M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. En effet, beaucoup a été dit sur cette TVA sociale, TVA anti-délocalisation, TVA compétitivité. Au fond, la question qui est soulevée est très simple, c'est celle du financement de notre protection sociale.
Les uns et les autres, sur quelque travée que nous siégions, avons évolué dans l’appréhension de cette question et dans les réponses que nous lui apportons. Vous-même en avez fait la démonstration tout à l'heure, monsieur le ministre. En tout cas, je ne suis pas certain qu'en supprimant ce qui a été précédemment mis en place vous régliez le problème de fond. Vous ne faites que le décaler.
En l’occurrence, la mesure adoptée par l’ancienne majorité consistait à transférer une part du financement de la branche famille vers la TVA. Et je ne vois pas pour quelle raison les entreprises ont vocation aujourd’hui à financer cette branche.
Faisons un tout petit peu d'histoire.
À l’origine, un certain nombre d'employeurs ont volontairement fait le choix d’attribuer un sursalaire à leurs employés assumant des charges familiales, pour pallier en quelque sorte une inégalité de revenus. Nous ne sommes plus du tout dans ce contexte. En 1945 ont été généralisées les allocations familiales, lesquelles sont aujourd’hui totalement déconnectées de la sphère du travail. Par conséquent, la question du financement de la branche famille se pose plus particulièrement et, je le répète, je ne vois pas ce qu'il y a d'incongru à penser que celui-ci puisse être assuré par un impôt sur la consommation et que le renouvellement des générations soit assuré par un financement pesant sur la consommation d'aujourd'hui.
Nous dénonçons tous le fait que nous vivons à crédit sur le dos de nos enfants. Si nous avions le courage de réfléchir un tout petit peu plus loin et d’envisager le financement de la branche famille par la consommation, nous réglerions très largement ce problème de la dette que nous allons laisser à nos enfants.
Au fond, vous avez sans doute la même analyse que nous, mais vous êtes tellement préoccupés par votre volonté de défaire tout ce qui a été fait précédemment que vous en oubliez l'essentiel, à savoir apporter une réponse au financement de notre protection sociale.
C'est la raison pour laquelle, avec nombre de mes collègues, je voterai bien évidemment cet amendement de suppression de l’article. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Bien qu’étant cosignataire de cet amendement du groupe UMP, pour autant, je ne le voterai pas, ce dont je prie mes collègues de bien vouloir m’excuser. Je vais très rapidement expliquer les raisons qui motivent ce choix.
En tant que parlementaire, ma principale préoccupation est le rétablissement des finances publiques, et ce dans des délais aussi brefs que possible. C’était l’objectif du programme présidentiel de Nicolas Sarkozy.
La réussite de cette entreprise tient aux moyens qu’on met en œuvre à cette fin. Par conviction, je considère que cela passe par moins d'État, moins de prélèvements obligatoires et, surtout, des économies sur les dépenses publiques.
La hausse de la TVA, je l'ai contestée lorsque j'étais membre de la majorité parce que j’estimais qu’elle n'était pas nécessairement une bonne mesure, une mesure opportune, faisant miennes les réticences « techniques » d’un certain nombre des ministres des finances de la majorité à laquelle j’appartenais. Et c'est seulement sous la pression de la crise internationale que le gouvernement puis le Président de la République se sont ralliés à cette option, option en faveur de recettes exceptionnelles dans un moment exceptionnel.
C’est à l'exécutif qu’il appartient de choisir où il trouvera des recettes, et il n’appartient pas à l'opposition de l'aider à en découvrir de nouvelles au moyen de prélèvements obligatoires nouveaux. Mon engagement politique est tendu vers une baisse des prélèvements obligatoires. C’est pourquoi j’ai combattu dans le passé des mesures de l'ancienne majorité contrevenant à cet objectif et je m'apprêtais, tout le monde le sait, dans cette seconde mandature, à combattre celle-ci.
Sur le plan technique, il convient de souligner que les produits importés sont touchés à 24 % de la recette sur le taux de TVA à 18,6 %, à 21 % sur le taux à 5,5 %, et à 14 % sur le taux à 2,1 %. Cela signifie que, sur quatre produits, un produit étranger est fiscalisé. Par conséquent, l’opportunité d’une telle solution peut être débattue.
