins de cinquante salariés.
D’ailleurs, cette idée a déjà été émise pendant la discussion générale. Le seuil de vingt salariés n’a à l’évidence aucun sens ; il ne répond à aucun critère communautaire ou national.
Les auteurs de cet amendement, notamment Mme Élisabeth Lamure, souhaitent que l’on retienne le chiffre de cinquante salariés. Ils rappellent que les entreprises sous ce seuil utilisent plus de 60 % du total des heures supplémentaires.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce serait raisonnable !
M. le président. L'amendement n° 98 rectifié, présenté par Mme Dini, MM. Roche et Vanlerenberghe et Mme Férat, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 98 rectifié et l’amendement n° 99 rectifié.
M. le président. J’appelle donc en discussion l'amendement n° 99 rectifié, présenté par Mme Dini, MM. Roche et Vanlerenberghe et Mme Férat, et qui est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
A. Le début de la première phrase du premier alinéa du I de l’article L. 241-17 est ainsi rédigé : « I. – Dans les entreprises employant moins de vingt salariés, toute heure... (le reste sans changement) » ;
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. L’amendement n° 98 rectifié vise au maintien de la réduction de cotisations salariales de sécurité sociale sur les heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les salariés.
J’axerai mon propos sur le comportement des entreprises en matière de recours aux heures supplémentaires.
Je ne reviendrai pas sur la discussion qui a eu lieu précédemment, ni sur les exemples qui ont été évoqués, c'est-à-dire les conducteurs routiers et les personnels hospitaliers ou municipaux.
J’attire simplement votre attention sur quelques éléments. Pour un professeur effectuant deux heures supplémentaires par semaine, la suppression de l’exonération représenterait une perte de soixante euros par mois. Et pour un salarié de l’hôtellerie rémunéré au SMIC, la perte de salaire est de 2,5 % s’il est aux trente-neuf heures et de 10 % s’il est aux trente-cinq heures !
Vous voyez bien qu’il est nécessaire d’adopter cet amendement. En l’occurrence, nous affirmons notre volonté – je sais que vous la partagez – de défendre le pouvoir d'achat des salariés concernés, qui sont des salariés modestes.
Pour autant, un tel dispositif est-il destructeur d’emplois, comme l’a prétendu M. le rapporteur général tout à l’heure ? Permettez-moi d’en douter.
Selon une étude de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, parue en 2008, les entreprises ayant préféré recourir aux heures supplémentaires depuis l’entrée en vigueur de la loi TEPA ne représentent que 13 % de l’ensemble des effectifs des secteurs concurrentiels ; dans le même temps, 25 % des entreprises ont choisi de faire appel à l’intérim ou de recruter en CDD ou en CDI.
La situation est donc plus contrastée que vous ne le pensez. À mon sens, l’économie, le secteur concurrentiel, ce n’est ni de la mécanique ni de la physique. Il n’y a pas de loi absolue.
Quant à l’amendement n° 99 rectifié, il s’agit, en quelque sorte, d’un amendement de compromis, qui concerne les seules entreprises de moins de vingt salariés ; c’est le seuil que vous avez repris.
Le volume des heures supplémentaires et complémentaires ne dépend pas seulement du caractère plus ou moins incitatif lié aux coûts. Il dépend souvent, voire principalement de l’organisation du temps de travail dans l’entreprise. Cela revêt donc une dimension structurelle, notamment dans les TPE.
Certaines entreprises utilisent un volume assez constant d’heures supplémentaires ou complémentaires. Il s’agit notamment de toutes petites entreprises qui ne sont pas passées aux 35 heures ; dans ce cas, les heures supplémentaires constituent pour les salariés un élément stable de rémunération.
Je propose donc de permettre aux salariés des TPE, c'est-à-dire des entreprises de moins de vingt salariés, de continuer à bénéficier des allégements de charges salariales, en complément d’ailleurs des exonérations de charges patronales que vous avez décidé de maintenir.
Je ne comprendrais pas que vous soyez insensibles à la situation de ces salariés modestes des TPE.
Au demeurant, toujours dans l’objectif de laisser aux entreprises l’alternative entre heures supplémentaires et création d’emplois, j’aurais aimé pouvoir défendre mon amendement n° 149 rectifié bis, qui a malheureusement été déclaré irrecevable par la commission des finances. Je le redéposerai lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il s’agit de créer un emploi franc de charges sociales pour un jeune sans emploi ou pour un chômeur.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, sans reprendre l’excellente démonstration de M. le président de la commission des finances, je pense qu’introduire un peu de souplesse dans votre dispositif serait faire preuve d’un peu de sagesse… (Applaudissements sur les travées de l'UCR.)
M. le président. L'amendement n° 181, présenté par MM. Adnot et Bernard-Reymond, est ainsi libellé :
I. Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
à compter du 1er octobre 2012
II. Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
à compter du 1er octobre 2012
III. Alinéa 24
Compléter cet alinéa par les mots :
à compter du 1er octobre 2012
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Nous avions déposé cet amendement en pensant que la réforme concernait également les TPE, alors qu’elle s’applique seulement aux entreprises de plus de vingt salariés.
Je rejoins d’ailleurs les auteurs d’un amendement qui a été présenté ; il serait intéressant de porter le seuil de vingt à cinquante salariés.
En outre, le dispositif ne devrait entrer en vigueur qu’en début de trimestre civil. Ce serait une simplification heureuse. Le Gouvernement démontrerait ainsi sa fermeté dans la mise en œuvre d’une réforme qui me paraît nécessaire, tout en reconnaissant qu’elle mériterait de ne s’appliquer qu’à partir du 1er octobre.
M. le président. L'amendement n° 102, présenté par M. de Montgolfier et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer le nombre :
vingt
par le nombre :
deux cent cinquante
La parole est à M. Albéric de Montgolfier.
M. Albéric de Montgolfier. Au cours du débat, la fragilité des entreprises, notamment des PME, a été évoquée sur toutes les travées de l’hémicycle.
Le Gouvernement lui-même n’est pas insensible à de tels arguments, puisqu’il reconnaît l’utilité d’un allégement de charges pour les entreprises de moins de 20 salariés. Mais cela reste insuffisant.
Nous proposons donc de retenir le chiffre de 250 salariés. Cela permettrait d’éviter des effets de seuil. Nous risquons effectivement d’avoir des entreprises qui ne voudront pas embaucher pour rester à moins de 20 salariés et continuer à bénéficier de l’exonération.
Le seuil de 20 salariés étant de toute évidence insuffisant, nous proposons de le porter à 250 salariés.
M. le président. L'amendement n° 127 rectifié, présenté par MM. Marseille, Dubois, J. Boyer, Maurey, Détraigne et Tandonnet, Mme Morin-Desailly et M. Zocchetto, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer le nombre :
vingt
par le nombre :
soixante-dix
La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. Monsieur le président, avec votre permission, j’aimerais présenter en même temps les amendements nos 135 rectifié, 132 rectifié, 134 et 133 rectifié.
M. le président. J’appelle donc en discussion les amendements nos 135 rectifié, 132 rectifié, 134 et 133 rectifié.
L'amendement n° 135 rectifié, présenté par MM. Marseille, J. Boyer, Dubois, Maurey et Détraigne, Mme Morin-Desailly et MM. Zocchetto, Roche et Tandonnet, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer le nombre :
vingt
par le nombre :
soixante
L'amendement n° 132 rectifié, présenté par MM. Marseille, Zocchetto, Maurey, Dubois, J. Boyer, Détraigne et Tandonnet, Mme Morin-Desailly et M. Roche, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer le nombre :
vingt
par le nombre :
cinquante
L'amendement n° 134, présenté par M. Marseille, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer le nombre :
vingt
par le nombre :
quarante
L'amendement n° 133 rectifié, présenté par MM. Marseille, Maurey, Zocchetto, Tandonnet et Roche, Mme Morin-Desailly et MM. J. Boyer et Détraigne, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer le nombre :
vingt
par le nombre :
trente
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Hervé Marseille. Ces amendements sont de même nature et ont les mêmes motifs. Nous proposons d’introduire de la souplesse dans le dispositif. Nous avons bien compris la volonté du Gouvernement et de la majorité de défendre leur position.
L’Assemblée nationale a, me semble-t-il, évité la double peine. En effet, nous avons échappé à la rétroactivité. Tel qu’il était présenté initialement, le dispositif devait entrer en vigueur au 1er janvier. Finalement, suite à la discussion à l’Assemblée, c’est la date du 1er septembre qui a été retenue.
De la même façon, nous proposons de modifier le dispositif tel qu’il est présenté afin qu’un certain nombre de PME puissent bénéficier davantage encore de ce dispositif auquel nous croyons.
