M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, sur l’article.
M. Albéric de Montgolfier. L’article 1er, qui prévoit l’abrogation de la TVA sociale, nous permet de revenir sur le sujet principal évoqué tout au long de l’après-midi : la compétitivité des entreprises.
La TVA sociale aurait permis de diminuer, certes modestement mais c’était une première, le coût du travail, qui est extrêmement élevé en France.
M. le ministre nous a dit à l’instant qu’il n’y avait pas de problème de compétitivité-prix. Pourtant, les chiffres nous rappellent que, en 2009, l’ensemble des prélèvements obligatoires assis sur le travail représentait 23 % du PIB en France, contre 20 % en moyenne pour le reste de l’Union européenne. Ainsi, pour un même coût du travail de 4 000 euros, l’entreprise française paie 1 200 euros de charges patronales alors que l’entreprise allemande ne verse que 700 euros !
La TVA sociale que nous avions voulu mettre en place se serait traduite par une baisse, certes insuffisante mais sans précédent, de 5 % du coût du travail pour des emplois peu ou pas qualifié, au bénéfice de 95 % des petites entreprises françaises. Dès lors, pourquoi ne pas avoir au moins maintenu le mécanisme prévu pour les PME de moins de vingt salariés ?
Il s’agissait donc d’une TVA « compétitivité », qui visait tout simplement à lutter plus efficacement contre les délocalisations et à renforcer les exportations, notamment dans les secteurs industriel et agricole. C’est d’ailleurs un sujet qui a été bien identifié par le Président de la République, puisque, lors de la conférence sociale, M. Hollande a considéré nécessaire de prévoir une réforme du mode actuel de financement de la protection sociale, mode qui pèse uniquement sur le coût du travail. Cette approche correspond très exactement à l’idée qui sous-tendait la TVA « anti-délocalisation », aujourd’hui supprimée.
Le Gouvernement veut mettre fin à cette mesure visant à abaisser le coût du travail pour éviter, nous dit-on, une augmentation de la TVA et donc une perte de pouvoir d’achat. Or, comme l’a très justement souligné M. Arthuis en défendant sa motion, la hausse de 1,6 point de TVA n’aurait entraîné qu’un relèvement très relatif des prix : quelques dixièmes de points au plus d’après les économistes et la direction du Trésor.
Il y a un point sur lequel le Gouvernement insiste très peu : alors que la majorité supprime une mesure de baisse du coût du travail, elle maintient une mesure de compensation de la hausse des prélèvements obligatoires. Je vise ici la hausse de 2 points des prélèvements sociaux sur les revenus du capital et les produits de placement, mesure qui va clairement impacter le pouvoir d’achat des Français qui détiennent un capital ou des placements, quelle que soit l’importance de ceux-ci, puisqu’un prélèvement à hauteur de 800 millions d’euros en 2012 et de 2,6 milliards d’euros en 2013 est prévu. C’était l’une des mesures destinées à compenser la baisse des charges sur laquelle le présent gouvernement ne revient pas.
Surtout, la TVA sociale n’avait vocation à s’appliquer que sur les produits taxés au taux normal, produits qui sont aux trois quarts importés.
Finalement, en faisant le choix de remplacer la TVA « compétitivité » par une future augmentation de la CSG – il semble qu’elle soit déjà annoncée –, le Gouvernement et sa majorité vont frapper l’ensemble des salariés et des retraités. Alors que le Gouvernement invoque souvent les recommandations de la Cour des comptes, il ferait bien de s’inspirer de celle qui prône l’augmentation de la TVA !
En conclusion, la TVA sociale était, bien que peut-être encore insuffisante, une bonne réforme qui consistait à faire financer notre protection sociale par les entreprises qui délocalisent leur production à l’étranger. C’est ce qu’ont fait l’Allemagne et le Danemark, et c’est aussi ce que propose de faire l’Union européenne pour financer la sécurité sociale. Clairement, un tel dispositif est beaucoup moins douloureux que ne le sera la probable hausse de la CSG.
Compte tenu de l’urgence du problème de la compétitivité, le groupe UMP ne peut que dénoncer l’abrogation de la TVA « compétitivité ». C’est pourquoi il votera l’amendement de suppression de l’article 1er. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l’article.