Sur le plan international, on parle souvent de l’Allemagne, qui avait établi une convergence avec la France en augmentant la TVA de 16 % à 19 %, dont seulement un point avait été affecté à la « TVA sociale ». Or, au moment de cette convergence avec la fiscalité allemande, je trouvais qu’il était gênant que notre pays s’éloigne de l’Allemagne.
En outre, en tant que chef d’entreprise, je sais que les effets de cette mesure sont limités et peu flagrants si la santé financière de l’entreprise, sa compétitivité ou sa part sur le marché international sont bonnes. Dans ce cas, la société gardera la marge pour des investissements ou dans l’attente de jours meilleurs. En revanche, cette disposition porte atteinte au pouvoir d’achat de mes clients si je travaille à la fin de la chaîne sans être un intermédiaire et pose un réel problème.
Sur le plan politique, en tant qu’opposant, j’ai déjà dit qu’il appartenait au Gouvernement de trouver les recettes à partir du moment où il ne fait pas d’économies sur les dépenses.
En ce qui me concerne, j’estime que le dispositif concerné est de nature sociale-démocrate. Je ne sais pas si je dois me féliciter que Mme Lagarde ait convaincu M. Cahuzac ou que M. Valls ait persuadé un certain nombre de mes amis. Je reconnais que j’ai du mal à y voir clair… (M. Jean-Pierre Caffet s’exclame.)
En tout cas, ce que je sais, c’est que j’ai refusé par le passé la création de plusieurs impôts nouveaux et que ma position sera la même à l’avenir.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le président, je ne voterai pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.
M. Jean Arthuis. Le débat que nous avons aujourd’hui met en cause diverses sensibilités et conventions.
Personnellement, je voterai contre cet amendement, car 1,6 point de TVA ne me semble pas à la mesure des enjeux. C’est pourquoi je vous proposerai dans quelques instants un amendement qui vise à augmenter le taux de TVA, non pas de 1,6 point, l’impact d’une telle hausse étant trop marginal pour être significatif, mais d’au moins 5 %. Ne faisons pas les choses à moitié !
Monsieur le ministre, vous avez développé une argumentation tout à fait brillante, comme à l’accoutumée, utilisant des références multiples. Je crois pouvoir dire que les hommes et les femmes politiques de gauche, de droite et du centre sont parfois victimes d’un certain nombre de tabous et de conventions de langage. Ces questions suscitent une hypersensibilité, à l’image de la cacophonie et de la polémique incroyables qui avaient duré une semaine entière entre les deux tours, après le débat sur la TVA sociale qui s’était invité au soir du premier tour des élections législatives en 2007. Toute pédagogie était devenue impossible !
Tout à l’heure, vous vous demandiez qui payait. Il est très politiquement correct de dire que certains impôts sont acquittés par les entreprises tandis que d’autres le sont par les ménages. Mais, monsieur le ministre, mes chers collègues, y a-t-il un seul impôt payé par les entreprises qu’on ne retrouve pas dans le prix demandé aux consommateurs ? N’est-ce pas un abus de langage que d’invoquer cet argument, trop commode et trop illusoire ? L’impôt est toujours payé par nos concitoyens. Ce discours sur « l’entreprise paie » était parfait en économie nationale, étanche, mais qu’en est-il en économie mondiale ?
Enfin, Monsieur Leconte, n’êtes-vous pas frappé par la vision de ces usines qui se sont transformées en lieux de distribution, parce qu’il est plus simple de mettre sur le marché des produits qu’on a importés, plutôt que de produire ici en France, en respectant l’ensemble des législations que nous avons édictées un jour ou l’autre ? Aujourd’hui, Peugeot n’est-il pas au banc des accusés parce qu’il a osé essayer de produire encore en France, alors que ses concurrents étaient partis à l’étranger !
Quel procès instruisons-nous ?
Je souhaite vraiment que nous puissions entamer un débat sur ces questions, en toute sérénité. Monsieur le ministre, maintenir un impôt assis sur les salaires, c’est, en économie globale, appliquer un droit de douane…
M. Jean-Pierre Caffet. Non !
M. Jean Arthuis. … à ceux qui produisent en France, droit dont sont exonérées toutes les entreprises qui font produire à l’extérieur pour approvisionner le marché national.
J’en déduis que vous excluez la possibilité de faire supporter, par les recettes des produits importés, une fraction du financement de notre protection sociale. Pour ma part, je ne me résous pas à cette fatalité, et je plaide inlassablement pour que l’impôt de consommation soit utilisé à cette fin.