M. le président. L'amendement n° 29 rectifié, présenté par M. Marc, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Remplacer le mot :
Aux
par le mot :
Au titre des
II. – Alinéa 8
Remplacer le mot :
aux
par le mot :
au titre des
III. – Alinéas 9 et 10
Remplacer le mot :
Aux
par le mot :
Au titre des
IV. – Alinéa 12
Remplacer les mots :
annuel en jours
par les mots :
en jours sur l’année
V. – Alinéa 36
Après le mot :
complémentaires
supprimer les mots :
de travail
VI. – Alinéa 37
Supprimer les mots :
de travail
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les dix autres amendements qui font l'objet de la discussion commune.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement n° 29 rectifié est purement rédactionnel.
Avant d’en venir à cette série d’amendements qui font suite au débat que nous venons d’avoir, je ferai quelques observations liminaires.
Dans son intervention, notre collègue Jean-Pierre Raffarin nous a dit, avant de quitter l’hémicycle,…
M. Jean-Claude Lenoir. Il va revenir !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … que la situation était grave et qu’il avait le sentiment que le Gouvernement et sa majorité prenaient leur temps. Je crois que c’est tout à fait l’inverse de ce qui est en train de se produire.
Si la situation est grave pour des raisons conjoncturelles, elle l’est aussi parce que, comme chacun le sait, le déficit considérable que nous avons à gérer résulte – comme l’a affirmé la Cour des comptes – de raisons structurelles et non pas seulement conjoncturelles. En d’autres termes, le déficit de 84 milliards d’euros s’explique pour partie par une conjoncture défavorable mais il s’explique, au moins pour la moitié, par les décisions prises, notamment la décision TEPA, qui coûte 5 milliards d’euros chaque année au budget de l’État financés par emprunt.
On emprunte chaque année pour servir cet avantage. Est-ce juste ? Quelqu’un a parlé tout à l’heure de justice, qui était le leitmotiv : est-il juste d’emprunter et de faire financer par nos enfants un avantage qui est dispensé à une partie de nos concitoyens ? La question appelle une réponse claire : ce n’est pas satisfaisant, ce n’est pas juste et il est légitime d’essayer de porter remède à cette situation.
La position qui est adoptée ici et que j’ai défendue tout à l’heure à l’appui de nombreux arguments se fonde sur une analyse. M. Raffarin nous disait, dans un deuxième argument, que nous faisions une erreur d’analyse. Non, comme je l’ai dit voilà quelques instants, cela fait peut-être mal à ceux qui ont mis en place la loi TEPA et ce système des heures supplémentaires, mais j’ai cité toutes les études, toutes les analyses conduites depuis plusieurs années qui établissent que le dispositif n’est pas satisfaisant, qu’il présente de nombreux inconvénients, que j’ai listés tout à l’heure : ambigu sur l’emploi, effet d’aubaine pour les entreprises, effet anti-redistributif, gain en PIB inférieur au coût de la mesure.
Donc, incontestablement, mes chers collègues, l’analyse a été faite. Elle est fouillée, détaillée et elle est sans ambiguïté : le dispositif mis en place ne fonctionne pas et il est légitime de le supprimer.
Par conséquent, tous les amendements qui sont proposés à ce stade de la discussion et qui ont vocation à s’inscrire dans cette même logique recevront un avis défavorable de la commission des finances.
Les amendements nos 14 rectifié quater, 98 rectifié et 99 rectifié visent, certes, avec quelques variantes, à maintenir des exonérations salariales sur les heures supplémentaires dans toutes les entreprises ou dans celles qui emploient moins de vingt salariés. L’avis de la commission est donc défavorable compte tenu de toutes les critiques déjà formulées.
J’ajoute que si l’on suivait les auteurs de ces amendements, il en coûterait 2,7 milliards d’euros environ. D’évidence, on ne peut pas aller dans cette direction.
L’amendement n° 181 porte sur la date d’entrée en vigueur du dispositif. Même s’il a une légitimité dans sa motivation – et notre collègue M. Adnot vient de le présenter avec beaucoup d’habileté ! –, il vise à fixer une date commune, ce qui soulève réellement un problème de coût.
La question des dates différentes d’entrée en vigueur de la suppression des exonérations sociale et fiscale, qui répond à des logiques de prélèvement différentes, a déjà été longuement traitée. Une solution a été trouvée par nos collègues députés. Vous avez pu prendre connaissance du débat qui a eu lieu à l’Assemblée nationale. Nous avons le sentiment qu’il est difficile d’aller plus loin sur ce point.
Enfin, les amendements nos 102, 127 rectifié, 135 rectifié, 132 rectifié, 134 et 133 rectifié procèdent d’un même esprit. Il s’agit d’élargir le maintien des exonérations patronales à certaines entreprises en fonction de différents seuils d’effectifs : entreprises de moins de 250 salariés, de moins de 70, de moins de 60, de moins de 50, de moins de 40 et de moins de 30. Il va de soi que nous ne pouvons qu’y être défavorables.
Je rappelle que l’article 2 maintient déjà l’exonération pour les entreprises de moins de 20 salariés. Cette dérogation permet de limiter la hausse du coût des heures supplémentaires introduite par la loi TEPA pour ces entreprises et d’épargner les entreprises qui ont le plus recours aux heures supplémentaires.
De plus, en 2011, 44 % des heures supplémentaires ont été effectuées dans les entreprises de moins de 20 salariés, qui ne seront pas affectées par ce dispositif s’agissant des charges sociales. En l’occurrence, pratiquement la moitié des heures supplémentaires effectuées dans les PME de moins de 20 salariés ne supporteront pas cet effet, qui pourrait engendrer une diminution des heures supplémentaires.
Bien entendu, je le répète, nous sommes défavorables à l’ensemble de ces amendements qui se traduiraient par des dérapages financiers.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’ensemble de ces amendements ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l’ensemble de ces amendements,…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Quel dommage !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … à l’exception, naturellement, de l’amendement n° 29 rectifié présenté par le rapporteur général de la commission des finances.
Les raisons qui justifient cet avis défavorable ont, me semble-t-il, été déjà largement évoquées tant lors de la discussion générale qu’au cours du débat que nous avons eu à la suite de l’intervention des orateurs inscrits sur l’article 2.
Le rejet des amendements nos 14 rectifié quater, 98 rectifié et 99 rectifié, qui visent au rétablissement des exonérations fiscales et sociales, s’explique par leur objet même.
Les effets de seuil sont dénoncés dans les amendements nos 102, 127 rectifié, 135 rectifié, 132 rectifié, 134 et 133 rectifié mais pour fixer un autre seuil. L’effet de seuil est une question de principe et non de niveau : que l’on fixe le seuil à 20, 30, 40 ou 50 salariés, les effets de seuil existeront toujours.
Il me semble que l’objet même de ces amendements devrait inciter leurs auteurs à les retirer, car, d’évidence, ces propositions, si elles déplacent les niveaux, ne suppriment pas les effets de seuil.
Quant à la question de la date, si la proposition de M. Adnot paraît tentante, il faut savoir à l’occasion – chacun le sait – résister à la tentation…
M. Philippe Adnot. Jamais ! (Sourires.)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Même si je ne l’ai pas vu, je crois avoir deviné qui a dit « Jamais ! » (Nouveaux sourires.) Vos collègues députés ont trouvé un dispositif qui me paraît équilibré et auquel le Gouvernement est attaché. Pour cette raison, je demande également le rejet de l’amendement n° 181.
M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.
M. Christophe Béchu. Monsieur le ministre, j’ai très bien compris vos propos sur les amendements visant à dénoncer les effets de seuil et à instaurer de nouveaux seuils : ces amendements auront des inconvénients comparables à ceux que nous dénonçons.
En ce sens, tous les amendements qui sont présentés sont des amendements de repli par rapport à la seule bonne mesure permettant d’éviter les effets de seuil, qui aurait été de voter les amendements identiques de suppression de l’article 2 présentés par M. Gaudin et par M. Marseille.
Monsieur le rapporteur général, j’ai été particulièrement intéressé par votre argumentation selon laquelle la justice – et c’est une définition que je compte utiliser au cours des années qui viennent dans cette enceinte – se mesure au fait de savoir si le financement qui est proposé repose ou non sur les générations futures. C’est une définition qui me paraît assez tentante.
En effet, en partant de ce principe et en passant à ce crible un certain nombre de choses, on peut partager l’idée qu’il faut supprimer la loi TEPA, qui porte 4,5 milliards d’euros à la charge des générations futures, mais on pourrait aussi être tenté de supprimer les 20 milliards d’euros que coûtent les 35 heures, qui pèseront sur les générations futures, soit quatre fois plus que ce qui nous est présenté aujourd’hui !
