M. Didier Guillaume. Il y aura d’autres occasions !
M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Rebsamen. Monsieur le Premier ministre, c’est pour nous une grande joie et un honneur de vous accueillir aujourd’hui dans notre hémicycle. Au lendemain de votre déclaration de politique générale et du vote de confiance que vous ont accordé une large majorité de nos collègues députés, votre présence parmi nous, avec un discours tourné vers les sénateurs, est un geste d’égard et de respect envers la Haute Assemblée, ainsi qu’un signe de reconnaissance pour la nouvelle majorité issue du basculement historique du Sénat. Au nom de l’ensemble du groupe socialiste, je tiens à vous en remercier solennellement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Le fait que vous teniez aujourd'hui l’engagement que vous aviez pris en ce sens est aussi la marque de ce nouveau quinquennat.
Je tiens également à saluer l’habileté de mon collègue Jean-Claude Gaudin, président du groupe UMP.
Un sénateur de l’UMP. Le talent, voulez-vous dire !
M. François Rebsamen. Avec humour, il a tenté de masquer le désastreux bilan de cinq ans de sarkozysme. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Le 6 mai, en élisant François Hollande à la Présidence de la République, les Français ont choisi le changement. Mes chers collègues de l’opposition sénatoriale, il va falloir vous y faire !
M. Henri de Raincourt. En effet !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous nous y faisons !
M. François Rebsamen. C’est bien une ère nouvelle qui s’ouvre aujourd’hui, avec la fin de l’argent roi, la fin de la finance insolente et inconséquente, la fin de l’étalage provocant,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais oui ! Tout cela va changer !
M. François Rebsamen. … la fin d’une France à deux visages – d’un côté, ceux qui s’appauvrissent et vivent de moins en moins bien et, de l’autre, ceux qui ne cessent de s’enrichir –, la fin des injustices. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Marques d’ironie sur les travées de l’UMP.)
Monsieur le Premier ministre, vous nous avez parlé des valeurs qui vous guident. Nous, sénateurs socialistes, nous les partageons pleinement et nous ne pouvons que nous réjouir qu’elles aient présidé à vos choix politiques, comme elles avaient conduit les engagements du Président de la République.
Je pense d’abord à la justice : l’effort doit être partagé par tous, mais calculé en fonction de la situation de chacun. Les richesses doivent être réparties de façon solidaire, pour que ceux qui ont tout partagent avec ceux qui n’ont rien. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Je pense ensuite à l’exemplarité au plus haut niveau de l’État – on en a bien besoin –, dans la transparence et dans la clarté, pour que le puissant soit traité comme le plus faible, ni mieux, ni plus mal.
Je pense enfin au respect à tous les niveaux : respect du Parlement, respect des institutions, respect des corps intermédiaires, respect des citoyens, quelles que soient leurs origines, leur religion ou leurs opinions.
Mes chers collègues, depuis quelques jours, certains agitent le chiffon rouge de la rigueur, de l’austérité – ceux-là mêmes, d'ailleurs, qui ont été complices, voire acteurs d’une politique irresponsable d’aggravation des déficits durant cinq ans.
M. Jean-Claude Frécon. Eh oui ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. François Rebsamen. Mais, en réalité, ce que vous nous proposez, monsieur le Premier ministre, ce n’est ni un tournant ni un virage de la rigueur. Ce n’est pas non plus, comme on a pu l’entendre, un « tour de vis fiscal ».
Si tel était le cas, cela laisserait supposer que nous nous serions trompés – y compris le Président de la République pendant la campagne électorale – sur l’état économique et budgétaire de notre pays. Or nous savons très bien quel est l’état de notre pays.
D'ailleurs, les prévisions sur lesquelles le programme a été fondé – un taux de croissance de 0,5 % – étaient beaucoup plus réalistes que celles du précédent gouvernement, qui tablait sur un taux de 0,7 %.