M. Richard Yung. Le projet que nous avons trouvé dans les cartons n’est pas très abouti. Par moment, vous parlez d’une TVA « compétitivité », une autre fois d’une TVA « sociale » ou d’une TVA « anti-délocalisation »…
M. Albéric de Montgolfier. C’est la même chose !
M. Richard Yung. En tout cas, cela montre qu’il ne s’agit ni d’une politique ni d’une taxe clairement définies.
M. Richard Yung. Nous avons donc raison d’abolir un outil dont les effets sont mal connus.
M. Alain Néri. C’est une TVA « antisociale » !
M. Richard Yung. On sent bien que le sujet est émotionnel, mais je rappelle qu’il s’agit d’une mesure à 13 milliards d’euros, ce qui n’est tout de même pas rien !
En fait, elle s’analyse comme un transfert des cotisations patronales familiales de l’employeur vers les ménages – ce sont eux qui auraient supporté la plus grande partie ! –, puisque la part couverte par la TVA correspondrait environ à 10,6 milliards d’euros. La majoration des parts patronales et salariales de la CSG aurait, elle, représenté 2,6 milliards d’euros. Je relève d’ailleurs au passage que vous aviez déjà pensé à augmenter la CSG. Curieux, n’est-ce pas ?
L’idée était donc de réduire le coût du travail, d’améliorer la compétitivité et de favoriser l’exportation.
S’agissant de la diminution du coût du travail, je ne suis pas sûr, je l’ai dit, que la mesure se répercuterait intégralement sur les prix de revient. L’expérience de l’Allemagne et de la Grande-Bretagne montre que, pour l’essentiel, une augmentation du taux de TVA se répercute sur les prix de vente et constitue donc une mesure inflationniste. Quant aux effets sur la compétitivité, ils sont extrêmement faibles.
On sait que le coût du travail représente de 20 % à 40 % du prix de revient des produits dans les secteurs concernés. À une baisse de l’ordre de 10 milliards d’euros correspondrait donc une baisse du prix de revient de 0,4 % à 0,6 %, soit un taux inférieur à 1 %. Autrement dit, l’effet sur le prix de revient industriel serait extrêmement faible.
Pour améliorer la compétitivité, le coût du travail doit évidemment être considéré, mais il y a bien d’autres éléments à prendre en compte. J’ai évoqué l’innovation, la recherche. Pensons aussi à la taille des entreprises.
L’un des grands problèmes de la France est l’absence d’entreprises de « milieu de gamme ». Ces entreprises de 500 à 1 500 salariés, qui fabriquent des produits de très haute qualité, qui investissent dans la recherche et qui exportent, font la force de pays comme l’Allemagne ou la Suisse. Or permettez-moi de vous dire que c’est un problème dont vous ne vous êtes pas beaucoup occupé au cours des dix dernières années !
Les relations sociales constituent un autre élément fondamental de la compétitivité. Or on sait très bien qu’en France le dialogue social est faible et qu’il y a des blocages. C’est un élément sur lequel nous voulons, nous, avancer. C’est pourquoi le dialogue qui s’est noué lors de la conférence sociale, voilà trois semaines, doit continuer.
Voilà brièvement rappelées les principales raisons qui justifient la suppression de l’augmentation de 1,6 point du taux de TVA.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, sur l’article.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cet article 1er est totalement paradoxal au regard de l’actualité dramatique que connaissent, notamment, le secteur automobile et les sous-traitants de ce secteur.
La première urgence du Gouvernement devrait être d’alléger immédiatement le coût du travail. La France est en effet confrontée à un problème majeur, celui du coût du travail, principal handicap de notre économie.
Nous sommes confrontés à un paradoxe terrible : nous avons des salaires finalement extrêmement faibles et un coût du travail élevé du fait des charges. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
L’article 1er du projet de loi de finances rectificative va casser la compétitivité de nos entreprises. Il est, sans jeu de mots, à contre-emploi. Il constitue de mon point de vue une faute économique et, si l’abrogation de la hausse du taux de TVA doit être, en plus, remplacée par une augmentation de la CSG l’année prochaine, c’est d’une double faute qu’il s’agit !
Oui, la TVA sociale est le seul système aujourd’hui capable de rétablir un équilibre concurrentiel en taxant les entreprises qui ont choisi de produire à l’étranger et donc de ne pas contribuer au financement de la protection sociale !
Plusieurs sénateurs du groupe CRC. Pas du tout !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est un aspect dont vous ne parlez pas. C’est pourtant le cœur du sujet !
