M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a quelques mois, un homme politique français, interrogé sur l’éventualité d’un référendum en Grèce à propos des mesures de rigueur imposées à ce pays, faisait part de son agacement en ces termes : « Je trouve que c’est une décision normale et je n’arrive pas bien à comprendre l’agitation autour d’elle. […] Je pense que la démarche [de M. Papandreou] est une démarche correcte. Il a besoin de savoir si le peuple grec accepte cet accord. […] Dans une démocratie, il faut interroger les citoyens. »
Cet homme politique n’a rien d’un écologiste, non plus que d’un homme de gauche. Il ne figure pas davantage parmi les adversaires de l’Union européenne, bien au contraire. Rien ne laisse non plus penser qu’il soit un fervent défenseur de l’idée de démocratie directe et d’un usage débridé du référendum...
En réalité, en s’exprimant de la sorte, il ne faisait que rappeler une évidence : le fonctionnement de l’Europe doit être démocratique, en tout cas plus qu’il ne l’est actuellement, et qui dit démocratie, dit non seulement chefs d’État et de gouvernement librement élus, mais aussi parlements, partis politiques, syndicats, associations et surtout citoyens profondément impliqués dans les décisions majeures qui s’imposent aux sociétés.
Autant d’éléments que le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, semble trop souvent négliger, notamment en ce qui concerne la gestion de l’actuelle crise des dettes souveraines. Quel dommage que Valéry Giscard d’Estaing, puisque c’est de lui qu’il s’agit, n’ait pas eu davantage votre écoute dans la période récente !
Puisque j’en suis à parler d’hommes politiques illustres, je m’autoriserai quelques réflexions rétrospectives.
En pensant aux grandes étapes qui ont marqué la construction de l’Union européenne, il m’apparaît que nous sommes plus que jamais confrontés à un problème de génération. Le projet des pères fondateurs, dont nous continuons tous ou presque à nous réclamer, est assez mal en point. C’est celui des Altiero Spinelli et Jean Monnet, entre autres. Ces hommes voulaient construire un espace de paix et de démocratie, de prospérité et de partage, qui permettrait à leurs pays de se relever de l’immense crise et des terribles conflits qu’ils venaient de traverser. L’unification de leur continent était, à leurs yeux, absolument nécessaire. Ils cherchèrent à la construire sans relâche, en s’appuyant sur un pragmatisme lucide, mais courageux et résolu.
La seconde génération d’Européens, quoique aussi pragmatique en apparence, l’était en réalité beaucoup moins. Je pense à un Valéry Giscard d’Estaing, mais aussi à un Bronisław Geremek, ainsi qu’à quelques grands noms dont les voix résonnent encore parfois au Parlement européen. (Mme Catherine Morin-Desailly et M. Yves Pozzo di Borgo applaudissent.)
Cette génération-là a fait fructifier le legs laissé par les pères fondateurs. Elle a cependant commis aussi des erreurs, tant elle supposait que tout serait facile pour construire l’Europe dont elle rêvait, d’où, notamment, un élargissement parfois trop rapide et, surtout, une unification encore trop focalisée sur l’économie au détriment du social et de la politique.
La troisième génération, celle qui se trouve actuellement aux responsabilités en Europe, loin de réparer les erreurs de la génération précédente, les a plutôt aggravées.
Le problème n’est pas que les actuels dirigeants, français et allemands, par exemple, ne parlent jamais d’Europe, mais qu’ils en parlent avec des expressions qui varient selon le contexte, le lieu où il se trouve et le public auquel ils s’adressent.
Il y a cinq ans, Nicolas Sarkozy s’en prenait indirectement à l’Allemagne en rappelant que la France, contrairement à d’autres, n’avait « pas inventé la solution finale », phrase qui n’a pas été sans produire quelques échos. Aujourd’hui, l’Allemagne est son modèle.
Il y a quelques mois, Angela Merkel disait tout le bien qu’elle pensait d’une Europe qui serait enfin pleinement politique. Dans le même temps, elle agissait exactement comme si elle voulait aller dans la direction opposée, et c’est ce qu’elle continue à faire.
Ces actes et ces discours n’ont en réalité qu’un seul point commun : l’Europe n’est plus présentée comme incontournable, mais comme une contrainte. Là où elle était ouverture, elle est désormais frontière à protéger. Là où elle était un projet, elle n’est plus qu’un outil à utiliser.
Surtout, à écouter ces discours, on comprend que sa construction ne relève plus de notre choix collectif. C’est quelque chose qu’on nous imposerait. Quoi de plus commode pour un chef d’État ou de gouvernement à la peine dans l’opinion ? S’il ne parvient pas à obtenir telle ou telle chose, c’est la faute de l’Europe ! S’il veut mettre en place des réformes impopulaires, c’est encore et toujours la faute de l’Europe ! Et si jamais l’Europe doit réussir quelque part, c’est bien entendu de son fait à lui…
Vous vous demandez sans doute pourquoi, monsieur le ministre, je m’attarde sur ces considérations. En réalité, elles sont directement liées à l’objet de notre débat. En effet, l’ordre du jour du Conseil européen auquel vous vous rendrez jeudi illustre parfaitement la dégradation que je viens de décrire.