M. Daniel Raoul. Cela faisait longtemps !
M. Christophe Béchu. On pourrait, dans le même état d’esprit, objecter que le mini-plan de soutien à l’automobile qui a été présenté aujourd’hui pèsera sur les générations futures afin de faire bénéficier d’avantages fiscaux pouvant aller jusqu’à 7 000 euros des personnes qui, vous en conviendrez, ne constituent pas les foyers fiscaux qui faisaient le plus d’heures supplémentaires et qui sont la cible, ce soir, du Gouvernement, en termes d’appauvrissement et de diminution de leur pouvoir d’achat. (M. Jean-Claude Lenoir opine.)
Alors, dans ce domaine aussi, faites preuve d’un peu de cohérence ! Si la justice, qui consiste à épargner le budget de l’État afin d’alléger la charge des générations futures, s’applique pour la loi TEPA, allez au bout de votre logique : dans ce cas, la priorité ce n’était pas la hausse des impôts, c’était la baisse des dépenses publiques. Or c’est le choix que vous avez refusé de faire, alors même que l’état de grâce politique qui suit une victoire vous aurait permis de faire passer des mesures, certes douloureuses, mais plus courageuses. Lorsque vous aurez à le faire dans un contexte qui sera dégradé et aggravé par les décisions que vous nous proposez encore ce soir, là, on reparlera de votre conception de la justice ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. Monsieur le ministre, je regrette que vous ayez considéré qu’il n’était pas possible de donner satisfaction aux entreprises qui vont avoir des problèmes administratifs à appliquer cette mesure en plein trimestre.
Ce n’est pas au mois d’août que les heures supplémentaires vont être effectuées ; la question que je vous ai posée relève donc du mois de septembre. Reculez du mois de septembre au mois d’octobre !
Vous pourriez ainsi à la fois donner le signal que, tout en étant ferme sur les mesures – et je suis prêt à voter l’article 2 –, vous comprenez les problèmes administratifs des entreprises. Accepter la date du 1er octobre, ce ne serait pas remettre en cause votre texte, ce serait faire preuve de sagesse.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié quater.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Jean Desessard. Vous allez trop vite, monsieur le président !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On peut ralentir, si vous le souhaitez ! (Sourires.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 12 rectifié ter est présenté par Mme Cayeux, MM. Lefèvre, Fleming, P. Dominati, Béchu, Cardoux, César, Cambon, Gournac et Courtois, Mmes Des Esgaulx et Farreyrol, MM. J.P. Fournier et P. André, Mmes Deroche et Bruguière, M. B. Fournier, Mme Sittler et MM. Leleux, Revet, Savary, Mayet, Reichardt, P. Leroy, Houpert et Couderc.
L'amendement n° 178 rectifié bis est présenté par Mme Lamure.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 20
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° La section 4 du chapitre 1er du titre 4 du livre 2 du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 241-19 ainsi rédigé :
« Art. L. 241-19. – Par dérogation aux dispositions de l’article L. 241-18, dans les entreprises relevant d’un secteur d’activité où, en application d’une convention ou d’un accord collectif de branche étendu, la durée hebdomadaire de travail est supérieure à la durée légale et ouvrent droit au paiement d’heures supplémentaires mensualisées, quel que soit l’effectif, toute heure supplémentaire effectuée par les salariés ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d’un montant fixé par décret. »
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour présenter l'amendement n° 12 rectifié ter.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cet amendement vise tout simplement à exclure les entreprises dont la durée du travail, fixée par une convention ou un accord collectif national de branche étendu, serait supérieure à la durée légale du travail.
C’est par exemple le cas pour l’hôtellerie-restauration. La durée fixée est en effet de 39 heures et elle englobe des heures supplémentaires mensualisées auxquelles les salariés et les entreprises sont attachés.
M. le président. L’amendement n° 178 rectifié bis n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 12 rectifié ter ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission est défavorable à cet amendement.
Bien entendu, je vous renvoie à l’argumentation qui a été précédemment développée. Un certain nombre de critiques ont justifié les positions exprimées sur tout ce qui a trait au dispositif TEPA. Je vous rappelle que l’article 2 maintient déjà l’exonération pour les entreprises de moins de 20 salariés.
En outre, le secteur de la restauration, qui semble visé par les auteurs de l’amendement, bénéficie d’autres niches fiscales.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Même avis, monsieur le président, pour les raisons qui viennent d’être avancées par le rapporteur général et que je reprends à mon compte.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je regrette de nouveau que l’on ne tienne pas compte de la situation spécifique d’une branche, l’hôtellerie-restauration, où il existe un dialogue social et des dispositions conventionnelles et où la durée du travail et les conditions de recrutement ne sont pas les mêmes que dans les autres secteurs.
Sans doute faudrait-il regarder de façon réaliste la situation de cette branche, notamment, mais pas seulement, au regard du taux de TVA. Monsieur le ministre délégué, je trouve que vous avez répondu de façon lapidaire à la question posée par nos collègues, qui me semblait mériter une explication plus fournie.
Pour ma part, n’ayant pas été convaincu par les réponses de la commission et du Gouvernement, je voterai l’amendement, qui, je le souligne, avait été préparé par Caroline Cayeux.
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Daudigny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 34
I - Après les mots :
Pour l’année 2012,
insérer les mots :
après affectation préalable de la fraction mentionnée au A du III du présent article,
II – Après le mot :
affectée
supprimer les mots :
, après déduction de la fraction mentionnée au A du III du présent article,
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis. L’amendement de la commission des affaires sociales concerne la compensation par l’État des exonérations de cotisations de sécurité sociale. C’est une question sur laquelle notre commission porte traditionnellement un regard vigilant.
Cette compensation reposait sur l’affectation à la sécurité sociale d’un certain nombre de recettes fiscales provenant des droits sur les tabacs et alcools et d’une fraction de l’impôt sur les sociétés. Le Gouvernement a considéré que ce mécanisme perdrait sa raison d’être avec la suppression de la plus grande part des exonérations. Les recettes correspondantes reviendront donc à l’État et l’opération sera financièrement neutre pour la sécurité sociale.
Il conviendra néanmoins d’assurer la compensation des pertes de recettes pour les exonérations qui seront maintenues au profit des entreprises de moins de 20 salariés, soit environ 500 millions d’euros par an. Nous avons bien noté, monsieur le ministre, l’engagement du Gouvernement de nous présenter, dans l’un des textes financiers de l’automne, un nouveau dispositif, qui pourrait être mis en place en 2013. Nous souhaitons bien évidemment un mécanisme garantissant intégralement la compensation sur la base des pertes de recettes effectivement constatées.
Par ailleurs, en 2010 et en 2011, le produit des impôts et taxes affectés au titre de la compensation des exonérations sur les heures supplémentaires a été sensiblement inférieur au manque à gagner enregistré par la sécurité sociale. L’État lui est redevable de 341 millions d’euros. L’article 2 prévoit l’apurement de cette dette dès 2012. Bien entendu, la commission des affaires sociales se réjouit que cet engagement soit expressément inscrit dans le projet de loi ; toutefois, la rédaction retenue nous semble ambiguë.
Pour le scientifique que je suis, le terme « déduction » utilisé dans l’alinéa 34 de l’article 2 évoque davantage la soustraction que l’addition. Or nous savons que l’intention du Gouvernement est bien que le versement de 341 millions d’euros en règlement de la dette de l’État s’ajoute à celui qui est dû à la sécurité sociale pour la compensation au titre de l’année 2012.
Notre amendement vise donc simplement à clarifier la rédaction de l’article sur ce point.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote sur l'article 2.
M. Vincent Delahaye. L’an passé, les sénateurs centristes ont conduit dans cet hémicycle un débat sur le bilan de la défiscalisation des heures supplémentaires. Ce dispositif de défiscalisation devait à l’origine répondre à trois objectifs majeurs : contourner le blocage de la législation en vigueur relative à la durée hebdomadaire du travail, qui est inopérante dans certains secteurs d’activité ; accroître le pouvoir d’achat des salariés en valorisant les revenus du travail plutôt que les revenus de transfert ou de substitution ; dynamiser l’activité économique et favoriser à moyen terme la création d’emplois.
La défiscalisation des heures supplémentaires a trouvé une vertu dans le contexte de la crise : elle a permis de sauver des emplois. Les entreprises ont pu, par ce dispositif, protéger leurs employés en ajustant leur masse salariale et répondre à leurs commandes alors que la conjoncture était désastreuse. En un mot, sans les heures supplémentaires, le choc de chômage que nous connaissons aujourd’hui se serait sans doute produit dès la fin de l’année 2009.
M. David Assouline. N’importe quoi !
M. Vincent Delahaye. Le coût pour nos finances publiques aurait alors été exorbitant. Ce constat a été établi par la DARES, par l’INSEE et également par l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Les heures supplémentaires, c’est 528 000 entreprises, plus de 4 millions de salariés et 900 millions d’heures travaillées par an !
Pour vous, le contingent d’heures supplémentaires est substituable à un emploi. C’est votre vision de l’emploi ! Mieux vaut que tout le monde ait un emploi à 35 heures par semaine en étant rémunéré au SMIC que d’offrir la possibilité de travailler davantage pour agrémenter ses revenus.