Je sais que ce point de vue suscite des questions existentielles chez les partenaires sociaux : si un impôt, une cotisation assise sur les salaires n’est plus la ressource du financement de la protection sociale, les partenaires sociaux sont-ils encore légitimes pour gérer ces organismes ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bonne question !
M. Alain Néri. On vous voit venir !
M. Jean Arthuis. Nous devrons trouver les réponses appropriées pour apaiser ces interrogations. Mais sur le fond, je vous en prie, ne renoncez pas à poser les termes de ce débat ! Plus que jamais, il nous faut avancer dans cette voie, et ce ne sont pas les mesures du plan automobile, telles qu’elles ont été communiquées, qui m’amèneront à renoncer à déposer tout à l’heure un amendement plus substantiel.
Que mes collègues de l’UMP me pardonnent, mais avec une hausse de 1,6, le compte n’y est pas !
M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.
M. Alain Néri. Je tiens à remercier l’actuelle opposition, et ancienne majorité, de persévérer dans sa volonté d’instituer une TVA antisociale, parce qu’elle nous a déjà permis, lors des élections législatives de 1997, de gagner une cinquantaine de sièges ! Nos concitoyens ne s’y étaient pas trompés…
Vous avez poursuivi dans cette voie, mes chers collègues, en nous expliquant, le 14 mars 2012, qu’il fallait mettre en place une TVA, que vous n’aviez plus l’outrecuidance d’appeler « sociale », mais que vous avez transformée en « TVA compétitivité ». Vous n’entendiez d’ailleurs la rendre applicable qu’au mois d’octobre, après vous être dit que les Français avaient peut-être compris en 2007 que les conséquences en seraient terribles. Vous avez donc repoussé l’échéance après les élections électorales, et ce sans succès puisque vous avez perdu la majorité.
Aussi, si vous souhaitez persévérer, vous nous rendez service et, à ce titre, je vous remercie beaucoup.
Mais revenons au fond du problème. Je suis stupéfait d’avoir entendu dire dans vos rangs, à de nombreuses reprises, que la moitié des Français ne payaient pas d’impôts, une telle affirmation mettant en exergue et stigmatisant les plus modestes de notre population. Mais, mes chers collègues, c’est un mensonge car, s’ils ne paient pas d’impôts sur le revenu, ils acquittent forcément des impôts locaux et des taxes indirectes, dont la très injuste TVA, que vous voulez encore aggraver en augmentant son taux. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Henri de Raincourt. Et la CSG ?
M. Alain Néri. Vous nous dites qu’il faut absolument assurer plus de justice. Nous sommes d’accord, et c’est la raison pour laquelle nous souhaitons revenir à l’impôt républicain tel qu’il a été défini en 1791 : « Chacun est tenu à mesure de ses moyens de contribuer aux dépenses de l’État. » C’est cela, l’impôt républicain, qui avait, en quelque sorte, été repris par Caillaux lorsqu’il a créé l’impôt sur le revenu, qui est un impôt progressif républicain,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous avez oublié de le faire pour l’ISF ?
M. Alain Néri. … peut-être pas totalement juste, mais en tout cas l’impôt le moins injuste.
Aujourd’hui, vous voulez renforcer l’impôt le plus injuste. Mais vous savez pourtant parfaitement quelle a été l’une des causes de la Révolution française !
Un sénateur de l’UMP. La gabelle !
M. Alain Néri. C’était l’inacceptable écart de revenus et l’indécence de l’impôt indirect, qui s’appelait à l’époque la taille, la gabelle ou la dîme, et s’appelle aujourd’hui la TVA.
Pour illustrer mon propos, je prendrai un exemple très simple, faisant appel à un peu de calcul mental très facile, accessible à chacun d’entre nous…
Lorsque j’achète un produit de consommation, je paie le même montant de TVA que je gagne 1 000 euros ou 5 000 euros par mois. D’une certaine façon, avec un revenu proche du SMIC, je paie cinq fois plus d’impôts que celui qui gagne 5 000 euros. Pour vous, ce serait un impôt juste ! Il est en fait très injuste, et vous voulez le rendre encore plus injuste !
Pour toutes ces raisons, parce que nous voulons qu’il soit mis fin à ces écarts indécents de revenus et de ressources entre nos concitoyens, parce que nous sommes pour la paix sociale, parce que nous ne voulons pas que notre pays, plongé à cause de vous dans l’urgence sociale, l’exaspération, et peut-être même – on le voit déjà à travers l’inquiétude très forte de certains Français –, au bord de l’explosion sociale, nous vous encourageons, mes chers collègues, si vous avez un peu de fibre sociale, à refuser de voter cet amendement purement et simplement antisocial.