En l’occurrence, c’est ce que cet ordre du jour ne comporte pas qui me préoccupe.
Comment se fait-il que le débat que nous avons ce soir n’ait pu avoir lieu, devant le Parlement, qu’à la veille d’un Conseil européen aux enjeux, il faut bien le dire, assez limités ? Nous n’avons malheureusement pas eu l’honneur de débattre avant le Conseil informel du 30 janvier dernier, celui qui scella à la fois les négociations portant sur le Mécanisme européen de stabilité et sur le nouveau traité intergouvernemental.
Certes, nous échangeons sur une base régulière : fin octobre, mi-décembre, de nouveau aujourd’hui. Mais, lorsqu’il apparaît qu’autant de décisions, a fortiori controversées, sont prises lors de réunions « informelles » du Conseil européen, ne vaudrait-il pas mieux qu’un véritable débat ait lieu de manière systématique, devant la société française et sa représentation, avant chacune de ces réunions ?
En Allemagne ou au Danemark, lequel préside actuellement le Conseil européen, le Parlement est étroitement associé à la politique européenne de l’exécutif quand le Gouvernement n’est pas lié, comme c’est le cas au Danemark, par le mandat que lui donne le pouvoir législatif.
Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, pourquoi la France est le seul pays dont la politique européenne soit à ce point accaparée par le chef de l’État et aussi peu discutée publiquement, sans donc que le pays et sa représentation parlementaire y soient associés en amont ?
Le Sénat a récemment adopté, sur l’initiative de sa commission des affaires européennes, une résolution sur le contrôle démocratique des politiques européennes et des politiques économiques. Le Gouvernement devrait s’en inspirer s’il veut éviter que de nouveaux malentendus et de nouvelles fractures n’apparaissent entre les citoyens et ceux qui sont censés les représenter.
Depuis plusieurs jours, les parlementaires, donc les sénateurs, ne cessent de recevoir des courriers relatifs au Mécanisme européen de stabilité.
Quelle que soit l’opinion que l’on peut avoir sur ce mécanisme, je suis sûr que nous pourrons être d’accord pour dire que les conditions dans lesquelles il a été discuté ne sont pas satisfaisantes. Les citoyens et les parlementaires ont été mis sur le côté, de sorte que ces textes se retrouvent votés en urgence et instrumentalisés de part et d’autre. Cela n’est pas raisonnable et c’est totalement contre-productif.
Je reviens à l’ordre du jour du Conseil européen.
Celui-ci aura d’abord pour objet de clore la première phase du semestre européen. Il s’agit notamment d’examiner dans quelle mesure les États membres appliquent les recommandations qui leur sont adressées par le Conseil et la Commission en matière de coordination économique.
C’est une réforme un peu étrange, si l’on y réfléchit, puisqu’elle est à mi-chemin entre la méthode communautaire et la méthode intergouvernementale.
C’est aussi une réforme potentiellement dangereuse puisqu’elle est aujourd’hui synonyme d’une stricte austérité et qu’elle porte atteinte aux compétences traditionnellement reconnues aux parlements nationaux comme au Parlement européen dans ce domaine.
Mais, s’il était possible d’y voir une réforme réellement et pleinement européenne, cela ne serait pas si grave. Si cette réforme avait donné plus de poids à une approche intergouvernementale intelligente et réellement équilibrée, il serait encore possible de l’envisager comme un progrès. Or, non seulement cette réforme tourne le dos à une approche fédéraliste et communautaire, mais elle tend aussi à aggraver les déséquilibres profonds qui existent déjà entre États membres en matière de reconnaissance politique.
J’en veux pour preuve l’exercice auquel s’est livré, voilà deux semaines, le commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires, Olli Rehn, que citait précédemment Jean-Pierre Chevènement. Alors qu’il évoquait, conformément à la législation établissant le semestre européen, les déséquilibres macroéconomiques qui frappent la zone Euro, M. Rehn a pointé du doigt dix-sept États membres considérés comme devant faire l’objet d’une attention particulière de la part de ses services. La Grèce, l’Espagne, l’Irlande et le Portugal en font naturellement partie... La France aussi. Elle est, comme le Royaume-Uni et la Belgique, jugée insuffisamment compétitive et perdant trop de parts de marchés à l’exportation.
En revanche, l’Allemagne est absente de cette liste. Aucun déséquilibre économique ne lui est reproché, alors que la balance de ses comptes courants est largement excédentaire depuis des années. C’est le signe, selon les critères du fameux six pack, de salaires trop peu élevés et d’une demande intérieure trop peu développée, au détriment de la population allemande comme de l’ensemble de l’Union européenne.