Or la question n’est plus d’arbitrer entre le droit aux loisirs et le droit au travail. Il s’agit aujourd’hui de protéger nos entreprises et leurs salariés au moment même où, comme le président Arthuis l’a rappelé à de nombreuses reprises, la fermeture de l’usine d’Aulnay agit comme un électrochoc.
Mes chers collègues, nous sommes nombreux sur ces travées à avoir directement vécu le monde de l’entreprise. Et nous pouvons vous le dire, on n’embauche pas pour les mêmes raisons que l’on attribue des heures supplémentaires. Mais je crois que, au fond, vous le savez bien. Sinon, monsieur le ministre, pourquoi ne pas pousser votre raisonnement jusqu’au bout ? Si les heures supplémentaires sont parfaitement substituables à l’emploi, interdisez-les donc et la messe sera dite ! Les chiffres de l’INSEE nous montreront assez vite si vous avez fait fausse route.
La réalité, c’est que vous cherchez surtout le rendement, mais vous n’aurez que la colère sociale en retour. Que direz-vous, mes chers collègues, à vos concitoyens lorsqu’ils viendront vous voir pour se plaindre de leur impossibilité de travailler davantage ? Croyez-vous qu’il suffira de leur dire que c’était une mesure de Nicolas Sarkozy et que leur peine devant leur fiche de paie s’effacera dès qu’ils verront leur nouveau collègue, si tant est que l’entreprise soit en mesure d’embaucher ? (M. Jean-Pierre Caffet s’exclame.)
Pour notre part, nous, les sénateurs du groupe de l’Union centriste et républicaine, ne sommes pas prêts à prendre de tels risques et à jouer avec le revenu et l’activité de nos concitoyens. (M. David Assouline s’exclame.) Sans aucune mesure de protection des entreprises, sans aucune mesure en faveur de la compétitivité, sans aucune mesure pour diminuer la dépense publique – ce projet de loi de finances rectificative présente le grave inconvénient de ne proposer que des recettes supplémentaires et pas d’économies sur les dépenses –, nous ne pourrons cautionner une telle erreur de diagnostic. (M. Aymeri de Montesquiou applaudit.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
I. – Les personnes mentionnées à l’article 885 A du code général des impôts sont redevables au titre de l’année 2012 d’une contribution exceptionnelle sur la fortune assise sur la valeur nette imposable de leur patrimoine retenue pour le calcul de l’impôt de solidarité sur la fortune au titre de l’année 2012.
Toutefois, les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I qui, domiciliées en France au 1er janvier 2012, ne le sont plus à la date du 4 juillet 2012, ne sont redevables de la contribution que sur la valeur nette imposable au 1er janvier 2012 de leurs seuls biens situés en France.
II. – La contribution mentionnée au I est liquidée selon le tarif suivant :
(En %) |
|
Valeur nette imposable du patrimoine |
Tarif applicable |
N’excédant pas 800 000 € |
0 |
Supérieure à 800 000 € et inférieure ou égale à 1 310 000 € |
0,55 |
Supérieure à 1 310 000 € et inférieure ou égale à 2 570 000 € |
0,75 |
Supérieure à 2 570 000 € et inférieure ou égale à 4 040 000 € |
1 |
Supérieure à 4 040 000 € et inférieure ou égale à 7 710 000 € |
1,3 |
Supérieure à 7 710 000 € et inférieure ou égale à 16 790 000 € |
1,65 |
Supérieure à 16 790 000 € |
1,80 |
III. – Le montant de l’impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l’année 2012 avant imputation, le cas échéant, des réductions d’impôt mentionnées aux articles 885 V, 885-0 V bis et 885-0 V bis A du code général des impôts est imputable sur la contribution. L’excédent éventuel n’est pas restituable.
IV. – 1. La contribution est établie, contrôlée et recouvrée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que l’impôt de solidarité sur la fortune.
2. Les personnes mentionnées au I du présent article qui ne relèvent pas du 2 du I de l’article 885 W du code général des impôts souscrivent au titre de la contribution, au plus tard le 15 novembre 2012, une déclaration auprès du service des impôts de leur domicile au 1er janvier 2012, accompagnée du paiement de la contribution.
M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, sur l'article.
M. Albéric de Montgolfier. L’article 3 revient sur une réforme récente, celle de l’ISF, qui était indispensable. Je ne reviendrai pas sur les différents effets néfastes de cet impôt, qui ont, depuis longtemps, été soulignés, j’évoquerai simplement deux raisons qui justifiaient cette réforme.
La première, c’est tout simplement la baisse des rendements des revenus du patrimoine. Je rappellerai simplement que, lorsque l’impôt sur les grandes fortunes a été instauré en 1982, son taux marginal supérieur était de 1,6 %. À l’époque, le rendement moyen des placements était beaucoup plus élevé. En 1983, le taux de l’emprunt dit Mauroy était de 10 % au-dessus de l’inflation. Le taux de l’impôt était en corrélation avec les revenus que pouvaient procurer le patrimoine. On sait ce qu’il est advenu des revenus du patrimoine par la suite. Aujourd'hui, avec un taux marginal de 1,8 %, le taux est bien évidemment confiscatoire.
La seconde raison, c’est l’augmentation du nombre de contribuables à l’ISF. En 1998, 192 000 personnes étaient éligibles à l’ISF ; ce nombre est passé à plus de 565 000 en 2008. En dix ans, leur nombre a bien plus que doublé, sans que cela soit le signe d’un doublement de la richesse française. Cet accroissement est simplement le résultat d’une forte augmentation du prix de l’immobilier, notamment pour les résidences principales, tout particulièrement en région parisienne. L’impôt était devenu impossible à supporter pour un certain nombre de contribuables, qui n’avaient pas des revenus en conséquence.
C'est la raison pour laquelle la réforme votée récemment a bien sûr abaissé le taux de l’ISF, mais également supprimé l’impôt pour les patrimoines de moins de 1,3 million d’euros.
Aujourd'hui, avec l’article 3, on revient sur cette réforme récente, ce qui pose, à mon avis, trois difficultés d’ordre juridique.
Tout d’abord, les contribuables qui ont un patrimoine compris entre 800 000 euros et 1,3 million d’euros – ils n’avaient donc pas à faire de déclaration d’ISF – vont se trouver brutalement soumis à l’impôt. Obligés finalement de faire une déclaration, ils vont être victimes du caractère rétroactif de cette disposition.
Ensuite, il y a la question du complément d’impôt. Le ministre a dit qu’il s’agit d’une contribution exceptionnelle, certainement pour éviter la critique de la rétroactivité. Mais, que l’on ne s’y trompe pas, on reprend purement et simplement l’ancien barème et on nous annonce qu’il y aura sans doute un impôt sur la fortune qui s’inspirera de l’ancien dispositif. Le caractère rétroactif de cet impôt est donc évident, un point que le Conseil constitutionnel devra examiner.
Enfin, comme il n’y a ni plafonnement ni bouclier fiscal, certains contribuables devront payer plus que leurs revenus. Je vous rappelle que l’impôt a longtemps été assorti d’un dispositif correctif appelé le plafonnement, qui a existé sous différentes formes. Puis il y a eu le bouclier fiscal, qui permettait d’éviter qu’un contribuable n’ait à payer plus que ses revenus. Avec la contribution exceptionnelle qui nous est aujourd'hui proposée à l’article 3, cette situation pourra se produire.
Prenons l’exemple d’une veuve ou d’une personne ayant de faibles revenus, propriétaire d’un appartement d’une certaine superficie à Paris. Au-delà de 1 million d’euros, elle devra payer l’ISF. Si elle touche une pension de réversion ou une retraite ou si elle n’a que de faibles revenus, elle pourra avoir à payer 120 %, 130 %, voire 140 % de ses revenus ! L’impôt deviendra alors confiscatoire ! Le Conseil constitutionnel devra se pencher sur ce point.
Pour ces trois raisons, et sans s’étendre sur l’ensemble de l’ISF, mais en évoquant simplement cette contribution exceptionnelle, le groupe UMP vous proposera un amendement visant à supprimer l’article 3.
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, sur l'article.
M. Philippe Marini. S’agissant de l’article 3, nous observons qu’il tend à créer une surtaxe exceptionnelle. Monsieur le ministre, nous voudrions en savoir plus : quelles sont les intentions du Gouvernement en matière d’impôt sur la fortune ? S’agit-il de rétablir l’ISF de façon pérenne, au moins pour la législature à venir, tel qu’il était avant l’aménagement raisonnable auquel nous avons procédé en 2011 ?
Les parlementaires, les contribuables, les investisseurs, les personnes qui viendront sur le territoire français ont le droit de savoir ce que sera le régime de la fiscalité du patrimoine après le 1er janvier 2013.
