M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ils ont la mémoire des dernières années !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Une mémoire immédiate !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Francis Delattre. Ils savent pertinemment qu’en 1982 ils ont surtout eu du mal à changer de voiture ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
La TVA sociale serait, nous dites-vous, une absurdité sociale et économique.
Est-il absurde de financer les branches famille et maladie par des recettes provenant de la TVA plutôt que par les cotisations salariales ? S’agit-il vraiment, comme vous le prétendez, d’une atteinte au contrat social instauré par le programme du Conseil national de la Résistance ? Il me semble que la remise en cause du quotient familial est une atteinte bien plus rude à ce contrat !
Ce n’est pas chambouler l’ensemble de notre système de protection sociale que de le financer en utilisant les recettes issues de la TVA ! Comme vous l’avez d’ailleurs rappelé à juste titre, madame Bricq, il ne s’agit pas d’une mesure inédite : une dizaine de milliards d’euros provenant de la TVA servent d’ores et déjà à financer des projets purement sociaux.
Vous avez asséné – et avec quelle assurance ! – que l’annonce de la création de 100 000 emplois était une fiction. Selon les études dont vous disposez, qui semblent pour le moins hétéroclites, mieux vaudrait prévoir la suppression de 40 000 emplois et la création de 10 000 emplois tout au plus. Je vous trouve bien sûre de vous ! En réalité, il est très difficile d’avancer des chiffres en matière de création d’emplois.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Dans ce cas, soyez plus modeste, et ne parlez pas de 100 000 emplois !
M. Francis Delattre. Je rappelle que le Gouvernement cible les emplois les plus « délocalisables », ceux qui relèvent de l’industrie et de sa logistique.
Selon les rapports et les économistes, les chiffres sont souvent contradictoires. Ceux de Mme la ministre du budget valent bien les vôtres, madame la rapporteure générale, et nous pouvons en accepter l’augure !
Vous avez tenté de nous expliquer que l’augmentation du coût du travail pourrait avoir un effet bénéfique sur l’emploi. Cette démonstration a contrario est un peu compliquée !
En réalité, tout ce qui peut favoriser l’emploi doit être essayé. Nous sommes en effet aux prises, depuis des années, avec un chômage structurel lourd, et il ne faut pas oublier que, avec cette réforme, le but est non pas d’obtenir directement la création d’emplois, mais de redonner de la compétitivité aux entreprises. Une entreprise plus compétitive, qui exporte davantage, fera plus de bénéfices ; elle pourra donc embaucher, ou préserver ses emplois, et participer à la résorption de notre déficit commercial.
Contrairement à ce que certains orateurs nous ont expliqué, bien des marchés – et donc les emplois qui vont avec ! – se gagnent dans une fourchette de 1 %.
Vous avez ajouté, à raison, que le coût du travail n’était pas le seul critère permettant de mesurer la compétitivité de nos entreprises. Nous en sommes d’accord ! Il reste que, dans une économie ouverte, le coût du travail n’est pas un élément complètement neutre. Dans le contexte économique européen, nous ne devons pas traiter cette question en considérant la seule situation de notre principal concurrent et partenaire, l’Allemagne. Il faut comparer le niveau français et celui de la moyenne de la zone euro, car ce sont aujourd’hui l’Espagne et l’Italie qui nous prennent des parts de marché. Dans ces deux pays, qui se situent peu ou prou dans la moyenne européenne, le coût horaire de la main-d’œuvre se situe entre 25 et 28 euros, tandis qu’en France, il varie de 32 à 33 euros.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Le travail gratuit, ce serait mieux !
M. Francis Delattre. Il est vrai que, dans le domaine industriel, les coûts du travail, en France et en Allemagne, sont assez voisins. Il n’est cependant pas inutile de rappeler que, en 1996, la compétitivité de notre pays était supérieure à celle de l’Allemagne. Notre déclin industriel est parfaitement concomitant avec la mise en place des 35 heures dans les entreprises à forte croissance.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste ! Utile rappel !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le raisonnement est un peu court ! Revoyez vos lectures !
M. Francis Delattre. En 2009, l’ensemble des prélèvements obligatoires assis sur le travail représentaient près de 23 % du PIB en France, contre 20 % en moyenne pour les pays de l’Union européenne. Cela mérite réflexion !
Plutôt que de stigmatiser le coût du travail, vous recommandez, madame Bricq, d’agir sur le triptyque « magique » : éducation, formation, innovation. Certes, mais plutôt que de s’en remettre à des slogans quelque peu usés...
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’éducation, cela n’a rien d’usé !
M. Francis Delattre. ... et à un triptyque qui s’apparente à l’enfoncement de portes ouvertes, le parti socialiste devrait revoir le contenu des réformes du quinquennat.
Jamais l’innovation n’a été autant soutenue en France, grâce au crédit d’impôt recherche, aux pôles de compétitivité, au grand emprunt destiné à soutenir les investissements d’avenir, au soutien budgétaire sans précédent de l’enseignement supérieur et à son rapprochement d’avec le monde de l’entreprise, sans parler du développement prioritaire des formations en alternance et de l’apprentissage. Voilà tout de même des réalités concrètes et reconnues !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Absolument !
M. Roland du Luart. Très bien !
M. Francis Delattre. Quid aussi de l’article 8 de ce collectif budgétaire, qui vise justement à développer encore davantage les formations en alternance, par le biais d’un renforcement du dispositif d’incitation à l’égard des entreprises, et qui devrait conduire, à terme, à l’embauche de plus de 250 000 jeunes supplémentaires en alternance ?
À nos collègues qui ont parlé avec beaucoup d’emphase des inégalités dans notre pays, je réponds que la principale inégalité réside peut-être dans le fait de ne pas pouvoir accéder à une formation permettant d’obtenir un emploi durable.
Enfin, je veux dire un mot de la taxation des transactions financières. Le Parti socialiste, qui estimait voilà trois mois qu’il était urgentissime de l’instaurer, considère aujourd’hui qu’il est trop tard…
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Oui, monsieur Delattre, il est trop tard : votre temps de parole est écoulé !
M. Francis Delattre. Tout le monde sait que le Président de la République a défendu cette taxation dans toutes les enceintes internationales : le G8, le G7 et le G20.
Aujourd’hui, on la critique en montrant ce qui se fait à la City. Mais la City est à Londres, pas à Paris ! Si l’on veut expérimenter cette taxation tout en assurant l’attractivité de la place de Paris, il n’est peut-être pas inutile d’alourdir tout de suite le taux.
Mme Bricq a aussi exprimé la crainte que la mise en place de cette taxation ne puisse nuire aux débats européens.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Voilà bien des questions dont il aurait fallu débattre. Mais on veut empêcher la discussion de se poursuivre !
M. Francis Delattre. Ces débats, paraît-il, accoucheront prochainement d’un dispositif susceptible de rapporter environ 54 milliards d’euros aux pays de la zone euro. Mais cette perspective n’est pas du tout incompatible avec le fait d’adopter aujourd’hui le dispositif proposé, d’autant que nous sommes tous d’accord pour reconnaître qu’il sera expérimental !
À titre personnel, j’oserai dire qu’une taxe européenne pourrait apporter, enfin, une véritable ressource propre à un malheureux budget européen qui en est pratiquement dépourvu. Le Parlement européen aurait alors toute sa justification dans le vote de ce budget !
De surcroît, ce budget européen pourrait être sollicité davantage pour financer, comme nous le souhaitons tous, des actions dirigées vers l’innovation et la croissance.
Madame Bricq, il serait utile que vous renonciez à déployer un tel écran de fumée. Car je ne crois pas que la mise en place de cette taxation signifie autre chose que la volonté d’expérimenter un dispositif permettant de ménager la possibilité de solutions positives ultérieures ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Il serait temps de conclure !
M. Francis Delattre. En réalité, le plus intrigant dans la discussion de cette motion destinée à empêcher l’examen et le vote du projet de loi de finances rectificative est le mauvais sort que le parti socialiste – parti européen, paraît-il – réserve au Mécanisme européen de stabilité, ainsi que la manière dont notre contribution à la stabilisation de la zone euro est présentée par Mme Bricq : comme une ineptie juridique !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Là, vous exagérez ! Concluez !
M. le président. Mon cher collègue, je pense qu’il vous faut effectivement conclure.
M. Francis Delattre. La France doit contribuer à ce mécanisme à hauteur de 16,3 milliards d’euros en cinq ans.
Toutefois, afin de s’assurer que le MES disposerait des ressources lui donnant un effet de levier suffisant, la contribution française au titre de l’année 2012 a été portée à 6,5 milliards d’euros. (Marques d’impatience croissante sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Il sera question de ce mécanisme la semaine prochaine. Pas ce soir !
M. Francis Delattre. Ce dispositif amorce une véritable protection des États de la zone euro contre la spéculation, ainsi qu’une véritable assistance financière entre ces États.
Ne pas le voter est un reniement par rapport aux prises de position réitérées de nombreux dirigeants socialistes, à commencer par celle de Mme Élisabeth Guigou, hier encore, dans Le Monde !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En effet, c’est incroyable !
M. le président. Mon cher collègue, il faut maintenant conclure.
M. Francis Delattre. Au même moment, à propos de ce mécanisme, M. Mélenchon parle de capitulation… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Hors sujet !
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas l’objet de ce débat !
M. Francis Delattre. … tandis que M. Cohn-Bendit dénonce l’hypocrisie sans nom que constitue le fait de s’abstenir sur une telle avancée ! (Protestations sur les mêmes travées.)
M. le président. Mon cher collègue, si vous ne concluez pas, je vais être obligé de vous interrompre.
M. François Marc. Monsieur Delattre, respectez le règlement ! Carton rouge !
M. Francis Delattre. On comprend la méfiance des Français à l’idée qu’une telle coalition puisse être en charge des affaires du pays… Les Français ne se laisseront pas prendre aux douceurs – des poisons, en vérité ! – d’une union de façade, dont le ciment n’est qu’un anti-sarkozysme assez basique ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Excellente conclusion ! Nous voulons débattre !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur le président, madame la rapporteure générale, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à saluer Mme la présidente de la commission des affaires sociales… J’ai omis de la mentionner tout à l'heure parce que je ne la voyais pas, toute discrète qu’elle était à l’extrême gauche de cet hémicycle !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Comme d’habitude ! Et avec beaucoup de fierté !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je ne m’exprimerai pas très longtemps, Francis Delattre ayant excellemment présenté notre position. Au demeurant, Mme Bricq a elle-même été particulièrement brève.
Je regrette que le Sénat n’engage pas un débat de fond sur ces mesures. Aujourd’hui, en effet, je crois que la question de la compétitivité mériterait un débat projet contre projet, en tout cas action contre projet.
J’observe que l’objectif d’une baisse du coût du travail ne fait pas consensus à gauche puisqu’un certain nombre de ténors de la gauche ont pris position en faveur d’une baisse du coût du travail compensée par une TVA sociale.
J’aurais aimé que ce débat ait lieu et je regrette que la majorité sénatoriale veuille l’éviter. Mais peut-être y a-t-il en son sein un petit malaise sur cette question…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Pas du tout !
M. Claude Haut. Et chez vous, il n’y a pas de malaise ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. J’aurais aimé que nous puissions débattre du fond de cette belle réforme, mise en œuvre au Danemark et en Allemagne, et de toutes les questions dont Francis Delattre a parlé : la compétitivité de notre économie et la baisse du coût du travail, mais aussi la Banque de l’industrie, l’apprentissage, nos engagements européens et la taxe sur les transactions financières, cette taxe que vous vouliez tant instaurer à l’automne dernier, madame Bricq…
Vous avez choisi de présenter une motion tendant à opposer la question préalable. Je regrette cette stratégie d’évitement du débat. Mais le Parlement est souverain et le Gouvernement se pliera à la décision de votre assemblée.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous voulons débattre !
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Le débat sur le projet de loi de finances rectificative s’est concentré sur une seule mesure, introduite de façon tout à fait improvisée : la TVA sociale. Ceux qui ont participé à ce débat ont bien fait de se déplacer, car ils ont entendu monts et merveilles à son sujet ! En effet, nos collègues de l’opposition sénatoriale se sont évertués à dire tout le bien qu’ils en pensent. Pourtant, pendant des années, le Gouvernement n’a cessé de répéter qu’une telle mesure serait prématurée, inefficace, voire nocive !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Et M. Valls, pourquoi a-t-il évolué ?
M. François Marc. Monsieur le président de la commission des finances, ce qui est marquant, c’est qu’au cours des cinq dernières années nous avons entendu dans cet hémicycle cinq discours différents. Je vais vous rappeler les trois principaux d’entre eux.
D’abord, on nous a dit : il faut baisser les impôts. De fait, ce principe a connu quelques traductions au début du quinquennat.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Pour les riches !
M. François Marc. Ensuite, on a dit : il ne faut pas augmenter les prélèvements obligatoires. On a vu ce qu’il est advenu de ce principe… Au cours de la période récente, comme il a été rappelé, les prélèvements obligatoires ont été sensiblement augmentés !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Et la crise ?
M. François Marc. Le troisième discours, monsieur le président de la commission des finances, madame la ministre, consiste à dire : il faut augmenter les impôts !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il faut réduire les dépenses !
M. François Marc. Augmenter les impôts, c’est bien ce qu’on est en train de faire puisque, après avoir augmenté le taux réduit de la TVA, on en augmente aujourd’hui le taux normal !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et la réduction des charges sociales ?
M. François Marc. Ce qui nous distingue profondément, c’est que vous suivez la logique libérale à l’œuvre partout en Europe. Elle consiste à privilégier les assiettes larges en agissant sur la TVA, à pressurer les consommateurs et à s’appuyer sur les catégories modestes pour se procurer des recettes fiscales. Au même moment, en revanche, on facilite la vie des plus aisés et on réduit l’impôt progressif !
Alors que vous préférez augmenter un impôt proportionnel qui pèse sur toutes les catégories sociales, notamment sur les plus modestes, nous n’avons eu de cesse d’affirmer que, lorsqu’il faut trouver des recettes fiscales, c’est sur l’impôt progressif qu’il faut agir, de manière que ceux qui peuvent payer plus soient sollicités davantage !
Cette ligne de clivage majeure entre nous se manifeste une nouvelle fois dans le débat d’aujourd’hui.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Un débat que vous refusez !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Débattre, nous le voudrions bien !
M. François Marc. Le présent projet de loi de finances rectificative apporte une nouvelle illustration tout à fait claire de notre opposition idéologique en matière de fiscalité.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Et ce n’est pas fini !
M. François Marc. Il comporte une mesure d’affichage faisant partie de la plate-forme politique que le candidat Sarkozy a commencé de présenter au pays. Il s’agit d’introduire dès aujourd’hui une mesure à vocation clientéliste, destinée à prouver que ce candidat s’occupe des entreprises, des industries, des PME, etc. Or on sait parfaitement que la politique conduite depuis cinq ans dans ce domaine a été un fiasco ! Mes collègues l’ont démontré de différentes façons cet après-midi.
M. Francis Delattre. Ils n’ont rien démontré du tout !
M. François Marc. Et ce constat vaut aussi en matière de compétitivité, de déficit extérieur, de coût du travail, entre autres.
Madame la ministre, vous avez répété, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012, qu’il y avait en France une seule politique possible. Nous ne sommes absolument pas d’accord ! Nous estimons qu’il y a plusieurs politiques possibles et nous voulons, nous, privilégier celle qui vise à une plus grande justice fiscale.
Ce n’est pas ce choix que reflètent le projet de loi de finances rectificative et, en particulier, la décision d’instaurer la TVA sociale. Aussi considérons-nous que la motion présentée par la rapporteure générale mérite d’être votée par le plus grand nombre d’entre nous.
Il n’est pas acceptable que les plus modestes soient sollicités à chaque instant, et c’est bien ce à quoi aboutira cette TVA sociale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en quelques mots, je souhaite une fois encore expliquer le point de vue des membres du groupe CRC.
Bien entendu, nous ne pouvons que nous féliciter de la prise de position de la majorité de la commission des finances qui l’a conduite à déposer cette judicieuse motion tendant à opposer la question préalable sur le projet de loi de finances rectificative pour 2012.
Ce collectif, malgré un louable désir de vérité sur les prix, marqué par la révision à la baisse de la prévision de croissance, est surtout un scandaleux plan de rigueur, fait de suppressions de crédits à peine votés par le Parlement et de nouvelles lignes de crédits exclusivement adossés à la hausse continue de la dette publique. Et ce pour quoi faire ?
Revenons quelques instants sur la question de la TVA dite « sociale ».
Madame la ministre, vous aurez beau, selon un sempiternel refrain, nous présenter la baisse des cotisations sociales des entreprises comme un allégement du coût du travail, il convient, à notre sens, de redonner aux choses leur juste nom. En réalité, alléger le coût du travail revient de facto à priver les salariés de notre pays d’une partie de leur revenu !
Qu’on le veuille ou non, dès lors que vous diminuez le salaire « socialisé » que constituent les cotisations sociales, abusivement qualifiées de « salariales » ou « patronales », au lieu d’« alléger le coût du travail », pour reprendre votre formulation, vous privez bel et bien les salariés d’une partie de leur rémunération, celle qui, jusqu’à nouvel ordre, permet de payer des retraites, de solder des jours de congé maladie, de financer un congé de formation, de verser des allocations familiales ou des aides au logement. De fait, au lieu d’alléger le coût du travail, madame la ministre, vous ne faites qu’accroître l’exploitation des salariés de ce pays !
Et, pour faire bonne mesure, la TVA va « prendre l’ascenseur » ! Ainsi, dès lors que l’on déplace le financement de la sécurité sociale de l’usine ou du bureau vers la pompe à essence ou la caisse du supermarché, c’est le salarié qui, une fois privé de son salaire « socialisé », paiera la facture lors du moindre de ses achats. Avec votre hausse de la TVA, un plein d’essence, c’est de fait du pouvoir d’achat en moins !
Permettez-moi, à cet instant, de citer un certain Maurice Lauré, dont je vous rappelle pour mémoire qu’il fut le père fondateur de la TVA : « Le recours à une TVA sociale destinée à gommer les coûts salariaux […] serait une mesure aussi dangereuse que vaine. »
Comme nous avons eu l’occasion de le souligner, figure également en bonne place dans ce collectif budgétaire l’ouverture d’une ligne de crédits de plus de 16 milliards d’euros, apport de notre pays au capital d’une nouvelle société de droit luxembourgeois, dont la nature doit encore être précisée.
Je vous fais remarquer au passage que la question de la ratification du traité sur le MES a d’ores et déjà suscité suffisamment de tensions pour provoquer l’organisation d’élections législatives anticipées dans l’un des pays de l’Euroland : la Slovaquie.
En vérité, on propose aux parlementaires français non pas de développer la solidarité entre les pays de la zone euro – on aurait pu s’en préoccuper un peu plus tôt, par exemple dès le début de l’incendie de la crise des dettes souveraines –, mais bel et bien de créer les conditions d’une mise sous tutelle de tous les budgets et de toutes les politiques publiques de l’ensemble des pays de la zone euro, le seul impératif étant le maintien de la parité de la monnaie unique.
Cette austérité sans rivages, imposée par des technocrates et des financiers à tous les peuples des pays de la zone euro, quel qu’ait pu être leur choix politique, nous n’en voulons ni maintenant ni demain !
Mes chers collègues, que se passera-t-il demain si, comme on le pressent, le peuple grec renvoie à leurs chères études ceux-là mêmes des dirigeants politiques discrédités qui viennent de signer avec les autres argentiers de la zone euro la mise sous tutelle de leur pays ?
Que se passera-t-il si les Grecs, ayant compris que la règle d’or était surtout une férule, disent tout simplement non à l’avenir de sacrifices qu’on leur promet pour vingt ou trente ans ?
Comme il nous semble bien plus important de soutenir les peuples plutôt que les banquiers, nous ne pouvons que voter la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur quelques travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 5, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de finances rectificative.
En application de l'article 59 du règlement, il va être procédé à un scrutin public dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 107 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 166 |
Pour l’adoption | 174 |
Contre | 157 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi de finances rectificative est rejeté.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est bien regrettable !