Pourtant, la Commission européenne, en dépit des obligations résultant du six pack, fait mine de ne rien remarquer ! Pourquoi ? Tout simplement parce que l’Allemagne, inquiète de voir sa réputation entamée, alors qu’elle mène une croisade en faveur de l’austérité, a fait pression sur la Commission pour que celle-ci omette de l’épingler.
C’est ainsi que le gouvernement du pays le plus influent de l’Union semble mépriser toute idée de solidarité européenne et de responsabilité partagée. Personne ne semble s’en offusquer, et surtout pas le gouvernement français !
En effet, pour maintenir un semblant d’influence au sein du concert européen, le président Sarkozy a bien compris que son intérêt n’était plus de peser en faveur d’idées qu’il défendait il n’y a pas si longtemps – je pense à la création d’euro-obligations – mais de conclure une alliance tactique et, je dois le dire, assez opportuniste avec Mme Merkel. Cette dernière a besoin de lui pour ne pas paraître trop isolée face à des États qui, comme la Pologne, commencent à protester.
Ainsi, l’Europe qui se réunira cette semaine n’est ni fédéraliste, ni communautaire, ni même intergouvernementale à proprement parler. Dans l’esprit des deux dirigeants, français et allemand, elle ne saurait être qu’une forme de directoire plus ou moins affirmé.
De son côté, M. Mario Monti, président du Conseil italien et habitué des arcanes européens, a pris voilà peu position sur cette problématique en des termes très forts, notamment dans un article du journal Le Monde cosigné avec Sylvie Goulard.
Cette méthode – la confiscation de l’Union européenne par deux États membres et une sorte d’alliance objective entre gouvernements conservateurs et technocratie au détriment du Parlement européen et des parlements nationaux – ne fonctionnera pas. Bien plus que l’autoritarisme supposé d’une Commission européenne, réduite plus que jamais à l’état de secrétariat des grands États membres, elle risque de conduire à la dislocation du projet européen.
C’est cette méthode qui a précipité la Grèce, déjà lourdement abîmée par la faute de ses propres dirigeants, dans l’état où elle est aujourd’hui.
C’est aussi au nom de cette méthode qu’il est jugé inutile et inopportun de s’intéresser à des questions telles que les libertés fondamentales en Hongrie. Le Premier ministre Viktor Orban, qui est aussi le vice-président du parti populaire européen, n’a-t-il pas été récemment invité à ce titre par l’UMP à Marseille, alors que sa dérive autoritaire, dont témoigne la transformation des institutions de son pays, ne fait aucun doute ? La lutte contre de telles dérives n’est-elle pas l’un des fondements du projet européen ? C’est là un point que l’on aurait aimé voir figurer au programme de travail du Conseil européen de cette semaine.
Monsieur le ministre, jeudi prochain, lors de ce sommet, que comptez-vous répondre aux critiques du président Mario Monti, lorsque vous le croiserez avec le Président de la République ? Inciterez-vous le Conseil européen à s’intéresser enfin de plus près à la situation préoccupante des libertés fondamentales en Hongrie ?
Avant de conclure, je voudrais saisir l’occasion de ce débat pour réitérer une question que j’ai posée le 9 février dernier à votre collègue M. Lellouche lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement et qui n’a reçu aucune réponse.
La Grèce demeure aujourd'hui plongée dans des difficultés considérables et reste soumise à des contraintes socialement insoutenables. Pourtant, jamais depuis la crise de 2008 ceux qui assument au plus haut niveau la responsabilité de notre diplomatie ne se sont rendus sur place, à Athènes, pour discuter directement avec les principaux intéressés. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si un tel voyage, qui serait un acte de considération fort à l’égard du gouvernement de la Grèce et, surtout, de sa population, est envisagé dans les semaines à venir par le Président de la République, le Premier ministre, le ministre des affaires étrangères et européennes ou vous-même ? (M. le président de la commission des affaires européennes applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans les circonstances que nous vivons, et qui n’incitent guère à l’optimisme, le sommet qui s'ouvrira après-demain a pour mission de tenter de raviver le sentiment européen dans les opinions de nos démocraties et de faire renaître l'espoir. Malheureusement, son ordre du jour porte essentiellement sur la confirmation du projet de traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire. Il y a là, me semble-t-il, un contraste.
Est-il besoin de rappeler les obligations d'équilibre budgétaire déjà acceptées au sein de l'Union européenne et en France ? Depuis bientôt vingt ans que le traité de Maastricht est en vigueur, nous avons pu observer comment il était appliqué. Il a donné lieu, en 2004-2005, à un compromis interprétatif du Conseil européen qui l’a surtout compliqué, et sans que les résultats en termes de maîtrise budgétaire collective soient vraiment au rendez-vous.