La surtaxe présentée comme exceptionnelle l’est-elle vraiment ? Ne serait-elle pas simplement une idée astucieuse pour éviter de se poser la question, et d’avoir à la résoudre, du plafonnement de toutes les fiscalités – fiscalité du patrimoine, fiscalité du revenu et fiscalité locale – par rapport au revenu disponible du contribuable ou du foyer fiscal ?
Là encore, monsieur le ministre, nous avons le droit de savoir !
Au demeurant, vous savez fort bien que, sur le plan du respect des droits fondamentaux, la question d’un plafonnement est absolument cruciale. Elle l’est d’autant plus que, parmi les engagements qui ont été pris par le Président de la République, figure cette tranche à 75 %, que, paraît-il, vous avez vous-même découverte de manière un peu fortuite pendant la campagne électorale, monsieur le ministre.
Si l’on combine la création de cette tranche avec la surtaxe pérennisée – l’ISF d’avant la réforme de 2011 –, respecte-t-on les droits fondamentaux du contribuable ? Ma question est très sérieuse !
Par ailleurs, je rappelle que, dans sa rédaction actuelle, l’article 3 ne prévoit pas de reporter la décote mise en place en 2011 pour les patrimoines compris entre 1,3 million d’euros et 1,4 million d’euros.
De ce fait, la contribution exceptionnelle est plus forte pour les patrimoines proches de 1,3 million d’euros ; elle est décroissante jusqu’à 1,4 million d’euros et, enfin, progressive jusqu’à 1,65 million d’euros, niveau de patrimoine auquel la contribution devient équivalente à celle qui correspond à un patrimoine de 1,3 million d’euros. Le jeu arithmétique de la formule est tout de même assez surprenant !
En 2011, conscients de cet effet pervers, nous l’avions corrigé par un procédé de décote.
En effet, si j’ai bien compris – il faudrait que vous me le confirmiez –, pour un patrimoine de 1,3 million d’euros, le montant de la surtaxe est de 1 250 euros ; pour un patrimoine de 1,35 million d’euros, la surtaxe n’est plus que de 605 euros et pour un patrimoine de 1,4 million d’euros, elle devient même négative – de vingt euros – et retrouve un niveau de 1 230 euros pour un patrimoine de 1,65 million d’euros.
Monsieur le ministre, vous reconnaissez-vous dans le calcul, l’échelle que je viens de vous présenter ?
Pour ma part, je m’interroge sur ce dispositif. La contribution est présentée comme exceptionnelle et indépendante de l’ISF, ce qui est une grande astuce puisqu’elle est calculée sur la base de l’ISF ! Cet article ne pose-t-il pas un problème de constitutionnalité du point de vue de l’équité et de l’égalité des contribuables devant l’impôt ?
Telles sont les observations que je tenais à formuler alors que nous commençons l’examen de cet article.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 103 est présenté par M. J.C. Gaudin et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 139 rectifié est présenté par MM. Arthuis, Zocchetto, Maurey, Marseille, Capo-Canellas, Dubois et Roche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour présenter l’amendement n° 103.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cet amendement vise à supprimer l’instauration d’une contribution exceptionnelle sur la fortune au titre de l’année 2012.
Non seulement une telle disposition revient sur une mesure que nous avons votée il y a seulement un an, mais, de surcroît, aucun mécanisme de plafonnement en lien avec l’impôt sur le revenu n’est prévu, ce qui peut conférer à la contribution un caractère confiscatoire pour certains contribuables.
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour présenter l’amendement 139 rectifié.
M. François Zocchetto. L’amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ces deux amendements prévoient de supprimer la contribution exceptionnelle sur la fortune, qui est prévue à l’article 3. Bien entendu, la commission émet un avis défavorable, car la suppression de cet article serait contraire au principe de redressement des comptes publics dans la justice – c’est notre préoccupation, monsieur le ministre.
Ce que prétend le groupe UMP ne me semble pas très convaincant car, monsieur Marini, la contribution exceptionnelle ne devrait pas poser de risques constitutionnels puisqu’elle ne s’appliquera que cette année. (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.) Nous croyons savoir que tel était le raisonnement tenu par le Conseil d’État, saisi de ce texte par le Gouvernement.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. L’année prochaine, on revient à l’ISF version 2011 !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. De même, la contribution ne sera pas néfaste aux entreprises car elle a un caractère provisoire.
Au final, il s’agit de la mesure la plus pertinente pour assurer que les plus fortunés paient leur juste écot au redressement des finances publiques (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx est dubitative.), alors que le précédent Gouvernement avait cru bon de diviser l’ISF par deux.
Enfin, pour réagir à certains propos qui ont été tenus, je précise que c’est bien parce que le Gouvernement doit aujourd'hui faire face à un déficit de 84 milliards d’euros qu’il faut essayer de trouver des solutions. Et c’est bien parce qu’il n’y a aujourd'hui que 69 % des dépenses courantes de notre pays qui sont couvertes par des recettes régulières que la question de ce redressement urgent de nos finances publiques est posée !
Cette mesure est absolument nécessaire ; elle a une force d’exemplarité. Dans ces conditions, il nous faut la soutenir pleinement et donc rejeter ces deux amendements.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Que fera-t-on en 2013 ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. On trouvera l’argent ailleurs !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l’adoption de ces deux amendements.
Monsieur le président de la commission des finances, si l’article 3 s’inscrit dans un contexte, il ne trace pas de perspective pour l’avenir.
Le contexte est bien connu : la réforme de l’ISF menée l’année dernière a abouti à en diminuer le rendement en le divisant par deux et la perte de recettes pour l’État qui en a résulté a été très mal compensée.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire devant vous – pardonnez-moi, donc, de me répéter –, si la compensation prévue par le gouvernement précédent et votée par la majorité qui le soutenait passait par la mise en place d’une exit tax et d’une taxation de trusts, ces dispositions n’auront pas été opératoires en 2012, puisque, quand je suis arrivé au ministère du budget, aucune des instructions nécessaires à leur mise en œuvre n’avait été signée par les précédents ministres en charge.
J’ai également déjà eu l’occasion de dire que, pour financer – bien mal – cette réforme, il a été fait appel non pas à celles et ceux qui peuvent le plus, comme cela a exagérément été affirmé, mais, en vérité, aux classes moyennes, via une augmentation considérable du droit de partage. De 1,1 %, ce dernier avait d’abord été porté à 2,2 % – soit une hausse de 100 % – à l’initiative du rapporteur général de l’Assemblée nationale, puis à 2,5 % sur l’initiative de la majorité sénatoriale de l’époque.
Que je sache, les plus aisés ou les plus fortunés de nos concitoyens ne sont pas les seuls à vouloir divorcer ou sortir d’une indivision ! Les classes moyennes peuvent elles aussi être concernées.
La présentation de la réforme faite à l’époque était donc exagérément flatteuse ! En vérité, tout le monde a contribué à son financement. En outre, en termes de finances publiques, il s’agissait d’une erreur, car ce n’est pas au moment où l’on avait besoin de recettes supplémentaires qu’il fallait diminuer celle-là !
J’en veux pour preuve que, dans les semaines qui ont suivi l’adoption de la réforme, la majorité précédente a dû refuser d’indexer sur l’inflation le barème de l’impôt sur le revenu, augmenter la CSG pour les salariés – 600 millions d’euros –, augmenter le taux réduit de TVA.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Autant d’impôts que vous gardez !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Bref, elle a dû solliciter l’ensemble de nos concitoyens quand certains l’étaient manifestement beaucoup moins ! (M. Alain Fauconnier s’exclame.)
Voilà le contexte ! D’ailleurs, je me garderai bien d’omettre que dans ce contexte se situe un élément de notre droit fiscal dont aucun orateur n’a pour le moment fait état : le bouclier fiscal. Il fut, paraît-il, supprimé au moment même où cette réforme intervenait.
Si cela intéresse les sénateurs, je suis prêt à leur communiquer, via le président de leur commission des finances,…
M. Alain Fauconnier. Bravo !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … le document qui prouve que, cette année, au titre du bouclier fiscal, l’État a restitué 730 millions d’euros,…
M. Alain Fauconnier. Excellent !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … à un nombre de contribuables en réduction par rapport à l’année précédente, car, parmi les bénéficiaires du bouclier fiscal, le nombre des contribuables les moins fortunés a diminué, quand celui des plus aisés a augmenté.
M. Alain Fauconnier. Bravo !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cela signifie que la restitution moyenne opérée au titre du bouclier fiscal a nettement augmenté…
M. Alain Fauconnier. Bravo !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … et que 90 à 95 % des 730 millions d’euros ainsi restitués ont été concentrés sur un nombre de contribuables encore plus réduit qu’auparavant.