L’objectif de la TVA sociale, c’est de transférer vers la consommation une partie du financement de la protection sociale assurée par les entreprises, notamment via le coût du travail. Cela permettrait de baisser les coûts de production chez nous et de les augmenter pour les importateurs. Je ne vois pas comment vous pouvez refuser un tel système !
M. Alain Néri. Les Français vous ont dit non !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. La TVA « compétitivité » est une réponse structurelle à la crise et à la montée du chômage. Elle permettrait de lutter contre les délocalisations et, surtout, de protéger l’emploi, et pas n’importe quel emploi : celui des ouvriers, des employés, en fait de ceux qui sont le plus exposés à la mondialisation.
Tel n’est pas votre choix. Au lieu de vous acharnez sur l’action de l’ancien gouvernement, dites-nous vraiment pourquoi vous refusez cette TVA « compétitivité ».
M. Alain Néri. Parce qu’elle est injuste !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ni dans la discussion générale ni dans les prises de parole sur cet article, je ne vous ai entendu dire quoi que ce soit là-dessus. Je veux tout de même rappeler que la TVA « compétitivité » que vous voulez supprimer ne concerne que les produits taxés à 19,6 %, dont 75 % sont des produits importés. C’est là qu’est le problème ! Seule votre attitude idéologique explique cette décision.
Mme Annie David. Vous en connaissez un rayon !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous êtes davantage mus, et je le regrette, par la volonté de faire table rase de l’ère Sarkozy que par celle d’apporter de véritables solutions économiques à notre pays. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Si nous avions eu à augmenter la CSG, ce qui n’était pas le cas dans l’équilibre concurrentiel que nous voulions, et que nous l’avions fait, je suis sûre que vous seriez en train de nous dire qu’il ne fallait pas le faire et c’est une augmentation de la TVA que vous prôneriez !
Votre seule motivation est de faire table rase de l’ère Sarkozy. Vous êtes dans l’idéologie pure, et c’est ahurissant !
Le 14 juillet, le Président de la République a exprimé le souhait d’ouvrir le débat sur la compétitivité, que vous le vouliez ou non. Vous, contrairement à lui, vous n’en parlez pas.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. On vient d’en parler !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je lis partout, notamment dans les journaux, qu’il faut comprendre que la question de la CSG peut être posée. Sur ce plan aussi, je voudrais vous entendre, mais rien du tout !
Il y a donc deux discours, celui du Président de la République, dans sa tour d’ivoire à l’Élysée, et celui que vous tenez, vous, sa majorité, dans lequel vous ne parlez pas des vrais problèmes. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
La conférence sociale – parce qu’une conférence sociale a été organisée – a clairement montré que tout le monde était d’accord sur un point : le travail ne peut plus supporter la totalité de la protection sociale.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. On l’a toujours dit !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Pour nous, la TVA était bien mieux que la CSG : elle servait à cela.
C’est faire preuve d’un manque de lucidité économique terrible que de vouloir supprimer la TVA « compétitivité ». Dans ce dossier, je regrette vivement votre silence sur le fond des choses ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot, sur l’article.
M. Jacques Gillot. Je saisis l’opportunité de la discussion de la mesure abrogeant la TVA dite « sociale » et maintenant l’allègement partiel des cotisations patronales familiales en outre-mer pour exprimer ma satisfaction.
Les populations d’outre-mer sont globalement concernées par le projet de loi de finances rectificative de redressement des comptes publics que nous examinons aujourd’hui. Elles participent aux efforts de réduction du déficit public. Les mesures spécifiques visant les ultramarins seront abordées, je l’espère, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013, afin de mettre en œuvre les engagements en faveur des outre-mer pris par le chef de l’État lors de la campagne présidentielle.
Monsieur le ministre délégué, je tiens à rappeler la forte adhésion des ultramarins aux 30 engagements pour les outre-mer du Président de la République. Ces engagements, que nous, élus, avons fortement soutenus, témoignent de la bonne compréhension des difficultés structurelles auxquelles doivent faire face nos territoires ; ils prévoient par ailleurs un certain nombre de solutions appropriées.
Nos difficultés économiques et sociales ne sont cependant pas une fatalité. Des réponses existent, qui ne sont pas uniquement budgétaires.