Plus récemment, ont été adoptés les deux packs qui encadreront de façon de plus en plus stricte les procédures budgétaires et les autres décisions relatives aux finances publiques des États membres.
Et n’oublions pas que, dans notre propre dispositif constitutionnel, la révision de juillet 2008 a introduit, à l’article 34, une disposition aux termes de laquelle « les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies dans des lois de programmation » et « s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ».
Lorsqu’on observe la trajectoire budgétaire de la France, y compris en matière de finances sociales, depuis l'instauration de cette première règle d'équilibre à caractère constitutionnel, on se demande ce qu'il faudra pour atteindre effectivement l’équilibre !
L’expérience nous oblige à reconnaître que les difficultés spécifiques dans lesquelles notre pays se trouve aujourd'hui sont plus l’effet de certaines dérives que de la malchance et que ces dérives sont elles-mêmes la conséquence de décisions politiques qu’il faut bien assumer.
La façon dont les autorités françaises ont cherché à esquiver l'application des dispositions du traité en 2003-2004 – c’était la même majorité gouvernementale qu’aujourd'hui – a laissé un souvenir très précis à nombre de nos partenaires de l'Union européenne.
Enfin, comme d’autres orateurs l’ont souligné, l'affaiblissement de la compétitivité de la France – 10 points perdus depuis 2002 – n'a évidemment rien de rassurant quant à notre capacité à retrouver la croissance, qui reste le support premier de l'équilibre des finances publiques.
La conséquence de cette situation, nous la voyons maintenant dans le texte du projet de traité : c’est la position dominante de l'Allemagne. Les autorités allemandes, a fortiori quand ce sont les conservateurs qui sont au pouvoir, comme aujourd'hui, ont une exigence profondément normative d'encadrement des finances publiques et fondent leur raisonnement sur la méfiance. Reconnaissons que, comme je l’ai montré, nous avons donné prise à une telle attitude. Quoi qu'il en soit, l’Allemagne est actuellement suivie par un certain nombre de pays, qui s’inquiètent eux aussi de l'évolution de l'euro et de celle de notre système financier.
La position dans laquelle s’est trouvé le Président de la République au cours de la négociation – mais c'est aussi son bilan ! – a abouti à un traité que nous pensons profondément déséquilibré, et de surcroît inefficace.
Plusieurs économistes ont formulé des remarques assez simples sur ce qui posait problème au sein de la zone euro. D’ailleurs, à cet égard, malgré les différences d'opinion que nous avons pu avoir sur bien des sujets avec Jean-Pierre Chevènement, je veux saluer sa clairvoyance. Avoir une zone monétaire unique sans banque centrale jouant le rôle de prêteur en dernier ressort, sans partage de la gestion des dettes publiques et sans mise en commun des dispositifs de régulation du système bancaire confine à un exercice d'équilibriste…
Or, sauf peut-être sur un point, et encore de façon marginale, le traité qui sera vraisemblablement signé lors du prochain sommet – même s'il est encore légèrement modifié à l'occasion d'une ultime négociation – ne répond pas à ces questions de base.
Je signale au passage que, lorsque le Gouvernement français s'est engagé dans une comparaison critique avec la situation du Royaume-Uni, dont les fondamentaux affichent certes des chiffres encore plus préoccupants, il l’a fait néanmoins, à mon sens, de façon quelque peu hasardeuse, car ce pays dispose, lui, d’un prêteur en dernier ressort, ce qui a fait la différence ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann acquiesce.)
M. Roland Courteau. En effet !
M. Alain Richard. Surtout, ce projet de traité ne remédie pas aux tensions économiques et sociales de plus en plus fortes et dramatiques que connaissent les pays en difficulté financière, à commencer par la Grèce. Dans de nombreux pays, notamment en France, les opinions publiques sont préoccupées par cette spirale de tensions et par l’incompréhension que manifeste la majorité conservatrice du Conseil européen, laquelle, devant cette situation économique très préoccupante – l'absence de croissance de l'Europe –, ne fait qu’appuyer sur le clavier des mesures restrictives, créant ainsi un risque de plus en plus grand de récession et de conflits sociaux.
Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur quelques questions qui ne me paraissent pas susceptibles d’être résolues par ce projet de traité.
Premièrement, dans le projet actuel, la Cour de justice de l’Union européenne a pour rôle de vérifier le respect de l'engagement d'équilibre des nations signataires. Sur quels actes concrets sera-t-elle saisie ? En cas de manquement à l'obligation de souscrire l'engagement d'équilibre, qui pourra la saisir ? Quelle est la crédibilité du mécanisme de sanctions financières si le désaccord entre l'État mis en cause et la Cour tient à une nuance rédactionnelle, puisque l’actuel projet de traité ne comporte plus d'obligation de caractère constitutionnel de fixer une règle d'équilibre ? On voit d'ailleurs mal comment la règle qui figure dans le projet de traité pourrait se traduire dans un dispositif constitutionnel.