La TVA Sarkozy, c’est la TVA antisociale ! C’est pourquoi nous voterons contre cet amendement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, pour explication de vote.
M. Alain Gournac. Je voudrais répondre aux conseils prodigués voilà quelques instants, non par le dernier orateur du parti socialiste, mais par le précédent.
Mon cher collègue, selon vous, à droite de l’hémicycle, on ne connaîtrait rien à l’entreprise alors que, de votre côté, vous seriez des spécialistes. Quoi qu’il en soit, il en est un, chez vous, qui ne connaît pas l’entreprise : il s’appelle M. Montebourg. La façon scandaleuse dont il a attaqué les responsables de Peugeot démontre qu’il connaît vraiment mal le fonctionnement de l’entreprise.
M. Jean-Pierre Caffet. Et vous, connaissez-vous l’entreprise ?
Mme Annie David. Il n’a pas agi de façon scandaleuse !
M. Alain Gournac. À propos de l’article 1er, à la suite de notre collègue député Michel Heinrich, je rappellerai que notre pays se situe au premier rang des pays de l’OCDE en matière de prélèvements patronaux sur les salaires, devant l’Italie – 24,3 % –, la Suède – 23,9 % – et la Belgique – 23 %. Ce ratio est de 16,3 % en Allemagne, et il est totalement nul au Danemark, où il n’existe plus de cotisations patronales obligatoires de sécurité sociale depuis l’an 2000 !
Pour arriver à de tels résultats, certains pays transfèrent ou ont transféré sur la TVA le financement de la protection sociale. C’est le cas du Danemark, mais aussi de l’Allemagne, qui a financé par un point de hausse de la TVA la diminution des cotisations chômage, passées de 5,1 points à 2,8 points, contre 6,4 points en France.
C’est pourquoi la décision de supprimer la cotisation employeur de 5,4 % au niveau de 2,1 fois le SMIC allait dans le bon sens. Elle diminuait le coût des produits fabriqués en France, taxait, on vient de l’entendre, les produits importés à 1,6 point supplémentaire de TVA et finançait notre politique familiale.
Enfin, on a constaté que l’augmentation de la TVA – d’un tiers en moyenne – dans tous les pays qui y ont eu recours n’a pas eu une forte répercussion sur les prix acquittés par les consommateurs et qu’elle a souvent permis une augmentation des salaires comme des embauches. C’est ce dont notre pays a besoin : baisser le coût du travail pour favoriser l’emploi.
Tous ces éléments nous montrent bien que la hausse de la TVA était indolore et plus efficace…
M. Jean-Pierre Caffet. Indolore ?
M. Alain Gournac. Oui, cela a été prouvé à l’étranger. Renseignez-vous, voyagez !
… qu’une hausse de la CSG sur laquelle nous ne nous faisons malheureusement aucune illusion.
C’est la raison pour laquelle je voterai en faveur de l’amendement de suppression de l’article 1er.
M. Jean-Pierre Caffet. M. Gournac est spécialiste de la protection sociale !
M. Alain Gournac. Je terminerai par une précision : mon cher collègue, celui qui gagne 1 000 euros ne fait peut-être pas les mêmes achats que celui dont les revenus s’élèvent à 5 000 euros… Par conséquent, quand vous nous dites qu’ils paient le même montant de TVA, il va falloir que vous révisiez vos calculs ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. La première disposition pour le moins significative que comporte ce collectif budgétaire consiste à revenir sur l’une des mesures les plus emblématiques du quinquennat écoulé, à savoir la TVA dite « anti-délocalisations » ou « sociale ».
Cette mesure était censée avoir un double effet : premièrement, rendre plus chers les produits importés, deuxièmement, permettre d’alléger les cotisations sociales normalement collectées dans les entreprises sur la base des rémunérations.
L’objectif premier de la TVA dite « anti-délocalisation » n’était pas de renforcer la position de nos entreprises exportatrices ou de préserver notre appareil industriel, mais bel et bien de promouvoir un nouveau type de financement de la protection sociale, fondé sur une fiscalisation accrue.