Dès lors, mes chers collègues de l’opposition sénatoriale, épargnez-nous vos leçons en la matière ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Monsieur le Premier ministre, ce que vous nous proposez aujourd'hui, c’est de mettre en œuvre les engagements de François Hollande, ceux sur lesquels les Français se sont prononcés en le portant à la présidence de la République. Ce que vous nous proposez, c’est une gestion stricte et exigeante du budget de l’État afin de retrouver un équilibre vertueux des finances publiques à la fin de l’année 2017, mais également une politique qui enraye le déclin de la France et redonne confiance et espoir aux Français, une politique de justice sociale et fiscale, une politique faite de clarté, de constance, de solidarité et d’ambition. Voilà ce que les Français attendent aujourd'hui.
C’est d'ailleurs une impérieuse obligation, qui résulte du bilan de cinq ans de sarkozysme, amplifié par la crise.
Danton déclarait qu’il faut savoir dire « l’âpre vérité ». C’est une belle expression et c’est, monsieur le Premier ministre, ce que vous avez fait.
La France est en fait entrée dans une zone dangereuse que l’on essaie ou que l’on a tenté de nous cacher : une dette publique qui explose et dont l’effet de traîne se poursuivra jusqu’à l’année prochaine, avec un pic à plus de 90 % du PIB ! Le voilà votre héritage ! (Protestations sur les travées de l'UMP. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Un déficit budgétaire global qui a été prévu pour cette année à plus de 4,5 %, un déficit du commerce extérieur de 75 milliards d’euros, trois millions de chômeurs, 750 000 emplois industriels perdus en dix ans, un taux de croissance en berne, de 0,3 % ou 0,4 %, une dégradation constante du pouvoir d’achat, à quoi il faut ajouter, comme l’a indiqué la Cour des comptes, 2 milliards d’euros de dépenses inscrites au budget par l’ancienne majorité mais non financées : voilà le bilan dont vous voudriez que l’on ne parle pas et que vous essayez de cacher derrière des artifices ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Marques d’ironie sur les travées de l’UMP.)
Finalement, Montesquieu avait raison.
M. Jean-Claude Gaudin. C’était pourtant un libéral !
M. François Rebsamen. En cela, vous le connaissez bien !
« Le plus grand mal que fait un Gouvernement n’est pas de ruiner son peuple, il y en a un autre mille fois plus dangereux : c’est le mauvais exemple qu’il donne. », écrivait-il. C’est ce que vous avez fait pendant cinq ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Telle est la situation à laquelle nous devons faire face.
Dès le changement de majorité sénatoriale, les sénateurs socialistes et leurs collègues de la nouvelle majorité avaient pris la mesure de la dégradation des comptes de l’État et profondément remanié, sous l’impulsion de Mme Bricq, à l’époque rapporteure générale de la commission des finances, le projet de loi de finances rectificative du précédent gouvernement, mais la voie de la raison et de la solidarité que nous prônions n’a pas été suivie !
Cette situation, nous l’avions anticipée parce que nous la connaissions : tout au long de sa campagne, le Président de la République a tenu un langage de vérité, de sincérité et de responsabilité. (Protestations sur les travées de l’UMP.) C’est un vrai changement, avouez-le ! Ses engagements ont donc été pris à l’aune de la situation de notre pays.
Oui, nous le savons, il faut rétablir l’équilibre des finances publiques, mais il faut le faire par des mesures efficaces et justes. Celles que vous nous avez présentées, monsieur le Premier ministre, vont dans le sens d’une maîtrise des dépenses. Des efforts seront demandés aux plus aisés des Français, à l’inverse de ce qui a été fait pendant les cinq dernières années. Mes chers collègues, contrairement à ce que la droite veut faire croire, il s’agit non pas d’un « matraquage fiscal », mais d’un « rattrapage fiscal ». Voilà la vérité ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Suppression du bouclier fiscal, rétablissement du barème supérieur de l’ISF – oser supprimer la tranche supérieure de ce barème, quand on connaissait l’état des finances publiques !
M. Henri de Raincourt. Cette mesure était compensée !
M. François Rebsamen. Mais vous la payez aujourd’hui, et nous aussi !
Création d’une tranche supérieure d’imposition à 45 % dans le barème de l’impôt sur le revenu, taxation des banques, abaissement du plafond des droits de succession, suppression d’une partie des exonérations des heures supplémentaires…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ça, c’est scandaleux !
M. François Rebsamen. … stabilité des effectifs de la fonction publique : l’ensemble de ces mesures nous permettra de renouer le fil vertueux de la maîtrise de nos comptes publics. J’ai bien évoqué la stabilité des effectifs de la fonction publique et non leur baisse, comme l’opposition voudrait essayer de le faire croire ! L’adoption de ces mesures est la condition du redressement de notre pays.
Pour retrouver la voie de la croissance et de l’emploi, pour sortir de cette zone de turbulences extrêmement préoccupante et aborder l’avenir avec espoir et confiance, il nous faudra faire des efforts, lesquels ne seront acceptables que s’ils sont étayés par la justice. Cette ambition est au cœur du programme que vous nous avez présenté, monsieur le Premier ministre, avec le redressement productif, le redressement éducatif et les réformes structurelles. Cette ambition redonnera aux Français l’espoir d’un avenir meilleur pour eux et pour leurs enfants.
Oui, votre politique, nous le croyons, va permettre de libérer les énergies et la créativité, de retrouver le goût d’entreprendre, la volonté d’apprendre, la capacité d’innover et, vous avez insisté sur ce point, le dynamisme des territoires.
Il s’agit d’abord de s’attaquer au chômage et de redonner à Pôle emploi, privé de 1 800 postes durant le quinquennat précédent, les moyens d’agir. Avec l’embauche de 2 000 agents en contrat à durée indéterminée et le redéploiement de 2 000 postes, 4 000 personnes supplémentaires pourront accompagner les demandeurs d’emploi qui en ont besoin dans leurs recherches ou leurs formations en vue d’une reconversion.
Il faudra agir avec les régions, qui exercent la compétence de la formation – au lieu d’agir contre elles, comme ce fut le cas au cours des cinq ans précédents –, ainsi qu’avec les agglomérations qui, vous le savez bien, monsieur le Premier ministre, grâce à leur proximité, connaissent mieux que quiconque les besoins de leurs bassins d’emplois.
Il faudra aussi maintenir les contrats aidés, créer 150 000 emplois d’avenir, premier pas vers l’insertion professionnelle, et agir pour les jeunes et les seniors, avec la mise en place d’un des engagements du Président de la République, le contrat de génération. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Ensuite, il nous faudra accompagner le formidable potentiel de nos PME-PMI : vous avez eu raison d’envisager de leur faciliter l’accès au crédit et d’encourager leur capacité d’innovation par la création de la Banque publique d’investissement. Nous devrons les accompagner dans leurs difficultés, pour leur permettre de trouver des solutions : tel sera le rôle, si j’ai bien compris, des vingt-deux commissaires au redressement productif dont la liste a été publiée ce matin, pour que la finance soit enfin au service de l’économie réelle.
Il vous faudra également ouvrir le chantier de la transition énergétique : c’est l’un des enjeux majeurs des prochaines années, à la fois gisement d’emplois et outil de la sauvegarde de notre environnement ; j’allais même dire qu’il s’agit d’un choix de société. Quoi qu’il en soit, sachez, monsieur le Premier ministre, que les sénateurs socialistes y sont très attachés.
Ensuite – je devrais dire : « avant tout », car j’évoquais tout à l’heure la nécessité de retrouver le désir d’apprendre –, une priorité s’impose : l’éducation, qui a été la grande oubliée, la grande maltraitée du précédent quinquennat ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
« Combien l’éducation durera-t-elle? Juste autant que la vie. Quelle est la première partie de la politique ? L’éducation. La seconde ? L’éducation. Et la troisième ? L’éducation. » Jules Michelet a ainsi résumé la priorité des priorités de ce quinquennat et nous en sommes fiers, nous, les sénateurs socialistes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Oui, 60 000 postes seront créés, dont 1 000 dès la rentrée prochaine, pour essayer de compenser toutes ces injustices. J’ai été très surpris, hier, d’entendre des sénateurs du groupe UMP que je connais bien critiquer l’annonce de la création de ces 60 000 postes, alors même que leurs départements viennent d’en bénéficier dans le cadre des mesures prises pour la rentrée, le Gouvernement montrant ainsi qu’il agit sans sectarisme, pour les zones rurales comme pour les zones urbaines, afin de rétablir l’égalité par l’éducation ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Dès le basculement de la majorité sénatoriale, une proposition de loi avait été déposée au nom du groupe socialiste par la sénatrice Françoise Cartron, visant à favoriser l’égalité des chances dès le plus jeune âge en rendant la scolarité obligatoire dès l’âge de trois ans. Qu’en est-il advenu ? Le gouvernement de M. Fillon, dont vous nous vantez aujourd’hui les qualités, l’a rejetée sans même accepter de l’examiner ! Mais nous, nous nous en souvenons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Enfin, et ce sujet a toute sa place au Sénat, il s’agit de renouer le partenariat entre l’État et les collectivités locales. Depuis cinq ans, les élus ont été les mal-aimés...