Deuxièmement, même si le projet de traité ne prévoit rien de tel, y a-t-il un début d’évolution du rôle de la Banque centrale européenne ? Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer, fût-ce à grands traits, vos pistes de réflexion sur une concertation permettant à la Banque centrale européenne de se coordonner de façon plus efficace avec les gouvernements, notamment pour assurer la liquidité du système, sans remettre en cause l'indépendance de cette institution, à laquelle tiennent plusieurs de nos partenaires ?
Troisièmement, où sont les mesures de croissance ? Pour l'instant, le projet de traité ne parle que de « convergence » et de « compétitivité ». Pour les avoir souvent vus utilisés, nous savons ce que ces termes recouvrent en matière de recul des solidarités et de dérégulation du travail. Existe-t-il un début de discussion sur de grands projets ? Où sont les leviers de l'innovation productive ? Les signataires de ce traité ont-ils la volonté de prévoir une contrepartie en faveur de la croissance de l'Union européenne, puisque c'est la condition du rétablissement des équilibres financiers ?
Quatrièmement, ces mesures restrictives ouvrent-elles au moins la possibilité de mettre en commun des obligations publiques ? L’émission d'euro-obligations pourrait être envisagée, si, en matière de respect de l'équilibre des finances publiques, la confiance régnait, au lieu de la défiance. A-t-on envisagé un premier élargissement de la capacité d'emprunt de l'Union européenne pour financer les projets d'innovation et les projets de développement dans le cadre d’une croissance décarbonée ?
Je conclurai par une question plus transversale. Où est la confrontation démocratique sur les différents moyens d'atteindre ce rétablissement économique ? Où est le pluralisme ? Où sont les perspectives d’ouverture de débats dans les procédures que vous avez acceptées en approuvant ce projet de traité ?
Monsieur le ministre, vous le constatez, ce projet de traité est incomplet et déséquilibré. C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il faut rouvrir la discussion. C'est le droit d’une nation comme la France, à l'issue d'un grand choix démocratique, de faire jouer son droit à une discussion renouvelée avec ses partenaires. Nous pourrons y prétendre sur la base du réalisme économique parce qu'il nous semble que ce traité organise la persistance de la récession. Il faut renforcer le potentiel de croissance et de solidarité de l'Union européenne. Cette négociation pourra s'élargir aux perspectives financières pour les années 2013-2020.
Monsieur le ministre, nous observerons de façon critique et vigilante la fin de la négociation lors du prochain Conseil européen. Nous y réagirons avec la volonté d'aider l'Union européenne à repartir du bon pas, celui de l'efficacité et de la justice. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors du Conseil européen qui va se tenir jeudi et vendredi prochains, les chefs d’État et de gouvernement aborderont la question de l’approfondissement de l’intégration budgétaire au sein de la zone euro. Je voudrais donc saisir cette occasion pour vous présenter un certain nombre de réflexions sur cette question.
Tout d’abord, une évidence : cette réforme de la gouvernance économique et budgétaire européenne se fait dans une grande confusion. L’empilement des textes nous empêche de nous y retrouver et l’extrême complexité de l’articulation des procédures risque de créer de l’insécurité juridique. S’il faut faire fonctionner ensemble le two pack, le six pack, le MES et le TSCG, il y a fort à parier que cela ne marchera pas !
Il est à craindre que cette superposition n’entraîne des conflits de compétence entre les institutions chargées de mettre en œuvre ces différents textes, à savoir la Commission européenne, le Conseil européen et le Conseil des gouverneurs, chargé de faire fonctionner le MES.
Je voudrais aussi souligner que l’enrayement de la crise économique et sociale ainsi que le rétablissement de la stabilité financière passent nécessairement par davantage d’Europe, au travers, notamment, de la création d’une union budgétaire fondée sur quatre piliers : la discipline budgétaire, la solidarité financière, la croissance et le contrôle démocratique.
Je n’insisterai guère sur le rééquilibrage du système de surveillance budgétaire puisque nous y avons consacré une bonne partie de l’après-midi. Au lieu de créer une « règle d’or » inefficace et inutile, il est nécessaire, à notre sens, de desserrer le carcan budgétaire dans lequel se sont petit à petit enfermés les États membres. En particulier, il convient de se demander pourquoi il faudrait appliquer la même règle à quinze ou dix-sept États ayant tous une histoire et une situation économique différentes. Il n’y a pas de raison pour que la règle des 3 % de déficit public – cette règle-là ou une autre, d’ailleurs !– s’applique de façon efficace et intelligente à chacune de ces situations particulières. Le cas espagnol n’a rien à voir avec celui de l’Italie ou de la Grèce ! Nous savons bien que cette façon quasi militaire de gérer l’économie ne fonctionne pas.