Que le présent collectif budgétaire revienne sur cette logique ne nous dispense pas de poursuivre le débat relatif au financement de la protection sociale, d’autant que la question de la dépendance est pleinement posée et que, du fait de l’insuffisance de ses recettes, la sécurité sociale présente des déficits récurrents. Accumulés depuis dix ans, ces derniers sont à la base de la dette sociale, dont les hôpitaux publics, au travers de la T2A, et les assurés sociaux, au titre des déremboursements, de la hausse du forfait hospitalier ou encore de la perte du pouvoir d’achat des retraités, font aujourd’hui les frais.
Une fois supprimée la TVA sociale, le temps sera donc venu de faire le point sur les solutions nécessaires.
Pour ce qui nous concerne, nous sommes convaincus qu’il est temps de réhabiliter le mode de financement de la sécurité sociale à partir de la richesse créée et d’en assurer une alimentation régulière et fluide à partir de la production.
Autant nous sommes opposés au remplacement des cotisations sociales par la TVA, autant le bien-fondé de la substitution de la CSG à ces mêmes contributions ne nous convainc pas. Au demeurant, plus le financement de la sécurité sociale a été fiscalisé – notamment lorsqu’il a été question d’alléger les cotisations sociales et de les remplacer par des impôts et taxes dédiés – plus le déficit s’est maintenu, voire renforcé. De plus, voilà fort longtemps que les taux de cotisations patronales n’ont pas véritablement été réexaminés, alors même que la nécessité de garantir une sécurité sociale à la hauteur des exigences actuelles s’impose avec force.
Renouer avec la croissance et le progrès social, restaurer la compétitivité de notre économie, réaliser des gains de productivité permettant notamment de réduire l’intensité et l’importance du travail humain dans le processus de production, l’ensemble de ces objectifs supposent une sécurité sociale efficace, permettant, au-delà des considérations comptables qui restent souvent au cœur des politiques menées depuis une bonne trentaine d’années, de relever le niveau sanitaire général de la population, condition indispensable à toute avancée économique et sociale dans notre pays.
Chers collègues, pour sortir de la crise, la France doit disposer d’une main-d’œuvre bien soignée, bien formée et correctement payée. C’est cet impératif que je souhaitais rappeler dans le cadre de cette explication de vote. Vous l’aurez compris, nous voterons contre cet amendement de suppression de l’article 1er.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
M. François Trucy. À écouter avec attention !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mes chers collègues, personne ne sera étonné d’apprendre que je m’apprête à voter cet amendement.
Mme Annie David. En effet, ce n’est pas un scoop !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je souhaite avant tout m’adresser à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, ainsi qu’à M. le ministre délégué chargé du budget. De fait, M. Daudigny hier soir, M. Cahuzac il y a quelques instants, sont tous deux allés dans le même sens, en dressant la liste des personnalités de l’ancienne majorité qui se sont exprimées, en leur temps, contre une TVA sociale.
M. Jean-Pierre Caffet. Oui !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je vous rappellerai simplement – du reste, vous le savez bien – qu’une politique économique ne se juge pas dans l’absolu. Cela s’apprend en première année de sciences économiques. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Je ne crois donc pas vous apprendre grand-chose !
M. Alain Bertrand. Retournez à l’école !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh oui, cela s’apprend en première année de sciences économiques, je le répète, et je l’affirme : une politique économique ne se juge pas dans l’absolu, mais en fonction des éléments de conjoncture !
M. Jean-Pierre Caffet. C’est précisément ce que j’ai souligné hier !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh oui ! Voilà pourquoi, monsieur Caffet, malgré tout ce que vous venez de dire, je tiens à souligner, comme toutes celles et tous ceux qui siègent à la droite de cet hémicycle, que vous devriez être un peu plus méfiants, un peu plus prudents,…
M. Jean-Pierre Caffet. C’est dans notre nature !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … concernant tous les jugements que vous portez sur la TVA sociale et sur la CSG : à mon sens, la situation ne va pas tarder à se retourner contre vous et, le moment venu, nous pourrons vous rappeler tout ce que vous venez de dire, car nous l’avons évidemment retenu !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. Alain Néri. Même pas peur !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vos propos se cantonnent dans l’absolu. Eh bien, je le répète : si vous menez une politique économique dans l’absolu, les événements se retourneront très vite contre vous ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. François Trucy. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Mes chers collègues, j’étais tenté de reprocher au Gouvernement son excès de lenteur. En réalité, je me demande s’il ne faut pas avant tout l’accuser d’être trop rapide. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacky Le Menn. Il faudrait choisir !