M. Alain Fauconnier. Voilà !
Mme Annie David. Eh oui !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Au final, en cette année 2012, les contribuables éligibles à l’ISF ont payé moitié moins que les autres années et ceux d’entre eux qui, en outre, étaient éligibles au bouclier fiscal ont continué à en bénéficier. Il me semble que ce traitement très préférentiel réservé à nos contribuables les plus aisés peut difficilement s’expliquer en l’état de nos finances publiques.
Devant ce constat, et parce que nous estimons que l’effort doit être juste, nous vous proposons d’annuler l’avantage dont bénéficient ces contribuables,…
M. Alain Fauconnier. Très bien !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … d’une part, en maintenant les cotisations qu’ils doivent au titre de l’ISF tel que prévu par l’ancienne majorité et, d’autre part, en leur demandant d’acquitter cette contribution exceptionnelle.
Monsieur Marini, cette dernière n’existait pas avant 2012, elle n’existera pas après 2013 et ne préfigure en rien – en tout cas, je ne dispose pour l’heure d’aucun d’élément en ce sens – ce que pourrait être un ISF réformé à nouveau.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il ne sera pas plus léger que l’ancien !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Tels sont les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance, en souhaitant que vous suivrez l’avis du rapporteur et du Gouvernement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est défavorable à la suppression de cet article, qui est nécessaire non seulement à la restauration de nos finances publiques, mais aussi au sentiment de justice fiscale qui, ces dernières années, a exagérément fui le cœur et l’esprit de nos concitoyens. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Albéric de Montgolfier Et l’effet de seuil, monsieur le ministre ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Et la décote ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Avec la réforme de l’ISF votée l’année dernière, l’entrée dans le barème se fait de manière progressive et suivant un lissage pour les patrimoines compris entre 1,3 million d’euros et 1,4 million d’euros. C’est ce que l’on appelle la décote.
Le président de la commission des finances a raison de faire remarquer que, précisément parce qu’elle est en miroir de cette réforme, la taxation exceptionnelle semble présenter un inconvénient : une forme de dégressivité au-delà d’un certain niveau de patrimoine et jusqu’à un autre niveau de patrimoine.
Mais, en vérité, il faut considérer l’ensemble puisque la cotisation acquittée au titre de l’ISF réformée l’année dernière s’impute sur la taxation exceptionnelle. Ce sont donc bien deux impôts différents.
Monsieur Marini, je le répète : cette contribution n’existait pas avant, elle n’existera pas après.
Mais, dès lors que la cotisation ISF s’impute sur cette taxation exceptionnelle, il me paraît audacieux d’indiquer que l’une et l’autre sont indépendantes : c’est l’ensemble qu’il faut considérer, et cet ensemble est bien progressif.
Mme Annie David. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.
M. Charles Guené. Si je reviens sur l’articulation du dispositif que propose le Gouvernement, cette contribution concernera les assujettis actuels à l’ISF, contribuables dont le patrimoine net imposable est supérieur à 1,3 million d’euros. Elle sera calculée selon le même barème progressif que celui qui a été utilisé pour le calcul de l’ISF dû au titre de 2011 : six tranches imposées de 0,5 % à 1,8 %. La cotisation d’ISF au titre de 2012, payée en sus, sera imputée sur cette contribution, de sorte que le contribuable paiera, au final, l’équivalent de l’ancien ISF.
En effet, le Gouvernement ne pouvait toucher au barème de l’ISF dès cette année, car le caractère rétroactif d’une telle mesure aurait pu poser des problèmes de constitutionnalité flagrants. C’est pourquoi il crée cette contribution exceptionnelle pour recouvrer un montant de recettes équivalant, au final, à ce qui aurait été perçu avec l’ancien barème, après imputation de la cotisation d’ISF versée en 2012. Malgré vos dénégations, monsieur le ministre, et en dépit d’une argumentation un peu spécieuse, nous savons tous que, dès l’automne, le Gouvernement proposera, dans le projet de loi de finances pour 2013, de revenir à l’ancien barème de l’ISF.
Nous sommes donc en droit de nous demander si le Gouvernement va ramener à 800 000 euros le seuil d’assujettissement à l’ISF que nous avions relevé à 1,3 million d’euros. Il s’agissait pourtant d’une mesure de justice fiscale, car elle concernait des ménages qui devenaient redevables de l’ISF principalement du fait de la hausse des prix de l’immobilier.
Votre idée revient donc à complexifier à nouveau le barème de l’ISF, autour de six tranches, alors que nous l’avions simplifié avec seulement deux taux. Certes, les taux avaient été allégés – 0,5 % au lieu de 1,8 % pour la plus haute tranche –, mais il s’agissait de taux purement théoriques car, en fait, le taux réel moyen pratiqué pour la plus haute tranche était de 0,22 %, grâce à l’optimisation fiscale que pouvaient se payer les contribuables les plus fortunés.
Enfin et surtout, la mise en œuvre, en 2012, de cette contribution exceptionnelle, en plus de l’ISF, tous deux sans aucun plafonnement, va aboutir à l’incongruité d’une imposition confiscatoire pour plusieurs milliers de contribuables, qui vont devoir payer plus d’impôts qu’ils n’ont de revenus disponibles, comme l’ont souligné nos collègues Albéric de Montgolfier et Marie-Hélène Des Esgaulx.
Outre le problème d’inconstitutionnalité qu’elle pose – le président de la commission des finances l’a rappelé – et que nous ne manquerons pas de soulever dans notre saisine du Conseil constitutionnel, cette contribution exceptionnelle met donc en lumière les excès d’une certaine idéologie reposant sur la stigmatisation de nos compatriotes les plus fortunés.
Pour notre part, du côté de cet hémicycle, nous ne partageons pas cette vision de lutte des classes (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), nous croyons au mérite et encourageons la réussite, et pensons qu’il vaut mieux tenter de rendre les pauvres plus riches que les riches plus pauvres, pour utiliser une formule un peu simpliste, mais qui illustre parfaitement le fossé idéologique qui nous sépare !
C’est dans cet esprit que le groupe UMP a déposé cet amendement de suppression, que nous voterons tous avec conviction.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Je comprends que le Gouvernement veuille tenir sa promesse de campagne de faire payer les riches. Cette mesure correspond tout à fait à l’engagement pris, c’est d’ailleurs la seule de ce projet de loi de finances rectificative qui atteigne cet objectif !
Les membres de la commission des finances sont destinataires de documents toujours très intéressants : M. le rapporteur général nous a remis un tableau récapitulant les incidences financières des mesures nouvelles comprises dans ce projet de loi de finances rectificative. J’ai été surpris de constater que cette contribution exceptionnelle sur la fortune, d’un montant de 2,3 milliards d’euros en 2012, était annulée en 2013 : en cumulant le rendement prévu sur ces deux années, le total est égal à zéro !
Sur un total de 11,7 milliards d’euros de recettes nouvelles, les mesures principales de ce projet de loi de finances rectificative sont donc la suppression de la TVA sociale, la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, qui représente 3 milliards d’euros, et l’augmentation du forfait sur l’épargne salariale. Par conséquent, la lecture de ce tableau prouve que l’objectif affiché de faire payer les riches ne correspond pas tout à fait à la réalité !
Monsieur le ministre, j’aimerais donc savoir ce qu’il en est réellement : le tableau que nous avons reçu est-il exact ou donne-t-il une vision tronquée de la réalité ? Cette contribution exceptionnelle est-elle appelée à durer ? Il me semble que vous avez annoncé sur les ondes qu’elle serait maintenue jusqu’au retour à l’équilibre budgétaire, ce qui risque de prendre du temps ! En effet, les prévisions optimistes de croissance que vous nous avez présentées la semaine dernière paraissent déjà totalement inactuelles aujourd’hui.
Cette contribution est-elle destinée à durer ? Si oui, combien de temps ? Combien est-elle censée rapporter au final : rien du tout, comme l’indique le tableau, ou 2,3 milliards d’euros, voire 4,6 milliards d’euros, si elle est maintenue l’année prochaine ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bonne question !
M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, pour explication de vote.
M. Alain Bertrand. Je ne souhaitais pas prendre la parole, pour ne pas allonger les débats, mais il est vrai que, dans une des principales maisons de la République, ceux-ci sont plus intéressants qu’une partie de pétanque !
Depuis deux ou trois jours, nous discutons du procédé mis en place par le Gouvernement pour trouver 7 milliards d’euros afin de remplir les caisses laissées vides par la précédente majorité. Or nous passons notre temps à nous demander si, à la marge, avec des systèmes de décote, quelques milliardaires ne risquent pas d’être trop imposés, alors que notre pays compte quatre millions de chômeurs et dix millions de pauvres !
Pour que le débat fût digne, à mon goût, il aurait convenu de parler tout simplement de la progressivité du barème de l’impôt sur le revenu. Nous devrions en effet nous effrayer, tous ensemble, de constater que, plus on gagne d’argent dans notre pays, moins on paye proportionnellement d’impôt !