La poursuite de l’objectif de l’équilibre budgétaire ne devrait pas nuire aux dépenses d’investissement nécessaires pour stimuler la croissance. Comme le dit l’économiste Michel Aglietta, il faut « accepter des déficits quand l’économie tourne au ralenti et enregistrer des excédents lors des phases prospères ».
À cet égard, monsieur le ministre, nous nous demandons pourquoi la France ne soutient pas le plan pour la croissance en Europe lancé récemment par le Royaume-Uni et l’Italie, plan qui a, semble-t-il, suscité de grandes réserves en Allemagne et en France alors que le volet du marché intérieur reprend essentiellement les propositions du rapport Monti de 2010, en particulier pour les secteurs des services, de l’énergie et de la recherche.
Pourquoi ne soutenons-nous pas cette initiative ?
M. Yves Pozzo di Borgo. Bonne question !
M. Richard Yung. Pour une fois que les Anglais proposent quelque chose d’utile à l’Europe, il est dommage de les bouder !
La solidarité financière a également été abordée lors du débat de cet après-midi. À cette occasion, j’ai précisé notre position sur la création d’une agence européenne chargée d’émettre des titres de dette européens.
Monsieur le ministre, s’agissant de la stratégie européenne de croissance, je tiens à réaffirmer la nécessité de mutualiser les dépenses d’avenir. Il s’agit de contourner les contraintes pesant sur les budgets. La réalisation de cet objectif passe par la création d’une capacité d’emprunt pour l’Union européenne, par l’accroissement du rôle de la Banque européenne d’investissement et, cela a été dit à plusieurs reprises, par une réforme du mandat de la Banque centrale européenne. De telles perspectives nous permettraient d’augmenter le budget européen à l’avenir.
Je sais que cela ne convient pas à M. Arthuis, mais, comme l’a souvent dit notre collègue Pierre Bernard-Reymond, les États sont lourdement endettés, alors que l’Union européenne, en tant qu’institution, ne l’est pas. Utilisons donc cette possibilité !
Je conclurai cette courte intervention en évoquant le renforcement du contrôle démocratique de l’intégration budgétaire. Une intervention accrue du Parlement européen et des parlements nationaux est nécessaire. Certes, des mécanismes la permettant existent déjà, mais ils sont peu utilisés.
Telles sont les réflexions que je voulais présenter sur ce que pourrait être l’intégration budgétaire européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernante au sein de l’Union économique et monétaire, arrêté le 30 janvier 2012 dans des conditions qui ont été rappelées, devrait être signé en marge du Conseil européen des 1er et 2 mars, avant autorisation de ratification par les parlements.
Je ne reviendrai pas sur le problème du processus démocratique : d’autres l’ont fait mieux que je ne le ferais. C’est bien ce qui est cœur du débat de ce prochain Conseil européen, à l’heure où les préoccupations de nos concitoyens portent sur l’emploi, la compétitivité et la croissance.
L’Europe est à la croisée des chemins depuis bien longtemps, mais, aujourd’hui, le reste du monde ne l’attend pas et ne la regarde plus, si ce n’est, parfois, avec dédain.
Pourquoi la juxtaposition de nations aussi développées, aussi puissantes, n’aboutit-elle très souvent qu’à une cacophonie continentale, loin des capacités et des ambitions des peuples qui la composent ?
Le groupe du RDSE est très attaché à la construction européenne, à la nécessité de rompre définitivement avec les nationalismes fauteurs de conflits sanglants grâce à une coopération étroite et nécessaire au sein du même espace continental, mais dans le respect de l’identité de chaque nation.
Aujourd’hui, l’Europe subit une crise dont l’épicentre était situé en Amérique du Nord. Elle a les plus grandes difficultés à définir une politique prospective, réagissant, hélas, par à-coups, pour ne pas dire au jour le jour, subissant l’événement au lieu de le prévoir.
Ce traité sur la stabilité en est l’illustration. Il a été négocié précipitamment, sans concertation suffisante et n’offre pas une réponse adaptée aux difficultés réelles de la zone euro, à sa fragilité aujourd’hui avérée.
Je le répète, il a été négocié dans l’urgence, hors cadre communautaire, alors qu’un accord aurait pu se concevoir à « traité constant », selon le président Van Rompuy lui-même. Il a en fait révélé une véritable crise institutionnelle.
D’ailleurs, il reprend pour l’essentiel des dispositions déjà adoptées par l’Union européenne, notamment dans le paquet « gouvernance économique » de juin 2011.
En réalité, la principale nouveauté du traité est l’obligation d’adopter une « règle d’or » contraignante dans l’ordre juridique interne, le non-respect de l’obligation de transposition pouvant être sanctionné par la Cour de justice de l’Union européenne. Pour nous, la « règle d’or » ne relève pas de la Constitution, mais de la volonté politique, de la sincérité, en particulier dans les lois de programmation.