Les engagements du chef de l’État et la bonne connaissance des dossiers du ministre des outre-mer sont des atouts non négligeables pour trouver ensemble des solutions dans l’esprit de concertation qui anime ce nouveau gouvernement. En effet, il est tout à fait possible de corriger certains dysfonctionnements, indépendamment des moyens financiers qui sont octroyés à nos territoires. Nous en avons un exemple avec la récente baisse des tarifs de téléphonie mobile en outre-mer ou avec les mesures de lutte contre la vie chère, qui visent à rendre plus transparente la formation des prix – anormalement élevés – dans nos territoires et à réguler certains abus de position dominante.
En revanche, d’autres solutions passent nécessairement par un soutien budgétaire et financier de la part de l’État.
Les outre-mer doivent et veulent contribuer à l’effort national de redressement, mais celui-ci doit être justement proportionné. Ainsi, monsieur le ministre délégué, en matière de logement social, quelle articulation budgétaire sera décidée entre la ligne budgétaire unique, la LBU, et la défiscalisation ? Pouvez-vous aujourd’hui nous rassurer sur la sanctuarisation de la LBU pour le financement du logement social, ainsi que s’y est engagé notre candidat à l’élection présidentielle ? (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.) Aujourd’hui, 22 000 familles attendent un logement social en Guadeloupe.
Le montant de la défiscalisation, outil essentiel pour le financement des économies ultramarines, a subi de sévères coups de rabot lors de la précédente législature. Ce montant sera-t-il maintenu, comme l’a annoncé le nouveau chef de l’État ?
À côté de la lutte contre la vie chère s’impose la lutte contre les inégalités sociales, criantes sur nos territoires : échec scolaire, chômage de masse, notamment chez les jeunes… Notre jeunesse attend beaucoup du changement annoncé. Quelle sera la part des contrats de génération, d’emplois d’avenir et des contrats de professionnalisation qui sera réservée à nos jeunes ?
Enfin, un signal fort a été adressé par le Premier ministre à l’ensemble des conseils généraux face au reste à charge astronomique auquel ils sont confrontés depuis plusieurs années, du fait des transferts successifs de compétences insuffisamment compensés par les précédents gouvernements. Les conseils généraux des outre-mer jouent un rôle d’amortisseur social, au regard de l’importante demande sociale, et ce, de façon encore plus accrue que dans l’Hexagone. Au conseil général de Guadeloupe, par exemple, ce reste à charge cumulé depuis 2002 s’élève à 440 millions d’euros.
Nous espérons bénéficier prochainement des mesures d’urgence promises pour les départements par le Premier ministre.
Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous nous assurer que les engagements forts pris par le Président de la République en faveur de nos territoires bénéficieront d’une traduction budgétaire à la hauteur de l’ambition affichée lors de la campagne présidentielle ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis. Chers collègues de l’opposition, le ton étant redevenu calme dans cet hémicycle, je veux rappeler, hors de toute polémique, que vous aviez certainement raison, lorsque, au mois de février 2011, vous souteniez M. Baroin, qui affirmait qu’« il faudrait un effort très conséquent d’augmentation de la TVA pour que cela ait un impact, au moins 5 points probablement » et qui en craignait alors « les conséquences dramatiques sur notre activité économique ».
Vous aviez également raison lorsque vous approuviez M. Estrosi, qui estimait l’augmentation de la TVA « dangereuse pour notre croissance, pour le pouvoir d’achat des Français ». (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.)
Vous aviez encore raison de soutenir Jean-François Copé, qui disait qu’« un tel transfert n’est pas sans danger dans notre pays, où la croissance est largement portée par la consommation. D’autant plus que cela éroderait le pouvoir d’achat ».
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !
M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis. Vous aviez à nouveau raison d’approuver Xavier Bertrand selon qui « une hausse de la TVA pour tous les Français n’est certainement pas la solution pour abaisser le coût du travail ».
Et nous sommes certainement ici encore quelques-uns à nous souvenir de cet ancien ministre de l’économie et des finances qui démontrait devant la commission des finances du Sénat, le 4 juin 2004, que, si la TVA sociale était mise en œuvre, il en coûterait 0,9 point de croissance à l’économie de notre pays ! Mes chers collègues, vous savez à qui je fais allusion…
Pourquoi ces rappels ? Il ne s’agit pas de provocation ; il s’agit uniquement, madame Des Esgaulx, de montrer que le problème n’est pas si simple, que la question de la TVA sociale ne saurait se réduire à des décisions hâtives ou à des affirmations péremptoires. Permettez-moi de le démontrer en m’inspirant du rapport de Mme Bricq du mois de février dernier et en insistant sur deux points : l’emploi et la compétitivité.