Prenons un exemple très simple : quelqu’un qui gagne 1 000 euros par mois, paie son impôt au centime près…
M. Albéric de Montgolfier. À 1 000 euros par mois, on ne paie rien !
Mme Annie David. Sauf si on est célibataire !
M. Alain Bertrand. Dans certains cas, on paie, mon cher collègue ! Croyez-moi, je suis inspecteur des impôts à la retraite…
Celui qui gagne 30 000 euros par an paie toujours au centime près, mais pour celui qui gagne 100 000 euros, la progressivité est bien moindre ; quand on gagne 200 000 euros par an, la progressivité s’effondre, et si l’on gagne 500 000 euros par an, on n’en parle même plus, parce que l’on est mieux conseillé et qu’il existe de nombreuses niches…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Alors, révisons les niches !
M. Jean-Pierre Caffet. Au rabot !
M. Alain Bertrand. Je pensais donc que nous allions poser cette question à M. le ministre !
Quand il n’était pas encore Président de la République, M. Hollande a pris l’engagement de s’attaquer au problème de l’emploi, du chômage, de la pauvreté, de l’égalité des territoires. Maintenant qu’il est élu, nous devons nous demander comment nous pouvons aider le Gouvernement à financer ces politiques de manière juste ?
Je pensais donc que nous aborderions la question des niches à l’impôt sur le revenu. Nous en bénéficions tous, parce que nous payons une femme de ménage, ou que sais-je encore, mais les plus démunis n’en bénéficient pas, ou moins ! Nous aurions pu proposer à M. le ministre du budget de ramener le plafonnement de ces niches de 15 000 euros par an à 2 000 euros, de manière à rapporter 20 milliards d’euros ou 30 milliards d’euros d’argent frais, qui nous permettraient de commencer à remettre le pays en ordre.
Mme Annie David. Exactement !
M. Alain Bertrand. Chers collègues de l’opposition, vous oubliez très largement de parler du million de chômeurs en plus depuis 2007, vous oubliez très largement de parler des 600 milliards d’euros de déficit supplémentaires que vous laissez, vous oubliez de dire que vous avez stoppé quasiment tout l’appareil productif par absence de stratégie !
Dans cette maison de la République, revenons-en à des principes justes : l’égalité des citoyens devant l’impôt et la restauration de la progressivité du barème de l’impôt sur le revenu. Individuellement, tous les gens honnêtes paieront ce qu’ils doivent ; collectivement, nous en paierons peut-être moins et nous pourrons remettre le pays en marche, parce que nous disposerons de recettes justes supplémentaires. Il faut arrêter de faire des cadeaux, surtout aux plus riches ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je souhaite apporter une précision en réponse à M. Delahaye.
Nous avons effectivement établi un tableau qui permet d’évaluer le rendement de l’ensemble des dispositions comprises dans ce projet de loi de finances rectificative : une colonne précise les montants prévus pour 2012 et une autre colonne indique la base créée pour 2013. En ce qui concerne la cotisation exceptionnelle, le tableau indique bien que 2,3 milliards d’euros sont prévus pour l’année 2012, mais comme cette mesure est exceptionnelle et n’est pas supposée être renouvelée, nous avons fait figurer un zéro pour 2013.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Supposée !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Bien entendu ! Cette présentation est conforme à l’explication que vient de donner M. le ministre : il s’agit bien d’une cotisation exceptionnelle.
Mon cher collègue, j’espère vous avoir donné les éclaircissements nécessaires pour vous permettre de voter en toute connaissance de cause.
Quant à nous, nous avons le souci de préserver les recettes recherchées par le Gouvernement, c’est pourquoi, je le rappelle, la commission demande le rejet des amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. J’ai applaudi M. Bertrand, comme nos autres collègues, mais je souhaite rappeler que l’amendement n° 77, présenté par Mme Beaufils, qui tendait à renforcer la progressivité de l’impôt sur le revenu, a été rejeté et que seul le groupe CRC l’a voté. Nous préférons les actes aux belles paroles !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ah, ah !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 103 et 139 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 78 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 885 U du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 885 U. - I. - L’impôt est calculé sur l’ensemble de la valeur nette taxable du patrimoine selon le tarif suivant :
« |
Valeur nette imposable du patrimoine |
Tarif applicable % |
|
N’excédant pas 800 000 € |
0 |
|
Supérieure à 800 000 € et inférieure ou égale à 1 310 000 € |
0,55 |
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Supérieure à 1 310 000 € et inférieure ou égale à 2 570 000 € |
0,75 |
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Supérieure à 2 570 000 € et inférieure ou égale à 4 040 000 € |
1 |
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Supérieure à 4 040 000 € et inférieure ou égale à 7 710 000 € |
1,3 |
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Supérieure à 7 710 000 € et inférieure ou égale à 16 790 000 € |
1,65 |
|
Supérieure à 16 790 000 € |
1,80 |
« II. - Le tarif ci-dessus est évalué et fixé par la loi de finances. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Ainsi que l’ont montré la discussion générale et le début de notre débat, le présent projet de collectif budgétaire marque une évidente rupture avec la pratique fiscale des dix dernières années.
Avec le présent article, l’occasion nous est donnée de débattre de l’impôt de solidarité sur la fortune, puisque la création d’une contribution exceptionnelle, ayant l’apparence, la couleur et les contours dudit impôt, est proposée au vote du Parlement.
Concrètement, la « réforme » de l’impôt de solidarité sur la fortune votée au printemps de 2011 avait permis, alors même que la situation des comptes publics était fort loin d’autoriser ce type de gracieuseté, de restituer 2 milliards d’euros, plus ou moins, aux redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune. En ce sens, j’approuve les propos de M. le ministre sur la question du bouclier fiscal. Au moment du vote de la loi de finances pour 2012, nous avions rappelé que le coût de la mesure s’élevait à 1,8 milliard d’euros auquel il fallait ajouter 750 millions d’euros, ce qui représentait une perte de 2,55 milliards d’euros pour les caisses de l’État.
La moitié des redevables de l’ISF, c’est-à-dire environ 310 000 foyers fiscaux si l’on en croit les chiffres disponibles, étaient exonérés du paiement de l’impôt par cette réforme. Leur cotisation s’établissait, dans les faits, entre zéro euro et 1 250 euros, nonobstant l’imputation de personnes à charge ou de réductions de droits diverses.
Comme nous avions eu l’occasion de le souligner, l’essentiel des 2 milliards d’euros que l’État consacrait à alléger l’ISF concernait, au premier chef, non pas ceux qui étaient dès lors exonérés, mais plutôt ceux qui restaient imposables, puisque le taux maximal d’imposition du tarif passait de 1,8 % à 0,5 %, ce qui représente, pour donner un exemple, 13 000 euros de remise d’impôt pour chaque million d’euros de patrimoine au-dessus du plancher de l’ancienne dernière tranche du tarif.
Aujourd’hui, il nous semble cependant nécessaire d’aller au plus simple. Il est évident que la loi de finances pour 2013 comportera une nouvelle formule de l’ISF, plus en conformité avec ce que l’on peut attendre de cet utile impôt. Le débat mené à l’Assemblée nationale n’a d'ailleurs jamais fait mystère d’une telle orientation.
C’est la raison pour laquelle, conformément à notre position de principe, nous vous proposons, dès ce collectif 2012, de procéder au rétablissement du tarif de l’article 885 U du code général des impôts, dans sa version antérieure au vote du collectif du printemps 2011.
M. le président. L'amendement n° 11 rectifié bis, présenté par MM. Adnot, Bernard-Reymond, Poncelet, Türk, Retailleau, Bizet, J.L. Dupont et P. Dominati et Mme Des Esgaulx, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… – Le redevable de la contribution mentionnée au I peut imputer sur celle-ci, dans les mêmes limites et selon les mêmes modalités que celles applicables à l’impôt de solidarité sur la fortune, les versements effectués au titre des souscriptions au capital ou augmentation de capital de petites ou moyennes entreprises européennes, en vertu des I à VI de l’article 885-0 V bis du code général des impôts, à condition que ces versements n'aient pas déjà été imputés sur l'impôt de solidarité sur la fortune.
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Dans un contexte de resserrement de crédits, nos petites entreprises ont plus que jamais besoin de financement pour se développer et conquérir des parts de marchés.
L’objet de cet amendement est de permettre à la contribution exceptionnelle d’assurer, à titre exceptionnel, au regard de la gravité de la situation de nos entreprises, une partie de ce financement en lui appliquant, dans les mêmes limites et selon les mêmes conditions, le dispositif de l’article 885-0 V bis du code général des impôts.