Par ailleurs, ce traité généralise la règle de la majorité qualifiée inversée pour toutes les propositions ou recommandations de la Commission relatives à un État en déficit excessif et renforce l’automaticité des sanctions. Il n’y a pas de remise en cause des seuils du Pacte de stabilité, lesquels n’ont aucune justification économique, notamment l’objectif irréalisable de l’article 4. Pour prendre l’exemple de la France, comment serait-il possible de dégager un excédent de plusieurs dizaines de milliards d’euros par an ?
En outre, le traité ne met pas suffisamment l’accent sur la croissance ni sur la coordination des politiques économiques nécessaire pour y parvenir. Nous craignons donc que les États de la zone euro ne s’enferment dans une rigueur budgétaire absolue permettant, certes, de réduire le déficit à court terme, mais nuisant à la croissance à long terme. À notre sens, il faut des investissements au niveau européen pour porter la croissance.
Si ce traité est imparfait, voire en grande partie inapplicable, cette appréciation ne saurait nous entraîner dans l’euroscepticisme primaire.
La seule solution pour l’Europe et les Européens, propre à garantir la croissance, consiste en un renforcement de l’intégration européenne, étant entendu que les citoyens doivent parallèlement s’approprier celle-ci. Effectivement, le fédéralisme est nécessaire pour résoudre les imperfections de la zone euro.
Les plus grands économistes sont d’ailleurs d’accord sur le fait qu’il n’y a pas d’alternative pour l’Union Européenne à un renforcement de l’intégration politique, économique, budgétaire, donc à une transformation des institutions vers un modèle fédéral.
Voici ce que dit Patrick Artus, directeur de la recherche et des études de Natixis, à ce sujet : « À court terme, la seule solution est donc de maintenir les mécanismes de financement public des pays déficitaires et de leur donner la taille suffisante : EFSF-EFSM, achats durables de dettes publiques par la BCE. Ces mécanismes doivent être perçus comme nécessaires durant la transition vers le fédéralisme. »
L’élément clé est donc la mobilité de l’épargne à l’échelle de l’Union européenne pour permettre de régler les déséquilibres macroéconomiques.
Pour cela, il faut un véritable budget européen, avec des ressources propres – taxe sur les transactions financières, TVA, taxe carbone, eurobonds… – et une stratégie commune d’investissements.
Nous en sommes malheureusement très loin et les mois qui viennent seront encore plus difficiles. Ce traité n’est pas à la hauteur des enjeux actuels. Il conviendrait de ne point le signer en l’état. (Applaudissements sur les travées du RDSE. – M. Alain Richard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Conseil européen des 1er et 2 mars sera principalement consacré à la politique économique. Il sera l’occasion de faire le bilan des progrès de chaque pays dans le cadre du « semestre européen ». Surtout, ce sommet abordera la question de l’approfondissement de l’intégration budgétaire dans la zone euro.
C’est donc bien cette question, laquelle va de pair avec la signature prévue en marge du sommet du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, qui occupe et échauffe aujourd’hui les esprits.
Ce traité, tellement voulu par l’Allemagne, est considéré outre-Rhin comme la contrepartie au nouveau « pare-feu » anti-crise de la zone euro, le Mécanisme européen de stabilité, dont il a été question plus tôt dans l’après-midi.
Le MES impose une rigueur budgétaire sans faille, ainsi que l’introduction d’une « règle d’or » d’équilibre des finances publiques dans notre Constitution, véritable règle d’airain, selon l’expression de Jean-Pierre Chevènement.
La croissance et la coordination des politiques économiques pour favoriser celle-ci sont certainement, de mon point de vue, trop peu présentes dans ce traité, Alain Richard et Jean-Pierre Chevènement l’ont d’ailleurs rappelé.
Cependant, on peut espérer qu’il ne constitue qu’une étape vers une Europe plus forte, dotée d’une véritable gouvernance économique. En outre, monsieur le ministre, il n’est aujourd'hui ni signé ni a fortiori ratifié, et il y a sans doute encore une marge de manœuvre pour l’améliorer, voire le renégocier.
Certes, l’Union européenne est, en l’état, faillible, fragile, et surtout jeune. Ces faiblesses de jeunesse qu’on lui reproche aujourd’hui ne sont pourtant pas irréversibles.
Qu’avons-nous comme alternative ? Une sortie de l’euro, voire de l’Europe ? Faut-il croire, comme l’éditorialiste du Courrier International l’écrivait au moment de l’éclatement de la crise grecque, en mai 2010, que celle-ci a mis « un terme à ce qui fut jusqu’à présent l’aventure européenne, une aventure tissée de petits pas, de traités et de compromis » ? Pour ma part, je ne le crois pas.
