M. Christian Bourquin. C’est la réalité !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. À l’inverse, 10 % des Français ont vu leur patrimoine gonfler considérablement durant les dix dernières années, grâce à cette économie spéculative qui a outrageusement déformé le capitalisme. Il faut donc demander à ceux qui ont le plus de moyens, qui se sont le plus enrichis au cours des dix dernières années, d’apporter une contribution supplémentaire. C’est l’une des voies proposées au travers de ce projet de loi de finances, dont il me semble absolument nécessaire de mettre en œuvre le dispositif. C’est pourquoi j’invite le Sénat à rejeter la présente motion tendant au renvoi du texte à la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Je voudrais tout d’abord profiter de cette occasion pour répondre à M. Thierry Foucaud, car j’ai omis de le faire tout à l'heure.
Ce collectif budgétaire ne vise pas à procéder à une quelconque réforme de l’impôt sur le revenu, de l’impôt sur les sociétés ou même de l’ISF. Telle n’est pas son ambition : comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, il a pour finalité de restaurer les comptes publics.
En effet, le rapport de la Cour des comptes l’a montré, les études des services du ministère l’ont confirmé, les expertises réalisées dans les assemblées l’ont mis en évidence : toutes choses égales par ailleurs, il manquerait des ressources par rapport à celles qui avaient été prévues dans les différentes lois de finances initiales ou rectificatives votées sous la majorité précédente si ce collectif devait ne pas être adopté par le Parlement.
Une telle nouvelle est certes désagréable, décevante, mais il me semble que les parlementaires doivent être informés de la réalité de la situation. Le Gouvernement a estimé qu’il n’était pas possible de donner à nos partenaires de la zone euro l’impression que notre pays ne respectait pas la parole donnée. Cela étant, monsieur Foucaud, les sujets que vous avez évoqués seront bien entendu amplement abordés dans le cadre de l’élaboration de la prochaine loi de finances initiale.
J’en reviens à la motion tendant au renvoi du texte à la commission. Avec l’honnêteté intellectuelle qu’on lui connaît, M. Arthuis a fait part de sa perplexité à l’égard des motions de procédure. Ce sentiment est peut-être l’un des mieux partagés parmi les parlementaires de l’opposition – je l’ai été pendant quelques années – appelés à en défendre une. En effet, il s'agit alors de convaincre une assemblée, dont la majorité est a priori peu sensible à l’argumentation développée, que le texte soumis par le Gouvernement doit être soit rejeté, soit renvoyé à la commission.
En l’occurrence, le Gouvernement ne souhaite évidemment pas que ce projet de loi de finances rectificative soit renvoyé à la commission, monsieur Arthuis, car je ne vois pas en quoi cela permettrait de mieux répondre aux objections que vous avez soulevées et qui, d'ailleurs, n’ont que peu à voir avec le texte.
Cette motion – l’exercice est traditionnel pour un parlementaire de l’opposition – vise en réalité moins à critiquer le texte lui-même qu’à développer un sujet qui semble important à son auteur.
M. Arthuis a estimé que l’amélioration de la compétitivité de notre économie devait prévaloir sur toute autre considération. Je conçois l’importance de cette question et je partage son souci de voir notre pays restaurer une compétitivité qui s’est fortement dégradée ces dernières années.
Ce n’est pas mettre quiconque en accusation que de relever que notre balance commerciale a enregistré un déficit de 70 milliards d'euros l’an dernier, alors qu’elle était excédentaire en 2001 et équilibrée en 2003. Cela conduit simplement à constater que si l’ambition des gouvernements qui se sont succédé ces dix dernières années était de restaurer notre compétitivité et si celle-ci doit se juger à l’aune des comptes du commerce extérieur, alors l’objectif n’a pas été atteint, probablement parce que les mesures prises n’étaient pas les bonnes.
De ce point de vue, persister dans l’analyse selon laquelle notre défaut de compétitivité tiendrait seulement au facteur prix serait à mon sens une erreur. La situation est un peu plus complexe que cela, me semble-t-il. Notre compétitivité-prix est incontestablement déficiente dans certains secteurs ; je pense en particulier à l’industrie agroalimentaire. Elle est probablement en partie handicapante dans les services, mais ce n’est peut-être pas le cas dans l’industrie, le secteur qui, sans doute, a le plus souffert ces dix dernières années, la part de la valeur ajoutée industrielle dans la valeur ajoutée globale du pays étant aujourd'hui plus faible qu’elle ne l’est en Grande-Bretagne. Le précédent Président de la République, Nicolas Sarkozy, affirmait qu’il n'y avait plus d’industrie en Grande-Bretagne : que dire alors de la France, où des centaines de milliers d’emplois ont été détruits dans l’industrie ?
Les gouvernements de ces dix dernières années portent sans doute une part de responsabilité dans cette situation catastrophique, mais ceux qui les ont précédés sont-ils pour autant exempts de tout reproche ? Probablement pas. Je peux concevoir l’agacement des parlementaires de l’opposition quand la majorité rappelle le bilan des gouvernements qu’ils ont soutenus. Mais c’est là un exercice convenu, il ne faut y voir ni malice ni mauvaise manière.
Sur le fond, monsieur Arthuis, je vous en donne acte, nous avons incontestablement un problème de compétitivité, et pas seulement en termes de prix. En effet, on peut même penser qu’il n'existe pas de problème de compétitivité-coût dans l’industrie. Je vous renvoie sur ce point au rapport que l’INSEE a publié voilà quelques mois ; il a été cosigné par l’ancien directeur de cabinet du ministre du budget d’un précédent gouvernement, un homme peu suspect de partialité.
En revanche, dans le secteur automobile, si notre compétitivité-prix est comparable sinon identique à celle de l’Allemagne, nous proposons des produits d’une gamme et d’une qualité inférieures.
Nous avons également un problème d’organisation à l’export : alors que l’Allemagne ne compte qu’un seul organisme chargé d’aider ses entreprises à exporter, nous en avons plusieurs, dont le fonctionnement nous coûte d'ailleurs chaque année beaucoup d’argent.
Dans le même ordre d’idées, nos politiques de l’emploi n’ont pas contribué à améliorer la compétitivité industrielle. Tandis que les Allemands ont décidé de subventionner le travail partiel à hauteur de près de 5 milliards d'euros, notre pays a – puis-je le rappeler ? – financé pour le même montant le recours aux heures supplémentaires. Les Allemands ont incontestablement une industrie plus puissante que la nôtre, tant il est vrai que garder des salariés dans une entreprise, c’est conserver un savoir-faire, une expérience, une culture, ce qui permet, quand la croissance revient, de répondre d’emblée à la demande. En revanche, une entreprise dont les dirigeants avaient jugé préférable de licencier tout en recourant aux heures supplémentaires – car c’est bien cela qui s’est passé – doit d’abord réembaucher, former son nouveau personnel, recréer une capacité d’expertise et de fabrication. Tout cela prend du temps !
Ainsi, l’Allemagne a bénéficié à plein de la reprise en 2010. En effet, ses salariés étaient prêts à répondre tout de suite à la demande. En France, en revanche, il a fallu d'abord embaucher, former, ce qui a retardé l’entrée en compétition de nos entreprises.
La question de la compétitivité mérite un débat spécifique. Le Gouvernement et la majorité qui le soutient ne s’y refusent nullement : nous aurons ce débat.
Nous reprocher de ne pas faire en un ou deux mois, au cœur de l’été, ce que vous n’avez pas fait en dix ans est certainement de bonne méthode politique, mais convenez que c’est tout de même excessif. Nous devons tous savoir faire preuve de bonne foi !
M. Alain Fauconnier. Excellent !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, l’objectif qui sous-tend le présent projet de loi de finances rectificative peut certes paraître exagérément limité à certains, mais renvoyer ce dernier à la commission ne réglerait rien, quel que soit le talent des membres de la commission des finances. Je crois qu’il est temps d’examiner ce texte. C'est pourquoi le Gouvernement demande par ma voix à la Haute Assemblée de rejeter cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Michel Delebarre. Très bien !
M. le président. Je rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.
Je mets aux voix la motion n° 150, tendant au renvoi à la commission.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l’une du groupe UCR, l’autre du groupe socialiste.
Je rappelle que la commission a émis un avis défavorable sur cette motion, de même que le Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 118 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l’adoption | 158 |
Contre | 176 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Nous passons à la discussion des articles.
PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I. – IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS
Article 1er
I. – L’article 2 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012 est ainsi modifié :
A. – Le I, le IV, le 2° du D du V, le VIII et les B, D et E du IX sont abrogés ;
B. – Le A du IX est ainsi rédigé :
« A. – Le A du VII s’applique à compter du 1er janvier 2013. »
II. – Le code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l’article 2 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012, est ainsi modifié :
A. – Au 3° de l’article L. 241-2, le taux : « 5,38 % » est remplacé par le taux : « 5,75 % » ;
B. – Le II de l’article L. 245-16 est ainsi modifié :
1° Au quatrième alinéa, le taux : « 1,2 % » est remplacé par le taux : « 2,9 % » ;
2° Au dernier alinéa, le taux : « 2 % » est remplacé par le taux : « 0,3 % » ;
C. – L’article L. 241-6 est ainsi modifié :
1° Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° Des cotisations proportionnelles à l’ensemble des rémunérations ou gains perçus par les salariés des professions non agricoles ; des cotisations forfaitaires peuvent être fixées par arrêté ministériel pour certaines catégories de travailleurs salariés ou assimilés ; ces cotisations proportionnelles et forfaitaires sont intégralement à la charge de l’employeur ; »
2° Au 3°, après le mot : « personnes », sont insérés les mots : « salariées et » et les mots : « du régime agricole » sont remplacés par les mots : « des régimes agricoles » ;
3° Le 9° est abrogé ;
D. – L’article L. 241-6-1 est abrogé ;
E. – L’article L. 241-13 est ainsi modifié :
1° Au I, après le mot : « sociales », sont insérés les mots : « et des allocations familiales » ;
2° Au quatrième alinéa du III, les mots : « la somme des taux des cotisations patronales dues au titre des assurances sociales » sont remplacés par le coefficient : « 0,281 » ;
3° Au dernier alinéa du même III, les mots : « par décret dans la limite de la valeur maximale définie ci-dessus » sont remplacés par les mots : « à 0,26 » ;
F. – Au premier alinéa de l’article L. 131-7, la date : « 1er octobre 2012 » est remplacée par la date : « 1er janvier 2011 » ;
G (nouveau). – Le second alinéa de l’article L. 755-2 est supprimé.
III. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
A. – L’article L. 741-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 741-3. – Les cotisations prévues à l’article L. 741-2 sont calculées, selon des modalités fixées par décret, en pourcentage des rémunérations soumises à cotisations d’assurances sociales des salariés agricoles. » ;
B. – À l’article L. 741-4, après le mot : « articles », est insérée la référence : « L. 241-13, ».
IV. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
A. – À la fin de l’article 278, le taux : « 21,20 % » est remplacé par le taux : « 19,60 % » ;
B. – Le 1 du I de l’article 297 est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa du 5°, le taux : « 8,7 % » est remplacé par le taux : « 8 % » ;
2° Au début du premier alinéa du 6°, le taux : « 14,1 % » est remplacé par le taux : « 13 % » ;
C. – Le I bis de l’article 298 quater est ainsi modifié :
1° Au 1°, le taux : « 4,73 % » est remplacé par le taux : « 4,63 % » ;
2° Au 2°, le taux : « 3,78 % » est remplacé par le taux : « 3,68 % » ;
D. – Le tableau du deuxième alinéa de l’article 575 A est ainsi rédigé :
« |
Groupe de produits |
Taux normal |
|
Cigarettes |
64,25 % |
||
Cigares |
27,57 % |
||
Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes |
58,57 % |
||
Autres tabacs à fumer |
52,42 % |
||
Tabacs à priser |
45,57 % |
||
Tabacs à mâcher |
32,17 % |
» |
V. – Le dernier alinéa du I de l’article L. 1615-6 du code général des collectivités territoriales est supprimé.
VI. – Le 3° du II de l’article 53 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 est ainsi rédigé :
« 3° La taxe sur la valeur ajoutée brute collectée par les producteurs de boissons alcoolisées ; ».
VII. – A. – Le C du IV s’applique à compter du 1er janvier 2012.
B. – Le A du II s’applique à compter du 1er janvier 2013 aux sommes déclarées par les assujettis au titre des périodes ouvertes à partir de cette date.
C. – Pour l’année 2012, le 3° de l’article L. 241-2 du code de la sécurité sociale s’applique dans sa rédaction en vigueur au 1er janvier 2012.
D. – Le B du II s’applique :
1° Aux revenus du patrimoine mentionnés à l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale perçus à compter du 1er janvier 2012 ;
2° Aux produits de placements mentionnés au I de l’article L. 136-7 du même code payés ou réalisés, selon le cas, à compter du 1er janvier 2013 et à ceux mentionnés au II du même article pour la part de ces produits acquise et, le cas échéant, constatée à compter du 1er janvier 2013.
E. – Pour les produits de placements mentionnés au I de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale payés ou réalisés, selon le cas, du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2012 et pour ceux mentionnés au II du même article pour la part de ces produits acquise et, le cas échéant, constatée du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2012, le produit des prélèvements mentionnés au I de l’article L. 245-16 du même code est ainsi réparti :
1° Une part correspondant à un taux de 0,3 % au fonds mentionné à l’article L. 135-1 du même code, dont une part correspondant à un taux de 0,2 % à la section mentionnée à l’article L. 135-3-1 dudit code ;
2° Une part correspondant à un taux de 1,3 % à la Caisse d’amortissement de la dette sociale ;
3° Une part correspondant à un taux de 2,2 % à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés ;
4° Une part correspondant à un taux de 0,6 % à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés ;
5° Une part correspondant à un taux de 1 % à la Caisse nationale des allocations familiales.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi, à cet instant, d’en appeler au respect. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Néri. Mutuel !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En effet, mon cher collègue, vous parlez d’or !
M. Christian Bourquin. N’enflammez pas le Sénat ! Nous sommes calmes !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Les débats ne seront utiles et intéressants que si nous savons nous modérer. Évitons les procès d’intention ; en particulier, messieurs les ministres, évitez de caricaturer l’action de vos prédécesseurs.
Chacun a droit au respect, en particulier celles et ceux qui, pendant cinq ans, aux prises avec une crise imprévisible, ont œuvré comme ils ont pu. Messieurs les ministres, faites preuve d’un peu de charité, de compréhension envers vos prédécesseurs ; ils le méritent. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Dans quelques mois, c’est peut-être vous qui demanderez de la compréhension et du respect : on ne sait pas ce qui peut se passer…
Mes chers collègues, nous sommes ici au Sénat, et non à l’Assemblée nationale. Dans notre assemblée, il est de coutume de prendre un peu de distance par rapport au sujet abordé, et même par rapport au Gouvernement. Cela fait partie de sa culture.
Mme Catherine Troendle. Tout à fait !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à l’heure, les membres de l’opposition sénatoriale, qui soutenaient bien entendu le précédent gouvernement, ont été assimilés à ce dernier. Or chacun d’entre nous a sa liberté de langage et son indépendance d’esprit.
Jean Arthuis, au cours de son excellente présentation de la motion tendant au renvoi à la commission, a évoqué toute une série de sujets sur lesquels le Sénat a beaucoup travaillé, sans être suffisamment écouté, ni par les uns ni par les autres. C’est un peu notre marque de fabrique que de traiter les sujets au fond, en essayant de prendre un peu de distance par rapport aux événements. Je souhaite que nous y parvenions une fois de plus au cours de ce débat, en maîtrisant nos confrontations pour qu’elles puissent être honnêtes, lisibles et utiles à celles et ceux qui suivent nos débats. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, sur l'article.
Mme Fabienne Keller. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les nombreuses annonces de restructurations et de plans sociaux – PSA Peugeot-Citroën, Air France, Bouygues Télécom, SFR, Arcelor-Mittal, Sanofi, BNP Paribas, Société générale, etc. – nourrissent régulièrement l’actualité nationale : quelque 45 000 emplois seraient menacés sur notre territoire.
Depuis quelques années, les entreprises françaises sont en difficulté face à la concurrence non seulement des pays émergents, mais également des pays européens, en particulier de l’Allemagne ou des pays d’Europe centrale et orientale.
Monsieur le ministre chargé du budget, j’y insiste, de nombreux rapports indiquent que l’allégement du coût du travail est l’un des leviers d’action pour soutenir nos entreprises. Je ne méconnais pas la nécessité d’encourager l’innovation, de mettre en place une meilleure organisation à l’exportation, de développer la formation, mais il n’en demeure pas moins que le coût du travail est un facteur déterminant.
Aux termes du rapport de la Cour des comptes de mars 2011, alors que le coût du travail était plus bas en France qu’en Allemagne voilà dix ans, l’évolution des coûts salariaux a depuis été défavorable à la compétitivité de notre pays.
Nous connaissons le problème posé par le poids de l’ensemble des prélèvements obligatoires. Ainsi, pour un même coût du travail de 4 000 euros par mois, une entreprise française paie 1 200 euros de charges patronales, une entreprise allemande 700 euros seulement.
Les marges des entreprises françaises sont ainsi les plus faibles d’Europe, ce qui ne leur permet ni de gagner des parts de marché, ni d’investir dans la recherche et l’innovation pour favoriser leur compétitivité hors prix, ni de recruter de nouveaux salariés.
Comme l’a brillamment rappelé Jean Arthuis tout à l’heure, c’est pour remédier à cette situation que la « TVA compétitivité » avait été adoptée au mois de février dernier. Elle devait entrer en application le 1er octobre prochain. L’augmentation de 1,6 point du seul taux normal de TVA devait servir à financer une baisse de plus de 13 milliards d’euros des charges familiales patronales. Elle n’aurait eu qu’un effet très limité sur les prix des produits alimentaires et de consommation courante, les taux réduits de TVA n’étant pas affectés. De surcroît, cet effet aurait été encore atténué par la déflation des prix des produits importés.
Cette mesure avait bien comme finalité de répondre à deux défis majeurs pour la France : aider nos entreprises à être plus compétitives et favoriser l’emploi sur notre territoire.
En abaissant les charges patronales qui pèsent sur le coût du travail, le dispositif devait permettre des créations d’emplois bienvenues au moment où le chômage touche près de 3 millions de personnes.
Soutenir nos entreprises de manière pérenne en leur permettant d’être compétitives constitue tout simplement un enjeu vital pour la France, la croissance et l’emploi.
Messieurs les ministres, quelle mesure alternative comptez-vous mettre en place afin d’engager la réduction des charges qui affectent le coût du travail et de restaurer ainsi l’indispensable compétitivité de nos entreprises ? Il vous faudra prendre les décisions qui s’imposent devant l’urgence de la situation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UCR.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l'article.
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, tour à tour présentée comme une « TVA sociale », une « TVA compétitivité » et enfin une « TVA anti-délocalisations », le dispositif que tend à supprimer l’article 1er n’était, en réalité, qu’une TVA à injustice renforcée.
Personne n’ignore que, par nature, la TVA est un impôt injuste : en raison de sa non-progressivité, elle pèse plus lourdement sur les ménages modestes que sur les plus fortunés de nos concitoyens.
Selon l’économiste Yves Housson, « la TVA avale 8 % du revenu d’un smicard en moyenne, mais seulement 4 % du revenu des 10 % de Français les plus riches ». Cela s’explique notamment par le fait que ces derniers, contrairement aux autres, disposent de plus grandes capacités d’épargne, qui échappent à la TVA.
La hausse de la TVA instaurée par Nicolas Sarkozy aurait donc mécaniquement entraîné une perte importante de pouvoir d’achat et enclenché ainsi un cercle vicieux d’appauvrissement de la population, de baisse de la consommation et de réduction de l’emploi.
La rapporteure de la commission des affaires sociales pour la famille que je suis n’oublie d’ailleurs pas que cette augmentation n’était, en réalité, que la contrepartie d’une baisse massive des cotisations patronales finançant la branche famille.
Sous prétexte d’alléger un coût du travail prétendument trop élevé, Nicolas Sarkozy avait fait droit à la demande récurrente du MEDEF de transférer 11 milliards d’euros de charges des entreprises vers les ménages. Cet effort aurait été supporté par celles et ceux qui souffrent déjà actuellement d’une crise économique qui n’en finit plus, alors que, dans le même temps, les actionnaires continuent à se partager des dividendes toujours plus importants et que les dirigeants des entreprises bénéficient de bonus, de retraites chapeaux ou d’attributions gratuites d’actions, toutes rémunérations indécentes au regard de la situation actuelle.
Cette réduction de 11 milliards d’euros des cotisations patronales accordée sans aucune contrepartie en matière de création ou de maintien d’emplois, de salaires, de diminution du précariat n’aurait servi en fait qu’à grossir la part de la valeur ajoutée destinée à la finance et aux spéculateurs. Dans le même temps, la rémunération indirecte des salariés se serait trouvée réduite… C’était en quelque sorte Robin des Bois à l’envers !
Il s’agissait d’une opération injuste, dangereuse pour l’économie et pour le devenir même de la branche famille. Les comptes de cette dernière auraient été durablement plongés dans le rouge, la hausse de la CSG, elle aussi supportée essentiellement par les ménages, ne suffisant pas à compenser la diminution des cotisations patronales. Ainsi aurait d’ailleurs été justifiée la concentration des actions de la branche famille sur la seule distribution des allocations familiales, exigée par le MEDEF depuis des décennies. Une nouvelle fois, des mécanismes de solidarité en faveur des plus fragiles auraient été détruits.
Chers collègues de l’opposition, nous nous soucions nous aussi de la compétitivité des entreprises. Cependant, la recherche de son amélioration doit passer non par la réduction des salaires – un autre pays dans le monde aura toujours un coût du travail inférieur au nôtre –, mais par le desserrement de l’emprise de la finance sur les entreprises.
Afin de réduire cette emprise toujours plus forte, nous formulons deux propositions. Tout d’abord, nous préconisons la création d’un pôle public financier qui permettrait aux entreprises, singulièrement aux PME, aux entreprises innovantes ou à celles qui investissent dans la recherche, d’emprunter à des taux supportables. Nous prônons ensuite l’instauration d’une modulation du taux des cotisations sociales en fonction de la politique salariale des entreprises : celles qui embauchent, qui privilégient l’emploi de qualité et un bon niveau de salaires bénéficieraient d’un taux nettement inférieur à celui qui s’appliquerait aux trop nombreuses entreprises faisant primer systématiquement les intérêts des actionnaires sur ceux des salariés. Voilà comment desserrer l’étau financier qui étrangle les entreprises et assurer à celles-ci une réelle compétitivité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)