M. le président. L'amendement n° 66, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots :
, à l'exclusion de l'application des articles 885 I bis à quater du code général des impôts
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement vise un objectif très précis. Comme je l’ai rappelé tout à l'heure, l’article 3 est comme une célèbre boisson…
Les règles fiscales en vigueur en matière d’impôt de solidarité sur la fortune sont inscrites dans un certain nombre d’articles du code général des impôts définissant tout d’abord la qualité des contribuables, ensuite la teneur du patrimoine imposable – avec les exemptions d’assiette les plus diverses – et enfin les conditions d’application, l’ISF étant finalement assorti de plusieurs « niches » fiscales sur lesquelles il faudrait un jour bel et bien se pencher.
Nous ne savons pas combien coûte l’exemption des biens professionnels de l’assiette de l’impôt – à notre avis, plusieurs milliards d’euros et probablement plus que ce que rapporte l’impôt lui-même –, mais nous savons par contre que le dispositif ISF-PME et les dons représentent une dépense fiscale de plus de 700 millions d’euros – pour 1,4 milliard d’euros, c’est-à-dire une misère ou presque, investis dans les PME et les fondations – et que le dispositif Dutreil, dont il est ici question, coûte rien de moins qu’un peu plus de 120 millions d’euros supplémentaires !
Il s’agit ni plus ni moins de libérer de l’ISF les parts sociales détenues par les actionnaires minoritaires de sociétés cotées ou non, en fonction de leur participation à un « pacte d’actionnaires », fondé sur la conservation des titres.
Notons que si le dispositif coûte aujourd’hui une bonne centaine de millions d’euros au budget de l’État, il n’induit aucunement que les entreprises concernées se dispensent de pratiquer des plans sociaux et des délocalisations d’activités, bien au contraire !
Le problème que pose cette contribution exceptionnelle, dès lors qu’elle se cale sur l’actuel ISF, c’est que le dispositif Dutreil, dont l’utilité est limitée mais le coût réel, va aussi jouer contre le rendement de la contribution puisque l’assiette imposable est la même.
C’est à cette situation que notre amendement tente de remédier en permettant de fait de faire entrer dans les caisses de l’État, qui en ont bien besoin, quelques dizaines de millions d’euros qui en seraient ainsi distraits.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement n° 78 rectifié vise à supprimer la contribution exceptionnelle et à la remplacer par le rétablissement, à effet immédiat, du barème de l’ISF, dont le retour à l’assujettissement dès 800 000 euros, tel qu’il existait avant la réforme.
J’ai tendance à solliciter le retrait de cet amendement, mon cher collègue, car son adoption se heurterait à un risque d’inconstitutionnalité et se traduirait par une recette inférieure à celle qui est prévue par la contribution exceptionnelle au titre de l’année 2012, ce qui serait quelque peu préjudiciable. En effet, la remise en cause d’un impôt qui a déjà été payé par certains redevables de manière rétroactive risque d’être sanctionnée en cas de saisine du Conseil constitutionnel. Dès lors, il y a lieu de sécuriser le dispositif.
Je demande donc le retrait de l'amendement n° 78 rectifié.
L’amendement n° 11 rectifié bis, dont le premier signataire est M. Adnot mais qui a été défendu par Mme Des Esgaulx, est coûteux : il revient à doubler la réduction d’ISF-PME en 2012, ce que ne permet pas la situation des finances publiques. J’y suis donc défavorable.
L’amendement n° 66 de M. Foucaud, comme l'amendement n° 78 rectifié, risque de fragiliser la recette escomptée de la contribution. Là encore, la remise en cause des exonérations au titre d’un impôt déjà acquitté par une partie de ses redevables risque d’être censurée en cas de saisine du Conseil constitutionnel.
Toutefois, ces amendements mériteraient d’être discutés à l’occasion du projet de loi de finances pour 2013, qui pourrait comporter une réforme de l’ISF et la mise en place d’un nouveau dispositif, dans le cadre d’une vaste réforme de la fiscalité sur le patrimoine et les revenus. Les dispositions que vous appelez de vos vœux ont naturellement vocation à s’inscrire dans cette perspective pour donner leur pleine mesure.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. S'agissant de l’amendement n° 78 rectifié, monsieur le sénateur Foucaud, le raisonnement du rapporteur général mérite attention. De deux choses l’une : soit votre amendement est satisfait et sans-doute vaudrait-il mieux le retirer, car ce que le Sénat vient d’adopter vous permet de garantir la recette que vous espériez ; soit vous estimez qu’il faut faire davantage et, en rétablissant l’ISF avec une part de rétroactivité et une absence de plafonnement, vous courez un risque d’inconstitutionnalité, ce qui aboutirait au résultat inverse de celui que vous recherchez. Il me semble donc que vous devriez, dans les deux cas, retirer cet amendement. À défaut, le Gouvernement serait obligé de demander au Sénat de se prononcer contre.
L’amendement n° 11 rectifié bis de M. Adnot est également satisfait, me semble-t-il. Je comprends mal sa légitimité puisque l’ISF acquitté, y compris sous l’empire de la réforme effectuée l’année dernière, prévoit déjà les dérogations ou les imputations au titre du financement des PME que vous souhaiteriez voir soit rétablies, soit maintenues, soit amplifiées. Il me paraît délicat d’imaginer qu’elles puissent être doublées par rapport à ce qui fut fait continûment ces dernières années. C'est la raison pour laquelle vous devriez, me semble-t-il, madame Des Esgaulx, retirer cet amendement. Si vous y consentez, je vous en remercie par avance. Sinon, le Gouvernement appellera à le rejeter.
L’amendement n° 66, monsieur le sénateur Foucaud, s’inscrit dans la réflexion plus globale sur la réforme de l’ISF qui sera présentée par le Gouvernement en loi de finances initiale. Je le répète, ce projet de loi de finances rectificative n’a pas pour but de réformer l’ISF. La taxation qui vous est proposée n’existait pas avant et n’existera pas après. Elle ne préfigure en rien ce que pourrait être la réforme, qui reste à élaborer, puis à présenter au Parlement. Cet amendement est donc, au minimum, prématuré.
J’en profite pour vous dire le regret que j’ai eu hier de ne pas répondre comme vous sembliez le souhaiter. J’ai pris connaissance du rapport sénatorial sur la fraude fiscale. Je pense que vous y avez puissamment contribué, vous et vos amis, avec d’autres sénateurs naturellement. Je crois que la méthode que vous avez choisie, consistant à faire une photographie des pratiques jusqu’à une certaine période, était la bonne. À charge pour les parlementaires, le cas échéant, d’en faire une autre qui couvrirait une autre période. Quoi qu’il en soit, ce travail aura été très utile. Dans la réforme de l’administration qui sera mise en œuvre au ministère de l’économie et des finances, avec Pierre Moscovici, nous veillerons soigneusement à ce que l’administration fiscale puisse garder les moyens qui doivent être les siens pour mener à bien cette tâche parfaitement républicaine.
M. le président. Monsieur Foucaud, l'amendement n° 78 rectifié est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud. Tout d’abord, il est vrai que la question de l’inconstitutionnalité peut se poser, mais elle se pose aussi à l’article 3.
M. Albéric de Montgolfier. Eh oui ! Nous sommes d’accord !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas faux !
M. Thierry Foucaud. Je veux bien être obéissant, mais j’essaie aussi d’être intelligent.
Ensuite, je voudrais tout de même rappeler que je n’ai fait que reprendre ce que nous avons voté ensemble dans la loi de finances pour 2012.
On me dit que l’on ne peut pas prendre certaines décisions en loi de finances rectificative. Or, dans la loi de finances rectificative de juin 2011, la gauche a voté de nombreuses mesures. Serait-ce que l’on ne peut plus faire maintenant ce que l’on faisait avant ? Je pose la question.
Je sais que le Gouvernement essaye d’avancer et de trouver des recettes, je l’ai indiqué dans mon intervention générale. Cependant, il s’agit, pour nous, d’un amendement emblématique. Je sais qu’il ne sera pas adopté, mais nous l’avons défendu et nous le maintenons.
En ce qui concerne l’amendement n° 66, je me conforme à la demande de M. le ministre. Je comprends qu’il soit plus approprié de discuter d’un certain nombre de dispositifs à l’occasion de l’élaboration de la loi de finances pour 2013. Par conséquent, je retire l’amendement n° 66.
M. le président. L'amendement n° 66 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 78 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur le président, je demande la réserve de l’article 5 jusqu’à la fin de l’examen de la première partie du projet de loi de finances rectificative.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette demande de réserve ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Favorable.
M. le président. Il n’y a pas d’opposition ?...
La réserve est ordonnée.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
8
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 26 juillet 2012, à neuf heures trente, à quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012 (n° 687, 2011–2012) ;
Rapport de M. François Marc, fait au nom de la commission des finances (n° 689, 2011–2012) ;
Avis de Mme Françoise Cartron, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 690, 2011–2012) ;
Avis de M. Yves Daudigny, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 691, 2011–2012).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 26 juillet 2012, à zéro heure trente.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART