Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ça, c’est la facilité !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’entends déjà ce que certains diront : lever des recettes supplémentaires relèverait d’une facilité condamnable. Mais, cette année, les prélèvements obligatoires augmenteront de 1,1 point de PIB, soit d’un peu plus de 20 milliards d’euros.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Attendez de nous entendre ! Ne faites pas les questions et les réponses !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement auquel j’appartiens propose au Parlement de voter 7,2 milliards d’euros de recettes supplémentaires sur ce 1,1 point de PIB. Cela signifie que, sur cette hausse, 15 milliards d’euros d’impôts ont déjà été décidés par le gouvernement précédent et votés par l’ancienne majorité. Bref, cette année, un tiers de l’augmentation des prélèvements obligatoires résultera d’une demande au Parlement du gouvernement actuel, tandis que les deux autres tiers tiennent à la décision du gouvernement précédent et de la majorité précédente.
M. Michel Delebarre. Eh oui !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Finalement, l’actuelle majorité demandera moitié moins que la précédente. J’attends de la part des parlementaires de l’opposition…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Justement, attendez monsieur le ministre !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … qu’ils émettent à l’égard du Gouvernement auquel j’appartiens la moitié des critiques qu’ils ont pu asséner au gouvernement précédent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l'UMP.) Il me semble que, parfois, arithmétique et bonne foi doivent se côtoyer…
En tout cas, j’espère que les chiffres que j’ai fournis ne seront pas contestés. À défaut, j’en viendrai à citer la loi de règlement et le rapport de la Cour des comptes, qui ne sont remis en cause par personne.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Si vous faites les questions et les réponses, le débat est inutile !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. En revanche, on peut débattre des mesures proposées dans le présent projet de loi de finances rectificative. En l’espèce, l’alternance prend tout son sens, dans la mesure où les dispositions soumises au Parlement ne se situent pas, c’est évident, dans la ligne de celles qu’avait suggérées le précédent gouvernement. Toutefois, pour certaines d’entre elles, l’on peut noter une certaine continuité.
Ainsi, la taxe sur les transactions financières, dont le doublement du taux est proposé au Parlement, conserve la même assiette que celle qu’a retenue la précédente majorité.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mais elle est beaucoup trop petite !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. De surcroît, afin que les engagements du gouvernement précédent soutenus par certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, soient respectés, il vous est proposé de doubler le taux de cette taxe, dont le rendement ne s’est pas révélé à la hauteur des espérances affichées.
M. Francis Delattre. Parlez du gouvernement actuel !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’espère que cette proposition ne soulèvera pas trop d’opposition, sinon chacun conviendra que cette opposition est purement politique.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Parlez-nous de vos projets et laissez l’opposition s’exprimer !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Nous nous inscrivons dans la continuité également lorsqu’il s’agit d’avancer au profit de l’État la perception de la surtaxe au titre de l’impôt sur les sociétés. L’assiette tout comme le taux, votés par la majorité précédente, demeureront les mêmes. Je peux comprendre la critique selon laquelle versée en 2012, cette surtaxe ne pourra pas l’être en 2013. Mais l’objet même de cet impôt, à savoir garantir le rétablissement des finances publiques, pourrait faire consensus.
D’autres dispositions, bien évidemment, s’inscrivent en rupture avec celles qu’a adoptées la majorité précédente.
M. Roger Karoutchi. Sinon, pourquoi les proposer ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Qui pourrait s’en indigner d’ailleurs ? L’alternance politique assez nette, voulue à deux reprises par les Français, lors des élections présidentielle et législatives, et peut-être plus nettement d’ailleurs, selon certains, lors de la deuxième échéance (M. Roger Karoutchi fait un signe dubitatif.), imposait une autre politique. Si la politique menée jusqu’alors avait satisfait une majorité de nos concitoyens, le vote émis aurait été différent.
Je citerai, d’abord, les mesures relatives aux heures supplémentaires. D’ores et déjà, je devine riche et intense le débat qui se déroulera dans cet hémicycle (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Francis Delattre. Quel progrès ! Ça, c’est une rupture !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ces mesures ne constituent pas une réelle surprise, car, sans discontinuer, pendant cinq ans, l’opposition de l’époque, à laquelle j’appartenais, s’est élevée contre les allégements sociaux attachés aux heures supplémentaires. Comme nous l’avions alors souligné, si de tels allégements n’étaient pas contestables en soi, le contexte économique ne s’y prêtait absolument pas. En période de plein emploi et de croissance économique affirmée, ce n’est pas un mauvais principe que de permettre à certains de tirer des avantages d’un travail supplémentaire qui leur serait demandé, voire imposé par l’employeur, car c’est souvent ainsi que les choses se passent. D’ailleurs, en droit du travail, ces heures ne sont pas négociables par le salarié. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jacques-Bernard Magner. Exactement !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Mais, en période de stagnation ou, pis, de récession, subventionner des heures supplémentaires revient à détruire de l’emploi. (Protestations sur les travées de l'UMP. – Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous livrer à cet égard une comparaison que je crois édifiante. L’Allemagne, elle, a mené une politique rigoureusement inverse à celle de la France. Elle a décidé de mettre en œuvre la politique du Kurzarbeit, du travail réduit. Que les distingués germanistes qui siègent au sein de cette assemblée me permettent cette traduction, moi qui ne suis pas germanophile…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Germanophone, voulez-vous dire ! Mais vous êtes certainement germanophile !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je vous remercie d’avoir apporté cette correction, monsieur le président de la commission des finances.
Donc, germanophile, je suis ; germanophone, je ne suis pas. J’espère que le compte rendu aura bien noté cette précision dont je vous sais gré, monsieur le président de la commission des finances. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
La politique menée en Allemagne fut rigoureusement adverse de la politique menée en France. En Allemagne, le chômage a baissé ; en France, il a augmenté, touchant un million supplémentaire de nos concitoyens. Il ne me semble pas que ce résultat puisse aller au crédit des politiques économiques de la précédente majorité et du précédent gouvernement. Je comprends que ceux qui ont soutenu ce dernier continuent à soutenir les dispositions qu’ils ont votées, mais les faits sont là et ils sont têtus : un million de chômeurs en plus, c’est au moins la marque sinon le témoignage que les politiques économiques ne furent pas adaptées à la dureté des temps.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Dans six mois, on fera votre bilan ! Ne soyez pas trop fiers !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. L’Allemagne, elle, avait su s’adapter. D’autres l’avaient fait moins bien. Sachons tirer les leçons des différences notables entre nos deux pays !
Il est une autre mesure dont l’abolition va être proposée par le Gouvernement. C’est, bien sûr, cette augmentation de la TVA qui a reçu tant de noms : « TVA Sarkozy », « TVA sociale », « TVA anti-délocalisation », « TVA emploi », « TVA compétitivité », « TVA je-ne-sais-quoi » !
La majorité dont je suis l’émanation n’a en tout cas jamais pensé que cette mesure permettrait de traiter la vraie – et difficile – question de la compétitivité des entreprises en France, et cela pour une raison assez simple à propos de laquelle il me semble, là encore, que la bonne foi pourrait tenter de rejoindre l’arithmétique.
Une baisse de 2 % s’appliquant au seul coût du travail, alors que celui-ci ne compte que pour 20 % à 40 % dans le prix du produit fini, signifie en effet au total une baisse du prix du produit fini de 0,4 % à 0,8 %, en une seule fois, de surcroît.
M. Francis Delattre. L’Allemagne l’a fait !
M. Charles Revet. Que proposez-vous ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Comment espérer, mesdames, messieurs les sénateurs, un gain de compétitivité sur les prix en faisant baisser en une fois ceux-ci de 0,4 % à 0,8 %, c'est-à-dire bien moins que ce que les simples progrès de la productivité permettent dans des pays comme l’Allemagne ?
M. Alain Fauconnier. Excellent !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Et je ne parle même pas de pays situés dans d’autres zones que l’Europe…
Comment peut-on imaginer que cette mesure aurait pu par elle-même améliorer la compétitivité de nos entreprises !
En revanche, il est sûr – en tout cas je le crois, même si je sais que cette appréciation peut-être contestée par certains –que la hausse de la TVA aurait conduit à une baisse du pouvoir d’achat. Dès lors que c’est ce qu’estiment en conscience ceux qui émanent de la nouvelle majorité, que l’on sait que la consommation des ménages est la contrepartie de près de 60 % de la croissance économique, que l’on constate que cette dernière est particulièrement faible cette année, il est légitime de revenir sur une mesure qui l’aurait compromise davantage alors que le pays en a, évidemment, besoin.
M. Jacques-Bernard Magner. C’est évident !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il vous sera donc proposé, mesdames, messieurs les sénateurs, de revenir sur une politique publique dont nous ne pensons pas qu’elle aurait amené les résultats que ses promoteurs avaient pu en espérer,…
M. Jacques-Bernard Magner. Elle est dangereuse !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Augmentons donc la CSG ! Tout va bien…
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … mais nous aurons ce débat, car ne croyez pas, les uns et les autres, que la question de la compétitivité des entreprises sera épuisée pour autant : pas plus que tout autre collectif budgétaire présenté au milieu de l’été, le présent collectif ne résume la politique du Gouvernement et moins encore ses ambitions pour la mandature.
Nos institutions sont en effet ainsi faites : pendant les cinq à venir, le pays aura une majorité solide…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ça, on verra !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … et un gouvernement qui émanera de celle-ci, sous la direction d’un Président de la République élu pour cinq ans, dont chacun sait – la Constitution y a pourvu – qu’il est inexpugnable du palais de l’Élysée. Je crois qu’admettre cette situation relève de la sagesse la plus élémentaire, mais, naturellement, cela ne signifie pas que l’opposition doive faire preuve de silence, de modestie…
M. Roger Karoutchi. À qui le dites-vous !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … et, surtout, d’absence de conscience au regard des mesures déjà prises. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Francis Delattre. Rassurez-vous !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je me permets de le dire pour n’être en rien accusé de croire que, dès lors que les Français se sont prononcés à la majorité, la totalité du pays adhérerait aux vues que nous défendons.
Certaines des dispositions qui vous seront proposées à l’occasion de ce projet de loi de finances s’inscrivent donc, pour partie, dans une certaine continuité – je suppose qu’elles rencontreront peu d’opposition –, d’autres, dans une franche rupture. À celles-ci, certains s’opposeront.
Je pense, par exemple, à l’impôt de solidarité sur la fortune. Dès lors qu’il faut redresser les finances publiques tout en ménageant autant que faire se peut, je l’ai dit, la consommation des ménages, il convient de solliciter ceux d’entre eux qui, en dépit de cette sollicitation, ne modifieront pas sensiblement – à supposer même qu’ils la modifient – leur consommation et d’épargner les autres afin que la consommation ne pâtisse pas de dispositions pour autant nécessaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous allons poursuivre le débat qui s’est tenu à l’Assemblée nationale. Je ne doute pas que les uns et les autres émettront un vote en conscience, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent dans cette assemblée. J’espère que le débat parlementaire continuera ainsi à éclairer le débat public, car c’est après tout le rôle de chacune des deux chambres de notre Parlement.
En conclusion, je dirai simplement à tous que personne ne doit se méprendre : il s’agit bien, avec ce projet de loi de finances rectificative, de veiller à ce que la France respecte sa parole et d’indiquer à nos partenaires, à nos alliés, à nos amis – je pense, une fois encore, à nos amis Allemands – que notre pays est engagé dans une trajectoire de correction de ses finances publiques absolument nécessaire.
Ce faisant, la France retrouvera peut-être une voix plus forte que celle qu’elle a pu avoir et pourra donc faire prévaloir davantage les vues originales qui sont les siennes. Depuis la Révolution, notre pays a en effet une originalité à défendre, générations après générations.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit donc bien de renouer, en Europe et en France, avec une prospérité qui semble nous fuir et de garantir, à nos enfants et à nos petits-enfants, le destin que, historiquement, il nous appartient de leur garantir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative que M. le ministre vient de nous présenter répond à une double nécessité.
La première, vous l’avez indiqué avec beaucoup de conviction, monsieur le ministre, c’est de conforter la place de la France en Europe.
La seconde, c’est de tenir sans délai les engagements pris devant les Français dans le cadre des élections présidentielles.
S’agissant de la première nécessité, rappelez-vous, chers collègues, les mois qui ont précédé l’élection présidentielle. Politiquement, la France était considérée comme n’ayant plus de rôle spécifique puisqu’elle se contentait de relayer les exigences allemandes. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Économiquement, le risque était que l’Europe se coupe en deux, l’enjeu pour la France étant de savoir si elle basculerait plutôt du côté sud ou du côté nord.
M. Roger Karoutchi. Maintenant, c’est fait : c’est le sud !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Aujourd’hui, la situation a changé. (Exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On voit le résultat : il y a le feu !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Politiquement, la France a retrouvé une voix mieux affirmée, qui a permis de redonner de l’unité à la zone euro en mettant fin aux dialogues de sourds.
Économiquement, les évolutions sont à double tranchant. Ce qui est positif, c’est que la France n’a pas rejoint les pays qui connaissent des difficultés de financement.
Un sénateur de l’UMP. Pour l’instant !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ce qui est inquiétant, c’est le fait que nous nous financions à des taux négatifs alors que l’Espagne et l’Italie se débattent pour conserver des conditions de financement soutenables. Cela montre que les investisseurs ne croient plus aujourd'hui en l’unité de la zone euro.
L’accueil favorable réservé, pendant quelques jours, aux décisions prises au Conseil des 28 et 29 juin montre que l’espoir subsiste, mais la confiance ne reviendra pas tant que rien de tangible ne pourra être constaté.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, notre gouvernement doit poursuivre son travail de persuasion,…
M. Roger Karoutchi. Ça oui !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … de conviction, pour faire avancer les idées que nous défendons et qui donneront une perspective à la zone euro : union bancaire, licence bancaire au Fonds européen de stabilité financière, le FESF, et au MES, le mécanisme européen de stabilité, lorsqu’il sera en mesure de voir le jour, augmentation de la taille des dispositifs de stabilité.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cependant – et j’en reviens à ce projet de loi de finances rectificative –, la France ne pourra pas être un moteur et nos partenaires ne pourront pas faire confiance à nos solutions si par ailleurs nous ne montrons pas notre capacité à garder notre maison en ordre. C’est la bonne gestion de notre pays qui assurera notre crédibilité en Europe.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. tout à fait !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cette loi de finances rectificative est le premier exemple de la manière dont le Gouvernement et la majorité qui le soutient veulent désormais conduire notre pays.
M. Henri de Raincourt. Eh bien, ce n’est pas rassurant !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Lucidité, réalisme et transparence, voilà les premières qualités que je trouve à ce collectif budgétaire.
L’objectif est de respecter en 2012 la trajectoire des finances publiques, c'est-à-dire de ramener le déficit à 4,5 % du produit intérieur brut en fin d’année.
Pour cela, il ne faut pas habiller un peu, comme l’avait fait le gouvernement précédent, les chiffres pour donner le sentiment que l’objectif sera atteint. Il faut, au contraire, faire en sorte de réussir même si de mauvaises nouvelles devaient survenir.
C’est pourquoi il était important que le Gouvernement révise à la baisse son hypothèse de croissance, corrige en conséquence les prévisions de recettes et évalue l’ampleur des risques de dérapage sur les dépenses.
En matière de prévision de recettes, il n’est pas déplacé de penser que le Gouvernement précédent n’a pas tiré les conséquences dans le premier collectif budgétaire de 2012 de toutes les informations dont il disposait. Quoi qu’il en soit, le tir est rectifié ici. Les moins-values de recettes sont évaluées à 7,1 milliards d’euros pour l’ensemble des administrations publiques.
Aux effets de la conjoncture et aux erreurs de prévision, il faut ajouter les conséquences de la condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne du régime fiscal des OPCVM, les organismes de placement collectif en valeurs mobilières.
Nous devrons rembourser environ 5 milliards d’euros, dont 1,5 milliard dès cette année. Aurions-nous pu arrêter le compteur plus tôt ? La question mérite d’être posée. Nous avons en tout cas le sentiment que des informations auraient pu être exploitées bien avant.
Pour les dépenses, le dérapage potentiel est estimé à environ 2 milliards d’euros.
Au total, c’est bien une dizaine de milliards d’euros – soit plus d’un demi-point de PIB – qu’il faut trouver pour que notre déficit de 2012 soit bien de 4,5 % du produit intérieur brut en fin d’année, et non de 5 %.
Comment cet objectif va-t-il être atteint ?
En dépenses, le choix du Gouvernement est de respecter les règles sur la base desquelles a été construite la loi de finances pour 2012. La plus importante est celle selon laquelle les dépenses de l’État autres que la charge de la dette et les pensions doivent être stabilisées en valeur. Pour la tenir, et donc pour faire face aux risques de dérapage, le Gouvernement accroît de 1,5 milliard d’euros le montant des crédits mis en réserve. Souvenons-nous qu’il y a seulement quatre mois la précédente ministre du budget expliquait que les risques de dérapage étaient si réduits que l’on pouvait se permettre d’annuler des crédits mis en réserve dès le début de l’année...
Le nouveau gouvernement corrige le tir et fait heureusement preuve, en la matière, de plus de prudence.
Ces règles sont strictes, mais leur respect est essentiel, notamment parce que la pression à la hausse des dépenses est importante et que les motifs de dépenses exceptionnelles surgissent sans cesse. Le versement en mars 2012, en dehors de la norme de dépense, de deux tranches de capital au lieu d’une au mécanisme européen de stabilité est, à cet égard, un bon exemple.
En recettes, nous évoquerons longuement dans la discussion des articles les différentes mesures qui figurent dans ce collectif budgétaire et je reviendrai dans quelques instants sur leur logique.
Je veux juste rappeler à ce stade que ces mesures vont rapporter 7,3 milliards d’euros au titre de 2012, dont 5,7 milliards d’euros pour l’État et 1,6 milliard d’euros pour la sécurité sociale. En 2013, ces mesures rapporteront 4,4 milliards d’euros en plus, ce qui nous procurera une base de départ de 11,7 milliards d’euros pour l’année.
Au total, les mesures du projet de loi de finances rectificative permettront de stabiliser le déficit « maastrichtien », qui est celui qui intéresse nos partenaires et les observateurs, et donc de contenir son dérapage. Son montant devrait même être réduit de 500 millions d’euros.
Le déficit budgétaire, celui que nous votons à l’article d’équilibre, sera réduit de manière plus importante, de 3,7 milliards d’euros, pour atteindre 81,1 milliards d’euros.
Mes chers collègues, rappelez-vous l’examen du premier collectif budgétaire. Nous avions dénoncé un dérapage de plusieurs milliards d'euros, le déficit budgétaire ayant été porté à 84 milliards d'euros, contre 78 milliards d'euros dans la loi de finances initiale.
Ce qui m’a frappé dans ce collectif budgétaire, c’est que nous commençons à ressentir les effets budgétaires des dispositifs de stabilité mis en place dans la zone euro.
D’abord, le rapport du Gouvernement sur les orientations des finances publiques nous a montré la semaine dernière que notre dette publique de 2012 – 89,4 points de PIB – incluait d’ores et déjà pour 2,4 points de PIB les garanties apportées aux dispositifs de stabilité.
Ensuite, le dividende que la Banque de France verse à l’État pourrait être réduit, puisqu’elle rembourse désormais à la Grèce les revenus que lui procurent les titres grecs qu’elle détient. En outre, il se pourrait qu’Eurostat analyse ces remboursements comme des dépenses, qui viendraient peser sur notre déficit public.
Enfin, la baisse des taux d’intérêt de nos prêts bilatéraux à la Grèce réduit de 300 millions d'euros nos recettes non fiscales.
Nous reviendrons sur ces sujets lors de la discussion de l’article 17.
Au total et en résumé, n’en doutons pas, mes chers collègues, ce collectif budgétaire atteint son premier objectif : il permet de tenir le cap budgétaire et conforte notre crédibilité en Europe.
Il faut maintenant examiner le second objectif de ce projet de loi de finances rectificative. Répond-il aux autres attentes exprimées par les Français ? Permet-il, pour reprendre la thématique de la campagne électorale, « le redressement dans la justice » ? La réponse est oui.
Pour les membres de la majorité sénatoriale que nous sommes, il y a une vraie satisfaction à voir figurer dans un texte transmis par l’Assemblée nationale, aux quatre premiers articles, un ensemble de mesures que nous avions votées en vain ces derniers mois, sur l’initiative des différents groupes, socialiste, CRC, RDSE et écologiste. Je pense à la suppression du régime d’exonération des heures supplémentaires, dans son volet tant fiscal que social, au retour – partiel, certes – sur les allégements de droits de mutation issus de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi « TEPA », au rétablissement de l’ancien barème de l’impôt de solidarité sur la fortune, à la suppression de la TVA sociale.
Le message est clair : une page est tournée. Désormais, l’action publique encouragera l’emploi plutôt que l’aubaine, le travail plutôt que la rente, l’innovation plutôt que la baisse des salaires.
M. Henri de Raincourt. Vous rêvez !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La fiscalité jouera un rôle important dans la remise en ordre de nos priorités et le Gouvernement nous annonce pour l’automne deux chantiers essentiels : d’une part, l’amélioration de la progressivité de la fiscalité des revenus, qu’il s’agisse de ceux du travail ou de ceux du patrimoine ; d’autre part, la refonte de l’assiette de l’impôt sur les sociétés. Je salue sa décision d’engager sans attendre ces réformes, là où d’autres auraient pu s’abriter derrière l’ampleur de la « marche budgétaire » à franchir pour les repousser à plus tard.
D’ailleurs, ce projet de loi de finances rectificative envoie des premiers signaux. Avec la taxe sur les dividendes, nous aurons désormais un impôt sur les sociétés différencié selon que les bénéfices sont réinvestis plutôt que distribués. Les possibilités de se livrer à des montages optimisants pour réduire son impôt sur les sociétés sont réduites. Le secteur financier, en particulier bancaire, est mis à contribution en raison de sa situation spécifique dans l’économie, puisqu’il est à la fois essentiel pour l’alimentation des entreprises en crédit et à la source des excès qui ont provoqué la crise dont nous ne sommes toujours pas sortis. En conséquence, ce secteur est taxé par le canal de la taxe sur les transactions financières, qui est doublée, et par celui de la taxe de risque systémique, dont l’assiette reflète les actifs pondérés par les risques.
Du côté des dépenses, il faut saluer la détermination du Gouvernement à mettre en œuvre ses engagements malgré les difficultés budgétaires et à toujours gager les dépenses supplémentaires par des annulations ou des redéploiements, et ce quel que soit leur montant, même limité.
C’est ainsi que le coût des créations de postes dans l’enseignement scolaire – 90 millions d'euros – est gagé à due concurrence par des annulations. La hausse du SMIC – 100 millions d'euros – ou la suppression du droit acquitté par les bénéficiaires de l’aide médicale d’État seront financées par des redéploiements.
Le second objectif de ce collectif budgétaire – répondre aux attentes des Français – est donc aussi atteint.
Mes chers collègues, il est un domaine des finances publiques qui n’a pas été évoqué jusqu’à présent et dont la commission des finances a souhaité enrichir le texte adopté par l’Assemblée nationale, il s’agit des finances locales. Cela ne surprendra personne au Sénat.
Je vous proposerai plusieurs amendements visant à résoudre des difficultés concrètes auxquelles sont confrontées les collectivités territoriales, en particulier les intercommunalités qui doivent gérer en même temps les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle et l’achèvement de la carte de l’intercommunalité.
Je vous soumettrai surtout un amendement tendant à rendre opérationnel le processus de révision des valeurs locatives professionnelles engagé en 2010, qui est aujourd’hui interrompu, car des modifications législatives sont nécessaires pour traduire les enseignements de la phase d’expérimentation.
Mes chers collègues, je n’ai pas besoin de vous expliquer l’enjeu de ce dispositif, vous le connaissez tous : si les valeurs locatives professionnelles ne correspondent pas mieux à la réalité des capacités contributives, nous serons mis en grande difficulté non seulement pour redonner de l’autonomie fiscale aux collectivités, en particulier sur les taux, mais aussi pour permettre la montée en puissance des mécanismes de péréquation justes et incontestés. Or, le processus enclenché en 2010 est en panne. Les acteurs concernés avaient joué le jeu, mais aujourd'hui, faute de perspective, ils sont en train de se démobiliser. Il faut donc leur envoyer un signal et c’est ce à quoi nous nous attelons avec cet amendement.
J’ai le sentiment que, si nous ne relançons pas dès cet été le processus de révision de valeurs locatives professionnelles, nous courrons un risque très important d’ensablement. Pierre Jarlier, co-rapporteur de la mission d’information sur la révision des valeurs locatives professionnelles et commerciales, partage ce point de vue, tout comme la commission des finances, dans sa quasi-unanimité, qui a évoqué ce sujet hier.
Mes chers collègues, j’en viens à ma conclusion. Ce projet de loi de finances rectificative pour 2012 est le premier texte budgétaire qui suit l’élection présidentielle. Il semble intéressant de comparer la démarche que nous menons aujourd'hui à celle qui prévalait voilà dix ans comme à celle qui a été engagée il y a cinq ans.
Le projet de loi de finances rectificative pour 2002 qui nous avait été présenté après l’élection présidentielle de 2002 nous appelait à réduire les impôts, en particulier l’impôt le plus juste, l’impôt progressif, l’impôt sur le revenu. Francis Mer était alors ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. On nous promettait un choc de croissance : en libérant les initiatives et les énergies des investisseurs par une baisse d’impôt sur le revenu, on allait créer de la croissance. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.) Or nous avons bien vu que le résultat n’était pas à la hauteur des annonces.
Le même constat peut être dressé concernant le projet de loi de finances rectificative pour 2007 qui nous a été soumis voilà cinq ans, avec le fameux paquet fiscal.