M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ce texte intéresse sans doute plus particulièrement nos collègues alsaciens et mosellans, mais concerne aussi tous ceux qui, comme moi, s’interrogent sur l’avenir du financement de notre sécurité sociale et appellent à une gestion plus efficiente de son réseau.
L’article 1er de cette proposition de loi organise la fusion de la caisse régionale d’assurance vieillesse et de la caisse régionale d’assurance maladie d’Alsace-Moselle, comme cela s’est fait dans les autres territoires de santé à la suite de la loi HPST, qui a transféré certaines compétences des CRAM aux nouvelles agences régionales de santé.
On ne peut que saluer cette initiative de simplification et de bonne gestion, d’autant plus qu’elle est un acte volontaire de ces caisses, le texte ne faisant qu’entériner un processus qu’elles ont elles-mêmes lancé. Dans bien d’autres domaines, nous devrions peut-être suivre cet exemple, en laissant les partenaires sociaux dialoguer et faire des propositions, à charge pour le législateur de les concrétiser ensuite.
L’article 1er modifie, par ailleurs, le champ des bénéficiaires du régime local d’assurance maladie en vigueur dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. Notre excellente rapporteur, Patricia Schillinger, nous a présenté ce modèle en commission.
Il s’agit d’une assurance complémentaire obligatoire qui permet aux Alsaciens et aux Mosellans d’être indemnisés à hauteur de 90 % pour les soins courants et de 100 % pour les frais hospitaliers.
Ce régime local a la particularité d’être très solidaire, car il est financé uniquement par les cotisations salariales, identiques pour tous les revenus et déplafonnées. Cependant, il convient de rappeler qu’il ne concerne que les salariés du secteur privé et les chômeurs, et non pas l’ensemble des Alsaciens et des Mosellans.
Ce régime présente aussi une autre particularité, celle d’être équilibré, tout d’abord parce que la loi ne permet pas qu’il en soit autrement ; ensuite, parce qu’il est géré par les seuls syndicats de salariés qui adaptent le montant des cotisations en fonction des besoins.
Il se trouve qu’actuellement la situation est plutôt bonne, ce qui a permis de faire passer le taux de cotisation de 1,6 % à 1,5 %. C’est, là encore, une illustration de l’effet bénéfique de l’implication des partenaires sociaux, notamment des syndicats de salariés.
Cela fait évidemment réfléchir ! Certains se demandent pourquoi, après tout, on ne pourrait pas généraliser ce régime qui donne de bons résultats. Il faut sans doute modérer notre enthousiasme, car le régime général n’est pas moins déficitaire sur le territoire d’Alsace-Moselle qu’ailleurs en France.
Néanmoins, le régime local peut contribuer à éclairer le débat national sur le financement de notre protection sociale. Ce débat a été une nouvelle fois au cœur de nos discussions à propos de la TVA sociale et de la baisse des cotisations patronales.
Les réformes engagées depuis quatre ans, à commencer par la réforme des retraites, qui se traduit dès 2012 par 5,6 milliards d’économies, ont certes permis de rompre avec la hausse incontrôlée des dépenses. Des recettes supplémentaires ont été aussi mobilisées – 6 milliards d’euros pour 2012 –, mais au prix de contributions importantes ; je pense notamment à la taxe sur les conventions d’assurance.
Est-il judicieux d’entretenir un système auquel il faudra, tôt ou tard, affecter un complément de CSG, et de maintenir un système d’assurance complémentaire qui devient de plus en plus onéreux ? Chacun le sait bien, il faudra innover si l’on veut conserver un haut niveau de solidarité sans pour autant générer des déficits.
Un État qui protège, c’est d’abord un État solide, un État dont les bases financières sont saines. L’assurance maladie doit impérativement et durablement tendre vers l’équilibre, même si cela implique de revisiter la solidarité nationale face à la maladie. Il y a sans doute des enseignements à tirer du régime d’Alsace-Moselle.
L’article 2 de la proposition de loi ne me pose pas de problème, d’autant qu’a été supprimée la partie, contestable, prévoyant que le conseil d’administration de la Caisse nationale du régime social des indépendants serait composé des présidents de caisses de base. Cette mesure pouvait, en effet, nuire à l’équilibre interprofessionnel.
Quant à l’article 3, qui vise à moderniser le Conseil supérieur de la mutualité, il va dans le sens d’une simplification et d’une diminution des coûts de gestion. Avec un caractère aussi pléthorique, il est clair que cette instance ne pouvait être réactive...
Dans son ensemble, le groupe RDSE votera évidemment cette proposition de loi, qui est d’ailleurs largement consensuelle et dont les dispositions ont déjà été adoptées à l’occasion de l’examen d’autres textes. (Mme la rapporteur applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, avant de m’exprimer sur cette proposition de loi, je me dois de rappeler qu’en octobre 2011 le même texte avait été déposé au Sénat en termes identiques par mes collègues sénateurs UMP mosellans et alsaciens : Philippe Leroy, Francis Grignon, Fabienne Keller, André Reichardt, Esther Sittler, Jean-Louis Lorrain et Catherine Troendle. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
À leur suite, le parlementaire provençal que je suis veut apporter son soutien à ce texte.
Quant à son contenu, je tiens à faire remarquer, comme d’autres l’ont fait avant moi, qu’il est prévu dans cette proposition de loi de faire abandonner une spécificité à l’Alsace-Moselle pour qu’elle se rapproche du régime en vigueur sur le reste du territoire. Cette particularité méritait d’être soulignée.
En effet, la présente proposition de loi a pour premier objet l’amélioration de la gouvernance du système de sécurité sociale en Alsace-Moselle par la création de la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail d’Alsace-Moselle.
Il y est prévu, par ailleurs, deux évolutions à l’échelle nationale : d’une part, la révision de la composition du conseil d’administration de la Caisse nationale du régime social des indépendants ainsi que des dates de renouvellement de ce conseil, et, d’autre part, la modernisation du Conseil supérieur de la mutualité.
En ce qui concerne le premier objet, la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, texte que nous connaissons bien, a créé les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail en remplacement des caisses régionales d’assurance maladie, cela sur l’ensemble du territoire national à compter du 1er juillet 2010.
Ce changement, dont nous avons longuement discuté lors de l’examen de la loi HPST, est intervenu à la suite de la création des agences régionales de santé, auxquelles ont été transférées les missions auparavant exercées par les caisses régionales d’assurance maladie en matière de politique sanitaire et médico-sociale.
Je rappelle, à cette occasion, le rôle essentiel des CARSAT, qui exercent une mission de service public dans les domaines de la retraite, de la prévention/tarification des risques professionnels et, enfin, de l’action sociale. Toutefois, du fait de leurs spécificités respectives, l’Île-de-France et l’Alsace-Moselle ont chacune maintenu une caisse régionale d’assurance vieillesse.
Comme cela a déjà été rappelé, en mars 2010, les conseils d’administration des caisses régionales d’assurance maladie et d’assurance vieillesse d’Alsace-Moselle ont voté le principe de la fusion des deux caisses. La présente proposition de loi met donc en œuvre les adaptations législatives nécessaires à cette fusion.
Plus fondamentalement, ce premier point est l’occasion d’une réflexion à partir du régime particulier d’assurance complémentaire obligatoire qui est appliqué en Alsace-Moselle. Permettez-moi, à la suite de M. Gilbert Barbier et de Mme la rapporteur, d’en rappeler rapidement le fonctionnement.
Les salariés acquittent une cotisation obligatoire qui leur assure une meilleure prise en charge et de meilleurs remboursements, jusqu’à 90 % pour les soins courants et 100 % pour les frais hospitaliers, sans avoir à acquitter le ticket modérateur ou le forfait hospitalier.
Ce régime complémentaire est géré par les représentants des seuls salariés et présente la spécificité d’être en excédent. Une gestion particulièrement saine a même permis, en 2012, une baisse du taux de cotisation, qui est passé de 1,6 % à 1,5 %.
Ainsi, ce régime local est largement redistributif et son coût de fonctionnement est minime, ce qui devrait servir d’exemple à d’autres complémentaires ! En tant que parlementaires, nous sommes soucieux de la santé financière de notre protection sociale. De ce point de vue, il me semble opportun de mener les réflexions qui seraient de nature à permettre l’extension de systèmes semblables à l’ensemble du territoire national, comme le suggèrent Mme Patricia Schillinger dans son rapport et M. Gilbert Barbier à l’instant.
L’article 2 a pour objet de proroger le mandat des membres des conseils d’administration des caisses de base du régime social des indépendants jusqu’au 30 novembre 2012. En l’absence de modification législative, ce mandat arriverait à échéance le 7 avril prochain. Or il est de tradition républicaine qu’aucune élection n’ait lieu à l’approche d’échéances nationales aussi importantes que celles qui nous attendent.
Enfin, l’article 3 vise à moderniser la gouvernance du Conseil supérieur de la mutualité. Cette réforme apparaît nécessaire pour simplifier le fonctionnement des instances supérieures de la mutualité.
L’absence, depuis 2010, de service déconcentré pour assurer le suivi du secteur de la mutualité ne permet plus de réunir les comités régionaux de coordination. Il convient donc de les supprimer, tout en renforçant le rôle du Conseil supérieur de la mutualité.
Par ailleurs, ce conseil n’a pas été réuni en formation plénière depuis six ans en raison de son caractère pléthorique. En outre, l’élection des membres de ce conseil repose sur l’élection préalable des comités régionaux de coordination de la mutualité, précédemment rattachés aux directions régionales des affaires sanitaires et sociales, les fameuses DRASS. Or ces directions ont disparu avec la création des agences régionales de santé en 2010. Il apparaît difficile d’organiser l’élection des comités régionaux de coordination de la mutualité sans pouvoir s’appuyer sur les structures déconcentrées de l’État.
Le passage à un système de désignation des membres du conseil s’inscrit donc dans un mouvement général de simplification et de rationalisation des instances de représentation de la mutualité. Avant l’entrée en vigueur du changement de système, la prorogation du mandat des membres du Conseil supérieur de la mutualité permettra de garantir la continuité de fonctionnement de cette instance jusqu’à la mise en œuvre de la réforme.
Ce texte très technique, déjà examiné à plusieurs reprises par notre assemblée, en particulier dans le cadre de la discussion de la proposition de loi de notre ancien collègue Jean-Pierre Fourcade, permet des ajustements attendus et importants, ainsi qu’une organisation homogène sur l’ensemble du territoire national.
Le groupe UMP se félicite donc que la commission des affaires sociales propose un vote conforme et votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme la rapporteur et M. Gilbert Barbier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous avons aujourd’hui à nous prononcer sur trois articles proposant quatre mesures relatives à la gouvernance de la sécurité sociale et à la mutualité.
Premièrement, il s’agit de fusionner la caisse régionale d’assurance maladie et la caisse régionale d’assurance vieillesse d’Alsace-Moselle.
Le risque vieillesse est aujourd’hui géré par la Caisse nationale d’assurance vieillesse, qui s’appuie sur le réseau des caisses régionales d’assurance maladie devenues, en 2010, caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, partout en métropole, sauf en Île-de-France, région où la Caisse nationale d’assurance vieillesse assure une gestion directe du risque vieillesse, et en Alsace-Moselle, seule région de France où il existe encore une caisse régionale d’assurance vieillesse.
En 1960, lors de la réforme de l’organisation et du fonctionnement de la sécurité sociale, les caisses régionales de sécurité sociale et les caisses régionales d’assurance vieillesse ont, en effet, fusionné partout en France pour devenir des caisses régionales d’assurance maladie comportant une branche vieillesse.
Cependant, du fait des particularités historiques de la sécurité sociale en Alsace-Moselle, la caisse régionale d’assurance vieillesse a donc été jusqu’ici préservée, et deux structures, une caisse régionale d’assurance maladie et une caisse régionale d’assurance vieillesse, coexistent par conséquent dans les trois départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, alors qu’ailleurs en France une seule prend en charge les deux risques maladie et vieillesse.
C’est la création d’une caisse d’assurance retraite et de la santé au travail qui nous est aujourd’hui proposée pour l’Alsace-Moselle, comme c’est déjà le cas dans les autres régions. Cette mesure semble faire l’objet d’un large consensus politique local, et les conseils d’administration de la caisse régionale d’assurance maladie et de la caisse régionale d’assurance vieillesse ont d’ailleurs engagé, dès décembre 2008, un processus de rapprochement en votant le principe d’une direction commune aux deux organismes, décision effective depuis juillet 2009.
Puisqu’elle est souhaitée localement et qu’elle ne pose aucun problème sur le plan national, le groupe écologiste ne voit pas d’opposition à l’entérinement de cette réforme.
Toutefois, permettez-moi un tout petit bémol. Dans son rapport, notre collègue Patricia Schillinger nous précise que la « fusion de la CRAM et de la CRAV en une CARSAT ne peut que renforcer l’efficacité de ces structures », mais aucun élément factuel d’évaluation n’est apporté pour corroborer cette affirmation. Peut-être des études ont-elles été menées dans les autres régions à l’occasion de la création des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, mais, dans tous les cas, il serait intéressant que la mise en place d’une CARSAT en Alsace-Moselle fasse l’objet d’un suivi et d’une évaluation.
Deuxièmement, il nous est également proposé, à l’article 1er, d’adapter le champ géographique de l’affiliation au régime local d’assurance maladie complémentaire.
Le texte prévoit, en effet, que sont affiliés au régime local « général » les salariés exerçant une activité dans l’un des trois départements, quel que soit le lieu d’implantation du siège de l’entreprise, ainsi que les salariés d’un établissement implanté dans ces départements qui exercent une activité itinérante ailleurs.
Cette définition est un peu plus restrictive que celle qui est actuellement en vigueur, aux termes de laquelle les salariés d’une entreprise ayant son siège dans l’un des trois départements, quel que soit leur lieu de travail en France, sont inclus dans le régime local. Mais cette disposition n’a jamais été appliquée.
De surcroît, le quatrième paragraphe de l’article 1er de la proposition de loi prévoit une « clause de sauvegarde » permettant aux salariés aujourd’hui affiliés au régime local en travaillant hors des trois départements pour une entreprise y ayant son siège social de conserver leurs droits. Cette mesure ne nous paraît donc pas défavorable aux salariés. Aussi n’y sommes-nous pas opposés.
Troisièmement, le deuxième article de la proposition de loi modifie la composition du conseil d’administration de la Caisse nationale du régime social des indépendants, créé en 2006.
Pour l’instant, ce conseil compte cinquante administrateurs, dont quarante-deux représentent les caisses des artisans et commerçants, et huit les deux caisses de base des professions indépendantes.
Toutefois, selon les observateurs, le nombre élevé d’administrateurs freine le fonctionnement du régime. En pratique, quatre délégués nationaux sur cinq ne sont pas présidents de caisse de base, ce qui crée un filtre supplémentaire entre ces caisses et la caisse nationale, contribuant à ralentir la diffusion de l’information et la prise de décision.
Espérons que la nouvelle composition ici proposée – présidents des conseils d’administration des caisses de base et personnes qualifiées désignées par l’autorité compétente de l’État – sera plus efficace !
Enfin, le troisième article de cette proposition de loi concerne le Conseil supérieur de la mutualité. Pour l’instant, ses membres sont élus par les comités régionaux de coordination de la mutualité, les CRCM, créées en 2001, lors de la réforme du code de la mutualité.
Dans la pratique, ces comités n’ont jamais vraiment exercé leurs missions propres ou l’ont fait de manière très hétérogène. Mme la rapporteure rappelle d’ailleurs à juste titre dans son rapport que la plupart ne se sont jamais réunis, seuls trois d’entre eux, ceux de Provence-Alpes-Côte d’Azur, de Rhône-Alpes et d’Île-de-France, ayant quelque peu fonctionné.
L’article 3 vise donc à supprimer les CRCM et à remplacer l’élection des membres du Conseil supérieur de la mutualité par une désignation par les fédérations les plus représentatives du secteur.
Le groupe écologiste, qui ne voit rien de particulier à opposer à cette mesure, tient cependant à formuler une réserve. Il est en effet précisé dans le rapport que la suppression des comités régionaux de coordination de la mutualité évitera « des dépenses élevées liées à l’organisation des élections, tout en préservant la consultation des organisations représentatives du secteur ».
Dans ce cas précis, le raisonnement est légitime. Toutefois, la formulation de la recommandation nous interpelle. Certes, l’organisation d’élections est coûteuse, en énergie et en temps, mais tel est le prix d’un fonctionnement démocratique et, de manière générale, le principe de l’élection nous paraît trop important pour être remis en cause pour des raisons matérielles.
Globalement, vous l’aurez compris, mes chers collègues, malgré les quelques réserves que je viens de formuler, le groupe écologiste ne s’oppose à aucune des mesures contenues dans cette proposition de loi. Mme la rapporteure nous demande de l’adopter « conforme », préconisation que nous suivrons en votant et en appelant à voter pour ce texte, dans la rédaction retenue par l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.)
7
Témoignage d'amitié à M. Guy Fischer, sénateur du Rhône
M. le président. Mes chers collègues, je souhaite, au nom du président du Sénat et en votre nom à tous, ainsi qu’en mon nom personnel, accueillir avec amitié, émotion et respect notre collègue Guy Fischer, qui nous revient cet après-midi après de trop longs mois d’absence. (Vifs applaudissements.)
Je veux lui dire combien nous sommes heureux de le compter de nouveau parmi nous et l’assurer de notre solidarité, comme il convient à l’un des nôtres qui, après s’être signalé par son travail dans notre assemblée, a, dans l’épreuve, marqué toutes et tous par son courage.
Mon cher collègue, au nom du Sénat tout entier, je vous souhaite force et vaillance pour participer demain aux travaux de longue haleine qui seront ceux du Sénat. (Nouveaux applaudissements. –M. Guy Fischer se lève et salue l’hémicycle.)
8
Gouvernance de la sécurité sociale et mutualité
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi relative à la gouvernance de la sécurité sociale et à la mutualité.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a essentiellement pour objet de fusionner la CRAM et la CRAV d’Alsace-Moselle au sein d’une caisse d’assurance retraite et de la santé au travail, ou CARSAT, par alignement sur l’organisation qui prévaut pour le reste du territoire. Une telle démarche permettra de renforcer la cohérence territoriale de l’Alsace-Moselle, en maintenant un organisme unique et important, fort de 1 100 salariés au service de 650 000 retraités, 80 000 entreprises et 2 800 000 assurés sociaux.
La fusion de la CRAM et de la CRAV en Alsace-Moselle aurait dû être réalisée plus rapidement. Le retard est principalement dû au fait que les deux caisses fonctionnaient selon un régime local spécifique, dont les particularités – j’en dirai quelques mots tout à l’heure – ont nécessité un travail de rapprochement plus profond et plus concerté qu’ailleurs. En effet, les CRAV avaient été maintenues en Alsace-Moselle, tandis qu’ailleurs les CRAM assuraient leurs missions jusqu’à la création des CARSAT. La fusion était donc plus aisée à réaliser dans les autres régions françaises.
Nous sommes favorables à ce texte, d’autant qu’il reprend un amendement que j’avais déposé avec mes collègues Jean-Marc Todeschini, Patricia Schillinger, Roland Ries et Ronan Kerdraon lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, mais qui avait été rejeté par le Conseil constitutionnel en tant que « cavalier social ». En ce début d’année, nous avions également été à l’origine d’une proposition de loi relative à la gouvernance de la sécurité sociale en Alsace-Moselle.
Nous regrettons le retard supplémentaire qui a été pris du fait des mécanismes institutionnels. En effet, avant la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, le Parlement avait déjà adopté, en juillet 2011, la disposition législative nécessaire, lors de l’examen du projet de loi modifiant certaines dispositions de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Le Conseil constitutionnel avait alors annulé l’article concerné, au motif qu’il n’avait pas de lien avec le texte en discussion.
C’est la raison pour laquelle le délai prévu pour la mise en œuvre de la fusion, qui devait intervenir le 1er janvier 2012, n’a pu être respecté. Avec ce texte, la création de la CARSAT sera effective le 1er avril 2012, conformément à la volonté des conseils d’administration de la CRAM et de la CRAV, lesquels se sont prononcés en faveur de cette création en mars 2010.
Rapprocher les deux organismes, c’est aussi préserver une cohésion sociologique, culturelle et historique en fédérant deux organismes héritiers et opérateurs du droit local d’Alsace et de Moselle. La nouvelle entité aura donc un fonctionnement similaire à celui des CARSAT, tout en intégrant les spécificités issues du droit local.
En effet, il existe dans les trois départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, qui ont connu l’annexion, un ensemble de règles – des lois et des décrets – héritées du droit allemand établi sous Bismarck. Lors du retour de l’Alsace-Lorraine à la France en 1918, le législateur préféra, à une brutale et massive insertion de l’ensemble de la législation française, une introduction par matières, ainsi que le maintien de dispositions de droit local inconnues du droit français et reconnues techniquement supérieures à la législation française équivalente.
Ces règles concernent différents domaines : les associations, la chasse, le droit du travail, le droit communal, la justice, les jours fériés supplémentaires et la législation sociale, sujet qui nous intéresse aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle il existe un régime d’assurance maladie complémentaire obligatoire géré par un organisme autonome.
J’en rappellerai le principe, sans entrer dans les détails. Il s’agit d’un complément au régime général, financé par les cotisations des salariés et des retraités, qui lui reversent 1,5 % de leurs revenus. Cette surcotisation offre en retour un taux de remboursement des actes médicaux et des médicaments de 90 %, alors que, dans le reste de l’Hexagone, ce taux n’est que de 70 %. Le forfait hospitalier, pour sa part, est couvert à 100 %.
Ce régime local retient toutes les attentions, en raison notamment de sa bonne santé financière. Ainsi, en décembre dernier, on annonçait que son exercice 2011 avait été excédentaire et qu’en conséquence une baisse de 0,1 % des cotisations des affiliés serait décidée pour 2012.
Une question légitime se pose alors régulièrement aux pouvoirs publics : pourquoi ne pas étendre ce système au niveau national, alors que la sécurité sociale n’est bien souvent évoquée dans le pays qu’en raison de ses déficits abyssaux ? Notre commission des affaires sociales a ainsi demandé, en novembre dernier, une enquête à la Cour des comptes, afin d’ouvrir le débat.
Pour en revenir plus spécifiquement au régime local d’assurance maladie, la cotisation est due par tous les salariés du secteur privé et les contractuels de droit public qui exercent leur activité dans l’un des trois départements. Les textes prévoient également qu’elle est acquittée par ceux qui travaillent en dehors de l’Alsace-Moselle si le siège social de leur entreprise est situé dans ces départements.
Cependant, comme l’a souligné la Cour des comptes, cette dernière disposition est difficilement applicable en pratique. C’est pourquoi la présente proposition de loi permet aussi de simplifier les critères d’affiliation, afin de mettre en conformité la pratique et les textes. Nous sommes également favorables à cette mesure, d’autant que la suppression du principe d’affiliation des salariés travaillant en dehors de l’Alsace-Moselle est heureusement assortie d’une clause de sauvegarde, ceux qui étaient affiliés au 31 décembre 2011 conservant le bénéfice de ce régime.
S’agissant de la gouvernance, seuls des représentants de l’instance de gestion du régime local d’assurance maladie d’Alsace-Moselle, d’une part, et de la Fédération nationale de la mutualité française, d’autre part, viendront compléter le conseil d’administration de la CARSAT, composé donc de vingt et un membres. On peut d’ailleurs regretter que les représentants des familles et du personnel ne disposent, comme c’est souvent le cas, que d’une voix consultative. Plus que jamais, la démocratie sociale doit prendre en compte la voix des affiliés cotisants et des institutions représentatives du personnel, qui ne peuvent se faire entendre suffisamment.
Pour ce qui concerne les articles 2 et 3, relatifs, respectivement, au RSI et au Conseil supérieur de la mutualité, j’aurai moins de remarques à formuler.
Pour le RSI, il ne s’agit finalement que de prolonger le mandat des administrateurs en place jusqu’au 30 novembre 2012, soit après l’élection présidentielle, de manière à repenser la gouvernance de ce régime, qui visiblement pose un vrai problème, et à tenir compte de la contestation des représentants des professions libérales à cet égard. C’est donc une formule de sagesse.
En ce qui concerne le Conseil supérieur de la mutualité, une volonté de simplification, tout à fait compréhensible, explique la mise en place d’un système de désignation, plutôt qu’une élection, par les fédérations et unions de la mutualité, désignation dont les modalités sont renvoyées à un décret en Conseil d’État.
Cependant, on peut s’interroger sur la portée symbolique de ce choix. En effet, il n’est jamais bon de transformer un vote, expression de la démocratie, en une désignation, quand bien même, comme dans le cas précis du Conseil supérieur de la mutualité, toutes les fédérations garderaient un siège et que les membres désignés devraient répondre à un certain nombre de critères.
Cela étant, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, mon groupe, vous l’aurez bien compris, mes chers collègues, votera ce texte, dont une bonne partie reprend l’amendement que nous avions déposé sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, ainsi que notre propre proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.