M. Philippe Bas. Le Gouvernement est trop lent car, lorsqu’un nouveau ministère est formé, il est d’usage que celui-ci mette en œuvre son programme dès le mois de juillet.
M. Philippe Bas. Or, dans le cadre de ce collectif budgétaire, aucune mesure ne prépare l’avenir, aucune mesure ne construit pour le futur. En revanche, de nombreuses dispositions disparaissent, parfois même avant d’avoir existé. Pour ce qui me concerne, je le regrette.
À mon sens, cette réforme – inexactement qualifiée de création d’une « TVA sociale » – est en réalité l’amorce d’une profonde révision du financement de notre protection sociale.
M. Jean-Pierre Caffet. Exact !
M. Philippe Bas. À mes yeux, au cours des dernières années, tous les gouvernements, qu’ils soient de gauche ou de droite, ont recherché les moyens de faire peser moins lourdement le financement de notre sécurité sociale sur l’emploi. De fait, chacun admet – c’est d’ailleurs le bon sens ! – que, dès lors que l’on calcule le montant des cotisations sociales sur la base des salaires, moins il y a de salaires et d’emplois, plus il est facile d’échapper au paiement des cotisations sociales et, partant, de l’impôt.
Ce constat est si juste que, depuis longtemps, nous nous sommes efforcés de déplacer vers d’autres prélèvements une partie de nos cotisations sociales. C’est l’action qu’a menée le gouvernement Balladur concernant les cotisations familiales ; c’est l’action qu’a menée le gouvernement Juppé concernant les cotisations sociales en général, dès 1995, pour ramener à zéro le montant de ces dernières pour l’emploi d’un travailleur rémunéré au SMIC.
C’est l’action qui a été poursuivie, dans des circonstances beaucoup plus controversées, avec la loi de 1998 instituant les 35 heures. De fait, en l’occurrence, la baisse des charges était destinée non pas à alléger le coût du travail mais à compenser le renchérissement de celui-ci causé par les 35 heures payées 39, mesure conduisant à une augmentation du salaire horaire de l’ordre de 11,4 %.
C’est assez dire que tous les gouvernements qui se sont succédé en France depuis près de vingt ans ont cherché à reporter le financement de notre protection sociale des salaires vers d’autres assiettes.
M. Jean Arthuis. Bien sûr !
M. Philippe Bas. À mon sens, c’est une nécessité, et il faudra bien y venir.
Pour ma part, je déplore que, dans un élan excessivement rapide tendant à défaire ce qui venait d’être fait, le nouveau gouvernement et sa majorité ne se donnent pas le temps de la réflexion, pour tenter d’examiner les conditions les plus justes possible d’un maintien de cette réforme. Menée sans augmentation des prélèvements obligatoires, celle-ci amorcerait un basculement qui, comme vient de le rappeler notre collègue Jean Arthuis, pourrait préluder à un renversement bien plus important encore.
Je souligne que, contrairement à ce que j’ai entendu sur les travées de la majorité, le choix de la TVA n’est pas injuste. En effet, chacun le sait au sein de cette assemblée, les 10 % des Français dont les revenus sont les plus élevés acquittent sur leurs dépenses 11,6 % de TVA, tandis que les 10 % des Français dont les revenus sont les plus faibles n’acquittent que 10 % de TVA ! Cela signifie que, grâce à la différenciation des taux, notre TVA est un impôt très juste. (Mme Marie-France Beaufils manifeste son désaccord.) C’est à tout le moins un dispositif plus juste que la CSG, dont j’entends dire qu’elle pourrait être bientôt augmentée.
Par conséquent, à mon sens, il faut faire justice à cet argument de l’injustice de la TVA : non, la TVA n’est pas injuste. De surcroît, s’il est vrai que les Français percevant de hauts revenus épargnent davantage que les autres, notre fiscalité comprend également des prélèvements sur l’épargne, que ce collectif budgétaire s’emploie du reste à augmenter radicalement, pour un montant global de 7 milliards d’euros.
Ainsi, vous souhaitez abroger cette réforme, qui n’entraînait aucune augmentation des prélèvements obligatoires, sauf pour ce qui concerne l’augmentation de 2,6 milliards d’euros de l’impôt social sur le patrimoine. Eh bien, voilà une hausse nette des d’impôts, succédant à une mesure qui n’opérait qu’un strict basculement des prélèvements. Bref, vous augmentez les impôts. Pour notre part, nous ne les augmentions pas dans le cadre de la TVA anti-délocalisation ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)