Renoncer à l’euro ou à l’Union européenne aurait des conséquences bien plus graves que la crise financière de 2008 ou celle des dettes souveraines que nous traversons actuellement. Pour reprendre les mots d’Olivier Pastré, professeur d’économie, à côté d’une implosion de l’euro, « la crise des subprimes et la faillite de Lehman Brothers feraient figure de plaisant accroc conjoncturel ». Quant au prix Nobel d’économie, Paul Krugman, il affirmait il y a tout juste deux ans, dans un entretien au New York Times, que « toute tentative pour remettre en place une devise nationale déclencherait la "mère de toutes les crises financières" ».
En effet, si sortir de l’euro pourrait dans un premier temps nous permettre de retrouver un tant soit peu de compétitivité, par le biais d’une dévaluation monétaire, cela nous entraînerait sans doute à long terme dans une terrible spirale de récession. Baisse de la demande intérieure, hausse des taux d’intérêt rendant impossible une reprise des investissements des entreprises, perte de recettes fiscales impliquant de nouveaux plans de rigueur, fuite des capitaux et augmentation massive du chômage ne sont que quelques-uns des maux qui frapperaient notre économie dans le cadre du scénario d’un retour à la monnaie nationale.
Oui, une implosion de l’euro, une dislocation de l’Europe auraient des conséquences dramatiques pour l’économie mondiale.
M. Jean Arthuis. Très bien !
M. Yvon Collin. Dès lors, à l’évidence, nous ne pouvons qu’aller vers une intégration budgétaire, économique et politique plus poussée, autrement dit vers le « fédéralisme ». Paul Krugman, toujours lui, déclarait en 2010 : « La seule solution pour s’en sortir est donc d’aller de l’avant. Pour que l’euro soit opérationnel, l’Europe doit progresser sur la voie de l’intégration politique. »
Ce que nous voulons tous, c’est retrouver le chemin de la croissance. Pour cela, mieux vaut s’unir, coordonner les politiques économiques et mener une politique d’investissement commune. Aussi, je ne peux que vous inviter, monsieur le ministre, mes chers collègues, à relire mes rapports de 2007 et 2009, faits au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, dans lesquels j’appelais à une véritable coordination des politiques économiques en Europe.
Mutualisées, les dépenses d’avenir seront financées au meilleur coût et se révéleront plus efficaces. Une politique d’austérité prolongée et étendue à toute l’Europe ne pourra être que bénéfique, conduisant à une réduction des déficits à court terme, mais surtout à une réduction de la croissance à long terme.
Certes, il est politiquement plus facile de limiter le budget européen au minimum. Pourtant, pour le bien de l’ensemble des Européens, l’Union européenne doit se doter d’un véritable budget, alimenté par des ressources propres, et être ainsi en mesure d’investir en faveur d’une croissance durable et partagée.
La sortie de crise pour l’Union européenne passe donc par un pas supplémentaire vers plus d’intégration et de démocratie, comme l’a notamment souligné mon collègue Jacques Mézard. Il faut « expliquer l’Europe » pour que nos concitoyens s’y intéressent, se l’approprient et décident que l’Europe doit se faire et qu’elle ne se fera pas sans eux. Il importe aujourd’hui de se démener pour construire une Europe solide, une Europe démocratique, une Europe des citoyens. Ainsi que l’affirme Jean-Pierre Jouyet, président de l’Autorité des marchés financiers, « il y a un moment où il faut donner aux gens l’envie d’aimer l’Europe ». Telle doit être, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre mission ! (Applaudissements sur les travées du RDSE. – M. le président de la commission des affaires européennes et M. Alain Richard applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Leonetti, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’issue de ce débat, c’est la nécessité de rappeler les fondamentaux qui domine. Nous avons nos rêves, nos aspirations, mais nous avons aussi nos vingt-six partenaires de l’Union, ou nos seize de la zone euro. Comme l’a très bien rappelé M. Collin, il y a les petits pas, il y a les compromis, et puis il y a les traités.
Un simple regard sur l’évolution de l’Europe suffit à démontrer qu’aucun traité n’est parfait. Aucun traité n’est non plus le fruit de la seule volonté de la France.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est ce que l’on disait de la taxation des mouvements financiers !
M. Jean Leonetti, ministre. Dans une économie mondialisée, la France ne peut pas imposer à elle seule une régulation de l’ensemble des marchés financiers.
Oui, l’Europe apparaît comme une construction complexe et n’est comparable à aucune autre, notamment pas à la Chine ni aux États-Unis. Au sein même de l’Union, les pays ne se sont pas construits sur le même modèle : ainsi, notre démocratie, fondée sur une tradition jacobine, héritée de la Révolution, ne présente pas le même degré de décentralisation que l’État fédéral allemand.
M. Jean Arthuis. Pas encore !