M. Claude Bérit-Débat. Exact !
M. François Rebsamen. ... de la République : stigmatisés, méprisés, fragilisés par une réforme territoriale absurde et recentralisatrice. (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.) Vous le savez bien, chers collègues de l’opposition, puisque la victoire de la gauche aux élections sénatoriales a signé en partie votre échec dans ce domaine ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Dès son élection, le président du Sénat, que je salue, a lancé une démarche d’écoute et de consultation auprès des élus locaux : les états généraux de la démocratie territoriale. Plus de 20 000 réponses ont été reçues à ce jour et montrent l’étendue des attentes des élus. Les conclusions de ces travaux seront connues au mois d’octobre.
Je ne doute pas, monsieur le Premier ministre, que ce sujet soit cher à votre cœur : la confirmation de la création d’un Haut Conseil aux territoires, dans lequel le Sénat jouera un rôle actif, en est une marque évidente.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’était au Sénat de le faire !
M. François Rebsamen. Votre passé, encore très récent, de maire de Nantes, dont vous avez su faire l’exemplaire et dynamique capitale du Grand Ouest – Edmond Hervé ne m’en voudra pas ! –, est le meilleur gage de votre volonté décentralisatrice et la garantie que nous trouverons en vous le promoteur d’un nouveau pacte de croissance et de confiance entre l’État et les collectivités locales, entre l’État et les territoires.
L’enjeu est d’importance : c’est dans les territoires que se trouvent les viviers de l’innovation, de la créativité et de la création d’emplois. Vous le savez, c’est dans la proximité que l’on peut agir mieux et plus vite.
Vous le savez aussi, pour les Français, les élus locaux sont les remparts, souvent les seuls, contre les difficultés et les aléas de la vie. Ce n’est pas sans raison qu’ils sont les plus aimés et les plus populaires des responsables politiques dans l’opinion.
On nous dit parfois que nous empruntons trop, mais, en réalité, si nous le faisons, ce n’est que pour investir. Il est donc temps de mettre un terme à ces faux procès et à ces malentendus : une lisibilité financière doit être clairement établie pour les collectivités locales.
Le maître mot doit être la confiance : une confiance réciproque qui respecte le rôle et les compétences de chaque échelon. En se recentrant sur ses missions régaliennes, en respectant le principe constitutionnel de la libre administration des collectivités locales, l’État aura une chance historique de se réformer et, en même temps, de libérer la formidable capacité d’entreprendre et d’agir des territoires.
La majorité sénatoriale – faut-il le rappeler ? – a déjà abrogé la création du conseiller territorial – et elle a bien fait –, cet élu hybride dont l’invention avait pour seul objectif de museler régions et départements, dirigés majoritairement par la gauche. Mais il faut maintenant ouvrir le grand chantier qui devra aboutir à une nouvelle loi de décentralisation. La modification des modes de scrutin, le statut de l’élu, les règles de parité, les dispositions relatives au non-cumul des mandats, dont nous débattrons, viendront accompagner cette mutation.
Les nombreux travaux des sénateurs socialistes, notamment ceux du sénateur Krattinger, ainsi que ceux de la commission des lois, présidée par Jean-Pierre Sueur, peuvent fournir une base solide pour élaborer le nouveau pacte de décentralisation. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.) Ce nouveau pacte de confiance rendra aux élus locaux la visibilité dont ils ont besoin pour relancer leurs investissements et participer au retour de la croissance. Oui, monsieur le Premier ministre, vous allez, nous allons construire, car nous le voulons, un vivre ensemble qui réponde aux évolutions et aux aspirations de la société !
La difficulté à se loger est une des préoccupations majeures des Français – vous le savez, madame la ministre. À cet immense problème, l’ancienne majorité avait, comme d’habitude, apporté dans la précipitation une mauvaise réponse : l’augmentation de 30 % des droits à construire. J’ai le plaisir de vous informer que le groupe socialiste a déposé une proposition de loi visant à abroger cette mesure. Votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, va pouvoir mettre en œuvre une proposition du Président de la République : des terrains appartenant à l’État seront mis à disposition des collectivités qui veulent construire, bâtir la mixité sociale en donnant la priorité aux logements à loyer modéré. Voilà un bel exemple du partenariat dont je parlais tout à l’heure ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
C’est une bonne mesure et j’ai entendu de nombreux élus la réclamer. J’avais même demandé au Président de la République s’il accepterait de rembourser les collectivités qui avaient déjà racheté des terrains,...
M. Jean-Claude Gaudin. Exactement !
M. François Rebsamen. ... mais c’est malheureusement impossible.
Les sanctions encourues pour le non-respect de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, seront renforcées. Que n’avez-vous tenté, en dix ans, chers collègues de l’opposition, pour limiter la portée de cette loi et pour la critiquer ! Pourquoi ? Peut-être est-ce parce qu’elle avait été présentée, à l’époque, par un ministre communiste ? Mais la loi SRU est une belle loi du gouvernement de Lionel Jospin ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.) C’est donc avec plaisir que nous apprenons, monsieur le Premier ministre, que vous envisagez de multiplier par cinq le montant de ces sanctions.
En attendant l’accroissement du parc locatif qui résultera de toutes ces mesures, l’encadrement des loyers arrêtera une spirale inflationniste inacceptable.
Contrairement à certains responsables politiques conservateurs, les Français sont prêts à accepter des évolutions de la société dont ils constatent tous les jours l’existence, et donc l’impérieuse nécessité de les reconnaître : c’est le cas du droit au mariage et à l’adoption des couples homosexuels, et de l’accompagnement de la fin de vie. Votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, saura inscrire dans notre droit les réponses adaptées à la réalité de notre pays.
Vous instaurerez bien sûr l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, que le Sénat de gauche a déjà votée. Vous réprimerez le harcèlement sexuel : tel est l’objet des propositions de lois des sénateurs de gauche…
M. Alain Gournac. Ils ne sont pas les seuls !
M. François Rebsamen. … que vous avez inscrites à l’ordre du jour du Parlement parmi les premiers textes de votre législature afin de combler le vide juridique résultant de la censure du Conseil constitutionnel.
Enfin, l’intégration des étrangers est l’une des conditions du mieux vivre ensemble. À cet égard, le droit de vote des étrangers aux élections locales – je sais que cette proposition suscite toujours un débat, sauf lorsqu’elle émanait de M. Sarkozy… – sera une mesure déterminante. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur certaines travées du groupe socialiste.)
Curieux revirement ! Il suffisait que le président de la République de l’époque, M. Sarkozy, se prononce « pour » pour que vous soyez « pour », et qu’il se prononce « contre » pour que vous soyez « contre » !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Demandez aux Français et vous verrez ce qu’ils en pensent !
M. François Rebsamen. C’est cela un parlement « godillot » ! Mais vous pouvez avoir vos propres opinions, chers collègues, comme M. Borloo vient de le prouver !
La nouvelle majorité sénatoriale est fière d’avoir adopté cet engagement de la gauche, voté par l’Assemblée nationale sous le gouvernement de Lionel Jospin.
Pendant la campagne présidentielle, la droite a utilisé ce texte comme un épouvantail, agitant les peurs, accumulant les mensonges et les contrevérités, faisant par là même le jeu de l’extrême droite. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.) Alors, ne venez pas nous reprocher aujourd'hui de vouloir opposer les Français les uns aux autres !
M. Jean-Claude Gaudin. Faites-le par référendum !
M. François Rebsamen. Il est temps de reconnaître aux étrangers qui vivent sur notre sol, paient leurs impôts en France et respectent les valeurs de la République une citoyenneté de résidence à laquelle ils ont droit. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
Mme Esther Benbassa. Bravo !
M. François Rebsamen. Avec votre politique, monsieur le Premier ministre, l’immigration ne sera plus instrumentalisée ; elle sera traitée de façon ferme et juste, dans le respect de la dignité des personnes.