Sous l’angle de l’emploi, on s’aperçoit que deux phénomènes jouent en sens inverse : « d’un côté, la baisse des cotisations patronales crée des emplois, » – c’est vrai ! – « parce que la diminution du coût du travail incite les entreprises à embaucher, soit immédiatement […], soit une fois que l’amélioration de leur compétitivité-prix a accru leur activité. […] ; de l’autre côté, l’augmentation de la TVA détruit des emplois, en raison de son effet dépressif sur l’activité ».
Deux approches de la TVA sociale existent donc : « selon une première conception, la TVA sociale a pour seul objectif de créer le plus d’emplois possible. Il faut alors concentrer les exonérations de charges sur les bas salaires, dont la demande par les entreprises est la plus sensible à leur coût. Le problème est qu’alors les secteurs bénéficiant de la mesure sont pour l’essentiel des secteurs protégés et peu technologiques, et qu’il existe un risque de “trappe à bas salaires” ; selon une deuxième conception, correspondant à la TVA sociale “classique”, » – c’est-à-dire une baisse uniforme des cotisations patronales pour l’ensemble des salaires – « la TVA sociale a pour objectif essentiel de renforcer la compétitivité de l’économie par une forme de dévaluation compétitive. […], le problème étant alors que le nombre d’emplois créés s’en trouve réduit. » Le gouvernement précédent a arbitré en faveur d’une solution de ce type.
Sous l’angle de la compétitivité, quelle est la situation actuelle de notre pays ?
Je cite à nouveau le rapport de Mme Bricq : « L’indicateur le plus pertinent pour évaluer l’évolution de la compétitivité de la France est celle de sa part dans les exportations mondiales ou dans celles des États de la zone euro. […] Le rapport annuel de la Commission européenne, publié le 14 février 2012 dans le cadre de la “procédure d’alerte”, montre que la France a connu une évolution plus défavorable que celle de la plupart des États de la zone euro. […] Avec une diminution de 19,4 % de ses parts de marchés mondiales à l’exportation au cours des cinq dernières années, la France est l’État de la zone euro le plus mal placé après la Grèce. »
Personne ne fera porter au seul gouvernement actuel la responsabilité de cette situation, pas plus que nous ne saurions nous en satisfaire. Quel que soit le gouvernement, nous avons en effet tous à cœur de défendre l’intérêt de notre pays.
Reste que, sur le fondement de ce constat, le débat qui nous occupe est bien celui de la compétitivité-prix et de la compétitivité hors coût. Je ne reprendrai pas à cet égard les propos éloquents et complets de M. le ministre délégué chargé du budget sur ce sujet. Je rappellerai simplement que, dans le dispositif imaginé par le précédent gouvernement, sur les 13,2 milliards d’euros de baisses des cotisations sociales, seulement 25 % – un quart ! – bénéficiait au secteur de l’industrie. En d’autres termes, les trois quarts de ces allégements de cotisations patronales profitaient à des activités protégées, absentes de la compétition internationale. Voilà qui affaiblit significativement votre argumentation en faveur de cette TVA !
Oui, mes chers collègues, la compétitivité est un problème qui nous concerne tous ! Aujourd’hui, la compétitivité-prix joue en faveur de la Chine et des pays asiatiques, et nous n’avons en ce domaine aucun espoir de retrouver un équilibre. Mais elle s’exerce beaucoup moins dans le monde manufacturier ou dans le monde de l’industrie, et notamment dans les pays européens avec lesquels nous commerçons.
C’est donc sur la compétitivité hors coût qu’il nous faut à l’avenir porter l’effort : dans le domaine de la recherche, de l’innovation et du développement. Et, pour cela, il nous faut fixer comme objectif d’élever l’investissement total en recherche et développement dans notre pays de 2 points à 3 points de PIB.
Aujourd’hui, lorsqu’un Français dispose d’un budget de 50 000 euros et choisit d’acheter une voiture allemande, ce n’est pas parce que celle-ci est moins chère qu’un véhicule français ou parce que le modèle français est de mauvaise qualité ; il le fait pour des raisons plus complexes. C’est donc bien en intervenant sur les éléments de compétitivité hors coût que nous permettrons que, demain, ce Français préférera acheter français.
Mais chers collègues, notre projet et notre ambition sont de construire une nouvelle fiscalité socialement juste et économiquement efficace.
Cette TVA sociale est défavorable à notre économie et à notre société. Cela a été démontré. Son abrogation constitue donc une première étape nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, sur l’article.
M. Jean-Pierre Caffet. Je ne reviendrai pas sur les noms cités par Yves Daudigny, mais constatez, chers collègues de l’opposition, que, entre février 2010 et mars 2011, tous les responsables de l’ancienne majorité – Yves Daudigny a notamment évoqué Xavier Bertrand – se sont prononcés contre la TVA sociale. Il aura fallu l’influence, dirais-je, du Président de la République pour qu’ils changent d’avis en quelques mois, voire en quelques semaines, et pour que le Parlement adopte cette TVA sociale.
Quel était leur message à l’époque ? Ils mettaient en garde contre une dégradation de la consommation telle qu’elle risquait de nous faire entrer en récession. Franchement, on ne peut pas leur donner tort, car, voyez-vous, chers collègues, une mesure économique n’est pas bonne ou mauvaise dans l’absolu, tout dépend de la conjoncture dans laquelle elle est prise.
Aux chiffres rappelés par Yves Daudigny, je voudrais ajouter ceux cités par Nicolas Sarkozy lorsqu’il était ministre de l’économie et des finances : une augmentation de 1 point de la TVA provoque une diminution de la croissance de 0,9 point ; une baisse des cotisations patronales équivalente provoque une augmentation de la croissance de 0,4 point. Faites la différence : cela représente 0,5 point de décroissance ! Ces chiffres datent de 2004, mais ils sont toujours valables.
Croyez-vous que, à un moment où la croissance a été révisée à la baisse de 0,7 % à 0,3 %, nous puissions nous permettre le luxe de perdre 0,5 point de plus ?
Pensez-vous que la conjoncture soit tellement florissante aujourd’hui que nous puissions nous permettre de faire entrer la France en récession ?
Au-delà de cet argument conjoncturel, que vous devriez prendre en compte, nous pouvons aussi évoquer les problèmes de la compétitivité française, comme M. le ministre l’a fait précédemment. Pour ma part, je ne suis pas convaincu que l’économie française, en tout cas dans l’industrie, ait un problème de compétitivité-prix. Si nous regardons les derniers chiffres donnés par Eurostat, nous nous apercevons que le coût salarial horaire dans l’industrie manufacturière est de 33,16 euros en France, contre 33,37 euros en Allemagne. Il n’y a donc rigoureusement aucun écart !
Mes chers collègues, allons plus loin : si nous prenons l’industrie automobile, les coûts salariaux horaires sont supérieurs de 30 % en Allemagne à ceux que nous connaissons en France.
Mme Annie David. Exactement !
M. Jean-Pierre Caffet. Vous le voyez, ce sont des notions qu’il faut manier avec beaucoup de précaution.
Il se trouve que le commerce extérieur français dans le secteur automobile est particulièrement déficitaire, alors que celui de l’Allemagne est fortement excédentaire. Ce n’est donc pas une question de compétitivité-prix. (M. Philippe Dallier s’exclame.)
Monsieur Dallier, laissez-moi vous exposer mes arguments pour vous faire prendre conscience qu’il faudrait peut-être chercher ailleurs, en tout cas pour ce qui concerne l’industrie…
M. Philippe Dallier. On peut faire les deux !
M. Jean-Pierre Caffet. Peut-être faut-il faire les deux, mais à quel prix ?
Je le répète, faut-il aujourd’hui dégrader la consommation, qui représente un peu moins des deux tiers de la croissance française, au point de faire entrer la France en récession ?
Vous nous dites qu’il faut absolument maintenir la TVA sociale. Je vous réponds que, dans les circonstances actuelles, alors que nous avons révisé la croissance française à la baisse à 0,3 %, ce serait une folie !
Ensuite se poseront les problèmes de compétitivité. Il faudra les regarder avec beaucoup d’attention, mais ne croyez pas qu’avec la TVA sociale vous ayez trouvé le Graal qui va régler tous les problèmes en la matière et faire en sorte que le commerce extérieur français redevienne excédentaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)