Pour les socialistes et pour vous, monsieur le Premier ministre – et je salue M. le ministre de l’intérieur –, la sécurité est une priorité, car les plus démunis sont les premières victimes de l’insécurité, qui est aussi l’une des principales causes de rupture du vivre ensemble.
Votre politique de sécurité, j’en suis sûr, sera juste, ferme et efficace, dans le respect des libertés individuelles et s’appuiera sur un équilibre entre la prévention, la dissuasion, la sanction et la réparation qui est due aux victimes. Cette priorité, vous l’assumez en lui affectant les moyens que la droite, malgré ses discours incantatoires et ses promesses, lui avait progressivement enlevés au cours du quinquennat précédent.
Il vous appartiendra également, monsieur le Premier ministre, de répondre aux attentes du monde culturel. Vous avez déjà commencé en rétablissant des crédits qui avaient été supprimés pour l’action culturelle. Je sais à quel point vous y êtes sensible, vous qui avez fait de Nantes un modèle en matière de politique culturelle, avec des manifestations emblématiques telles que La Folle Journée ou Le Voyage à Nantes.
Oui, vous allez moderniser, apaiser et moraliser notre démocratie. L’exemple vient d’en haut, dit l’adage, et vous le prouverez. La diminution de 30 % des rémunérations du Président de la République et des membres du Gouvernement justifiera d’autant mieux la baisse des rémunérations des dirigeants d’entreprises publiques et la fixation d’une échelle de rémunération pour ceux du secteur privé.
Avec vous, monsieur le Premier ministre – et je salue Mme la garde des sceaux –, l’institution judiciaire doit retrouver la sérénité dont elle a été privée pendant cinq ans. Vous allez mettre un terme, je n’en doute pas, à la stigmatisation des magistrats, leur redonner les moyens de fonctionner dignement et efficacement, comme s’y est engagé le Président de la République. Vous allez réformer le Conseil supérieur de la magistrature. La magistrature ne sera donc plus la victime de l’empilement législatif résultant de lois de circonstance, émotionnelles, inefficaces et parfois dangereuses. Enfin, je ne doute pas que vous consacrerez l’indépendance du parquet.
Respect du fonctionnement des institutions, nominations irréprochables par le Parlement, restauration du dialogue par la conférence sociale, reconnaissance du rôle des corps intermédiaires : la politique que vous nous avez présentée dans votre déclaration de politique générale, monsieur le Premier ministre, tourne résolument le dos au quinquennat de l’omniprésidence pour redonner à notre démocratie toute sa vigueur et à l’État son impartialité.
Oui, vous saurez porter l’idéal européen qui rassemble bien souvent par-delà les partis. Le Président de la République s’était engagé à revisiter le traité européen pour qu’au volet de la rigueur corresponde un volet de la croissance, indispensable à la sortie de crise.
C’est chose faite avec la signature du pacte de croissance et ses deux mesures phares : 1 % du produit intérieur brut européen, soit 120 milliards d’euros, sera affecté à de l’investissement et la Banque centrale européenne pourra recapitaliser les banques.
La droite avait moqué et dénoncé cette volonté d’infléchir, de modifier le contenu du traité. Un pacte de croissance était impossible ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il faudra accepter la règle d’or !
M. François Rebsamen. Nous ne voterons pas la règle d’or, je vous le dis d’emblée ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Le pacte de croissance a été obtenu grâce à notre détermination et notre constance à vouloir changer les choses (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Exclamations sur les travées de l'UMP.), grâce à la force que le vote du peuple français a donnée au Président de la République !
Je me souviens encore de M. Juppé demandant à M. Hollande s’il comptait aller trouver Mme Merkel pour lui dire qu’il fallait plus de croissance. Eh bien, c’est ce qu’il a fait, et c’est ce qu’il a obtenu ! (Mêmes mouvements.)
M. Jean-Louis Carrère. Et il n’a pas eu besoin de la secouer !
M. François Rebsamen. C’est un signe fort, salué par les marchés, même s’ils ne sont pas ma référence, vers la sortie de crise de l’euro. C’est un premier pas très important vers une Europe plus solidaire, avec une intégration financière et politique plus forte. C’est une victoire des socio-démocrates européens sur les conservatismes. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)